NOTES DE POLITIQUES POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE Juillet 2016 The World Bank SOMMAIRE NOTE DE CHAPEAU – MESSAGES CLÉS 2 Notes individuelles 1. PAUVRETÉ ET INÉGALITÉ 15 2. POLITIQUE BUDGÉTAIRE AU BÉNIN 25 3. ADMINISTRATION PUBLIQUE ET GOUVERNANCE 35 4. AGRICULTURE ET FONCIER RURAL 48 5. FILIERE COTON 55 6. ÉNERGIE 61 7. EAU ET ASSAINISSEMENT 69 8. ÉDUCATION 75 9. SANTÉ, NUTRITION, POPULATION 83 10. FILETS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET INCLUSION SOCIALE 90 11. DIVIDENDE DÉMOGRAPHIQUE AU BÉNIN 94 12. L’EMPLOI AU BÉNIN 103 13. LE GENRE 109 14. COMPETITIVITÉ 118 15. INTEGRATION REGIONALE ET SYNERGIES INTERSECTORIELLES 125 DANS LE SECTEUR DES INFRASTRUCTURES AU BENIN 16. TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION 137 1 Messages clés de la série de notes de politique économique pour la nouvelle administration béninoise Juin 2016 Contexte et objectif Le Bénin vient de vivre une transition réussie vers la démocratie, avec l’élection d’un nouveau président et la mise en place d’un nouveau gouvernement. Malgré une croissance économique se plaçant parmi les plus fortes de la région, le pays doit faire face à de nombreux défis tant à court qu’à moyen termes. La situation budgétaire s’est détériorée en 2015 et 2016, la crise énergétique continue et la campagne agricole a été inadéquatement préparée. Ceci dans un contexte où la pauvreté a augmenté et le sous-emploi des jeunes est une source de préoccupation non seulement sur le plan économique mais également social. La Banque mondiale a offert, du fait de sa connaissance du pays (suite à une collaboration de plus de 20 ans) et de son expérience internationale, d’aider la nouvelle administration à mieux exploiter les forces du Bénin, et aussi à remédier à ses faiblesses. L’idée était de stimuler le débat et la prise de décisions par le truchement de la publication de 16 notes de politique économique. Cette démarche avait déjà été adoptée dans d’autres pays en développement et appliquée avec succès. Pour faciliter leur lecture, toutes les notes ont été rédigées en suivant une même structure, à savoir le contexte, les défis et les recommandations à court et moyen termes. Elles comportent huit pages au maximum. Dans chaque note, le nombre de défis et de recommandations a été volontairement limité de manière à diriger l’attention des décideurs politiques sur l’essentiel. Une mise en garde est toutefois nécessaire. Si ces notes présentent un ensemble de défis auxquels doit faire face l’économie béninoise, elles n’ont pas la prétention de faire un diagnostic détaillé de tous les problèmes. De même, les recommandations doivent être envisagées comme des points de réflexion pour alimenter la nouvelle stratégie préparée par les autorités et le futur programme d’assistance du Groupe de la Banque mondiale. C’est pourquoi le lecteur ne trouvera pas ici un effort délibéré de priorisation ou d’identification de financement indispensable au développement et à la mise en œuvre d’un plan d’action. Croissance et pauvreté : Le bilan contrasté de ces dernières années Au cours des cinq dernières années, le taux de croissance moyen annuel de 5,2 % de l’économie béninoise a été le plus élevé dans l’histoire récente du pays et a dépassé la moyenne au sein de l’UMEOA. Cette bonne performance résulte à la fois d’une politique budgétaire relativement prudente (jusqu’à la mi-2014), de conditions climatiques favorables qui ont permis l’essor du secteur agricole et la rapide expansion de son voisin le Nigéria. Le pays a 2 aussi fait des progrès pour revitaliser son secteur privé en améliorant son classement dans le rapport Doing Business de la Banque mondiale. Toutefois, cette croissance économique relativement rapide ne s’est pas traduite par une réduction de la pauvreté. Au contraire, l’incidence de la pauvreté monétaire a augmenté, passant de 36,1 % en 2011 à 40,1 % en 2015, alors qu’elle avait faiblement diminué entre 2006 et 2011. Cette augmentation de la pauvreté est due, entre autres, à la forte croissance démographique, qui a continué d’atteindre 3,5 % par an – soit une des plus fortes du continent africain. La croissance moyenne annuelle du PIB par habitant a été de seulement 1,7 % durant le quinquennat, taux insuffisant pour avoir un impact positif significatif sur le niveau de pauvreté. Au-delà du facteur démographique, l’augmentation de la pauvreté au cours de ces dernières années (il existe aujourd’hui 1,3 million de pauvres de plus qu’en 2006) ne manque pas d’être relevée. La première explication à cet état de fait provient du manque de création d’emplois productifs pendant cette période. Si la majorité de la population béninoise travaille, un grand nombre est confiné dans le sous-emploi ou dans des activités à faible productivité, donc à faible rémunération. Environ la moitié de la population active travaille dans le secteur agricole (52,6 %). Le commerce constitue le deuxième secteur le plus important avec 21,4 % de personnes actives occupées, tandis que les services et la production ne concernent que 12,9 % des emplois. Le travail indépendant est prédominant et s’élève à environ 70 %. Les travailleurs familiaux et les apprentis non rémunérés représentent plus de 20 % des travailleurs. Le secteur salarié reste de faible ampleur puisqu’il n’occupe que 16,4 % des travailleurs. Parmi ceux-ci, 30 % seulement sont employés par le secteur formel (soit environ 5 % de l’emploi au total) alors que tous les autres salariés participent à l’économie informelle. Le Bénin n’a pas encore réussi à accélérer sa transformation structurelle qui aurait dû, comme dans les pays émergents, générer des gains de productivité dans les secteurs traditionnels et un déplacement des travailleurs vers les secteurs modernes à plus forte productivité. Au cours de la dernière décennie, la part de l’emploi total dans l’agriculture a stagné autour de 50 %, alors que la productivité de ce secteur n’a augmenté que très faiblement selon les indicateurs de la Banque mondiale. En comparaison, pendant la même période, le Vietnam a indiqué une chute de 18 % de l’emploi dans l’agriculture et des gains de productivité agricole deux fois supérieurs à ceux du Bénin. En d’autres termes, le Bénin n’a pas réussi à rendre ses agriculteurs plus productifs ou à les déplacer vers des activités plus productives dans les villes du pays. Une autre explication au manque de réactivité de la pauvreté à la croissance économique se trouve dans le déficit des infrastructures. La crise énergétique que vit le pays – avec des « blackouts » presque totaux tous les dix jours – en est la preuve la plus visible. Des déficits existent aussi dans les secteurs du transport, de l’eau et de l’assainissement et des communications. Ces déficits sont le résultat d’une politique d’investissement public (et de maintenance) sous-optimale du fait que la dépense publique en capital est de 5 % du PIB au- dessous de la moyenne par rapport aux pays de l’UEMOA, qui sont eux-mêmes éloignés des normes observées dans les pays émergents. Ce désengagement de l’État n’a pas été compensé par une plus grande participation du secteur privé. 3 En dépit de la performance plus que mitigée en matière de réduction de la pauvreté, le Bénin a réussi à accroître plusieurs indicateurs sociaux qui ont amélioré les conditions de vie de nombreux ménages et pourraient influencer positivement la croissance économique du pays à plus long terme. Des avancées significatives ont été réalisées en ce qui concerne l’accès à l’éducation à tous les niveaux du système. À titre d’exemple, en 2014, le taux brut de scolarisation (TBS) a atteint 122 % au niveau de l’éducation primaire. Dans le secteur de la santé, le Bénin a en partie résolu l’enjeu de l’accessibilité géographique aux services de santé avec plus de 85 % de la population proche d’un centre de santé (moins de 5 km). En outre, le pays est parvenu à stabiliser l’épidémie de VIH/sida, avec une prévalence estimée à 1,2 % en 2011 ; de même, le pourcentage d’enfants de moins de 5 ans dormant sous une moustiquaire a fortement augmenté, passant de 20 % en 2006 à 73 % en 2014. Il faut tout de même souligner que, tant au niveau de l’éducation qu’à celui de la santé, des défis importants restent à relever. Pour ce qui est de l’éducation, ces défis portent sur la qualité, l’équité, la gestion et le pilotage du système. En ce qui concerne la santé et la nutrition, les taux de mortalité maternelle (347) et des enfants de moins de 5 ans (115) sont restés très élevés, et le mécanisme moderne de protection sociale développé par l’État s’est révélé très limité. Principales priorités dégagées par les notes Améliorer le bilan contrasté de la performance économique du Bénin est l’objectif du nouveau Gouvernement. Cette ambition passe par le besoin de remédier aux contraintes structurelles identifiées ci-dessus, à savoir : i) la forte croissance démographique ; ii) le manque de création d’emplois productifs ; et iii) les déficits importants en infrastructures. Elle passe également par la nécessité de se concentrer sur les avantages comparatifs naturels du Bénin, y compris sa situation géographique à proximité du grand marché nigérian, sa position de passerelle vers la mer pour les pays enclavés situés au nord, et son potentiel agricole important. Elle passe en outre par la nécessité de corriger les chocs internes et externes qui ont fragilisé le pays au cours de ces derniers mois. Parmi les chocs internes, la forte détérioration de la situation budgétaire mérite une attention particulière. En effet, le déficit des comptes de l’État s’est fortement creusé et pourrait atteindre presque 10 % du PIB à la fin de 2015 lorsque les arriérés seront pris en compte. La dette publique a également fait un bond, avec une hausse de plus de 10 points de pourcentage du PIB au cours des 12 derniers mois. L’usage de contrats préfinancés (avec la garantie de l’État) ont aussi augmenté les risques budgétaires. La crise énergétique dans le pays s’est fortement aggravée, alors que le lancement de la campagne cotonnière a mis à contribution les caisses de l’État. En bref, comme l’ont bien compris les nouvelles autorités, il est important et urgent de rétablir la solidité des comptes de l’État. Les chocs externes se sont multipliés, à commencer par le fort ralentissement de l’économie nigériane et la baisse des prix du coton (1/3 de l’exportation du pays) sur les marchés internationaux. Ces chocs négatifs n’ont été qu’en partie compensés par la baisse du prix du pétrole. Cette vulnérabilité devra être prise en compte par les décideurs politiques du pays. 4 Dans ce contexte, les notes de politique économique portent l’attention successivement sur le besoin 1) de rétablir la stabilité macroéconomique et d’améliorer l’espace fiscal ; 2) d’accroître la disponibilité des infrastructures de qualité et l’accès aux marchés régionaux et internationaux ; 3) d’améliorer le climat des affaires ; 4) d’accélérer le développement des ressources humaines ; et 5) de promouvoir la technologie et l’innovation dans les secteurs productifs. Ce sont les défis que le Gouvernement du Bénin devra relever pour espérer accroître les taux d’investissement et améliorer la productivité des facteurs de façon à réaliser des taux de croissance permettant au Bénin d’obtenir le statut de pays à revenu intermédiaire, dans les 10 ou 15 prochaines années. Rétablir la stabilité macroéconomique et budgétaire et renforcer l’espace fiscal Le premier défi que le Gouvernement doit relever est de rétablir la stabilité des comptes de l’État. L'environnement macroéconomique s’est détérioré de manière significative au cours de la période précédant les élections législatives et présidentielles de 2015 et 2016. En effet, depuis le début de l’année 2015, un fort accroissement du déficit budgétaire et hors budgétaire est noté, qui a entraîné une augmentation substantielle de la dette publique, qui est passée de 30,9 % du PIB à la fin de 2014 à 40,1 % à la fin de 2015, et est projetée à presque 50 % du PIB à la fin de 2016. De sérieuses préoccupations existent au sujet de la transparence et de la responsabilité dans les marchés publics relatifs à l’utilisation de contrats de préfinancement pour exécuter de grands projets d’infrastructure. En outre, les situations financières des secteurs du coton et de l’énergie restent peu transparentes et pourront être sources de problèmes budgétaires pour l’État. Le second défi, structurel celui-ci, porte sur la mobilisation des ressources pour réaliser les dépenses en infrastructures, indispensables à la croissance, et pour faire face aux besoins sociaux d’une population qui double presque tous les 20 ans, tout en maintenant les équilibres macroéconomiques. Pour ce faire, il y a lieu d’améliorer l’espace fiscal, c’est-à-dire : a) accroître le revenu fiscal ; b) améliorer l’efficacité et l’efficience de la dépense publique ; c) mettre en œuvre les réformes nécessaires pour solliciter davantage de dons et de prêts concessionnels, pour renforcer l’accès aux marchés financiers local, régional ou international, et pour améliorer la participation du secteur privé au financement des infrastructures publiques. Les actions à court et moyen termes portant sur le renforcement de l’espace fiscal sont expliquées dans la présente note. De plus, la note portant sur l’administration publique et la gouvernance fournit des orientations à court et à moyen termes assez détaillées pour accroître l’efficience au niveau de la fonction publique et rendre plus efficace la gestion des finances publiques. À court terme, les autorités doivent :  Procéder à un audit des contrats de préfinancement et commanditer une étude sur les avantages, les risques et les options alternatives en rapport avec la méthode de « préfinancement » de l’investissement public ;  Lancer un audit en rapport avec les emprunts obligataires de plus de 550 milliards de FCFA en 2015 sur le marché financier régional, et commanditer une étude sur la gestion de trésorerie de l’État ; 5  Analyser l’impact budgétaire des interventions de l’État dans les secteurs de l’énergie et du coton. Mettre en place des infrastructures de qualité et améliorer l’accès aux marchés Intégration régionale accélérée. L’objectif de la note sur l’intégration régionale et les synergies sectorielles est de fournir des éléments au Bénin pour qu’il puisse adopter une nouvelle vision du développement du secteur des infrastructures économiques reposant sur l’interaction ou la coopération i) avec ses voisins et les organisations régionales et sous régionales ; ii) entre les différents secteurs ; ou iii) sur des procédés produisant un effet combiné supérieur à la somme de leurs effets séparés. Selon cette vision, les infrastructures pour la connexion, l’intégration et la transformation du Bénin devraient être planifiées, construites et entretenues afin de soutenir la prestation de services de qualité adéquats favorisant une croissance durable et inclusive. Il serait important de traiter le déficit en matière d’infrastructures, qui entrave sérieusement la compétitivité du Bénin, non pas comme un programme à vocation purement nationale, mais en intégrant les réseaux de transport, d’énergie, des technologies de l’information et de la communication (TIC) et des ressources en eau à différents niveaux et en cherchant des moyens de synergies réalisées par le biais de divers facteurs, tels que l’augmentation des revenus, le talent combiné, la technologie ou la réduction des coûts. Pour transformer la façon dont elles conduisent l’investissement dans les infrastructures, les autorités béninoises doivent résoudre trois questions connexes : 1) Comment l’interaction ou la coopération du Bénin avec ses voisins dans des domaines spécifiques d’infrastructures pourrait- elle produire un effet combiné supérieur à la somme de ses effets séparés ? 2) Comment le Bénin pourrait-il bénéficier de l’efficacité accrue qui se fait jour lorsque les secteurs d’infrastructure distincts sont planifiés, coordonnés, financés, mis en œuvre et évalués ensemble pour parvenir à des résultats communs de développement durable ? 3) Comment le Bénin pourrait-il bénéficier de l’interaction des éléments logiciels et matériels dans l’infrastructure afin de produire un effet total supérieur à la somme des contributions individuelles de ces éléments ? Énergie. Comme pour la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, le secteur énergétique du Bénin est dominé par l’utilisation de sources d’énergie traditionnelles. L’utilisation de produits traditionnels de la biomasse tels que le bois énergie et le charbon de bois représente environ 49 % de la balance énergétique du Bénin. La majeure partie de cette biomasse est utilisée de manière non durable et contribue au déclin accéléré de la couverture forestière. En ce qui concerne l’électricité, son utilisation est limitée à 2,95 millions de personnes, soit 31 % de la population. Dans ce domaine, le Bénin fait face depuis ces dernières années à une crise énergétique caractérisée par des délestages intempestifs qui entravent le développement économique du pays. La consommation en électricité en 2014 s’est élevée à 996 GWh, et la plus grande partie de la charge émanait de la zone côtière autour de Cotonou, la capitale du Bénin. En 2014 la consommation moyenne des ménages s’élevait à 1,3 MWh par an. Depuis une vingtaine d’années, la demande en électricité est en augmentation constante, à concurrence de 7 % par an. La majeure partie de la demande d’électricité provient des ménages. Dans le secteur industriel, l’utilisation de l’électricité est limitée à quelques industries (denrées 6 alimentaires agricoles, coton, textiles, produits pharmaceutiques et ciment). En 2014, la consommation industrielle représentait environ 20 % de la demande totale en électricité. L’accès limité à l’électricité a un impact négatif sur la croissance économique du pays. La demande actuelle en électricité dépasse de loin la production nationale et la différence est comblée par une importation qui représente plus de 90 % de la consommation nationale. Le recours à la production de secours à partir de groupes Diesel est une solution à court terme qui présente l’inconvénient d’augmenter le coût du mix de production et le déséquilibre financier du secteur. Il faut donc trouver une solution à ce problème, par une bonne planification et le recours aux moyens de production de moindre coût tels que l’hydroélectricité, la production au gaz, au fuel lourd et les énergies renouvelables. Outre la problématique d’approvisionnement, les réformes du secteur, au niveau des lois et textes, ainsi qu’au niveau de la gestion des sociétés d’électricité, s’avèrent nécessaires pour assainir le cadre juridique et réglementaire et pour encourager la participation du secteur privé. De plus, l’augmentation de l’accès aux énergies modernes telles que l’électricité et le gaz domestique aussi bien en zones urbaine que rurale, demeure une priorité. Les mesures recommandées à court terme concernent :  La finalisation et l’adoption d’un programme d’investissement sur la base du plan directeur ;  La conclusion d’un accord avec Contour Global (CG) au Togo, pour accéder à une partie de la capacité non utilisée de leur centrale, permettant ainsi d’arrêter la location des groupes Diesel dont le coût de production d’environ 200 F CFA/kWh pèse sur les finances de l’État et la trésorerie de la SBEE ;  L’apurement des arriérés de l’État vis-à-vis de la SBEE et ceux de la SBEE vis- à-vis de la CEB ;  L’opérationnalisation de l’autorité de régulation du secteur de l’électricité en lui donnant les moyens de mener sa mission ;  La réforme de la SBEE par la refonte du conseil d’administration, qui devra comprendre des cadres compétents et expérimentés, ainsi que le recrutement d’un nouveau directeur général par appel à candidature, et la mise en place d’un contrat de performance. Technologies de l’information et de la communication. Les technologies de l’information (TIC) constituent un puissant levier de création de richesse. Comme démontré dans le nouveau World Développent Report (WDR 2016), le Bénin a le potentiel de devenir un centre régional de transport de données grâce à ses deux accès aux câbles sous-marins et à sa situation géographique stratégique. En ce qui concerne le segment mobile, le marché est très compétitif et possède encore de bonnes potentialités de croissance. Plus de 9 millions de SIM actives ont été recensées au deuxième trimestre 2015 pour une population d’environ 10,3 millions d’habitants, soit une pénétration d’environ 86 %. Contrairement au marché mobile et malgré une forte croissance, le taux de pénétration de l’Internet reste très faible et son accès coûteux. Le 7 nombre d’abonnés à Internet a dépassé la barre des 2 millions en juin 2015, avec un taux de pénétration de presque 20 %. L’Internet mobile représente l’essentiel (près de 98 %) du marché total de l’Internet au Bénin. Le marché du téléphone fixe, quant à lui, reste embryonnaire. Bénin Télécoms, opérateur historique et seul fournisseur de ce segment, a déclaré environ 173 300 abonnés fixes au total en juin 2015, soit une pénétration de 1,65 %. En outre, il existe au Bénin un vivier non négligeable de jeunes entrepreneurs prêts à créer et à innover lorsque l’accès aux TIC sera véritablement universel. Pour ce faire, il est nécessaire de poursuivre le processus de changement entamé ces dernières années, à travers des investissements appropriés dans le secteur Telecom et TIC, comme indiqué dans la note sur les technologies de l’information. Le Bénin peut également améliorer l’efficacité de ses filières agricoles en développant des applications TIC adéquates à toutes les étapes de la chaîne de valeur. La Banque mondiale est prête à accompagner l’État dans ce processus de modernisation de l’économie béninoise, à travers la fourniture et l’usage de services fondés sur les TIC. Les mesures recommandées à court terme portent sur :  Le repositionnement stratégique de Bénin Télécom SA, qui passe par l’ouverture de capital à des partenaires privés de qualité ;  La mise à niveau du cadre juridique et réglementaire sur la société de l’information ;  L’adoption d’une stratégie nationale du haut débit. Cette stratégie permettra de mieux coordonner les interventions dans ce domaine et d’optimiser les investissements. Améliorer le climat des affaires L’économie béninoise est caractérisée par une faible compétitivité qui se traduit par une productivité tout aussi faible, et en conséquence des rendements économiques faibles pour les investissements. Elle est également caractérisée par une présence massive du secteur informel qui représente 57 % du PIB et près de 90 % des emplois. Au-delà des caractéristiques du pays, ce secteur informel est surtout favorisé par l’état de l’environnement général des affaires au Bénin. Le cadre réglementaire et administratif à travers lequel l’État béninois interagit avec l e monde des entreprises est généralement perçu comme inadéquat, dépassé ou inopérant. En effet, le Bénin fait piètre figure dans la plupart des enquêtes menées auprès des entreprises, y compris dans l’Indice de la compétitivité mondiale (Global Competitiveness Index, GCI), le rapport Doing Business (DB), le Global Enabling Trade Index (ETI) et l’Indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International (TI). Le GCI, qui a une large base de répondants, classe le Bénin 119e sur 144 pays, avec une note de 3,6 sur 7, qui tend à se détériorer au cours de ces dernières années. Dans l'ensemble, malgré des progrès enregistrés récemment sur certains indicateurs du rapport Doing Business, l’environnement des affaires reste très peu favorable à l’investissement et au développement des entreprises. L’indicateur d’exécution des contrats est emblématique des faibles performances du Bénin en termes de qualité de l’environnement des affaires. L’insécurité légale endémique qui sévit au Bénin contribue significativement à la faible compétitivité de 8 l’économie béninoise. Cette situation se reflète dans les faibles performances du Bénin sur cet indicateur du rapport Doing Business : le Bénin se classe, en effet, 168e sur 189 pour l’« Exécution des contrats » (DB 2016). En outre, le coût et l’accès à l'électricité, par exemple, sont une contrainte au développement des entreprises la plus citée par les opérateurs économiques. Comme preuve, l’indicateur Accès à l’électricité du rapport Doing Business classe le Bénin 179e sur 189 économies. Finalement, le faible accès au financement est une contrainte majeure pour le développement du secteur privé. Les raisons de ces difficultés de financement sont liées à des facteurs qui relèvent de l’offre et de la demande de crédit mais aussi du cadre institutionnel. Pour remédier à ces problèmes, le Gouvernement doit à court terme prendre les actions suivantes :  Mettre en place une politique de généralisation du statut de l’entrepreneur de l’OHADA, mis en œuvre dans la ville de Cotonou, dont l’objectif visé est de faciliter la migration des entrepreneurs opérant dans le secteur informel vers le secteur formel ;  Adopter et promulguer le Projet de loi modifiant et complétant la loi n° 2001-37 du 10 juin 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin et le Projet de loi modifiant et complétant la loi n° 2008-07 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en République du Bénin ;  Adopter le projet de loi portant cadre juridique du Partenariat public-privé en République du Bénin et mettre en place et rendre opérationnel le mécanisme de gestion des PPP ;  Faciliter la fourniture de garantie en rationnalisant les fonds de garantie nationaux et régionaux ;  Élaborer une stratégie de développement du secteur financier qui permettra d’apporter des solutions intégrées aux problématiques multiformes qui affectent le développement du secteur et l’accès au financement. Renforcer les ressources humaines Éducation. Le Bénin a réalisé des progrès significatifs en matière d’accès à l’éducation à tous les niveaux du système, mais d’importants défis demeurent en termes de qualité, d’équité, de gestion et de pilotage du système. En effet, le taux brut de scolarisation (TBS) a progressé, augmentant de 2,8 % en 2004 à 12,7 % en 2014 au niveau préscolaire, et de 97,8 % à 122 % au niveau primaire au cours de la même période. La participation des filles a connu la même tendance. Au niveau secondaire général, le TBS a presque doublé au 1er cycle, passant de 37,8 % en 2004 à 70,8 % en 2014, et a presque triplé au 2e cycle, passant de 12,8 % à 37,1 % pendant la même période. En ce qui concerne l’enseignement technique et la formation professionnelle, le nombre d’étudiants pour 100 000 habitants a doublé, mais comparé à l’enseignement général, il ne représentait que 1,6 % en 2014 avec la majorité des inscriptions dans les filières administratives de gestion (75,9 % en 2014). Au niveau de l’enseignement supérieur, les effectifs ont presque triplé entre 2004 et 2014, plaçant le Bénin en tête des pays africains à niveau de 9 développement économique comparable, avec près de 1 080 étudiants pour 100 000 habitants en 2011. Cependant, le chemin est encore long pour que le Bénin atteigne l’objectif d’enseignement primaire universel, le taux d’achèvement à ce niveau (TAP) étant de 79,2% en 2015. En termes de qualité de l’éducation, les résultats des évaluations conduites sur les connaissances des élèves n’indiquent aucune amélioration significative depuis 2005 et démontrent que la majorité des élèves ne possède pas les connaissances minimums requises dans les disciplines fondamentales (français et mathématiques). La forte croissance des effectifs d’élèves du niveau primaire exerce une forte pression sur les inscriptions d’élèves des autres niveaux d’enseignement. L’insertion des étudiants diplômés du système sur le marché du travail est difficile du fait d’un marché caractérisé par une concentration d’emplois dans le secteur informel et par une étroitesse du secteur de l’emploi moderne pour personnes qualifiées. Du point de vue de l’équité, des disparités de scolarisation tant du point de vue genre, milieu de résidence, niveau de vie et localisation géographique existent dès le niveau préscolaire et ont tendance à se creuser de façon sensible au fur et à mesure que l’on évolue dans le système. En termes de gestion et de pilotage, des incohérences persistantes sont notées dans l’allocation des ressources humaines et matérielles : le Bénin fait partie des pays « champions » en matière de mauvaise gestion des ressources humaines avec un degré d’aléas de 52 % dans la répartition des enseignants. La gestion pédagogique constitue également une des faiblesses du système dans la mesure où la comparaison des résultats des diverses écoles et des moyens dont elles disposent révèle une absence totale de relation entre ces deux éléments. Pour corriger ces insuffisances, les actions à mener dans le délai d’un an par niveau d’enseignement sont les suivantes :  Au niveau préscolaire, il apparaît nécessaire d’améliorer de façon significative la couverture qui est d’environ 12,5 % ;  Au niveau de l’enseignement primaire, il est nécessaire d’améliorer la couverture dans les communes ou régions qui présentent encore des taux bas en termes de TBS et de TAP ;  Au niveau de l’enseignement secondaire, l’urgence est de réduire les redoublements et d’améliorer l’efficacité des dépenses, en particulier des dépenses de personnel ;  Au niveau de l’enseignement technique et professionnel (ETFP), au regard de la prépondérance des filières administratives et commerciales (75,9 % des effectifs en 2014), il y a lieu de : a) proscrire la création de nouveaux établissements publics à vocation administrative et commerciale ; et b) renforcer le cadre juridique de l’apprentissage dual ;  Au niveau de l’enseignement supérieur (ES) il est nécessaire de revoir la réglementation en matière de bourses et de secours en introduisant des éléments sociaux dans les critères d’attribution et des quotas de répartition par établissement et par filière, en fonction des besoins de l’économie, afin de 10 favoriser l’orientation des étudiants vers les filières prioritaires pour le développement du pays. Santé. Il convient d’améliorer les résultats en matière de santé, notamment celle des femmes et des enfants, et l’état nutritionnel des populations du Bénin pour favoriser une croissance plus inclusive et rompre le cycle intergénérationnel de la pauvreté. Le Bénin a en partie résolu l’enjeu de l’accessibilité géographique aux services de santé avec plus de 85 % de la population proche d’un centre de santé (moins de 5 km). Mais malheureusement, ces progrès ont été trop lents pour pouvoir atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), notamment ceux concernant la santé infantile, néonatale et maternelle. Les taux de mortalité maternelle (347) et des enfants de moins de 5 ans (115) sont restés très élevés. En outre, seulement 41 % des enfants de moins d’un an étaient complètement vaccinés en 2014 contre 40 % en 2006 ; uniquement 41 % des personnels de santé étaient formés pour dispenser des soins prénataux en 2013. Les principaux défis pour le système de santé demeurent : 1) le manque de responsabilité des structures de santé et des personnels de santé ; 2) la faiblesse des mécanismes de protection financière des ménages contre le risque de maladie ; 3) la méconnaissance du problème multidimensionnel de la malnutrition ; 4) le faible pouvoir de prise de décision et de contrôle des ressources par les femmes ; et 5) la faiblesse des systèmes de surveillance des maladies (animale et humaine). Pour faire face aux défis dans ce secteur, le Gouvernement pourrait :  Renforcer les mécanismes existants visant à améliorer la performance du système de santé (à l’instar du financement basé sur les résultats) ;  Mettre en œuvre un dispositif crédible de protection financière face au risque de maladie ;  Renforcer les mécanismes décentralisés et nationaux de coordination multisectorielle visant à améliorer la nutrition des enfants et des femmes ;  Renforcer le pouvoir de prise de décision et de contrôle des ressources par les femmes ;  Renforcer les systèmes de surveillance des maladies humaine et animale. Protection sociale. Des efforts importants ont été fournis par le Gouvernement ces dernières années en vue de rationaliser l’action publique en faveur de la protection sociale et de la réduction de la vulnérabilité. Le Bénin a élaboré et adopté en 2014 une Politique holistique de protection sociale. De même, une méthodologie unique d’identification des personnes les plus pauvres pour les programmes de protection sociale a été élaborée et adoptée. Cette méthodologie vise à harmoniser les pratiques de ciblage et d’identification des personnes les plus pauvres d’un programme à l’autre, et à construire progressivement un registre social unique. De même, des avancées importantes ont été faites pour mettre progressivement en place le Régime d’assurance maladie universelle (RAMU) dont la loi a été votée par le Parlement en décembre 11 2015, et qui est actuellement en cours de vulgarisation. D’importantes mesures de gratuité de services d’éducation et de soins de santé ont été prises également. En outre, quelques autres filets sociaux sont actuellement testés dans le cadre de la mise en œuvre du Projet de services décentralisés conduits par les communautés, notamment les transferts monétaires inconditionnels et les travaux publics à haute intensité de main-d’œuvre, et dans le cadre du Projet de renforcement de la performance du système de santé qui, à travers l’approche du financement basé sur les résultats, promeut l’accès gratuit aux soins de santé pour les personnes pauvres. Pour qu’une grande proportion des personnes vulnérables puisse bénéficier du financement des programmes de protection sociale, cette question doit être réglée mais demeure un défi majeur. Une grande partie de la population est toujours privée de l’accès aux services sociaux de base. La demande sociale en matière d’infrastructures de base dans les secteurs de l’éducation, de l’eau potable et de l’assainissement augmente de façon exponentielle avec la croissance démographique. De même, les dépenses publiques consacrées aux filets sociaux de sécurité (excluant les subventions générales) ne représentaient que 0,3 % du PIB et 1,1 % des dépenses totales en 2011, dont les deux tiers étaient financés par des bailleurs internationaux. Au regard de ces constats, les recommandations ci-après sont présentées au Gouvernement béninois :  La finalisation de la mise en place de la base de données des ménages les plus pauvres du Bénin est une étape cruciale pour l’instauration d’un système de protection sociale ;  La définition d’une stratégie claire de financement dans la durée de programmes nationaux de protection sociale est un préalable important ;  La mobilisation des ressources propres est importante, mais peut s’avérer insuffisante. Promouvoir la technologie et l’innovation dans les secteurs productifs Agriculture et secteur foncier. Le secteur agricole représente un levier important pour la transformation économique du Bénin. Il contribue à hauteur de 23 % en moyenne au PIB, de 75 % à 90 % aux recettes d’exportation, de 15 % aux recettes de l’État et fournit environ 47 % des emplois. Le Bénin dispose d’un potentiel agricole non encore pleinement exploité. Des atouts existent du point de vue climatique (zones agroécologiques favorables), des superficies cultivables et des ressources en eau de surface et souterraines. Malgré ces atouts importants et en dépit des efforts consentis, les performances du secteur agricole demeurent modestes. La croissance agricole est de l’ordre de 4 % par an, à peine supérieure au taux de croissance démographique de 3,5 %, et la productivité stagne. Il est indispensable d’inverser cette tendance et d’amorcer une transformation structurelle de l’agriculture béninoise en mettant l’accent sur 1) l’amélioration de la gouvernance et de l’environnement institutionnel du secteur, y compris la restructuration du sous-secteur du coton qui est la seule filière la mieux organisée à l’heure actuelle ; 2) la diversification des produits d’exportation et la promotion de la transformation agroalimentaire ; 3) l’amélioration du système de recherche et de transfert de technologies pour l’amélioration de la productivité et de la valeur ajoutée ; 4) l’amélioration de l’accès aux intrants 12 (semences, engrais, pesticides, etc.), aux marchés de produits agricoles et au financement par le biais de réformes courageuses ; 5) une incitation aux investissements agricoles grâce à une sécurisation des droits et des transactions sur la terre ; et 6) une gestion durable des ressources naturelles (foncier rural, eau, forêts) au regard des défis liés aux changements climatiques. Au regard des principaux défis et enjeux énumérés ci-dessus, il est important de privilégier à court terme les actions suivantes :  Évaluer la mise en œuvre du PSRSA et préparer un nouveau plan stratégique de transformation de l’agriculture béninoise ;  Finaliser la réforme de la filière coton pour insuffler un nouveau dynamisme au secteur ;  Définir une politique nationale de qualité et procéder à la rationalisation du dispositif institutionnel de contrôle de qualité qui s’insère dans la politique régionale de qualité (ECOQUAL) mise en place au niveau de la CEDEAO ;  Poursuivre la mise en œuvre de l’Agence nationale des domaines et du foncier et prendre les dispositions adéquates pour lui permettre de commencer à fonctionner ;  Adapter des modes d’enregistrement des droits fonciers et des transactions au contexte et aux capacités locales. Coton. Au Bénin, le coton représente près de 30 % des exportations et contribue, en termes de valeur ajoutée, à environ 6 % de la formation du PIB. Le coton constitue l’activité économique principale de plus 300 000 ménages et procure un revenu monétaire à près de 2,5 millions de personnes au Bénin, soit 25 % de la population béninoise. Le revenu du coton crée également des effets multiplicateurs dans le transport, l’artisanat, le commerce et la construction. Sur le plan industriel, le coton représente environ 60 % du tissu industriel local à travers les usines d’égrenage, les unités de trituration de graines de coton et une usine de fabrication de coton hydrophile. Les réformes appliquées à la filière du coton au Bénin ont eu pour fondement le transfert au secteur privé associatif et commercial, les activités de production, de transformation, de commerce et la gestion de la filière. Les crises successives qu’a connues la filière, dans un contexte international marqué par la baisse tendancielle des cours de la fibre, n’ont pas permis de créer les conditions favorables pour garantir son évolution soutenue au profit des producteurs, dans une perspective de réduction de la pauvreté ; la production a évolué en dents de scie. Les diverses mesures prises par le Gouvernement après la crise de 2012 ont permis d’engendrer une certaine remontée de la production. Par un récent décret, le nouveau gouvernement est revenu sur le mode de gouvernance dans le secteur qui prévalait avant la crise de 2012, et qui donne la prépondérance aux acteurs privés. Les défis pour préserver et développer durablement le coton béninois sont nombreux et complexes. En dehors des contraintes externes contre lesquelles il est difficile d’agir, telles que l’évolution des cours internationaux, la concurrence avec les fibres synthétiques, il est important que l’État béninois revoie complètement le cadre global de gestion de la filière coton afin de corriger les dysfonctionnements internes. Il est donc indispensable de 13 procéder à une réforme devant déboucher sur un mode de gestion durable et une gouvernance participative de la filière, gage d’une performance accrue et d’une meilleure distribution des retombées. Pour prendre en compte ces problèmes, les actions suivantes sont recommandées :  Il est impérieux que l’État joue pleinement son rôle régalien tel que préalablement défini et reconnu par tous ;  Il faudra convoquer des états généraux sur la filière coton pour ouvrir un dialogue inclusif sur la filière ;  l’État doit s’impliquer dans les actions de recherche et d’encadrement des acteurs en vue de l’amélioration de la productivité au champ, notamment en ce qui concerne l’élaboration d’un programme de recherche avec forte implication des acteurs, la révision du calendrier des semis afin de l’adapter aux nouvelles conditions climatiques, la création de variétés de coton répondant aux normes internationales de qualité et aux exigences des acteurs de la filière, la mise au point de nouveaux itinéraires techniques, notamment au niveau de la mécanisation et des programmes de traitement phytosanitaire, le renforcement de capacités du personnel de la recherche sur le coton biologique, l’amélioration des techniques de récolte, de stockage et du système de classement du coton graine. Conclusion et prochaines étapes Bien qu’à peu près complète, cette liste de notes de politique économique n’est pas exhaustive. Plusieurs secteurs prioritaires méritent une attention particulière, comme les risques climatiques, l’aménagement du territoire, la gestion du foncier ou la pêche. Cette collection de notes de politique économique doit être comprise comme une étape et non comme une finalité. Les notes s’inscrivent dans une démarche plus globale qui est d’identifier les mesures critiques qui permettront au Bénin de devenir un pays émergent dans un avenir rapproché. Dans ce contexte, elles doivent alimenter le processus de réflexion entamé par le Gouvernement dans le but de définir son plan national de développement pour les années à venir. Ces notes ne sont aussi qu’une première étape dans l’assistance que se propose de fournir la Banque mondiale. Elles seront suivies d’un diagnostic systématique du pays, puis d’une élaboration du CPF. 14 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 1 SUJET À TRAITER : PAUVRETÉ ET INÉGALITÉ MESSAGE PRINCIPAL Le Bénin, pays côtier de l’Afrique de l’Ouest de dix millions sept cent mille habitants, jouit d’une position géographique à même de lui assurer une croissance économique forte pouvant entraîner une baisse conséquente de la pauvreté. La lutte contre la pauvreté a été au cœur des politiques de développement, surtout depuis le renouveau démocratique des années 1990. Cette volonté s’est inscrite dans les programmes successifs élaborés dans les documents de stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté. Néanmoins, la pauvreté a évolué de façon erratique ces dernières années, malgré une croissance forte d’environ 5,2 % en moyenne de 2011 à 2015, s’établissant à 40,1 % en 2015. La maîtrise de la croissance démographique, la transformation structurelle de l’économie, et la mise en œuvre de politiques de développement axées sur la croissance inclusive et l’équité sont entre autres des facteurs susceptibles d’influencer la courbe de la pauvreté et des inégalités dans le pays. INDICATEURS PRINCIPAUX ÉVOLUTION DE L’INCID ENCE DE PAUVRETÉ NATIONALE (%) DEPUIS 2006 2006 2007 2009 2011 2015 Milieu urbain 35,4 28,0 29,8 31,3 35,8 Milieu rural 38,8 36,0 38,4 39,7 43,6 Homme 36,2 38,0 40,2 Femme 30,4 27,6 39,7 Bénin 37,5 33,0 35,2 36,2 40,1 ÉVOLUTION DES INÉGALITÉS SELON LE SEXE DU CHEF DE MÉNAGE Milieu urbain 0,524 0,464 0,468 0,452 0,467 Milieu rural 0,481 0,416 0,396 0,373 0,403 Homme 0,467 0,469 0,472 Femme 0,467 0,441 0,454 Bénin 0,530 0,472 0,469 0,464 0,470 Source : INSAE, EMICoV 2006-2015 15 CONTEXTE TENDANCE DE LA PAUVRETÉ AU COURS DES DIX DERNIERES ANNÉS L’incidence de la pauvreté monétaire1 est analysée par rapport au seuil national. Après avoir enregistré une baisse de 2,3 points de pourcentage entre 2006 et 2009, l’incidence de la pauvreté monétaire n’a pas augmenté de façon significative puisqu’elle est passée de 35,2 à 36,2 % entre 2009 et 2011. En 2015, la proportion de personnes pauvres est passée à 40,1 %, en augmentation de 3,9 et 4,9 points par rapport à 2011 et 2009 respectivement. Cette hausse s’est non seulement accompagnée d’une aggravation de l’écart des pauvres par rapport au seuil de pauvreté mais aussi d’une poussée des inégalités entre ces derniers. Bien que l’aggravation de la pauvreté soit plus accentuée en milieu urbain qu’en milieu rural, depuis 2009, le phénomène est beaucoup plus présent en milieu rural où entre 38,4 % et 43,6 % de personnes sont concernées contre 29,8 % à 35,8 % de la population urbaine. Au niveau régional, l’existence de fortes disparités persiste encore, la pauvreté a augmenté de 2006 à 2011 dans quatre départements : Atacora, Collines, Couffo et Zou. Dans les départements des Collines, du Couffo et du Zou, la pauvreté semble avoir augmenté davantage au cours de la période 2006-2009 qu’au cours de la période 2009-2011. Seul le département du Mono a connu une baisse de la pauvreté durant la période 2009-2011, passant de 46,5 % en 2009 à 43,5 en 2011. Bien que la pauvreté ait baissé dans le Mono entre 2009 et 2011, elle demeurait inquiétante en 2011. Par rapport à l’année 2011, la proportion de personnes pauvres a augmenté dans la quasi-totalité des départements du Bénin en 2015. Seul le littoral (Cotonou) a vu son incidence baisser légèrement (-0,15 %), tandis que la proportion de la population pauvre dans les autres départements a augmenté de 1,13 % à 7,17 %. De plus, en 2015, plus de la moitié des départements (7) ont une incidence de pauvreté supérieure à la moyenne nationale. Les départements les plus pauvres sont respectivement : le Mono (46 %), les Collines (47,20 %), et le Couffo (49,3 %). Par contre, les cinq autres départements ont une incidence de pauvreté qui se situe au- dessous de la moyenne nationale, le littoral et l’Ouémé étant de douze points au moins au-dessous du niveau national. Au niveau régional, il est également noté une accentuation de l’éloignement des pauvres de la ligne de pauvreté, ainsi que des inégalités entre ces derniers. L’incidence de pauvreté mesurée au seuil international de 1,90 dollars É.-U. par jour en parité de pouvoir d’achat (2011 PPP) demeurait élevée en 2011 (53,1 %). En 2015, la situation ne s’est 1 L’incidence de pauvreté monétaire est fonction d’un indicateur de niveau de vie, des dépenses de consommation par tête, et d’ un seuil de pauvreté absolu calculé selon la méthode du Coût des besoins essentiels (CBE). 16 pas pour autant améliorée, puisque la moitié de la population était pauvre selon le même seuil international. De ce fait, il convient de noter que le panier de biens utilisé par le Bénin pour son seuil de pauvreté date de 1986 et nécessite une révision. De même, la ligne de pauvreté nationale utilisée au Bénin reste l’une des plus faibles de la sous-région. En 2015, le seuil par habitant était de 140 808 francs CFA contre de 120 839 francs CFA en 2011, tandis qu’au Togo voisin par exemple, ce seuil était en 2015 de 344 408 francs CFA contre 323 388 francs CFA en 2011. Tendance de la pauvreté non monétaire2 depuis 2006 La pauvreté non monétaire focalisée sur les conditions d’existence a connu une tendance à la baisse continue et conséquente depuis 2006. De 44,1 % en 2006, elle s’est établie respectivement à 30,1 % et 29,4 % en 2011 et 2015 respectivement. Elle est plus accentuée en milieu rural où elle s’est dégradée entre 2011 et 2015 en passant de 32,9 % à 35,9 %. À ce niveau également, il est à noter d’importantes disparités régionales durant la période. En 2015, les 12 départements sont partagés de part et d’autre de la moyenne nationale, mais le différentiel atteint 27 points entre l’Atacora (45,2 %) et l’Ouémé (14,0 %). Plus spécifiquement, l’analyse des composantes de la pauvreté non monétaire3 est plus intéressante. Ainsi, environ 7 ménages sur 10 ont accès à l’eau potable (72,1 % selon l’enquête MICS4 2014), tandis qu’une proportion marginale dispose d’un système d’assainissement ou d’un mode d’évacuation approprié des ordures, des eaux usées et autres déchets. Toujours selon le MICS 2015, l’accès à l’électricité reste encore limité, puisque seulement 34,1 % des ménages sont concernés, sans compter les coupures intempestives du courant électrique sur toute l’étendue du territoire. Quant à la qualité du logement, la même enquête révèle que seulement la moitié des ménages (52,7 %) dispose de murs finis, le tiers (35,3 %) de toit fini et les deux tiers (66,3 %) de sol fini. Il ressort de ce qui précède que l’accès à l’électricité et la qualité des logements sont encore dérisoires, surtout en milieu rural. Malgré l’effort du Gouvernement et de ses partenaires de développement, les indicateurs de l’éducation et de la santé doivent encore s’améliorer tangiblement. Ainsi, le taux d’alphabétisation des jeunes varie entre 43,9 % (femmes) et 59,6 % (hommes) tandis que le taux net de fréquentation de l’école est de 74,9 % pour le niveau primaire et de 44,0 % pour le niveau secondaire. 2 L’approche non monétaire est fondée sur un indice composite de niveau de vie établi sur la base des conditions d’habitation et du patrimoine des ménages et qui traduit l’ampleur des privations en termes de confort général du logement, de possession de bie ns durables et d’hygiène. 3 Cette analyse de la situation des composantes de la pauvreté non monétaire est sommaire car la présente note est introductive, et une note spécifique est consacrée aux différents aspects relatifs à l’accès à l’eau potable, à l’énergie, à l’éducation, à la santé, au transport, etc. 4 Enquête par grappes à indicateurs multiples, 2014. 17 De même, malgré les divers programmes de gratuité, les indicateurs d’accès aux soins de santé restent moyens ou faibles, surtout une fois encore en milieu rural. Par exemple, au niveau national, le taux de mortalité infantile était de 665 décès pour 10 000 naissances vivantes, et le taux de mortalité infanto-juvénile de 1 152 pour 10 000 naissances vivantes. ÉVOLUTION DES INÉGALITÉS Les inégalités existent non seulement entre pauvres et non pauvres mais aussi parmi les pauvres. L’indice de Gini qui mesure dans le cadre de la présente note l’inégalité des dépenses de consommation par personne et qui varie entre 0 et 1, est l’indicateur le plus répandu même s’il existe tout un arsenal d’indices développés par les chercheurs. Au plan national, même si les inégalités dans la distribution des dépenses de consommation des ménages sont demeurées stables entre 2011 et 2015, passant de 0,464 à 0,470, ce taux constitue tout de même un niveau relativement assez élevé. Les inégalités sont toujours plus marquées en milieu urbain qu’en milieu rural. Ainsi, en milieu urbain, l’indice de Gini a augmenté de 0,015 point en passant de 0,452 à 0,467 durant la période tandis qu’il a augmenté deux fois plus en milieu rural (0,03 point) en passant de 0,373 à 0,403 en milieu rural pendant la même période. Ces chiffres dénotent plus d’homogénéité dans les dépenses de consommation en milieu urbain par rapport au milieu rural. L’évolution spatiale des inégalités indique de fortes différentiations entre départements. Les inégalités de dépenses par personne sont plus fortes pour le Borgou (0,499), l’Ouémé (0,485), les Collines (0,460) et faibles dans les départements de l’Atlantique (0,345) et du Plateau (0,375). Par rapport à 2011, les inégalités se sont plus accentuées dans les départements du Zou (0,115 point), des Collines (0,082), du Couffo (0,058) et de l’Alibori (0,053). L’inégalité entre les départements contribue à environ 92 % des inégalités au niveau national. Les déséquilibres spatiaux représentent donc un déterminant avéré de la pauvreté, notamment en milieu rural. De ce fait, les mesures de politique doivent intégrer la question des disparités entre départements pour plus d’équité dans l’allocation ressources destinées au développement socioéconomique durable du pays. La croissance économique n’a pas été en faveur des pauvres entre 2011 et 2015 puisque la pauvreté et les inégalités dans les milieux urbains et ruraux ont augmenté. Pourtant, l’analyse de la dynamique de la pauvreté entre 2006 et 2009 avait déjà mis en exergue la faible contribution de la croissance à la réduction des inégalités et avait souligné le risque d’une résurgence de la pauvreté. Plus particulièrement, dans le secteur de l’agriculture vivrière, la croissance n’a pas été favorable aux pauvres puisque seuls les ménages pauvres du premier décile ont connu une amélioration de leur niveau de vie. Cette perte d’efficience de l’économie, et en particulier du secteur agricole, est un facteur qui explique le niveau relativement élevé de la pauvreté au Bénin, en particulier dans le secteur agricole caractérisé par une faible productivité et donc une production agricole dépendant seulement d’une augmentation des superficies emblavées. 18 CARACTÉRISTIQUES DE LA PAUVRETÉ AU BÉNIN Le niveau d’éducation des chefs de ménages indique une forte corrélation avec la pauvreté. En effet, l’incidence de la pauvreté monétaire diminue de façon significative avec le niveau d’instruction du chef de ménage. En 2015, l’incidence de la pauvreté monétaire dans les ménages dont le chef n’a aucun niveau d’instruction est 1,2 fois plus élevée que dans les ménages où le chef a des connaissances de niveau primaire et 2,9 fois plus élevé que dans ceux dont le chef a des connaissances de niveau supérieur. Ceci traduit une aggravation de l’incidence de la pauvreté monétaire entre 2011 et 2015, quel que soit le niveau d’instruction du chef de ménage. Cette incidence a même augmenté davantage dans les ménages où le chef a le niveau supérieur (5,3 points) que dans les ménages où le chef n’a aucun niveau d’instruction (2,7 points). Il est apparu aussi clairement que le sexe du chef de ménage affecte d’une manière ou d’une autre la situation de pauvreté du ménage. Ainsi, la pauvreté monétaire touche plus les personnes vivant dans les ménages dirigés par les hommes alors que la pauvreté non monétaire affecte plus les personnes vivant dans les ménages dirigés par les femmes. Toutefois le constat diffère suivant la période d’observation considérée. Entre 2006 et 2011, le différentiel de pauvreté entre les ménages dirigés par des hommes (38,0 %) et ceux dirigés par des femmes (27,6 %) atteint 10,4 points. Cependant, les ménages dirigés par des femmes présentaient un risque plus élevé de basculer dans la pauvreté. Ceci explique certainement le fait qu’en 2015, l’incidence de pauvreté monétaire au niveau des ménages dirigés par les hommes était de 40,2 % contre 39,7 % pour ceux dirigés par les femmes. Ainsi, l’incidence de pauvreté n’a augmenté que de 2,2 points chez les hommes contre 12,1 points chez les femmes. En revanche, la pauvreté non monétaire touche environ 1,3 fois plus les ménages dirigés par les femmes que ceux dirigés par les hommes. Ceci pose l’épineuse question de l’accès des femmes aux moyens de production tels que les terres, le capital, etc. La structure de l’économie béninoise, caractérisée par une prédominance du secteur primaire, une industrie embryonnaire et un secteur tertiaire informel, explique la persistance de la pauvreté. La quasi-totalité des ménages entrant dans la pauvreté et de ceux qui y demeurent ont à leur tête des personnes qui travaillent dans le secteur informel et qui sont en situation de sous-emploi. Tandis que le taux officiel de chômage selon la définition du BIT est très bas (0,5 %), la pauvreté monétaire des personnes actives employées est relativement élevée (30,1 %). Ces taux sont plus élevés pour ceux qui travaillent dans l’agriculture (38,9 %) et l’agroalimentaire (31,2 %). Cette pauvreté touche davantage les femmes que les hommes. Ces faits démontrent que le marché du travail ne joue pas encore un rôle de réduction de la pauvreté, du fait d’un secteur informel prépondérant et du fort taux de sous-emploi. La taille du ménage a aussi une forte influence sur le niveau de bien-être des populations. En effet, les individus vivant dans les ménages de taille élevée sont plus touchés par la pauvreté monétaire que ceux vivant dans les ménages de petite taille. 19 En 2011, à peine un ménage de moins de trois personnes était pauvre, contre respectivement 12, 33 et 59 des 100 ménages parmi ceux de trois à quatre, cinq à sept et plus de huit membres. Quel que soit le statut du chef de ménage, la pauvreté a augmenté dans le même sens que la taille du ménage. Ainsi, pour un niveau moyen de pauvreté de 38,0 % chez les hommes, les ménages de plus de huit personnes comptaient 60,0 % de pauvres parmi eux tandis que les ménages de moins de cinq membres ne comptaient pas plus de 10,2 % de pauvres en leur sein. La situation était pratiquement identique en termes de tendance pour les ménages dirigés par des femmes : près la moitié de ceux qui avaient plus de huit membres étaient pauvres (48,0 %) tandis que ceux qui étaient composés de trois et quatre personnes connaissaient une incidence de l’ordre de 14,8 %. La tendance est la même en 2015. D’après le recensement général de la population et de l’habitation de mai 2013, le pays comptait environ dix millions d’habitants avec un taux de croissance moyen annuel estimé à 3,5 %. Cette forte croissance démographique s’est accompagnée d’une densification de la population (8 595 hbts/km2 à Cotonou par exemple) et par conséquent, d’une forte augmentation des besoins de la population majoritairement jeune (les moins de 15 ans représentent 47 %) que les moyens limités de l’Etat ajoutés à d’autres facteurs ne peuvent pas satisfaire. À ce rythme, le pays comptera plus de 22 millions d’habitants en 2050, et sera encore loin du sentier du dividende démographique dont les déterminants recoupent ceux de la pauvreté et des inégalités. D’où la nécessité d’une approche novatrice de planification familiale tenant compte des réalités socioculturelles du pays et mettant en exergue les avantages et potentiels qui s’offrent aux familles réduites sur la base de faits réels comparatifs issus de leur environnement. La majorité des pauvres exercent dans le secteur de l’agriculture (surtout vivrière), dont la productivité et les rendements ne permettent pas l’accroissement des revenus, et donc la satisfaction des besoins non alimentaires (soins de santé, éducation et autres), l’amélioration des conditions d’emploi et d’existence en milieu rural ainsi que la contribution du secteur à la croissance de l’économie nationale. En définitive, la dynamique de la pauvreté des ménages est influencée par les facteurs socioéconomiques ou démographiques suivants : le niveau de vie initial, le cycle de vie, le niveau d’instruction du chef de ménage, le sexe du chef de ménage, l’accès à l’emploi, la situation sur le marché du travail, la taille du ménage, le milieu de résidence, l’accessibilité économique aux biens sociaux (le logement, la santé, l’éducation, l’accès aux infrastructures, à l’énergie et la communication) et l’exposition aux chocs biophysiques et sociaux. CAUSES DE LA TENDANCE HAUSSIERE DE LA PAUVRETE Plusieurs raisons peuvent être à la base de cette évolution à la hausse de la pauvreté, malgré une croissance économique régulière observée ces dernières années. Parmi les causes éventuelles, il y a l’influence des décisions de politique économique et commerciale du Nigéria, pays destinataire d’environ 80 pour cent des importations du Bénin par le biais des réexportations informelles. Ainsi, le ralentissement de la croissance au Nigéria résultant de la baisse des prix mondiaux du pétrole a un impact sur la croissance au Bénin. Selon les estimations, le Bénin connaîtrait une 20 réduction de 0,2 à 0,3 pour cent de croissance pour chaque réduction de 1,0 pour cent de croissance au Nigéria. Or, le Bénin tire 85 pour cent de son pétrole du Nigéria et ce commerce informel occupe des centaines de milliers de travailleurs informels. Avec la suppression des subventions Nigérianes sur les produits pétroliers, la hausse des prix a considérablement réduit les marges bénéficiaires dans ce secteur. Ce qui a eu un effet direct et immédiat sur les conditions de subsistance et les taux de pauvreté de ceux qui vivent de ce secteur. C’est ainsi que la pauvreté a par exemple, fortement augmenté, à Adjarra, une petite localité près de la frontière du Nigéria, où ce commerce de produits pétroliers de « contrebande » est très développé, de 34,8 pour cent en 2011 à 50,4 pour cent en 2015, soit une augmentation de plus de 15,6 points de pourcentage. En ce qui concerne les causes endogènes, il y a tout d’abord la forte croissance démographique de 3,5% a limité la croissance par habitant et entravé l'impact de la croissance globale sur la réduction de la pauvreté. La croissance provient principalement des secteurs à forte intensité relative en capitaux comme les banques, les télécommunications et le port contrairement à d’autres secteurs tel celui de l'agriculture, qui emploie près de la moitié de la population active, mais n’a progressé que modérément à un rythme annuel de 4% par an. En outre, la croissance de l'agriculture a largement reposé sur une augmentation des surfaces emblavées et du travail, sans augmentation de la productivité. Du coup, le rendement du travail est demeuré constant, et n’a donc pas conduit à une augmentation des revenus. Il faut aussi noter que l'économie du Bénin très informelle, avec plus de 90% de la population active engagée dans des activités informelles, est également à très faible productivité et, partant, à bas salaire, très concurrentiel avec facilité d’entrée et de sortie. En outre, l'informalité débouche sur des niveaux très élevés de sous-emploi visible et invisible et par conséquent, ceci rend les moyens d'existence précaires. Le Bénin présente une dynamique de gouvernance qui permet la capture de rente par les élites, favorise les entreprises établies et bien connectés, où il est difficile pour les petites et moyennes entreprises de croître et de créer des possibilités d'emploi. Cela vaut pour le secteur du coton, où le contrôle du gouvernement a facilité la capture des rentes par l'élite au détriment des pauvres producteurs. La mauvaise gouvernance remarquée dans les dernières années de l'ancien gouvernement aurait un impact négatif sur la réduction de la pauvreté, comme l’a indiqué l'évaluation de la pauvreté de 2013 que la croissance économique n’est pas pro pauvre dans le sens de sortir les gens de leur situation de pauvreté. En outre, les réformes portuaires, qui ont permis d'améliorer l'efficacité du port et contribué à la croissance économique, ont néanmoins laissé sur le carreau un grand nombre de travailleurs informels qui sont employés dans diverses activités, surtout celles relatives au secteur d’importation de véhicules d’occasion. Ces travailleurs informels ont été contraints de chercher d'autres activités informelles augmentant ainsi davantage la concurrence dans le secteur informel et la baisse des salaires ou avantages. 21 Enfin, le ralentissement et les changements de politiques économiques au Nigeria ont entraîné une diminution des possibilités de commerce informel, tant dans le secteur pétrolier de contrebande que dans l'ensemble du secteur des biens de consommation (riz, poulet, huile comestible, vêtements usagés, etc.). Cela a mis une pression supplémentaire sur la baisse des revenus dans le secteur informel où les commerçants informels sont obligés de chercher d'autres possibilités. Avec des possibilités limitées, le secteur informel qui connaît déjà un environnement fortement concurrentiel et à faible productivité, devient encore plus difficile. Au regard de tout ce qui précède, quelques recommandations se dégagent afin de permettre au Gouvernement du Bénin d’inverser la tendance à la hausse de la courbe de pauvreté. Le décalage entre la croissance économique et la réduction de la pauvreté exige des réflexions approfondies dans le développement des choix de programmation du groupe de la Banque mondiale qui favorisera une économie plus formelle et plus productive ainsi que des options qui permettront aux ménages de bénéficier et de participer à une économie plus formelle et plus durable. MESURES RECOMMANDÉES À COURT ET MOYEN TERMES Cette note a présenté brièvement la situation de la pauvreté et des inégalités au Bénin pendant les dix dernières années. La situation de pauvreté a évolué de manière erratique ces dernières années ; l’incidence de la pauvreté a augmenté de 3,9 points entre 2011 et 2015 où elle s’établissait à 40,1%. À court et moyen termes, il importe d’améliorer les dispositifs de mesure, d’analyse et de suivi de la pauvreté, notamment la détermination du seuil de pauvreté (par la méthode du coût des besoins essentiels) afin de tenir compte de la structure actuelle de la consommation des ménages ainsi que des besoins calorifiques. La mise à jour du panier de biens assurera ainsi une meilleure appréciation des indicateurs de pauvreté et la prise de mesures adaptées. Toujours dans le cadre du renforcement de la capacité du Bénin à évaluer et suivre les progrès vers la réduction de la pauvreté et les objectifs de prospérité partagée par l'amélioration de la qualité des données, la Banque mondiale soutient déjà une nouvelle opération régionale visant à renforcer la capacité des pays membres de l’UEMOA à mener des enquêtes sur les conditions de vie qui répondent aux normes harmonisées, régionales et à rendre les micro-données collectées accessibles au public. La préparation de la phase pilote a démarré en février 2016 et la première enquête sera menée en 2017. La Banque envisage aussi réaliser une nouvelle évaluation de la pauvreté et de l'inégalité, note sur la géographie de la pauvreté sont prévues sur la base des enquêtes existantes. Les résultats de ces travaux analytiques serviront à informer le Diagnostic Systématique Pays (SCD). En outre, une cartographie dynamique de la pauvreté, et une étude sur l’engagement envers l'équité (CEQ) ainsi que des notes sectorielles spécifiques sur la pauvreté pourraient être planifiées sur la base des données de l’enquête de l'UEMOA à moyen terme. L'évaluation de la pauvreté vise à : i) contribuer à une meilleure compréhension des causes de la tendance erratique de la pauvreté, et de son augmentation entre 2011 et 2015 tandis que la 22 croissance économique a augmenté et est resté à une moyenne de 5%, ii) cibler le secteur agricole où la plupart des pauvres sont employés, avec un accent particulier sur l'emploi ou le sous-emploi dans le secteur informel, iii) et à identifier les domaines socio-économiques possibles où des interventions peuvent accélérer la réduction de la pauvreté et de l'inégalité. La note sur la géographie de la pauvreté vise à démontrer dans un cadre logique et cohérent comment la géographie (densité de population, l'agro-écologie, le climat, l'isolement, les conflits entre agriculteurs et éleveurs), la culture et le comportement peuvent spatialement influencer la pauvreté. Le CEQ vise à utiliser l'analyse d’incidence pour obtenir une image complète de l'effet redistributif des impôts et des dépenses du gouvernement suivant les méthodes mises au point par l'Institut CEQ. Cette analyse vise à : i) expliquer les liens entre les questions de redistribution et de réduction de la pauvreté monétaire par le biais de dépenses sociales, les subventions et taxes, ii) donner une estimation de l'effet global des dépenses publiques et de la fiscalité sur la répartition des revenus. Les cartes dynamiques de la pauvreté fourniront le profil de la pauvreté et des indicateurs ODD aux niveaux administratifs les plus bas, et de leur évolution entre 2011 et 2015. ANNEXE 1 : SOURCE DES DONNÉES : ENQUÊTES EMICOV DE 2006 À 2015 Cette note est basée essentiellement sur les Enquêtes modulaires Intégrées sur les conditions de vie des ménages (EMICoV) réalisées au Bénin entre 2006 et 2015. Le dispositif prévoit la réalisation d’une enquête de base (quatre passages de trois mois chacun) tous les 5 ans et, entre deux enquêtes de base, deux enquêtes de suivi. La première enquête de base a été réalisée en 2006-2007. Toutes ces enquêtes ont utilisé des questionnaires unifiés permettant la comparabilité. EMICoV est une enquête budget consommation qui couvre un échantillon de 18 000 à 22 000 ménages et est représentative de 77 communes du Bénin ; elle a produit des indicateurs de pauvreté pour les années 2006, 2007, 2009/10, 2011 et 2015. L’enquête MICS a été développée par l’UNICEF dans les années 1990 pour établir des indicateurs comparables au niveau international sur la situation des enfants et des femmes. 23 ANNEXE 2 : PAUVRETÉ NATIONALE (%) ET INÉGALITÉS PAR MILIEU ET RÉGION D EPUIS 2006 2006 2007 2009 2011 2015 Milieu urbain 35,4 28,0 29,8 31,3 35,8 Milieu rural 38,8 36,0 38,4 39,7 43,6 Alibori 42,9 43 35,7 36,3 39,9 Atacora 32,3 33 36,0 39,7 42,3 Atlantique 39,6 36 36,9 39,0 41,3 Borgou 39,1 39 28,9 31,5 38,6 Collines 36,1 31 44,2 46,1 47,2 Couffo 40,5 35 46,5 46,6 49,3 Donga 35,9 34 31,3 36,6 42,5 Littoral 30,3 26 23,9 25,9 25,7 Mono 37,2 27 46,5 43,5 46,8 Oueme 36,8 25 24,3 25,4 27,6 Plateau 40,4 35 32,7 36,0 37,3 Zou 37,6 32 41,2 41,5 42,8 Bénin 37,5 33,0 35,2 36,2 40,1 ÉVOLUTION DES INÉGALITÉS SELON LE SEXE D U CHEF DE MÉNAGE Milieu urbain 0,524 0,464 0,468 0,452 0,467 Milieu rural 0,481 0,416 0,396 0,373 0,403 Alibori 0,463 0,443 0,390 0,341 0,394 Atacora 0,406 0,385 0,403 0,390 0,436 Atlantique 0,452 0,433 0,430 0,468 0,345 Borgou 0,633 0,451 0,399 0,399 0,499 Collines 0,498 0,378 0,375 0,378 0,460 Couffo 0,439 0,367 0,380 0,350 0,408 Donga 0,489 0,454 0,410 0,365 0,414 Littoral 0,512 0,411 0,431 0,385 0,405 Mono 0,470 0,514 0,427 0,387 0,401 Oueme 0,417 0,444 0,397 0,414 0,485 Plateau 0,451 0,378 0,383 0,377 0,371 Zou 0,442 0,385 0,403 0,362 0,477 Bénin 0,530 0,472 0,469 0,464 0,470 Source : INSAE, EMICoV 2006-15 24 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 2 SUJET À TRAITER : POLITIQUE BUDGÉTAIRE AU BÉNIN MESSAGE PRINCIPAL Jusqu’à la fin de 2014, la gestion macroéconomique a été stable au Bénin. Cependant, depuis le début de l’année 2015, un fort accroissement du déficit budgétaire, et des dépenses extra budgétaires, a été relevé, entraînant une augmentation substantielle de la dette publique, qui est passée de 30,9 % du PIB à la fin de 2014, à 40,1 % à la fin de fin 2015, et est estimée à presque 44 % du PIB à la fin de 2016. Toutefois, le taux de croissance économique moyen annuel a lui aussi augmenté à 5,2 % au cours du dernier quinquennat (2011-2015), alors qu’il se situait seulement autour de 3,8 % durant les deux quinquennats précédents. Néanmoins, ce taux demeure insuffisant pour un pays dont la population croît à environ 3,5 % par an. Accélérer le taux de croissance nécessite des efforts supplémentaires afin d’accroître la dépense publique en capital au Bénin, qui a été inférieure à la moyenne observée dans l’UEMOA à hauteur de 5 % du PIB. Pour éliminer les contraintes à l’augmentation de la dépense en capital et faire face aux besoins sociaux, tout en maintenant les équilibres macroéconomiques, il y a lieu d’améliorer l’espace budgétaire, c’est-à-dire 1) d’accroître le revenu fiscal ; 2) d’améliorer l’efficacité et l’efficience de la dépense publique ; et 3) de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour solliciter davantage de dons et de prêts concessionnels, pour renforcer l’accès au marché financier local, régional ou international et pour améliorer la participation du secteur privé au financement des infrastructures publiques. CONTEXTE Déficit budgétaire. Les performances au niveau des équilibres macroéconomiques ont été encourageantes au cours de la décennie 2006-20145. En effet, bien que les recettes fiscales soient restées en moyenne à des niveaux relativement faibles (moins de 15 % du PIB)6, la dépense publique a été contenue en moyenne à 21 % du PIB (voir figure 1 ci-après). Le déficit des soldes globaux a donc été modéré (autour de 3% du PIB durant toute la période), à l’exception notable de 2009 et de 20157. De plus, ces déficits ont été essentiellement financés par des dons (entre 1 % et 2 % du PIB) et des prêts concessionnels extérieurs (en moyenne 3 % du PIB). Cependant, une augmentation substantielle du déficit public a été notée récemment. Ainsi, ce déficit est passé d’environ 3,0 % en 2014 à 8,5 % en 2015, et est estimé à au moins 5.7 % en 2016. En outre, le précédent Gouvernement a procédé à des préfinancements de l’investissement public en dehors du cadre budgétaire de l’ordre de 24% du PIB. Cependant, une bonne partie de ces investissements a été suspendue par le nouveau gouvernement élu. 5 À l’exception notable des pics enregistrés en 2008 (6,4 %) et 2012 (6,8 %), le taux d’inflation a été contenu à des niveaux modérés durant toute la décennie 2006- 2015, largement au-dessous du plafond de 3,0 % retenu par l’UEMOA. 6 Les recettes non fiscales se situent en moyenne autour de 2,3% du PIB. 7 En 2009 la dépense publique a fortement augmenté en raison de la crise financière mondiale mais aussi des inondations dans la ville de Cotonou. En 2015 l’augmentation des dépenses s’explique principalement par la volonté du Gouvernement de procéder à la mise en œuvre des investissements stru cturants issus de la Table ronde de juin 2014 à Paris. 25 L’exception de 4 d’entre eux qui étaient des stades d’exécution avancée et qui représentent environ 4 % du PIB. Figure 1 : Évolution du déficit global (en % du PIB) Figure 2 : Évolution de la dette (en % du PIB) Sources : Données du Gouvernement et calculs du personnel de la Banque mondiale Dette publique. Cette politique budgétaire prudente appliquée dans le passé a permis de préserver la viabilité de la dette publique jusqu’à la fin de 2014. Cependant, la dette publique a enregistré une poussée significative, passant de 30,9 % du PIB en 2014 à 40,1 % à la fin de 2015, et des projections indiquent qu’elle pourrait se situer à 44 % du PIB à la fin de 2016, du fait principalement de l’endettement sur le marché financier régional, pour financer les déficits de 2015 et 2016, et de la dette vis-à-vis des institutions bancaires, dans le cadre notamment du préfinancement de l’investissement public (voir figure 2 ci-dessus). Les taux d’intérêts liés à ces prêts pour le préfinancement des investissements sont assez élevés et supérieurs à ceux offerts sur le marché financier. Investissement public et croissance économique. Le PIB réel a augmenté en moyenne de 3,9 %, 3,8 % et 5,2 % par an respectivement durant les trois derniers quinquennats 2001/2005, 2006/2010 et 2011/2015 (voir figure 3 et tableau 1 ci-après). Étant donné que le taux de croissance de la population est de 3,5 %, la croissance moyenne annuelle du PIB par habitant a été négligeable durant les quinquennats 2001/2005 et 2006/2011, mais a été de 1,7 % durant le dernier quinquennat. Le taux de croissance de 5,2 % atteint au cours du dernier quinquennat (2011/2015) est historiquement le taux le plus élevé au Bénin pour une période de 5 ans. Cependant, malgré ce taux de croissance record, les écarts entre le Bénin et les pays de référence (comparables) performants restent assez importants (voir figure 3 ci-après.) Ces écarts sont dus non seulement aux taux d’investissement relativement faibles au Bénin mais aussi à des niveaux de productivité relativement bas. La faiblesse des taux d’investissement et des niveaux de productivité est en partie liée à l’insuffisance de la dépense en capital, qui est d’environ 6 % du PIB par an au Bénin, contre 11 % en moyenne dans les pays de l’UEMOA (voir figure 4 ci- après). 26 Figure 3. Croissance, productivité et taux d’investissement Figure 4. Dépense en capital (% du PIB) dans différents dans les pays à faible revenu performants (2005-2014) pays de l’UEMOA Sources : Données du Gouvernement et calculs du staff de la Banque Mondiale DÉFIS : RETABLIR LA STABILITE MACROECONOMIQUE ET AMÉLIORER L’ESPACE BUDGETAIRE 1) Rétablir la stabilité macroéconomique Le premier défi porte sur le rétablissement de la stabilité macroéconomique. Comme indiqué plus haut, l'environnement macroéconomique s’est détérioré de manière significative au cours de la période précédant les élections législatives et présidentielles en 2015 et 2016. Le déficit budgétaire et le fardeau de la dette ont augmenté rapidement. De sérieuses préoccupations existent au sujet de la transparence et de la responsabilité dans les marchés publics relatifs à l'utilisation de contrats de préfinancement pour exécuter de grands projets d'infrastructure. Ces contrats ont été signés entre des entreprises privées et les banques commerciales, mais avec la garantie explicite du Trésor. Il y a certaines estimations que ces activités préfinancées pourraient être aussi élevées que 25% du PIB. Les nouvelles autorités ont suspendu plusieurs décisions prises par l'administration précédente, mais il est encore difficile de savoir quelles mesures ont été effectivement annulés, quelles sont celles qui ont été tout simplement mis en attente, et quelle sont celles qui dont la mise en œuvre continuera. En outre, les situations financières des secteurs coton et énergie restent peu transparentes et pourront être sources de problèmes budgétaires pour l’Etat. Au niveau du secteur énergie, l’absence d’une politique tarifaire assortie d’un programme de réajustement périodique des tarifs ne permet pas au secteur d’assurer son équilibre financier de manière stable. Cela conduit souvent une subvention importante de l’Etat au secteur, qui grève davantage le Budget. Pour mémoire, le dernier ajustement tarifaire a eu lieu en 2009. Il apparaît donc que l’élaboration d’une étude tarifaire et la mise en place d’une politique tarifaire constituent une urgence pour le secteur. La CEB approvisionne en énergie la SBEE, la Compagnie d’énergie électrique du Togo (CEET) ainsi que de gros clients industriels pour un tarif moyen de 58 Francs CFA. La SBEE est en charge de la distribution de l’électricité au Bénin et approvisionne 507 000 clients à un tarif utilisateur final moyen de 115 Francs CFA. Cependant, la SBEE néanmoins comble le déficit grandissant entre l’offre et la demande dû à une hausse constante de la demande béninoise, en ayant recours à une production supplémentaire liée à l’utilisation de groupes diesel. Cependant, la location des groupes Diesel dont le coût de production d’environ 200 F CFA/kWh, pèse sur les finances de l’État et la trésorerie de la SBEE. Au niveau du secteur coton, sur la base d’un contentieux sur les résultats de la campagne 2011- 2012 en termes de volume de production, le Gouvernement a décidé de contrôler l’ensemble de 27 la chaine de production depuis cette date. Cela s’est traduit par la mise en place de l’Autorité nationale de suivi et de contrôle de la filière coton avec des démembrements dans les Départements et dans les Communes. Durant l’ensemble des quatre campagnes organisées par le Gouvernement, il a été observé très peu de transparence quant à la situation financière du secteur et aux interventions budgétaires. Cependant, Il faut noter que les nouvelles autorités ont pris récemment des mesures inverses qui renforcent le rôle du secteur privé, bien que les interventions de l’Etats et leur impact financier restent encore flous. 2) Améliorer l’espace budgétaire En seconde lieu, pour lever les contraintes à l’augmentation de la dépense publique afin de faire face aux besoins d’infrastructures et à la dépense sociale sans compromettre l’équilibre macroéconomique, le pays doit renforcer son espace budgétaire et : a) accroître le revenu fiscal ; b) améliorer l’efficacité et l’efficience de la dépense publique ; et c) mettre en œuvre les réformes nécessaires pour solliciter davantage de dons et de prêts concessionnels, pour consolider l’accès au marché financier local, régional ou international, et pour améliorer la participation du secteur privé au financement des infrastructures publiques. a. Accroître le revenu fiscal À moyen terme, la mobilisation des recettes fiscales est cruciale pour soutenir le niveau d’investissement public (les dépenses d’infrastructure et sociales) nécessaire. Les recettes fiscales représentent moins de 15 % du PIB (voir figure 5 ci-après). Le critère de l’UEMOA pour le niveau des recettes fiscales rapporté au PIB est d’un minimum de 20 % à l’horizon 2019. Sur la base d’une comparaison avec ses pairs de l’UEMOA, l’écart fiscal du Bénin est estimé à environ 2 % du PIB. Avec certains pays performants comme le Sénégal, l’écart atteint 5 % du PIB. Ces écarts sont essentiellement dus à une moindre performance dans la collecte de la TVA (de l’ordre de 3 % du PIB) (voir figure 6 ci-après) et de l’impôt sur le revenu (de l’ordre de 2 % du PIB). Figure 5 : Revenu de l’État au Bénin Figure 6 : Revenu fiscal de l’État Figure 7 : Simulation sur le revenu en 2014, au Sénégal et au Bénin fiscal de l’État au Bénin Sources : Données du Gouvernement et calculs du personnel de la Banque mondiale Pour atteindre les niveaux de performance du Sénégal en matière de revenu fiscal, un objectif raisonnable pourrait être d’augmenter d’un demi (0,5) point par an les recettes fiscales en pourcentage du PIB. Une augmentation de 0,3 % du PIB par an pour la TVA et de 0,2 % pour l’impôt sur le revenu pourrait être envisagée. La figure 7 ci-dessus indique les résultats de la simulation et les recettes fiscales en pourcentage du PIB qui pourraient atteindre 19,5 %, chiffre comparable à celui du Sénégal, en 2025, c’est-à-dire dans environ 10 ans. Cela va donner un espace budgétaire assez important pour améliorer, avec une stratégie adaptée, à la fois le niveau et la structure de la dépense publique au Bénin. 28 Pour atteindre cet objectif, le pays doit envisager trois directions : 1) la réduction des exonérations fiscales, qui représentaient, en 2015, 16,0 % des recettes fiscales et 15,1 % des recettes totales. Les dépenses fiscales relatives à la fiscalité indirecte représentent 82,5 % des dépenses fiscales totales contre 17,5 % pour les dépenses relatives à la fiscalité directe ; 2) l’amélioration de l’efficience de l’administration fiscale et douanière8, qui pourrait produire 2 % du PIB par an de recettes fiscales, à court ou à moyen terme, selon une étude récente du FMI ; 3) enfin, pour ce qui est de l’élargissement de l’assiette fiscale, il est essentiel de souligner que la Direction des grandes entreprises représente à elle seule près de 80 % des revenus de la Direction générale des impôts. b. Améliorer l’efficacité et l’efficience de la dépense publique L’analyse détaillée de l’efficience de la dépense publique va nécessiter une revue de la dépense publique que le Gouvernement, avec la Banque mondiale, pourra commanditer dans les prochains mois. Cependant, on peut d’ores et déjà observer qu’en comparaison avec les pays de l’UEMOA, la dépense publique au Benin est disproportionnellement composée de dépenses courantes, qui elles-mêmes sont composées principalement de salaires ; ce qui, du point de vue de la croissance économique, peut représenter un handicap. La dépense publique rapportée au PIB est restée en moyenne autour de 21 % (voir figure 8 et tableau 1 ci-après). Ce niveau est en dessous de ceux observés dans les pays de la région. Le ratio dépense publique/PIB est en moyenne de 26 % dans les pays de l’UEMOA. Cet écart est essentiellement dû à la dépense en capital, qui est en moyenne de 5 points de pourcentage du PIB plus faible au Bénin que dans la moyenne des pays de l’UEMOA. En revanche, la dépense courante au Bénin rapportée au PIB (un peu moins de 15 % du PIB) est comparable à la moyenne de la région. Cependant, elle est essentiellement constituée de salaires, qui représentaient presque 45 % des recettes fiscales en 2014, contre un objectif fixé de 35 % par les critères de l’UEMOA. Il faut aussi noter que la dépense publique engagée dans le secteur agricole, qui occupe la moitié de la population active, est en moyenne de 6,7 % pour la période 2008-2011, très en-deçà de l’objectif de 10 % fixé par le sommet de Maputo. En résumé, non seulement le niveau de la dépense ne semble pas suffisant, mais, de plus, la structure de la dépense semble défavorable à la croissance économique au Bénin. Le niveau de la dépense publique en pourcentage du PIB est limité par celui des recettes fiscales (voir section précédente.) Si le Bénin parvient à améliorer les recettes fiscales, il pourra alors progressivement augmenter le niveau de sa dépense en capital de façon viable jusqu’à hauteur de 5 % supplémentaires du PIB durant les 5 prochaines années, et sa dépense publique totale rapportée au PIB atteindra alors 25 % par an. La simulation est retracée dans le tableau 3 ci- après. Les recettes non fiscales sont fixées à 2 % du PIB (historiquement elles étaient d’environ 2,3 % du PIB). Il est supposé que le pays continuera de bénéficier de dons de l’ordre de 1 % du PIB, et l’hypothèse est aussi avancée que des prêts concessionnels de l’ordre de 3 % du PIB seront accordés. Il est présumé que le déficit global annuel, dons inclus, pendant les 5 prochaines 8 Une partie importante des recettes fiscales sur les importations est basée sur la réexportation vers le Nigeria des produits importés. L’entrée en vigueur, depuis le 1er janvier 2015, du tarif extérieur commun (TEC) de la CEDEAO, de même que les réformes économiques en cours au Nigeria, vont certainement réduire ce commerce informel de réexportation vers le grand pays voisin. Cela va affecter les recettes collectées au niveau de la DGDDI, d’où la nécessité de poursuivre les réformes au niveau de la DGGI pour accroître l’efficience de l’administration des douanes. 29 années (2016-2020) est le même que celui utilisé pour procéder à l’analyse conjointe (Banque- FMI) de viabilité de la dette en 2015. Le niveau de prêts non concessionnels dont a besoin le pays pour chacune des années de projections est alors déduit. Les simulations partent des valeurs réalisées pour les variables budgétaires en 2015. Tableau 1 : Structure de la dépense publique Figure 8 : Structure de la dépense publique 2012 2013 2014 2015 2016 SECTEURS SOCIAUX 33.6 35.5 35.1 30.6 30.5 SECTEUR PRODUCTION ET COMMERCE 7.1 8.0 8.0 7.5 8.1 SECTEUR INFRASTRUCTURES PRODUCTIVES 27.8 18.2 18.2 22.3 19.9 SECTEUR GOUVERNANCE 8.3 8.3 8.5 9.2 9.9 SECTEUR DEFENSE ET SECURITE 2.7 7.0 7.1 8.1 8.1 SECTEUR SOUVERAINETE 4.0 4.9 5.0 5.3 5.4 AUTRES BUDGETS 16.9 18.1 18.1 17.1 18.1 TOTAL BUDGET (Hors dette, clos et CST) 100 100 100 100 100 Sources : Données du Gouvernement et calculs du personnel de la Banque mondiale Les résultats de la simulation se présentent comme suit (voir tableau 2 ci-après) : le niveau de prêts non concessionnels est de 3 % du PIB en 2016 et diminue régulièrement du fait de l’augmentation régulière de la pression fiscale ; la dépense en capital passe de 6,2 % du PIB en moyenne annuelle pour la période 2011-2015 à 9,8 % pour la période 2016/2020, et à 10,5 % pour le quinquennat suivant. Les gains de recettes fiscales en pourcentage du PIB sont dépensés totalement pour l’investissement public. La dépense courante dans les secteurs sociaux augmente au même rythme que le PIB nominal. La structure de la dépense change en faveur de la dépense en capital, et la masse salariale, qui représentait 45 % des recettes fiscale en 2015, diminuera régulièrement en termes relatifs et sera dans les normes au-dessous de 35 % de l’UEMOA. Au-delà des hypothèses sur les ressources et le mode de financement du déficit global, ces changements structurels supposent aussi un certain nombre d’hypothèses qui portent sur : a) l’amélioration du niveau d’exécution de la dépense publique, notamment de l’investissement public ; b) l’amélioration de l’efficience de l’administration publique ; et c) sur une meilleure allocation de la dépense dans les secteurs sociaux. Tableau 2 : Simulation du financement de la dépense publique 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 Recettes fiscales 14.4 14.9 15.4 15.9 16.4 16.9 17.4 17.9 18.4 18.9 19.4 Recettes non fiscales 2.2 2.0 2.0 2.0 2.0 2.0 2.0 2.0 2.0 2.0 2.0 Dons 0.9 1.0 1.0 1.0 1.0 1.0 1.0 1.0 1.0 1.0 1.0 Prêts concessionnels 2.1 3.0 3.0 3.0 3.0 3.0 3.0 3.0 3.0 3.0 2.6 Prêts non concessionnels 3.9 3.0 2.5 2.2 2.1 1.9 1.6 1.1 0.6 0.1 0.0 Dépense publique 23.5 23.9 23.9 24.1 24.5 24.8 25.0 25.0 25.0 25.0 25.0 Dépense courante 15.1 14.5 14.5 14.5 14.5 14.5 14.5 14.5 14.5 14.5 14.5 Dépense en capital 8.4 9.4 9.4 9.6 10.0 10.3 10.5 10.5 10.5 10.5 10.5 Déficit global (inclu dans le ASD 2015) 6.0 6.0 5.5 5.2 5.1 4.9 4.6 4.1 3.6 3.1 2.6 Sources : Données du Gouvernement et calculs du personnel de la Banque mondiale c. Améliorer l’accès aux prêts concessionnels, aux marchés financiers et la participation du secteur privé au financement des infrastructures Dons et prêts concessionnels. Il est à noter qu’environ 91 % du montant des prêts contractés par le Bénin étaient concessionnels en 2004 alors qu’ils n’étaient que de seulement 64 % en 2013 et d’un montant bien moindre en 2015. Les bailleurs sont donc de plus en plus réticents, et beaucoup 30 d’entre eux ont déjà cessé leur appui budgétaire, du fait de l’absence d’avancée significative sur les questions de gouvernance, notamment pour ce qui est de l’amélioration de la gestion des finances publiques. Deux éléments ont été identifiés comme des faiblesses majeures, notamment dans le rapport PEFA 2014 : 1) la capacité d’absorption, qui est reflétée dans les taux d’exécution des dépenses budgétaires, notamment des dépenses d’investissement public ; et 2) les questions de contrôles internes/externes, ex-ante/ex-post, d’audit des finances publiques et de reddition des comptes. À cela, il faudrait maintenant ajouter l’accélération récente du niveau d’endettement, avec des prêts non concessionnels, souvent hors budget, q ui pourraient provoquer une crise de la dette dans un futur proche. Pour combler ces lacunes et réduire les risques de mauvaise gouvernance ou de corruption, le pays doit restructurer et opérationnaliser davantage les nombreux organes de contrôles internes et externes, à savoir : la Chambres des comptes, l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale des services et emplois publics, l’Inspection générale des armées, les auditeurs d’État, l’inspection générale des ministères, les inspection générale des services tels que le Trésor, la Douane, les Impôts etc. L’application en temps opportun des audits internes et externes des organes qui utilisent les ressources publiques, y compris les entreprises publiques, et le suivi systématique des recommandations d'audit doivent être des objectifs prioritaires du Gouvernement pour maintenir le flux de dons et de prêts concessionnels des bailleurs bilatéraux et multilatéraux. Accès aux marchés financiers. Le Bénin a récemment mis en place un programme d’investissement ambitieux. Pour le financement de ces investissements, le pays se tourne de plus en plus vers des ressources peu ou non concessionnelles, telles que les émissions de titres sur le marché financier régional et le financement bancaire direct. La question qui se pose est de savoir dans quelle limite le pays pourra s’endetter avec des prêts non concessionnels pour réaliser son programme d’investissement, sans remettre en cause la viabilité de sa dette ? Bien qu’il n’y ait pas de réponse directe à cette question, il peut être avancé : i) qu’il est essentiel que le pays définisse une limite d’endettement en rapport avec son cadre macroéconomique, notamment la structure et le niveau de viabilité de sa dette ; ii) qu’il recherche les conditions les plus favorables d’endettement ; et iii) qu’il diversifie le plus possible son portefeuille en ayant recours à des produits de couverture pour minimiser les risques. Pour ce faire, la qualité de la gestion de la dette devient un élément clef. Avec l'aide de partenaires extérieurs, le Bénin a considérablement renforcé ses capacités de gestion de la dette et de son rapportage au cours des dernières années. Les réformes en cours comprennent la rationalisation de la gestion de la dette publique, jusqu’alors fragmentée entre le Trésor et la CAA. En particulier, les autorités devraient renforcer la capacité de la CAA pour l’enregistrement de la dette de façon plus complète et en temps opportun, et étendre la couverture de la surveillance de la dette, y compris aux entreprises publiques clés qui entreprennent des projets d’investissement importants. La CAA doit aussi continuer à renforcer ses capacités d’analyse afin d’être en mesure d’évaluer l’impact des besoins d’emprunt non concessionnels, pour éviter d’accroître le risque de surendettement. Participation du secteur privé au financement des infrastructures. Le Gouvernement, au cours de la Table ronde de Paris de juin 2014, a pris l’option d’utiliser les PPP de manière stratégique pour financer certains investissements. Lorsqu’ils sont correctement structurés de façon transparente et compétitive, et que les risques sont répartis de manière équilibrée, les montages PPP permettent d’améliorer l’efficacité et l’efficience dans la réalisation de certaines infrastructures. 31 Mais la mise en place de projets PPP exige deux volets préalables : 1) la disponibilité d’un cadre juridique, réglementaire et institutionnel adéquat qui soit à la fois rassurant pour les investisseurs, et qui garantisse la bonne exécution des missions régaliennes de l’État ; 2) le renforcement des compétences de l’Administration en termes de structuration des contrats PPP, de modélisation et d’analyse financière, de négociations avec les investisseurs potentiels et de suivi des contrats. Pour ce qui est du premier volet, la préparation d’un projet de loi sur les PPP est actuellement en cours. En ce qui concerne le second volet, un programme d’assistance technique et de formation de grande envergure et de longue durée serait utile. Pour opérationnaliser les décrets d’application de la loi qui sera adoptée et qui complétera le cadre réglementaire, et il sera nécessaire de préparer un guide des PPP pour les investisseurs. Dans le même temps, il faudra donner aux personnes travaillant au sein des organes faisant partie du cadre institutionnel du PPP les moyens de remplir la mission qui leur est dévolue. En particulier, la cellule d’appui au PPP, la Commission d’appel d’offre, les organes de contrôle et de régulation et les ministères sectoriels pourraient utilement bénéficier d’un programme de préparation sur la priorisation des projets, l’analyse des risques et la préparation des contrats de PPP, et le suivi de la commande publique. ACTIONS RECOMMANDÉES À COURT ET MOYEN TERMES a. Dans le Court terme Procéder à un audit des contrats de préfinancement ; et commanditer une étude sur les avantages, risques et options alternatives en rapport avec la méthode de « préfinancement » de l’investissement public. Procéder à un audit des emprunts obligataires de plus 550 milliards de FCFA en 2015 sur le marché financier régional, et commanditer une étude sur la gestion de la trésorerie de l’Etat. Procéder à une analyse de l’impact budgétaire des interventions de l’Etat dans le secteur de l’énergie, notamment pour ce qui est la gestion de la SBEE Procéder à une analyse de l’impact budgétaire pour l’Etat du contrôle de la campagne cotonnière pendant ces quatre dernières années. Commanditer une étude sur l’élimination de certaines exonérations aux niveaux des impôts et de la douane. b. Pour le Moyen terme Mettre en œuvre un programme d’accroissement des revenus fiscaux de 5 % du PIB au cours des 10 prochaines années, pour qu’ils représentent in fine 20 % du PIB via l’accroissement de la collecte de la TVA à hauteur de 3 % du PIB et l’augmentation de l’impôt sur le revenu à hauteur de 2 % du PIB. Les réformes doivent concerner à court terme les politiques d’exonération et l’efficacité de l’administration fiscale et douanière et, à moyen terme, l’élargissement de la base fiscale, par le biais notamment de la mise en œuvre de la taxe sur le foncier et l’immobilier et la modernisation de l’économie (réduction de l’ampleur de l’économie informelle). 32 Pour les 10 prochaines années, affecter tout gain supplémentaire de ressources fiscales en pourcentage du PIB à la dépense en capital, qui passera de façon graduelle de 6 % à 11 % du PIB. Ramener les dépenses de salaires graduellement à 35 % des ressources fiscales, de son niveau actuel de 45,3 %. Accroître la part de la dépense publique vers le secteur agricole de 6 % à 10 % du budget, comme suggéré par le sommet de Maputo. Accroître la capacité d’absorption pour augmenter les taux d’exécution de la dépense, notamment de l’investissement public, en réformant les procédures d’exécution des dépenses publiques (voir notes sur les finances publiques et la gouvernance.) Pour accroître les dons et prêts concessionnels, il faut réduire les risques de mauvaise gouvernance ou de corruption, en restructurant et en rendant opérationnels les nombreux organes de contrôles internes et externes : : la Chambre des comptes, l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale des services et emplois publics, l’Inspection générale des armées, les auditeurs d’État, les inspections générales des ministères, les inspections générales des services tels que le Trésor, la Douane, les Impôts, etc. La transformation de la Chambre des comptes en Cour des comptes demeure une réforme essentielle. Continuer à renforcer la capacité de la CAA pour l’enregistrement intégral de la dette publique, et étendre la couverture de surveillance de la dette, y compris aux entreprises publiques clés. La CAA doit aussi consolider ses capacités d’analyse pour ce qui est de l’impact des emprunts non concessionnels, de l’accès à ces emprunts et de la gestion des risques qui leur sont associés. Favoriser la participation du secteur privé au financement des infrastructures, en mettant en place un cadre juridique, réglementaire et institutionnel adéquat qui soit à la fois rassurant pour les investisseurs, et qui garantisse la bonne exécution des missions régaliennes de l’État pour les projets de type PPP. Il faut aussi renforcer les compétences de l’administration béninoise, notamment pour les structures qui interviendront dans la préparation et l’exécution des projets PPP, en termes de structuration des contrats PPP, de modélisation et d’analyse financière, de négociation avec les investisseurs potentiels et de suivi des contrats PPP. APPUI DE LA BANQUE MONDIALE Accroître le revenu fiscal et mobiliser les ressources concessionnelles. La Banque mondiale pourrait appuyer, avec d’autres partenaires, dans le cadre d’une nouvelle série d’appui budgétaire, les efforts du gouvernement pour la mise en œuvre des réformes visant à rationaliser la dépense fiscale, à améliorer l’efficacité des administrations fiscales et douanières et à élargir la base fiscale. Toujours dans le cadre des appuis budgétaires, la Banque continuera d’appuyer les efforts du Gouvernement pour améliorer le système de contrôle de la gestion des finances publiques, de la gouvernance et de la lutte contre la corruption afin d’assurer une utilisation rationnelle des deniers publics et d’une meilleure mobilisation des ressources concessionnelles. Efficience de la dépense publique. La Banque pourra aider à actualiser la Revue de la dépense publique, dont la dernière analyse, cependant non-exhaustive, date de 2009. Cette Revue mettra en exergue les inefficiences dans l’allocation des ressources publiques et permettra d’identifier 33 les gains de ressources au niveau de la dépense publique. Les Revues de dépenses ont pour objectif explicite de recommander des mesures et des réformes structurelles. Ils portent sur les domaines essentiels de l’action publique, sur tous les sous-secteurs des administrations publiques, sur les agences et organismes de l’État et sur les outils de financement des politiques publiques (dépenses fiscales, crédits budgétaires, taxes affectées, etc.). Ils devraient permettre de préparer des réformes ambitieuses pouvant être mises en œuvre dans des délais proches. Financement du déficit public. À court terme, la Banque mondiale pourrait aider le Gouvernement à procéder à une analyse coût-bénéfice de la méthode de préfinancement utilisé pour financer l’investissement public. Elle peut également apporter un soutien au Gouvernement pour mener une étude sur l’optimisation de l’utilisation du marché financier régional et/ou international pour le financement d’une partie du déficit public et pour la gestion de trésorerie. Gestion de la dette publique. La Banque mondiale, avec le Fonds monétaire international, a fourni, en juin 2015, une assistance technique à la CAA pour l’élaboration de la stratégie d’endettement à moyen terme. Au cours de l’année f iscale FY17, la Banque appuiera la CAA pour mener une analyse de la qualité de la politique d’endettement, de la stratégie d’endettement à moyenne terme et de la gestion de la dette, à travers un DeMPA. Cette étude pourra fournir des clarifications sur les réformes futures à entreprendre et les besoins d’assistance technique de la CAA. La Banque apportera également une assistance technique à la CAA pour analyser les risques liés à la mise en œuvre des projets de son portefeuille, mais aussi pour des projets qui feront l’objet de négociation. Partenariat public-privé pour le financement de l’investissement public. La Banque mondiale continuera à fournir une assistance au Gouvernement pour la mise en place d’un cadre juridique, réglementaire et institutionnel adéquat des PPP qui soit à la fois rassurant pour les investisseurs et qui garantisse la bonne exécution des missions régaliennes de l’État pour les projets de type PPP. Elle pourra également aider au renforcement des compétences de l’administration béninoise, notamment pour les structures qui interviendront dans la préparation et l’exécution des projets PPP, en termes de structuration des contrats PPP, de modélisation et d’analyse financière, de négociation avec les investisseurs potentiels et de suivi des contrats PPP. 34 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 3 SUJET À TRAITER : ADMINISTRATION PUBLIQUE ET GOUVERNANCE MESSAGE PRINCIPAL Le Bénin maintient depuis plusieurs années sa stabilité économique et politique, mais une amélioration substantielle de la gouvernance du secteur public s’impose pour transformer ces acquis en services de meilleure qualité pour la population. Plus précisément, de nombreux aspects de la prestation des services et de la mise en œuvre de l’action publique doivent être modernisés, ce qui suppose notamment : i) de renforcer la capacité institutionnelle (aux niveaux macro et microéconomiques) ; ii) d’accroître la transparence et la responsabilisation des organismes publics pour lutter contre la corruption et améliorer les résultats de l’action publique ; iii) de consolider la gestion des finances publiques (y compris la décentralisation budgétaire) pour remédier aux problèmes persistants en matière d’efficience et de crédibilité budgétaires ; et iv) de perfectionner les systèmes de contrôle interne pour assurer l’efficience et l’efficacité du secteur public. Pour ce faire, les autorités doivent prendre des mesures concrètes visant à renforcer à la fois le cadre réglementaire et le fonctionnement du secteur public de manière à : i) développer les conditions favorables à la responsabilisation et à la lutte contre la corruption ; ii) favoriser un processus représentatif et stimuler la participation des citoyens à l’action publique ; et iii) améliorer les capacités de prestation des services publics. L’efficacité de la gouvernance accuse un recul depuis 2004. La corruption demeure un problème endémique. En 2014, le Bénin s’est classé au 80e rang (sur 183 pays) de l’Indice de perception de la corruption de Transparency International. Les inefficiences du secteur public et les carences de la gouvernance freinent le développement du secteur privé. S’agissant de la gestion des finances publiques, des mesures s’imposent pour assurer l’efficacité de l’affectation stratégique des ressources et accroître la crédibilité budgétaire. Divers dysfonctionnements persistent dans la chaîne des dépenses, qui appellent un renforcement des systèmes de contrôle interne et des moyens des institutions nationales de contrôle. 35 Indicateurs mondiaux de gouvernance : 50 Rang centile, de 0 (min.) à 40 30 100(max.) 20 10 0 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Government Effectiveness, Rank Regulatory Quality, Rank Rule of Law, Rank Control of Corruption, Rank Efficacité gouvernementale, rang Qualité réglementaire, rang Règle de droit, rang Lutte contre la corruption, rang Principaux indicateurs judiciaires/juridiques concernant le secteur privé Afriqu Bénin Burkin Ghan e sub- a Faso a sahari enne Anné Source e Gouvernance globale IIAG 2015 Gestion publique 55,9 52,2 45,1 46 TI 2014 Perception de la corruption 39 38 48 3. État de droit (1=plus faible, 10=plus 6,3 BTI 2012 4,0 7,5 4,7 élevé) Système judiciaire et juridique 3.2 Indépendance du système judiciaire 6 BTI 2012 4 8 5 (1=plus faible, 10=plus élevé) FH- (Prédominance de) F. État de droit (0= 13 2012 7 12 6 FIW plus faible, 16= plus élevé) Obstacles judiciaires (% d’entreprises 36,1 ES 2012 voyant dans les tribunaux un obstacle 25,7 1,7 19,1 majeur) (Efficience de) l’exécution des contrats 178 DB 2013 108 45 122 (rang) (1= plus élevé, 183= plus faible) Gouvernance et secteur privé 36 (Facilité de) création d’entreprise (rang) 153 DB 2013 116 104 122 (1= plus élevé, 183= plus faible) (Facilité de) transfert de propriété (rang) 133 DB 2013 111 36 123 (1= plus élevé, 183= plus faible) % du temps des cadres dirigeants 20,7 ES 2012 22,2 3,2 9,4 consacré aux réglementations Temps nécessaire au dédouanement 33 ES 2012 des importations (nombre de jours de 16,4 6,8 16,6 facto) CONTEXTE Le Bénin a été, au début des années 2000, le premier pays africain francophone à adopter un système de gestion axée sur les résultats et à procéder à de sérieuses réformes de la fonction publique, dont l’établissement du Fichier unique de référence (FUR) pour la gestion des ressources humaines. Le pays a en outre institué, en 2009, le Répertoire des hauts emplois techniques de la fonction publique béninoise, qui présente le descriptif et le profil de compétences des postes, ainsi que le processus de recrutement correspondant. De nombreux efforts ont également été déployés pour moderniser l’administration publique, avec la création d’un ministère responsable des réformes administratives et institutionnelles. En ce qui concerne la gestion des finances publiques (GFP), le Bénin a adopté toutes les réformes et directives requises, notamment le nouveau cadre harmonisé de gestion des finances publiques de l’UEMOA, qui établit la gestion budgétaire axée sur les résultats. Par ailleurs, pour assurer l’allocation efficace des ressources destinées à la prestation de services à l’échelon local, le Bénin a adopté en 2009 plusieurs lois relatives à la décentralisation. Avec la création d’un cadre réglementaire portant sur la décentralisation et l’élaboration d’une politique nationale de décentralisation et de déconcentration, plusieurs élections municipales se sont depuis régulièrement tenues. Le Bénin a également pris diverses mesures en vue de favoriser la bonne gouvernance et de lutter contre la corruption. Il est signataire de la Convention des Nations Unies contre la corruption. En 2011, une loi anti-corruption9 a été votée qui incrimine la fraude, le détournement des fonds, le trafic d’influence, le financement électoral et celui des partis, la corruption dans la passation des marchés publics, et le népotisme dans les pratiques de recrutement. Cette loi prévoit des sanctions sévères, surtout pour les titulaires de postes stratégiques au sein de l’administration publique. Outre le cadre législatif, le Gouvernement a renforcé le cadre institutionnel avec la création de plusieurs organismes chargés de lutter contre la corruption : l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP), la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) et le Médiateur de la République de Bénin. L’Autorité nationale de lutte contre la corruption (ANLC), créée en 2013, figure au centre de ce dispositif. 9 Loi 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin. 37 Or, malgré l’adoption de cadres juridique et institutionnel portant sur la fonction publique, la gestion des finances publiques, la décentralisation, la justice, la lutte contre la corruption, le fonctionnement et la gouvernance du secteur public présentent encore des insuffisances majeures et ont des retombées négatives sur la croissance économique et le développement du pays. DÉFIS PRINCIPALES Secteur public Fonction publique Les recrutements et les promotions ne sont généralement pas fondés sur le mérite. L’organisation des examens d’entrée dans la fonction publique ne se fait pas dans les conditions de transparence requises, ce qui fait que les personnes retenues ne sont pas les plus qualifiées. Une fois le recrutement effectué, le profil de la personne engagée ne correspond pas toujours aux qualifications requises pour le poste. La performance des agents en poste ne faisant l’objet d’aucune évaluation systématique, l’avancement professionnel ne repose sur aucune base crédible. Les considérations politiques influent sur le fonctionnement de l’administration publique. L’accès aux postes stratégiques de l’administration est plus souvent le fruit du népotisme et du clientélisme que de considérations purement professionnelles. De vastes mouvements de renouvellement des fonctionnaires de haut rang font suite aux changements de régime. Le taux de renouvellement dans la fonction publique et les avantages qu’elle continue d’offrir n’instaurent pas un climat favorable à l’acquisition de connaissances ou à la prestation uniforme des services publics. Le manque d’incitations adaptées et de mesures coercitives font que ses effectifs demeurent fortement concentrés à Cotonou et dans les grandes villes. La corruption freine l’accès aux services publics. Au niveau le plus élémentaire, la corruption, en vertu de laquelle les citoyens se voient réclamer le versement d’un pot-de-vin pour obtenir le service dont ils ont besoin, fait souvent obstacle à l’accès aux services publics de santé, d’éducation ou de justice.. Lorsque les écoles et les hôpitaux ne reçoivent pas les ressources qui leur sont affectées, les citoyens au bout du compte, doivent se contenter de services largement insuffisants. La corruption généralisée récemment observée dans le secteur de l’eau témoigne du caractère endémique du phénomène. L’actualisation et le suivi des effectifs de l’administration publique demeurent problématiques. Malgré la mise en place du Fichier unique de référence (FUR) de la fonction publique, il est difficile de connaître le nombre exact de fonctionnaires. Il existe deux fichiers : l’un au Ministère de la fonction publique, l’autre au Ministère des finances. Ces fichiers ne concordent pas, ce qui peut donner lieu à des paiements non mérités. La culture du résultat n’est pas très développée dans l’administration publique. La fonction publique béninoise prête davantage attention aux procédures administratives qu’à la prestation des services et à la responsabilisation. Les caractères fondamentaux de la gestion du personnel 38 que sont la planification stratégique, l’évaluation des résultats, les incitations, les promotions et les retraites sont insuffisants. Les mauvais résultats que connaît l’administration publique ont un coût particulièrement élevé compte tenu de la part importante que représente sa masse salariale dans l’économie globale et de l’effet d’éviction sur le secteur privé. Le coût salarial des quelque 60 000 agents de la fonction publique représente 7,4 % du PIB, chiffre très élevé pour une population de 10 millions d’habitants. Le rapport de la masse salariale aux recettes fiscales est de 45 % environ, ce qui ne permet pas de disposer d’une marge budgétaire suffisante pour augmenter la part des investissements publics, des transferts et des autres dépenses nécessaires à la croissance et à la lutte contre la pauvreté. Finances publiques : Les principales insuffisances du système sont résumés ci-après : 1 La faible mobilisation des recettes fiscales compromet le développement économique durable. Le ratio des recettes fiscales au PIB est resté stationnaire, entre 15 % et 16 %, ces cinq dernières années, comparé à la norme de 17 % fixée par l’Union économique et monétaire régionale (UEMOA). Les pouvoirs discrétionnaires de l’État, qui sont considérables, et la base de données inachevée des numéros d’identification fiscale (NIF) pénalisent encore le fonctionnement du régime fiscal. Les prévisions annuelles de trésorerie, établies sur une base mensuelle et transmises à l’Assemblée nationale avec le budget de l’État, ne sont pas régulièrement actualisées durant l’exercice budgétaire et ne sont pas utilisées aux fins de gestion budgétaire. L’administration fiscale béninoise doit également accentuer sa modernisation et faire un usage opérationnel des applications informatiques conçues pour assurer une gestion efficace et transparente des recettes douanières et fiscales. 2 Freins à l’exécution du budget et aux contrôles internes 3 Le cadre de la réforme de la gestion budgétaire axée sur les résultats mis en place au Bénin durant la première décennie du siècle a permis aux divers intervenants d’acquérir une certaine expérience en matière d’élaboration de budgets de programmes. Il n’a cependant pas mis suffisamment l’accent sur les mécanismes de responsabilisation par rapport aux résultats escomptés. L’essentiel reste donc à faire en ce qui concerne l’affectation stratégique des ressources publiques pour assurer l’équité, l’efficacité et l’efficience des dépenses sectorielles. Ces cinq dernières années, des problèmes substantiels ont été relevés en matière de discipline budgétaire, illustrés par l’affaiblissement de la crédibilité budgétaire (sur la base des dépenses ordonnancées, les chiffres réels s’écartent de plus de 15 % des prévisions globales et sectorielles initiales). Cela tient en partie aux dysfonctionnements du système d’information budgétaire et comptable, et encore plus à une propension aux contournements des règles établies non suivis de sanctions appropriées. L’exécution budgétaire est essentiellement compromise par la faible capacité de l’administration à évaluer, gérer et contrôler efficacement les projets d’investissement mis en œuvre. De surcroît, l’absence de coordination et de collaboration entre le Ministère de la planification et celui des finances crée un décalage entre la planification de l’investissement et la programmation budgétaire. 39 4 Les autres obstacles à l’exécution budgétaire sont la régulation budgétaire, l’évolution fréquente des priorités gouvernementales, l’inefficience et l’opacité du processus de passation de marchés, la redondance des contrôles budgétaires et la prépondérance des contrôles préalables au détriment du suivi a posteriori des résultats, la lenteur de traitement due aux formalités administratives ou aux insuffisances des procédures en vigueur, la complexité et la longueur des processus de paiement, l’inefficience des contrôles internes et l’insuffisance de contrôles automatiques appropriés par le biais du système intégré de gestion des finances publiques. Étant donné le défaut d’interconnexion et de rapprochements périodiques des deux bases de données sur les traitements et salaires (l’une administrée par le Ministère de la fonction publique, l’autre par le Ministère des finances), il est impossible d’exercer un suivi efficace des dépenses salariales. Le contrôle interne des dépenses non salariales est entravé par le recours fréquent à des procédures exceptionnelles (décisions de mandatement, Ordres de paiement émis par l’ordonnateur et Ordres de paiement Trésor ne provenant pas de l’ordonnateur), ce qui présente un risque substantiel de non-respect des autorisations parlementaires, de dépassement des crédits, d’accroissement non-soutenable du déficit budgétaire et/ou d’accumulation d’arriérés. 5 Insuffisances du système comptable et budgétaire et amélioration nécessaire des compétences en matière de gestion de trésorerie 6 Dans le cadre de la mise en application des directives relatives aux finances publiques de 2009 de l’UEMOA, les contraintes techniques liées aux innovations introduites par la réforme (comme la budgétisation par programmes et la comptabilité en droits constatés) exigent des adaptations ou une réforme du système actuel d’information comptable et budgétaire existant. Le Bénin doit procéder à un choix précis, dont les conséquences financières seront clairement prises en compte dans les documents budgétaires pluriannuels de l’État. Les améliorations apportées au système informatique permettraient par ailleurs de i) corriger les problèmes de connexion en temps réel des postes comptables des receveurs, qui retardent la consolidation et l’analyse des comptes ; et ii) produire périodiquement des statistiques fiables sur les paiements effectifs, les arriérés de paiement et les transactions en attente de régularisation. Un examen approfondi de la pratique de préfinancement des investissements publics, récemment adoptée, doit également être effectué pour améliorer la transparence et la conformité aux règlements nationaux, et pour éviter des conséquences néfastes sur la situation d’endettement du pays. 7 Les lacunes et l’instabilité du cadre réglementaire des institutions nationales de contrôle et le manque de moyens de ces institutions diminuent leur aptitude à faire respecter les textes visant à favoriser la bonne gouvernance dans le secteur public. Le Bureau de l’Auditeur général (BAG), établi en 2015 par décret présidentiel en remplacement de l’ancienne Inspection Générale de l’État (IGE), dispose d’un budget autonome et d’un droit d’ester en justice, mais son domaine de compétence est quasiment identique à celui de l’Inspection Générale des Finances (IGF). Sa fonction de coordination avec les autres institutions d’audit interne n’était convenablement assurée puisqu’il s’apprêtait à adopter une organisation décentralisée dans un contexte caractérisé par l’existence d’Inspections Générales Ministérielles (IGM) aux capacités financières, matérielles et techniques vraiment limitées. Le BAG vient d’être 40 dissous et mais les problèmes de coordination et de rationalisation des institutions nationales d’audit interne demeurent. En ce qui concerne les missions d’investigation dans le cadre de la lutte contre la fraude et la corruption ; il est souhaitable que le champ de compétence des différentes institutions existantes ou à créer soit clairement délimité pour éviter tout chevauchement avec celles de l’Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption (ANLC). Les missions d’audit annuel réalisées sur les 77 communes du Bénin par l’IGF et l’IGSEP (Inspection générale des services et emplois publics) ont révélé d’importants dysfonctionnements au niveau des communes et démontré qu’une rationalisation de l’approche d’organisation de ces missions est nécessaire. Compte tenu de sa dépendance à l’égard de la Cour suprême, l’Institution supérieure de contrôle souffre d’un manque d’autonomie et de moyens techniques qui rendent l’exercice de ses prérogatives constitutionnelles difficile, notamment les contrôles juridictionnels réguliers. En conclusion, que ce soit aux niveaux central ou local, les règles en vigueur sont généralement bonnes, mais elles ne sont pas convenablement mises en œuvre dans la pratique (écart important entre les règles et les pratiques observées sur le terrain). Le personnel de l’IGF et de la Chambre des comptes a été considérablement réduit ces dernières années avec les départs massifs à la retraite. Le renforcement des effectifs et des capacités techniques des institutions nationales d’audit permettra d’améliorer l’ampleur et la qualité des diagnostics effectués et aidera ou obligera les autorités compétentes à prendre les mesures adéquates. 8 Modification du cadre institutionnel de la réforme de la GFP 9 Selon les évaluations externes réalisées en 2014, le cadre mis en place en 2009 pour superviser la réforme du système de gestion des finances publiques n’a pas apporté d’amélioration sensible à la performance globale. Une approche cohérente de programmation pluriannuelle n’est pas adoptée dans le cadre de la budgétisation des activités de réformes ; ce qui ne permet pas d’assurer l’atteinte progressive d’objectifs de moyen terme prédéfinis. Il conviendrait de redéfinir les fonctions des institutions, de peaufiner les procédures de gestion et d’établir des mécanismes de suivi des résultats pour accroître l’efficacité des actions de réforme. Passation de marchés Améliorations récentes du cadre juridique et réglementaire La loi n° 2009-02 du 7 août 2009 et ses récents décrets d’application ont amélioré le cadre juridique et institutionnel régissant les marchés publics. Nonobstant la définition plus précise des fonctions et responsabilités des principaux intervenants dans ce domaine, plusieurs imperfections subsistent :  Le champ d’application de la loi ne couvre pas toutes les dépenses liées aux travaux, fournitures et services notamment les dépenses de sécurité nationale et de la défense, et les textes en vigueur présentent des incohérences ou des insuffisances. Le décret sur la demande de cotation n’a toujours été pris.  La non implication de la Direction nationale de contrôle des marchés publics à la préparation du budget. Le fait de la non synchronisation des plans de passation de 41 marchés avec le budget général de l’Etat entraine des retards au cours de l’exécution et la mise en œuvre des projets d’investissement public. Les retards dans la passation de marchés constituent un obstacle majeur dans l’exécution efficace et à temps des investissements publics. Le cadre réglementaire gouvernant la passation de marchés fixe les délais globaux prescrits pour toutes les procédures de passation de marchés, ainsi que ceux concernant particulièrement des délais d’obtention des avis des structures de contrôles des marchés publics10. Cependant, de longs retards affectent l’exécution des projets d’investissement. Dans le cas des projets financés par le budget national, par exemple, le délai moyen serait de 134 jours au moins. Le recours limité aux contrats de marchés pluriannuels et le défaut d’utilisation des mécanismes de contrats-cadres ne milite pas pour la réduction des délais de processus de passation de marchés répétitifs, redondants et inefficients. 10 Les insuffisances des systèmes d’information et de communication compromettent fortement la transparence et l’efficience des processus de passation des marchés publics. Les autorités ont entrepris d’informatiser la gestion et le suivi des processus de marchés publics au moyen du logiciel SIGMAP, mais la mise en place du système prendra probablement quelque temps. Outre le système informatique, les modes de communication entre les acteurs et les soumissionnaires des marchés publics sont contradictoires. L’utilisation informelle des adresses électroniques personnelles pour la soumission des offres, l’absence de directives concernant les méthodes officielles de communication, la prépondérance des processus manuels (toutes les soumissions et communications sont établies sur support papier) et l’absence de processus et d’installations d’archivage adéquats ralentissent le processus de marché public et ouvrent la porte à des abus de procédure. Gouvernance et responsabilisation L’absence de systèmes efficaces permettant de faire respecter les principes de responsabilité, conjuguée au niveau élevé de corruption, influe directement sur le fonctionnement du secteur public au Bénin. L’accès des citoyens aux tribunaux pour contester les décisions ou les actions gouvernementales est limité. Qui plus est, le pays a été agité ces dernières années par plusieurs scandales liés à la corruption impliquant de hauts fonctionnaires et portant sur des projets stratégiques d’investissement public. La corruption est aussi particulièrement rampante dans les marchés publics. Le Gouvernement a dans une certaine mesure pris les devants en démettant de leurs fonctions de hauts fonctionnaires en vue, supposément corrompus, et en leur appliquant des sanctions administratives, mais rares sont ceux qui ont été traduits en justice, et a fortiori condamnés par des tribunaux béninois. L’impunité semble ainsi constituer le terreau de la corruption au Bénin. Dans le rapport sur la compétitivité du Forum économique mondial pour 2013-2014, les entreprises interrogées indiquaient que la corruption était le principal obstacle à la conduite des affaires. La nouvelle Autorité nationale de lutte contre la corruption s’est vue confier une vaste mission, mais dispose de moyens limités pour prendre des mesures de fond. L’ANLC rend directement compte au Cabinet du Président. Elle est constituée de 13 représentants comportant 10 Code des marchés publics et décret n° 2013-65 du 13 février 2013. 42 des membres de la société civile, de l’université et du secteur privé, qui ont été nommés en octobre 2013. En vertu de la loi, l’ANLC a pour mission de lutter contre le blanchiment de capitaux, la fraude électorale, la fraude économique et la corruption dans les secteurs public et privé en menant des enquêtes sur les allégations d’actes répréhensibles dans ces domaines et par la saisine des tribunaux aux fins de poursuites. Elle est également chargée de contrôler les déclarations de patrimoine des agents publics et de soumettre au Président un rapport annuel sur l’état de la corruption au sein de l’administration publique. L’ANLC a connu des débuts difficiles en raison des moyens limités que le Gouvernement lui a alloués. Le système judiciaire est confronté à de nombreux défis qui ont des retombées négatives sur la gouvernance. On citera notamment : i) l’accès limité à la justice, en raison des distances considérables séparant les justiciables des tribunaux, de l’insuffisance des communications judiciaires, du décalage entre l’offre et la demande de justice, du manque d’assistance aux citoyens les plus vulnérables ; ii) les dysfonctionnements dans l’application de la justice dus aux ingérences politiques et sociales, à la lenteur des procédures judiciaires individuelles, et à la propension de l’État à influencer le cours de la justice ; et iii) les mauvaises conditions de détention, comme en témoignent la surpopulation carcérale et l’insuffisance des mécanismes de réinsertion des détenus dans la société. Les tribunaux souffrent d’un manque de moyens considérable dans tout le pays. Cette déficience tient en partie à la pénurie de ressources humaines. Le ratio de magistrats et de greffiers11 à la population demeure faible, et le nombre d’affaires par juge est en conséquence élevé. De récents amendements aux codes de procédure civile et pénale ont également créé de nouveaux postes et instauré de nouvelles règles de composition des tribunaux12. La vague de départs en retraite prévue pour ces prochaines années va également avoir des répercussions sur les ressources humaines des tribunaux. Trois quarts des juges d’appel et deux tiers des juges de la Cour suprême doivent partir à la retraite entre 2015 et 2017. Un programme avait certes été établi qui prévoyait le recrutement d’un nombre appréciable de magistrats et de greffiers entre 2011 et 2016, mais les contraintes budgétaires ont empêché son exécution. Les déficits de capacités des tribunaux sont également liés à l’expérience et à la formation des juges en fonction. 11 MESURES RECOMMANDÉES IMMÉDIATEMENT POUR OBTENIR DES RÉSULTATS DÈS LA PREMIÈRE ANNÉE D’APPLICATION 12 Réformes du secteur public  Mesure n° 1 - Rehausser l’efficience de l’administration publique. Les autorités pourraient envisager les dispositions suivantes :  Intégration et interconnexion des systèmes informatiques de gestion des ressources humaines existants. 11 Le pays compte seulement 215 magistrats et 180 greffiers, alors que les besoins sont évalués à 400 magistrats au moins. 12 Par exemple, chaque tribunal de première instance doit désormais compter un minimum de 14 magistrats. 43  Mise en place d’un mécanisme multipartite de recrutement par voie de concours aux postes de la haute fonction publique qui assure une bonne adéquation entre les compétences des candidats et la description des postes. 13 Mesure n° 2 - Intégrer les systèmes de gestion des ressources humaines en commençant par un audit des effectifs afin de radier les employés fantômes. 14 Réformes des finances publiques  Mesure n° 1 - Moderniser l’administration fiscale et douanière moyennant l’utilisation effective des applications et outils informatiques conçus pour assurer une gestion coordonnée et transparente des recettes douanières et fiscales, la simplification des procédures fiscales et la facilitation de l’accès aux services fiscaux et de dédouanement.  Mesure n° 2 -. Renforcer la gestion de la trésorerie et de la dette pour limiter le coût net des intérêts, assurer des revenus suffisants pour satisfaire aux engagements et obligations ayant trait à l’amélioration de la prestation des services, et éliminer les arriérés de paiement. Il conviendrait en priorité de réduire ou de supprimer la pratique de préfinancement des investissements publics.  Mesure n° 3 - Accroître la qualité et la transparence de l’exécution budgétaire  Surveiller la mise en place dans les ministères sectoriels d’indicateurs de performance par programme aisément mesurables chaque année et susceptibles de servir de base pour les arbitrages et négociations budgétaires.  Améliorer l’accès du public aux informations financières nationales (établir un mécanisme de diffusion publique des données relatives aux budgets et aux marchés publics de l’État et des collectivités locales ; pour ce faire, définir un protocole de saisie des données dans les bases de données budgétaires et veiller à sa mise en œuvre effective).  Mesure n° 4 - Redynamiser et rationaliser les institutions nationales de contrôle  Rationaliser et établir par une loi le cadre réglementaire des institutions nationales d’audit interne.  Transformer la Chambre des comptes en Cour des comptes.  Établir un plan d’actions réalistes de renforcement des effectifs et des capacités professionnelles des institutions nationales de contrôle.  Appuyer la généralisation de l’adoption de l’approche d’audit basée sur les risques et l’établissement de la cartographie des risques pour chaque ministère sectoriel et d’autres organismes publics pertinents.  Mesure n° 5 - Réviser le cadre institutionnel de la réforme de la gestion des finances publiques et adopter une approche de programmation pluriannuelle des dépenses des 44 réformes pour assurer l’atteinte des objectifs de moyen terme qui font concourir à réellement moderniser le système de gestion des finances publiques au Bénin. Réforme des marchés publics  Mesure n° 1- Renforcer le cadre juridique et réglementaire : amender le code des marchés publics de manière à :  Garantir que les postes de PRMP (personne responsable des marchés publics) sont attribués à des spécialistes des marchés publics pour une durée déterminée de quatre ans au moins, et qu’aucune autre responsabilité ne leur est conférée ;  Impliquer la Direction nationale du contrôle des marchés publics (DNCMP) au cours de l’élaboration du budget. La DNCMP veillera à ce que la préparation du budget soit synchronisée à l’établissement des programmes d’achats publics.  Mesure n° 2 -. Remédier aux lenteurs des procédures de marchés publics et au faible niveau de responsabilisation, qui présentent des obstacles majeurs à l’exécution efficace et en temps voulu des investissements publics  Assurer la transparence aux différentes étapes de la procédure pour réduire la corruption.  Établir une liste de spécialistes en passation de marchés susceptibles d’apporter en temps opportun une assistance à la DNCMP et aux CCMP (cellules de contrôle des marchés publics).  Créer et rendre fonctionnelles les cellules départementales de contrôle des marchés publics dans les six départements, conformément à l’article 11 de la loi 2009-02 du 7 août 2009.  Rattacher les Chefs de cellules de contrôle des marchés publics (CCMP) à la DNCMP pour renforcer les contrôles internes à l’image de l’organisation actuelle du contrôle financier).  Faire suivre les marchés passés par les agences de maîtrise d’ouvrage délégués (MOD) par la DNCMP. Réformes en matière de gouvernance et de responsabilisation  Mesure n° 1 - Encourager la participation de la population aux actions stratégiques et opérationnelles de l’ANLC :  Élaborer une stratégie de mobilisation des citoyens pour favoriser la participation de la population/des organisations de la société civile aux processus sectoriels, notamment le contrôle de la prestation des services, et renforcer les capacités communes des intervenants sectoriels en matière d’engagement citoyen (la capacité technique des OSC en matière de contrôle citoyen, de TIC et de responsabilité sociale). 45  Améliorer la capacité opérationnelle de l’ANLC moyennant : i) le renforcement des capacités en matière de gestion des plaintes, les mécanismes de prévention, et le contrôle des déclarations de patrimoine et ii) la mise en place d’une communauté de pratiques pour aider les agents et les techniciens de l’ANLC à dégager des enseignements des bonnes pratiques et des compétences non techniques qui se sont avérées fructueuses dans des contextes similaires.  Mesure n° 2 - Consolider le système judiciaire – Sont proposées les mesures suivantes :  Rehausser la transparence du système judiciaire par la publication de l’état d’avancement des affaires signalées.  Recruter et former davantage de magistrats et de greffiers.  Prendre des mesures concrètes pour rendre opérationnelles les chambres administratives des tribunaux de première instance et des tribunaux d’appel conformément à l’article 51 de la loi portant organisation judiciaire. MESURES RECOMMANDÉES À MOYEN TERME (1-5 Ans) Réforme du secteur public  Mesure n° 1 - Connecter le système informatique intégré de gestion des ressources humaines au SIGFIP  Achever la mise en place du fichier unique de référence (FUR).  Rattacher le FUR au système de paie (une composante du SIGFIP) et en faire l’unique source de référence pour le versement des salaires.  Déployer (c’est-à-dire décentraliser) le système informatique de gestion des ressources humaines dans les ministères d’exécution.  Mesure n° 2: Développer la méritocratie dans l’administration publique :  Évaluer et promouvoir les employés en fonction de leurs compétences. Réforme des finances publiques  Mesure n° 1 - Élaborer et appliquer une stratégie d’exécution réaliste des nouveaux règlements en matière de gestion des finances publiques : en 2009, l’UEMOA a adopté des directives en matière de GFP dont les dispositions doivent être intégralement appliquées le 1er janvier 2017. Ces directives font de la budgétisation par programme la pierre angulaire de la gestion axées sur les résultats, et fixent en outre des objectifs ambitieux, comme la modernisation de la gestion des dépenses et l’adoption de la comptabilité en droits constatés. Elles imposent également des modifications substantielles aux systèmes d’audit et de contrôle internes et externes et de nouvelles classifications budgétaires et comptables conformes aux normes internationales. Toutes les directives correspondantes de l’UEMOA 46 ont déjà été transposées dans la législation nationale. Leurs conséquences sur les systèmes et procédures de gestion financière devraient être substantielles. Il conviendrait de définir une stratégie réaliste et progressive assurant la mise en œuvre ordonnée des principales innovations, notamment la conception ou l’adoption d’un nouveau système informatique.  Mesure n° 2 - Mesurer régulièrement l’amélioration de la gouvernance locale et renforcer la transparence des transferts de ressources aux communes Réforme des marchés publics  Mesure n° 1- Renforcer le cadre juridique et réglementaire : amender le code des marchés publics de manière à :  Respecter pleinement les directives de l’UEMOA, y compris en ce qui concerne le champ d’application de la loi aux marchés de défense et de sécurité nationale et les demandes de cotations.  Mesure n° 2 - Remédier à la médiocrité des systèmes d’information et de communication, qui nuit fortement à la transparence et à l’efficience des processus d’achats publics  Introduire progressivement la gestion électronique des processus d’appel d’offres, comme prévu aux articles 60 (2) et 61, 62 et 64 de la loi sur les marchés publics (loi n°2009-02 du 7 août 2009) et ce, comme l’autorisent les directives de l’UEMOA, moyennant l’adoption au plus haut niveau politique d’une stratégie de passation électronique de marchés. Réforme en matière de gouvernance et de responsabilisation  Mesure n° 1 - Renforcer le cadre réglementaire de lutte contre la corruption – par l’examen et la révision de la loi anti-corruption (loi 2011-20 du 12 octobre 2011) dans le but : i) de préciser et consolider le rôle de l’ANLC ; et ii) d’améliorer le processus de déclaration de patrimoine pour renforcer la transparence et la responsabilisation du système. 47 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 4 SUJET À TRAITER : AGRICULTURE ET FONCIER RURAL MESSAGE PRINCIPAL Le secteur agricole représente un levier important pour la transformation économique du Bénin. Il contribue pour 32% en moyenne au PIB, 75 à 90% aux recettes d’exportation, 15% aux recettes de l’Etat et fournit environ 70% des emplois. Le Benin dispose d’un potentiel agricole non encore pleinement exploité. Des atouts existent du point de vue climatique (zones agro écologiques favorables), des superficies cultivables, et des ressources en eau de surface et souterraines. Malgré ces atouts importants et en dépit des efforts consentis, les performances du secteur agricole demeurent modestes. La croissance agricole est de l’ordre de 4% par an, à peine supérieure au taux de croissance démographique de 3,3%, la productivité stagne et la balance commerciale agricole est largement déficitaire. Il est indispensable d’inverser la tendance et d’amorcer une transformation structurelle de l’agriculture béninoise en mettant l’accent sur (i) l’amélioration de la gouvernance et de l’environnement institutionnel du secteur, y compris la restructuration de la filière coton ; (ii) la diversification des produits d’exportation et la promotion de la transformation agroalimentaire ; (iii) l’amélioration du système de recherche et de transfert de technologies pour l’amélioration de la productivité et de la valeur ajoutée ; (iv) l’amélioration de l’accès aux intrants (semences, engrais, pesticides..), aux marchés de produits agricoles et au financement à travers des réformes appropriées; (v) une incitation aux investissements agricoles grâce à une sécurisation des droits et des transactions sur la terre et (vi) une gestion durable des ressources naturelles (foncier rural, eau, forêts) au regard des défis liés au changement climatique. CONTEXTE La production agricole est assez diversifiée et constituée pour l’essentiel de racines et tubercules, de céréales, de légumineuses et oléagineux, ainsi que de trois principaux produits d’exportation que sont le coton, l’anacarde et l’ananas. En plus de la production végétale, le Bénin pratique la pêche artisanale (maritime et lagunaire) et quelques activités de pisciculture. Dans le domaine de l’élevage, deux systèmes de production animale sont pratiqués: (i) le système pastoral extensif (gros bétail et petits ruminants) localisé au Nord et un peu au Centre et dans le Plateau, (ii) l’élevage périurbain (volailles, petits ruminants, lapins) et l’élevage sédentaire des petits effectifs de 3 à 10 bovins associés à des petits ruminants. Le taux de couverture des besoins nationaux par la production nationale est estimé à plus de 125%, sauf pour le riz et les produits animaux (viande, poissons, œufs, lait..). En revanche, la situation nutritionnelle est moins reluisante. En 2012, la prévalence de la malnutrition aiguë au sein de la population des enfants de 6 à 23 mois était de 19% et dans l’ensemble 46% des enfants souffrent de malnutrition chronique dont 28% sous la forme sévère. En 2011, le Bénin s’est officiellement doté d’un document qui présente la stratégie nationale en matière de développement du secteur agricole (PSRSA) assorti d’un plan d’actions ayant servi de base à un Programme National d’Investissement Agricole (PNIA), qui est mis en œuvre à travers quatre (04) programmes cadres: (i) le Programme Développement de 48 l’Agriculture, (ii) le Programme Développement de l’Elevage, (iii) le Programme Développement de la Pêche et de l’Aquaculture et (iv) le Programme Administration et Gestion du Secteur Agricole. Par ailleurs, treize (13) filières sont retenues dans le document du PSRSA pour être promues. Il s’agit des filières : maïs, riz, manioc, igname, cultures maraîchères, anacarde, palmier à huile, ananas, coton, viande, lait, œuf et poisson/crevettes. On note toutefois que la mise en œuvre de ce programme a donné des résultats mitigés. En effet ’analyse de la situation fait ressortir que :  les filières agricoles sont encore mal organisées et peu valorisées, faute d’investissements adaptés et d’autres conditions adéquates de production (intrants, accès aux services). Le maillon « production primaire » est particulièrement affecté par l’inexistence d’un système d’approvisionnement en intrants spécifiques pour les cultures autres que le coton, l’incertitude dans les récupérations des crédits intrants vivriers étant souvent évoquée comme une contrainte majeure. De même, l’insuffisance d’équipements et de savoir-faire pour la valorisation des produits agricoles (transformation, conservation et commercialisation) devant contribuer à améliorer la compétitivité desdits produits sur les marchés, fait que les exportations agricoles béninoises sont essentiellement composées de produits primaires à faible valeur ajoutée ; la filière coton sur laquelle beaucoup d’efforts ont été consentis a du mal à atteindre le fonctionnement optimal pouvant lui garantir la compétitivité requise ;  en matière d’implication effective du secteur privé dans la promotion du secteur agricole et de professionnalisation des acteurs, l’atout majeur que représenterait le désengagement proclamé de l’Etat des activités industrielles et commerciales, n’est pas encore exploité à bon escient. Les avancées notées dans le cadre de la consolidation des organisations paysannes du secteur coton et dans une moindre mesure celles des producteurs de palmier à huile, des éleveurs, pêcheurs et sylviculteurs, sont handicapées par des problèmes de gouvernance ;  le retard dans la mise en œuvre d’une politique de sécurisation foncière et les difficultés d’application stricte des mesures devant garantir la gestion rationnelle des plans d’eau et autres ressources naturelles productives, la non maîtrise de l’eau, des risques climatiques et des catastrophes naturelles, sont des facteurs qui entravent le développement du secteur. En matière de réforme foncière, le Bénin compte parmi les pays d’Afrique de l’Ouest qui se sont engagés dans une rénovation de leur politique foncière dès le début des années 90 en reconnaissant l’importance de la coutume dans la gestion des terres rurales. La loi 2007-03 consacre des innovations fondamentales : (i) les terres établies ou acquises selon la coutume ne sont plus intégrées de fait dans le domaine de l’Etat, mais relèvent de « terres rurales appartenant aux particuliers » ; (ii) un certificat foncier rural, cessible, transmissible et hypothécable, confirme les droits acquis selon la coutume, là où un Plan Foncier Rural (PFR) est mis en œuvre ; (iii) un dispositif décentralisé de gestion foncière, basée sur des commissions communales et des sections villageoises, confère des compétences au niveau local pour la formalisation des droits coutumiers existants. De 2007 à 2011, le Benin a bénéficié d’un appui conséquent du MCC pour 49 réaliser 300 PFR dans 40 communes rurales en vue de délivrer 75.000 certificats fonciers dont 40 % seront à transformer en titres fonciers. Au final, 294 PFR ont été remis aux communes mais un nombre limité de certificats fonciers a été attribué. Un nouveau Code Domanial et Foncier a été promulgué en 2013 et suivi de textes d’application en 2015. Il marque un nouveau tournant et vise la généralisation de l’immatriculation privative des terres en unifiant la procédure d’immatriculation inspirée du régime colonial et la certification foncière issue de la loi de 2007 pour accéder à un nouveau document : le Certificat de Propriété Foncière. Ce nouveau dispositif est à mettre en œuvre par l’Agence Nationale des Domaines et du Foncier, nouvel acteur unique créé par décret en janvier 2015 CONTRAINTES ET DÉFIS Le secteur agricole au Bénin, bien que recélant d’atouts indéniables et malgré sa contribution appréciable à l’économie nationale, est confronté à plusieurs problèmes qui minent son développement. Les principales contraintes sont entre autres : (i) la dégradation des terres, le faible niveau d’aménagement des exploitations qui ne respectent pas souvent les normes environnementales de conservation ; (ii) la non maîtrise de l’eau, la faible capacité d’adaptation à la variabilité climatique et aux phénomènes climatiques extrêmes ; (iii) l’étroitesse du marché local, l’absence d’une politique de financement adaptée aux caractéristiques de l’activité agricole, (iv) l’indisponibilité et la faible accessibilité aux semences de bonne qualité adaptées aux nouvelles réalités climatiques, la faible consommation d’engrais chimiques pour les cultures autres que le coton ; (v) la non maîtrise des technologies de production d’intrants organiques ainsi qu’une faible qualification de l'encadrement technique. Par ailleurs, on note également : (i) une insuffisance de leadership du MAEP dans la coordination et le pilotage des interventions dans le secteur ; (ii) une faible synergie et parfois un manque de cohérence entre les diverses interventions. On peut également citer au nombre des contraintes, l’enclavement des zones de production, l’impraticabilité d’un grand nombre de pistes, surtout pendant la saison pluvieuse, l’absence de magasins de stockage adéquats et de marchés aménagés. En outre, l’insuffisance de dispositions fonctionnelles de normalisation et de certification, constitue une entrave à l’accès des produits agricoles béninois aux marchés sous régionaux et internationaux. Le système foncier rural est marqué par une pression croissante sur les terres disponibles et par un dualisme où coexistent le régime foncier de droit moderne et le régime de droit coutumier (plus prépondérant). Dans ce contexte, l’intensification agricole est handicapée par :  le morcellement progressif des terres agricoles et la réduction des espaces pastoraux ;  des difficultés d’accès à la terre aussi bien pour les promoteurs de grandes exploitations agricoles que pour les petites et moyennes exploitations dans certaines localités ;  la thésaurisation des terres agricoles à travers la constitution par endroits de réserves foncières individuelles très peu valorisées ;  une formalisation écrite des droits fonciers souvent inabordable. 50 En effet, la population béninoise croit à un rythme rapide et la demande alimentaire va croitre dans le même sens. L’agriculture béninoise devra donc, pour nourrir une population sans cesse croissante produire davantage de denrées pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle des consommateurs. Un autre facteur d’accélération de cette demande hormis l’évolution de la taille de la population, est la croissance (éventuelle) du revenu réel par habitant (lié au développement économique) entrainant l’augmentation de la part du revenu consacrée à l’alimentation surtout pour les produits carnés. Pour satisfaire cette demande, et en l’absence d’efforts d’augmentation significative de la production nationale, le pays se verra obligé de garder sa balance commerciale structurellement déficitaire avec une part importante des importations réservée aux produits alimentaires. Par ailleurs, l’agriculture devra, en ce qui concerne la disponibilité en terre et en eau, faire face à la montée de l’urbanisation, mais également tenir compte des aspects liés à l’adaptation aux changements climatiques, à la préservation des habitats naturels et au maintien de la biodiversité. En outre, la réduction de la pauvreté rurale, est conditionnée par une amélioration des conditions d’emploi et d’existence en milieu rural, sans lesquelles l’exode rural continuera de prendre de l’ampleur. Il est donc important de relever le niveau de revenu des producteurs et productrices, grâce à l’augmentation de la productivité tout en les associant davantage au processus de décision. Enfin, pour parvenir à une forte croissance économique soutenue par les productions agricoles, la nécessité s’impose de diversifier les productions de rente, sources de devises, tout en augmentant la production vivrière dans un système d’intensification durable de l’agriculture qui préserve les ressources naturelles. De ce fait, de nouvelles pratiques culturales, de nouvelles variétés devront être identifiées par la recherche agronomique pour être ensuite diffusées à grande échelle en cohérence avec l’Alliance Ouest-Africaine pour l’Agriculture Intelligente face au Climat (AIC), qui vient d’être mise en place au niveau de l’ECOWAP13. Sur le plan foncier, la sécurisation foncière par les PFRs a des effets sur le développement agricole. Ces effets des PFRs montrent que des actions publiques de formalisation foncière qui reconnaissent par écrit le droit coutumier génèrent un sentiment de droits sécurisés et stimulent à court terme les investissements agricoles. En milieu rural, il ne semble donc pas nécessaire de mettre en œuvre les procédures traditionnelles de titrisation, dont les coûts dépassent les capacités des pouvoirs publics et de la plupart des ménages ruraux. Mais la mise en œuvre des nouveaux dispositifs de sécurisation foncière reste hypothéquée si certaines dispositions du nouveau Code Domanial et Foncier annoncent un retour à des procédures compliquées et coûteuses. En effet, le recours systématique à des professions auxiliaires comme le notaire ou le géomètre, envisagé par le nouveau Code, va nécessairement augmenter les coûts de reconnaissance et d’administration des droits. Le défi à relever par la puissance publique est de mettre en œuvre un dispositif souple et peu coûteux pour protéger dans des délais relativement courts les droits fonciers des ménages ruraux, notamment en raison d’un accroissement des acquisitions de terres dénoncé par la société civile. La gestion foncière communale et un certificat foncier établi à moindre coût selon des procédures locales sont sans doute des réponses adaptées à une formalisation rapide et massive des droits existants, en préalable au 13 Voir à cet effet le document CEDEAO « perspectives, orientations et ajustements de l’ECOWAP pour 2025 » 51 développement futur d’un marché foncier. Par ailleurs, il est important d’ajuster les modalités de sécurisation foncière aux contextes. ACTIONS RECOMMANDÉES À COURT TERME Au regard des principaux défis et enjeux ci-dessus énumérés, il est important de privilégier à court terme les actions suivantes :  Evaluer la mise en œuvre du PSRSA et amorcer le processus d’actualisation du document sur la base des priorités du Gouvernement, des orientations stratégiques retenues par les pays au niveau de la CEDEAO en tirant leçon des lacunes constatées ;  Enclencher le processus de réforme de la filière coton pour insuffler un nouveau dynamisme au secteur ;  Accroitre la productivité à travers un meilleur accès et une utilisation accrue des intrants de qualité (semences, engrais, pesticides), des techniques culturales et des technologies améliorées avec un accent particulier sur la mécanisation;  Promouvoir l’utilisation des techniques ou technologies plus adaptées à la gestion durable des terres et des autres ressources naturelles (conservation des sols, promotion de l’agroforesterie, pratique de l’agriculture biologique etc.) en vue de l’atténuation des effets des changements climatiques ;  Renforcer l’encadrement technique et apporter un accompagnement adéquat aux organisations professionnelles et interprofessionnelles afin qu’elles puissent jouer un rôle actif auprès des pouvoirs publics dans la définition des orientations politiques du secteur ;  Poursuivre les efforts de promotion des filières porteuses et de diversification avec un accent particulier sur l’ananas, l’anacarde, le maïs, le riz, les cultures maraichères et la pisciculture ;  Promouvoir les aménagements hydroagricoles dans le cadre de la maitrise de l’eau et de la mise en valeur des bas-fonds et des vallées. Pour les aspects spécifiques liés au foncier, les actions à privilégier à court terme sont les suivantes :  Poursuivre le déploiement de l’Agence Nationale des Domaines et du Foncier et prendre les dispositions adéquates pour lui permettre de commencer à fonctionner ;  Disposer d’une meilleure connaissance de la réforme foncière et de ses effets et consolider l’existant – en préalable au développement de nouveaux outils juridiques et dispositifs institutionnels dans l’ensemble du pays, il serait pertinent de porter un regard sur les effets, les forces et les faiblesses des PFRs et de la certification foncière. Une meilleure analyse des contraintes, par une institution nationale de type Observatoire du 52 Foncier, et leur mise en débat aux échelons locaux et nationaux permettraient de raisonner un ensemble de mesures de relance des actions de sécurisation foncière ;  Adapter des modes d’enregistrement des droits fonciers et des transactions au contexte et aux capacités locales – les modes de formalisation des droits doivent s’ajuster au contexte ; les terres relevant de patrimoines familiaux dans le Nord et une parcelle appropriée privativement en zone péri-urbaine ne peuvent se sécuriser à l’identique. Le recours à des professions auxiliaires (notaires et géomètres) peut faire sens dans les centres urbains, mais leurs services ne sont pas abordables dans les campagnes ;  Enregistrer les droits dans leur diversité – la propriété privée existe dans le monde rural, mais elle n’est pas le seul mode d’accès à la terre. La grande variété de droits d’usage et de droits secondaires devrait également être enregistrée comme cela a été fait pour certains PFR. L’enjeu est d’éviter de ne consacrer que le droit des présumés propriétaires et d’ignorer les droits négociés par les exploitants. Pour sécuriser les détenteurs de différents types de droits, il importe de formaliser non seulement les droits des propriétaires, mais également les transactions entre propriétaires et exploitants ;  Renforcer les compétences communales et des différentes institutions locales – il s’agit de renforcer les Sections Villageoises de Gestion Foncière (SVGF) et les services locaux comme les Services des Affaires Domaniales et Environnementales (SADE) des mairies et des Commissions de Gestion Foncière (CoGEF) et d’aider à la clarification des délimitations communales, de sorte à démarquer les espaces de compétence. Le Système d’Information Foncière reste également à mieux maîtriser par les acteurs locaux. ACTIONS RECOMMANDÉES À MOYEN TERME Amorcer une transformation structurelle de l’agriculture béninoise et développer de façon pérenne les filières porteuses suppose de mettre en place un cadre réglementaire et institutionnel incitatif permettant aux différents acteurs de jouer pleinement leur rôle. Cela suppose aussi d’investir dans les biens et services publics de support au secteur. Il s’agit à moyen terme de privilégier les interventions suivantes :  Améliorer le degré de transformation des produits agricoles à travers une stratégie adéquate de promotion d’infrastructures de stockage et d’unités de transformation agroalimentaires installées de façon raisonnée dans les divers bassins de production ;  Définir une politique nationale de qualité et procéder à la rationalisation du dispositif institutionnel de contrôle de qualité qui s’insère dans la politique régionale de qualité (ECOQUAL) mise en place au niveau de la CEDEAO;  Mettre en place à travers un partenariat public-privé, des instruments adaptés aux besoins de financement du secteur (ressources pour crédit de moyen terme, fonds de garantie, mécanismes assurantiels, crédit-bail….etc) et promouvoir l’émergence des PME/PMI dans le secteur agricole ; 53  Promouvoir avec l’appui du secteur privé, une industrie semencière performante qui couvre autant les besoins de la production végétale, animale, qu’halieutique ;  Revisiter le mécanisme de subvention des intrants (surtout engrais et semences sélectionnées) avec un accent particulier sur le niveau de la subvention et les modalités de ciblage des populations les plus vulnérables ;  Améliorer la gouvernance et le cadre institutionnel du secteur en envisageant la possibilité d’élaborer une loi sur les interprofessions et une Loi d’Orientation Agricole (LOA) ; Pour le foncier, il est recommandé de :  Raisonner la fiscalité foncière – le nouveau dispositif doit disposer de ressources nationales en partie tirées de son activité et des services rendus. Par ailleurs, la fiscalité est l’incitation la plus efficace pour une déclaration et une actualisation régulières des transactions foncières, sans quoi les enregistrements initiaux deviennent rapidement caducs. La fiscalité foncière peut s’appliquer de manière différenciée pour favoriser différentes politiques sectorielles et pour ne pas alourdir les charges des populations les plus vulnérables.  Créer un centre de formation aux métiers du foncier – un programme national de sécurisation foncière doit pouvoir compter sur un corps de techniciens au niveau central et local solidement formés aux outils juridiques et techniques de la gestion foncière.  Concevoir un dispositif de guidage des investissements agricoles – pour faciliter l’accès à la terre aux investisseurs et favoriser des accords socialement inclusifs avec les communautés rurales, un système de conseil et d’orientations des investissements reste à mettre en place. L’APPUI DE LA BANQUE MONDIALE L’appui de la Banque mondiale dans le secteur agricole pourrait se réaliser à travers : (i) l’appui à l’évaluation du PSRSA et à la préparation de la nouvelle stratégie de développement du secteur agricole ; (ii) la poursuite des appuis aux filières ananas, anacarde, riz, mais et pisciculture dans le cadre de la poursuite de la mise en œuvre des projets en cours ; et (ii) l’appui aux réformes majeures du secteur sur la base d’une requête du gouvernement. L’appui dans le secteur foncier pourrait se réaliser en deux temps : (i) une revue du secteur permettrait de partager une vision commune avec le Gouvernement sur les forces et faiblesses de la nouvelle politique foncière et sur une série de recommandations opérationnelles et juridiques partagée avec les acteurs du secteur, y compris les organisations de la société civile ; (ii) engager un dialogue pour développer une série d’appuis permettant (a) le renforcement de capacités de l’Agence Nationale des Domaines et du Foncier aux niveaux central et local ; (b) la mise en œuvre sur terrain de mesures transitoires, et notamment de procédures simplifiées et accessibles pour accélérer la certification foncière individuelle et collective et faciliter l’enregistrement des transactions. 54 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 5 SUJET À TRAITER : FILIERE COTON MESSAGE PRINCIPAL Au Bénin, le coton représente près de 30% des exportations et contribue, en termes de valeur ajoutée, pour 7 % à la formation du Produit Intérieur Brut. Le coton constitue également l’activité économique principale de plus 300 000 ménages et procure un revenu monétaire à près de 2,5 millions de personnes au Bénin ; soit 25% de la population. Le revenu du coton crée également des effets multiplicateurs dans le transport, l’artisanat, le commerce et la construction. Au plan industriel, le coton représente environ 60% du tissu industriel local à travers les usines d’égrenage, les unités de trituration de graines de coton et une usine de fabrication de coton hydrophile. Les réformes conduites dans la filière ont eu pour fondement le transfert au secteur privé associatif et commercial, des activités de production, de transformation, de commerce et la gestion de la filière. Les crises successives qu’a connues la filière dans un contexte international marqué par la baisse tendancielle des cours de la fibre, n’ont pas permis de créer les conditions favorables pour garantir son évolution soutenue au profit des producteurs dans une perspective de réduction de la pauvreté. La production a évolué en dents de scie même si les mesures prises par le Gouvernement précédent après la crise de 2012 ont permis d’amorcer une certaine remontée pour passer de 174,000 tonnes en 2011-2012 pour montre à 393,000 en 2014-2015 et pour redescendre 269.000 tonnes en 2015-2016. Cependant, une filière cotonnière entièrement gérée par l’Etat n’est pas une option viable à moyen et long termes. Les défis pour préserver et développer durablement la filière coton au Bénin sont nombreux et complexes. En dehors des contraintes externes contre lesquelles il est difficile d’agir, telles que l’évolution des cours internationaux et la concurrence avec les fibres synthétiques, il est important que l’Etat repense le cadre global de gestion de la filière afin de corriger les dysfonctionnements internes. Il est donc indispensable de procéder à une réforme devant déboucher sur un mode de gestion durable et une gouvernance participative de la filière gage d’une performance accrue et d’une meilleure distribution des retombées. CONTEXTE Depuis une vingtaine d’années, le coton béninois a subi des mutations profondes qui ont eu des impacts non seulement sur la production mais surtout sur le fonctionnement de la filière. Lors des premières étapes du processus de privatisation à la fin des années 1990, les choses ont semblé bien se passer avec la poursuite de l’accroissement de la production. Mais de la campagne 1995- 1996 à celle de 2009-2010, la production a stagné le plus souvent aux alentours de 350.000 tonnes, voire décliné, et l’objectif des 500.000 tonnes en l’an 2000 proclamé n’a jamais été atteint, malgré les résultats de la campagne 2001-2002 qui se chiffraient à 417.384 tonnes. Après la campagne 2004-2005 qui avait permis d’atteindre la production record de 427.160 tonnes, une chute constante de la production a été observée, induite par des dysfonctionnements au niveau 55 de la filière, ayant entrainé une désaffection de la part des producteurs. La production n’a été que de 190.000 tonnes au cours de la campagne 2005-2006. Les deux campagnes suivantes 2006-2007 et 2007-2008, si elles n’ont pas été aussi désastreuses, n’en sont pas moins restées en deçà des 300.000 tonnes. La production a décliné à nouveau au cours des campagnes 2008- 2009, 2009-2010 pour s’établir à 174.000 tonnes lors de la campagne 2011-2012 et remonter ensuite à 240.000 tonnes pour la campagne 2012-2013, 307.355 tonnes à l'issue de la campagne 2013-2014, 350 050 tonnes pour la campagne 2014-2015 et 269 219 tonnes pour la campagne 2015-2016. Sur le plan de la productivité, le Bénin avait, au début des années 1990, fait des efforts pour améliorer le rendement de son coton. Le rendement avait atteint les 1400 Kg à l’hectare en moyenne. Mais depuis 1994, on observe une baisse tendancielle du rendement qui se situe aujourd’hui entre 900 et 1000 kg à l’hectare en moyenne. L’expansion de la production est donc surtout liée à l’augmentation des surfaces cultivées. Le renforcement des capacités des producteurs s’est surtout focalisé sur la commercialisation. Très peu d’actions ont été initiées en vue d’améliorer leurs capacités de production. Le transfert de compétences dans le domaine de la vulgarisation et de l’encadrement des producteurs s’est effectué avec des agents et des groupements de paysans beaucoup plus impliqués dans la gestion des marchés de coton et pas suffisamment dans l’amélioration de la productivité au champ. Sur la base d’un contentieux sur les résultats de la campagne 2011-2012 en termes de volume de production, le Conseil des Ministres, se réunissant de manière extraordinaire le 29 avril 2012, a décidé des mesures ci-après : (i) l’abrogation du décret n°99-537 du 17 novembre 1999 portant transfert au secteur privé de la responsabilité de l’organisation des consultations pour l’approvisionnement en intrants agricoles ainsi que des décrets subséquents à savoir : (a) Le décret 2006-234 du 18 mai 2006 portant définition du cadre institutionnel de représentation des producteurs de coton au sein de l’interprofession de la filière coton ; (b) le décret 2009-091 du 23 mars 2009 portant approbation de l’Accord-cadre entre l’Etat et l’Association Interprofessionnelle du Coton ; (c ) le décret 2010-215 du 04 juin 2010 modifiant et complétant le décret portant définition du cadre institutionnel de représentation des producteurs de coton au sein de l’Association Interprofessionnelle de la filière coton ; (ii) la suspension de l’Accord-cadre entre l’Etat et l’AIC ; (iii) la mise en place de l’Autorité nationale de suivi et de contrôle de la filière coton avec des démembrements dans les Départements et dans les Communes. Le bras opérationnel de cette Autorité est constitué de la SONAPRA, des CeRPA (Centre Régionaux de Promotion Agricole) et des CeCPA (Centre Communaux de Promotion Agricole) ; (iv) la mise en place d’un comité interministériel chargé de réfléchir sur le cadre intégré du secteur cotonnier béninois au cours de cette période exceptionnelle. Un autre comité paritaire Gouvernement-Secteur Privé, présidé par le Premier Ministre est chargé de réfléchir sur le nouveau partenariat à développer qui prendra en compte l’intérêt général et l’intérêt du secteur privé, avec pour objectif une gestion véritablement transparente pour une relance effective de la filière coton. 56 CONTRAINTES ET DÉFIS Au Bénin, le principal problème à la base des dysfonctionnements enregistrés dans la filière coton depuis le démarrage de la libéralisation en 1992 est la mauvaise gouvernance liée aux éléments ci-après : l'absence d'une Autorité de régulation des interventions des acteurs de la filière; la mauvaise gestion au sein des organisations professionnelles agricoles et leurs connivences avec les milieux politiques; le faible degré de participation des producteurs aux prises de décision et leur instrumentalisation ; la mise en œuvre des réformes par l'Etat parfois dans une approche clientéliste (personnalisation à outrance) ; l'absence de transparence dans la gestion de la filière par les différents acteurs; l'incapacité de l'AIC à travers ses services compétents à imposer aux acteurs de la filière le respect des règles du jeu; la trop forte implication de l'Etat dans l'arbitrage des conflits entre les acteurs privés et le faible degré de confiance entre les différents acteurs impliqués. En outre, la faible performance enregistrée par la filière en termes de volume de production au cours des dernières années s'explique principalement par le retard observé dans la mise en place des intrants, le faible niveau des rendements lié à la baisse de la productivité, la qualité des intrants, la faible mécanisation ainsi que l'insuffisance de l'appui technique aux producteurs. Les contraintes majeures enregistrées au titre de la commercialisation primaire sont entre autres : le démarrage tardif de la commercialisation, le retard dans le paiement des décades d'achat coton graine aux producteurs; l’inadéquation du tarif de transport au regard du niveau de dégradation de certaines pistes et du niveau d'enclavement de certaines zones ; la dégradation avancée des pistes coton par endroits; et le retard dans le paiement des prestataires (manutentionnaires, transitaires, contrôleurs, OP pour les frais de marché, techniciens des bascules, etc.). Concernant l’égrenage, on note entre autres que la réquisition systématique des usines de SODECO et l’imposition de l’égrenage à façon aux usines privées ont eu beaucoup d’effets pervers au cours des dernières campagnes. Au titre de la commercialisation des produits finis et dérivés, on peut noter comme contraintes majeures : la lenteur dans l'évacuation des produits finis avec comme conséquences l'engorgement des usines et la dégradation de la fibre (balles cartonnées) et des graines produites ; le retard dans le paiement des frais de transport de coton graine et de ses dérivés, ce qui a émoussé l'ardeur des transporteurs ; l'insuffisance des bâches pour couvrir les produits finis. Les principaux défis à relever dans le cadre des mesures de réorganisation de la filière coton sont essentiellement :  L’amélioration de la productivité, de la compétitivité, de la commercialisation et du revenu des producteurs tout en réduisant l’écart entre les capacités d’égrenage installées (environ 600 00 tonnes) et le volume de production ;  L’amélioration du système d’approvisionnement et de distribution des intrants ; 57  La réforme du mode de gouvernance de la filière en vue d’améliorer de façon durable, la contribution du coton au développement de l’économie nationale et à l’amélioration des conditions de vie des populations. A ces défis s’ajoutent ceux liés à la transf ormation locale de la fibre du coton (proportion de la production du coton transformé sur place est estimée à moins de 5%), la valorisation des sous- produits et à la protection de l’environnement (au regard des impacts environnementaux qu’engendre la culture du coton dont l’appauvrissement et la dégradation des sols dus à l’utilisation intensive de pesticides chimiques). ACTIONS RECOMMANDÉES À COURT TERME Dès sa prise de fonction, le nouveau Gouvernement a pris un certain nombre d’actions immédiates notamment : (i) l’abrogation du Décret portant réquisition des usines de la SODECO et règlement des redevances dues au titre de cette réquisition ; (ii) le rétablissement de l’Accord- cadre entre l’Etat et l’AIC avec réhabilitation de l’AIC et de la CSPR; (iii) la mobilisation des ressources pour le paiement des dettes envers les producteurs de coton (19 milliards de Francs CFA) ; iv) la mise en place d’une commission de vérification des diligences accomplies dans la fourniture d’intrants au titre de la campagne 2016-2017 ; et (v) la mise en place d’un comité technique paritaire transitoire Etat/AIC, chargé de conduire les activités devant concourir au bon déroulement de la campagne cotonnière 2016-2017. Il faut aussi faire remarquer que le gouvernement a tout récemment supprimé la subvention accordée à la filière tous les ans depuis 2006, malgré que le prix des intrants et de coton-graine (260 FCAF/kg) sont maintenus au même niveau que la campagne dernière et semblent très favorables aux producteurs béninois, comparés aux prix appliqués dans la sous-région. En outre les fonctions critiques seront supportées par les égreneurs à raison de 10 FCFA/kg, Au-delà de ces mesures urgentes et salutaires, il est impérieux pour le Gouvernement, de mettre sur pied un Comité Technique devant mener des réflexions qui conduiront à la tenue des états généraux de la filière coton pour ouvrir un dialogue inclusif sur le mode de gouvernance de la filière. A l’issue de ces assises, un consensus sur le mode d’organisation de la filière devra être dégagé sur la base d’un examen approfondi du contexte béninois, des leçons tirées des crises successives ainsi que des avantages et limites des diverses options possibles. A cet égard, la mise en place d’une Autorité de régulation de la filière devant garantir le respect des règles du jeu par les acteurs est à envisager. Il convient de rappeler qu’en matière de gouvernance de la filière, le Gouvernement précédent avait retenu le zonage du bassin cotonnier comme option privilégiée d’organisation de la filière et pris un certain nombre d’initiatives dans ce sens. La Banque mondiale s’était engagée à accompagner le gouvernement dans la définition d’un nouveau mode de gestion de la filière et avait indiqué que la résolution d’un certain nombre de préalables était nécessaire avant de s’engager sur la voie d’un zonage qui ne saurait être vu comme une panacée. Par décision du Conseil des Ministres du 30 Décembre 2014, il a été mis en place un Comité sur les réformes structurelles et institutionnelles à engager dans la filière. Les réflexions de ce Comité ont conduit à la préparation d’un rapport qui a fait l’objet de discussions en Conseil des Ministr es en sa séance extraordinaire du 07 Avril 2015. Suite à ces discussions, un projet de décret portant 58 adoption du plan de zonage des bassins cotonniers en République du Bénin a été adopté. Ce décret prévoit un découpage en quatre (04) zones (Zone 1 : Alibori ; Zone 2 : Borgou ; Zone 3 : Atacora-Donga ; Zone 4 : Zou-Collines, Mono-Couffo et Plateau. En outre, le Gouvernement a publié le 21 Janvier 2016, un Avis à Manifestation d’Intérêt (AMI) No 001/MAEP/SGM /PRMP/Se portant sélection de deux opérateurs techniques de référence pour la gestion de deux zones de production cotonnière dans le cadre du zonage du bassin cotonnier en République du Bénin. Le nouveau Gouvernement en concertation avec les divers acteurs de la filière devra se prononcer clairement sur le mode de gouvernance de la filière avec comme principes cardinaux la définition claire des rôles et responsabilités des acteurs, la transparence, l’impartialité et la limitation des conflits d’intérêt et des abus de position dominante. En dehors de l’urgence des réflexions et décisions sur le mode de gouvernance de la filière coton, l ’Etat doit s’impliquer activement dans les actions visant à améliorer la productivité au champ, le volume de production et le revenu des producteurs à travers :  La mise au point ou l’actualisation des formules d’engrais coton par zone agroécologique en lien avec les pôles retenus pour la filière ;  l’amélioration des circuits d’approvisionnement et de distribution des engrais et des produits phytosanitaires tout en veillant à la baisse des coûts et à la préservation de la qualité ;  le renforcement des capacités de la recherche en vue de la conduite de programmes de recherche axés sur la gestion intégrée de la fertilité des sols, l’amélioration variétale et la production de semences répondant aux normes internationales de qualité et aux exigences des acteurs de la filière;  la réorganisation de l’interprofession (AIC) sur la base des leçons tirées des diverses crises qu’a connues la filière;  le renforcement des capacités des producteurs et du dispositif d’encadrement ;  la mise au point de nouveaux itinéraires techniques notamment au niveau du calendrier des semis, de la mécanisation et des programmes de traitement phytosanitaires, et  l’amélioration des techniques de récolte, de stockage et du système de classement du coton graine, ACTIONS RECOMMANDÉES À MOYEN TERME Au-delà des mesures à prendre à court terme pour donner un contenu opérationnel à la réforme de la filière coton, il s’agit à moyen terme d’élaborer une véritable stratégie sectorielle pour le développement de la filière. Cette stratégie doit prendre en compte les mesures suivantes :  Revisiter les instruments d’intervention et d’appui de l’Etat à la filière (ciblage des subventions aux intrants et débats sur leur niveau optimal, actualisation et dépolitisation 59 du mode de détermination des prix aux producteurs et des prix de cession des intrants ; réflexion sur la faisabilité d’un fonds de lissage….etc.)  Réaliser un véritable plan d’aménagement, localiser et spécialiser les emblavures de coton selon les zones agro-écologiques propices à la culture (coton irrigué de grande valeur ajoutée, niches pour le coton biologique, exploitation du marché de coton équitable) et mettre en place les itinéraires techniques appropriées pour obtenir les meilleurs rendements ;  Spécialiser l’encadrement selon les types de spéculation et les spécificités des différentes zones agro-écologiques, permettant d’adapter et de prendre en charge des itinéraires techniques spécifiques à chaque type de spéculation cotonnière, à chaque zone de culture (pluviométrie, pression parasite, traitement adapté, engrais compatible avec la qualité des sols) ;  Faire du coton le vecteur d’une stratégie agricole diversifiée et intégrée fondée sur : (i) une rotation culturale avec des spéculations d’association comme les céréales (maïs, mil, sorgho et tubercules); (ii) l’intensification des filières d’élevage de ruminants exploitant les sous-produits du coton (graine et tourteau de coton ), mais aussi la production de plantes fourragères (haricot fourrager…) et le développement de techniques de constitution de réserves fourragères (ensilage). Cette intensification passera par le développement de « bassins laitiers » et d’ « embouche bovine », avec l’assurance d’une couverture vétérinaire adéquate, l’essor de l’insémination artificielle et la disponibilité en appoint d’aliments composés en granulés issues de provenderies industrielles dont l’insertion sera encouragée pour accompagner également les élevages à cycle court comme l’aviculture. L’APPUI DE LA BANQUE MONDIALE Consciente que la conduite des reformes sur le mode de gouvernance de la filière est un enjeu majeur pour l’avenir de la filière coton, la Banque mondiale reste disponible comme par le passé, à accompagner le Gouvernement dans la conduite de ces réformes dans une logique de consensus et de concertation entre les acteurs. 60 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 6 SUJET À TRAITER : ÉNERGIE MESSAGE PRINCIPAL Le Bénin fait face depuis ces dernières années à une crise énergétique caractérisée par des délestages intempestifs qui entravent le développement économique du pays. La demande actuelle en électricité dépasse de loin la production nationale et la différence est comblée par une importation qui représente plus de 90 % de la consommation nationale. Le recours à la production de secours à partir de groupes Diesel est une solution à court terme qui présente l’inconvénient de l’augmentation du coût du mix de production et le déséquilibre financier du secteur. Il faut donc trouver une solution à cette situation, par une bonne planification et le recours aux moyens de production à moindre coût tels que l’hydroélectricité, la production au gaz, au fuel lourd et les énergies renouvelables. En plus de la problématique d’approvisionnement, les réformes du secteur, au niveau des lois et textes ainsi qu’au niveau de la gestion des sociétés d’électricité, s’avèrent une nécessité pour assainir le cadre légal et réglementaire, et encourager la participation du secteur privé. De plus, l’augmentation de l’accès aux énergies modernes telles que l’électricité et le gaz domestique aussi bien en zones urbaine que rurale, demeure une priorité. INDICATEURS PRINCIPAUX Indicateur Données Taux d’accès 31 % (58 % urbain, 7 % rural) Capacité installée 295 MW - Total 240 (MW) Diesel (SBEE), 30 MW Hydro, 25 MW turbine a gaz (CEB) Mix éenergétique 50 % hydro, 50 % thermique Production d’électricité 48 GWh local, 1109 GWh importé Pertes techniques 24 % (pertes de distribution) Tarif moyen 115 F CFA/kWh Coûts de production 200 F CFA/kWh Diesel 60 F CFA/kWh importé Taux de recouvrement SBEE 60 % (65 % pour la clientèle hors administration publique et 30 % pour l'administration publique et les collectivités locales) CONTEXTE Comme pour la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, le secteur énergétique du Bénin est dominé par l’utilisation de sources d’énergie traditionnelles. L’utilisation de produits traditionnels de la biomasse tels que le bois énergie et le charbon de bois représente environ 49 % de la balance énergétique du Bénin. La majeure partie de cette biomasse est utilisée de manière non 61 durable et contribue au déclin accéléré de la couverture forestière. L’utilisation de l’électricité est limitée à 2,95 millions de personnes, soit 31 % de la population. Cependant, le taux d’électrification du Bénin dépasse la moyenne de l’Afrique subsaharienne, qui est de 25 %, et connaît une forte augmentation depuis son niveau en 1990 qui n’était que de 8 %. L’accès à l’électricité dans les zones urbaines atteint 58 % alors que l’accès à l’électricité dans les zones rurales ne dépasse pas 7 %. La géographie du Bénin rend le pays facilement accessible pour l’électrification rurale et présente de bonnes options à moindre coût pour l’extension du réseau électrique. La consommation en électricité en 2014 s’est élevée à 996 GWh, et la plus grande partie de la charge émanait de la zone côtière autour de la capitale du Bénin, Cotonou. La consommation moyenne des ménages est pratiquement stable depuis ces dernières années. En 2014, elle s’élevait à 1,3 MWh/an. Depuis une vingtaine d’années, la demande en électricité est en augmentation constante, à un taux de 7 % par an. La majeure partie de la demande d’électricité provient des ménages. Dans le secteur industriel, l’utilisation de l’électricité est limitée à quelques industries (denrées alimentaires agricoles, coton, textiles, produits pharmaceutiques et ciment). En 2014, la consommation industrielle représentait environ 20 % de la demande totale en électricité. L’accès limité à l’électricité a un impact négatif sur la croissance économique du pays. Les principaux acteurs opérationnels du sous-secteur de l’électricité sont les suivants : la Communauté électrique du Bénin (CEB), la Société béninoise d’énergie électrique (SBEE) et l’Agence béninoise d’électrification rurale et de maîtrise de l’énergie (ABERME). La CEB est une société en charge de l’importation, de la production et du transport de l’électricité à la fois au Togo et au Bénin, son siège social se situant en République togolaise. Le rôle de la CEB est, à l’origine, de planifier, d’approvisionner et de distribuer les ressources énergétiques nécessaires afin de répondre à la demande du Bénin, y compris par le biais de producteurs indépendants d’énergie (PIE). La CEB approvisionne en énergie la SBEE, la Compagnie d’énergie électrique du Togo (CEET) ainsi que de gros clients industriels pour un tarif moyen de 58 Francs CFA. La SBEE est en charge de la distribution de l’électricité au Bénin et approvisionne 507 000 clients à un tarif utilisateur final moyen de 115 Francs CFA. Bien que la SBEE n’ait pas été, à l’origine, chargée de la production d’énergie, elle a néanmoins comblé le déficit grandissant entre l’offre et la demande dû à une hausse constante de la demande béninoise, en ayant recours à une production supplémentaire de diesel (production de diesel à la fois pour son propre usage et en location). Compte tenu du faible taux d’électrification dans les zones rurales et de la nécessité d’un effort ciblé pour améliorer l’accès dans ces zones, l’ABERME a été créée pour remédier à ce problème. Elle a essentiellement pour mission de mettre en œuvre la politique du Gouvernement en matière d’électrification rurale et de maîtrise de l’énergie. Il faut également noter la création récente de l’Agence nationale de développement des énergies renouvelables (ANADER), chargée du développement des investissements des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique, ainsi de que l’Autorité de rég ulation de l’électricité (ARE). 62 DÉFIS Planification du secteur : Les récentes crises énergétiques du secteur, qui se manifestent par un délestage quasi permanent, sont le résultat d’une mauvaise planification du secteur tant au niveau de la production qu’au niveau du transport et de la distribution d’électricité. Pour pallier cette situation, un plan directeur de production, de transport et de distribution a été élaboré. À partir de la prévision de la demande, ce plan a identifié les investissements nécessaires pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande à l’horizon 2035. Sur la base ce plan, un programme d’investissement devra être adopté par le Gouvernement et devra être mis en œuvre avec les partenaires techniques et financiers, et avec la participation du secteur privé. Cette discipline de planification devrait être pérennisée par la mise à jour périodique du plan directeur et du programme d’investissement pour éviter à nouveau dans le futur le déficit énergétique. Le Gouvernement devra veiller à la mise en œuvre de ce programme d’investissement dans les délais impartis. Améliorer l’approvisionnement et assurer l’équilibre financier du secteur : La croissance annuelle moyenne de la demande est actuellement de 7 % par an, ce qui se traduit par un besoin d’accroissement de la production/l’importation de 15 MW en moyenne chaque année. Étant donné les délais de développement d’une centrale thermique en moyenne de trois (3) ans et d’une centrale hydroélectrique en moyenne de cinq (5) ans, il faut accélérer les projets en cours de développement, et commencer au moment voulu, la préparation des projets futurs. Vu le niveau de dépendance du Nigeria, le pays a intérêt à investir dans des capacités additionnelles, au-delà du minimum requis pour couvrir la demande. Ces projets futurs devront se développer dans la transparence et dans les meilleures conditions techniques, financières et légales pour garantir un coût de production compétitif et un impact environnemental et social minimum. Équilibre financier du secteur : Il conditionne le développement des infrastructures de production, de transport et de distribution. L’absence d’une régulation du secteur, ainsi que l’absence d’une politique tarifaire ne favorisent pas l’ajustement des tarifs, nécessaire à l’équilibre financier. Par ailleurs, l’électrification rurale, habituellement exécutée à perte, relève désormais de l’ABERME. L’ABERME devra être renforcée pour qu’elle puisse gérer efficacement les subventions d’électrification rurale et accroître l’accès en zone rurale. Réformes du secteur : Sur le plan des réformes du secteur, l’apparition de nouveaux acteurs privés dans la production d’électricité ces dernières années exige un réaménagement des lois et des codes du secteur, pour sécuriser les investissements et rendre le secteur attractif aux investissements privés. À cette fin, la révision de l’Accord international portant code bénino- togolais de l’électricité et la Loi portant code de l’électricité en République du Bénin, devient une nécessité ainsi que la mise en opération d’Autorité de Régulation de l’électricité. Au niveau des sociétés d’électricité (La CEB et la SBEE), des réformes s’imposent dans leur organisation et leur fonctionnement pour améliorer leur efficacité dans la fourniture des services d’électricité à la population. Amélioration de l’accès aux énergies modernes : Les taux d’accès à l’électricité en zone urbaine et rurale demeurent bas. À l’heure actuelle, les besoins en énergie de la population sont assurés en majorité par les sources traditionnelles, sous forme de bois énergie ou de charbon 63 de bois. L’utilisation du gaz butane (GPL) reste marginale et circonscrite aux zones urbaines. Cette situation crée une pression constante sur la réserve naturelle de biomasse que constitue la forêt, avec des conséquences graves sur l’environnement et la santé des populations. MESURES RECOMMANDÉES À COURT TERME Dans le domaine de l’approvisionnement : i) Finaliser et adopter un programme d’investissement sur la base du plan directeur, puis rechercher le financement et/ou les investisseurs pour le réaliser ; ii) accélérer la conclusion d’un accord avec la CEET au Togo pour accéder à une partie de la capacité non utilisée de leur centrale Contour Global Togo (CGT), permettant d’arrêter la location des groupes Diesel dont le coût de production d’environ 200 F CFA/kWh, pèse sur les finances de l’État et la trésorerie de la SBEE. Considérer aussi la possibilité de construire une expansion de 100MW de CGT pour desservir le Bénin avec un contrat d’achat d’électricité à long terme : construire une expansion est souvent plus rapide que construire une centrale ex-novo ; iii) veiller au démarrage rapide de la construction du barrage d’Adjarala par la CEB, tout en maîtrisant le processus de dédommagement des populations, pour éviter les retards dans la construction, et l’augmentation du coût des investissements et donc, du coût de production ; iv) lancer un appel d’offre pour la construction d’une centrale thermique fonctionnant au fuel lourd et au gaz naturel d’une puissance de 100MW environ. Cette centrale devrait être construite avec la participation majoritaire du secteur privé, dans la transparence pour assurer un coût de production optimale ; et v) dans le domaine des énergies renouvelables, il faudra lancer la préparation des projets de centrales solaires prévues, ainsi que la préparation des projets de centrales hydroélectriques de Dogo bis, Vossa, Bétérou et Olougbé. Au niveau de la réforme du secteur : i) Apurer les arriérés de l’État vis-à-vis de la SBEE et ceux de la SBEE vis-à-vis de la CEB ; ii) opérationnaliser l’autorité de régulation du secteur de l’électricité en lui donnant les moyens de mener sa mission ; ii) procéder aux réformes de la SBEE par la recomposition du conseil d’administration, qui devra comprendre des cadres compétents et expérimentés, ainsi qu’au recrutement d’un nouveau Directeur général par appel à candidature, et mettre en place un contrat de performance ; iii) procéder au lancement d’une étude sur les réformes de la CEB ; iv) procéder à la révision de l’Accord international portant code Bénino-Togolais de l’électricité et de la Loi portant code de l’électricité en République du Bénin. Ces réformes sont fondamentaux pour pouvoir attirer le secteur prives et les bailleurs de fonds à investir dans le secteur. Pour améliorer l’accès aux énergies modernes : i) Accélérer et mieux organiser les programme d’électrification rurale en cours en renforçant les capacités de l’ABERME pour concevoir et exécuter les projets ; ii) accélérer la préparation des projets d’accès à l’électricité en zone urbaine et rurale ; (iii) mettre en place une politique de réduction du coût du branchement par des subventions et/ou en accordant des facilités de paiement aux futurs abonnés ; iv) lancer la préparation d’un programme intitulé Lightning Africa pour le Bénin qui permettra d’établir un environnement propice à la vulgarisation des kits solaires d’éclairage en zones péri-urbaine et rurale ; et v) entreprendre une étude sur la vulgarisation du GPL et l’élaboration des plans d’aménagement des massifs forestiers du Bénin non encore aménagés. 64 MESURES RECOMMANDÉES À MOYEN TERME Dans le domaine de l’approvisionnement : i) Achever la construction du barrage hydroélectrique d’Adjarala, de la centrale thermique de 100 MW, des centrales solaires et démarrer la construction du barrage de Dogo bis ; ii) assurer la sécurité des approvisionnements par la signature de contrats commerciaux, avec des dispositions de take-or-pay et des mécanismes d'exigence clairs entre les fournisseurs et les acheteurs, pour assurer la régularité de l'importation de l'électricité et du gaz naturel du Nigeria. La construction du barrage d’Adjarala et des autres centrales envisagées devra s’effectuer dans les meilleures conditions économiques et financière afin d’assurer un coût du mix énergétiques raisonnable. La coopération régionale au travers du West Africa Power Pool (WAPP) devra être développée pour tirer profit des synergies sous régionales sur une base plus commerciale qui établit les obligations des uns et des autres et garantit un minimum de disponibilité. Au niveau de la réforme du secteur : Il faudra consolider l’autonomie du régulateur par les ressources prélevées sur les redevances des concessionnaires. Pour améliorer les performances de la SBEE, il faudra mettre en œuvre un programme d’investissement qui vise la réduction des pertes techniques et commerciales. Le taux de perte actuel est de 24 % environ ; une cible de 15 % pourrait être fixée comme objectif à moyen terme. Le taux de recouvrement devra être amélioré par l’augmentation des compteurs à prépaiement et une meilleure organisation de la fonction commerciale. Au niveau de la CEB, il faudra appliquer les recommandations de l’étude préconisée sur les réformes. L’absence d’une politique tarifaire assortie d’un programme de réajustement périodique des tarifs ne permet pas au secteur d’assurer son équilibre financier de manière stable et d’attirer le secteur privé. Pour mémoire, le dernier ajustement tarifaire a eu lieu en 2009. Il apparaît donc que l’élaboration d’une étude tarifaire et la mise en place d’une politique tarifaire constituent une urgence pour le secteur. Assainissement des contrats commerciaux pour les importations d’électricité et de gaz : i) Sécuriser les contrats d’importation d’électricité et de gaz (pour remplacer les combustibles liquides). Ces importations restent des options très attrayantes pour le Bénin, même après la mise en place de capacités de production supplémentaires pour assurer la sécurité des approvisionnements ; ii) organiser le sous-secteur de l’électricité de manière compétitive, pour favoriser la mise en œuvre du cadre commercial fiable. Les entreprises des secteurs public et privé devraient se conformer aux normes de performance (avec des conséquences en cas de non-performance) ; iii) assurer la viabilité financière du secteur grâce à des tarifs reflétant les coûts ; (iv) mettre en place une discipline contractuelle entre les différentes parties du cadre commercial contractuel des importations ; v) réduire l’intervention directe du Gouvernement dans le fonctionnement opérationnel du secteur. Cette intervention devrait se limiter à la mise en place de la réglementation, à la formulation des politiques et stratégies du secteur, ainsi qu’à la planification. Arrangements pour assurer les importations de gaz sur une base durable : Les importations de gaz devraient être poursuivies pour remplacer les combustibles liquides et permettre d’obtenir un coût avantageux. Cela impliquerait : i) d’initier des négociations avec Shell/NDJV (Niger Delta Joint-Venture)/Chevron, les petits producteurs, NNPC (Nigeria National Petroleum 65 Corporation) en tant que vendeurs de gaz au Nigeria ; ii) de négocier un accord commercial avec WAPCo (West African Gas Pipeline Company) pour le transport de gaz au-delà du volume de base ; iii) d’initier des discussions avec le Gouvernement du Nigeria et d'autres intervenants pour une approbation à haut niveau ; et iv) de mettre en place un accord commercial avec CEB comme acheteur de gaz au Bénin. La CEB devra développer des compétences internes ou solliciter un appui extérieur pour négocier des bonnes conditions commerciales de fourniture de combustible et de gaz. Amélioration de l’accès aux énergies modernes : Il faudra ; i) élaborer et mettre en œuvre une politique et une stratégie nationale d’accès à l’électricité pour un accès universel durable aux services d’électricité, répondant aux normes de qualité applicables, dans le meilleur délai possible et dans l’optique de l’optimisation des ressources nationales ; ii) poursuivre les investissements d’amélioration de l’accès à l’électricité en zones urbaine et rurale ; iii) exécuter les plans d’aménagement des massifs forestiers pour maîtriser l’utilisation de la biomasse pour la fourniture de l’énergie, et vulgariser l’utilisation des énergies de substitution telles que le gaz domestique. APPUI DE LA BANQUE MONDIALE La Banque mondiale appuie actuellement le secteur de l’énergie par le projet DAEM (Développement de l’accès à l’énergie moderne). Ce projet est en vigueur depuis avril 2010 et permet de renforcer la fiabilité du réseau, la qualité du service et l’accès aux services d’énergie moderne. Il contribue à renforcer et à étendre le réseau de transport et permettra au système de répondre à des critères de conception technique élémentaires. Les investissements sur l’efficacité de la distribution et de l’énergie visent à augmenter la fiabilité du système énergétique grâce à la réduction du nombre de pannes, du niveau des pertes et de la charge maximale. Dans le domaine de la biomasse, le DAEM appuie les communautés locales du Moyen-Ouémé dans la gestion rationnelle du bois-énergie et contribue à réduire la dépendance du bois par la promotion des équipements de cuisson à gaz et la dissémination des foyers améliorés. Une nouvelle opération est envisagée à la suite du DAEM pour soutenir les actions de réforme et les investissements nécessaires à l’amélioration des performances du secteur. Dans le domaine de la production d’électricité thermique et des énergies renouvelables, le Gouvernement du Bénin a besoin de conseillers expérimentés pour négocier de bons contrats avec les producteurs indépendants. L’unité consultative PPP (Partenariat public/privé) de la SFI (Société financière internationale) pourrait être mise à contribution pour fournir une assistance. De plus, les instruments de garantie de risque (PRG, MIGA) pourraient être mis à contribution pour soutenir les projets PPP dans le domaine de la production. Dans le secteur énergétique, l’IFC pourrait intervenir dans deux domaines : des mesures pour faire face aux besoins immédiats et à ceux sur le long terme. Besoins immédiats 66 Nous comprenons que le gouvernement a des besoins en électricité immédiats et voudrait installer une capacité de 200 MW d’ici fin 2016. IFC pourrait intervenir de deux manières : 1) Appuyer l’élaboration et la conclusion formelle d’un accord entre la Compagnie Energie Electrique du Togo (CEET) et la Société Béninoise d’Energie Electrique (SBEE) pour l’achat d’électricité excédentaire auprès de la centrale de ContourGlobal Togo. Selon nos estimations, une telle option pourrait fournir immédiatement jusqu’à 33 MW d’électricité, probablement à des conditions très compétitives. 2) Assister le gouvernement du Benin à obtenir l’approvisionnement d’électricité par des générateurs ou des barges d’urgence fournis par une compagnie internationale. Par exemple, la Communauté Electrique du Benin (CEB), pourrait conclure un accord avec une ou deux banques locales pour financer la location de générateurs ou de barges auprès d’une société internationale. Ces banques pourraient mettre à la disposition de ce fournisseur un instrument de paiement (garantie bancaire internationale ou une lettre de crédit irrévocable) via une banque internationale. IFC pourrait considérer garantir cet instrument de paiement. A l’évidence, une telle structuration ne nécessiterait que les banques locales qui s’y engagent ainsi que le fournisseur d’électricité d’urgence se mettent d’accord sur les termes et le mode de paiement de cette transaction. La capacité de l’IFC à mener à bien une telle opération dépendra de la volonté et de la capacité des banques locales à satisfaire à nos critères d’investissement ainsi que du montant et de la durée de ce mode de financement. Ce type de transaction permettrait de consacrer les ressources de l’Etat (et des bailleurs) aux autres besoins urgents, et pourrait aider le Benin à réaliser son plan de mettre en place 200 MW rapidement. (Comme les solutions d’électricité d’urgence sont généralement plus couteuses que les solutions à long terme, il est préférable, bien entendu, que leur utilisation soit le plus court possible pour la bonne maitrise des couts.) Besoins sur le long terme Dans une perspective à long terme, nous comprenons que le gouvernement voudrait installer une capacité de production d’électricité de 352 MW avant la fin de l’année 2018. L’une des principales préoccupations du gouvernement est d’éviter une dépendance extérieure par rapport à ses besoins en électricité. IFC pourrait intervenir selon ce qui suit : 1. IFC pourrait travailler avec des producteurs d’électricité indépendants (PIE). IFC est disposée à étudier et entreprendre la structuration du financement requis par des soumissionnaires sélectionnés par appel d’offre. Cela est valable aussi bien pour des nouvelles centrales que pour des centrales anciennes avec des besoins de rénovation (telle que Maria Gleta) et pourrait aussi bien concerner des projets solaires (avec l’initiative « Scaling Solar », http://www.scalingsolar.org) ou thermiques. Ces financements devront s’appuyer sur une revue approfondie du secteur de l’électricité au Bénin en lien avec la Banque Mondiale afin de s’assurer que le secteur a entrepris ou est sur le point d’entreprendre les réformes nécessaires à son bon fonctionnement et sa soutenabilité financière en particulier en ce qui concerne son mode de gouvernance, ses capacités de planification et le rôle des acteurs du secteur. 67 2. En considérant que l’expansion d’une centrale existante est souvent plus rapide que la construction d’une nouvelle centrale (parce que la structure financière et légale est déjà en place), IFC pourrait appuyer la construction d’une expansion, dédié au Benin, de la centrale ContourGlobal Togo jusqu’à 100MW. Les modalités de partage de l’énergie produite devront être discutées entre le Togo et le Bénin. Nous connaissons un exemple similaire de ressource partagée entre le Mali et le Sénégal. 3. Dans le souci d’avoir une chaine de valeur énergétique efficace, y compris un repreneur d’électricité (« offtaker ») financièrement solide, le département de partenariats publics- privés de l’IFC pourrait conseiller le gouvernement du Benin sur une participation du secteur privé dans la SBEE, afin d’améliorer son efficacité opérationnelle. Cette participation permettrait au gouvernement de profiter de l’expertise et de la capacité financière d’un opérateur reconnu, ce qui soulagerait les emplois et ressources du budget national. Sur la base de notre expérience récente dans la région, nous croyons qu’il y a des partenaires potentiels crédibles qui pourraient accueillir favorablement l’opportunité de travailler avec le gouvernement du Benin. 68 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 7 SUJET À TRAITER : EAU ET ASSAINISSEMENT MESSAGE PRINCIPAL Réalisme et efficience dans la conduite des réformes institutionnelles et dans la mise en œuvre d’actions facilitant la création d’un environnement favorable pour : i) la gestion intégrée des ressources en eau ; et ii) la fourniture de services en eau potable améliorés pour tous tant en milieu urbain qu’en milieu rural à des prix n’excluant pas les personnes pauvres. INDICATEURS PRINCIPAUX 2013 2014 2030 (Target) Taux d’alimentation en eau potable en milieu rural (%) 65.6 68.1 100 Taux d’alimentation en eau potable en milieu urbain (%) 68.0 72.0 100 Part des ressources transférées par rapport aux ressources 15,0 45,7 totales (%) Taux d’exécution financière des ressources transférées (%) 89,3 59,0 Taux d’accès des ménages aux ouvrages d’évacuation des 45.8 - excrétas (%) Tarif du m3 en milieu urbain (F CFA) 448 448 3 Tarif du m en milieu rural (F CFA) 500-800 500- 800 Taux de délégation de la gestion des AEV (%) 58 65 100 CONTEXTE Le secteur de l’Approvisionnement en eau potable (AEP) tant en zone urbaine que dans les milieux ruraux, est celui où le Bénin peut se prévaloir d’avoir réalisé au cours des dix dernières années des performances encourageantes à l’échelle de la région africaine, avec la mise en œuvre d’approches et d’initiatives innovantes à envier en dépit de la crise de 2015 qui a plus particulièrement ébranlé le sous-secteur rural AEP. Le Gouvernement du Bénin, avec l’aide de ses partenaires techniques et financiers, a rempli, avant l’échéance fixée par la communauté internationale pour l’atteinte de l’OMD 7 relatif à l’eau et l’assainissement (2015), les engagements des cibles auxquels il a souscrit. Le rapport d’exécution du Budget programme par objectif (BPO) de l’ex-Direction générale de l’eau (DG Eau) et le rapport rendant compte de la mise en œuvre du Plan pluriannuel de développement de l’entreprise (PPDE) de la Société nationale des eaux du Bénin (SONEB) soumis au dernier examen sectoriel des 18 et 19 Juin 2015, livrent des résultats encourageants dans le domaine de l’eau potable en milieu rural et semi urbain, avec un taux d’approvisionnement 69 de 68,1 % atteint à la fin de 2014 contre une cible fixée à 67,3 % à la fin de 2015 dans le cadre de l’OMD 7. Ceci vient s’ajouter à la bonne performance également affichée par la SONEB dans le milieu urbain, avec un taux d’approvisionnement de 72,0 % atteint à la fin de 2014 par rapport à l’objectif de 75,0% à la fin de 2015. Le Bénin affiche ainsi une performance remarquable, fruit des efforts de tous les acteurs et partenaires du secteur, y compris des communes. Sur le plan du financement des besoins du secteur, le secteur a été l’un des premiers à adopter au Bénin l’approche programmatique avec un budget programme par objectif (BPO) ascendant (c’est-à-dire de la programmation commune vers la programmation sectorielle consolidée) axé sur les résultats plutôt que sur la simple budgétisation selon les moyens. Jusqu’à la récente crise, les acquis de cet effort de développement du secteur eau et assainissement sont les suivants :  Une Société nationale des eaux du Bénin performante pour l’Approvisionnement en eau potable en milieu urbain, dotée d’outils modernes de planification et de gestion propices à la mobilisation de ressources d’investissement,  Un Budget programme par objectif (BPO) fonctionnel du niveau local au niveau central pour l’Approvisionnement en eau potable en milieu rural,  Une maîtrise d’ouvrage commune effective depuis 2004 qui s’affirme progressivement,  Un appui des services déconcentrés aux communes décentralisées dans l’exercice de la responsabilité de fourniture et de distribution d'eau potable énoncé par l’article 93 de la loi n° 97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l’administration territoriale de la République du Bénin,  Une revue sectorielle annuelle regroupant les principaux acteurs du secteur,  L’efficacité de l’animation d’un Groupe sectoriel eau et assainissement qui se réunit régulièrement. Par ailleurs, le sous-secteur de l’AEP en milieu rural a lancé durant l’exercice 2014, avec l’appui du Groupe de la Banque mondiale, une initiative innovante avec la participation du secteur privé local dans la fourniture du service en eau potable au niveau local avec la signature de contrats de concessions dans le cadre de partenariats publics et privés. Ceci marque non seulement une nouvelle étape vers la durabilité et la valorisation de l’investissement public, mais consacre aussi une nouvelle dimension dans la participation du secteur privé local au développement des infrastructures pour un niveau de service plus amélioré avec des branchements particuliers aux ménages vivant en milieu rural. Cette performance globale cache pourtant des disparités aux niveaux départemental et communal. Le niveau de développement d’un secteur ne se mesure pas uniquement en fonction des investissements réalisés, mais à travers la solidité des piliers essentiels qui sous-tendent la durabilité des résultats et l’efficience économique, à savoir : i) les arrangements institutionnels ; ii) la capacité et les approches de planification et de mise en œuvre ; et iii) le financement. 70 DÉFIS De façon plus générale, la problématique de la gouvernance et en particulier celle de la gouvernance institutionnelle et fiduciaire s’imposent comme plus les grands défis du secteur. La problématique est de consolider des arrangements institutionnels fonctionnels qui permettent de fournir durablement un service abordable pour tous. En d’autres termes, les défis des capacités institutionnelles, de l’adéquation des ressources humaines tant en effectif qu’en compétences restent entiers pour le traitement équitable et la satisfaction des besoins des populations. MESURES RECOMMANDÉES À COURT TERME POUR CRÉER UN IMPACT DÈS LA PREMIÈRE ANNÉE 1. Le nouveau Gouvernement du Bénin doit reprendre le dessus quant à la conduite des activités du secteur eau et assainissement des eaux usées à travers : i) l’amélioration de la coordination institutionnelle et de celle des acteurs majeurs du secteur (y compris les partenaires techniques et financiers) ; et ii) la finalisation et l’adoption d’une nouvelle stratégie 2016-2030 pour l’AEP en milieu rural qui soit en ligne avec la vision du Bénin, et l’accès universel à l’eau. 2. Au plan organisationnel il faudra revoir immédiatement le cadre institutionnel du secteur. Il importe que le cadre institutionnel soit : i) réaliste, c’est-à-dire qu‘il tienne compte des effectifs qualifiés encore motivés et disponibles pour l’atteinte des objectifs du secteur ; ii) simple en termes de structuration et de relations hiérarchiques au service de l’efficacité dans l’exécution des actions et dans les programmes sectoriels ; et iii) le plus opérant possible du point de vue de la gestion et du contrôle des risques fiduciaires. Ceci permettra d’éliminer les aspects négatifs d’un cadre actuel visiblement lourd, onéreux et bien évidemment compliqué à gérer tant du point de vue des ressources financières que des ressources humaines. De plus, les arrangements institutionnels actuels ne garantissent pas de façon suffisante une mitigation des risques fiduciaires. Afin de couvrir tous les aspects de la thématique eau, il faudra mettre en place une Direction générale des ressources hydrauliques qui aura sous son autorité directe trois Directions techniques et des Directions régionales, et une Cellule d’Audit interne. Les trois Directions techniques devraient être les suivantes :  Direction des stratégies et des budgets programmes par objectifs  Direction de la gestion des ressources en eau  Direction du Service public de l’eau potable et de la régulation Chacune des trois Directions techniques comportera un agent comptable qui travaillera avec la Direction des ressources financières et matérielles du Ministère de tutelle et les régisseurs des projets spécifiques. 3. Au plan stratégique, il sera question dès le départ de définir un objectif et des cibles en termes d’établissement de points d’accès à l’eau potable et de population à desservir à l’horizon 2030 en ligne avec l’objectif 6.1 des Objectifs de développement durable. 71 4. Le dernier point d’actions immédiates est celui de l’affectation des ressources humaines nécessaires au bon endroit. Ce principe devra être accompagné d’un effort de renforcement des capacités du secteur public à travers des stratégies innovantes de recrutement et de formation de cadres aptes et en nombre suffisant. MESURES RECOMMANDÉES À MOYEN TERME (1-5 ANNÉES) La structuration d’un programme d’actions structurantes respectant les stratégies et les plans pour les années à venir devrait permettre de faire une différence tout en garantissant la satisfaction des besoins des populations à travers la fourniture durable du service en eau et d’assainissement. Le programme d’actions à moyen terme proposé comporte sept chantiers. Ces chantiers doivent faire l’objet d’un cadre de dépenses à moyen terme permettant au Gouvernement de maîtriser leur financement. Ces sept chantiers sont les suivants : 1. La mise en œuvre effective des Plans directeurs d'assainissement des eaux usées des zones urbaines de Cotonou, Abomey-Calavi, Sèmè-Podji et de l’agglomération de Porto- Novo à travers deux objectifs immédiats : - Objectif 1 : protection immédiate de la population vis-à-vis de la contamination fécale. - Objectif 2 : élimination de la pollution fécale par collecte et traitement des effluents fécaux. En termes d’actions, il s’agira à court terme : i) de la construction des stations de traitement de boue de vidange en vue du traitement correct de l’ensemble des boues de vidange ; ii) de la suppression des rejets sans traitement des Cités « Vie Nouvelle » et « Houéyiho » (Cotonou) et à terme, des ensembles résidentiels homogènes ; iii) des actions sociales et économiques pour résorber la pratique de la défécation à l’air libre en fournissant des toilettes aux ménages qui en sont dépourvus ; iv) de l’organisation du service d’assainissement, notamment les camions de vidange, ce qui devrait réduire les mauvaises pratiques ; et v) de la politique de dissuasion d’utilisation de l’eau de puit, en s’appuyant sur l’augmentation de la capacité de distribution d’eau potable par la SONEB; 2. Le financement du programme d’investissement de l’AEP en milieu urbain par la SONEB contenu dans son Plan pluriannuel de développement de l’entreprise (PPDE). 3. Le financement du plan action de la nouvelle Stratégie nationale de l’AEP en milieu rural 2016-2030. La nouvelle Stratégie nationale de l’AEP en milieu rural 2016-2030 actuellement en préparation sera finalisée par un plan d’action budgétisé pour sa mise en œuvre. Le nouveau gouvernement devra assurer la coordination du financement du plan d’action en fournissant l’accompagnement nécessaire pour la consolidation de la maîtrise d’ouvrage communale et les mécanismes de financements innovants. 4. Le financement du Plan d’action du Schéma directeur d'aménagement et de la gestion des eaux (SDAGE) du bassin de l'Ouémé et l’ouverture de l’Agence du Bassin de l'Ouémé. 72 5. Deux récentes décisions font que le bassin de l'Ouémé (41 % du territoire national) sera désormais géré par son agence, du Mono-Couffo, Niger et de la Volta avec un accent particulier sur le développement des outils de résilience et d’adaptation aux changements climatiques. 6. Le renforcement des capacités du secteur public à travers une nouvelle stratégie de recrutement de cadres aptes et en nombre suffisant. Ceci est le prolongement du quatrième point d’action de l’agenda d’actions à court terme. 7. L’introduction de financements innovants dans le sous-secteur eau et assainissement en lien avec des modèles de fourniture de services. Ces activités visent la mobilisation et la canalisation de fonds publics au profit du secteur, mais permettent aussi de faciliter l’accès au financement privé à travers le dialogue avec les banques commerciales pour la mise au point de produits financiers adaptés. 8. Le développement de mécanismes de régulation, de suivi des indicateurs et d’évaluation des performances. Il devient indispensable, avec l’implication du secteur privé local dans la fourniture du service, d’établir en parallèle des processus de délégation de services publics (Titre IV de la loi numéro 2009-02 du 7 août 2009, portant code des marchés publics et des délégations de service public) et de véritables mécanismes de régulation utilisant des données fiables ; APPUI DE LA BANQUE MONDIALE A la fin de l’année fiscale 2015, la Banque mondiale a décidé, à la demande du Gouvernement du Bénin, de se réengager dans le secteur de l’eau et de l’assainissement en vue d’apporter son appui à l’atteinte des objectifs d'accès universel à l'eau potable et aux services d'assainissement. Cette décision a été motivée par la mise en œuvre réussie de l'initiative pilote conçue et soutenue par le Groupe de la Banque mondiale ayant permis une implication innovante du secteur privé local dans la fourniture des services en eau potable dans les centres ruraux. Cette initiative a permis de tester une série de contrats de partenariats publics et privés de type concession subventionnée en octobre 2014, où la participation financière du secteur privé est complétée par une subvention publique assurant que les pauvres bénéficient de branchements particuliers au sein de leurs ménages (recommandations 3, 6 et 7 de l’agenda d’actions à moyen terme). Pour l’assainissement des eaux usées en milieu urbain, des discussions ont déjà atteint un niveau avancé avec les autorités sur la nécessité de fournir le soutien nécessaire au Gouvernement du Benin. Fort de ces discussions et de l’avantage comparatif de la Banque mondiale sur ce secteur longtemps négligé, une opération est actuellement en préparation sur la base des Plans directeurs d'assainissement des eaux usées des zones urbaines de Cotonou, Abomey-Calavi, Sèmè-Podji et de l’agglomération de Porto-Novo, réalisée grâce au soutien de la Banque mondiale par la WBG. L’opération couvre deux sous-secteurs où la Banque mondiale apporte une valeur ajoutée, c’est-à-dire les sous-secteurs de l’approvisionnement en eau potable en milieu rural et de l'assainissement des eaux usées urbaines. 73 Les objectifs de développement de cette opération contribuent aux recommandations 1, 3, 5, 6 et 7 de l’agenda d’actions à moyen terme et sont les suivants :  Renforcer les capacités institutionnelles de fourniture de services i) en eau potable en milieu rural ; et ii) en assainissement dans les zones urbaines du Grand Nokoué (Communes d’Abomey-Calavi, de Cotonou, de Sèmè-Podji et de Porto-Novo). Les principaux bénéficiaires de cette composante de renforcement des capacités institutionnelles seront la Direction générale du service public de l’eau potable et de la régulation, les communes et les gestionnaires privés de réseaux d’eau potable en milieu rural ; la Société nationale des eaux du Bénin (SONEB), la Direction générale de l’assainissement (DGA) du Ministère de l’urbanisme, la Direction nationale de la santé publique (DNSP) du Ministère de la santé ainsi que les communes du Grand Nokoué en ce qui concerne l’assainissement en milieu urbain ;  Accroître et améliorer l’accès à l’eau potable en milieu rural. Il a été convenu que le projet se concentrerait sur les agglomérations de 2 000 à 20 000 personnes servies par des Adductions d’eau villageoise (AEV) ;  Accroître l’accès aux services d’assainissement dans les zones urbaines et péri-urbaines des communes du Grand Nokoué. Cette opération est complétée par une assistance technique entièrement alignée sur l'exploitation et destinée à assurer que les stratégies de préparation et les institutions sont en place afin de faciliter l'impact de l'opération sur le terrain. Cette opération est complétée par une un projet d’assistance technique entièrement aligné sur l’opération et destiné à assurer que les stratégies, les institutions et parties prenantes sont en place et ont les capacités nécessaires pour faciliter l'impact de l'opération sur le terrain. Cette assistance est déjà en en cours et contribue dans une certaine mesure à la mise en œuvre des actions à court terme décrites à la section 3. Pour ce qui est de la Gestion intégrée des ressources en eau (GIRE), la Banque mondiale recommande la consolidation des actions engagées pour la valorisation et la gestion durable du bassin de l'Ouémé (qui représente 41 % du territoire national). Par ailleurs elle est disposée à évaluer son appui au Gouvernement du Bénin et aux agences des bassins que le Bénin partage avec ses pays limitrophes (Niger, Volta et Mono). 74 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 8 SUJET À TRAITER : ÉDUCATION MESSAGE PRINCIPAL Le Bénin a réalisé des progrès significatifs en matière d'accès à l'éducation à tous les niveaux du système, mais d’importants défis demeurent en termes de qualité, d’équité, de gestion et de pilotage du système. En termes de couverture du système, mesurée par le taux brut de scolarisation (TBS), les prévisions du Plan décennal de développement du secteur de l’éducation (PDDSE) ont été largement dépassées à presque tous les niveaux du système. Malgré ces progrès, le chemin est encore long pour que le Bénin atteigne l’objectif d’achèvement universel de l’enseignement primaire, le taux d’achèvement à ce niveau (TAP) étant de 79,2% en 2015. En termes de qualité de l’éducation, les résultats des évaluations conduites sur les connaissances des élèves n’indiquent aucune amélioration significative depuis 2005 et montrent que la majorité des élèves n’a pas le minimum requis dans les disciplines fondamentales (français et mathématiques), malgré les efforts considérables aussi bien de l’État que des partenaires au développement. La forte croissance des effectifs d’élèves du niveau primaire exerce une forte pression sur les inscriptions d’élèves des autres niveaux d’enseignement, pression qui n’est pas accompagnée par des allocations budgétaires proportionnelles, en particulier pour la mise en place d’infrastructures scolaires adéquates et de personnel enseignant qualifié (les enseignants vacataires couvrent plus de 65 % des heures d’enseignement au niveau secondaire). Cette situation est en partie due au fait que le sous- secteur enseignement technique et formation professionnelle (ETFP), dominé par les filières tertiaires, est sous-dimensionné au plan quantitatif et qualitatif pour jouer le rôle prévu par le PDDSE, à savoir, servir de lieu d’accueil ou d’alternatives aux élèves qui subissent les effets de la régulation aux niveaux pré-universitaires. L’insertion des étudiants diplômés du système sur le marché du travail est difficile du fait d’un marché du travail caractérisé par une concentration d’emplois dans le secteur informel et par une étroitesse du secteur de l’emploi moderne pour personnes qualifiées. Du point de vue de l’équité, des disparités de scolarisation tant du point de vue genre, milieu de résidence, niveau de vie et localisation géographique, existent dès le niveau préscolaire et ont tendance à se creuser de façon sensible au fur et à mesure que l’on évolue dans le système. En termes de gestion et de pilotage, des incohérences persistantes sont notées dans l’allocation des ressources humaines et matérielles : le Bénin fait partie des pays « champions » en matière de mauvaise gestion des ressources humaines avec un degré d’aléas de 52 % dans la répartition des enseignants. La gestion pédagogique constitue également une des faiblesses du système dans la mesure où la comparaison des résultats des diverses écoles et des moyens dont elles disposent révèle une absence totale de relation entre ces deux éléments. 75 INDICATEURS PRINCIPAUX Réalisé en Indicateur de performance Cible 2015 2014 Enseignement maternel 1. Taux brut de préscolarisation 12,7 13,8 Enseignement primaire 2. Taux brut de scolarisation Total/Filles 122,0/ 120,2 103,9/103,9 3. Taux d’achèvement Total/filles 77,6/ 73,7 89,2/ 79,0 4. Ratio élèves/maître (public) 53,1 49,1 5. % d’écoles mal dotées (REM < 40 ou > 70) 47,9 0,0 (public) 6. Ratio manuels/élève (français et 2,8 2,0 mathématiques) Enseignement secondaire général 7.Taux d’achèvement 1er cycle Total/filles 46,2/37,1 54 8.Taux d’achèvement 2e cycle Total/filles 26,0/15,4 - 9 Pourcentage d’heures couvertes par les APE et contractuels de l'État 9.1. 1er cycle 28,5 60 9.2. 2e cycle 34,8 75 Enseignement technique et professionnel 10. Nombre d’élèves dans le public ET pour 100 1,6 6,9 élèves du secondaire général Enseignement supérieur 11. Nombre d’étudiants 99 432 124 256 12. Pourcentage d’étudiants inscrits en filières 16,2 25 professionnelles CONTEXTE La couverture scolaire a progressé au cours de la dernière décennie. Le taux brut de scolarisation(TBS) a progressé de 2,8 % en 2004 à 12,7 % en 2014 au niveau préscolaire, et de 97,8 % à 122 % au niveau du primaire au cours de la même période. La participation de filles connu la même tendance. Au secondaire général, le TBS a presque doublé au 1er cycle passant de 37,8 % en 2004 à 70,8 % en 2014 et a presque triplé au 2e cycle, passant de 12,8 % à 37,1 % pendant la même période. En ce qui concerne l’enseignement technique et la formation professionnelle, le nombre d’étudiants pour 100 000 habitants a doublé, mais comparé à l’enseignement général, il ne représentait que 1,6 % en 2014 avec la majorité des inscriptions dans les filières administratives de gestion (75,9 % en 2014). Au niveau de l’enseignement supérieur, les effectifs ont presque triplé entre 2004 et 2014, plaçant le Bénin en tête des pays africains à niveau de développement économique comparable, avec près de 1 080 étudiants pour 100 000 habitants en 2011. Le Gouvernement a introduit à partir de 2007 des mesures qui ont totalement bouleversé les prévisions du plan décennal de développement du secteur de l’éducation (PDDSE), qui 76 avait pourtant été adopté en décembre 2006. Le cadrage macro-financier du PDDSE, qui a mis en perspectives les ressources susceptibles d’être mobilisées par le secteur et les dépenses par niveau d’enseignement en fonction des effectifs prévisibles d’élèves, a été très tôt rangé après la prise de trois mesures gouvernementales, à savoir : i) la gratuité des frais scolaires ; ii) le changement de statut des enseignants communautaires ou contractuels locaux en agents contractuels de l’État ; et iii) le relèvement de l’indice de traitement des enseignants. La gratuité concernait au départ la prise en charge par l’État des frais de scolarité à la charge des parents aux niveaux préscolaire et primaire, mais s’est étendue par la suite aux filles élèves du premier cycle de l’enseignement général (la décision de couvrir le second cycle est très récente, décembre 2015) et les étudiants non boursiers de l’enseignement supérieur. Le changement de statut en agents contractuels de l’État a concerné environ 9 900 enseignants communautaires au niveau de l’enseignement primaire et 8 600 agents sous contrat local dans l’enseignement secondaire. Ces enseignants ne répondant pas aux critères académiques et professionnels, des formations de requalification professionnelle en cours d’emploi ont été par la suite mise en place (toujours en cours pour la majorité des enseignants du secondaire) pour tenter de redresser la situation. Le relèvement de l’indice a revalorisé le salaire des enseignants autres que ceux de l’enseignement supérieur d’un coefficient de 1.25 à partir de janvier 2011 ; les salaires des enseignants de l’enseignement supérieur ont été multipliés par un coefficient allant de 1,5 à 3 selon leurs grades. Ces mesures qui ont eu un impact budgétaire important n’ont pas eu d’effet significatif sur l’amélioration des conditions d’enseignement. Les dotations budgétaires du secteur de l’éducation ont presque doublé de 2006 à 2013, passant d’une valeur nominale de 118 milliards à 230 milliards, soit une part allant de 19 % à 22 % du budget général de l’État. Ceci est principalement dû à la forte augmentation des dépenses salariales qui représentaient 72,1 % des dépenses courantes du secteur en 2013 contre 59,9 % en 2006. Par conséquent, la part des dépenses non salariales a été sensiblement réduite. La part des dépenses du secteur ne pouvant augmenter indéfiniment au détriment des autres secteurs de l’État, les nouveaux recrutements d’enseignants n’ont pas été proportionnels à l’évolution des effectifs, si bien que les ratios d’encadrement ont été dégradés : le ratio élèves/maître dans l’enseignement primaire public est passé de 47 en 2006 à 52,4 en 2015 et la plus grande part des heures d’enseignement est couverte par les enseignants vacataires au secondaire général. Les autres questions relatives à la qualité des enseignements seront traitées dans les défis du système. DÉFIS Les défis à relever au niveau du système sont nombreux et couvrent aussi bien l’accès, l’équité la qualité des enseignements, la situation des personnes formées sur le marché de l’emploi et la gestion efficace des ressources. Les problèmes d’accès existent. L’amélioration de la couverture du système ne signifie pas nécessairement que tous les enfants en âge scolaire vont effectivement à l’école, ceci d’autant que le TBS cache des disparités, certaines communes affichant toujours des taux relativement bas. En outre, la majorité des enfants handicapés restent hors de l’école. Le défi se situe d’abord dans la capacité à cibler et à toucher davantage les enfants des milieux ruraux, de certaines 77 régions administratives comme l’Alibori ou le Couffo, dont les taux nets de scolarisation en 2014 sont respectivement de 61 % et 87 %, et des familles pauvres, suggérant ainsi la nécessité d’identifier des méthodes innovantes pour susciter la demande ou ne pas la fragiliser. Les redoublements restent élevés, particulièrement au niveau post-primaire, et contribuent tout comme les abandons à nuire à une évolution significative des taux d’achèvement de cycle malgré la progression observée dans l’accès. Si la mise en place du premier sous-cycle au niveau des écoles primaires a permis de réduire de plus de moitié le redoublement (11,4 % en 2013-2014 contre 24 % en 2002-2003), le niveau d’abandon demeure toujours élevé (11,6 % en 2014). Au niveau secondaire général, la proportion de redoublants est en augmentation, passant entre 2006/2007 et 2013/2014 de 20,1 % à 25 % pour le premier cycle et de 17,7 % à 26 % pour le second cycle. Du fait de ces redoublements et abandons14, les taux d’achèvement des différents cycles, bien qu’ayant connu quelques progrès, se situent loin des cibles retenues. Le taux d’achèvement du niveau primaire (TAP) a progressé de 65 % en 2006 à 79,2 % en 2015, valeur très éloignée de la cible de 100 % retenue dans le cadre des OMD. Le taux d’accès en 3e a enregistré un progrès d’environ 16 points de pourcentage, passant de 29,8 % en 2007 à 46,2 % en 2014 pour une cible de 54 % en 2015. Cette tendance à la hausse est également observée au niveau de l’accès au niveau terminal qui est passé de 12,6 % à 26 % durant la même période. Le niveau de performance des élèves est globalement faible. Au niveau primaire, la dernière évaluation du PASEC réalisée en 2013-2014 indique qu’en début de cycle (CP2), seulement 1 élève béninois sur 10 a atteint le seuil jugé suffisant pour les langues et 33,5 % sont au- dessus du seuil en mathématiques. En fin de fin cycle (CM2), 51,7 % des élèves béninois ont atteint le seuil suffisant dans la discipline du français et 39,8 % en mathématiques. Ces résultats classent le Bénin en sixième position parmi les 10 pays considérés. Enfin, lorsque les résultats aux examens nationaux sont considérés, le pourcentage d’élèves admis a oscillé au cours de la période 2010-2015 entre 30 % et 49,7 % pour le BEPC et de 23,7 % et 37,2 % pour le baccalauréat, indiquant comme pour le niveau primaire que le niveau de qualité de l’école béninoise demande à être significativement amélioré. Les causes de cette situation sont multiples mais il est reconnu à l’unanimité que les grèves incessantes des enseignants réduisant considérablement le temps d’apprentissage scolaire en sont une cause majeure. Les conditions d’encadrement des élèves se sont détériorées au niveau post-primaire. La croissance des effectifs au niveau primaire et l’amélioration du taux d’achèvement à ce niveau exercent une forte pression sur les effectifs des autres niveaux d’enseignement, laquelle n’est pas accompagnée d’un recrutement d’enseignants et d’une politique de construction scolaire adéquats. Au niveau secondaire général, les enseignants fonctionnaires (APE) et contractuels de l’État sont en nombre très insuffisant et couvraient en 2014 une masse horaire des enseignements de 28,5 % au premier cycle et de 34, 8 % au second cycle. Il apparaît que la plus grande partie des cours est assurée par les enseignants vacataires qui n’ont pas les qualifications 14 Les redoublements, conjugués aux abandons conduisent à un gaspillage des ressources mobilisées, évalué pour l’année 2010 - 2011 (année dont les données sont disponibles) à près de 47,2 % pour le niveau primaire, 30 % pour le collège et 31 % pour le lycée. 78 professionnelles requises pour intervenir efficacement dans les classes. Au niveau de l’enseignement supérieur le ratio étudiants/enseignant est passé de 51 en 2006 à 91,3 en 2014, traduisant les difficultés du système à garantir un enseignement de qualité. À ces difficultés s’ajoutent celles des infrastructures : au niveau secondaire général, le ratio groupe pédagogique par salle de classe en matériels scolaires était de 1,6 en 2014 ; dans les universités publiques, moins de 4 étudiants sur 10 avaient une place assise en 2014. En particulier, l’ETFP, dominé par les filières tertiaires, est sous-dimensionné au plan quantitatif et qualitatif pour servir de lieu d’accueil ou d’alternatives aux élèves qui subissent les effets de la régulation prévue par le PDDSE aux niveaux pré-universitaires. L’ETFP devrait, selon les prévisions du PDDSE, accueillir les nombreux sortants de l’enseignement primaire ou secondaire 1 qui ne seraient plus en mesure de poursuivre des études générales dans le secondaire 1 ou 2 mais aussi offrir des opportunités d’études alternatives à la poursuite vers l’enseignement supérieur. Au plan quantitatif le nombre d’élèves de l’ETFP (public et privé) en 2014 était de 2,5 pour 100 élèves du secondaire général (public et privé). Les filières des sciences et techniques administratives et de gestion (STAG) sont privilégiées et représentent plus de 53% des effectifs de l’ETFP. Ce déséquilibre contribue à accentuer le chômage des jeunes dans la mesure où l’offre d’emploi est saturée pour les filières du STAG. L’offre de formation au niveau des filières agricoles représente 23% alors que le secteur agricole est le principal pourvoyeur d’emploi au Bénin. Les filières industrielles ne représentent que 19% des effectifs. Au plan qualitatif, la qualité des formations n’est pas toujours assurée au regard (i) des curricula et des équipements qui sont généralement désuets ; et (ii) de la qualité des enseignants qui ne bénéficient pas d’une formation continue pour s’adapter au développement technologique. La formation duale est très peu développée ; ce qui ne favorise pas la relation entre les établissements de formation et le monde des employeurs. Enfin, la production des diplômés dans certaines spécialités de base des filières industrielles (mécanique générale autos et motos, menuiserie, électricité…) est quantitativement et qualitativement insuffisante au point où ce sont les ouvriers issus de la formation professionnelle non formel qui dominent sur le marché de l’emploi. En termes d’efficacité externe, l’insertion sur le marché du travail est difficile pour les étudiants ayant terminé leurs études. L'emploi des jeunes au Bénin est un problème croissant qui touche tous les niveaux d’éducation. Selon les données de l'Enquête modulaire intégrée sur les conditions de vie des ménages réalisée en 2010 (EMICOV 2010) le chômage est plus élevé pour les étudiants diplômés âgés de 15 à24 ans mieux instruits, allant de 2,4 % pour les diplômés du collège à 17,5 % pour les diplômés du lycée (y compris de l'EFTP) et 38,2 % pour les diplômés de l’enseignement supérieur, indiquant que les personnes plus scolarisées ont peu de possibilités d’emploi. Au-delà du chômage, le problème majeur des jeunes est le sous-emploi, qui se réfère aux individus i) travaillant à temps partiel ou à temps plein, mais qui gagnent moins que le salaire minimum ; ou ii) ayant un emploi sans rapport avec leur formation de base. Du point de vue de l’équité, l’intensité des disparités dans les scolarisations liées au genre et au niveau de vie des ménages (pour ne citer que ces deux cas) est variable selon le niveau d’enseignement considéré et a tendance à se creuser au fur et à mesure de l’évolution dans le système. Au niveau primaire, l’écart entre filles et garçons de 3 points à l’accès en première année (cours d’initiation- CI) est maintenu jusqu’au niveau de la sixième année (cours moyen 2e année-CM2). Si les filles et les garçons accèdent presque également au 79 CM2, les disparités selon le genre naissent d’une plus faible rétention des filles au niveau du collège, avant de s’accentuer dans les autres segments du système. Ce faisant, en 2014 les filles n’étaient qu’à 37,1 % à achever les études au niveau du collège (contre 55,2 % pour les garçons), et à 15,4 % à achever les études au niveau du lycée (contre 37,5 % pour les garçons). Elles sont en outre sous-représentées dans l’EFTP (25,1 % en 2014) et dans l’enseignement supérieur. En ce qui concerne les disparités selon le niveau de vie des ménages, il est observé une fréquentation plus forte des jeunes issus du quintile le plus riche : près de 54 % de ceux qui ont accès à l’enseignement supérieur proviennent du quintile le plus riche, alors que les jeunes issus du quintile le plus pauvre représentent seulement 5 % des effectifs de l’enseignement supérieur, et entre 8 % et 11 % des effectifs de l’enseignement secondaire. Des incohérences sont perceptibles dans l’allocation des moyens aux écoles. L’allocation des enseignants dans les écoles est défaillante au niveau primaire car la variabilité dans le nombre d’enseignants entre les établissements ne s’explique qu’à 54% (R² = 0,54) par la variabilité dans le nombre de groupes pédagogiques de ces établissements. De même, le rapport de détermination entre le nombre d’élèves et le nombre d’enseignants est inférieur à 50 % (R² = 48 %), ce qui révèle l’existence d’un degré d’aléas de 52 % dans l’allocation des enseignants aux différentes écoles, taux nettement supérieur à la moyenne (33 %) pour des pays africains pris en comparaison. En 2014 par exemple, le pourcentage d’écoles mal dotées en enseignants (c’est- à-dire ayant un ratio élève-maître (REM) inférieur à 40 ou supérieur à 70) a atteint 47,9 % alors qu’il était de 38% en 2007. Outre les enseignants, les manuels des élèves sont très inégalement répartis avec des aléas dépassant 80 %, bien que le nombre total de manuels soit largement suffisant. La gestion pédagogique constitue également une des faiblesses du système éducatif béninois, La mise en regard des résultats des écoles et des moyens dont elles disposent révèle une absence de relation entre ces deux éléments. Certaines écoles disposent a priori de ressources raisonnables mais affichent des résultats médiocres, alors que d’autres écoles disposent de moyens plus modestes mais obtiennent de meilleurs résultats scolaires. Autrement dit, ce ne sont pas nécessairement les écoles qui ont le plus de moyens par élève qui obtiennent les meilleurs résultats scolaires. MESURES RECOMMANDÉES À COURT TERME Les actions à mener dans le délai d’un an par niveau d’enseignement sont les suivantes :  Le niveau préscolaire étant reconnu comme un atout précieux pour la préparation de l’enfant à la réussite à l’école primaire, il apparaît nécessaire d’améliorer de façon significative la couverture qui est d’environ 12,5 %, à travers la promotion du mode communautaire et des initiatives pertinentes des communautés, du secteur privé et des ONG. En attendant, il est nécessaire à court terme de mener des campagnes nationales de sensibilisation i) des parents dans les milieux ruraux sur l’importance de la préscolarisation ; et ii) des collectivités locales, ONG et communautés pour la promotion de l’éducation préscolaire. 80  Au niveau de l’enseignement primaire, il est nécessaire d’améliorer la couverture dans les communes ou régions qui présentent encore des taux bas en termes de TBS et TAP, et de réduire le taux de redoublement au niveau national à travers i) l’élaboration d’un diagnostic communautaire dans les communes concernées, accompagné d’un plan d’action à moyen terme ; et ii) la poursuite de la politique du sous-cycle en mettant en place un dispositif d’accompagnement des enfants en difficulté.  Au niveau de l’enseignement secondaire, l’urgence est de réduire les redoublements et d’améliorer l’efficacité des dépenses, en particulier des dépenses de personnel. Pour ce faire, il faut (i) prendre des textes administratifs pour limiter les redoublements à l’intérieur du cycle et suivre leur mise en œuvre ; et (ii) examiner la possibilité de responsabiliser entièrement les chefs d’établissements scolaires pour le paiement des heures de vacation en transférant à chaque établissement un montant déterminé en fonction de ses besoins et des possibilités de financement de l’État.  Au niveau de l’enseignement technique et professionnel (ETFP), au regard de la prépondérance des filières administratives et commerciales, il y a lieu de i) proscrire la création de nouveaux établissements public à vocation administrative et commerciale ; et ii) renforcer le cadre juridique de l’apprentissage dual.  Au niveau de l’enseignement supérieur (ES), les effectifs sont largement au-dessus des capacités d’accueil et la plus grande partie des ressources disponibles est consacrée aux salaires et aux œuvres sociales. Dans l’immédiat, il est nécessaire de revoir la réglementation en matière de bourses et de secours en introduisant des critères sociaux dans les critères d’attribution et des quotas de répartition par établissement et par filière, en fonction des besoins de l’économie, afin de favoriser l’orientation des étudiants vers les filières prioritaires pour le développement du pays. MESURES RECOMMANDÉES À MOYEN TERME  Niveau préscolaire. Élaborer une politique crédible de développement du préscolaire s’appuyant sur le mode communautaire, accompagnée d’une stratégie de mise en œuvre et d’un plan d’action financièrement viable ;  Niveau primaire. Poursuivre l’amélioration de la couverture de manière à permettre à tous les enfants d’avoir effectivement accès à l’école quel que soit leur milieu. Pour ce faire, il faut i) mettre en œuvre le plan d’action à moyen terme élaboré dans le cadre du diagnostic communautaire ; ii) soutenir l’intégration des enfants ayant des besoins spécifiques (enfants avec handicaps) en milieu ordinaire ; et iii) développer les opportunités d'accès pour les enfants non scolarisés et déscolarisés ayant dépassé l'âge d'entrée à l'école.  Mettre l’accent sur l’acquisition des compétences de base en français et mathématiques dès les premières années d’enseignement en renforçant les capacités des enseignants sur la base de leurs besoins spécifiques. 81  Niveau secondaire général. Il est nécessaire de maîtriser tout aussi bien les effectifs que l’augmentation du nombre d’établissements scolaires tout en encourageant les élèves et surtout les filles à s’inscrire dans la série C au second cycle. Ceci passe par i) la mise en place d’une carte scolaire tout en développant le partenariat public/privé dans les milieux ruraux ; ii) la régulation des flux à l’entrée du second cycle à travers une orientation vers les filières professionnelles ; et iii) la prise de mesures incitatives pour encourager les élèves à s’inscrire dans la série C.  Niveaux ETFP et enseignement supérieur. Améliorer la qualité de la formation et l’efficacité externe de l’ETFP et de l’enseignement supérieur. Pour ce faire, il est nécessaire i) de mettre en place un système d’assurance-qualité et d’accréditation tout en renforçant l’équipement des établissements ; (ii) d’étudier les perspectives économiques du Bénin pour identifier les secteurs porteurs et les besoins en main-d’œuvre de niveaux ETFP et universitaire ; (iii) de mettre en place des mesures incitatives pour inciter les prestataires privés à offrir des formations dans les secteurs porteurs ; et iv) d’améliorer l’adéquation entre les formations proposées et les besoins du marché du travail. Particulièrement pour l’enseignement supérieur, il faut étudier la possibilité de mise en place d’un enseignement à distance.  Actions transversales à tous les niveaux d’enseignement. Renforcer l’effectif en enseignants à tous les niveaux et en particulier au niveau secondaire général de manière à limiter à 25 % au maximum la masse horaire couverte par les vacataires. APPUI DE LA BANQUE MONDIALE La Banque mondiale, à travers le projet PME en cours, peut apporter un appui pour l’exécution des actions prévues à court terme au niveau primaire si la volonté politique existe. Pour l’enseignement technique et la formation professionnelle ainsi que l’enseignement supérieur, une étude est envisagée pour identifier les réformes à mettre en place pour permettre aux sous- secteurs de contribuer aux secteurs prioritaires de croissance économique. La Banque mondiale pourrait également apporter son expertise technique pour accompagner le Gouvernement à développer des stratégies tout à fait appropriées à la mise en œuvre efficace des actions mentionnées ci-dessus. 82 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 9 SUJET À TRAITER : SANTÉ, NUTRITION, POPULATION MESSAGE PRINCIPAL Améliorer les résultats en matière de santé, notamment celle des femmes et des enfants, et l’état nutritionnel des populations du Bénin est essentiel pour favoriser une croissance plus inclusive et rompre le cycle intergénérationnel de la pauvreté. Pour tendre vers la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) et faire face aux défis dans ce secteur, le Gouvernement pourrait : i) renforcer les mécanismes existants visant à améliorer la performance du système de santé (à l’instar du financement basé sur les résultats) ; ii) mettre en œuvre un dispositif crédible de protection financière face au risque de maladie ; iii) renforcer les mécanismes décentralisés et nationaux de coordination multisectorielle visant à améliorer l’état nutritionnel des enfants et des femmes ; iv) renforcer le pouvoir de prise de décision et de contrôle des ressources par les femmes ; et v) renforcer les systèmes de surveillance des maladies humaine et animale. INDICATEURS PRINCIPAUX Tableau 1: Indicateurs clés de santé, de nutrition et de population (EDS 2011-12 ; MICS 2014) au Bénin Mortalité Taux de mortalité néonatalea 37,8 Taux de mortalité infantilea 66,5 Taux de mortalité infanto-juvénilea 115,2 Taux de mortalité maternelleb 347 Fécondité Indice synthétique de fécondité des femmes âgées de 15 à 49 ans 5,7 Taux de prévalence de la contraceptionc 17,9 Etat nutritionnel Prévalence du retard de croissance chez les enfants de moins de 5 ans 34,0 Pourcentage des nourrissons de faible poids à la naissance 12.5 Prévalence d’anémie chez les enfants de 6 à 59 mois 58.3 Prévalence d’anémie chez les femmes de 15 à 49 ans 41.4 Pourcentage des femmes atteintes de déficience énergétique chronique 6.2 Pourcentage des femmes présentant un surpoids ou obèses 26.9 Services de santé et de nutrition de l’enfant Taux d’allaitement exclusif 41.4 Couverture vaccinale complèted 41,6 Pourcentage d’enfants de moins de 5 ans dormant sous des moustiquaires imprégnées d’insecticide 72,7 Couverture de suppléments en vitamine A 48.6 Services de santé et de nutrition maternelle Pourcentage de femmes âgées de 15 à 49 ans avec une naissance vivante : au moins 4 consultations prénatales par n’importe quel prestataire de santé 58,8 Pourcentage de femmes âgées de 15 à 49 ans avec une naissance vivante ayant bénéficié d’une assistance durant l’accouchement de la part de personnel de santé qualifié 77,2 83 a : La valeur de l’indicateur est exprimée pour 1 000 naissances vivantes. b : La valeur de l’indicateur est exprimée pour 100 000 naissances vivantes. c : Pourcentage de femmes âgées de 15 à 49 ans actuellement mariées ou en union, qui utilisent ou dont le partenaire utilise une méthode de contraception traditionnelle ou moderne. d : Pourcentage d’enfants de 12 à 23 mois ayant reçu toutes les vaccinations recommandées par le programme national de vaccination avant leur premier anniversaire. CONTEXTE : DES PROGRÈS EN MATIÈRE DE SANTÉ ET DE NUTRITION, MAIS À UN RYTHME TROP LENT Au cours des dernières années, le Bénin a fait des progrès notables en matière de santé et de nutrition, mais malheureusement trop lents pour pouvoir atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), notamment ceux concernant la santé infantile (OMD 4), néonatale et maternelle (OMD 5). Comme illustré dans le graphique ci-après, les taux de mortalité maternelle et des enfants de moins de cinq ans sont loin d’avoir atteint les objectifs. Évolution des taux de mortalité 1996-2014 600 500 498 Taux de mortalite des moins de 400 5 ans (pour 1000) 347 Cible OMD Taux de mortalite 300 des moins de 5 ans (pour 1000) Taux de mortalite maternelle 200 (pour 100 000) 166 125 Cible OMD Taux de mortalite 100 115 maternelle (pour 100 000) 65 0 1996 (EDS) 2014 (MICS) Les interventions à fort impact et de bonne qualité pouvant conduire à un recul notable de la mortalité ont progressé, mais insuffisamment : par exemple, seulement 41 % des enfants de moins d’un an sont complètement vaccinés en 2014 contre 40 % en 2006 ; uniquement 41 % des personnels de santé étaient formés pour dispenser des soins prénataux en 2013 ; et le score moyen des établissements de santé en matière de capacité opérationnelle pour les soins obstétricaux de base était de seulement 66 %. Dans le secteur de la santé, les deux succès du Bénin portent sur le VIH/sida et le paludisme. En effet, l’épidémie de VIH/sida s’est stabilisée, avec une prévalence estimée à 1,2 % en 2011. Pour le contrôle du paludisme, le pourcentage d’enfants de moins de cinq ans dormant sous moustiquaire a fortement augmenté, passant de 20 % en 2006 à 73 % en 2014. Par ailleurs, le Bénin a en partie résolu l’enjeu de l’accessibilité géographique aux services de santé avec plus de 85 % de la population proche d’un centre de santé (moins de 5 km). 84 Les progrès en matière de nutrition sont néanmoins plus mitigés : le taux d’anémie chez les enfants et les femmes a baissé considérablement, passant de 78 % et 61 % respectivement en 2006 à 58 % et 41 % en 2012. Inversement, l’allaitement maternel exclusif durant les six premiers mois a légèrement baissé, passant de 43 % en 2006 à 41 % en 2014, et le traitement de la diarrhée par thérapie de réhydratation orale (TRO) et alimentation continue chez les enfants âgés de 6 à 59 mois a chuté, passant de 49 % en 2011/2012 à 33 % en 2014. D’importantes iniquités existent selon le lieu de résidence et le niveau de richesse des ménages béninois. Alors que 81 % des femmes bénéficiaient d’assistance qualifiée lors de leur accouchement, ce même bénéfice ne s’appliquait qu’à 60 % des femmes du quintile le plus pauvre en 2006. De plus, 41 % des dépenses totales de santé proviennent des paiements directs des ménages en 2013, entraînant des risques importants d’appauvrissement. Disparités en matière de résultats de santé 120 100 80 60 40 20 0 Pourcentage des Pourcentage des Pourcentage des Pourcentage d'enfants Pourcentage des femmes utilisant un femmes ayant recu des femmes dont l' de moins de 1 an enfants avec un faible moyen de soins prénataux par un accouchement a été complètement vacciné poids de naissance contraception personnel formé assisté par un (moins de 2,5kg) moderne personnel qualifié Quintile le plus riche Quintile le plus pauvre Moyenne Alibori Milieu rural DÉFIS : UN SYSTÈME DE SANTÉ PEU PERFORMANT ET INÉQUITABLE Les principaux défis pour le système de santé demeurent : i) le manque de redevabilité des structures de santé et des personnels de santé ; ii) la faiblesse des mécanismes de protection financière des ménages contre le risque de maladie ; iii) la méconnaissance du problème multidimensionnel de la malnutrition ; iv) le faible pouvoir de prise de décision et de contrôle des ressources par les femmes ; et v) la faiblesse des systèmes de surveillance des maladies (animale et humaine). Manque de redevabilité des prestataires de soins Les taux élevés de mortalité infantile et maternelle au Bénin sont fortement liés à des déficiences dans le système de santé. En effet, malgré les taux de couverture relativement 85 satisfaisants de certaines prestations de santé, les résultats en matière de santé pour la population béninoise demeurent faibles. Ils s’expliquent en partie par une mauvaise qualité des soins offerts, qui est liée à l’insuffisance des compétences des personnels de santé mais aussi à leur manque de motivation et de redevabilité. Par ailleurs, la répartition géographique du personnel est très inéquitable - les régions du nord sont défavorisées - et les incitations sont insuffisantes pour attirer les personnels dans ces zones. Les mécanismes pour garantir la redevabilité des prestataires (et par conséquent créer les incitations adéquates) restent à renforcer, notamment en termes de régulation. Alors que certaines pratiques néfastes (absentéisme, vol de médicaments, comportement avec les patients, etc.) sont répandues, les sanctions ne sont jamais appliquées. Faiblesse des mécanismes de protection financière Dans un contexte de ressources limitées, afin de renforcer l’accessibilité financière aux services (41 % des dépenses totales de santé provenaient des financements directs par les ménages en 2013) et de limiter les risques d’appauvrissement liés à la santé, il est fondamental d’améliorer la protection financière de la population via la mutualisation des ressources. Bien qu’un dispositif national d’assurance maladie ait été créé (Régime d’assurance maladie universel-RAMU), sa conception et sa mise en œuvre ont été largement décevantes, son processus chaotique, et ce dispositif n’a connu que de très modestes progrès. Les mécanismes de protection financière demeurent par conséquent limités aux différentes initiatives de gratuité des soins (pour la césarienne et le paludisme), et la prise en charge des populations les plus pauvres n’est pas assurée. Méconnaissance du problème multidimensionnel de la malnutrition Les différentes manifestations de la malnutrition telles que l’émaciation aigüe, le retard de croissance, l’anémie ferriprive, les troubles dus à la carence en iode et en vitamine A, le faible poids à la naissance et, plus récemment, le surpoids et l’obésité ont des effets désastreux sur la santé, la mortalité et le développement cognitif, surtout du fait que leur ampleur n’est pas souvent reconnue et leur étiologie n’est souvent pas comprise. Étant donné que les causes sont multiples (incluant, entre autres, des mauvaises pratiques d’alimentation et de santé au niveau du ménage, des périodes d’insécurité alimentaire pour le ménage, des déficiences dans la prise en charge des maladies infectieuses, les inégalités de genres), il est nécessaire de formuler des approches multisectorielles et multi-acteurs mettant l’accent sur la prévention au niveau communautaire. Faible pouvoir de prise de décision et de contrôle des ressources par les femmes Selon l’étude sur les rôles et normes de genre dans la production, la consommation et la santé (2015), la situation sanitaire et nutritionnelle précaire des femmes et des enfants est induite par une multiplicité de facteurs qui interagissent, et où les normes de genre androcentrées en vigueur en constituent le centre névralgique, dans le contexte de la pauvreté. Ces facteurs maintiennent la femme dans un état qui limite fortement son pouvoir de prise de décision et de contrôle des ressources, y compris sur sa propre personne, qui représente le « ventre de la communauté ». Cette situation réduit ses capacités à éviter les grossesses précoces et répétées, l’obligeant parfois à recourir à l’avortement « non sécurisé », et à appliquer les pratiques 86 appropriées en matière de soins et de nutrition des enfants de moins de cinq ans et de la femme enceinte et allaitante, perpétuant de fait le cycle intergénérationnel de la malnutrition. Faiblesse des systèmes de surveillance des maladies L’épidémie du virus Ebola dans la sous-région a révélé qu’une des grandes faiblesses des systèmes de santé reste la non-fonctionnalité du système de surveillance des maladies dans les pays de la CEDEAO. Le Bénin ne faisant pas exception, il est donc important de traiter cette faiblesse systémique dans les secteurs de la santé animale et humaine. Dans ces deux secteurs, le renforcement de la surveillance épidémiologique permettra d’alléger de manière significative le fardeau des maladies, en particulier au sein des populations faibles et vulnérables ; d’atténuer les risques économiques et sanitaires dus aux maladies infectieuses animales et humaines ; et de réduire les menaces d’épidémies futures et de promouvoir ainsi la sécurité sanitaire globale. VERS LA COUVERTURE SANITAIRE UNIVERSELLE : MESURES RECOMMANDÉES À COURT ET MOYEN TERMES POUR RENFORCER LA PERFORMANCE DU SYSTÈME DE SANTÉ ET AMÉLIORER LA SANTÉ ET LA NUTRITION DE LA POPULATION Renforcer et assurer la pérennité financière et technique du Financement basé sur les résultats (FBR) Depuis 2012, un mécanisme de Financement basé sur les résultats (FBR) est piloté au Bénin (avec l’appui de la Banque mondiale). Ce mécanisme a notamment permis d’améliorer la qualité des prestations de santé en renforçant la redevabilité des prestataires, augmentant l’efficience des financements vers les priorités de santé. En 2015, ce système a été étendu au niveau national grâce à l’harmonisation des interventions de plusieurs partenaires du secteur. Ce mécanisme représente une stratégie majeure pour atteindre la couverture sanitaire universelle. Néanmoins, pour assurer la pérennité de cette stratégie et renforcer son impact, différentes mesures devraient être prises à court et moyen termes : - Engagement financier progressif et significatif du Gouvernement du Bénin pour le financement du FBR. Le financement du FBR est à ce jour essentiellement assuré par les partenaires techniques et financiers du pays. - Rationalisation et intégration des différents dispositifs de financement des prestataires de soins pour améliorer l’efficience des financements disponibles au niveau primaire. - Accroissement de l’autonomie de gestion des prestataires de santé afin qu’ils soient en mesure d’appliquer davantage les stratégies les mieux adaptées pour améliorer leur performance. - Développer une stratégie de gestion des ressources humaines de santé innovante. Des réformes innovantes pour la gestion des ressources humaines de santé permettraient de renforcer la répartition géographique des personnels de santé (et donc d’accroitre l’équité dans l’accès aux soins pour les populations) et leur performance. 87 Renforcer les mécanismes de protection financière face au risque de maladie Alors que le RAMU piloté par l’ANAM a montré ses limites dans la mise en place d’un système d’assurance performant, il sera crucial d’instaurer un véritable dispositif de protection financière crédible au bénéfice de la population béninoise. Cela implique notamment : - De réviser la stratégie du RAMU et de proposer des simulations financières et un plan de financement crédibles. En effet, la Stratégie Nationale de Financement de la Santé pour la Couverture Universelle du Bénin 2016-2022 proposait trois options avec des variations des niveaux de contributions financières de l’Etat et des populations, et selon le niveau d’ambition en termes de couverture de la population et du paquet de soins. - D’assurer l’accessibilité financière aux soins pour les ménages identifiés comme extrêmement pauvres (avec la méthodologie nationale du Comité Socle de protection sociale). Renforcer les mécanismes décentralisés de coordination multisectorielle des actions alimentaires et nutritionnelles Suite à l’établissement en novembre 2011 du Conseil d’alimentation et de nutrition sous l’égide de la présidence de la République, qui vise à assurer le développement et la coordination de la politique multisectorielle d’alimentation et de nutrition, il est nécessaire de renforcer la coordination des actions alimentaires et nutritionnelles à travers les plateformes multi-acteurs au niveau des communes (les Cadres communaux de concertation) et d’accélérer le passage à l’échelle des stratégies de mobilisation communautaire pour les actions essentielles de sécurité alimentaire et nutritionnelle. Intégrer la dimension de l’égalité homme-femme dans les secteurs de la santé et de la nutrition Le ciblage et la participation de la seule femme dans les interventions visant son accès aux services et son adoption de pratiques appropriées en matière de santé et de nutrition ne suffisent pas à améliorer la situation de la femme dans ces domaines. Maintes études ont démontré la corrélation entre les disparités de genre et la précarité de la situation sanitaire de la femme et de celle des enfants, comme c’est le cas au Bénin. Il est aussi démontré qu’il existe une relation positive entre la proportion des ressources appartenant à la femme, telles la terre, et le niveau des dépenses consacrées à l’alimentation. La prise en compte de l’égalité homme-femme à toutes les étapes de programmation des actions devient alors crucialement indispensable, particulièrement dans le contexte du Bénin, pour infléchir les disparités entre les deux sexes, en termes de possibilités, de contraintes et de contributions, afin d’améliorer les résultats en matière de santé et de nutrition et de générer un impact durable. Ceci implique la révision des approches et le développement de stratégies qui cibleront à la fois la femme et l’homme, en vue de l’émergence de « conjoint-e-s conjointement responsables » de la santé et de la nutrition des membres de leur propre unité de consommation et de production que représente le ménage. Ces stratégies vont de pair avec le renforcement du capital humain et physique (capacités, santé), économique (opportunités) et social (capacités d’action et de décision) de la femme pour lui permettre de jouir, au sein du couple, de ce nouveau statut que lui confère le droit positif béninois. Renforcer le système de surveillance des maladies (humaine et animale) 88 Pour renforcer le système de surveillance des maladies (humaine et animale), il est essentiel : i) de développer des capacités nationales et régionales pour mettre pleinement en œuvre la surveillance intégrée de la maladie et de la réponse, ce qui implique une surveillance continue de la mortalité et de la morbidité humaine, l’identification et la réponse aux menaces avant qu'elles ne deviennent des épidémies de grande ampleur ; ii) de faciliter dans les pays et au niveau régional l’application de normes internationales pour les services vétérinaires, avec un accent particulier sur la détection précoce et la capacité de réaction rapide, telles que préconisées par l’OIE (Organisation mondiale de la santé animale) et adoptées par les pays membres ; et iii) d’assurer la collaboration et des synergies plus efficaces entre les réseaux de surveillance et d'intervention épidémiologiques humaine et animale aux niveaux national et régional. APPUI DE LA BANQUE MONDIALE À travers les projets financés par la Banque mondiale et actuellement mis en œuvre (Projet de renforcement du système de santé et Projet multisectoriel de l’alimentation, de la santé et de la nutrition, montant total de 71,8 millions de dollars É.-U.) ou proposés (Projet régional en préparation de renforcement des systèmes de surveillance de la maladie), la Banque mondiale continuera de soutenir le Gouvernement du Bénin pour mettre en œuvre les recommandations proposées. De plus, une expertise technique pourra être mobilisée pour appuyer le développement de stratégies spécifiques (par exemple sur l’assurance maladie universelle, la politique des ressources humaines de santé, la formation/l’accompagnement des acteurs communaux, ou des stratégies du genre pour l’alimentation, la santé et la nutrition, la surveillance sanitaire de la faune, etc…). 89 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 10 SUJET À TRAITER : FILETS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET INCLUSION SOCIALE CONTEXTE Le Bénin s’est relevé de la crise économique et financière internationale de 2008-2009, mais la croissance économique ne s’est pas traduite par des effets tangibles de réduction de la pauvreté. La croissance économique s’est ralentie, en particulier en 2011, mais a connu une solide reprise depuis lors, atteignant 6,8 % en 2013. Cependant, cette forte croissance n’a pas permis de réduire la pauvreté. La proportion de béninois vivant e-dessous du seuil national de pauvreté est passée de 35,7 % en 2006 à 35,2 % en 2009, puis à 36,2 % en 2011. Cette situation s’est encore dégradée ces dernières années selon les résultats de la dernière enquête sur les conditions de vie des ménages de 2015, qui estiment qu’en moyenne 4 personnes sur 10 (40,1 %) au Bénin vivent au-dessous du seuil de pauvreté. La situation encore préoccupante de la pauvreté au Bénin justifie la prise de mesures hardies de protection sociale ; pourtant, l’action publique est encore timide. Il est aujourd’hui démontré dans de nombreux pays que les mesures publiques de protection sociale, en particulier les filets de sécurité sociale, sont des instruments de politique publique efficaces pour promouvoir l’inclusion sociale et faire partager les fruits de la croissance à un plus grand nombre, en particulier ceux en situation de vulnérabilité extrême. Au Bénin, de telles mesures existent, mais sont étendues sur plusieurs ministères qui gèrent des programmes de petite envergure, sans la cohérence ni la synergie nécessaire pour en assurer une plus grande efficacité. Des efforts importants ont été faits par le Gouvernement ces dernières années en vue de rationaliser l’action publique en faveur de la protection sociale et de la réduction de la vulnérabilité. Le Bénin a élaboré et adopté en 2014 une Politique holistique de protection sociale, et a défini son socle national de protection sociale qui recouvre i) l’accès universel aux soins de santé ; ii) la prise en charge des enfants ; iii) l’amélioration de la consommation des ménages ; et iv) la prise en charge et la promotion de groupes spécifiques en situation de vulnérabilité extrême. De même, une méthodologie unique d’identification des plus pauvres pour les programmes de protection sociale a été élaborée et adoptée. Cette méthodologie vise à harmoniser les pratiques de ciblage et d’identification des personnes les plus pauvres d’un programme à l’autre, et à construire progressivement un registre social unique. Une base de données nationale des ménages les plus pauvres (registre social) est en cours de réalisation avec le Projet de renforcement de la performance du système de santé, avec à terme, plus de 300 000 ménages identifiés. De même, des avancées importantes ont été faites pour mettre progressivement en place le Régime d’assurance maladie universelle (RAMU) dont la loi a été votée par le Parlement en décembre 2015, et est actuellement en cours de vulgarisation. D’importantes mesures de gratuité de services d’éducation (exemption des frais de scolarité dans les niveaux primaire et secondaire pour les jeunes filles ; extension progressive des programmes de cantines scolaires au niveau primaire), de soins de santé (gratuité de la césarienne, prise en 90 charge complète du paludisme simple pour les enfants de moins de 5 ans, etc.). En outre, quelques autres filets sociaux sont actuellement testés dans le cadre de la mise en œuvre du Projet de services décentralisés conduits par les communautés (sur financement IDA), notamment les transferts monétaires inconditionnels et les travaux publics à haute intensité de main-d’œuvre, et dans le cadre du Projet de renforcement de la performance du système de santé (également sur financement IDA) qui, à travers l’approche du financement basé sur les résultats, promeut l’accès gratuit aux soins de santé pour les pauvres. DÉFIS Malgré ces efforts, des défis importants restent à relever pour asseoir un système efficace de protection sociale au Bénin. L’analyse du dispositif de protection sociale en 2010 a révélé que les mécanismes de protection sociale mis en place se sont avérés peu efficaces. D’une part, les mécanismes traditionnels de protection sociale ne sont pas parvenus à assurer une protection adéquate dans un contexte de modernisation, d’urbanisation et de vulnérabilité à de grands chocs covariants, qui exigent des mécanismes plus formels, plus systématiques et plus efficaces avec un rôle important de l’État. D’autre part, le mécanisme moderne de protection développé par l’État s’est révélé très limité. Pour ce qui concerne la sécurité sociale, seulement 6,4% de la population économiquement active a adhéré aux deux régimes de sécurité sociale (Fonds national de retraite du Bénin – FNRB et Caisse nationale de sécurité sociale – CNSS). Dans l’ensemble, seulement 8,4% de la population est couverte actuellement par l’assurance maladie : 5,6 % par le FNRB, 1,9 % par les mutuelles de santé et 0,9 % par l’assurance privée. Par ailleurs, la couverture des filets de sécurité sociale reste très en dessous des besoins des populations pauvres et vulnérables. Pour arriver à toucher une bonne proportion des personnes vulnérables, la question du financement des programmes de protection sociale demeure l’un des défis majeurs. Le Forum national sur la protection sociale et les services aux plus pauvres, tenu en décembre 2015, et le deuxième Forum national sur l’alimentation scolaire tenu un mois plus tôt ont tous souligné cette évidence. En ce qui concerne les cantines scolaires par exemple, comme filet de sécurité sociale, les allocations de ressources de l’État au programme sont restées au même niveau qu’au début des années 2000, alors que les effectifs d’écoliers ont augmenté énormément ces dernières années. De même, les dépenses publiques consacrées aux filets sociaux de sécurité (excluant les subventions générales) ne représentaient que 0, 3% du PIB et 1,1 % des dépenses totales en 2011, dont les deux tiers étaient financés par les bailleurs internationaux. Une grande partie de la population reste privée de l’accès aux services sociaux de base, aux opportunités économiques et ne jouit pas effectivement de ses droits économiques et sociaux. La demande sociale en matière d’infrastructures de base dans les secteurs de l’éducation, de l’eau potable et de l’assainissement, et de la santé est encore très grande, ainsi que le révèle l’analyse de l’utilisation des allocations reçues par les communes à travers le Fonds d’appui au développement des communes (FADeC). Par exemple, près de 40 % des ressources transférées aux communes en 2014 ont servi à la construction des infrastructures scolaires dans les écoles maternelles et primaires. MESURES RECOMMANDÉES À COURT ET MOYEN TERMES 91 Au regard de ces constats, les recommandations ci-après sont formulées au Gouvernement béninois, afin d’assurer un minimum de services et de protection aux plus pauvres et aux vulnérables, et leur permettre ainsi de faire face de façon plus efficace aux différents chocs qui peuvent survenir au cours de leur cycle de vie. La finalisation de la mise en place de la base de données des ménages les plus pauvres du Bénin est une étape cruciale pour l’instauration d’un système de protection sociale. La mise en place de la base de données des personnes les plus pauvres est encore en cours et devrait être achevée dans les prochains mois. Cependant, il sera ensuite nécessaire de poursuivre l’identification complète des personnes couvertes par la base de données avec, entre autres, l’attribution d’un identifiant unique et d’une carte de bénéficiaires des services d’assistance sociale. La finalisation de ce processus placerait le Bénin à l’avant-garde des pays de la sous-région par rapport à la mise en place d’un outil aussi important qu’un registre social. La définition d’une stratégie claire de financement dans la durée de programmes nationaux de protection sociale est un préalable important. La protection sociale recouvre aujourd’hui au moins 7 des 17 objectifs de développement durable retenus dans l’Agenda du développement international à l’horizon 2030. Pour pouvoir atteindre tous ses objectifs, en particulier en ce qui concerne la protection sociale, il est important que le Gouvernement du Bénin se donne les moyens de financer les programmes de protection sociale recouvrant ces objectifs. • La croissance économique ayant été soutenue au cours des trois dernières années, avec un taux de croissance supérieur à 5 %, il est clair que l’espace fiscal s’est élargi, et des ressources pourraient donc être dégagées pour financer les programmes de protection sociale. Le Gouvernement du Bénin pourrait se donner des objectifs ambitieux de financement de la protection sociale en consacrant en moyenne 3 % du PIB (moyenne régionale de l’Afrique sub-saharienne) à ces programmes, qui sont de moins de 0,5 % actuellement. • Durant les dernières années, les subventions générales (produits alimentaires, électricité, etc.) ont atteint au moins 0,5 % du PIB. Les preuves existent aujourd’hui dans la littérature économique que les subventions générales sont régressives et profitent plus aux personnes qui se situent dans les quintiles supérieurs de revenus que celles qui sont au bas de l’échelle des revenus. Il est donc nécessaire pour le Gouvernement de revoir sa politique de subventions générales, afin de rationaliser celles-ci, au profit du financement de programmes qui profitent directement aux personnes les plus pauvres. • Par ailleurs, certaines mesures générales de gratuité en matière de santé, comme par exemple la gratuite des césariennes, n’ont pas souvent bénéficié aux plus pauvres et aux plus vulnérables. Il est donc nécessaire de questionner la pertinence et l’efficience de ces mesures et de les rationnaliser, en vue de se concentrer sur les plus pauvres et les plus vulnérables. La mobilisation des ressources propres est importante, mais peut s’avérer insuffisante. En effet, les programmes de protection sociale peuvent être coûteux, si la couverture doit être 92 élargie. Passer du niveau actuel de financement au niveau désiré demande des efforts que seules les ressources propres ne pourraient suffire à couvrir. Il est recommandé au Gouvernement de déployer des efforts importants, en vue de mobiliser des ressources additionnelles auprès de ses partenaires techniques et financiers pour financer ses programmes de protection sociale. Il est crucial de passer des petits programmes fragmentés actuels à de vastes programmes à l’échelle nationale, cohérents et assurant un paquet minimum de services aux plus pauvres et aux plus vulnérables, en accord avec le socle national de protection sociale du Bénin. Pour y parvenir, il est indispensable, entre autres, de : • Poursuivre et achever la réforme en cours de la couverture sanitaire universelle, à travers le Régime d’assurance maladie universelle. La loi sur le RAMU est maintenant votée, mais doit encore être promulguée et les décrets d’application pris. Le Gouvernement est fortement encouragé à accélérer ces différentes étapes afin de rendre cette loi opérationnelle ; • Mettre à l’échelle les programmes pilotes de filets sociaux existants. Pour ce faire, des études de faisabilité solides sont nécessaires afin de prendre toutes les précautions nécessaires pour faire face aux défis logistiques et opérationnels inhérents à tout programme d’une certaine envergure ; • Mettre en place et rendre opérationnel le cadre institutionnel de la politique holistique de protection sociale, notamment le Conseil national de la protection sociale et le Secrétariat permanent du Comité national socle de protection sociale, en le dotant d’un personnel et d’un budget adéquats. APPUI DE LA BANQUE MONDIALE La Banque mondiale pourrait accompagner le Gouvernement dans la mise en œuvre de ces différentes recommandations à travers : • L’assistance technique de haut niveau et le partage des expériences internationales, sur demande. Cette assistance technique pourrait aider le Gouvernement à analyser en profondeur l’espace fiscal afin de déterminer les options de financement des programmes de protection sociale ; • La recherche et la mobilisation de ressources extérieures pour le financement des programmes, étant donné que les ressources propres de l’État ne suffiront probablement pas à faire face aux coûts des programmes ; • Le renforcement des capacités des acteurs impliqués dans la conception et la mise en œuvre des politiques et programmes de protection sociale. 93 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 11 SUJET À TRAITER : DIVIDENDE DÉMOGRAPHIQUE AU BÉNIN MESSAGE PRINCIPAL Le Bénin est aujourd’hui à un tournant sur les plans démographique et économique. Si des actions fortes sont lancées rapidement pour accélérer la baisse de natalité, le pays pourrait bénéficier d’un dividende démographique qui permettrait d’accroître significativement sa croissance économique. CONTEXTE Les évolutions démographiques au Bénin ont aujourd’hui un impact négatif sur la croissance du PIB, l’emploi des jeunes et la qualité des services sociaux (éducation et santé). Le Bénin devrait connaître une forte augmentation de sa population totale. Selon une hypothèse moyenne15, la population du Bénin devrait passer d’environ 10 millions d’habitants aujourd’hui à 22 millions en 2050. Population (en millions) 25 20 15 10 5 0 1979 1992 2002 2013 2030 2040 2050 Source : UN Population Division, World Prospects 2015 révision (scénario moyen de fertilité) 15 L’hypothèse haute est définie en ajoutant 0,5 enfant par femme au chiffre de l’hypothèse moyenne, et l’hypothèse basse en y retranchant 0,5 enfant. 94 Transition démographique au Bénin 50 25 Taux de natalité-mortalité pour Population en millions 40 20 Croissanc 30 e 15 20 10 1,000 10 5 0 0 TM TN Population totale Source : UN Population Division, World Prospects 2015 révision (scénario moyen de fertilité) Au sein de la structure selon l’âge de la population, la part des plus jeunes devrait rester très élevée. En hypothèse haute, le pourcentage des personnes de moins de 15 ans devrait se stabiliser autour de 40 %. Source : Guenguant et alii 2011 Cette lente évolution de la structure selon l’âge va continuer à peser sur le taux de croissance économique par habitant. Entre 1995 et 2014, le taux de croissance économique au Bénin a été supérieur à 4 % en moyenne. Mais ce taux est beaucoup plus faible par habitant, en l’occurrence 1,1 % depuis 2005. À ce rythme, le PIB par personne ne doublera pas avant 45 ans, alors qu’il est souvent atteint en 15 ans dans les pays émergents. 95 Evolution du PIB total et du PIB par tête par période de 10 ans au Benin depuis 1965 Source : AHAMIDE Armelle, GUENGANT Jean-Pierre ** et KOUCHORO Georges : « LA RÉVOLUTION CONTRACEPTIVE, CONDITION NÉCESSAIRE POUR RÉALISER LA TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE ET BÉNÉFICIER DU DIVIDENDE DÉMOGRAPHIQUE », Direction des Politiques et Programmes de Population - Novembre 2015 L’augmentation non maîtrisée du nombre de jeunes va réduire les possibilités d’emploi. En hypothèse moyenne, il est prévu que le nombre de jeunes (15-24 ans) passera de 2,2 millions en 2015 à 2,5 millions en 2020 et à 3,1 millions en 2030. Cet afflux de jeunes sur le marché de travail va exiger de trouver 800 000 nouveaux emplois avant 2020 et 2,8 millions emplois avant 2030 (Ahamide et alii 2015). Un tel afflux aura des répercussions non seulement sur les plans économique, mais aussi social, sécuritaire et environnemental16. Cette même évolution démographique va accroître les tensions sur les services sociaux. L’accroissement démographique va en effet aggraver la tension sur l’offre – déjà fragile – de services sociaux. Ainsi, pour l’éducation, il est prévu qu’en 2030, les effectifs du niveau primaire seront 1,7 fois plus nombreux, ceux du secondaire 4 fois plus nombreux et ceux du supérieur 5 fois plus nombreux. Il faut mentionner aussi que les coûts par élève des niveaux secondaire et supérieur sont respectivement 2 et 12 fois supérieurs à ceux du niveau primaire (Guenguant et alii 2011). En matière de services de santé, il est estimé que l’accroissement démographique exigera – sur les 20 prochaines années – de multiplier le nombre de médecins par 5, le nombre d’infirmières par 2 ou 3 et le ratio du nombre de lits hospitaliers par habitant par 3 (Guenguant et alii 2011). Il est important de noter aussi que, avec le phénomène de l’élan démographique17, le Bénin sera de toute façon confronté à une forte hausse de sa population (avec les conséquences évoquées 16 Cf. par exemple l’étude de la FAO sur la déforestation au Benin. 17 L’élan démographique est la tendance d’une population à continuer de s'accroître après que le taux de fécondité eut été ramené au niveau de remplacement, du fait que la proportion d'habitants en âge d'avoir des enfants est relativement élevée. Ce phénomène est dû aux taux de fécondité élevés des périodes antérieures, qui font qu'il 96 ci-dessus) même s’il parvenait à réduire immédiatement son taux de fécondité au niveau de taux de remplacement (i.e. 2.1). Pourtant, le Bénin pourrait faire de sa démographie un atout, en exploitant son potentiel de dividende démographique. Une bonne partie des problèmes évoqués ci-dessus sont liés à l’absence d’un dividende démographique au Bénin, absence qui est elle-même liée à une baisse trop lente du taux de natalité. Qu’est-ce qu’un dividende démographique ? « Le dividende démographique est le bénéfice que peut retirer un pays du changement de sa structure par âge au cours de la période unique de son histoire que constitue la transition démographique. » (Ahamide et alii 2015). La maîtrise de la natalité (pendant la transition démographique) permet de réduire le taux de dépendance démographique (i.e. nombre de dépendants sur 100 actifs « potentiels »18). Cette baisse du taux de dépendance signale – si elle est significative - l’ouverture de la fenêtre d’opportunité du dividende démographique. Mais si l’ouverture de cette « fenêtre19 » est indispensable au dividende démographique, elle n’est pas suffisante. Il est nécessaire que ces individus actifs potentiels trouvent effectivement un travail, ce qui suppose des investissements significatifs dans les infrastructures, dans le climat des affaires, mais aussi dans le capital humain (santé, éducation et formation professionnelle). existe un grand nombre de jeunes. À mesure que ces jeunes grandissent et ont l'âge d'avoir des enfants, le nombre de naissances s'accroît et dépasse celui des décès de personnes âgées. 18 20-64 ans. 19 Cette fenêtre dure généralement environ 40 ans. Elle se referme lorsque le taux de dépendance remonte en raison de l’accroissement de l’espérance de vie (i.e. l’augmentation du nombre de person nes âgées vient compenser la baisse du nombre de jeunes, faisant ainsi augmenter à nouveau le taux de dépendance). 97 Plusieurs pays émergents ont bénéficié de ce dividende démographique (DD). Il s’agit notamment des pays du sud-est asiatique, dont on estime que la moitié de leur croissance économique dans les années 1970-2000 était liée au DD (Mason 2005). En résumé :  Le DD n’est absolument pas automatique. Certains pays en ont bénéficié (par exemple les pays du sud-est asiatique), d’autres n’en ont pas bénéficié (les pays d’Amérique latine). Deux types de politiques sont en effet nécessaires pour obtenir un DD :  En premier lieu, la baisse de la natalité doit être rapide. Dans le cas contraire, la baisse du nombre de naissances est progressivement compensée par l’augmentation du nombre de personnes âgées (accroissement de l’espérance de vie), ce qui empêche le taux de dépendance démographique de baisser et donc la fenêtre du DD de s’ouvrir.  En second lieu, une fois ouverte la fenêtre du DD, des politiques doivent être mises en œuvre pour assurer des emplois productifs à la population active. La présente note se concentre sur la première étape, à savoir l’ouverture de la fenêtre du DD. En 2016, où en est le Bénin sur ce point ? Sans changement politique majeur, le Bénin a peu de chance de bénéficier d’un dividende démographique Au Bénin en 2015, le taux de dépendance démographique était d’environ 126 dépendants pour 100 actifs potentiels (20-64 ans). Ce niveau est le double de celui des pays émergents, généralement compris entre 50 et 70. 98 Pour que le taux béninois de dépendance démographique diminue et atteigne un niveau proche de celui de l’émergence (et donc ouvrant la fenêtre du DD), le pays devrait or ienter sa démographie vers une hypothèse basse. Dans ce cas, le taux de dépendance démographique passerait au-dessous de 100 vers 2030 et pourrait diminuer à 74 vers 2050 (Ahamide et alii 2015). La pyramide des âges serait alors similaire à celle présentée ci-dessous. Source : Ahamide et Alii 2015 Mais une telle évolution démographique exige une diminution rapide de la natalité. En clair, selon l’hypothèse basse, la natalité devrait passer de 4,9 enfants par femme (EDS 2011-2012) à 2,4 enfants en 205020. Or la baisse de la natalité, si elle paraît enclenchée au Bénin, reste lente et sujette à des oscillations (augmentations). Nombre d'enfants par femme 6.3 5.6 5.7 4.9 5.7 1996 2001 2006 2011-2012 2014 (EDSB-I) (EDSB-II) (EDSB-III) (EDSB-IV) (MICS) Quelles politiques sont nécessaires pour accélérer cette baisse de la natalité et ainsi ouvrir rapidement la fenêtre du dividende démographique ? DÉFIS Au Bénin, la baisse de la natalité est ralentie par deux obstacles : Premièrement, la demande en contraception reste relativement faible au Bénin, ce qui s’explique – en partie – par l’insuffisante autonomie sociale et économique des femmes. 20 Il est important de noter que, même dans cette hypothèse basse, la population du Bénin va doubler pour atteindre 20 millions en 2050. Cela démontre l’importance de la notion d’élan démographique. 99 Demande de contraception (femmes en union 15-49 ans) 60 40 29.9 33.1 32.6 20 10.9 4.8 5 6.1 7.9 12.5 0 EDS 2006 EDS 2011-12 MICS 2014 Demande non satisfaite Prévalence contraception traditionnelle Prévalence contraception moderne Cette relation est confirmée par le fait que les femmes les moins éduquées sont aussi celles dont le nombre d’enfants est le plus élevé (voir graphique ci-dessous). Des efforts particuliers sont donc nécessaires pour faciliter l’accès des femmes à l’éducation et plus particulièrement au cycle secondaire. Un autre symptôme de l’insuffisante autonomie des femmes est la faiblesse de l’âge médian lors de la première union. Si cet âge augmente au fil des années, il reste néanmoins inférieur à 20 ans chez les femmes et – surtout – 14 % des femmes vivent déjà maritalement avant l’âge de 15 ans. Une telle situation exige des actions fortes contre le mariage (et les grossesses) précoce(s). Deuxièmement, lorsque la demande de contraception se matérialise, l’offre proposée par le système de santé n’est pas toujours capable de la satisfaire. Ce problème s’est même aggravé, le taux de besoins contraceptifs non satisfaits21 ayant augmenté, passant de 30 % en 2006 à près de 33 % en 2014 (pour un taux de besoins satisfaits de 13 %). En d’autres termes, près de 72 % des femmes béninoises (c’est-à-dire 33/ (33+13)) souhaitant utiliser une méthode contraceptive ne peuvent le faire. Ces déficiences dans l’offre de services de contraception sont confirmées par les résultats de l’enquête SARA 2014, qui indique que seulement 17 % des établissements proposent tous les éléments traceurs relatifs à la planification familiale. Cela rend urgent le renforcement de l’offre de services de planning familial. 21 Ce taux correspond aux femmes souhaitant utiliser une méthode contraceptive, mais qui n’ont pas pu le faire par manque d’informations, de ressources financières ou d’accès aux services. 100 Ces deux problèmes aboutissent à une situation où la prévalence de la contraception au Bénin n’est que de 18 % (12,5 % pour la prévalence de contraception moderne), taux très inférieur aux niveaux atteints par les pays émergents (souvent proches de -ou supérieurs à- 60 %) : Evolution de la prévalence contraceptive toutes méthodes, dans divers pays depuis 1970 Source : Ahamide et Alii 2015 MESURES RECOMMANDÉES À COURT TERME À court terme, les actions prioritaires (et susceptibles de générer des résultats rapides) sont le renforcement de l’offre de services de contraception. Ce renforcement peut être fait au travers du programme national FBR, en cours d’exécution. Ce programme semble aussi contribuer à l’augmentation de la demande contraceptive, certaines zones FBR (notamment celle de Bohicon) ayant pris l’initiative de réduire (parfois jusqu’à la gratuité) les prix des services contraceptifs. Il serait donc judicieux d’accroître le financement (domestique) du programme FBR et de lui associer un programme de formation des personnels en planning familial (PF). En parallèle, il apparaît indispensable de mener deux études :  La première porterait sur les obstacles rencontrés par les filles et leurs familles concernant l’éducation secondaire ;  La seconde étude analyserait les goulots d’étranglement pour les femmes souhaitant accéder aux services de PF. MESURES RECOMMANDÉES à MOYEN TERME  La demande pour les services de contraception pourrait être accrue par des investissements au bénéfice des femmes et plus particulièrement des jeunes filles. Cela inclurait des programmes de sensibilisation en « espaces sûrs » et surtout des investissements favorisant l’accès et le maintien des filles en éducation secondaire (par exemple, construction ou réhabilitation d’internats (éventuellement gérés de façon communautaire), transferts monétaires pour les familles maintenant leurs filles en établissements secondaires…). Ces interventions devraient cibler les groupes les plus vulnérables, qui sont aussi ceux ayant un taux élevé de natalité. 101  Pour renforcer l’offre de services de contraception, il est essentiel d’envisager une gratuité de ces services, ce que plusieurs pays de la sous-région ont déjà mis en place. Idéalement, cette gratuité devrait être mise en œuvre à travers le programme national de FBR (Financement basé sur les résultats), comme c’est le cas de la gratuité de la prise en charge du paludisme. APPUI DE LA BANQUE MONDIALE La Banque mondiale est prête à appuyer le Gouvernement du Bénin, non seulement pour mener les études évoquées plus haut, mais aussi pour élaborer des projets favorisant l’accès des filles à l’enseignement secondaire et la pérennisation des acquis du FBR. 102 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 12 SUJET À TRAITER : L’EMPLOI AU BÉNIN MESSAGE PRINCIPAL Compte tenu de l’étroitesse persistante du secteur salarié non-agricole, le problème de l’emploi au Bénin est principalement lié à la faible productivité des activités agricoles et des petites entreprises non agricoles informelles, qui ne permettent généralement pas aux ménages de travailler à temps plein, de subvenir à leurs besoins ou de se protéger des chocs de consommation. Le sous-emploi frappe principalement les femmes, les jeunes et les populations rurales. Des actions vigoureuses sont nécessaires pour renforcer les compétences de base et augmenter l’accès de tous les ménages du Bénin au capital productif afin de permettre une augmentation de la productivité et une meilleure résilience. INDICATEURS PRINCIPAUX Participation au Taux de Sous-emploi Sous-emploi marché du travail chômage par heure par revenu TOTAL 73,2 0,3 13,1 58,1 Hommes - - 10,8 40,8 Femmes - - 15,1 73,6 Le taux de participation au marché du travail est élevé au Bénin par rapport aux autres pays comparables de la région. Selon la définition donnée par le BIT, le chômage est à très bas niveau : seuls les plus nantis peuvent se permettre de ne pas travailler. Pour la quasi-totalité de la population active, le sous-emploi par nombre d’heures (temps partiel subi) et par revenu (personne qui travaille à temps plein mais gagne moins que le salaire minimum) est un problème crucial. Les femmes sont nettement plus frappées par le sous-emploi que les hommes. CONTEXTE Le marché du travail au Bénin est caractérisé par un taux de participation relativement élevé, chez les hommes comme chez les femmes. La main-d’œuvre béninoise est essentiellement jeune, composée à 60 % de travailleurs âgés de 15 à 34 ans, majoritairement d’origine rurale (62 % des travailleurs vivent en zone rurale) et faiblement éduquée (environ 70 % des travailleurs du Bénin ont un niveau d’éducation primaire ou non). 103 Côte d’Ivoire Burkina Bénin (a) Nigeria (b) (b) Togo (b) Faso (b) Participation au 73,2 56,0 68,0 82,0 85,0 marché du travail Ratio emploi/ 73,0 51,0 64,0 75,0 81,0 population Taux de chômage 0,3 8,9 5,9 8,5 4,7 Participation des femmes au marché du 72,5 48,0 52,0 82,0 80,0 travail Source : (a)EMICOV 2009/2010. (b) Base de données de la Banque mondiale 2010 Environ la moitié de la population active travaille dans le secteur agricole (52,6 %). Le commerce constitue le deuxième secteur le plus important avec 21,4 % des personnes actives occupées, tandis que les services et la production ne concernent que 12,9 % des emplois. Agriculture, livestock, fishing, forestry 60% 52.6% Trade Other services 50% Manufacturing Hotel and restaurant services 40% Transport and communications Construction 30% 21.4% Banking and insurance Water, electricity, gas 20% 8.6% 7.0% 10% 4.3% 3.5% 2.2% 0.2% 0.1% 0% Le travail indépendant est prédominant et occupe environ 70 %. Les travailleurs familiaux et les apprentis non rémunérés représentent plus de 20 % des travailleurs. Le secteur salarié reste de faible ampleur puisqu’il n’occupe que 16,4 % des travailleurs. Parmi ceux-ci, 30 % seulement sont employés par le secteur formel (soit environ 5 % de l’emploi total) alors que tous les autres salariés participent à l’économie informelle. 104 Employer, Self- 0.9% employed, Apprentice, Public entity 69.9% 3.3% Public or para-public entity Wage Private firm workers, 6.4% Association Unpaid family worker, Household 19.6% DÉFIS Le problème du sous-emploi affecte toutes les catégories de population, mais principalement les jeunes, les femmes et les populations vivant en zone rurale. Sous-emploi par genre, lieu de résidence et groupe d’âge (en %) Lieu de résidence Groupe d’âge Total Rural Urbain 15-24 25-34 35-54 55-64 Par heure (a) 13,1 13,4 12,7 13,0 14,6 12,6 10,7 Hommes 10,8 10,7 11,0 10,2 11,7 10,9 9,5 Femmes 15,1 15,6 14,2 15,7 16,2 14,3 12,5 Par revenu(b) 58,1 63,6 47,9 85,2 61,7 48,9 46,3 Hommes 40,8 45,6 31,9 83,4 37,9 30,8 33,2 Femmes 73,6 79,5 62,5 86,9 75,5 68,2 67,3 Source: EMICOV 2009/2010. (a) Disposé à travailler à plein temps, mais ne travaille qu’à temps partiel. b) Travaille à temps plein, mais reçoit moins que le salaire minimum de 27 500 FCFA de 2009 Un total de 87 % des jeunes femmes rurales qui travaillent à temps plein gagnent moins que le salaire minimum. La productivité agricole est particulièrement faible et la diversification des revenus du travail est rendue impossible par le faible accès à des activités non agricoles. Pris dans le piège d’une faible productivité, de faibles niveaux de capital et de bas revenus qui ne permettent pas d’engendrer une épargne productive, les ménages béninois ne peuvent compter sur le fruit de leur travail pour établir un cycle positif d’accumulation, d’investissement et d’augmentation de leur productivité. En outre, les normes sociales font que jeunes femmes sont confrontées à des contraintes supplémentaires quant à leurs choix professionnels. Les métiers non agricoles traditionnellement réservés aux femmes sont beaucoup moins nombreux, et généralement beaucoup moins 105 productifs que ceux exercés par les hommes. Dans le domaine artisanal, les femmes diplômées du Certificat de qualification aux métiers exercent presque exclusivement deux métiers : la couture et la coiffure, tandis que les hommes ont des activités plus diversifiées et à meilleur rendement financier, donc plus productives. Apprentis CQP hommes % Apprentis CQP femmes % Mécanique 15.7 Couturière 47.4 Couturier 11.9 Coiffeuse 36.0 Maçon 11.3 Menuisier 10.8 Chauffeur 7.5 Coiffeur 6.0 Soudeur 5.1 Électricien 4.2 Vitrier 2.7 Carreleur 2.2 Photographe 1.8 Fermier 1.3 Plombier 1.3 TOTAL 81.7 TOTAL 83.4 MESURES RECOMMANDÉES À COURT TERME Dégager des financements domestiques pour renforcer les efforts en cours sur le développement et l’amélioration de l’apprentissage. Le Bénin dispose d’un système d’apprentissage informel très développé. Un effort considérable de financement, d’organisation et d’amélioration de la qualité des apprentissages est en cours. Ceci passe notamment par le développement et l’extension territoriale du système national de validation et de certification des compétences issues de l’apprentissage, le renforcement des compétences des maîtres artisans, le placement d’apprentis en formations duales subventionnées par l’Etat, et l’équipement de centres de formation professionnelle. Mais cet effort souffre d’un financement morcelé et imprévisible qui affecte l’ensemble des acteurs. Assurer un financement budgétaire sur ressources nationales permettrait à l’ensemble de la filière apprentissage de continuer sa modernisation et sa structuration. Amplifier le mouvement de décentralisation des services de l’emploi pour les rapprocher des populations les plus touchées par le sous-emploi et la vulnérabilité. Les services de l’emploi étaient jusqu’à récemment cantonnés aux grands centres urbains et servaient surtout une population éduquée. Pour s’attaquer véritablement au problème de l’emploi il est important de fournir des services de formation et d’accompagnement dans les activités productives aux populations les plus touchées par le sous-emploi, c’est-à-dire les personnes peu éduquées vivant en zone rurale. L’ANPE s’efforce de mettre en place des services communaux de l’emploi, en lien avec les mairies. Accompagner cet effort par un financement décentralisé permettrait la mise en place d’une politique de l’emploi efficace et proche des populations concernées. Avec l’établissement d’un fonds d’appui au développement des communes (FADeC) en place depuis 106 bientôt sept ans, le Bénin dispose d’un instrument lui permettant de transférer des ressources aux communes et de les aider à faire face aux besoins de leurs habitants. MESURES RECOMMANDÉES À MOYEN TERME Consolider l’organisation institutionnelle de la politique d’emploi au Bénin. La politique de l’emploi est fragmentée entre une dizaine de directions techniques dans de nombreux ministères. En résulte un manque de lisibilité de l’action publique dans ce domaine, et une grande confusion sur les attributions respectives des différentes entités. Une consolidation des structures gouvernementales compétentes en la matière permettrait une approche plus cohérente et une plus grande efficacité dans la mobilisation de financements. Concevoir et appliquer des mesures d’accompagnement pour augmenter l’emploi productif des ménages pauvres. Le système de protection sociale en cours d’expansion au Bénin peut contribuer aux efforts d’amélioration de l’emploi productif des ménages les plus pauvres. Il faut pour cela fournir aux bénéficiaires de filets sociaux, outre les transferts monétaires permettant de stabiliser leur consommation et de réduire leur vulnérabilité, des mesures d’accompagnement visant à augmenter conjointement le capital physique et le capital humain des ménages. Les exemples internationaux récents démontrent que des approches intégrées visant l’augmentation de la productivité des bénéficiaires de filets sociaux peuvent produire des résultats spectaculaires pour augmenter l’emploi productif et réduire la pauvreté. Dynamiser l’environnement des affaires et les secteurs productifs non-agricoles afin de créer les conditions de création d’emplois stables et rémunérateurs. Des réformes visant une amélioration de l’environnement des affaires, une dynamisation des secteurs porteurs ainsi qu’un renforcement de l’intégration économique régionale permettraient de créer des emplois de qualité pour les Béninois. APPUI DE LA BANQUE MONDIALE En 2012, une Politique nationale d'emploi a été adoptée ainsi qu’un Plan d'action pour la période 2012-2016. Les principaux objectifs de ladite politique sont les suivants : i) faciliter l’accès à l’emploi par l’accroissement de l’offre et des compétences ; ii) améliorer le fonctionnement du marché de l'emploi ; iii) renforcer les capacités humaines et institutionnelles pour la promotion de l’emploi ; iv) réguler la migration professionnelle. Le Projet Emploi des Jeunes (PEJ) a été mis en place par le Gouvernement du Bénin, en partenariat avec la Banque mondiale, pour soutenir cette stratégie. Il a été approuvé en mars 2014 et est en vigueur depuis novembre 2014. Le Projet Emploi des Jeunes repose sur quatre composantes : 1) Développer les compétences par l’apprentissage ; 2) Développer les compétences en micro-entreprenariat ; 3) Soutenir l’installation ; et 4) Renforcer la capacité institutionnelle. Il propose des mesures de renforcement de la productivité de la population béninoise à travers un apprentissage technique de qualité, des formations en micro- entreprenariat accessibles à toutes les couches de la population et une consolidation des structures chargées de la politique d’emploi dans le pays. Le projet met un accent particulier sur l’appui aux femmes afin qu’elles s’installent dans un métier productif malgré les contraintes 107 particulières qu’elles rencontrent pour accéder à un métier non traditionnel et faire les choix productifs les plus efficaces. La Banque mondiale serait en bonne position pour appuyer le Gouvernement dans le développement de mesures d’accompagnement productives pour les ménages bénéficiaires des filets sociaux, afin de permettre à ceux-ci d’entrer dans un cycle viable d’accumulation de capital et d’augmentation de productivité. L’expérience de pays de la sous-région pourrait être mobilisée pour définir des programmes efficaces dans ce domaine. 108 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 13 SUJET À TRAITER : LE GENRE MESSAGE PRINCIPAL La parité au sein de la population du Bénin (50,1% de femmes ; 49,9% d’hommes) est présente dans tous les secteurs de développement, bien que les femmes et les filles soient en majorité défavorisées. Il en résulte qu’une partie importante de la population est privée de l’accès aux capacités (actifs humains), aux opportunités (actifs économiques) et aux possibilités d’action (actifs sociaux, pouvoir). Or, la question de l’égalité des sexes est cruciale pour le développement. Elle constitue un atout majeur pour l’économie. La prise en compte transversale de la dimension du genre dans les politiques publiques, les plans et programmes sectoriels de développement à tous les niveaux d’action du Gouvernement contribuera à l’amélioration du développement économique et social du pays et du bien-être de la population. INDICATEURS PRINCIPAUX Tableau 1. Indicateurs du profil de genre au Bénin Scolarisation Ratio filles/garçons des inscriptions à l’enseignement primaire et secondaire (2013) 0,82 Ratio filles/garçons des inscriptions à l’enseignement supérieur (2013) 0,29 Source : http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SE.ENR.PRSC.FM.ZS Alphabétisation Ratio filles/garçons d’alphabétisation (15-24 ans) (2014) 0,74 Source : Rapport Beijing +20 Bénin, 2014 Santé Taux de mortalité pour 1 000 enfants de moins de 5 ans (filles) (2011-2012) 71,0 Taux de mortalité pour 1 000 enfants de moins de 5 ans (garçons) (2011-2012) 79,0 Taux de mortalité maternelle pour 100 000 naissances vivantes 347 Source : EDS IV 2011-2012 / EDS III 2006 Violence basée sur le genre Estimation de l’incidence de la violence basée sur le genre (VBG) chez les femmes (violences 67,8 psychologiques, physiques et sexuelles, en pourcentage) (2009) Source : Enquête sur les violences faites aux femmes ; 2009/Données recueillies auprès de la DPP/DPJEJ, de 2006 à fin juin 2009 Sécurité alimentaire Pourcentage de ménages dirigés par des femmes en situation d’insécurité alimentaire 24,2 Pourcentage de ménages dirigés par des hommes en situation d’insécurité alimentaire 22,0 Source : Données ménages AGSVA 2014 Études et travail 109 Filles actives dans l’économie, qui étudient et travaillent, (pourcentage de toutes les filles âgées de 7 63,7 à 14 ans actives dans l’économie)22 (2012) Garçons actifs dans l’économie, qui étudient et travaillent (pourcentage de tous les garçons âgés de 71,2 7 à 14 ans actifs dans l’économie) 2 (2012) Source : http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SL.TLF.0714.SW.FE.ZS Participation à la population active Taux de participation à la population active, femmes (% population féminine âgée de 15 68,0 ans et plus)23 Taux de participation à la population active, hommes (% population masculine âgée de 15 78,0 ans et plus)1 Source : http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SL.TLF.CACT.FE.ZS Revenu Ratio des salaires femmes/hommes, secteur agricole 0,79 Ratio des salaires femmes/hommes, fonction publique 0,68 Ratio des salaires femmes/hommes, secteur formel 0,70 Ratio des salaires femmes/hommes, secteur informel 0,69 Liberté de disposer de son revenu, femmes (pourcentage de femmes disposant librement 70,0 de leur revenu) Liberté de disposer de son revenu, hommes (pourcentage d’hommes disposant librement 88,6 de leur revenu) Source : EMICoV 2011 Accès à la terre Femmes propriétaires de terres (pourcentage de femmes parmi la population propriétaire 14,9 de terres) Source : EMICoV 2011 Fonctions publique et élective Femmes ministres (pourcentage de femmes dans le Gouvernement) 22,2 Femmes députées (pourcentage de femmes siégeant à l’Assemblée nationale) 8,4 Femmes magistrats (pourcentage de femmes magistrats) 18,4 Femmes juges de Haute Cour (pourcentage de femmes juges de Haute Cour) 15,4 Femmes maires (pourcentage de femmes maires) 1,3 Femmes conseillères communales (pourcentage de femmes conseillères communales) 4,5 Femmes chefs de village (pourcentage de femmes chefs de village) 0,0 Source : Rapport final de la mission genre Bénin, 9 ACP BEN 012; **Agenda de la femme 2014 Vie politique et associative Femmes responsables dans les partis politiques (pourcentage de femmes responsables 18,8 dans les partis politiques) 22 Les enfants actifs dans l’économie sont ceux qui participent à une activité économique pendant au moins une heure au cours de la semain e de référence de l’enquête. Les enfants faisant des études et qui travaillent sont ceux qui combinent la fréquentation de l’école et une activité économique. 23Le taux de participation à la population active est la proportion de la population âgée de 15 ans et plus qui est active dans l’économie : toutes les personnes qui travaillent à la production de biens et de services au cours d’une période donnée. 110 Femmes responsables dans les syndicats professionnels (pourcentage de femmes 24,1 responsables dans les syndicats) Femmes responsables dans les associations patronales (pourcentage de femmes 23,8 responsables dans les associations patronales) Source : Rapport Beijing +20 Bénin, 2014 CONTEXTE : UNE SOCIÉTÉ ANDROCENTRÉE RELÉGUANT LES FEMMES ET LES FILLES AU SECOND PLAN Le Bénin a ratifié les conventions internationales et continentales sur les droits des femmes, ou y a adhéré. Le pays dispose également de mécanismes institutionnels nationaux et d’un arsenal juridique national promouvant l’égalité des hommes et des femmes, qui comportent tous deux un cadre répressif protégeant les femmes des violations de leurs droits. Pourtant, à quelques exceptions près, le profil du genre au Bénin indique des disparités entre les sexes dans tous les secteurs, aux dépens des femmes et des filles. Cette situation, mise en exergue par la récente étude intitulée « Rôles et normes du genre dans la production, la consommation et la santé au Bénin (2016) », dresse un obstacle majeur au développement du pays. Comparés aux actifs humains, les indicateurs révèlent des barrières qui empêchent les filles de poursuivre leurs études, et ce problème est à la source de la précarité de la situation des femmes, dans un contexte de normes de genre androcentrées : parmi les entraves à l’instruction des filles (le ratio filles/garçons est de 0,29 pour les inscriptions à l’enseignement supérieur ) figurent des pratiques discriminatoires et la violence basée sur le genre (VBG) à leur égard, telles que le harcèlement sexuel, le mariage forcé, les grossesses précoces, situation qui les expose à l’analphabétisme. L’alphabétisation, qui est censée éliminer les déficits ainsi reconnus une fois que les filles ont quitté le système scolaire, est entravée par l’inefficacité des programmes. Ceux-ci ne s’adaptent pas aux besoins des femmes, ni à leur environnement. S’y ajoutent les difficultés d’ordre général liées à l’insuffisance i) des infrastructures, ii) des qualifications du personnel enseignant, et iii) de matériels d’enseignement (Rapport Beijing+20, 2014). L’analphabétisme et l’illettrisme de la femme en font une cible facile de la VBG (l’incidence de VBG sur les femmes était de 67,8% en 2009), outre les risques élevés de mortalité maternelle auxquels elle est exposée du fait qu’elle n’a pas pouvoir de décision, y compris sur son propre corps. Les indicateurs liés aux actifs économiques révèlent des inégalités au détriment de la femme, dans l’accès aux moyens de production et le contrôle des ressources et des bénéfices découlant des activités productives, situation encore plus prononcée en milieu rural et chez les ménages pauvres : le taux de femmes propriétaires de terres, déjà très faible au niveau national (14,9%), cache des réalités plus pénibles où la femme n’a aucun droit sur les moyens de production du ménage, tels la terre, ni sur le contrôle du stockage des denrées alimentaires. Pourtant, c’est la femme qui est responsable de l’alimentation du ménage, et qui doit s’adapter aux astreintes inhérentes à la pénurie récurrente de denrées causée par l’insuffisance quasi-permanente des récoltes. La faiblesse de l’écart du taux de participation des deux sexes à la population active, au détriment de la femme (68 % contre 78 % pour les hommes), n’est pas conforme à la réalité. Dans les faits, les rôles des hommes et des femmes imposent à ces dernières une triple journée de travail, avec le chevauchement des activités 111 productives et de l’activité reproductive. Cette dernière activité n’entre pas en ligne de compte alors que la femme assure la « production au sein du ménage » et la reproduction de la force du travail (par exemple la logistique, la consommation, les soins aux membres de la famille). En revanche, les écarts de salaire importants, au détriment des femmes, découlent de préjugés sexistes eux-mêmes renforcés par les qualifications réduites des femmes, ce qui souligne un déficit au niveau du capital humain, comme mentionné plus haut. Les indicateurs concernant les actifs sociaux indiquent que la femme est sous- représentée dans les instances de décision à tous les niveaux, est exclue de l’élaboration des politiques publiques et de l’examen des questions spécifiques la concernant : l’étude sur les rôles et normes du genre dans la production, la consommation et la santé (2016) met en exergue l’exclusion de la femme de la prise de décision collective dans la vie de la communauté. Cette exclusion contribue à dissuader sa participation à des organisations et initiatives de type formel, l’éloignant au final d’un quelconque rôle politique. L’absence d’une culture de parité chez les dirigeants politiques est un fait avéré. En témoignent les faibles pourcentages de femmes occupant des postes électifs (Parlement : 8,4 % de femmes) et des chiffres effarants à l’échelon local (1,3 % de femmes maires, 4,5 % de conseillères communales et aucune femme parmi les 3 743 chefs de village). La présence de la femme dans les postes nominatifs n’atteint pas le taux critique de 30%, qui permettrait d’infléchir les politiques publiques de manière à tenir compte des préoccupations et intérêts différenciés des deux sexes en matière de développement. DÉFIS COMBLER L’ÉCART ENTRE LES DISCOURS ET LES RÉALITÉS CONCERNANT LA PARITÉ HOMMES- FEMMES Les principaux défis à relever portent sur : i) l’incompréhension et la conception erronée de la question de l’égalité des genres, de ses enjeux et de sa portée ; ii) la persistance de normes androcentrées, exacerbée par la méconnaissance du droit positif ; iii) le faible engagement de l’État pour réduire les inégalités de genres ; iv) l’insuffisance de capacités humaines et techniques d’intégration du genre dans les politiques sectorielles ; et v) l’inefficacité des organes de coordination aux niveaux sectoriel et national. Incompréhension du concept de l’égalité de genres, de ses enjeux et de sa portée Perçu comme une vision occidentale, le concept de l’égalité de genres est généralement incompris comme outil de développement. Le manque général de données mises à jour et ventilées par sexe en est une manifestation. Il élimine la possibilité : i) d’évaluer avec exactitude la situation de l’ensemble des femmes, ii) d’élaborer des politiques éclairées et ciblées, et iii) de procéder à un suivi et à une évaluation systématique des progrès accomplis dans la réalisation de l’égalité réelle entre les sexes. Les lacunes dans les textes législatifs sont une autre manifestation de cette situation. L’illustration parfaite en est la confusion entre les politiques socioéconomiques de caractère général qui bénéficient aux femmes et les mesures temporaires spéciales (discrimination positive) pour accélérer la réalisation de l’égalité véritable entre hommes et femmes. L’absence d’une culture de parité est maintenue par le rejet par l’Assemblée nationale du projet de loi prévoyant des quotas pour la participation des femmes à la vie politique. Or, ces mesures auraient pu améliorer la sous-représentation des femmes dans la vie publique et politique et la situation des femmes rurales. Un autre exemple est l’absence de données sur la 112 traite des femmes et des filles ainsi que l’absence d’un cadre législatif spécifique et d’une stratégie nationale visant à combattre ce fléau. Persistance de normes androcentrées exacerbée par la méconnaissance du droit positif Malgré les progrès réalisés, les attitudes patriarcales et les stéréotypes au sujet des rôles et normes de genre persistent dans tous les domaines de la vie courante. Les efforts que l’État a déployés, restent insuffisants pour combattre les pratiques perpétuant la subordination de la femme dans la famille et la société. Le Code sur les personnes et la famille (loi no 2002-7 du 24 août 2004) stipule le respect du principe de l’égalité des époux dans le mariage et lors de sa dissolution. Pourtant, nombreux sont les cas de polygamie de fait, rites de veuvage, lévirat et autres pratiques préjudiciables à la femme. Il en va de même pour la loi relative au droit foncier rural (n° 2007-03 du 16 octobre 2007), qui garantit à la femme le droit d’hériter les terres de ses parents ou de son conjoint. Dans les faits, la pratique habituelle empêchant la femme d’hér iter des terres agricoles prédomine en milieu rural. La femme continue à rencontrer des difficultés dans l’accès à la terre et au crédit, sinon au contrôle de l’utilisation des fonds qu’elle a obtenus auprès des organismes de micro-crédit. De plus, la femme n’a qu’un accès limité à la justice en raison, entre autres : i) de son faible niveau de connaissance de ses droits, les lois n’étant pas diffusées en langage local, ii) de longues distances qui la séparent des tribunaux et d’autres obstacles d’ordre pratique et économique, et iii) du manque de ressources humaines et techniques dans le système judiciaire. Faible engagement de l’État pour réduire les inégalités de genres L’État a pris des initiatives pour améliorer son cadre institutionnel et politique visant à promouvoir l’égalité homme-femme, notamment à travers l’adoption de la Politique nationale de promotion du genre (PNPG, 2009) et la mise en place de mécanismes pour sa mise en œuvre, au niveau central [Conseil national de promotion de l’équité et de l’égalité de genre (CNPEEG)] et au niveau des collectivités décentralisées. Les efforts pour intégrer la question du genre dans le Budget général de l’État ont aussi démarré en 2009. Inférieure à 1 %, la part du budget allouée à la promotion de la femme et à la réduction des inégalités de genres s’est érigée en obstacle à la mise en œuvre des politiques et programmes y afférents. Malgré les dialogues politiques de haut niveau pour négocier une augmentation substantielle de ressources financières, ces dernières ont stagné. Ce faible engagement de l’État a contribué : i) à l’absence de mécanisme de coordination entre les différentes entités ; ii) à la limitation des moyens techniques et financiers dont dispose le Ministère de la famille et de la solidarité nationale pour assurer la prise en compte transversale de la problématique hommes-femmes ; iii) à l’inefficacité des entités décentralisées du CNPEEG ; et iv) au manque d’informations sur la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation de la PNPG. Insuffisance de capacités humaines et techniques d’intégration du genre dans les politiques sectorielles Le rapport national sur Beijing+20 reconnaît que « les échecs qui ont jalonné le parcours peuvent se résumer en la mise en œuvre partielle de plans d’actions, faute de ressources, la non- 113 réparation des préjudices due à l’inapplication des textes de loi protégeant la femme ». La même source cite un des éléments essentiels qui a contribué à cette situation est la non-disponibilité de ressources humaines compétentes en matière d’égalité de genres et convaincues des enjeux de développement qu’elle représente, ainsi que l’absence d‘autorités acquises à la cause des femmes. Au niveau des secteurs, ces limites techniques et financières sont davantage accentuées, comme dans le secteur de l’éducation caractérisé par : i) le faible taux d’achèvement des études des filles, notamment à cause de grossesses et mariages précoces ou forcés ; ii) l’absence d’éducation sur la santé et les droits sexuels et génésiques dans le cadre du cursus scolaire ; iii) l’insuffisance des efforts pour développer les infrastructures scolaires malgré la décision d’offrir une éducation gratuite aux filles dans l’enseignement primaire ; et iv) l’insuffisance d’informations sur les mesures prises pour combattre la violence sexuelle à l’école et les sanctions à l’encontre des auteurs de ces violences, en conformité avec le décret interministériel du 1er octobre 2003. Il en est de même pour le secteur de la santé marqué, entre autres, par l’insuffisance des mesures adoptées pour réduire l’incidence du VIH chez les femmes et fournir une assistance appropriée aux femmes vivant avec le VIH face à la féminisation de cette maladie, ou par le manque d’informations sur les droits des femmes de prendre des décisions autonomes concernant leur santé. MESURES RECOMMANDÉES POUR MIEUX INTÉGRER LE GENRE DANS LES POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT DU PAYS Renforcement de la volonté politique et de l’engagement de l’État pour l’égalité entre les sexes En accord avec les nouveaux objectifs de développement durable, et en mettant l’accent sur les cibles clefs du programme de développement durable à l’horizon 2030 concernant le genre, la volonté politique et l’engagement effectif de l’État seront essentiels pour parvenir à une égalité véritable entre hommes et femmes. Ils se traduisent par des mesures concrètes visant à compléter le cadre juridique et institutionnel et à allouer les ressources appropriées pour parvenir à l’égalité entre hommes et femmes. Ces mesures consisteront à : i) actualiser les mécanismes d’intégration de genre dans les politiques publiques, plans et programmes sectoriels de développement durable ; ii) renforcer des plans et programmes pour résoudre les problèmes spécifiques de la femme (sous-représentation politique, VBG, traite de personnes, femmes rurales, etc.) ; iii) améliorer les budgets concernant la question du genre ; iv) systématiser la désagrégation par sexe des données nationales et sectorielles pour faciliter le suivi et l’évaluation des politiques, plans et programmes lancés. Actualisation des mécanismes d’intégration du genre dans les politiques publiques L’actualisation des mécanismes d’intégration du genre dans les politiques publiques, plans et programmes sectoriels de développement durable répond au besoin impérieux de compléter le processus initié en 2009 mais dont les résultats sont mitigés. Cette actualisation consiste à :  Élaborer et adopter une loi-cadre pour l’égalité véritable entre hommes et femmes, qui amènera tous les secteurs (éducation, santé, emploi, agriculture, pêche, élevage, mines, aménagement du territoire, etc.) et toutes les institutions, y compris les collectivités 114 locales, à adopter une approche intégrée de l’égalité hommes-femmes dans leurs politiques et dans l’ensemble de leurs champs d’action ; une telle loi-cadre assurera l’efficacité des droits des femmes stipulés dans les lois existantes, l’ examen de l’origine des inégalités et l’ajustement des dispositifs de mise en œuvre ; elle fixera ainsi dans la loi les principes et les objectifs d’une approche intégrée de l’égalité, conjuguant la mobilisation du droit commun et les mesures spécifiques ainsi qu’un examen systématique des bienfaits des politiques sur la parité hommes-femmes. Il s’agit d’un processus qui passera par i) le renforcement des capacités des responsables émanant des institutions-clés qui rédigeront et appliqueront le projet de loi, des autres institutions et OSCs engagées dans l’égalité des sexes, ce qui impliquera des voyages aux fins d’échanges avec des pays ayant déjà appliqué un tel processus et des ateliers de restitution/formation ; ii) la conduite d’études de mise à jour de la situation actuelle, incluant l’impact des lois sur les femmes et les hommes, couvrant l’ensemble des secteurs ; iii) des ateliers de consultations sectorielles, régionales et nationale ; et iv) de plaidoyers auprès du Parlement.  Constituer un réseau de formateurs issus des différents secteurs et institutions sur l’intégration du genre dans les politiques publiques, lesquels auront été préalablement outillés et préparés par des actions parallèles de formation permettant de renforcer les capacités des responsables/acteurs de leurs secteurs/institutions d’origine.  Mettre en place les dispositifs et méthodes de travail pour une approche globale et interministérielle inscrivant l’égalité au cœur des politiques publiques. Pour ce faire, sous la direction d’une institution/d’un ministère de référence sur la question du genre, il est recommandé à chaque ministère/institution de : i) désigner un référent politique et un haut fonctionnaire de l’administration à « la parité hommes-femmes », afin de constituer un comité interministériel sur la parité qui se chargera de traduire la loi-cadre sur l’égalité en une feuille de route commune avec les organisations de la société civile et autres partenaires ; ii) se doter d’une feuille de route pour la parité dont le comité assurera la mise en œuvre et laquelle sera régulièrement évaluée. Cette mise en place de mécanismes bénéficiera des actions de renforcement de capacités mentionnées ci- dessus, outre le recours à une expertise nationale/internationale.  Introduire des outils et des nouveaux mécanismes pour accompagner le processus : ils permettront d’inscrire la politique de la parité de manière durable dans les pratiques administratives et de déceler les inégalités entre femmes et hommes lors de la préparation des projets de loi ; ces outils et mécanismes aideront à assurer que toute nouvelle politique publique contribue effectivement à avancer vers l’égalité entre les sexes ou à éviter un recul dans ce domaine.  Renforcer la mise en place d’une base de données ventilées par sexe au sein de chaque institution et secteur : elle permettra i) de prendre des mesures efficaces pour surveiller et réduire les inégalités entre les sexes dans chaque secteur, en supprimant les obstacles que rencontrent les femmes ou les hommes, et ii) de mesurer les progrès réalisés, en recourant de façon systématique à des indicateurs d’égalité entre hommes et 115 femmes. Elle nécessitera, le cas échéant, des enquêtes de base sur les indicateurs cruciaux pour chaque secteur, avec une systématisation des variables par sexe et âge, la dotation de matériels appropriés et le renforcement de capacités des personnes en charge de la tenue/mise à jour de la base de données. Renforcement des plans et programmes visant les problèmes spécifiques de la femme Pour renforcer les actions ciblant les questions de genre majeures qui sont préjudiciables aux femmes, et en cohérence avec la loi-cadre citée ci-dessus, il est essentiel de redoubler d’efforts pour : i) éliminer les stéréotypes discriminatoires et pratiques culturelles portant atteinte aux droits des femmes et faire largement accepter le cadre législatif en vigueur, y compris le Code foncier, selon un programme approprié; ii) faire connaître aux femmes les lois pertinentes concernant leurs droits, dans les langues locales, et les recours possibles en cas de violation de ces droits, ce qui implique le développement et la multiplication de supports correspondants et leur dissémination ; iii) incorporer une définition de la discrimination, directe et indirecte, à l’égard des femmes dans la législation nationale, retirer de cette dernière toute disposition contraire et accélérer l’adoption des projets de loi visant à rétablir l’égalité entre les sexes (mesures temporaires spéciales pour une représentation paritaire dans la vie publique et l’autonomisation économique et politique des femmes rurales, lutte contre la traite des personnes, etc.) ; iv) faire appliquer les lois existantes et nouvelles, notamment par le renforcement de capacités de l’appareil judiciaire et par des actions systématiques de formation à l’intention de tous les professionnels concernés ; et iv) recueillir des données sur tous les cas de VBG et traite de personnes, incluant le nombre de plaintes et sanctions imposées aux auteurs. Ces mesures feront l’objet d’une élaboration de plans d’action spécifiques, assortis d’un calendrier précis et des ressources requises, suivant les priorités du pays, en accord avec ses engagements au niveau international. Amélioration de la budgétisation sensible au genre (BSG) Composante essentielle de l’approche intégrée de l’égalité hommes-femmes, la BSG offre l’opportunité d’utiliser les fonds publics pour une meilleure efficacité et transparence dans la mesure où la formulation du budget, sa mise en œuvre et son évaluation, ont été précédées d’une analyse de l’impact différencié du budget sur les deux sexes. Elle permet de prévoir les ressources pour le financement des actions transversales (§ 3.2) et d’actions spécifiques (§ 3.3) visant à corriger les inégalités existantes. Il est ainsi crucial de poursuivre les efforts fournis dans la BSG, voire de les redoubler, pour concrétiser l’engagement effectif de l’État. À cet effet il faudra : i) mener des actions de renforcement de capacités des membres du Comité interministériel sur la « parité hommes-femmes » (§ 3.2), des responsables en charge de la planification et du budget des institutions financées par le gouvernement ainsi que des élues, sur l’analyse et la formulation d’un BSG ; iii) allouer les ressources telles que déterminées par le budget ainsi formulé ; et iv) suivre et évaluer son exécution. La mise en œuvre des recommandations proposées nécessitera des ressources dont les coûts sont estimés à 2.7 millions $ É.-U. pour financer i) l’actualisation des mécanismes d’intégration du genre dans les politiques publiques et leur application, incluant la budgétisation sensible au 116 genre ; et ii) le renforcement des plans et programmes visant les problèmes spécifiques de la femme. APPUI DE LA BANQUE MONDIALE La Banque mondiale continuera de soutenir le Gouvernement du Bénin dans ces initiatives à travers les projets financés par elle-même et actuellement mis en œuvre ou proposés. Elle pourra mobiliser l’expertise technique requise pour appuyer le Bénin dans la réalisation d’une analyse diagnostique sur la situation respective des femmes et des hommes dans tous les champs d'action de chaque secteur concerné, et d’une analyse différenciée de l’impact des mesures envisagées sur les deux sexes ainsi que dans l’élaboration des outils méthodologiques permettant de mieux connaître la question de l’égalité entre les sexes et les axes d’actions à développer. De la même manière, la Banque Mondiale pourra fournir un appui pour intégrer des actions concrètes de promotion de l'égalité entre les sexes dans les politiques publiques, assorties d'objectifs quantifiés de progression, en identifiant les leviers à actionner, à partir de l’analyse de l’ensemble des politiques menées. 117 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 14 SUJET À TRAITER : COMPÉTITIVITÉ ET LE CLIMAT D’AFFAIRES CONTEXTE ET DÉFIS L’économie béninoise est caractérisée par une faible compétitivité qui se traduit par une productivité tout aussi faible et tout naturellement des rendements économiques faibles pour les investissements. C’est ainsi que malgré une augmentation au cours des dernières années le niveau des investissements publics comme privés reste relativement faible au Bénin. Les enquêtes auprès du secteur privé ainsi que les analyses récentes ont permis d’identifier les contraintes suivantes comme freins à la compétitivité et donc la croissance de l’économie béninoise : Une économie informelle : Le secteur informel représente une large part de l’économie béninoise avec notamment 75% du PIB et 90 % des emplois. Le RGE2 Résultats du recensement général des entreprises 2008 (RGE2) confirme l’omniprésence du secteur informel, cohérente avec certains traits saillants du secteur privé béninois:  96,2% des entreprises recensées ne tiennent pas de comptabilité,  97,1% ne sont pas enregistrées (ni au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ni auprès de l’administration fiscale),  97,6% sont des micro-entreprises individuelles,  90,2% n’ont aucun salarié. L'expérience internationale suggère que la corruption et la collecte agressive ou erratique des impôts sont des facteurs importants de la prévalence de transactions informelles dans l'économie, et aussi longtemps que la gouvernance ne s'améliore pas sensiblement, à la fois dans les faits et les perceptions, il y a peu d'espoir de rendre les activités formelles plus attractives que les activités informelles. Un cadre institutionnel inadéquat : Le cadre règlementaire et administratif à travers lequel l’état béninois interagit avec le monde de l’entreprise est généralement perçu comme inadéquat, dépassé ou inopérant. En effet, le Bénin fait piètre figure dans la plupart des enquêtes auprès des entreprises, y compris dans l'indice de la compétitivité mondiale (Global Competitiveness Index, GCI), le Doing Business (DB), le Global Enabling Trade index (ETI), et l’indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International (TI). Le GCI, qui a une large base de répondants, classe le Bénin 119ème sur 144 pays, avec un score de 3,6 sur 7, avec une tendance à la détérioration au cours des dernières années. Dans l'ensemble, malgré des progrès enregistrés récemment sur certains indicateurs Doing Business, l’environnement des affaires reste très peu favorable à l’investissement et au développement des entreprises. 118 L’indicateur exécution des contrats est emblématique des faibles performances du Bénin en terme de qualité de l’environnement des affaires. L’insécurité légale endémique qui sévit au Bénin contribue significativement à la faible compétitivité de l’économie Béninoise. Cette situation se reflète dans les faibles performances du Bénin sur cet indicateur du Doing Business : Le Bénin se classe, en effet, 168ème sur 189 pour « Exécution des contrats » (DB 2016). Tableau 1 : Exécution des Contrats au Bénin, Indice du Le Bénin est l'une des économies les Doing Business, 2014 moins performantes dans le monde en termes d’exécution des contrats en Indicateur Bénin Afrique OCDE subsaharienne raison des procédures trop complexes, trop longues et trop coûteuses (Tableau Délais (jours) 750,0 653,1 538,3 1). De plus des acteurs privés se Coût (% de la créance) 64,7 44,9 21,1 rendent compte que la sécurité / stabilité des contrats n'est pas Qualité des procédures 6,0 6,4 11,0 respectée et que l'État modifie 18) unilatéralement les conditions déjà Source : DB 2016 négociées avec des entreprises privées. Par exemple, dans le secteur des télécommunications, de nouvelles taxes qui n'étaient pas dans les accords de licence d'origine ont été prélevées. Le secteur bancaire a fait face au non-remboursement des dettes contractées dans le secteur du coton, menaçant la solvabilité et le niveau de ses réserves. Un différend de dix ans a conclu que des règles de passation des marchés dans la distribution de médicaments avaient été violées. Certaines sociétés étrangères établies au Bénin ont eu la perception que l'État de droit était menacé au sein du pays. En raison de l’agenda politique chargé au cours des derniers mois, le momentum pour les réformes qui avait permis au Bénin de figurer dans le top 5 des pays réformateur au Monde en 2014 et dans le top 10 en 2015 s’est estompé. Ainsi le Bénin risque de ne pas enregistrer les belles performances de ces dernières années dans le rapport Doing Business 2017 qui sera publié en Octobre de cette année. Le dispositif institutionnel pour la facilitation des investissements et de développement du secteur privé est encore inopérant et inadéquat. Comme illustration l’Agence de Promotion des Investissements et des Exportations créée par décret tarde à être pleinement opérationnalisée même si le Directeur Général a été recruté. Par ailleurs l’organigramme de cette entité telle que retenue à l’heure actuelle ne permet pas de créer les synergies espérées de la fusion des fonctions de promotions des investissements et des exportations. Pis encore, il porte les germes de l’inefficacité de la nouvelle structure du fait de sa lourdeur. Le code des investissements, malgré des efforts de simplifications, reste du point de vue de beaucoup d’investisseurs encore complexes. Les procédures d’obtention des avantages fiscaux prévus par le code sont décrites comme fastidieuses et longues. 119 Un accès insuffisant et prohibitif aux services d’infrastructures: le coût et l’accès à l'électricité, par exemple, est la contrainte au développement des entreprises la plus citée par les opérateurs économiques. Pour preuve, le l’indicateur Accès à l’électricité du rapport Doing Business classe le Benin 179e sur 189 économies. Etant donné la fréquence et le caractère imprévisible des délestages, nombre d’entreprises ont opté pour l’utilisation de groupes électrogènes pour assurer la continuité de leurs opérations. Ceci obère leur capacité d’investissement déjà limitée, renchérit leur coût d’exploitation et réduit in fine leur compétitivité. Un faible accès au financement : L’accès au financement est une contrainte majeure pour le développement du secteur privé. Les raisons de ces difficultés de financements sont liées à des facteurs qui relèvent de l’offre et de la demande de crédit mais aussi du cadre institutionnel. Entre autres, on peut citer :  La faible qualité des dossiers de demande de crédit ;  l'absence de fortes garanties pour les prêts aux PME ;  de longues procédures judiciaires ;  un manque d'information sur les emprunteurs ;  la faible capacité des intermédiaires financiers à mesurer le risque des PME ;  l’informalité de l’économie. Au-delà des facteurs transversaux, certaines contraintes propres à certaines chaines de valeurs affectent la compétitivité et le potentiel de croissance de l’économie béninoise. Le secteur du Tourisme qui est déjà le deuxième plus grand secteur du pays en termes d'entreprises formelles, le troisième plus grand employeur, et la deuxième source de recettes en devises dispose encore d’un potentiel non réalisé du fait d’importantes contraintes. De même, les services de transports et de logistique sont importants pour le Bénin et ses voisins : le port de Cotonou est la principale porte d'entrée pour le commerce extérieur du Bénin, et gère des volumes importants du commerce extérieur de ses voisins, principalement le Niger et le Nigeria. Cependant, cette position est fragile et peut être contestée en raison de nombreuses contraintes structurelles de gouvernance qui limite les investissements dont le secteur a besoin. Tourisme Le secteur du tourisme est toujours sous-performant par rapport aux pays voisins ou d’autres pays. Les arrivées et les recettes touristiques ont stagné au cours de la dernière décennie avec une croissance annuelle moyenne de visiteurs de seulement 2 % par rapport à une croissance moyenne de 15 % pour ses voisins. La contribution totale du tourisme dans le PIB stagne à 6,5 %, avec un retard de 1,5 point sur ses voisins et de 7,5 points derrière la moyenne mondiale. Le secteur contribue à 5,6 % de l'emploi total, qui est de 1,4 point de moins que ses voisins et de 8,3 points de moins que la moyenne mondiale. En d'autres termes, les gains de PIB annuel non 120 réalisés sont compris entre 113 et 567 millions de dollars, et l'emploi latent entre 28 000 et 165 000 emplois. Plusieurs contraintes limitent l’expansion de ce secteur qui est doté de nombreux a ctifs culturels et des avantages comparatifs. Il s’agit :  du déficit de produit et de développement du marché ;  du déficit d’infrastructures et d’investissements ;  de contraintes institutionnelles et règlementaires ;  et de l’absence d’un cadre adéquat de gouvernance du secteur propice à l’implication du secteur privé Transport et logistique Les services de transport et de logistique sont importants pour le Bénin et ses voisins : le port de Cotonou est la principale porte d'entrée pour le commerce extérieur du Bénin, et gère des volumes importants du commerce extérieur de ses voisins, principalement le Niger et le Nigeria. Malgré un certain nombre de réformes visant à renforcer la compétitivité du port et de la chaîne logistique et de transport, certaines contraintes demeurent et fragilisent la position du port de Cotonou au moment où d'autres ports de la côte de l’Afrique de l'Ouest rivalisent pour servir de portails maritimes aux pays enclavés et gagnent en compétitivité. Les facteurs suivants contribuent à réduire la compétitivité de la plateforme logistique de Cotonou :  Les coûts élevés du transport ;  Les performances encore faibles des douanes malgré des progrès réels ces dernières années ;  Le faible professionnalisme des acteurs du secteur du transport ;  Une flotte vieillissante. ACTIONS RECOMMANDÉES Les recommandations de cette note couvrent les contraintes transversales qui affectent non seulement l’environnement général des affaires mais aussi celles qui affectent deux chaines de valeur à fort potentiel de croissance et de création d’emplois. Les reformes transversales Informalité, Avec l’appui de la Banque mondiale, un programme pilote pour la mise en œuvre du statut de l’entreprenant de l’OHADA a été mis en œuvre dans la ville de Cotonou. Il s’agit d’un nouveau 121 statut simplifié qui s’applique à une personne physique exerçant dans des secteurs divers (services, commerce, artisanat, agriculture) avec un chiffre d’affaires limité (10, 20 ou 30 millions de FCFA selon le secteur). L’objectif visé est de faciliter la migration des entrepreneurs opérant dans le secteur informel vers le secteur formel. À la lumière des enseignements de l’étude d’impact de la phase pilote et suite au lancement officiel le 05 mai 2015 de la généralisation du statut sur toute l’étendue du territoire, il s’avère nécessaire que le gouvernement mette en place une véritable politique de généralisation du statut de l’entreprenant. Le GBM dans le cadre du nouveau projet PCCT, accompagnera les efforts attendus du gouvernement en fournissant les ressources nécessaires à la généralisation du statut dans les villes de Ouidah et Bohicon. Cadre institutionnel i) Dialogue Public-Privé L’élaboration du cadre institutionnel de l’agenda de reformes devrait être conduite de concert avec le secteur privé. La mise en œuvre de cet agenda par les ministères requiert une coordination et un suivi au plus haut niveau permettant de lever les obstacles qui ne manqueront pas de se dresser. Pour ce faire il est recommandé de :  Renouer le fil du dialogue avec tous les acteurs du secteur privé à travers un Dialogue Public-Privé inclusif et centré autour de thématiques et de questions spécifiques.  Mettre en place un mécanisme de suivi et de mise en œuvre des reformes du climat des affaires. ii) Insécurité juridique - Création et opérationnalisation du tribunal de commerce à travers :  l’adoption et la promulgation rapide du Projet de loi modifiant et complétant la loi n° 2001-37 du 10 juin 2002 portant organisation judiciaire en République du Benin et du Projet de loi modifiant et complétant la loi n° 2008-07, portant code de procédure civile commerciale, sociale, administrative et des comptes en République du Bénin.  L’affectation de magistrats et greffiers au Tribunal de commerce,  L’allocation d’un budget de fonctionnement conséquent au Tribunal de commerce Accès aux services d’infrastructures Les autres sections de cette note élaborent dans le détail les interventions nécessaires pour combler les déficits en matière de services aux infrastructures. 122 Cependant, étant donné l’étendue des besoins et la raréfaction des ressources publiques, il serait judicieux pour le gouvernement de se focaliser sur son rôle de régulateur et faire de autant que possible de l’espace au secteur privé pour le financement et la gestion des infrastructures. A ce titre, il est important pour le gouvernement de mettre en le cadre qui régit les partenariats publics-privés à travers:  l’adoption rapide du projet de loi portant cadre juridique du Partenariat Public-Privé en République du Benin  la mise en place et l’opérationnalisation du mécanisme de gestion des PPP Accès au financement Nos recommandations sur le court terme, consiste à:  Donner aux PME davantage de recours rapides et effectifs face à l’Etat, en matière de paiement et de fiscalité.  Ouvrir davantage d’agences de la BCEAO dans les régions.  Faciliter la fourniture de garantie en rationnalisant les fonds de garantie nationaux et régionaux. Le projet PCCT mettra en place un mécanisme de garantie de portefeuille avec quelques banques pour garantir à hauteur de 50% un portefeuille de près de 24 Millions de dollars US dédiés aux PME (dont 30% au secteur du Tourisme)  Relancer le crédit-bail.  Organiser les échanges de données entre banques.  Elaborer une stratégie de développement du secteur financier qui permettra d’apporter des résolutions intégrées aux problématiques multiformes qui affectent le développement du secteur et l’accès au financement Tourisme  Amélioration du cadre de développement du tourisme Renforcement d’un environnement propice au développement du tourisme et à la création et la croissance des entreprises ($4m) Améliorer les systèmes et outils de formation touristique pour améliorer la qualité du service Créer de systèmes, outils et programmes de marketing pour la destination  Développement de destinations et produits touristiques  Réhabiliter et mettre à niveau certains sites historiques et actifs touristiques 123  Améliorer la qualité des produits et des liens entre les MPME dans le secteur du tourisme et les chaînes de valeur connexes Chaines de valeur Transport et Logistique  Règlementer et Professionnaliser la profession de transporteur ;  Mettre en place un programme de renouvellement de la flotte ;  Rendre compétitif l’accès au fret et mettre un terme au Tour de Rôle  Veiller au respect des règles sur la charge à l’essieu 124 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 15 SUJET À TRAITER : INTEGRATION REGIONALE ET SYNERGIES INTERSECTORIELLES DANS LE SECTEUR DES INFRASTRUCTURES AU BENIN MESSAGE PRINCIPAL L'objectif de cette note est de fournir au nouveau gouvernement béninois des éléments de réflexion qui contribueront à l'adoption d'une nouvelle vision du développement du secteur infrastructure dans le pays, en encourageant les interactions et la coopération (i) avec les pays voisins et les organisations régionales et sous-régionales, (ii) entres les différents secteurs, et (iii) qui produiront un impact combiné supérieur à la somme de leurs impacts séparés. Selon cette vision, les infrastructures favorisant les connexions, l'intégration et la transformation du Bénin, devraient être planifiée, construites et maintenues afin de soutenir une prestation de services de qualité qui favorisent une croissance durable et inclusive. Il est aujourd’hui important de résoudre le problème du déficit en matière d’infrastructure qui entrave la compétitivité Bénin, non pas à l’aide d’un programme à vocation purement nationale, mais en intégrant les réseaux de transport, d’énergie, des TICs et de l’eau à différents niveaux et en bénéficiant des synergies réalisées à travers divers facteurs tels que l'augmentation des revenus, le partage d’expertise, l’utilisation des technologies, ou la réduction des coûts. Pour transformer la façon dont elles gèrent l’investissement dans les infrastructures, les autorités béninoises doivent se pencher sur trois questions connexes:  Comment l'interaction et la coopération entre le Bénin et ses pays voisins dans des domaines spécifiques d'infrastructures pourraient avoir un effet combiné supérieur à la somme des effets séparés ?  Comment le Bénin pourrait-il bénéficier de l'efficacité accrue qui se produit lorsque les secteurs d'infrastructure distincts sont planifiés, coordonnés, financés, mis en œuvre, et évalués ensemble pour parvenir à des résultats communs de développement durable ?  Comment le Bénin pourrait-il bénéficier de l'interaction des éléments logiciels et matériels dans l'infrastructure afin de produire un effet total supérieur à la somme des contributions individuelles de ces éléments? INTRODUCTION Les infrastructures sont un pilier essentiel du développement du Bénin. Un développement et une gestion efficaces des infrastructures stimulent la croissance économique et la compétitivité. Elles sont également essentielles pour améliorer la qualité de vie et l'inclusion au sein d’une société moderne. Le Bénin a fait des progrès importants dans certains secteurs de l’infrastructure. Le réseau routier rural est en relativement bon état, et environ 28%24 de la population rurale à un accès à une route toute saison, un pourcentage supérieur à celui de ses voisins et de la moyenne en Afrique Sub-Saharienne (25%25). Les connexions via le transport aérien se sont améliorées. 24 « AICD, Benin’s Infrastructure: A Continental Perspective », Domínguez-Torres C., Foster V., June 2011 25 Id. 125 De plus, d'importantes réformes de libéralisation, conçus pour attirer des capitaux privés dans les secteurs de l’eau et des technologies de l'information et de la communication (TIC) ont stimulé la performance de ces secteurs. En particulier, l'augmentation de la concurrence sur le marché des TIC a contribué à l'expansion rapide des services mobiles et Internet. Mais en dépit de ces améliorations réalisées au cours de la dernière décennie, le Bénin reste en retrait en ce qui concerne les indicateurs mondiaux de compétitivité. Sur 140 pays classés dans le Rapport mondial sur la Compétitivité de 2015-2016 du Forum Economique Mondial, le Bénin est classé 132ème sur la qualité de l'infrastructure globale, 124ème sur la qualité de ses routes, 102ème sur la qualité de l'infrastructure ferroviaire, 99ième en termes de ports infrastructures, 136ème sur la qualité de l'approvisionnement en électricité, 130ème pour la préparation technologique, 103ème pour la part de ses exportations dans le PIB et 116ème pour la charge de procédures douanières et 106ème pour ses coûts de la politique agricole. Tous ces indicateurs montrent l'ampleur des défis auquel le Bénin fait face dans la production, le transport et la distribution des denrées alimentaires, de l'eau, de l'énergie et des minéraux. En conséquence, le Bénin a besoin de consentir des efforts important pour promouvoir l'accès aux services d'infrastructure. L'accès universel à l'électricité, à l'eau, et à l'assainissement dans les zones urbaines et rurales aura un impact direct sur la réduction de la pauvreté. Il sera tout aussi important de promouvoir l'accès aux technologies de l'information (par exemple, les services haut-débit) et à un réseau de pistes rurales pour accroître la compétitivité des différentes provinces du Bénin et élargir les possibilités d'accès au marché. A cause de son positionnement géographique en Afrique de l'Ouest, la planification des infrastructures au Bénin au cours des prochaines décennies sera en partie déterminée par un certain nombre de contraintes et de tendances émergentes au niveau national et sous régional. Fournir un accès universel à l'électricité et à l'eau, et réduire les coûts de la logistique, répondre à la demande croissante d'énergie des secteurs productifs, résoudre les défis de l'urbanisation croissante, réduire la vulnérabilité aux catastrophes naturelles (inondations, érosion côtière, sécheresses), construire une infrastructure moins vulnérable aux changements climatiques, contribuer à la sécurité alimentaire et élargir la base du commerce des produits, sont quelques- uns des défis à relever par le secteur infrastructure du pays. Mais le Bénin pourrait-il s’engager sur ce chantier tout seul ? Faut-il même envisager de le faire seul ? Il est important pour le Bénin de ne pas se lancer dans un programme d'infrastructure ambitieux qui ne tiendrait pas compte du potentiel existant en matière de synergies spatiales et sectorielles. Tout d'abord, l'interaction ou la coopération du Bénin avec ses voisins de la sous-région dans les domaines d'infrastructure pourraient produire un effet combiné supérieur à la somme des effets séparés. Ensuite, un état dans lequel plusieurs secteurs liés aux infrastructures "travaillent" ensemble, produit des résultats bien plus grand que la somme des résultats de chacun des secteurs, s’ils ne sont pas coordonnés. Quelles sont ces synergies ? Où sont-elles ? Quand doivent-elles être recherchées ? Comment les concrétiser ? Quels sont les prérequis ? Cette note propose quelques voies et suggestions. Après un bref examen de la situation et de la performance de l'infrastructure actuelle, la présente note identifie les domaines prioritaires d'action pour trois niveaux de synergies qui pourraient être mis en œuvre grâce à une combinaison équilibrée de soutien aux réformes de politiques, de financements pour l'investissement, d’opérations d'assistance technique, et des produits de la connaissance. 126 CONTEXTE ACTUEL ET ÉTAT DES INFRASTRUCTURES Les états membres de la CEDEAO avait développé un Schéma Directeur pour l’intégration de leurs infrastructures électriques, qui a été réexaminé en 2011. La révision a principalement porté sur : (i) l’optimisation du plan de développement et l’analyse de la performance et stabilité des réseaux de transmission ; et (ii) le programme d’investissements prioritaires pour la production et la transmission. CEB est une société binationale (Togo et Benin) créée en 1969. Elle est en charge de la production, importations, et transmission d’électricité pour les deux pays. Environ 85% de l’électricité transmise par la CEB est importée du Ghana, de la Côte d’Ivoire et du Nigéria. La capacité propre de la CEB consiste en la centrale hydro-électrique de Nangbéto (65 MW) et les deux centrales à gaz (2 x 25 MW). Les lignes de transport d’électricité d’interconnexion avec le Nigeria et le Ghana sont arrivées à saturation du fait de l’évolution rapide de la demande. De plus, l’impossibilité de synchroniser l’énergie des deux pays sur le réseau de la CEB représente une contrainte supplémentaire d’exploitation et de dégradation de la qualité de la fourniture d’électricité. Dans le cadre du WAPP, une nouvelle ligne 330KV baptisée « dorsale côtière » est en cours de construction pour relier le Ghana, le Togo, le Benin et le Nigéria. La construction de cette ligne devrait s’achever en 2017. L’étude de la synchronisation des réseaux est aussi en cours et sera suivi de la mise en œuvre des mesures identifiées pour assurer le fonctionnement synchrones des différents systèmes électriques. Le renforcement de la ligne Nigéria - Bénin est aussi envisagé dans le cadre du WAPP. La mise en place de ces infrastructures permettra au Bénin de s’intégrer et de tirer profit du marché sous-régional de l’énergie. Toutefois, compte tenu de la forte demande et des délestages observés dans les pays fournisseurs et de la croissance du parc de production thermique dans ces pays, la mise en place du marché pourrait devenir hypothétique. Au niveau des infrastructures du Gazoduc de l’Afrique de l’Ouest (WAGP), les infrastructures sont aujourd’hui sous-utilisées à cause d’une mauvaise gestion du secteur gazier au Nigeria, alors que dans le même temps, les demandes des centrales de production thermiques du Bénin ne cessent de croître. Une revue du projet WAPG par la Banque mondiale est actuellement en cours pour identifier les contraintes et proposer des solutions pour les lever. L’infrastructure télécom au Bénin a bénéficié de grands projets d’investissement publics pendant plusieurs décennies, suivis d’investissement privés, principalement pour le déploiement de réseaux hertziens destinés à fournir du service mobile. Cette infrastructure dispersée, sans ligne directrice générale, à travers tout le territoire béninois souffre d’une absence de budget de maintenance et de mise à jour, ainsi que de l’hétérogénéité des projets d’infrastructure qui ont été financés sans coordination. La dorsale optique qui transporte la capacité de ACE et SAT3 du sud au nord du pays pour desservir les zones rurales et les pays enclavés (Burkina Faso, Niger), n’est pas sécurisée, et rencontre de nombreux problèmes de maintenance. Le réseau de distribution filaire se dégrade et les services fixes sont de moins en moins nombreux. A cela s’ajoute un déploiement d’infrastructures passives et actives par les opérateurs mobiles, sans aucune coordination ni règle sur la partage d’infrastructure. Il en résulte un coût de maintenance et d’énergie pour les opérateurs qui est décuplé et répercuté sur le prix au détail. En plus de l’aspect esthétique et énergétique, la mutualisation d’infrastructure, avec ou sans délégation de 127 services, améliorent en général la qualité de service. Les coûts de déploiements d’infrastructure est une barrière à l’extension des services mobiles et haut-débits en zone rurale. Le secteur de l’agriculture et les communautés rurales sont directement affectés l’absence coordination et de ligne directrice dans ce domaine. MESURES RECOMMANDÉES À COURT ET MOYEN TERMES Il faut réorganiser le secteur de l’énergie en créant les conditions institutionnelles pour la mise en place d’acteurs pouvant participer au marché régional de l’énergie du WAPP en (i) permettant aux distributeurs de conclure des Conventions de fourniture d'électricité directement avec des producteurs ou des fournisseurs, (ii) encourageant l’installation de producteurs d’électricité qui n’assurent pas les fonctions de transport et de distribution d’électricité sur le territoire couvert par le réseau où il est installé et dont la seule fonction est de vendre et de livrer de l’électricité ; ( iii) créant un Gestionnaire de Réseau de Transport (d’électricité) qui sera aussi l’opérateur du « dispatching », et (iv) mettant en place un organisme de régulation indépendant. Pour assainir les contrats commerciaux pour les importations d’électricité et de gaz, if faudra : (i) sécuriser les contrats d’importation d’électricité et de gaz (pour remplacer les combustibles liquides). Ces importations restent des options très attrayantes pour le Bénin, même après la mise en place de capacités de production supplémentaires pour assurer la sécurité des approvisionnements, (ii) organiser le sous-secteur de l’électricité de manière compétitive, pour favoriser la mise en œuvre du cadre commercial fiable. Les entreprises des secteurs public et privé devraient se conformer aux normes de performance (avec des conséquences en cas de non-performance) ; (iii) assurer la viabilité financière du secteur grâce à des tarifs reflétant les coûts ; (iv) mettre en place une discipline contractuelle entre les différentes parties du cadre commercial contractuel des importations ; et (v) réduire l’intervention directe du Gouvernement dans le fonctionnement opérationnel du secteur. Cette intervention devrait se limiter à la mise en place de la réglementation, à la formulation des politiques et stratégies du secteur, ainsi qu’à la planification. Quels seront les arrangements pour assurer les importations de gaz sur une base durable ? Les importations de gaz devraient être poursuivies pour remplacer les combustibles liquides et obtenir un coût avantageux. Cela impliquerait : i) d’initier des négociations avec Shell/NDJV (Niger Delta Joint-Venture)/Chevron, avec les petits producteurs, avec NNPC (Nigeria National Petroleum Corporation) en tant que vendeurs de gaz au Nigéria ; ii) de négocier un accord commercial avec WAPCo (West African Gas Pipeline Company) pour le transport de gaz au-delà du volume de base ; iii) d’initier des discussions avec le Gouvernement du Nigéria et d'autres intervenants pour une approbation à haut niveau ; et iv) de mettre en place un accord commercial avec CEB comme acheteur de gaz au Bénin. La CEB devra développer des compétences internes ou solliciter un appui extérieur pour négocier des conditions commerciales favorables de fourniture de combustible et de gaz. À court terme, dans le secteur des télécommunications, le Gouvernement devra adopter une stratégie nationale du haut débit. Cette stratégie permettra de mieux coordonner les interventions dans ce domaine et d’optimiser les investissements. En outre, le gouvernement devra mettre en œuvre un cadre légal et réglementaire propice au partage systématique d’infrastructure : le coût 128 marginal de déploiement de la fibre le long d’infrastructure de base (route, ligne haute tension, conduite d’eau) étant très faible, la couverture nationale en réseau fibre peut être rapidement atteinte sans investissement majeur dans le secteur. Pour ce faire, une coordination quasi- constante entre les différents ministères en charge des infrastructures doit être mise en place, et les différents secteurs consultés à chaque lancement de nouveaux projets. Enfin, le Gouvernement doit se pencher sur la question de la gouvernance de ces infrastructures, qui peut devenir complexe lorsqu’elles sont partagées et lorsque le mode de financement fait intervenir plusieurs acteurs du public et du privé. Par la suite, le Gouvernement devra rapidement achever le repositionnement stratégique de Bénin Télécom SA. Le secteur des TICs étant extrêmement changeant, il est urgent d’achever le repositionnement des trois entreprises publiques nées de la restructuration de Bénin Télécom. Cela passe par l’ouverture du capital à des partenaires privés de qualité. Cette restructuration permettra à Bénin Télécom Infrastructure de se concentrer sur le déploiement de réseaux sous régionaux, visant à fournir de la capacité internationale aux pays voisins. En parallèle, le Gouvernement devra améliorer l’environnement des affaires qui doit favoriser les mécanismes de partenariats public-privé (PPP), qui sont particulièrement efficaces dans le secteur des infrastructures télécoms. Les investissements futurs pour améliorer les infrastructures de transport pourraient être sérieusement compromis par la pénurie de capacités institutionnelles dans ce secteur. Sans la mise en place d’un cadre institutionnel adéquat, les carences existantes pourraient compromettre les investissements réalisés par le public et les secteurs privés. Le Bénin aura besoin de soutien pour élaborer un cadre de politique des transports et de prendre des mesures institutionnelles appropriées qui permettront de moderniser l’industrie du transport et de soutenir l’économie du pays pour mettre fin à l’extrême pauvreté. En outre, le Gouvernement devra travailler sur l’intégration des différents modes de transport et promouvoir une approche de transport multimodal pour une plate-forme régionale de services logistiques. Sur la base de ce qui précède, le Gouvernement du Bénin pourra se concentrer sur trois domaines stratégiques du secteur transport. En premier lieu, une gestion de l’entretien routier avec un projet d’assistance technique et de financement pourrait aider le Bénin à faire face à la fois à la faible capacité institutionnelle et au problème majeur de ressources trop insuffisantes. Deuxièmement, étant donné la taille de son économie, un projet dédié à la facilitation du commerce pour renforcer sa position en tant que plaque tournante du transport et passerelle incontournable sur les corridors liant le Niger et le Burkina Faso à la côte serait très bénéfique. Troisièmement, du fait que la population essentiellement rurale souffre de pauvreté endémique et de chômage élevé, un projet d’aménagement du territoire visant à améliorer aussi la compétitivité urbaine, dans les centres urbains régionaux ciblés par le développement de certaines chaînes de valeur agro-alimentaires et la logistique, développerait de manière intégré le territoire béninois. INTÉGRATION RÉGIONALE DES INFRASTRUCTURES AU BÉNIN Le secteur de l'électricité au Bénin et au Togo se caractérise par des coûts et des charges 129 récurrentes élevées, une pénétration limitée en particulier dans les zones rurales, une insuffisance des investissements, et une diversification insuffisante des sources de production. La croissance de la demande est d'environ huit pour cent par an en raison de la forte croissance démographique dans les zones urbaines. La Communauté Electrique du Bénin (CEB), l'acheteur unique de l'électricité au Bénin et au Togo, les importations de plus de 70 pour cent de son électricité à partir du Nigeria et du Ghana. Le barrage hydroélectrique de Nangbéto au Togo et les centrales thermiques, parfois fournis en gaz par le gazoduc d'Afrique de l'Ouest (WAGP), fournissent la production restante. Depuis 2010, une centrale de 100 MW est en fonctionnement au Togo, alors que le Bénin possédait 80MW et qu’une centrale de production thermique est en cours de construction. Néanmoins, la CEB est parfois incapable de répondre à la demande intérieure. En outre, l'approvisionnement en gaz dans la sous-région et les importations sont à la fois imprévisible et RRI fonctionnant sur HFO (ou carburéacteur à l'avenir) ont un coût élevé. Pour renforcer l'offre, un projet hydroélectrique situé à Adjarala, sur la frontière entre le Bénin et le Togo revêt une grande importance. À moyen terme, le Bénin devra déployer la fibre optique dans le pays et vers les frontières. De nombreux chantiers ont été lancés en 2015, avec le concours de l’Exim Bank China. Néanmoins, ces investissements ne couvrent pas tous les besoins. Il sera donc nécessaire de mettre à niveau l’infrastructure réseau du pays en accord avec la stratégie nationale du haut débit préalablement définie. En particulier, l’accès aux services haut débit par les communautés rurales aura un impact immédiat et visible sur la population et le secteur de l’agriculture dans son ensemble. Enfin, le développement de liens interrégionaux permettra aux opérateurs de gros de vendre l’excédent de capacité de SAT3 et ACE aux pays voisins du Bénin et d’assurer des revenus substantiels pour l’État et le secteur des télécom au Bénin. L’amélioration des services de transport béninois exigera des investissements d’envergure si le Bénin veut bénéficier d’approches régionales à grande échelle. Les incitations pour maintenir les sections nord de ses corridors routiers ne sont pas très fortes, du fait que l’économie est concentrée le long de la côte. Le Bénin ne perçoit pas les infrastructures du nord comme des biens publics régionaux. Il en résulte des routes détériorées, alors que la bonne qualité de ses actifs routiers est essentielle pour tirer parti de la position géographique du pays comme, par exemple, une passerelle vers les marchés du Nigéria, du Burkina Faso et du Niger. Ces réseaux routiers du nord peuvent également contribuer à la réduction des inégalités territoriales. Dans le même temps, le Bénin est confronté au défi majeur du financement des routes. À environ 0,05 dollar É.-U. par litre, les taxes sur le carburant sont parmi les plus basses en Afrique subsaharienne. Il en résulte un déficit de financement pour l’entretien des routes, puisque seulement 60 % du réseau routier est couvert. En outre, les frais d’usagers du réseau routier représentent moins d’un quart des recettes du Fonds routier. L’objectif devrait donc être d’augmenter les redevances d’utilisation des routes et d’éliminer progressivement les subventions publiques directes ou les financements externes. D’autre part, les réformes réglementaires concernant les routes et les chemins de fer, y compris les accords sur le transport de fret, les restrictions des transporteurs nationaux, l’enregistrement des camions et des inspections techniques, la formation des conducteurs, les exigences d’assurance, ainsi que l’application des contrôles de charge à l’essieu, doivent être coordonnés au niveau régional pour 130 être efficaces. Cela permettrait l’amélioration du climat d’investissement, nécessaire pour accroître la productivité et stimuler la croissance du commerce et d’autres services. La structure binationale du système ferroviaire est essentielle pour le développement du secteur et pour capitaliser sur les synergies régionales. Des efforts ont déjà été fournis pour améliorer le fonctionnement et la capacité du système ferroviaire du Bénin, et pour apporter des capitaux nouveaux à un système en carence d’investissements : en février 2010, une concession a été accordée à une entreprise privée par le biais d’un processus concurrentiel. Mais du fait qu’OCBN est une entreprise nigéro-béninoise, le Bénin a demandé l’approbation du Niger pour la nouvelle convention, ce qui n’a toujours pas été confirmé. Le Gouvernement du Bénin doit trouver une solution pour attirer davantage d’investissements privés nécessaires à la réhabilitation de l’infrastructure ferroviaire. Enfin, une politique nationale de transport ferroviaire, outre des synergies rail-route, est nécessaire pour assurer l’efficacité des investissements futurs dans le secteur. En ce qui concerne le transport maritime, le Gouvernement du Bénin a besoin de favoriser les synergies liées à l’accès à la mer si le pays souhaite jouer pleinement son rôle de plaque tournante pour les services régionaux. Le port de Cotonou fonctionne sous une pression croissante de la demande, le transit étant de plus de 2,5 millions de tonnes de marchandises et biens par an, bien que sa capacité nominale soit de 2,3 millions de tonnes. En conséquence, le port est victime de sa bonne performance et souffre de congestion et de sous-équipement. À présent, le port a reçu l’autorisation de travailler 24 heures sur 24, augmentant ainsi sa capacité. L’adoption d’un modèle « concessionnaire » - pour remplacer le statut actuel du port en tant qu’« affermage » - serait une option pour augmenter encore ses performances. Avec le soutien du Millennium Challenge Corporation (MCC) du Gouvernement américain, de l’IDA, et d’un partenariat public-privé (PPP) lancé par le Gouvernement, les opérations du port de Cotonou se sont améliorées. L’introduction d’un « guichet unique » pour le commerce ainsi que des mesures visant à simplifier les procédures opérationnelles ont également largement contribué à la fluidité des opérations. SYNERGIES MULTISECTORIELLES Le Bénin doit adopter et promouvoir un programme multisectoriel pour le développement de son infrastructure. Bien que cet objectif ne soit pas spécifique au Bénin, l’organisation des gouvernements de la CEDEAO a conduit à un modèle fragmenté, dans lequel chaque secteur (énergie, télécommunications, eau et transport) ne considère pas les impacts (positifs ou négatifs) d’un projet sur les autres secteurs. Dans le cadre d’une nouvelle stratégie de développement, le Bénin doit élargir les approches multisectorielles pour tirer parti des synergies entre les secteurs infrastructures. Tout en reconnaissant que l’exécution des projets multisectoriels n’est pas une tâche facile, il faut changer la mentalité « en silo » et promouvoir des mécanismes novateurs qui réduisent les risques associés aux difficultés d’exécution de projets multisectoriels. Les opportunités existent notamment dans le domaine de l’énergie, de l’eau, des télécom et du transport. 131 A. Synergie Eau – Énergie Le développement des infrastructures a des répercussions importantes sur le trio agriculture- énergie-eau au Bénin. Le lien entre l’eau, l’énergie et l’agriculture (WEF) est un élément essentiel du bien-être humain, et des millions de dollars devront être dépensés chaque année pour les investissements tels que le projet Adjarala. Le concept principal du projet est que les personnes démunies en zone rurale (c’est-à-dire, ceux qui bénéficieraient le plus d’investissements dans la productivité agricole) bénéficieront davantage de ces infrastructures si les déterminants sous- jacents que sont l’eau, l’énergie et la sécurité alimentaire sont assurés et améliorés. La question est complexe, mais au vu des bénéfices économiques et de développement durable attendus, elle mérite un examen attentif. Le projet Adjarala est une bonne occasion d’appliquer les meilleures pratiques internationales pour exploiter les synergies alimentation-énergie-eau au Bénin et au Togo, à travers le développement de l’hydroélectricité dans le cadre du West Africa Power Pool (WAPP) - mécanisme de coopération pour l’exploitation de l’électricité dans un marché unifié d’électricité régionale de la CEDEAO - avec l'espoir que ce mécanisme, à moyen et à long termes, permettra d’assurer à la population un approvisionnement en électricité stable et fiable à des coûts abordables. L’exécution du programme d’infrastructure est basée sur des mises en œuvre distinctes mais qui se renforcent mutuellement, et qui, lorsqu'elles seront achevées, deviendront un mécanisme d’unification régionale en Afrique de l’Ouest. Le Bénin est impliqué dans deux des cinq sous-programmes de l’EEEOA : le sous-programme de transmission de la dorsale côtière et le sous-programme de transmission du nord. Des synergies doivent également être recherchées pendant la préparation des projets. Par exemple, une étude visant à minimiser la fréquence et l’ampleur des inondations en aval d’Adjarala permettra le développement potentiel d’au moins 40 000 hectares de périmètre d’irrigation. L’eau est nécessaire pour la production alimentaire et pour la production d’énergie, et l’énergie est nécessaire pour la production alimentaire, c’est-à-dire la récolte, le transport, la transformation, le conditionnement et la commercialisation. Lorsque le système d’irrigation est mis en place, d’autres synergies pourraient probablement apparaître avec les transports et les TIC, afin d’offrir des opportunités, de relever les défis du développement rural au Bénin en termes d’accès à la terre, au financement, aux technologies, et d’aboutir à une productivité améliorée. B. Synergie TIC – Énergie - Transport26 Pour éviter que l’Internet à haut débit reste limité aux principales zones urbaines, tout en limitant le recours aux fonds publics pour étendre sa couverture géographique (par exemple dans le cadre de partenariats public-privé), les gouvernements des pays développés et des pays en développement sont de plus en plus conscients de la nécessité de définir des politiques et des procédures qui permettront de réduire les coûts de déploiement des réseaux de communication. L’accès à la capacité excédentaire des réseaux de fibres existants le long des infrastructures d’énergie ou de transport offre une solution intéressante. Lorsque ces infrastructures d’énergie ou de transport ne sont pas disponibles, une autre solution intéressante est de promouvoir la 26 « Commentaires sur un projet d’Arrêté relatif à la promotion des synergies intersectorielles lors de la réalisation de travaux de construction pour le déploiement de nouvelles infrastructures haut débit », Foch A., Rogy M., Mauritanie, mai 2015. 132 coordination des travaux de génie civil des nouveaux projets de construction d’infrastructure entre les secteurs des réseaux dits de service public (transport, eau, énergie) et les télécommunications. La coordination des travaux de génie civil des projets d’infrastructure peut en effet générer d’importantes économies financières car la construction d’infrastructures (projets ferroviaires, routiers, terrestres à fibre optique, etc.) implique de nombreux travaux de génie civil (creusement de tranchées, etc.) qui constituent la majeure partie (70 % - 90%) du coût de déploiement de réseaux de fibre optique. De surcroît, le déploiement de fourreaux pour câbles à fibre optique (soit pour une utilisation immédiate ou dans la perspective d’une utilisation future) le long des infrastructures de transport (routes, autoroutes, ponts, etc.) au moment de leur construction ou de leur réhabilitation n’implique que des coûts marginaux : il est estimé que l’installation de fourreaux pour câbles à fibre optique ne représente qu’une fraction (moins de 0,02 %) du coût de déploiement de l’infrastructure d’accueil. De même, la pose de câble de garde supplémentaire comportant des fibres optiques lors de la réalisation de nouvelles lignes électriques ne représente qu’un coût marginal par rapport au câble de garde ne comprenant que le nombre de paires requises pour l’exploitation électrique. C. Synergie TIC – Agriculture27 La preuve existe aujourd’hui que l’utilisation efficace des TIC peut bénéficier aux populations et aux économies rurales en Afrique. Environ 56 % de la population du Bénin vit dans des collectivités rurales et dépend largement de l’agriculture pour sa nourriture et sa subsistance. L’agriculture emploie environ 45 % de la main-d’œuvre rurale et 70 % de la population active totale (urbaine et rurale), fournit plus de 75 % des recettes d’exportation, et représente plus de 50 % des revenus des ménages. La réduction de la pauvreté au Bénin est donc intrinsèquement liée à des améliorations dans les communautés rurales en général, et le secteur agricole en particulier. Dans le Rapport e-Learning Africa publié en 2015, il est indiqué que 90 % des agriculteurs confirment que les TIC ont amélioré la sécurité alimentaire et la durabilité dans leur région ; 87 % d’entre eux ont utilisé les TIC pour élargir leur marché, et 71 % ont utilisé les TIC pour adopter de nouvelles techniques dans leur agriculture. Le WDR 2016 et plusieurs autres études soulignent en particulier l’impact des téléphones mobiles dans la réduction de la dispersion des prix sur les marchés locaux. Désenclaver les zones rurales en offrant des services haut-débits adaptés aux besoins des communautés rurales représente une bonne opportunité pour établir des synergies entre le secteur des TIC et les investissements agricoles. L’accès aux services haut-débit reste très faible en dehors des grandes villes. Le gouvernement du Bénin pourrait être appuyé en structurant un partenariat public-privé pour la construction de la boucle ouest du pays. Cette dorsale optique pourrait ensuite être étendue pour permettre à BT Infrastructure de devenir une entreprise à caractère régional en fournissant la capacité de ACE et SAT3 aux pays limitrophes (revenus supplémentaires pour l’Etat et pour le secteur). De son côté, BT Services peut se positionner sur la fourniture de services à valeur ajoutée dans des zones où les FAIs ne veulent ou peuvent pas aller (« market failure », risques élevés, manque d’énergie). 27 “Digital Solutions for Sustainable Development – Sector Diagnostics for Côte d’Ivoire, Benin and Guinea”, Decoster X., Banque mondiale, mai 2016. 133 Accélérer l'adoption des TIC dans les zones rurales en se concentrant en particulier sur le secteur agricole est donc essentiel pour que l’Etat béninois obtienne une partie des dividendes numériques mis en évidence dans le WDR en termes de croissance durable et inclusive, une meilleure efficacité et transparence des services publics, ainsi que la transformation économique et sociale. En effet, malgré les progrès réalisés, le Bénin accuse toujours un retard dans la connectivité et l’innovation ; les ressources en TICs et l’accès aux services sont également inégalement réparties, avec des prix élevés et le haut débit et les applications innovantes limitées aux grandes villes. Le résultat est que les TICs restent largement inexploitées en termes d’adoption des applications pour la productivité agricole. CRÉER LES SYNERGIES PAR LE BIAIS DE POLITIQUES ET STRATÉGIES SECTORIELLES, D’INFRASTRUCTURES PARTAGÉES ET DE FINANCEMENTS Des synergies existent entre politiques publiques et infrastructures physiques pour favoriser l’intégration régionale. La part des exportations mondiales du Bénin est restée à 0.01 % au cours des vingt dernières années (WTO, 2013). Pour que le Bénin puisse favoriser son intégration dans l’économie régionale et mondiale, il doit agir de façon simultanée sur les politiques (par exemple les cadres réglementaires) et les infrastructures physiques, tout en assurant la coordination entre les investissements régionaux en Afrique de l’Ouest. Le Gouvernement du Bénin doit promouvoir des mécanismes de financement favorables au partage d’infrastructures et tirer parti de la participation du secteur privé. Le pays doit développer des instruments financiers et renforcer sa réglementation pour élargir la participation du secteur privé dans les infrastructures. La disponibilité des marchés nationaux de capitaux et le développement de mécanismes de crédit dans un cadre réglementaire stable sont des conditions essentielles pour que les secteurs public et privé travaillent ensemble (partenariats public-privé) pour améliorer la qualité et la quantité des infrastructures. La recherche de synergies au niveau régional n’est pas une nouvelle initiative au Bénin : sont déjà en place le corridor Abidjan-Lagos, le projet de chemin de fer reliant Cotonou-Niamey, Ouagadougou-Abidjan, le programme régional WARCIP (infrastructure télécom), le programme régional WAPP (énergie), le programme WAGP (Nigéria-Bénin), le barrage d’Adjarala, la construction de postes frontaliers communs (Niger-Bénin, Bénin-Togo). D’autres initiatives sont en cours de développement et renforcent la position géographique du Bénin dans la sous-région. A. Promouvoir les partenariats public-privé (PPP) Le Bénin doit encourager l’utilisation des PPPs, lorsque cela est pertinent, afin d’optimiser l’utilisation des fonds publics, encourager l’investissement privé, bénéficier de l’innovation et de l’efficacité des entreprises privées, et enfin assurer la bonne gestion et la pérennité des infrastructures. Les grands projets d’infrastructure comme WAPP ou WARCIP, ou encore le barrage d’Adjarala sont des exemples parmi de nombreux autres de partenariats publics-privés qui ont bien fonctionné et ont permis d’encourager l’investissement privé de manière efficace. Afin de promouvoir ces PPPs, le Bénin doit rassurer les investisseurs potentiels. Pour cela, le cadre légal et réglementaire doit être propice aux PPPs, et protéger les intérêts du public et du privé. 134 B. Renforcer la gouvernance Le Bénin doit également améliorer la gouvernance de ses infrastructures. La gestion des services d’infrastructure, ainsi que le cadre juridique et réglementaire, sont les principaux facteurs qui déterminent la performance, la qualité et la viabilité des infrastructures. Pour améliorer les secteurs de l’infrastructure au Bénin, il est nécessaire de renforcer la transparence et les ressources humaines dans le secteur public. Les investissements visant à accroître l’offre d’infrastructures ne répondent pas toujours à la demande accrue ; l’efficacité des fournisseurs (par exemple en réduisant les pertes techniques et non techniques), l’élaboration de politiques de maintenance et l’utilisation des normes et des prix sont des outils efficaces pour augmenter la quantité et la qualité des infrastructures. Le renforcement des capacités au sein de l’administration centrale et des entités publiques impliquées dans des PPPs est particulièrement important pour assurer une négociation efficace et un bon suivi des contrats de concession ou d’affermage. C. Améliorer la qualité des services Le Bénin doit non seulement investir pour augmenter son stock d’infrastructures tout en capitalisant sur les synergies régionales, mais également trouver des solutions novatrices axées sur la qualité du service fourni par l’infrastructure. Pour cette raison, le Bénin doit mettre en œuvre une nouvelle stratégie de développement d’infrastructures coordonnée, exécutée (construction) et entretenue (maintenance) pour fournir des services de qualité qui favorisent la croissance durable et inclusive. Cette nouvelle vision envisage l’infrastructure comme un atout qui intègre les dimensions environnementale, sociale et fiscale, tout en recherchant les synergies régionales et multisectorielles. A travers des plateformes en ligne, les agences et entités publiques responsables de la fourniture de services aux citoyens doivent pouvoir mesurer le taux de satisfaction des usagers et prendre les mesures nécessaires pour répondre à la demande. Ces plateformes en ligne doivent être mises en place dans le cadre de la coopération entre les ministères sectoriels et le programme e-gouvernement. D. Intégrer les dimensions environnementales et sociales Le succès de ces chantiers dépend en grande partie de l’entretien d’infrastructures écologiquement et socialement durables. Le Gouvernement du Bénin doit identifier les éléments clés de la viabilité environnementale (adaptation aux changements climatiques, réduction des risques de catastrophes naturelles et conservation de la biodiversité) dès le début du cycle du projet, de sorte qu'ils soient intégrés aux objectifs de base du développement des infrastructures. Le plan d’investissement national doit prendre en compte les effets positifs des infrastructures régionales et des synergies intersectorielles sur l’inclusion et la réduction de la pauvreté. Cela exige d’affiner les mécanismes de consultation et l’intégration de la dimension du genre et du handicap. Avec son document d’information 2012 sur le développement durable, le Bénin a pris les mesures adéquates pour commencer à gérer son capital naturel et physique pour une croissance verte, inclusive et résiliente, mais doit maintenant mettre en œuvre ces mesures en améliorant les incitations, en augmentant les investissements d’infrastructure et en réformant les institutions directement en charge des infrastructures. 135 E. Synthèse des recommandations pour renforcer les synergies et l'intégration régionale Le Bénin doit adopter une vision intégrée de l’infrastructure qui inclue toutes ses composantes en prenant compte des synergies potentielles. Une nouvelle vision de l’infrastructure doit non seulement inclure le transport, l’énergie, les TIC et l’eau, mais également leur relation avec les dimensions sociale et environnementale. Dans un premier temps, le pays doit proposer des projets d’infrastructure dans le cadre d’un processus de planification stratégique fondée sur l’identification de pôles régionaux d’intégration et de développement en Afrique de l'Ouest, en particulier ceux qui sont liés avec ses voisins immédiats : le Nigéria, le Togo, le Niger et le Burkina Faso. Il est important d’éviter les projets sectoriels en « silo » qui ne s’intègrent pas dans une vision nationale et sous-régionale des infrastructures. Ensuite, le Bénin devra réformer et moderniser les systèmes réglementaires et institutionnels qui régissent l’utilisation de l’infrastructure nationale. Le cadre juridique, réglementaire et régulatoire doit encourager l’utilisation de PPP, promouvoir la qualité des services et surtout le financement privé. Par exemple, de nombreux pays ont adopté des décrets portant sur l’obligation de partager les infrastructures et de ne creuser qu’une seule fois. Cela réduit considérablement les coûts, protège l’environnement et abaisse les coûts d’entretien. Enfin, le Bénin devra renforcer la capacité de son administration à formuler des politiques, des plans et des cadres réglementaires. Cette nouvelle approche demande une grande coordination des départements ministériels, y compris des échanges d’informations continus. Par exemple, le développement d’un système de géolocalisation des infrastructures est un outil puissant pour identifier en temps réel les déficiences en services et infrastructures. Cela permet également de planifier les travaux de manière transversale. La mise en place de système de suivi-évaluation en ligne permettra à l’Etat Béninois de répondre aux demandes des usagers et assurer une bonne qualité de services. La Banque mondiale va financer dans le cadre de ces activités analytiques, plusieurs études qui contribueront à la réflexion lancée par le gouvernement sur le développement des infrastructures. Parmi ces études à venir, une portera sur l’accès à propriété et le f oncier qui restent des enjeux majeurs des infrastructures rurales, et une autre sur la gouvernance du secteur énergie. Références : Carolina Domínguez-Torres and Vivien Foster Benin’s Infrastructure : A Continental Perspective, Africa Infrastructure Country Diagnostic, June 2011. Banque mondiale, DITS, mai 2015. République du Bénin, Document d’information sur le développement durable, Conférence des Nations Unies sur le développement durable, Rio+20, mars 2012. Forum économique mondial, Rapport sur le développement mondial, 2015. 136 NOTE DE POLITIQUE POUR LA NOUVELLE ADMINISTRATION BÉNINOISE : NOTE no 16 SUJET À TRAITER : TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION MESSAGE PRINCIPAL Les technologies de l’information (TICs) constituent un puissant levier de création de richesse. Comme démontré dans le nouveau World Development Report28 (WDR 2016), elles permettent une transformation durable de l’économie béninoise (diversification économique) et une répartition plus égale des fruits de la croissance économique, en créant des opportunités d’emplois, surtout pour les jeunes. Or, il existe au Bénin un vivier non négligeable de jeunes entrepreneurs prêts à créer et à innover lorsque l’accès aux TICs sera véritablement universel. Pour cela, il est nécessaire de poursuivre le processus de changement entamé ces dernières années, à travers des investissements appropriés dans le secteur Telecom et TICs, comme décrit dans la présente note. Le Bénin a le potentiel de devenir un « hub » régional de transports de données grâce à ses deux accès aux câbles sous-marins et à sa situation géographique stratégique. Le Bénin peut également améliorer l’efficacité de ses filières agricoles en développant des applications TICs adéquates à toutes les étapes de la chaîne de valeur. La Banque mondiale est prête à accompagner l’État dans ce processus de modernisation de l’économie béninoise, à travers la fourniture et l’usage de services fondés sur les TICs. INDICATEURS PRINCIPAUX Segment fixe (2014) Nombre total d’abonnés (filaire et sans fil) 173 293 Taux de pénétration (foyer) 1.65 % Segment mobile Nombre d’abonnés29 (juin 2015) 9 034 115 Taux de pénétration (juin 2015) 85.94 % Taux de couverture du territoire (2011) 90.96 % Taux de couverture de la population (2011) 99.5 % Segment de l’Internet haut débit (Juin 2015) Nombre total d’abonnés 2 037 437 28 World Development Report 2016 on “Digital Dividends”. 29 Nombre de SIM actives. 137 Taux de pénétration 19.40 % Nombre d’abonnés fixes 46 94730 Taux de pénétration 0.45 % Nombre d’abonnés mobiles 1 991 78231 (2G + 3G) Taux de pénétration mobile 18.95 % Source : ARCEP, Juin 2015 INDICATEURS ÉCONOMIQUES DU SECTEUR : Chiffre d’affaire trimestriel du secteur (en million de F CFA) Q2 2015 pour le mobile 70 496 Q2 2015 pour l’ensemble du secteur 78 00032 Contribution au PIB environ 6 %33 Ressources humaines Nombre d’employés dans le mobile (juin 917 2015) Nombre d’employés dans le secteur TICs Source : ARCEP, Juin 2015 CONTEXTE Sur les plans réglementaire et institutionnel, le secteur a connu de profondes mutations ces deux dernières années. Trois organismes publics ont été institués ou consolidés. En premier lieu, l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (ARCEP) est devenue permanente le 9 octobre 2014. Ensuite, l’ABSU-CEP (Agence béninoise du service universel) a été créée par décret le 30 décembre 2013 et a en charge la gestion du fonds du service universel des communications électroniques et de la poste alimenté principalement depuis plusieurs années par les deux opérateurs mobiles dominants. Créée par décret no. 2013- 554 du 30 décembre 2013, l’ABETIC (Agence béninoise des TICs) doit coordonner tous les projets TIC du Gouvernement. En plus de ces institutions récentes, le secteur est sous la 30 Telegeography indique 11 025 lignes fixes en septembre 2015. 31 Telegeography indique 602 000 cartes SIM 3G en septembre 2015. 32 Les chiffres sur le fixe et le gros (Bénin Telecom Infrastructure) ne sont pas immédiatement disponibles. 33 En arrondissant à 80 milliards de F CFA pour les revenus trimestriels du secteur et un PIB de 9 milliard de dollars É.-U. 138 supervision générale du Ministère de la communication et des TICS, notamment sa Direction des communications électroniques et de la poste et sa Direction de la réglementation. Enfin, la loi régissant le secteur, la loi 2014-14 relative aux communications électroniques et de la poste, a été adoptée le 9 juillet 2014. Après presque 10 années de discussions et négociations, Bénin Télécoms (BTSA) a été scindée en trois compagnies par décret ministériel en décembre 2014 : un opérateur de gros Bénin Télécoms Infrastructure SA (BT Infrastructure), un opérateur de détail Bénin Télécoms Services SA, et un opérateur mobile Libercom SA. L’opérateur de gros (BT Infrastructure) possède et opère la structure nationale ainsi que la station du câble sous-marin SAT3. BT Infrastructure a un rôle prépondérant à jouer dans le positionnement régional du Bénin en fournissant de la capacité haut-débit aux pays enclavés comme le Burkina Faso et le Niger. BT Services se positionne sur le marché de détail, principalement urbain, en fournissant des services à valeur ajoutée aux particuliers et entreprises, en s’appuyant sur l’infrastructure de BT Infrastructure. Enfin, Libercom se positionne sur le marché du mobile34. Sur le segment mobile, le marché est très compétitif et possède encore de bonnes potentialités de croissance. Plus de 9 millions de SIM actives35 ont été recensées au deuxième trimestre 2015 pour une population d’environ 10,3 millions d’habitants36, soit une pénétration d’environ 86 %. Ce taux élevé s’explique en partie par le phénomène « multi SIM » estimé à environ 1,86 SIM par abonné37. Le nombre d’abonnés unique est ainsi estimé à 4,9 millions avec un taux de pénétration unique de 44,6 %4 (à comparer avec une moyenne de 47 %38 sur les pays de la CEDEAO). Cinq opérateurs sont présents sur le marché : MTN Bénin39, Glo Mobile40, Moov41, Libercom (public) et la compagnie béninoise Bell Bénin. Moov et MTN dominent le marché avec des parts de marché cumulées de 80 % en juin 2015, un marché qui se concentre de plus en plus avec un index HHI qui augmente et qui dépassera 3 413 à la mi-20154. MTN et Moov sont suivis par le nigérian Glo Mobile qui détient environ 18 % des parts de marché. Les deux autres opérateurs, dont la base de consommateurs a fortement chuté ces dernières années se partagent les abonnés restants. Bien que l’ARCEP ait déclaré en 2011 que 99,5 % de la population et 90,26 % du territoire était couvert par au moins un réseau mobile, aucun des réseaux n’avait réussi à remplir les exigences de couverture – 80 % des villages – incluses dans leurs cahiers des charges au début de l’année 2015. L’ABSU-CEP a lancé en janvier 2015 un projet visant couvrir 36 zones blanches sur le territoire. Et les deux leaders du marché MTN et Moov ont lancé des solutions de paiement par mobile, respectivement en 2010 et en 2013. En 2012, MTN annonçait 165 000 utilisateurs sur sa solution e-Money tandis que Moov déclarait une croissance de plus de 1 000 % de sa base 34 La part de marché de Libercom est inférieure à 1 %. Seule la reprise par un partenaire stratégique privé pourrait redonner à Libercom les moyens de concurrencer MTN et Moov qui concentrent 80 % du marché. 35 ARCEP, juin 2015. 36 INSAE, 2015. 37 GSMA Intelligence, 2015. 38 GSMA “The Mobile Economy Africa 2014”. 39 Filiale du Groupe sud-africain MTN. 40 Filiale du nigérian Globalcom. 41 Filiale de UAE/Maroc Telecom. 139 d’abonnés Flooz entre le premier trimestre et le dernier trimestre 2014. En moyenne dans l’Afrique sub-saharienne, le secteur du mobile seul contribue à plus de 6 % du GDP42. Contrairement au marché mobile et malgré une forte croissance, le taux de pénétration de l’Internet reste très bas et l’accès coûteux. Le nombre d’abonnés à Internet a dépassé la barre des 2 millions en juin 2015 avec un taux de pénétration de presque 20 %. L’Internet mobile représente l’essentiel (près de 98 %) du marché total de l’Internet au Bénin. Malgré une croissance de plus de 600 % durant les cinq dernières années du nombre d’abonnés à l’Internet mobile, le taux de pénétration de l’Internet mobile plafonne à 18 % au deuxième trimestre 2015 (alors qu’il atteint en moyenne 22 % dans la zone de la CEDEAO). L’Internet fixe reste un service principalement utilisé par l’industrie, les entreprises, les administrations et quelques foyers privilégiés. Le leader sur l’Internet fixe reste de très loin Bénin Télécoms avec un parc total de plus de 43 000 abonnés contre 3 900 pour tous les autres FAI réunis. A part Bénin Télécoms, dix FAI (fournisseurs d’accès Internet) sont autorisés à opérer sur le marché du haut débit au Bénin. Les plus importants sont Isocel Telecoms (2 592 abonnés), Omnium des télécommunications et de l’Internet (OTI) (857 abonnés) et Espace Informatique Bénin devenu récemment Canal Box Bénin (437 abonnés). Plusieurs initiatives ont été portées par l’État béninois ces dernières années pour accélérer la pénétration de l’Internet. Tout d’abord, le câble sous-marin ACE (African Coast to Europe) d’une capacité de 5Gbps, financé grâce à un crédit concessionnel de 35 millions de dollars É.-U. de la Banque mondiale, est parvenu sur les côtes béninoises en 2015, portant à deux le nombre de câbles sous-marins reliant le Bénin au reste du monde. Le premier câble sous- marin SAT3 d’une capacité actuelle de 40Gbps est la propriété de Bénin Télécoms SA. L’arrivée de ACE visait la baisse des tarifs de connexion à l’international, la sécurisation de la connexion internationale du pays, ainsi que l’amélioration de la qualité et des débits, à travers l’introduction d’une saine concurrence. Dans le cadre de ce projet, un point d’échange Internet a été également installé et mis en service pour diminuer les coûts du service. Malheureusement, malgré une baisse de plus de 50 % des tarifs à l’international proposée par Bénin Télécoms, les FAIs n’ont pas toujours répercuté cette baisse sur les consommateurs finaux, car les opérateurs espèrent profiter d’une marge accrue au moins temporairement. Internet en zone rurale : Les tarifs de l’Internet restent inaccessibles pour la plupart des béninois. Les services sont seulement offerts dans les villes principales à cause de l’état de l’infrastructure de transport et de distribution à la fois vieillissant et insuffisant en couverture et en capacité pour satisfaire la demande. L’absence d’une stratégie claire du haut-débit, en particulier dans les régions les plus pauvres du pays, prive une part importante de la population, principalement les communautés rurales, de l’accès à Internet et à des services plus sophistiqués nécessitant l’usage des TIC. Une autre barrière est le coût du matériel de connexion (ordinateur, smartphones, tablette). La plupart des consommateurs (environ 4 sur 5 sur les réseaux mobiles) utilisent des téléphones basiques sans capacité d’accès à Internet. Néanmoins, le nombre de smartphones sur les réseaux mobiles croît très vite puisqu’il est passé de 1,9 millions à 2,1 millions4 en seulement 3 mois (septembre et décembre 2015) et les projections suggèrent que l’on pourrait dépasser les 5 millions de 42 GSMA “The Mobile Economy Africa 2014”. Le rapport prévoit une contribution de plus de 8 % en 2020. 140 smartphones d’ici à 2019. Il y a enfin une barrière culturelle à l’adoption de l’internet. En effet, le taux d’analphabétisme en français est très élevé alors que la majorité des contenus sont produits en français, la langue officielle. Il est estimé que le français est parlé par seulement 35 % de la population et ce principalement dans les villes. La traduction du contenu dans les langues maternelles des populations n’est pas non plus aisée car environ 56 langues et dialectes différents existent dans le pays pour une population de seulement 10 millions d’habitants. Avec une couverture mobile de qualité et abordable, les acteurs tout au long de la chaîne de valeur peuvent bénéficier d’applications ayant déjà fait leurs preuves dans d’autres pays. Depuis la localisation des intrants, l’optimisation de la logistique (par exemple le transport), aux prix des marchés et aux contacts avec les acheteurs et exportateurs potentiels, Internet offre une multitude de services qui permettraient aux communautés rurales en général, et aux agriculteurs en particulier d’améliorer leurs rendements, d’augmenter leurs revenus, et d’avoir accès à de nouvelles opportunités. Dans les communautés les plus isolées, l’accès à l’information peut donner aux jeunes des opportunités d’emplois, de créations de services, parfois sans lien direct avec le secteur agricole. Le marché du téléphone fixe, quant à lui, reste embryonnaire. Bénin Télécoms, opérateur historique et seul fournisseur sur ce segment, a déclaré environ 173 300 abonnés fixes au total en juin 2015, soit une pénétration de 1,65%. Bien que n’ayant jamais été particulièrement élevée, cette pénétration est en déclin constant. Le nombre d’abonnés a baissé de plus de 11 % entre le 1er trimestre et le 2e trimestre 2015. Le réseau est vieillissant et le parc de téléphonie fixe est constitué à près de 80 % d’abonnés sans fil connectés via CDMA et seulement de 21 % d’abonnés classiques aux paires de cuivre. Avec le lancement de la 4G/LTE, Bénin Télécoms SA fait des offres préférentielles pour encourager ses abonnés CDMA à migrer vers la 4G. DÉFIS Repositionnement stratégique de Bénin Télécoms SA. En effet, cela fait bientôt 10 ans que l’opérateur historique a entamé sa restructuration. Si les trois entités BT Infra, BT Services et Libercom, sont officiellement créées « sur le papier », la mise en œuvre de cette séparation n’est pas encore finalisée car la séparation des actifs et du personnel ne reflète pas les missions et objets des entités nouvellement créées. Libercom, avec la féroce concurrence des opérateurs privés et des problèmes inhérents à sa gestion et à son statut d’entreprise d’état, est dans une situation alarmante. Elle détient à peine 0,6 % de part de marché en septembre 2015 avec 52 000 abonnés et alors même que le marché de la téléphonie mobile continue de croître, son parc d’abonnés diminue rapidement. Bénin Télécoms infrastructure et Services semblent en meilleure posture, après des moments difficiles, notamment grâce à un départ massif à la retraite du personnel vieillissant et à de nouveaux efforts d’investissement consentis par l’État. Néanmoins, malgré des avantages compétitifs - certains liés au statut d’opérateur historique - leur survie pourrait être compromise par une concurrence accrue du secteur privé. Le processus de privatisation de BT Services et Libercom doit donc être achevé au plus vite, avec un positionnement clair de ces opérateurs sur des segments du marché dans lesquels ces entreprises ont un avantage comparatif (par exemple, l’Internet fixe pour BT Services). 141 En novembre 2015, le nouvellement créé Benin Télécoms Services SA a lancé officiellement la 4G sous la marque « Be.Telecoms », introduisant de fait un cinquième opérateur mobile de détail sur le marché. En plus de BT Services, seuls MTN et Moov ont une licence technologiquement neutre leur permettant de déployer aussi bien la 3G que la 4G au Bénin. Cela soulève la question relative au positionnement de Bénin Telecoms Services par rapport à l’autre filiale mobile publique Libercom d’abord, puis par rapport aux autres FAIs ayant une licence technologiquement neutre. L’esprit de la séparation en deux de BTSA était de recentrer deux nouvelles entreprises sur leurs corps de métier (le gros et le détail). Une infrastructure réseau insuffisante et déliquescente. Le Bénin dispose d’une structure en fibre optique traversant de part en part le pays du nord au sud. Néanmoins, ce réseau n’est pas suffisamment dimensionné pour satisfaire les ambitieux objectifs du Bénin de devenir un hub régional desservant les pays limitrophes en accès à la capacité internationale. Il manque une boucle ouest permettant de desservir l’ouest du pays jusqu’au nord, tout en assurant la sécurité des autres liaisons. Le réseau d’accès en cuivre est délabré et ne couvre qu’une petite partie du territoire (0,6 % de pénétration selon l’ARCEP). Le réseau de distribution en fibre optique nécessite donc d’être étendu dans toutes les zones urbaines en premier lieu afin d’y rendre disponible les services de l’Internet haut-débit, et dans les zones rurales ensuite, pour permettre a) une amélioration des services aux citoyens (par exemple dans la santé, l’éducation, et les services e-gouv), et une transformation du secteur agricole par l’amélioration de l’efficacité des filières43 grâce à de nouvelles applications mobiles ; et b) le développement économique des communautés rurales en offrant de nouveaux services de base à travers Internet. Les textes de lois et d’application complémentaires sur la société de l’information non adoptés. La loi 2014-14 relative aux communications électroniques et à la poste a été adoptée, mais les textes d’application ne sont toujours pas en place. Des lois complémentaires sur la société de l’information relative par exemple à la sécurité informatique, à la signature électronique sont indispensables pour rassurer les acteurs et de potentiels investisseurs tout en protégeant les consommateurs béninois. L’absence de support pour les jeunes startups IT. En effet, malgré un vivier non négligeable d’entrepreneurs IT qualifiés, les startups IT béninoises peinent à émerger et surtout à devenir profitables. Elles souffrent particulièrement de l’absence d’un cadre incitatif et de mécanismes de financement adaptés à de jeunes entreprises innovantes. En effet, les institutions financières sont particulièrement réticentes à investir dans ces entreprises à haut risque. Malgré l’existence de quelques initiatives privées, elles manquent en outre d’un support et d’une expertise technique et humaine qualifiés et dévoués. L’absence d’un système d’information gouvernemental. Ce système d’information, composé d’infrastructures réseau, d’ordinateurs, de serveurs et de personnel qualifié est indispensable à l’amélioration de la qualité du service public, de la transparence et de l’efficacité de l’organisation. 43 Une étude est en cours sur l’utilisation des TICs par les populations rurales au Bénin, en Guinée et en Côte d’Ivoire, et leur impact sur la productivité des filières agricoles. 142 MESURES RECOMMANDÉES À COURT TERME Achever le repositionnement stratégique de Bénin Télécom SA. Le secteur des TIC étant extrêmement changeant, il est urgent d’achever le repositionnement des trois entreprises publiques résultant de la restructuration de Bénin Télécoms. Cela passe par l’ouverture du capital à des partenaires privés de qualité. Mettre à niveau le cadre juridique et réglementaire sur la société de l’information. Il s’agit ici d’adopter les textes d’application de la loi 2014-14 sur les communications électroniques et la poste, ainsi que les autres textes de loi relatifs à la société de l’information. Adopter une stratégie nationale du haut débit. Cette stratégie permettra de mieux coordonner les interventions dans ce domaine et d’optimiser les investissements. MESURES RECOMMANDÉES À MOYEN TERME Déployer la fibre optique dans le pays et vers les frontières. De nombreux chantiers ont été lancés en 2015, avec le concours de l’Exim Bank China. Néanmoins, ces investissements ne couvrent pas tous les besoins. Il est donc nécessaire de mettre à niveau l’infrastructure réseau du pays en accord avec la stratégie nationale du haut débit préalablement définie. En particulier, l’accès aux services haut débit par les communautés rurales aura un impact immédiat et visible sur la population et le secteur agriculture dans son ensemble. Enfin, le développement de liens interrégionaux permettra aux opérateurs de gros de vendre l’excédent de capacité de SAT3 et ACE aux pays voisins du Bénin et d’assurer des revenus substantiels pour l’État et le secteur des télécoms au Bénin. Inciter la création et le développement d’entreprises innovantes dans le secteur des TICs. Cela passe notamment par la mise en place d’un environnement légal et fiscal incitatif p our les jeunes startups. De plus, les entreprises bénéficieraient particulièrement de la mise en place de mécanismes leur permettant d’obtenir un financement pour le développement de leurs activités. Pour cela, l’environnement des affaires doit favoriser les mécanismes de partenariat public-privé (PPP). Déployer un système d’information de l’État. Il s’agit notamment de financer la mise en place progressive et coordonnée d’infrastructures de réseau, et de services, reliant de façon sécurisée et efficiente toutes les administrations publiques centralisées et décentralisées. Proposer un plan d’adoption des TICs pour le développement économique des populations rurales. Le déploiement d’applications adaptées aux besoins des populations rurales (par exemple, la diffusion en temps réel d’informations sur les opportunités de travaux ou d’emplois, les tâches « microwork », etc.) et au secteur agricole (voir encadré ci-dessus). APPUI DE LA BANQUE MONDIALE Bâtir sur les acquis des projets WARCIP et eBenin pour transformer l’économie béninoise de manière durable. Grâce à eBenin, le Bénin possède un cadre légal et réglementaire du secteur télécom moderne et adapté aux réalités d’aujourd’hui. EBenin a 143 également mis en place un certain nombre d’institutions publiques sur lesquelles le secteur des TICs peut s’appuyer (Service universel, ABETIC). Le programme régional WARCIP a permis au Bénin de se connecter à un second câble sous-marin ACE et de fournir au pays une connectivité internationale de qualité à prix réduit. Il faut désormais bâtir sur ces acquis pour que tous les béninois et en particulier ceux du nord et hors des zones urbaines puissent bénéficier de ces investissements. Désenclaver les zones rurales en offrant des services haut débit adaptés aux besoins des communautés rurales. L’accès aux services haut débit reste très faible en dehors des grandes villes. La Banque mondiale peut appuyer le Gouvernement du Bénin en structurant un partenariat public-privé pour la construction de la boucle ouest du pays. Ensuite, les équipes de la Banque mondiale peuvent appuyer le Gouvernement du Bénin dans la restructuration de BT Infrastructure et BT Services pour deux raisons : i) BT Infrastructure peut/doit devenir une entreprise à caractère régional en fournissant la capacité de ACE et SAT3 aux pays limitrophes (revenus supplémentaires pour l’État et pour le secteur) ; ii) BT Services peut se positionner sur la fourniture de services à valeur ajoutée dans des zones où les FAIs ne veulent ou ne peuvent pas aller (« market failure », risques élevés, manque d’énergie). Enfin, la Banque mondiale peut appuyer le Gouvernement du Bénin en offrant les meilleures pratiques internationales en développement de solutions TIC pour le secteur agricole (entre autres). 144