No. 0227 Social Protection Discussion Paper Series Renforcement des filets sociaux de sécurité publics à partir de la base Jonathan Morduch et Manohar Sharma Septembre 2002 Social Protection Unit Human Development Network The World Bank Social Protection Discussion Papers are not formal publications of the World Bank. They present preliminary and unpolished results of analysis that are circulated to encourage discussion and comment; citation and the use of such a paper should take account of its provisional character. The findings, interpretations, and conclusions expressed in this paper are entirely those of the author(s) and should not be attributed in any manner to the World Bank, to its affiliated organizations or to members of its Board of Executive Directors or the countries they represent. For free copies of this paper, please contact the Social Protection Advisory Service, The World Bank, 1818 H Street, N.W., MSN G8-802, Washington, D.C. 20433 USA. Telephone: (202) 458-5267, Fax: (202) 614-0471, E-mail: socialprotection@worldbank.org. Or visit the Social Protection website at http://www.worldbank.org/sp. Série d'introduction aux filets sociaux de sécurité Renforcement des filets sociaux de sécurité publics à partir de la base Jonathan Morduch et Manohar Sharma Septembre 2002 Unité de Protection sociale Réseau du Développement Humain Banque mondiale Les découvertes, interprétations, et conclusions exprimées dans cette note sont exclusivement celles des auteurs et ne sauraient en aucune manière être attribuées à la Banque Mondiale, aux organisations qui lui sont affiliées ou aux membres de son Comité de Directeurs Exécutifs ou des pays qu'ils représentent. Pour obtenir des exemplaires gratuits de cette publication, prière de contacter le Service Consultatif de protection sociale de la Banque mondiale, 1818 H Street, NW., MSN G8-802, Washington D.C. 20433, Etats Unis. Téléphone : (202) 458.5267, Télécopie : (202) 614-0471, E-mail : socialprotection@worldbank.org. Ou visitez le site internet du département de la protection sociale : http://www.worldbank.org/sp. 1 Série d'introduction aux filets sociaux de sécurité L'introduction aux filets sociaux de sécurité de la Banque mondiale a pour but de fournir une ressource pratique aux personnes impliquées dans le concept et la mise en oeuvre de programmes de filets sociaux de sécurité dans le monde. Les lecteurs y trouveront des informations sur les meilleures pratiques pour un éventail d'interventions, de contextes par pays, de thèmes et de groupes ciblés, mais aussi la philosophie actuelle des spécialistes et des praticiens sur le rôle des filets sociaux de sécurité dans le cadre de l'agenda plus large du développement. Les notes d'introduction ont pour but de refléter un standard élevé de qualité aussi bien qu'un degré de consensus au sein de l'équipe Banque mondiale des filets de protection et avec les praticiens généralistes sur les meilleures pratiques et les meilleures politiques. Les sujets d'introduction sont initialement révisés par un comité d'organisation composé de spécialistes de la Banque mondiale et de spécialistes externes, et les notes préparatoires sont soumises à l'examen des pairs pour un contrôle de qualité. Cependant le format de cette série est assez flexible de manière à refléter les développements importants dans ce domaine d'une manière opportune. La série d'introduction apporte sa contribution aux matériaux d'enseignement couverts lors du cours sur les Filets sociaux de sécurité offert à Washington DC aussi bien que lors de divers autres cours sponsorisés par la Banque. L'introduction aux Filets sociaux de sécurité et le cours annuel sont soutenus conjointement par l'Unité de la Protection Sociale du Réseau de Développement Humain et par l`Institut de la Banque mondiale. L'Institut de la Banque mondiale offre aussi des cours régionaux sur mesure par correspondance de façon régulière. Pour plus d'information sur la note relative aux séries d'introduction et sur les notes concernant d'autres sujets de couverture sociale, veuillez contacter le Service Consultatif de Protection Sociale; téléphone (202) 458-5267; fax (202) 614-0471; email: socialprotection@worldbank.org. Des copies des notes reliées aux filets de protection, y compris la série d'introduction aux filets de protection sociale, sont disponibles électroniquement à http://www.worldbank.org/safetynets . Le site web comprend aussi des versions traduites de ces notes, dès que celles-ci sont disponibles. Un plan ambitieux de traduction est en cours de réalisation (particulièrement pour l'espagnol et le français, et certains en russe). Pour plus d'information sur les cours de l'Institut de la Banque mondiale relatifs aux filets sociauxde sécurité, veuillez visiter le site web http://www.worldbank.org/wbi/socialsafetynets. Notes Récentes et en Voie de Publication, Série : Introduction aux filets sociaux de sécurité, à la date d'Août 20021 Thème Auteur Program Interventions Cash transfers Tabor Food related programs Rogers and Coates Price and tax subsidies Alderman Fee waivers in health Bitran and Giedion Fee waivers in housing Katsura and Romanik Public works Subbarao Micro credit and informal insurance Sharma and Morduch Cross-cutting Issues Overview Grosh, Blomquist and Ouerghi Institutions de Neubourg Targeting Coady, Grosh and Hoddinott Evaluation Blomquist Political Economy Graham Gender Ezemenari, Ch audhury and Owens Community Based Targeting Conning and Kevane Country Setting/Target Group Very Low Income Countries Smith and Subbarao Transition Economies Fox Non-contributory pensions Grosh and Schwarz 1. Papers may be added or deleted from the series from time to time. 2 Résumé Aider à réduire la vulnérabilité pose une nouvelle série de défis pour la politique des pouvoirs publics. Un point de départ est de comprendre les manières selon lesquelles les collectivités et les familles élargies essaient de surmonter les difficultés en l'absence d'interventions du secteur public. Les mécanismes de résistance s'étendent depuis l'échange informel de transferts et de prêts au sein des familles et collectivités jusqu'à des institutions plus structurées qui permettent à des communautés entières d'offrir des protections à leurs membres les plus nécessiteux. Cet article décrit les manières d'élaborer des filets sociaux de sécurité publics afin de compléter et de prolonger les institutions informelles et privées. Les politiques les plus efficaces regrouperont à la fois les systèmes de transferts qui sont sensibles aux mécanismes en existence et les nouvelles institutions destinées à offrir des assurances et des crédits ainsi que pour permettre d'épargner. 3 Table des matières Introduction....................................................................................................................... 1 Auto-assurance individuelle et par ménages................................................................ 12 Mesures politiques : développer et améliorer les mécanismes actuels....................... 14 Mesures politiques : création de nouvelles institutions financières locales et mondiales en faveur des pauvres.................................................................................................... 15 Conclusions ...................................................................................................................... 19 Références........................................................................................................................ 21 4 Renforcement des filets sociaux de sécurité publics à partir de la base Jonathan Morduch, professeur associé à l'École supérieure d'administration Wagner de NYU et à la Faculté d'économie de New York University, New York Manohar Sharma, membre chercheur de l'Institut international de recherche sur la politique alimentaire (IFPRI), Washington D.C.1 Introduction Les filets sociaux de sécurité publics sont créés pour de nombreux objectifs. À l'origine, la plupart des efforts étaient généralement centrés sur l'augmentation de la consommation chez les pauvres au moyen de transferts publics. Mais les responsables de la politique se tournent de plus en plus vers des moyens pour aider aussi les ménages aux revenus modestes à s'adapter aux fluctuations de leurs revenus. Certains décrivent ces dernières interventions comme des «cordes de sécurité », ce qui, tout comme la corde utilisée par les alpinistes, maintient la corde attachée à la personne afin de minimiser la distance de la chute lorsque le malheur survient. Par ailleurs, les « filets de protection » se caractérisent comme des coussins qui empêchent la personne de tomber jusqu'en bas. Dans l'exposé ci-dessous, nous étudions les deux stratégies mais utilisons le terme « filet de protection » comme une catégorie englobant le tout. Où se situe l'action publique ? La réponse dépend de comment (et à quel degré) les ménages naviguent actuellement et utilisent la quantité d'institutions disponibles pour faire face aux risques (Morduch 1999a). C'est seulement en édifiant depuis une compréhension des actions déjà prises par les ménages et les collectivités que les filets sociaux de sécurité publics peuvent maximiser leur efficacité et minimiser le déplacement des mécanismes existants. L'importance donnée à l'étude des risques provient de trois préoccupations majeures. Premièrement, beaucoup de risques peuvent, en eux-mêmes, être un lourd fardeau à porter. Une incertitude menaçante peut affaiblir spirituellement et émotionnellement et peut former des relations sociales et économiques au détriment des pauvres. Deuxièmement, les mesures disponibles aux ménages pour faire face aux risques peuvent être coûteuses et limitées en efficacité (comme la vente de biens à bas prix au moment d'un grave malheur), créant une demande pour des mécanismes plus efficaces et fiables. Les allocations à court terme des mécanismes en place peuvent comporter des coûts élevés à long terme, et il est naturel de demander si une action publique peut aider à soutenir un meilleur équilibre. Et troisièmement, un grave malheur peut quelquefois déclencher une spirale descendante dans des conditions qui font le rétablissement encore plus difficile qu'il ne l'aurait été au départ. À cause de ces inquiétudes, la réduction de la vulnérabilité s'est élevée presque en tête de liste pour les stratégies de filets de protection, formant un élément fondamental central tant du récent Social Protection Strategy 1Cet article a bénéficié des commentaires de Samantha de Silva, Margaret Grosh, Azedine Ouerghi et William B. Steele, de la Banque mondiale. Jonathan Morduch peut être contacté par courrier électronique a l'adresse suivante: jonathan.morduch@nyu.edu et Manohar Sharma a m.sharma@cgiar.org. 1 Paper (Banque mondiale 2001a) que du World Development Report 2000/2001 (Banque mondiale 2001b). Mais aider à réduire la vulnérabilité pose un nouvel assortiment de défis pour la politique des pouvoirs publics. Le défi le plus immédiat est de déterminer le rôle approprié des pouvoirs publics. Un point de départ est de comprendre les façons dont les collectivités et familles élargies font face aux difficultés en l'absence d'interventions du gouvernement. Les mécanismes pour surmonter les difficultés vont depuis les échanges de transferts informels et les prêts au sein des familles et des collectivités jusqu'à des institutions plus structurées comme le Zunde ramambo que l'on trouve dans des régions rurales du Zimbabwe. (Dans le Zunde ramambo, le chef du village attribue des champs pour qu'ils soient cultivés collectivement par la communauté et dont les gains obtenus devront être distribués aux indigents.) L'accès à l'épargne et au crédit apporte d'autres solutions de stabilisation, tandis que les compagnies d'assurances publiques offrent souvent des moyens supplémentaires pour réduire la vulnérabilité, spécialement au moyen d'assurance maladie et d'assurance pour les récoltes. En pensant à l'avenir, certaines compagnies d'assurances et institutions de micro-finance lancent des programmes pilotes pour tester les possibilités d'offrir des polices d'assurance sur la vie, les maladies et les biens immobiliers à des clients de faibles revenus, et ce secteur pourrait bientôt croître de façon spectaculaire. L'existence de ce réseau de mécanismes privés et non formels déclenche une série de questions : · Serait-il plus efficace d'essayer de renforcer les mécanismes actuels plutôt que de créer de toutes nouvelles institutions ? · Est-ce que le secteur privé et les organisations non gouvernementales (ONG) peuvent jouer un rôle plus important ? · Est-ce que la création de filets sociaux de sécurité publics finiront par déplacer les mécanismes en place et donc offrant aux ménages des gains nets limités ? · Pouvons-nous systématiquement prédire quand l'assurance informelle et le secteur privé seront les plus problématiques et quand ils seront les plus efficaces ? Cet exposé est tiré d'une expérience récente pour suggérer des façons de répondre à ces questions. Nous décrivons des places importantes pour des mesures publiques autant que pour leurs limites. D'une manière plus générale -- et peut-être de manière plus importante -- cet exposé vise à systématiser les compromis qui surgissent lors de l'évaluation des options de la politique à suivre. Importance de l'assurance Sans le bénéfice d'une assurance adéquate, les ménages sont souvent forcés de prendre des mesures coûteuses afin de se protéger contre les risques. Cela signifie souvent un choix d'activités aux ressources plus faibles mais ayant moins de fluctuations. Le changement économique ne signifie pas le plus souvent l'utilisation de nouvelles technologies, l'intégration dans de nouveaux genres d'affaires ou de partenariats ou l'exploration ou la création de nouveaux marchés. Beaucoup de ces manoeuvres seront naturellement risquées et impliqueront généralement des périodes d'apprentissage qui peuvent être encore plus risquées. Si des ménages n'étant pas couverts par une assurance sont ceux qui n'en désirent pas, il peut en résulter qu'ils soient pris au piège dans des activités à basse rémunération, ce qui accentue leur pauvreté. De 2 plus, même les stratégies «les plus sures » pour les revenus ne sont pas complètement à l'abri des chocs, surtout pour l'agriculture qui dépend de la pluie. Lorsqu'ils sont éventuellement touchés par des chocs négatifs sur leurs revenus, ces ménages, qui n'ont que les plus minces sources de ressources et manquent d'accès aux mécanismes externes ex post, sont plus vulnérables tant aux dures pertes concernant leur bien-être qu'à une descente vertigineuse vers la pauvreté. La deuxième série de conséquences concerne les mesures ex post. Par le fait du manque de mécanismes d'assurances, le choc négatif affectant les revenus doit être absorbé au moyen de réductions des dépenses des ménages. La nature de leur situation précaire, y compris ses effets sur tous es membres de la famille, détermine la manière selon laquelle ces réductions sont l effectuées. Lorsque leurs ressources sont en léger déclin, les réductions peuvent se manifester en une baisse de qualité. Les baisses de qualité qui conservent les ressources nécessaires relatives à une nutrition et un état de santé essentiel sont des options réalisables, même pour des familles pauvres. Un ménage peut, par exemple, effectuer un changement d'une céréale relativement chère, comme le riz, en faveur d'une culture moins onéreuse comme le maïs ou des tubéreuses qui fournissent un niveau nutritionnel similaire. Cependant, lorsque les chocs sont plus importants, non seulement les pertes immédiates en conditions de vie associées avec une consommation réduite sont-elles plus profondes, mais il existe une possibilité croissante que les ménages puissent adopter des mesures plus drastiques pour soutenir une consommation irréductible aux dépens de revenus et de consommation à venir. Des exemples de telles mesures sont : · Retirer les enfants de l'école soit pour économiser les frais scolaires ou, ce qui est le plus habituel, pour les mettre sur le marché du travail afin qu'ils gagnent de l'argent supplémentaire (par exemple, Jacoby et Skoufias 1997 ; Jensen 2000) ; · Réduire ou même annuler les investissements prévus pour la maintenance des biens de leur entreprise qui pourraient mener à une réduction de revenus pendant de futures périodes. Les fermiers, par exemple, peuvent différer leurs investissements agricoles dont ils ont besoin afin de maintenir la fertilité de la terre, ou les petits entrepreneurs peuvent repousser les réparations ou la maintenance nécessaires pour leurs machines ; · Épuiser les ressources de libre accès des collectivités comme les produits forestiers de façon à financer la consommation actuelle ; · Réduire la consommation d'aliments nutritifs qui auront probablement des conséquences à plus long terme sur l'état de santé des enfants ; · Choisir de ne pas honorer les obligations sociales comme le paiement d'impôts ou autres contributions pour les activités de la communauté, ce qui mène à une érosion de la cohésion sociale et à une instabilité sociale ; · Se sentir obligé de vendre des biens productifs comme des terres ou autres biens du ménage, ce qui entrave de façon permanente le potentiel de futurs gains ; · Participer à des relations entre patrons et employés selon des termes extrêmement désavantageux comme, par exemple, le travail de personnes réduites en servitude ; et · Avoir recours à une migration provoquée par la détresse, souvent vers les centres urbains où il existe non seulement des risques supplémentaires pour l'emploi mais aussi une assurance informelle encore plus limitée qu'auparavant. 3 Dans chacun des cas ci-dessus, la consommation actuelle est maintenue au moyen de mesures qui compromettent sérieusement, quelquefois irréversiblement, la future subsistance, mesures qui auraient pu être évitées si les ménages avaient eu la possibilité d'utiliser des services financiers (ou des institutions publiques) afin de maintenir les niveaux de consommation alors qu'ils faisaient face à des revenus déficitaires. La taxinomie des mécanismes « informels » pour surmonter les difficultés La détresse potentielle causée par des fluctuations de revenus en déclin donne lieu à de fortes motivations pour que les ménages pauvres s'arrangent pour réduire les effets de la variabilité des revenus, surtout étant donné que les institutions financières formelles qui offrent des services d'assurances ont tendance à être mal développées. Ces arrangements peuvent être généralement caractérisés sur deux dimensions : (1) des mécanismes pour surmonter les difficultés ex ante en opposition à ex post et (2) des réponses dans l'espace en opposition à des réponses à travers le temps. Contrôle des risques ex ante en opposition à la résistance aux risques ex post Lorsqu'ils font face à un profil de revenus à risques, les ménages qui craignent les risques ont de fortes motivations pour prendre des mesures pour contenir la détresse potentielle jusqu'à certains niveaux. Deux stratégies distinctes -- quoique connexes -- sont disponibles. Premièrement, on peut s'attendre à ce que les ménages fassent des arrangements préalables afin d'atténuer la détresse une fois que les événements conduisant à des pertes en revenus sont déjà arrivés, comme à l'issue d'une mauvaise récolte ou d'une diminution de salaires perçus pour cause de maladie. Ces genres d'arrangements sont généralement connus comme des arrangements de résistance aux risques ex post. Même en l'absence d'institutions formelles d'assurances, plusieurs mécanismes informels comme les arrangements de mise en commun des risques entre les membres de la famille, les amis et les voisins, l'utilisation d'épargnes accumulées pour un coup dur et des lignes de crédit souscrites auprès de différents types de prêteurs sont utilisés pour financer les dépenses afin de maintenir des niveaux moyens de consommation pendant les périodes de revenus en déclin. Ces mécanismes sont par conséquent également connus sous le nom de stratégies de lissage de la consommation. Une deuxième stratégie serait que les ménages craignant les risques choisissent parmi les possibilités d'emploi ou de production les activités qui contiennent une variabilité de revenus à un niveau acceptable, choisissant effectivement de lisser leurs revenus afin de lisser leur consommation. Ils peuvent le faire, par exemple, en faisant des choix conservateurs de production en agriculture, en adoptant des variétés de cultures ayant moins de risques ou optant pour le travail rémunéré plutôt que de se livrer à des activités d'entreprises plus risquées. Mais ces choix ne sont pas sans coûts car ils peuvent signifier le rejet de bénéfices moyens à de plus hauts niveaux dans le but de s'assurer des revenus fixes. Par exemple, une étude suggère que les agriculteurs pourraient augmenter de façon substantielle leurs bénéfices en augmentant l'utilisation d'engrais, cependant, en utilisant moins d'engrais, les pertes d'investissement sont réduites durant les mauvaises périodes. 4 À cause des pertes potentielles en jeu, les décisions des ménages pour adopter des activités plus sures mais relativement moins profitables dépendent en grande partie des stratégies de résistance ex post disponibles. Cela introduit une difficulté pour démêler les actions en relation avec le contrôle des risques ex ante. Si une pénurie de mécanismes de lissage de consommation force les ménages à lisser leurs revenus, il semblera qu'il existe moins de risques qu'il n'y en a vraiment, et les indicateurs communs de risque sous-estimeront la variabilité inhérente. Partage des risques : lissage dans l'espace en opposition au lissage dans le temps Les risques peuvent être partagés entre les personnes ou les ménages à un moment donné, comme lorsqu'un ménage recevant un choc négatif de revenus reçoit un transfert de son partenaire qui fait partie du groupe mettant les risques en commun qui n'a pas reçu le même sort. Ou le risque peut être mis en commun au fil du temps, comme lorsqu'un ménage emprunte de l'argent pendant une «mauvaise » période et le rembourse plus tard quand c'est une «bonne » période. Dans le premier cas, le risque est partagé entre les personnes dans l'espace, et dans le second cas, les personnes partagent le risque au long d'une période de temps. Il y a cependant une dimension de temps inhérente dans le cas des transferts entre ménages, car le principe de réciprocité forme le noyau de tels transferts : on s'attend à ce que les bénéficiaires actuels des transferts fassent preuve de réciprocité à l'avenir en effectuant des transferts à d'autres partenaires qui mettent aussi les risques en commun et qui reçoivent à leur tour des chocs négatifs de revenus. Nous discuterons de cela un peu plus tard. Taxinomie des risques En général la nature des arrangements informels qui conviennent le plus à la résistance contre la variabilité varie avec le genre de risque. La compréhension du rôle et des implications des différents genres de risques est un premier pas vers la conception de filets de protection (et de cordes de sécurité) plus efficaces. Le risque covariant contre le risque caractéristique Les mécanismes de résistance ex post qui reposent sur le partage des risques comportent le plus grand potentiel de bénéfices lorsque les risques pour les revenus auxquels font face les partenaires partageant les risques (personnes ou ménages) n'ont pas de relations entre eux. Lorsque le risque affectant les revenus est caractéristique du ménage, une diminution de revenus à laquelle fait face un ménage est probablement moins susceptible de coïncider avec une diminution de revenus pour les autres ménages qui sont partenaires dans le cadre de l'arrangement de partage de risques. Cela rend possible -- ou plus facile -- pour les ménages y participant de soutenir les efforts de lissage de consommation des ménages affectés au moyen de transferts compensatoires ou de prêts. Au contraire, lorsque les risques affectant les revenus sont similaires, donnant comme résultat le mouvement en tandem affectant les revenus de tous les ménages, tous les ménages font des demandes monétaires compensatoires en même temps et le partage des risques n'est pas possible. Dans les régions dépendant de l'agriculture dans les pays en développement, il est probable que les collectivités de ménages se livrant aux mêmes activités agricoles dans des champs presque adjacents sont à la merci de risques provoqués par des covariantes climatiques. Dans ces cas-là, le lissage de consommation au moyen d'un partage de risques ex post serait vraisemblablement inefficace, surtout à l'issue d'un extrême manque de 5 pluie. Lorsque le choc négatif est important et généralisé, il est également probable que le déclin dans tout le village en revenus, en demande, en salaires et en prix puisse réduire l'efficacité des mesures prises pour soutenir la consommation au moyen de la vente de biens gardés comme précaution ou en augmentant la participation aux marchés du travail. Cependant, sauf en cas de crises générales causées par le climat ou l'occurrence de calamités similaires de grande ampleur (guerre, tremblements de terre, etc.), les plus grands risques sont souvent caractéristiques de ménages particuliers. Par exemple, Morduch (1991) montre que même dans les tropiques mi-arides du sud de l'Inde étant très susceptibles aux risques, pas moins de 75 à 96 pour cent de la variance dans le logarithme des revenus d'un ménage peut être attribué aux chocs caractéristiques (une certaine quantité est cependant attribuable à des erreurs de dimension). Les risques caractéristiques spécifiquement associés aux ménages surgissent généralement non seulement à cause des risques météorologiques d'un endroit spécifique et des animaux nuisibles, mais également à cause de maladies dont peuvent souffrir les hommes et les animaux ; les périodes de chômage qui affectent les membres d'une famille ; les naissances, les décès, la migration et la division des familles élargies ; et les échecs essuyés par les entreprises familiales. La fréquence généralement étendue des risques caractéristiques suggère qu'il y a de considérables possibilités pour que les ménages détestant les risques prennent des polices d'assurance mutuellement avantageuses. Le risque non anticipé contre la variabilité des revenus anticipée Lorsque la nature de la variabilité des revenus peut être anticipée avec un haut degré de certitude, le ménage est en meilleure position pour faire des plans à cet égard. Considérez le cycle de production de l'agriculture qui est bien connu. Sachant que la production s'effectue (et les coûts des employés s'ensuivent) au rythme des saisons alors que les demandes de consommation sont constantes, cela simplifie la planification de l'emploi ainsi que les décisions concernant l'épargne et les crédits afin que cela corresponde à la demande de consommation. La migration saisonnière pour l'emploi coïncidant avec la saison maigre pour l'agriculture, par exemple, peut être planifiée et prévue avec une prévoyance considérable et un haut degré de certitude. Les contrats de travail peuvent être conclus de la même façon en prenant compte explicitement de la saison agricole. La production agricole peut être achetée aux vendeurs à crédit sous la condition expresse de remboursement après la récolte. Dans chacun de ces exemples, la connaissance préalable de futurs événements et leurs effets signifie que des transactions à faible risque peuvent être aisément effectuées. Un autre exemple de variabilité qui peut être très raisonnablement anticipée est celui des revenus obtenus tout au long du cycle de vie. Généralement la plupart des gens peuvent s'attendre à ce que leurs revenus provenant de leur emploi devraient nettement s'amenuiser en prenant leur retraite. Il est également connu que la prédisposition aux maladies et la probabilité d'être sujet à des infirmités physiques augmente considérablement avec l'âge et que la mort survient éventuellement. À cause du haut degré de certitude avec lequel ces événements se manifestent, il y a lieu de faire des plans clairs concernant l'épargne pour la retraite. Dans beaucoup de pays en développement, la considération de ces facteurs a donné lieu à des familles institutionnelles élargies et ayant des liens entre plusieurs générations pour lesquelles il est prévu que les filles et fils s'occupent de leurs parents âgés. Cela explique aussi pourquoi les sociétés funéraires sont si répandues dans beaucoup de parties du monde. 6 Par ailleurs, de nombreux imprévus peuvent seulement être mal anticipés. Le fait que les fermiers tendent souvent à reporter à plus tard leurs décisions sur la quantité d'engrais à employer jusqu'à ce que le rythme de la pluie soit plus défini est une indication de la valeur de l'obtention d'une information plus précise. En agriculture, le niveau d'engrais en vue de maximiser les bénéfices dépend de la disponibilité d'autres ingrédients comme l'eau. Dans des conditions mi-arides, la disponibilité de l'eau dépend de la pluie, un résultat incertain et donc aléatoire. Si l'engrais est mis selon la meilleure disponibilité d'eau, les bénéfices sont maximisés s'il y a suffisamment de pluie, mais les pertes peuvent être considérables si les pluies s'avèrent insuffisantes. D'un autre côté, si l'on réduit la quantité d'engrais à un niveau moins qu'optimal de disponibilité d'eau, les bénéfices seront moindres si la pluie est suffisante mais les pertes seront moindres si la pluie est moins abondante. À cause de cette incertitude, l'agriculteur est littéralement forcé d'agir « au hasard » et sa décision dépendra de son habileté ou de ses préférences pour prendre des risques et de son évaluation du rythme probable des pluies. Étant donné que le fait d'attendre le début des pluies augmente l'exactitude de l'évaluation météorologique du fermier, il choisit fréquemment d'agir de la sorte. Risques persistants Il n'est pratiquement pas nécessaire de dire que les chocs qui s'abattent sur les saisons ou les années créent beaucoup plus de difficultés pour les ménages que ceux qui sont seulement temporaires. À mesure que les déficits persistent, les ménages sont souvent forcés de prendre de plus en plus des mesures coûteuses pour se protéger, et en anticipation de chocs persistants, les ménages sont forcés d'accumuler beaucoup plus de biens en commun que si l'état des choses était différent. Du point de vue du partage des risques dans les collectivités et au sein des familles élargies, la persistance joue un rôle particulièrement difficile tant en augmentant les demandes de transferts par les bénéficiaires qu'en réduisant leur capacité de rendre bientôt la pareille. Ces deux instances sapent la capacité de soutenir des mécanismes informels d'assurance efficaces. Les réponses des collectivités au risque Une des premières façons pour les ménages de réagir face à leur malheur est par l'accès aux ressources des familles élargies et des collectivités. Quelques importants systèmes sont décrits ci-après : Transferts entre ménages Les collectivités et les familles apprécient leurs rôles comme des réseaux de soutien et ce soutien vient souvent sous la forme de transferts, soit en nature soit en argent liquide. Quelquefois il existe une entente explicite selon laquelle les transferts devront être également effectués lorsque le donateur en aura besoin à son tour ; à d'autres moments le sens de réciprocité est moins strict (peut-être la réciprocité sera d'aider un membre d'une génération plus jeune, peut-être en rendant d'autres genres de services) ; et à d'autres moments encore, les transferts prennent la forme de prêts devant être remboursés une fois que le ménage a retrouvé l'équilibre (mais souvent sans intérêt). 7 Quelle est l'importance des transferts ? La réponse varie beaucoup selon l'endroit. Tandis que 65 pour cent des ménages pauvres en Jamaïque disent recevoir des transferts, moins du tiers le font en Bulgarie et en Russie. Pour ceux qui reçoivent des transferts en Russie, pourtant, le montant moyen est important : les transferts privés représentent, en moyenne, près de 70 pour cent des revenus du quintile de la population la plus pauvre (Cox, Galasso et Jimenez 2000). Dans quelle mesure l'assurance non formelle (dont les transferts privés en sont une sorte) protège-t-elle les niveaux de consommation face aux déficits de revenus ? Aux Philippines, une étude récente montre que les jeunes ménages faisant face à une maladie grave d'un de leurs membres étaient en général raisonnablement capables de protéger leurs niveaux de consommation. Et en Indonésie, les ménages (en faisant la moyenne entre jeunes et vieux) étaient capables de protéger les niveaux de consommation malgré une perte en revenus de 70 pour cent à cause d'une maladie bénigne. Les niveaux de consommation chez les ménages plus âgés aux Philippines ont pourtant montré qu'ils étaient vulnérables face à une maladie grave. Et en Indonésie, les niveaux de consommation des ménages étaient, en moyenne, réduits par environ 70 pour cent des déficits associés à une longue maladie grave. Clairement, la distribution des transferts est très inégalement répartie entre les ménages. Même à l'intérieur du même pays il y a de grandes différences régionales car certains ménages pauvres ont un large accès tandis que d'autres reçoivent peu ou rien. Cette évidence indique plusieurs tendances qui renforcent les taxinomies ou les risques et mécanismes décrits plus haut : · Malgré le rôle très étudié des transferts entre générations, les populations âgées ont tendance à être bien plus vulnérables que les générations plus jeunes, cela dû en partie à l'affaiblissement des systèmes non formels entre générations de «sécurité sociale » face à une plus grande migration et à la fragmentation des ménages. · Les pertes importantes et catastrophiques sont plus difficiles à surmonter au moyen de ressources privées en comparaison avec des pertes moins importantes et plus communes. · Les événements particuliers (comme des maladies non épidémiques) qui tendent à affecter les personnes une à une sont plus faciles à prendre en charge au moyen d'assurance non formelle, en comparaison avec les événements qui affectent des collectivités entières (comme de mauvaises récoltes) ou de vastes régions (comme l'inflation ou un tremblement de terre). Après la sécheresse dans le Sahel au début des années 80, par exemple, les transferts privés représentaient jusqu'à 3 pour cent des pertes moyennes confrontant les ménages pauvres. · Les ménages pauvres ont tendance à être beaucoup plus vulnérables que les ménages ayant plus de biens. Une étude récente longitudinale de Chine, par exemple, montre que pour les 10 pour cent des ménages au plus bas, 40 pour cent d'un mauvais choc se traduisait en un déclin de consommation. Mais pour les 10 pour cent des plus riches, seulement 10 pour cent du choc se traduisait en un déclin de consommation. · Les groupes exclus socialement parmi les pauvres souffrent le plus avec les systèmes d'assurance non formelle, tandis que les ménages ayant de vastes réseaux communautaires peuvent assez bien arriver à surmonter les chocs modérés particuliers. 8 Motivations pour versements Pour les ménages qui reçoivent des transferts, on ne peut pas simplement supposer que « l'assurance » est donnée. Apporter de l'aide à ses voisins et membres de la famille dans le besoin est seulement une de nombreuses motivations que nous allons étudier ci-dessous. Les versements forment une source importante de transferts, et spécialement les transferts entre familles. Par exemple, environ deux tiers de tous les transferts reçus ont eu leur origine dans une enquête importante du Pakistan (1985-88) (Foster et Rosenzweig 1999). Et aux Philippines, 26 pour cent des ménages urbains (et 13 pour cent des ménages ruraux) ont reçu des versements de l'étranger (Cox et Jimenez 1995). Ces mouvements correspondent à la fois aux époux qui font des virements à leur famille et aux enfants migrants urbains qui font des envois à leurs parents à la campagne (voir par exemple Paulson 2000 sur la Thaïlande et Lucas et Stark 1985 sur Botswana). Les membres de familles migrent et font des virements pour de nombreuses raisons. Dans beaucoup de cas, la décision est prise surtout pour augmenter le total des revenus du ménage et n'a pas grand chose à voir avec la recherche d'une couverture d'assurance. Ayant des occasions limitées de gagner de l'argent localement, des membres de la famille peuvent décider de migrer vers d'autres régions où leur travail ou spécialisation leur permettent de gagner davantage. Leur décision qui s'ensuit de faire des virements peut simplement être le reflet de motifs altruistes cherchant à améliorer les conditions de vie de leur famille plutôt que la leur propre. Dans de nombreux villages isolés ayant une agriculture saisonnière, c'est une pratique habituelle que des membres de familles migrent temporairement vers des régions ayant plus d'emplois saisonniers et retournent plus tard chez eux pour mettre en commun tous leurs revenus obtenus. Les familles pourtant reconnaissent que, fréquemment, l'argent gagné dans différentes régions est seulement faiblement en corrélation. Pour cette raison, elles peuvent utiliser stratégiquement la migration comme une façon de diversifier et réduire la variabilité des revenus des familles. Par exemple, le placement de quelques membres de la famille en ville et mettre en commun les revenus du village et de la ville offre une assurance tant aux migrants urbains qu'à ceux qui restent au village. Comme Lucas le note (1997), les familles craignant le risque peuvent bénéficier d'une telle stratégie même si la moyenne des revenus et la variance sont les mêmes dans les différents endroits -- du moment que les revenus ne varient pas ensemble. Puisque l'accord de versement entre le migrant et sa famille est volontaire, il doit être respecté. L'altruisme, comme il est expliqué plus haut, est l'une des forces les plus évidentes qui poussent vers cet accomplissement. Cependant les versements sont initiés également par des motifs de propre intérêt. Premièrement, il pourrait se faire que les versements soient des moyens importants pour pouvoir réclamer un héritage des biens de la famille. Deuxièmement, les migrants sont généralement des membres de la famille qui ont bénéficié le plus des investissements en éducation, et les versements peuvent simplement être un moyen de rembourser les dépenses en investissement à la famille. Troisièmement, et bien en corrélation, puisque ce sont les jeunes membres de la famille qui migrent, les versements peuvent en fait constituer un remboursement aux générations plus âgées pour les services redus dans le passé. Quoique soit la motivation derrière la décision de faire des versements, les membres de la famille placés dans des activités rémunératrices tant soit peu associées sont dans une meilleure situation pour mettre les risques en commun que d'autres. Ce qui est moins clair est la mesure 9 dans laquelle les familles diversifient stratégiquement leurs revenus au moyen de la migration. Lucas et Stark (1985) trouvent qu'au Botswana le fait de recevoir des versements dépend d'une interaction entre la gravité des sécheresses et la possession de biens sensibles à la sécheresse comme le bétail. Dans l'Inde rurale, Rosenzweig et Stark (1989) montrent la preuve que les ménages établissent des liens conjugaux avec ceux qui vivent au loin qui ne sont pas susceptibles d'avoir des revenus covariants. De la Brière et coll. (1997) ont étudié les facteurs qui motivent les migrants dominicains à envoyer des versements aux hommes, aux jeunes gens et aux migrants ayant l'intention de revenir. Par contraste, l'assurance est la principale motivation pour envoyer des versements aux femmes migrantes, spécialement parmi celles qui n'ont pas l'intention de revenir à leur village natal. Explication des défaillances Les systèmes d'assurance non formels ne fonctionnent pas bien pour beaucoup des mêmes raisons que les assurances privées et commerciales ont tendance à échouer -- et pour d'autres raisons aussi. Exécution des contrats. Le premier problème est qu'il est souvent difficile de faire respecter les « contrats », donc les arrangements les plus faisables sont ceux qui font que les participants veuillent le respecter. Un participant qui s'est engagé -- mais pas légalement contraint -- à aider un voisin peut avoir des sentiments mitigés concernant l'accomplissement de ses obligations, spécialement si lui-même a du mal à se débrouiller. Mais il est plus susceptible de remplir ses obligations s'il se rend compte que s'il ne tient pas aujourd'hui ses engagements cela aura pour conséquence de ne pas avoir l'occasion de recevoir de l'aide à l'avenir. La question est alors de voir si l'avantage à court terme de rompre cet engagement (et par là en gardant l'argent qui aurait été utilisé pour aider le voisin) est moins important que les avantages à long terme de l'aide qui pourrait être apportée à l'avenir. Si c'est ainsi, le programme d'assurance non formelle sera durable, même sans sanctions légales pour son exécution. En pratique, cela signifie que l'assurance non formelle aura tendance à limiter l'importance des avantages de façon à assurer que les gains obtenus à court terme pour rompre l'engagement d'aider les autres sont moins significatifs que les avantages à long terme d'une coopération. Risque moral. La seconde tension se rapporte au risque moral. Le problème surgit seulement lorsque l'information au sujet du comportement du bénéficiaire est difficile à obtenir -- ce qui peut ne pas être un problème s'il s'agit d'un village. Mais quand obtenir l'information est un problème, il peut s'avérer que ceux qui souscrivent à une assurance ne prennent pas assez de précautions contre les risques, mettant sur les bras de la famille et des voisins des obligations attendues plus substantielles qu'il était prévu pour apporter de l'aide en période de perte. Diversité des ressources et trajectoires. Une troisième source de tension est que les revenus des ménages n'augmentent pas à une cadence uniforme au sein des communautés. Certains ménages restent en place ou rétrogradent ; d'autres vont de l'avant. Ceux qui vont de l'avant sont généralement en meilleure posture pour assurer le reste de la communauté, mais ils auront tendance à s'assurer qu'ils reçoivent de la valeur pour leur aide. À mesure que le système « d'assurance » glisse vers le fait de devenir un procédé de redistribution systématique des riches aux pauvres, ce dispositif peut devenir de moins en moins attrayant aux ménages plus riches. C'est habituel de voir les ménages plus riches se retirer alors d'obligations intensives d'assurance de la communauté et de soit s'assurer eux-mêmes soit de former de nouveaux 10 groupes d'assurance comprenant seulement des ménages plus riches -- au détriment des ménages plus pauvres. Des patrons variés de ressources et de trajectoires de croissance en revenus rendent donc plus difficile d'obtenir d'amples arrangements d'assurance non formelle au sein d'une communauté. Ce problème pose une énigme. D'un côté, plus de diversité de métiers et de probabilités de gains et de pertes valent mieux pour la vigueur des arrangements pour les assurances puisque cela crée un plus grand champ de diversification. Mais malheureusement, d'un autre côté, la diversité tend à saper la cohésion nécessaire pour faire que les arrangements informels puissent survivre à la longue. Mécanismes d'assurance indigènes et institutions communautaires Le Zunde Ramambo décrit dans l'introduction est un exemple de comment les communautés se mettent ensemble pour protéger leurs membres les plus démunis. Une autre institution commune dans de nombreuses communautés est la société funéraire. Nous donnons un exemple des communautés de pêcheurs à Cochin, dans l'Inde. Les organisateurs de la société, qui sont souvent associés à une église, un temple, une mosquée ou un club social, demande à au moins 300 personnes de devenir membres. Avec cette dimension, le fonds peut être raisonnablement bien diversifié et ne s'écroulera pas si un bon nombre de demandes survient de façon imprévue juste après l'établissement du fonds. Nous allons étudier un fonds qui opère pour seulement un an. Pendant cette année, chaque membre contribue au moins 2 roupies par semaine (environ 4 cents). Pour chaque roupie par semaine de contribution la société garantit que si un membre de la famille du participant meurt dans l'année (à l'exclusion des nourrissons et en exclusion partielle pour les jeunes enfants), la famille reçoit 500 roupies du fonds. Les membres peuvent augmenter leur couverture en augmentant leur contribution hebdomadaire et le fonds généralement montre un bilan positif à la fin de l'année -- qui est alors distribué aux membres, alors que les déficits sont couverts en faisant de nouvelles collectes. La société funéraire offre donc une assurance contre les prix élevés des enterrements et la perte de futurs revenus. Avec une faible contribution minimale, la plupart des ménages peuvent se permettre d'yparticiper. Une autre forme de société funéraire n'a pas de restriction pour ne durer qu'un an. Au lieu de cela, on effectue des paiements réguliers et la famille reçoit une certaine somme au moment du décès en rapport avec les contributions qui ont été données jusqu'à ce moment-là. La prime de décès peut, par exemple, être le double des contributions effectuées jusqu'à cette date. Comment est-ce que le fonds reste en équilibre ? Le fonds perdrait si l'argent n'était payé que lorsque les membres meurent. Cependant, au lieu de cela, l'argent est prêté aux membres de la communauté à des taux d'intérêt compétitifs (à Cochin, à 4 pour cent par mois), garantissant que le fonds augmente régulièrement et que des dividendes puissent être payés. Du moment qu'il y a des participants qui vivent longtemps, le fonds restera financièrement sain. Le coût pour les participants est une autre histoire. Alors que les fonds sont populaires, ils sont beaucoup plus coûteux que des polices vendues par des assureurs de l'État en Inde. Ces assureurs n'ont pas le bénéfice des liens existant dans les localités au coeur des sociétés funéraires, mais ont une plus grande capacité pour diversifier les risques. Comme nous allons l'examiner plus bas, cette réalisation a suscité que les ONG et les organisations de micro- finance agissent en vue d'offrir des produits d'assurance dans les communautés qui soient moins chères et ayant plus d'envergure pour la diversification des risques. 11 Auto-assurance individuelle et par ménages Les ménages s'assurent eux-mêmes en accumulant des épargnes et en diversifiant leur portefeuille de biens et de travail. On les étudie ci-dessous. Épargnes des ménages Généralement, le mécanisme de résistance le plus important dont les ménages disposent est d'accumuler des biens en périodes de surplus relatif qu'ils peuvent utiliser dans les périodes de besoin. Cela peut comprendre des dépôts dans une caisse d'épargne, cacher de l'argent liquide ou acheter des biens de consommation durable qu'ils pourront vendre plus tard. Les ménages pauvres ont pourtant tendance à ne pas avoir de compte d'épargne dans de nombreuses parties du monde (quoique certains programmes de micro-finance commencent à développer avec succès des produits d'épargne). Au lieu de cela, la plupart des biens sur lesquels comptent les ménages ont leurs propres risques -- comme la possession d'un animal de trait ou autre bétail qui sont vulnérables aux maladies ou à des chocs adverses de prix. En fait, comme Dercon le soutient (1999), les résultats obtenus des biens utilisés par les ménages en guise « d'épargne » sont souvent positivement en relation avec les revenus. Donc lorsque les revenus diminuent, les biens perdent aussi de leur valeur. Et, lorsque les revenus sont relativement élevés, les biens valent plus eux aussi. Lorsque les revenus ont un fort élément commun dans une région, il est, dès le départ, peut être difficile d'accumuler des biens -- car ils seront plus coûteux quand les ménages voudront les acheter, et auront moins de valeur quand ils voudront les vendre. Néanmoins, la vente de biens et le retrait d'épargnes est une première ligne de défense habituelle lorsqu'un malheur arrive. En l'absence de compte d'épargne et de bonnes possibilités pour acheter et vendre des biens, les associations d'épargne et de crédit rotatives (ROSCA) peuvent jouer un rôle essentiel pour l'épargne. En Afrique, les ROSCA sont connues sous le nom de susu au Ghana, esusu au Nigéria, upatu ou mchezo en Tanzanie, chilemba ou chiperegani au Malawi et tontines dans l'ensemble de l'Afrique francophone (Steel et coll. 1997), et ont tendance à fonctionner fondamentalement de la même manière. Premièrement, elles ont une vie de durée fixe. Pendant leur existence, ses membres contribuent avec des apports hebdomadaires ou à d'autres intervalles réguliers. À s'accomplir le premier tour de contributions, un membre du groupe reçoit le total du montant. La cagnotte est généralement utilisée pour acheter des marchandises qui sont trop coûteuses (et non divisibles) pour pouvoir les acheter avec l'argent hebdomadaire dont disposent généralement les ménages. Dans une version, la cagnotte est attribuée aux membres (avec un ordre prédéterminé) jusqu'à ce que tout le monde ait eu un tour, mais l'aspect d'assurance peut être limité dans ce cas puisque les ménages ne peuvent pas garantir qu'ils recevront la cagnotte exactement quand ils en auront le plus besoin. Ici, les membres sont autorisés à faire une offre sur l'opportunité d'obtenir la cagnotte -- par exemple, pour parer à un déficit en revenus à court terme. Alors que cela peut s'avérer coûteux, c'est généralement bien moins cher que d'avoir à traiter avec des prêteurs. Un gros avantage des ROSCA est qu'ils sont simples. Puisque les fonds circulent à tout moment, il n'y a pas besoin d'établissement pour les dépôts. Les besoins de comptabilité sont 12 donc au minimum et les ententes ont un début et une fin clairs -- après quoi ils recommencent généralement un autre cycle. Un désavantage est qu'ils sont inflexibles et, pour les épargnants, ils immobilisent de l'argent dont ils pourraient avoir besoin pour résoudre une crise temporaire. Ce même aspect peut, évidemment, être aussi un avantage pour ceux qui manquent de discipline pour épargner. En étudiant les réponses de cette politique ci-dessous, nous décrivons une nouvelle ONG qui essaie d'apprendre de ROSCA pour créer de meilleures banques pour les pauvres et vulnérables. Auto-assurance : Diversification des portefeuilles de biens et réattribution du travail Tel que nous l'avons étudié plus haut, les ménages n'ayant pas les moyens de soutenir leur consommation pendant une période de déclin de revenus prennent souvent des mesures pour employer des techniques de production ou pour prendre des emplois qui ont moins de variabilité de revenus, même si cela signifie qu'ils auront finalement des revenus plus faibles en moyenne. Des exemples de la vie réelle abondent. Les agriculteurs plus pauvres évitent les variétés de cultures plus récentes qui donnent un meilleur rendement mais impliquent une période d'apprentissage pendant laquelle une erreur de jugement à des moments critiques pour les récoltes peut donner comme résultat une rapide baisse de production. Une salariée, ne voulant pas exposer ses enfants à une pénurie de produits de consommation essentiels, peut délibérément dédaigner un marché du travail payant de plus hauts salaires journaliers en faveur d'un contrat de travail moins rémunéré mais à long terme avec un propriétaire local. Un résident urbain peut opter pour un travail sûr dans l'administration avec un faible salaire plutôt que de faire face à l'insécurité de l'emploi dans le secteur privé. Deux facteurs ont une influence sur de telles décisions. Premièrement, les ménages pauvres craignent les risques et sont prêts à renoncer à une certaine portion de leurs revenus pour protéger leur consommation. Deuxièmement, la prévention des risques sera une inquiétude plus prononcée pour ceux qui manquent de mécanismes de résistance ex post. Ou pour l'expliquer autrement, une personne craignant énormément les risques ayant une très bonne assurance de consommation peut agir pour ses décisions concernant la production « comme si » elle était neutre devant les risques (Morduch 1995). Si l'accès à une assurance augmente avec les revenus, il s'ensuit que les ménages plus riches sembleront agir de façon plus risquée que les ménages pauvres. Dans les conditions mi-arides de l'Inde, Binswanger et Rosenzweig (1993) observent de quelle façon, à mesure que l'environnement devient plus risqué, les ménages vulnérables changent de production en faveur de modes plus conservateurs mais moins rentables. Ils trouvent, par exemple, qu'en augmentant le coefficient de variation des époques de précipitations de un pour cent il en résulterait une action de lissage de revenus du quartile le plus bas en richesse qui réduit leurs bénéfices de 35 pour cent. Par contraste, un ménage au niveau de revenus moyen réduirait ses revenus de seulement 15 pour cent, alors que cela aurait un impact négligeable sur la rentabilité des fermiers les plus riches. Une implication de cette constatation est que l'aspect différentiel à l'assurance de consommation entre les pauvres et les non pauvres peut aggraver l'inégalité des revenus. Une étude de Bliss et Stern (1982), encore en Inde, a constaté que les agriculteurs n'utilisaient pas des niveaux d'engrais qui pourraient maximiser les bénéfices, attribuant ce fait aux tentatives de limitation de pertes en cas de mauvaise récolte. Morduch (1990) constate que dans le sud de 13 l'Inde les ménages dont les niveaux de consommation étaient les plus vulnérables aux chocs de revenus consacrent une plus grande partie de leurs terres à des variétés de riz plus sures et traditionnelles plutôt que pour des variétés produisant davantage mais comprenant plus de risques. Il constate également que les ménages les plus vulnérables sont plus susceptibles de diversifier les cultures sur leur parcelle de terre, un moyen habituel de réduire l'impact des chocs climatiques. De plus, Rosenzweig et Stark (1989), utilisant le même ensemble de données, constatent que les ménages confrontés à une plus grande volatilité des bénéfices de leur ferme sont aussi plus susceptibles d'avoir un membre de leur famille ayant un emploi stable rémunéré. Bardhan (1984) explique pourquoi les contrats de travail spécifiques aux bas salaires peuvent être mutuellement avantageux pour le pauvre travailleur et son employeur : tandis que l'employeur s'assure une main d'oeuvre ininterrompue, le travailleur s'assure une source de revenus constante pour financer sa consommation. Comme il est décrit ci-dessus, se trouver en quelque sorte piégé dans la pauvreté peut donc être inévitable lorsque les pauvres et les ménages craignant les risques dédaignent délibérément des activités nouvelles ou rentables afin de restreindre les risques à un certain niveau minimum. Mesures politiques : développer et améliorer les mécanismes actuels Nous avons décrit ci-dessus quelques uns des mécanismes principaux disponibles pour les ménages en période de besoin. Nous nous tournons maintenant vers l'action publique. Comme pour toutes les politiques de filets de protection, les coûts d'une action publique doivent être évalués et comparés aux avantages prévus -- et les avantages nets de l'action publique peuvent être limités si cela sert surtout à étouffer les efforts privés. La première implication de la politique tirée de l'analyse est que l'action publique devrait s'échafauder autour des efforts actuels. Cela a été interprété par certains comme une insinuation selon laquelle les meilleures politiques minimisent l'élimination. Nous soutenons qu'au contraire, quelques éliminations peuvent être avantageuses. La distribution inégale de l'accès aux mécanismes de l'assurance informelle rend une élimination difficile. Offrir des filets de protection peut mener à un déplacement substantiel des transferts privés pour ceux qui reçoivent des transferts privés, de sorte que les avantages nets qu'ils reçoivent sont moindres que le montant complet du transfert public. Mais, même dans la même région, beaucoup de ménages reçoivent peu ou pas du tout de transferts privés -- et donc leurs avantages nets peuvent être importants. Dans une étude de l'élargissement du système de pensions d'Afrique du Sud en 1998, par exemple, Jensen constate que l'introduction des transferts publics pour la population des personnes âgées a conduit à une réduction des transferts privés pour les personnes âgées de 20 à 40 rands pour 100 rands de transferts publics. Mais cela est seulement valable pour la moitié de la population des personnes âgées qui recevait des transferts privés auparavant. L'autre moitié n'a pas indiqué avoir reçu des transferts, donc la question de l'élimination ne fut pas résolue. Cet exemple soulève une série de questions : 14 · Quels sont les coûts (directs et indirects, explicites et implicites) associés aux efforts privés ? Est-ce que les systèmes d'assurance privée créent eux-mêmes des rigidités inefficaces ou des pièges pour la pauvreté comme on en a discuté plus haut ? Si c'est ainsi, le déplacement des mécanismes indigènes peuvent améliorer la condition de vie sur le net. · Qui bénéficie de l'élimination ? C'est-à-dire, qui est-ce qui réduit les transferts qu'ils avaient effectués maintenant que les gouvernements fournissent les ressources ? Ces ménages sont-ils pauvres également ? Dans le cas d'Afrique du Sud, les donateurs étaient surtout des jeunes ménages et l'argent qui était gardé allait en partie pour augmenter le capital humain de la génération la plus jeune. Cela a des avantages sociaux évidents et, clairement, «l'élimination » ne devrait pas impliquer le simple gaspillage des ressources. Cela peut même signifier que les ressources sont utilisées plus efficacement qu'avant. · Comment l'incidence de l'élimination est-elle distribuée par âge, région, ethnicité et structure des ménages ? · Est-ce que les efforts du secteur public sont plus efficaces (et donc moins coûteux dans l'ensemble) que les efforts du secteur privé ? Même avec une totale élimination, si le gouvernement peut fournir les mêmes services de façon moins coûteuse que les autres possibilités, il y a motif à ce que le gouvernement continue à le faire. Les résultats en sont que (1) l'élimination des mécanismes en place peut diminuer les impacts nets des programmes publics, mais (2) l'élimination complète n'est pas désirable. Des jugements doivent être faits au sujet des objectifs sociaux qui guident les politiques et l'action publique devrait se baser sur la compréhension des institutions traditionnelles et les comportements, contraintes et préférences desquels ils sont dérivés. Mesures politiques : création de nouvelles institutions financières locales et mondiales en faveur des pauvres Environ dans la dernière décennie il y a eu plusieurs mesures innovatrices de politique qui visent à aider les ménages pauvres en contrôlant les risques. Quelques unes d'entre elles sont décrites à continuation. Micro-finance Parmi les institutions financières qui desservent les ménages pauvres, les programmes de micro- finance ont émergé comme des acteurs importants dans de nombreuses parties du monde (Morduch 1999b). Les programmes les plus notoires sont le Grameen Bank de Bangladesh, le BancoSol de Bolivie et la Bank Rakyat Indonesia, tous ayant des modèles et des clients très différents. Néanmoins, tous les programmes sont généralement établis pour faire de petits prêts (quelquefois seulement de $50 ou $100, et quelquefois allant jusqu'à plusieurs milliers de dollars) à des ménages n'ayant pas accès aux banques du secteur formel. Les prêts sont généralement dans le but d'agrandir ou de développer de petites entreprises. Ces programmes peuvent-ils aider les ménages à réduire leur vulnérabilité ? Quel rôle peuvent-ils jouer pour les filets de protection? 15 Le rôle plus évident que les programmes peuvent jouer est d'aider les ménages à augmenter leurs revenus et conséquemment à augmenter leur épargne. C'est une clé pour l'auto-assurance. Deuxièmement, alors que la plupart des programmes se centrent sur des prêts pour le développement d'entreprises, ces fonds sont généralement suffisamment fongibles qu'ils peuvent souvent aider à fournir de l'argent supplémentaire afin d'aider aussi les ménages à surmonter les chocs de consommation. Troisièmement, les prêts peuvent aider les ménages à faire démarrer de nouvelles entreprises qui apportent plus de diversification de revenus de telle sorte que «tous les oeufs ne sont pas dans le même panier » ; la diversification peut aider à lisser la consommation d'une saison à l'autre et d'année en année. D'un autre côté, en astreignant les ménages à des programmes de paiements rigides, la micro- finance peut ajouter à la vulnérabilité. En face d'une crise, le paiement d'une dette est bien plus difficile, de telle sorte que l'orientation du crédit des programmes peut souvent pousser les ménages dans une situation de sécurité affaiblie, et non pas renforcée. Les programmes de micro- finance seraient plus efficaces si l'on considérait la réduction de la vulnérabilité à côté de la réduction de la pauvreté en créant de nouveaux produits et protocoles. Les nouvelles banques d'épargne Un nouveau programme intéressant au Bangladesh a tenté d'exploiter les points forts de ROSCA tout en incorporant une plus grande flexibilité. SafeSave fut lancé par Stuart Rutherford (un expert en micro-finance qui a apporté son expérience en reproduisant la Grameen Bank) et par Rubeya Islam, un ancien directeur de ROSCA. À la différence de la plupart des programmes de micro-finance, SafeSave se concentre sur l'aide à ses 5.000 clients pour qu'ils augmentent leurs épargnes ; cela est facilité par le personnel qui visite les clients chez eux où à leur travail tous les jours. Chaque jour les clients décident combien ils veulent épargner -- peut-être juste quelques centimes ou l'équivalent d'un dollar ou deux -- et, au fil du temps, ils peuvent établir des comptes en banque avec une «importante et utile » somme d'argent. Si les clients ont besoin d'emprunter (pour n'importe quel motif -- les prêts ne sont pas limités aux besoins d'une entreprise), le programme permet d'emprunter avec la garantie de leur compte d'épargne. L'existence des ROSCA et le succès de SafeSave défie la notion que la plupart des ménages pauvres sont simplement trop pauvres pour épargner. Au lieu de cela, l'expérience de SafeSave suggère que, lorsque sont établis des moyens sûrs et pratiques de faire des dépôts sur un compte d'épargne, les pauvres peuvent épargner et le font. Le programme semble être très estimé par les clients, une leçon aussi suggérée par l'expérience des receveurs d'argent susu en Afrique Occidentale qui vont également de maison en maison pour recevoir de petits dépôts de façon régulière -- et font payer une lourde commission pour le faire. Des programmes comme SafeSave peuvent-ils être reproduits ? Il y a au moins deux contraintes. D'abord, SafeSave a la capacité de diminuer les coûts considérablement en travaillant dans les bidonvilles très peuplés de Dhaka. Les coûts des visites quotidiennes aux clients sont pour autant beaucoup plus faibles que si les clients vivaient dans des villages dispersés. Cependant il pourrait être possible de visiter les clients quelque peu moins régulièrement -- comme font les receveurs susu -- et offrir quand même beaucoup des avantages d'une collecte quotidienne. Il pourrait également être possible d'installer des «postes bancaires » temporaires sur des marchés toutes les semaines ou toutes les deux semaines de façon à fournir des postes de dépôt où et quand les clients en ont le plus besoin. Cette variation a été établie avec succès par la Bank Kredit Kecamatan en Indonésie. 16 La deuxième contrainte concerne le contrôle : les programmes qui prennent des dépôts devraient être réglementés pour la protection des clients. SafeSave est organisée comme une coopérative, donc tout le poids des lois bancaires de Bangladesh n'est pas en jeu, mais si SafeSave voulait s'élargir et offrir des services financiers supplémentaires, ce programme se trouverait en face d'un nouvel ensemble d'obstacles en comptabilité et administration. Une des raisons pour lesquelles les programmes de micro-finance se sont concentrés jusqu'à présent sur les prêts est que l'environnement juridique pour offrir des services flexibles de collecte de dépôts est souvent intimidant. Par conséquent, une mesure pour aider les ménages à mieux se préparer pour les risques est de réviser les réglementations bancaires en faisant un examen pour voir si les règlements établis pour les grandes banques commerciales peuvent être adaptés pour mieux accommoder les organisations de micro-finance qui sont au service des pauvres. Micro-assurance En reconnaissant les liens entre la pauvreté et la vulnérabilité, de nombreux programmes se tournent maintenant vers la possibilité d'offrir également une « micro-assurance » à leurs clients. Ces programmes visent à remplir partiellement le rôle joué par les sociétés funéraires décrites ci- dessus. La plupart des programmes de micro-assurance sont juste au stade pilote, mais ceux qui offrent des assurances vie semblent déjà prometteurs du point de vue institutionnel. Ceux qui offrent des assurances maladie ont encore du chemin à faire. Une police qui a eu beaucoup de succès est «l'assurance vie de crédit ». À peu de frais cette assurance paie le reste de la dette si le client meurt en laissant un montant impayé, épargnant aux voisins et membres de la famille d'avoir à assumer ce fardeau. Par exemple, l'organisation de micro-finance FINCA à Kampala, dans l'Ouganda, fait payer à ses clients 1 pour cent d'intérêt supplémentaire par mois sur des prêts (élevant le taux d'intérêt de 3 à 4 pour cent par mois) pour payer pour cette couverture (obligatoire) -- en plus de donner des primes supplémentaires en cas de décès pour cause «d'accidents » (par exemple, si un membre de la famille meurt dans un accident, sa famille reçoit 1,2 millions de shillings ougandais -- environ $630). Puisque le risque de décès (et de décès par accident en particulier) est bas, le plan résulte tout à fait rentable pour FINCA et son partenaire, la American Insurance Group, tout en même temps réduisant une source de risque perçue par les clients comme étant importante. Afin de mieux assurer la rentabilité (et de traiter du choix adverse), la plupart des programmes de micro-assurance éliminent ou limitent la couverture pour les clients âgés (les plus de 55, 65 ou 70 ans, selon le plan). Cela contient les coûts mais cela compromet la capacité de renforcer le plus solidement le filet de protection. Pourtant, même avec de telles exclusions, les programmes qui offrent une assurance maladie n'ont pas jusqu'à présent été capables de couvrir leurs coûts. Des programmes comme la Self- Employed Women's Association (Association des femmes indépendantes, SEWA), de Ahmedabad en Inde ont montré la possibilité d'offrir une assurance maladie à bas prix pour les clients pauvres, mais leurs coûts sont élevés. Ici, le risque moral et le choix adverse jouent des rôles plus importants. Alors que les études de marché suggèrent que l'assurance maladie est une priorité plus importante que l'assurance vie, un modèle très réussi reste encore à faire surface. Le 17 mouvement de micro-assurance est néanmoins très jeune et les expériences dans le monde peuvent apporter de nouvelles idées. En même temps il faut se souvenir que tandis que la plupart des institutions de micro-finance servent des clients pauvres, peu d'entre elles travaillent avec « les plus pauvres » -- les personnes âgées, les personnes isolées socialement et les handicapés. La micro-assurance n'est donc probablement pas un bon substitut pour des mesures gouvernementales plus larges, mais peut apporter une aide importante à quelques ménages vulnérables pour qu'ils puissent surmonter les risques de la vie quotidienne. Les questions de réglementation viennent aussi au premier plan lors du développement de produits d'épargne et d'assurance même relativement simples. Les institutions informelles comme celles qui facilitent les transferts entre ménages fonctionnent très bien selon des principes de conduite et d'exécution de contrats qui sont tacites mais bien compris. En fait, le succès de beaucoup d'institutions de micro-finance s'est articulé autour de leur habileté pour se superposer à de tels accords. Mais à mesure que les institutions de micro-finance se penchent sur des contrats d'assurance plus complexes, il y aura besoin proportionnellement de davantage de systèmes complexes de réglementation et de supervision. Beaucoup de travail reste encore à faire dans ce domaine. Alors que l'absence d'une réglementation pourra probablement compromettre un futur développement, il faudra aussi prendre soin d'assurer qu'une réglementation excessive n'étouffe pas l'innovation et l'expérimentation. Assurance contre les intempéries La plupart des ménages vivent à la campagne et les revenus de la plupart des résidents ruraux sont intimement liés à la situation de l'agriculture. De maigres récoltes peuvent créer des revers de grande envergure si les prix n'augmentent pas en compensation. D'un autre côté, les surplus permettent aux ménages de mieux se préparer pour l'avenir. Des compagnies d'assurance de l'État dans le monde entier ont essayé d'offrir des polices d'assurance pour les cultures aux agriculteurs pauvres et, comme Yaron, McDonald et Piprek (1997) le décrivent, elle n'ont pas souvent de succès. Les problèmes les plus graves ont été les coûts élevés à cause de l'incapacité de contrôler le risque moral et le choix adverse ajoutés aux charges administratives de vérifier et de traiter les demandes d'indemnisation. Ayant des ressources limitées, la volonté des agriculteurs pour payer est limitée. Étant donné ces problèmes, il est naturel de se demander s'il y aurait une approche plus simple. Une assurance contre les intempéries est une de ces idées et elle est actuellement testée en Afrique et en Amérique Latine avec le soutien de la Banque mondiale et de l'Institut international de recherche pour la politique alimentaire. L'idée est d'assurer du point de vue de la source des pertes (dans ce cas-ci, peu de précipitations) plutôt que des pertes elles-mêmes (par exemple, faibles récoltes). Un agriculteur qui souscrit à une police d'assurance pour les précipitations, par exemple, paie une prime annuelle et reçoit un dédommagement chaque fois qu'il est déterminé par une station de météorologie que les précipitations sont faibles. Si l'agriculteur s'assure contre un risque de précipitations si basses que cela n'arrive généralement que tous les dix ans, chaque $1 d'assurance souscrit par l'agriculteur annuellement lui donnerait un dédommagement de $10 dans le cas d'une extrême sécheresse (en supposant à titre d'exemple que l'assureur est à un niveau d'équilibre et a des frais de fonctionnement négligeables). La beauté de cet arrangement est que l'ampleur du dédommagement est indépendante de la récolte réelle de l'agriculteur. En principe, l'agriculteur pourrait avoir une bonne récolte, mais 18 recevrait quand même un dédommagement si la quantité des précipitations mesurée est suffisamment basse. Ou bien, l'agriculteur pourrait avoir une mauvaise récolte mais ne pas recevoir de dédommagement si les précipitations à la station météorologique locale sont adéquates. La valeur de l'assurance dépend donc de si la corrélation est élevée entre les revenus de l'agriculteur et la mesure des précipitations. Si la corrélation est très élevée, l'achat d'assurance pour les précipitations peut être profitable. Puisque les acheteurs d'assurance n'ont aucun contrôle sur la quantité des précipitations, les effets directs du risque moral sont éliminés en tant que préoccupation pour l'assureur. Et puisque les caractéristiques des acheteurs ne fait aucune différence pour l'assureur (au contraire de l'assurance maladie pour laquelle la probabilité des maladies pouvant affecter les assurés est importante), le choix adverse cesse également d'être un motif de préoccupation. Ce dernier point signifie aussi que la demande d'assurance peut très bien venir de nombreuses personnes à part les agriculteurs ; par exemple, les grossistes qui dépendent de la production de l'exploitation agricole peuvent également être intéressés, de même que les détaillants qui dépendent de la demande des agriculteurs. Du point de vue de l'assureur, la plus forte contrainte est de trouver la manière d'alléger le poids de prendre de si grandes quantités de risques. Une année de très mauvais temps au Nicaragua, par exemple, pourrait ruiner un assureur. Par conséquent, un marché mondial de réassurance pour les risques d'intempéries est nécessaire ; avec un tel marché les assureurs au Nicaragua pourraient conclure des contrats avec des intermédiaires afin de partager la charge des pertes -- comme les assureurs pourraient le faire contre le mauvais temps au Maroc, en Chine et autres pays. La formation d'un marché actif de réassurance pour les risques associés aux risques d'intempéries pourra donc être un déterminant important pour décider si l'assurance contre les intempéries peut être une réalité généralisée -- et commercialement viable. Conclusions Pour les ménages pauvres les déclins de revenus, même temporaires, peuvent causer de sérieuses difficultés. En l'absence de mécanismes d'assurance, toutes les pertes de revenus devraient être absorbées par des réductions équivalentes en dépenses. Lorsque les niveaux des revenus eux- mêmes suffisent à financer seulement les dépenses en consommations les plus essentielles, toute autre diminution supplémentaire en dépenses peut avoir des effets graves, et dans certains cas catastrophiques, sur le bien-être du ménage. Les membres de la famille malades peuvent ne pas recevoir de soins, les enfants peuvent être retirés de l'école ou la consommation alimentaire peut être diminuée jusqu'à des niveaux qui peuvent entraver les activités habituelles ou retarder la croissance physique ou mentale des enfants. Lorsque les diminutions de revenus sont très graves, les ménages peuvent être forcés de vendre des biens productifs afin de financer la consommation courante en diminuant ainsi les niveaux de revenus prévus pour l'avenir. En réponse de quoi, les spécialistes en développement et les responsables de la politique se sont de plus en plus tournés vers la vulnérabilité tant comme un symptôme de pauvreté que comme une source de pauvreté. En évaluant les options de politique, il faudrait d'abord remarquer que les ménages ont de nombreux mécanismes informels pour contrôler les risques, mais beaucoup d'entre eux comportent des coûts (mais pas toujours immédiats ou faciles à voir) élevés. Par conséquent, la politique doit prendre en compte l'élimination potentielle de ces mécanismes informels, mais on ne peut pas supposer que cette élimination sape sérieusement la 19 politique -- et l'élimination peut même être désirable lorsque le programme public est plus efficace et équitable que les solutions informelles. Le secteur commercial privé et les ONG axées sur le marché ont potentiellement des rôles de valeur à jouer en aidant les ménages aux petits revenus à s'assurer, particulièrement en ce qui concerne l'augmentation de leurs épargnes et l'obtention d'assurance sur la vie et les intempéries. Cependant actuellement la plupart des programmes restent de petite envergure -- contraints en grande partie par des réglementations inappropriées et le manque d'institutions mondiales pour diversifier efficacement les risques régionaux. Avec les deux en place, les institutions locales en faveur des pauvres peuvent se développer. Organiser depuis la base en ayant les institutions adéquates dirigées par les autorités en place est clairement une grande aide. 20 Références Le mot polycopié décrit des ouvrages reproduits de façon informelle et peuvent ne pas être disponibles dans les bibliothèques. Bardhan, Pranab. 1984. Land, Labor, and Rural Poverty: Essays in Development Economics. Oxford: Oxford University Press. Binswanger, Hans, and Mark Rosenzweig. 1993. "Wealth, Weather Risk and Composition, and Profitability of Agricultural Investments." Economic Journal 103(1): 56­78. Bliss, Christopher., and Nicholas Stern. 1982. Palanpur: The Economy of an Indian Village. Oxford: Oxford University Press. Chinowaita, M. 2000.."Elderly People Suffering in Silence." The Zimbabwe Standard (Harare), February 6. Cox, Donald., and Emmanuel Jimenez. 1995. "Private Transfers and the Effectiveness of Public Income Redistribution in the Philippines." 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