86489 THE WORLD BANK Bureau de l’économiste en chef Numéro 2 Janvier 2014 Le ralentissement de la croissance accentue la nécessité des réformes FAITS MARQUANTS Les économies de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) ont été frappées de plein fouet par les tensions régionales persistantes, ainsi qu’un environnement extérieur difficile (quoiqu’en légère amélioration). La croissance économique ralentit, les marges de manœuvre budgétaires s’épuisent, le chômage augmente et l’inflation s’accroît dans sept des économies les plus vulnérables de la région — Égypte, Tunisie, Iran, Liban, Jordanie, Yémen et Libye. Les mesures de politique à court terme, comme les hausses des salaires du secteur public et les subventions (visant à réduire les tensions sociales) exacerbent la situation, qui est induite par des lacunes structurelles de longue date, notamment les rigidités du marché du travail, les réglementations compliquées et opaques, les insuffisances de l’infrastructure, les subventions régressives et inefficaces et les filets de protection sociale insuffisants. Ces pays sont confrontés à un environnement politique et macroéconomique instable, mais le ralentissement de la croissance au lendemain du Printemps arabe offre l’occasion unique de régler ces problèmes structurels en vue de dégager une marge de manœuvre budgétaire et de restructurer l’économie en l’orientant vers la création d’emplois et la réalisation de la croissance solidaire. Croissance du PIB réel (%) Égypte Tunisie Iran Liban Jordanie Yémen Libye 2010 (avant le Printemps arabe) 5,1 3,1 5,9 7,0 2,3 7,7 5,0 2011 1,8 -1,9 1,7 3,0 2,6 -12,7 -62,1 2012 2,2 3,6 -3,0 1,4 2,7 2,4 104,5 Dernier trimestre 1,0 2,7 … 2,5 2,8 … … 2013f 2,1 2,6 -2,1 1,5 3,1 3,0 -6,0 2014p 3,0 3,0 1,0 1,5 3,5 6,0 23,0 Taux de chômage (%) Égypte Tunisie Iran Liban Jordanie Yémen Libye 2011 11,8 18,9 12,3 … 12,9 … 20,7 2012 12,6 17,6 15,0 … 12,2 … 19,5 Dernier trimestre 13,4 15,7 … … 14,0 … … 2013f 13,3 16,7 15,3 13,0 … … 15,0 2014p 13,9 16,0 15,0 … … … … Taux d’inflation (%) Égypte Tunisie Iran Liban Jordanie Yémen Libye 2011 11,0 5,0 20,6 5,7 4,4 19,5 15,9 2012 8,6 5,5 29,4 5,7 4,8 9,9 6,1 Dernier trimestre 11,7 6,1 … … 6,1 14,1 3,6 2013f 6,9 6,2 35,7 3,8 5,2 12,0 4,2 2014p 10,2 5,5 22,5 3,2 3,8 12,0 4,9 Sources : Banque mondiale et sources officielles. Le rapport a été préparé par Lili Mottaghi (économiste) au bureau de l’économiste en chef de la Banque mondiale, sous la direction de Shanta Devarajan (économiste en chef, région Moyen-Orient et Afrique du Nord). Nous tenons à remercier de leurs précieuses observations Jean-Luc Bernasconi, Eric Le Borgne, Nada Choueiri, Wissam Harake, Elena Ianchovichina, Ibrahim Jamali, Ahmed Kouchouk, Thomas Blatt Laursen et Samer Naji Matta. Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA ÉGYPTE 2007/08Q1 2008/09Q2 2009/10Q3 2010/11Q4 2012/13Q1 2013/14Q2 8 Depuis août 2013, l’actuel gouvernement par intérim a annoncé deux programmes de relance 6 économique pour un montant total de 8,7 milliards de dollars. Le premier a été lancé en 4 août et représentait 1 % du PIB (4,3 milliards de 2 dollars) ; le second devrait être annoncé au début de février 2014. Ces programmes sont 0 financés par des économies budgétaires et l’aide de l’Arabie Saoudite, du Koweït et des -2 GDP growth, Croissance du Émirats arabes unis. Les deux programmes percent PIB, pourcentage -4 visent à réaliser une expansion de l’économie à court terme grâce à l’augmentation de 2012/13Q1 2012/13Q2 2012/13Q3 2012/13Q4 2012/13 l’investissement public et des salaires du 4 secteur public. L’objectif consiste à stimuler la croissance pour la porter au niveau de 3,5 % 2 2.9 durant l’exercice en cours (s’achevant en juin 1.7 0 2014) et à réduire le déficit budgétaire de -1.7 -1.8 13,7 % à 9,1 % du PIB. Les programmes de -2 relance sont intégrés dans un plan de -4 développement, la vision 2022 de l’Égypte, dont Investissement total, l’objectif consiste à réaliser la croissance -6 -7.9 variation en pourcentage durable et solidaire à moyen terme en -8 investissant dans le capital humain, plus particulièrement dans l’éducation, la formation, les soins de santé et les technologies. Dans le cadre du plan, le taux de croissance devrait 14 6 augmenter à 5-7 % à moyen terme grâce à 13.9 l’accroissement des investissements du secteur 12 13.4 12.6 5 privé et à l’amélioration de l’infrastructure des 11.8 10 technologies de l’information. 4 8 9.2 Néanmoins, la croissance du PIB réel en Égypte 3 stagne autour de 2 % et devrait rester faible en 6 2014. Cette situation est essentiellement 2 4 imputable au niveau inférieur de l’investissement durant l’exercice 2012/2013 2 1 par rapport aux exercices précédents, traduisant la position attentiste des 0 0 investisseurs nationaux comme étrangers. 2010 2011 2012 2013e 2014p L’investissement total a régressé de 2 %, à Taux de chômage, % Croissance du PIB (RHS, %) 14,2 % du PIB durant l’exercice 2012/2013 certains signes d’amélioration. Les données contre 16,4 % et 17,1 % du PIB durant les officielles indiquent que l’Égypte a attiré au exercices 2010/2011 et 2011/2012 total 9,2 milliards de dollars d’apports d’IDE au respectivement. L’investissement direct cours des trois dernières années (3 milliards de étranger (IDE) n’a pas encore retrouvé ses dollars en 2013). Traditionnellement, les niveaux d’avant la révolution, mais il montre Numéro 2 Janvier 2014 2 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA entrées d’IDE en Égypte se chiffraient à environ 11 % en 2012. Qui plus est, ces subventions 9 milliards de dollars par an. étaient réparties de façon disproportionnée et bénéficiaient plus aux riches qu’aux pauvres. En raison de la faible croissance économique, C’est ainsi qu’une étude de la Banque mondiale les taux de chômage sont en augmentation, a établi qu’en Haute-Égypte rurale, le quintile le atteignant 13,4 % au troisième trimestre de plus aisé recevait par habitant environ 48 % de 2013, soit 0,1 % de plus qu’au trimestre subventions alimentaires de plus que le groupe précédent. Ce chiffre de chômage ne porte que le plus pauvre. sur les travailleurs enregistrés et ne tient pas compte de l’économie informelle où le taux serait supérieur au taux officiel. Rien qu’au cours de la période de juillet à septembre 2013, l’Égypte a enregistré 30 000 nouveaux chômeurs, du fait de l’instabilité politique persistante et de l’escalade de la violence. D’après les données officielles, 700 000 à 800 000 nouveaux chercheurs d’emploi font leur entrée sur le marché chaque année, dont certains viendront grossir le nombre déjà élevé de chômeurs, qui s’établit à 3,6 millions. D’après les estimations de la Banque mondiale, l’économie doit réaliser un taux de croissance d’au moins 6 % pour avoir le moindre effet sur le taux de chômage à l’horizon 2020. L’écart entre les taux de chômage des femmes et des hommes, qui existait avant la révolution de 2011, s’est considérablement creusé. Le taux de chômage s’établissait à 9,8 % chez les hommes, contre 25,1 % chez les femmes à la fin de septembre 2013. Les données de l’enquête récente sur le travail en Égypte montrent que Les besoins financiers du pays demeurent 74 % environ des chômeurs sont âgés de 15 à considérables, en dépit d’annonces de 29 ans, dont 42 % se trouvent dans le groupe contributions des pays du Golfe, d’une valeur d’âge de 20 à 24 ans. Plus de 76 % des de 16 milliards de dollars. Les besoins financiers chômeurs sont instruits, dont 30 % sont sont toujours satisfaits par prélèvements sur les titulaires de diplômes universitaires et plus. réserves internationales (qui couvraient, avec La politique budgétaire expansionniste du l’aide reçue du Golfe, 4 mois d’importations en gouvernement, conjuguée à l’augmentation de décembre 2013) et par accumulation de la dette la dette intérieure, ne laisse guère de marge publique. Les données officielles montrent que pour le financement du secteur privé. la dette de l’État à elle seule a augmenté de 6 % L’explosion des subventions des denrées au troisième trimestre de l’exercice 2013, par alimentaires et des carburants (se chiffrant au rapport au deuxième trimestre de la même total à près de 9 % du PIB et 30 % des dépenses année, et devrait atteindre un niveau record de publiques) maintient le déficit budgétaire à un près de 85 % du PIB à la fin de l’exercice niveau plus élevé qu’auparavant, à un taux sans 2013/2014. précédent de 13,7 % du PIB en 2013, contre Numéro 2 Janvier 2014 3 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA Les fonds du Golfe ont renforcé les réserves, créant une marge de manœuvre pour l’assouplissement de la politique monétaire. Au début de décembre, la Banque centrale a réduit de 0,5 % (pour la troisième fois depuis juillet 2013) le taux des dépôts au jour le jour et des prêts, en vue de promouvoir l’investissement. La monnaie nationale s’est légèrement renforcée. D’après des données officielles, la livre égyptienne (EGP) est passée à 6,89 contre Source : Banque mondiale et FMI. le dollar EU à la fin de décembre, après avoir dégringolé à 7,03 au début d’août. Cependant, l’entrée et la croissance de nouvelles pratiquement rien n’a changé sur les marchés entreprises. Sur la base des indicateurs de la parallèles (noirs) à terme, où le taux de change facilité de faire des affaires, l’Égypte se trouve de l’EGP reste plus faible que le taux officiel. dans la moitié inférieure de tous les pays classés (109e sur 183 en 2013). Les longues formalités L’inflation reste élevée. Les données mensuelles bureaucratiques représentent l’une des établies par l’agence CAPMAS (Central Agency principales difficultés auxquelles se heurte le for Public Mobilization and Statistics) indiquent secteur privé. Par exemple, pour les formalités que le taux annuel de chômage a plus que d’obtention de permis de construire ou doublé, à 11,7 % en décembre 2013 (contre l’application de contrats commerciaux, l’Égypte 4,7 % au cours du même mois de l’année se classe pratiquement à la fin de la liste. précédente). L’augmentation de l’inflation est essentiellement imputable aux hausses des prix Enfin, les lacunes économiques dans les des denrées alimentaires, du logement et des principaux secteurs entravent les possibilités services d’alimentation. Les données d’emploi pour le grand nombre de chômeurs, préliminaires de la Banque mondiale indiquent de même que pour les nouveaux venus sur le que, si la situation économique actuelle marché du travail. Une forte proportion de la persiste, l’inflation restera élevée, à quelque population est entrée dans le secteur informel, 10,2 % au cours de l’exercice 2013/2014, du fait sans accès aux prestations de la sécurité sociale. de l’augmentation des prix alimentaires, de la Ces lacunes amènent en outre un grand nombre baisse de la production, des politiques de personnes à vivre plus près du seuil de expansionnistes et des répercussions de pauvreté, les rendant vulnérables aux chocs l’augmentation des salaires du secteur public. exogènes. Les données officielles montrent que les taux de pauvreté sont élevés, en particulier L’économie égyptienne est en butte à plusieurs dans les zones rurales. L’indice numérique de lacunes structurelles de longue date. Tout pauvreté (nombre de personnes vivant en d’abord, l’économie a connu des décennies de dessous du seuil national de pauvreté de 3 920 sous-investissement, en particulier dans livres (569 dollars) par personne par an) est l’industrie et l’infrastructure. L’investissement passé à 26,3 % en 2012/2013 contre 25,2 % en demeure faible et sa part du PIB n’a cessé de 2010/2011. L’indice numérique de pauvreté diminuer. Ensuite, il est établi (Diwan, Keefer et extrême définie comme un revenu de 3 570 Schiffbauer, 2013)1 que le secteur privé est livres (518 dollars) par personne a décuplé dominé par des entreprises qui ont des liens après la révolution de 2011, atteignant 4,4 % en politiques et qui ont pratiquement bloqué 2012/2013. 1 Cronyism and private sector growth in Egypt, Banque mondiale. Numéro 2 Janvier 2014 4 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA TUNISIE 2011Q1 2011Q3 2012Q1 2012Q3 2013Q1 2013Q3 7 Croissance GDP du PIB (trimestrielle, pourcentage) growth (quarterly,… Après des mois d’impasse politique pendant la 5 majeure partie de 2013, la classe politique 3 tunisienne a commencé à avancer. Suite à un arrangement consensuel entre les principaux 1 -1.9 3.6 2.6 3.0 (2012) partis politiques, négocié en décembre par les -1 (2013e) (2014p) principales organisations de la société civile, un -3 Premier ministre par intérim a été nommé en Les taux de croissance annuels sont indiqués janvier, la Constitution a été approuvée par -5 l’Assemblée nationale constituante et un gouvernement de transition chargé de finaliser la nouvelle Constitution, la Loi électorale et d’organiser les élections générales, a été annoncé. Cependant, les difficultés d’ordre politique et sécuritaire continuent de peser lourdement sur l’économie. La reprise de la croissance qui a été observée au second semestre de 2012 ne s’est pas maintenue en 2013 suite à un ralentissement considérable au troisième trimestre de 2013 ; et les perspectives de reprise en 2014 demeurent sombres. Les Source : Sources officielles nationales. données trimestrielles indiquent que la croissance du PIB réel a régressé à 2,8 % en moyenne au cours des neuf premiers mois de extérieur (FIPA), malgré leur accroissement au 2013, contre 3,8 % à la même période en 2012. cours des 10 premiers mois de 2013 par rapport La Banque mondiale a revu à la baisse ses à la même période en 2012, les entrées d’IDE prévisions de croissance pour 2013, de 3 % à demeurent inférieures aux niveaux de la 2,6 %. Dans le cadre du scénario d’apaisement période avant la révolution. Seule une légère des tensions politiques et de la reprise dans la reprise a été observée dans l’industrie zone euro, elle prévoit un taux de croissance de manufacturière, essentiellement dans le secteur l’ordre de 3 % en 2014. de l’électricité et l’industrie alimentaire. Le secteur des services a subi la plus forte baisse L’investissement, en particulier l’IDE, stagne, les de l’investissement (de 22 %), suivi du secteur investisseurs attendant de voir l’évolution de la industriel (5 %) et de l’énergie (4,3 %). La baisse situation. D’après les données publiées par de l’IDE était essentiellement imputable à la l’Agence de promotion de l’investissement diminution des entrées en provenance de la France, la plus grande source pour la Tunisie, entre 2008 et 2012. Les entrées d’IDE français ont chuté de 1 105 projets en 2008 à 714 en 2012, soit une baisse de 35 %. La marge de manœuvre budgétaire de la Tunisie se rétrécit rapidement suite à la politique budgétaire expansionniste qui a été étendue à 2013. Les dépenses courantes sont passées de 17,8 % du PIB en 2010 à un niveau estimé à Numéro 2 Janvier 2014 5 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA 24,6 % en 2013, soit une augmentation de 7 %, à-vis de l’euro et de 7,1 % vis-à-vis du dollar EU, alors que le montant total des recettes à la fin d’août 2013. publiques est en baisse. Le déficit global des finances publiques est resté élevé et devrait atteindre 6,2 % du PIB en 2013 (sur la base des engagements, contre 0,6 % du PIB en 2010), situation essentiellement imputable à l’accroissement de la masse salariale et des subventions. En effet, les dépenses consacrées aux transferts et aux subventions ont explosé, et devraient atteindre un niveau record de 7,6 % du PIB en 2013 contre seulement 3,6 % en 2010. Les données officielles montrent que les dépenses totales consacrées aux subventions Taux d'inflation 7 1.8 ont plus que triplé de 2010 à 2013. Plus des Taux de change (TND/US$), RHS deux tiers des subventions sont accordées à 6 6.2 1.7 l’énergie, l’autre tiers allant aux produits de 5.5 5.5 5 première nécessité. La Banque mondiale 5.0 1.6 4.7 prévoit que le déficit budgétaire pourrait 4 dépasser 7 % du PIB si le gouvernement ne 1.5 3 prend pas les premières mesures pour 1.4 rationaliser les subventions de l’énergie et 2 mettre en place des mesures de contrôle 1.3 1 budgétaire. L’augmentation du déficit a aggravé les pressions inflationnistes depuis 2012. À la fin 0 1.2 de 2013, l’inflation devrait avoir atteint 6,1 % 2010 2011 2012 2013e 2014p contre 5,6 % en moyenne en 2012 et 3,3 % Source : Sources officielles nationales. entre 2000 et 2010. Le déficit du compte courant a continué de se Certains signes positifs montrent que le taux de creuser en 2012 et 2013 en raison de la chômage est en baisse par rapport à son niveau demande européenne léthargique et la record au lendemain du printemps arabe. Les stagnation des recettes du tourisme et des données officielles dénotent un taux de envois de fonds de migrants. En particulier, les chômage de 15,7 % (correspondant à 620 600 exportations de textiles, l’une des principales personnes sans emploi) au troisième trimestre industries d’exportation de la Tunisie, se sont de 2013, soit une baisse de 0,2 % par rapport au trimestre précédent et 1,3 % par rapport à la contractées de 7,1 %. Au cours des huit premiers mois de 2013, les recettes du tourisme même période en 2012. étaient inférieures de l’ordre de 10 % par rapport à l’année précédente (en valeur réelle). Le chômage demeure élevé parmi les diplômés Les réserves brutes devraient diminuer à de l’université, à 33,5 % au troisième trimestre 7 milliards de dollars en 2013 (contre de 2013 comparé à 31,6 % au deuxième 11 milliards de dollars en 2009), équivalent à la trimestre. Le taux est même plus élevé parmi couverture de trois mois d’importations. De ce les jeunes instruits. L’écart entre les sexes s’est fait, le dinar tunisien s’est déprécié de 6,6 % vis- creusé : les taux de chômage sont nettement plus élevés chez les femmes (23 %) et en Numéro 2 Janvier 2014 6 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA particulier les femmes instruites (43,5 % des femmes diplômées) et dans les régions reculées. 20 30 L’augmentation du chômage au lendemain du 16 25 Printemps arabe était imputable en grande 20 partie à la réduction des emplois saisonniers 12 dans le secteur du tourisme et au retour d’un 15 grand nombre de Tunisiens de la Libye. Le taux 8 10 devrait rester élevé, entre 15 % et 16 % en 4 2014, dans la mesure où le secteur public et les 5 compagnies paraétatiques ont été les 0 0 principaux inducteurs de la réduction du Taux de chômage total Hommes (%, RHS) chômage entre 2012 et 2013. D’après les Source : Sources officielles nationales. estimations de la Banque mondiale, l’économie tunisienne doit enregistrer un taux de croissance d’au moins 4,5 % pour réduire le taux de chômage à l’horizon 2020. Sur le moyen terme, l’objectif du gouvernement consiste à réduire le chômage en créant 50 000 emplois au cours des cinq prochaines années. Par exemple, le projet Smart Tunisia (Tunisie Intelligente), approuvé fin novembre par le Conseil des ministres, vise à attirer l’investissement étranger et national, en particulier dans le domaine des TIC, et à créer des emplois pour les jeunes instruits. Il subsiste des lacunes structurelles, qui pourraient retarder les perspectives de reprise de la croissance, si elles n’étaient pas éliminées rapidement. Les disparités sociales et économiques entre les régions demeurent les principaux enjeux économiques de la Tunisie. Le renforcement du secteur bancaire et le développement du marché financier intérieur figurent parmi les principales priorités structurelles qui seront nécessaires au financement des activités d’investissement. Cet objectif peut être atteint grâce à des améliorations du climat de l’activité économique en vue de promouvoir l’investissement privé. Numéro 2 Janvier 2014 7 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA IRAN Avec l’élection du président appuyé par les réformateurs, l’Iran semble être entré dans une nouvelle ère de politique étrangère. Depuis son arrivée au pouvoir, le nouveau gouvernement favorise l’abandon de la politique du gouvernement précédent consistant à se tourner vers l’Est. Il accorde la priorité à la réduction de l’incompréhension et des tensions inutiles dans les relations avec l’Occident, en particulier les États-Unis, grâce à des mesures de restauration de la confiance. À cet égard, le groupe P5+1 (États-Unis, Grande-Bretagne, Chine, Russie, France et Allemagne) et l’Iran sont parvenus, fin novembre à Genève, à un accord intérimaire sur le programme controversé du nucléaire iranien. L’accord est conclu pour six mois et pourrait aboutir à une garantie à long terme que l’Iran ne produira pas d’armes nucléaires. En retour, l’Iran bénéficiera d’un certain assouplissement des sanctions internationales, notamment celles qui portent sur les exportations d’or et de produits pétrochimiques, et le déblocage des recettes pétrolières iraniennes se chiffrant à près de 4 milliards de dollars. En outre, la situation sociale intérieure a subi de profonds changements. Le président a défini un programme garantissant la liberté personnelle et le droit à la vie privée pour les Iraniens et s’est engagé à mettre en place, dans un proche avenir, une commission des droits des citoyens. Sources : Sources officielles nationales et EIU. De nombreux militants de premier plan et des notamment à donner plus d’autonomie à la prisonniers politiques ont été libérés ; la vitesse banque centrale, réformer le système fiscal, à d’accès à l’internet et sa disponibilité ont été stabiliser la monnaie nationale sur le marché, à améliorées, plusieurs nouveaux ministres rétablir l’Organisation de gestion et de adoptant Facebook et Twitter ; les mesures de planification qui était chargée d’élaborer le restriction des agences de presse et des budget de l’État et les plans de développement journaux ont été atténuées ; et de nombreux quinquennaux, et à ouvrir le secteur pétrolier partisans de la ligne dure ont été remplacés par aux compagnies étrangères aux fins des technocrates à la tête des principales d’investissement et d’assistance technique. universités iraniennes. Afin d’inverser l’engrenage à la baisse de Cependant, une reprise économique rapide l’économie, le gouvernement a annoncé semble utopique, car divers indicateurs plusieurs mesures. Celles-ci consistent dénotent une situation économique Numéro 2 Janvier 2014 8 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA désastreuse. La croissance s’est contractée deux dépit du faible taux de pauvreté pour années de suite (-3 % et -2,1 % en 2012 et 2013 l’ensemble de l’économie. respectivement) et les perspectives sont peu prometteuses pour l’année prochaine. Les Le pays a pris certaines initiatives visant à exportations pétrolières ont diminué de moitié diversifier l’économie, en développant la et le système financier demeure entravé, en production dans d’autres secteurs, notamment partie à cause des sanctions internationales. la pétrochimie, mais l’économie continue d’être L’économie est éprouvée par la forte inflation. fortement tributaire du pétrole. En 2012, le Les données officielles communiquées par le pétrole représentait environ 30 % du PIB, 80 % Centre de statistique montrent que l’inflation a des exportations et 70 % des recettes atteint 35 % à la fin de décembre et devrait budgétaires. L’indice de Herfindahl établi par la rester à ce niveau à la fin de l’exercice en cours CNUCED montre que, de 1995 à 2012, la valeur (mars 2014). Les prix des denrées alimentaires de l’indice a tourné autour de 0,7, ce qui est et de l’immobilier, en particulier, ont explosé. nettement supérieur au niveau de 0,1 établi Les taux de chômage restent à deux chiffres, à pour les pays en développement et pour le 12,2 % en octobre, celui des jeunes se chiffrant reste du monde, à l’exception des pays à 26 %. Le taux de chômage chez les femmes a d’Afrique de l’Ouest2. L’économie a été atteint 50 % dans certaines villes en dehors de déstabilisée par la dépendance persistante à la capitale (Téhéran). Le taux moyen officiel du l’égard des recettes pétrolières, conjuguée à la chômage chez les femmes à Téhéran est de forte instabilité des prix du pétrole, en plus des 21,6 %. Le déficit budgétaire devrait se creuser, diverses sanctions imposées sur les à 5,2 % du PIB en 2013 contre 4,7 % en 2012, en exportations de pétrole. La croissance du PIB raison de la forte baisse des recettes réel a considérablement fluctué au cours des d’exportations pétrolières. Sur un plan positif, dernières décennies, plus particulièrement l’approche modérée du gouvernement après le resserrement des sanctions concernant les affaires intérieures et internationales en 2012. extérieures a déjà incité le marché à réviser ses attentes, ce qui a réduit la spéculation sur le Le secteur privé est le secteur résiduel. Ses taux de change du marché intérieur. La possibilités de croissance sont fortement monnaie iranienne, qui a perdu 80 % de sa limitées par la taille importante des secteurs valeur vis-à-vis du dollar depuis mars 2012, a public et parapublic (Bonyads et les Gardiens de regagné une partie de cette valeur en décembre la révolution3) avec leurs privilèges 2013. monopolistiques dans les domaines politiques et économiques. Les indicateurs de la facilité de Les perspectives économiques continuent faire des affaires classaient l’Iran pratiquement d’être entravées par les lacunes structurelles, en fin de liste, au 147e rang sur 183, en 2013. qui existaient avant le récent conflit du L’un des obstacles à l’amélioration de l’activité nucléaire, et qui comprennent : i) la mauvaise du secteur privé est l’accès au crédit et aux gestion de la richesse pétrolière et l’absence de devises, qui sont essentiellement accordés à diversification économique, ii) de grandes entreprises publiques et parapubliques qui 2 L’indice de concentration (allant de 0 à 1) dénote dans quelle entravent le développement du secteur privé – mesure les exportations et les importations d’un pays sont concentrées. Une valeur de l’indice voisine de 1 dénote un les obstacles à l’exercice de l’activité marché très concentré et des valeurs proches de 0 dénotent un économique sont nombreux, iii) un taux de marché homogène. 3 Bonyads (organisation caritative, fondée après la révolution) et chômage élevé et chronique, en particulier les Gardiens de la révolution islamique, qui se sont développés parmi les femmes et les jeunes, et iv) un sous l’ancien président, représentent les plus puissants acteurs nombre croissant de personnes vulnérables économiques dans l’économie et dominent les secteurs de l’énergie, du bâtiment et des banques. Ils ont de vastes pouvoirs vivant juste au-dessus du seuil de pauvreté, en monopolistiques et relèvent directement du Guide suprême. Numéro 2 Janvier 2014 9 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA l’élite dans les secteurs public et parapublic. Par ailleurs, les lois et règlements relatifs aux mesures de protection des investisseurs ne sont pas précis et, dans certains cas, limitent l’aptitude de ceux-ci à mobiliser des capitaux. Le climat de l’investissement n’attire pas les investisseurs étrangers. Les données de la Banque mondiale indiquent que l’Iran avait la plus faible proportion d’IDE dans le PIB par rapport à l’ensemble de la région, à 1 % 35 environ. 34.38 30 Incidence (pourcentage) Le chômage chronique est l’un des problèmes 25 épineux du pays. Les données officielles font 20 état d’un taux de chômage de 12,3 % en 2012, 15 Seuil de pauvreté/par jour ce qui est probablement une sous-estimation. 14.57 10 L’écart entre les taux de chômage des femmes 8.89 5 et des hommes s’est également creusé. Le taux 0.71 4.24 de chômage des femmes, de 21,6 %, est le 0 $1.25 $2.00 $2.50 $3.00 $4.00 double de celui des hommes. Le taux de Source : Banque mondiale. chômage est élevé chez les jeunes (15-24 ans), à 26 % en 2013, alors qu’il est nettement Toutefois, le nombre de personnes vulnérables supérieur pour les jeunes femmes (à 42,7 %). vivant juste au-dessus du seuil de pauvreté Les facteurs sous-jacents du chômage s’accroit lorsque le seuil de pauvreté augmente chronique comprennent un taux légèrement au-dessus du niveau de 1,25 dollar inhabituellement élevé de croissance de la par jour. La répartition des revenus s’est main-d’œuvre (3,5 % en moyenne) induite par améliorée (le coefficient de Gini a légèrement l’explosion démographique, la participation diminué) suite à la suppression des subventions accrue des femmes à la main-d’œuvre (15 %) et des denrées alimentaires et des combustibles une réorientation de la répartition des en 2012 et leur remplacement par des qualifications dans la main-d’œuvre vers les transferts en espèces à près de 80 % de la qualifications supérieures, qui ne correspond population, mais un grand nombre de pas à la composition sectorielle de l’économie. personnes se trouve toujours dans une situation Au plan de la demande, les demandeurs vulnérable. Une augmentation de 0,5 dollar du d’emploi instruits recherchent constamment les seuil de pauvreté (de 2 à 2,50 dollars et de 3 à emplois du secteur public parce que le secteur 3,50 dollars) pourrait accroître de 4 à 6 % la privé est modeste et n’a pas pu évoluer en population (plus de 4,5 millions de personnes) raison de diverses contraintes liées à la vivant dans la pauvreté. Cela donne à penser réglementation de l’activité des entreprises. qu’un grand nombre de personnes sont Le taux de pauvreté de base est faible, mais une vulnérables aux chocs exogènes ou aux forte proportion de la population vit près du changements de leur situation personnelle. seuil de pauvreté. D’après les données de la L’augmentation des taux de chômage et Banque mondiale, 0,7 % seulement de la d’inflation et ses répercussions immédiates sur population (un demi-million de personnes) les conditions de vie de la population sont les vivait en 2010 au-dessous du seuil de pauvreté, facteurs importants, parmi d’autres, qui de 1,25 dollar par jour (PPP). contribuent à l’aggravation de la situation de la pauvreté en Iran. Numéro 2 Janvier 2014 10 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA LIBAN 8.0 7.4 Growth in economic Croissance de l’activité économique La situation économique du Liban est de plus en activity (coincident… 6.0 (indicateur simultané) plus affectée par des tensions internes et 4.6 externes. Au plan intérieur, un vide 3.8 4.0 institutionnel s’est créé après la démission du gouvernement en mars et la mise en veilleuse 2.0 de la formation d’un nouveau gouvernement, en raison de la situation régionale et du conflit 1.3 syrien. Cette situation pèse lourdement sur 0.0 l’économie libanaise qui pâtit déjà d’une -0.5 croissance léthargique, d’un déficit budgétaire -2.0 qui se creuse et d’une dette publique -2.8 grandissante. La situation déjà difficile a été -4.0 exacerbée par l’afflux massif de réfugiés syriens, estimés à près de 866 000 en 2013, soit environ 20 % de l’ensemble de la population du Liban. 25 Déficit du compte courant, % 150 Les réfugiés vont dans tout le pays, les plus fortes concentrations se trouvant dans l’est et du PIB 20 Ratio dette/PIB (RHS) 145 le nord du Liban, où vivent les ménages agricoles pauvres. La taille grandissante de la Déficit budgétaire, % du PIB population des réfugiés devrait avoir des 15 140 répercussions sur la croissance économique, augmenter la pauvreté et le chômage parmi les 10 135 Libanais et aggraver un déficit budgétaire déjà élevé (estimé à 10 % du PIB en 2013) dans un 5 130 pays en butte à une dette publique importante, évaluée à près de 137 % du PIB en 2013. Dans ces conditions, la Banque du Liban (BDL) 0 125 compte introduire un nouveau programme de 2009 2010 2011 2012e 2013p 2014p 800 millions de dollars pour stimuler l’activité économique, plus particulièrement dans le secteur de l’immobilier. 25.0 Variation en 21.5 Le rythme de croissance économique demeure 20.0 pourcentage des très lent. D’après les données officielles, 15.0 arrivées de touristes… l’activité économique, mesurée par l’indicateur simultané (estimations mensuelles du PIB 10.0 9.7 établies par la BDL), a stagné autour de 2,5 % au 6.2 premier semestre de 2013, de même que le 5.0 taux de croissance enregistré au premier 0.0 semestre de 2012. Le rythme de l’activité est -0.9 resté lent dans le secteur de l’immobilier, qui -5.0 -4.4 représente 13 % du PIB. D’après les données -5.9 -10.0 officielles, au cours des 10 premiers mois de 2013, le nombre de permis de construire a diminué de 10 % et celui des Source : Sources officielles nationales. Numéro 2 Janvier 2014 11 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA dépassé 140 % du PIB. Le déficit des finances publiques est resté dans la fourchette de 7 à transactions immobilières de 6 % par rapport à 9 % au cours des cinq dernières années. Il la même période de l’année dernière. Le ressort des données trimestrielles que le déficit secteur du tourisme continue d’être éprouvé budgétaire a grimpé de plus 67 % en juin, suite par l’aggravation du climat d’insécurité dans le à la hausse permanente des dépenses pays. Le nombre d’arrivées de touristes a publiques, qui a été introduite en 2012 et diminué de 4,9 % au troisième trimestre de prolongée en 2013. D’après les données du 2013 par rapport à la même période de l’année ministère des Finances, le déficit s’est chiffré à précédente. Cette situation est en grande partie près de 1,9 milliard de dollars au cours des six imputable à la diminution continue du nombre premiers mois de 2013, contre un déficit de de visiteurs provenant des pays arabes, les l’ordre de 1,1 milliard de dollars au cours de la gouvernements déconseillant aux citoyens de même période en 2012, soit une augmentation se rendre au Liban, en particulier après le de 68 % rien qu’en six mois. Le déficit récent incident survenu à l’Ambassade d’Iran à budgétaire devrait rester élevé en 2013 et 2014, Beyrouth et la bombe qui a tué Mohamad avoisinant 10 % du PIB. Chatah, l’ancien ministre des Finances. Les estimations préliminaires de la Banque Les problèmes structurels de longue date ne mondiale donnent à penser que la croissance sont toujours pas résolus. Ils comprennent restera faible, à environ 1,5 % en 2013 et 2014, notamment les lacunes de l’infrastructure, les soit un niveau nettement inférieur aux insuffisances des services publics, les potentialités. établissements publics surpeuplés et l’accès limité aux dispensaires et hôpitaux publics pour Tout comme dans le reste de la région MENA, le les populations à faible revenu, en particulier chômage au Liban demeure élevé. Les dans les zones rurales. Par ailleurs, l’afflux de estimations du ministère du Travail indiquent réfugiés sollicite tous ces secteurs à la limite de un taux de chômage de l’ordre de 12 à 13 % en leurs possibilités. L’inadéquation des 2013. Le taux est deux fois plus élevé chez les qualifications, les rigidités du marché du travail jeunes de moins de 25 ans, de même que chez et les salaires minimums élevés se traduisent les personnes instruites. Le grand nombre de par des inefficacités du marché du travail. Une réfugiés syriens arrivant sur le marché du travail enquête a établi que les entreprises considèrent du Liban continue d’augmenter la main- les qualifications comme le principal obstacle à d’œuvre, ce qui ne permet guère une réduction leurs activités. Les employeurs considèrent du taux de chômage. D’après les estimations, également la réglementation du travail, l’afflux de Syriens pourrait accroître la main- notamment la couverture en cas de cessation d’œuvre de près de 30 et 40 % en 2013 et 2014 de service, comme un obstacle à l’emploi. Suite respectivement. Le niveau de l’emploi informel à la hausse des salaires approuvée récemment, est élevé et a augmenté ces derniers temps. Les le salaire minimum sera parmi les plus élevés de estimations du FMI montrent que plus du tiers la région, bien qu’il soit globalement conforme des personnes employées se trouve dans le à la moyenne régionale lorsqu’il est ajusté en secteur informel. fonction du coût de la vie. Enfin, les niveaux élevés des fonds envoyés par les travailleurs Les déficits du compte courant et budgétaire et migrants et des frais de l’éducation contribuent la dette publique en pourcentage du PIB sont au chômage volontaire en maintenant des taux restés constamment élevés, ce qui a entraîné élevés de salaire minimum. Les réformes des besoins de financement importants. Le devraient donc viser à créer une économie déficit du compte courant a tourné autour de dynamique pouvant générer des emplois qui 15 % depuis 2009 et le ratio de la dette au PIB a contribueront à réduire les taux de chômage et Numéro 2 Janvier 2014 12 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA de pauvreté. Dans cette perspective, il faudrait réaliser des investissements et des réformes dans l’infrastructure ainsi que des améliorations du climat des affaires et du marché du travail. Une stratégie budgétaire à moyen terme, visant à réduire le ratio de la dette au PIB, pourrait rétablir la confiance du marché et créer, grâce à des mesures d’amélioration des recettes et des dépenses publiques, une marge de manœuvre budgétaire permettant de financer un niveau plus élevé de dépenses sociales et d’équipement. Numéro 2 Janvier 2014 13 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA JORDANIE Les tensions régionales, les coupures de gaz d’Égypte et l’afflux de réfugiés syriens en Jordanie continuent de peser sur l’économie jordanienne. La situation budgétaire et les comptes extérieurs se dégradent, alors que l’afflux des réfugiés réduit les possibilités des marchés du travail et du logement et limite l’accès aux services publics. En conséquence, le taux de croissance du PIB ne devrait pas dépasser le niveau de 3 % auquel il s’est trouvé pendant près de trois ans. D’après les données officielles, la croissance du PIB a atteint 2,8 % au troisième trimestre de 2013, (un niveau supérieur au taux de 2,6 % enregistré au premier trimestre de 2013) par rapport au trimestre précédent de l’année dernière. Toutefois, en rythme annuel, la croissance du PIB réel ne s’est pas améliorée au cours des six premiers mois de 2013, car elle a stagné à 2,8 % au premier semestre de 2013 par rapport à la même période en 2012. Les estimations préliminaires de la Banque mondiale montrent que dans la situation actuelle, la croissance 14 14 restera voisine de 3 % jusqu’en 2015, 14 lorsqu’elle devrait dépasser ce taux. 13.5 Le chômage continue d’augmenter du fait d’une 13 13.1 13.1 croissance léthargique. D’après les données officielles, le taux de chômage au troisième trimestre de 2013 a augmenté de 1 % (à 14 %) 12 2009Q3 2010Q3 2011Q3 2012Q3 2013Q3 par rapport à la même période en 2012. Ce taux représente la plus forte augmentation du Taux de chômage (comparé à la même période de l’année précédente, %) nombre de chômeurs au cours des quatre Source : Sources officielles nationales dernières années. Chez les hommes, le chômage était de 11,3 % contre 26,8 % chez les de chômage le plus élevé, à 20,3 %, alors que le femmes. Le chômage chez les jeunes (15 à 19 taux le plus faible, à 9,8 %, était enregistré dans ans et 20 à 24 ans) est particulièrement élevé, à le gouvernorat de Zarqa. D’après certains 37,9 % et 34,9 % respectivement, contre 36,1 % indices, l’expansion dans les pays du Conseil de et 30,1 % respectivement l’année passée. Il coopération du Golfe (GCC) contribue à ressort des données que le chômage demeure répondre à la demande de travailleurs élevé parmi les diplômés de l’université, jordaniens qualifiés, ce qui pourrait réduire à avoisinant 20,6 % au cours de la même période. moyen terme la pression sur le marché du L’écart entre les nombres de chômeurs des travail intérieur. différentes régions du pays s’est creusé. Le gouvernorat d’Aqaba au Sud a enregistré le taux Numéro 2 Janvier 2014 14 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA Les données de l’inflation de la Banque centrale de Jordanie (CBJ) montrent une tendance à la baisse du taux mensuel de l’inflation. Après un pic de 7,3 % en mars 2013, le taux d’inflation a baissé à 6,1 % en septembre 2013. La politique du gouvernement, qui a consisté à libéraliser les prix du pétrole en novembre 2012, a fortement contribué au taux d’inflation élevé. Les augmentations des tarifs d’électricité, qui n’ont ciblé que les gros consommateurs, ont eu une incidence négligeable sur les prix. Ces mesures s’inscrivent dans le cadre d’un programme visant à enrayer les pertes subies par la compagnie nationale d’énergie électrique (Nepco), qui ont été aggravées par la nécessité de remplacer le gaz égyptien par le mazout. D’après les estimations de la Banque mondiale, l’inflation tournera autour de 5 % environ en 2013 avant de diminuer à 4 % en 2014. Sur une note positive, les flux d’investissement direct étranger (IDE) ont augmenté au cours du premier semestre de 2013, totalisant près de 1 milliard de dollars, en progression de 34 % par rapport à la même période de l’année dernière. Il reste cependant à savoir s’ils vont se maintenir. D’après les estimations préliminaires de la Banque mondiale, les flux d’IDE pourraient revenir à leur niveau d’avant la crise, de l’ordre de 2,5 milliards de dollars en 2014, soit une augmentation de 13 % et de 24 % en 2013 et 2014 respectivement par rapport au niveau de 2012. Pour réaliser la stabilité macroéconomique, il faudrait entreprendre les réformes structurelles qui n’ont que trop tardé, consistant notamment à rationaliser la réglementation des entreprises, éliminer les rigidités du marché du travail et améliorer l’efficacité des dépenses publiques. Jusqu’à présent, les questions de politique et de sécurité ont pris le dessus, et les réformes économiques n’ont pas bénéficié d’une attention suffisante. Numéro 2 Janvier 2014 15 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA Yémen L’économie renoue lentement avec la croissance après le net ralentissement enregistré au lendemain de la révolution de 2011. Avant la révolution, la croissance s’établissait à 8 % (2010), grâce aux augmentations des exportations de gaz naturel liquéfié (GNL), mais en 2011 l’économie s’est sensiblement contractée et la croissance a chuté de 13 %. La reprise de 2012 était attribuable à l’amélioration de l’activité dans les principaux secteurs de l’économie, l’industrie manufacturière, l’agriculture et le commerce. Toutefois, la production pétrolière, qui contribue 30 % du PIB et plus de 75 % du budget de l’État, se trouve toujours en dessous des niveaux d’avant la révolution, en raison des attaques fréquentes contre l’infrastructure de l’énergie et les champs pétroliers. La Banque mondiale prévoit que la croissance pourrait s’améliorer à 6 % en 2014, alimentée par l’expansion des secteurs non pétroliers et les apports de fonds des donateurs. La production pétrolière devrait aussi rebondir en 2014, si l’impasse politique, la violence et les insurrections sur les champs pétroliers s’atténuent, mais restera sensiblement 18 16.8 % de personnes vivant avec moins de 1,25 dollar/jour (2010) inférieure au niveau d’avant la crise, de l’ordre 15 12.8 de 400 000 barils par jour. 12 Le niveau de chômage au Yémen est le plus 9 élevé de la région MENA. Les estimations 6 officielles indiquent un taux de chômage de 17 % en 2010, avec plus de 54 % chez les 3 1.1 1.1 1.6 2.1 2.2 0.4 0.7 0.0 0.1 femmes et 12 % chez les hommes. Le taux est 0 resté élevé parmi les jeunes, atteignant 60 %, et Source : Sources officielles nationales. aurait augmenté au lendemain de la révolution. La situation a été aggravée par la déportation envois de fonds au Yémen, qui représentaient des Yéménites travaillant illégalement dans les environ 10 % du PIB avant la révolution. pays du Golfe, en particulier l’Arabie Saoudite. D’après les chiffres officiels, sur les 2 millions de Le Yémen a le taux de pauvreté le plus élevé de Yéménites travaillant en Arabie Saoudite, un la région MENA. Le pourcentage de personnes total de près de 700 000 seront déportés au vivant avec moins de 1,25 dollar par jour a cours des prochains mois (200 000 ont déjà été augmenté depuis 1998, de 13 % à 17 % en 2010. ramenés au Yémen). La déportation devrait Près de la moitié de la population vivait avec exacerber la situation déjà difficile du marché moins de 2,00 dollars par jour en 2010. D’après yéménite du travail et réduire sensiblement les les estimations, la pauvreté a empiré après la Numéro 2 Janvier 2014 16 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA révolution de 2011, suite à la mauvaise gestion sur les pauvres et la croissance. Le chômage de l’économie, à l’affaiblissement de l’unité devrait rester très élevé, en particulier parmi les politique, au déplacement des Yéménites en jeunes et la pauvreté et la malnutrition sont raison des affrontements internes ainsi qu’à généralisées. l’accroissement des réfugiés fuyant les crises dans les pays voisins. Les estimations des Les graves problèmes environnementaux, Nations Unies montrent que près de la moitié notamment l’extraction rapide de l’eau de la population au Yémen a besoin d’aide souterraine, posent des risques économiques et humanitaire. sociaux à une reprise déjà fragile. Le budget du gouvernement yéménite est particulièrement vulnérable et le niveau élevé 100 du déficit des finances publiques est l’une des principales difficultés auxquelles se heurte l’économie. Les recettes publiques sont constituées en majeure partie par les recettes Recettes pétrolières et dons en 50 % des recettes totales pétrolières ; les subventions et les salaires Traitements et salaires en % dominent les dépenses publiques, ce qui ne dépenses totales laisse qu’une marge de manœuvre étroite pour les dépenses d’équipement. Les recettes pétrolières devraient régresser du fait de la violence sur les champs pétroliers, alors que les 0 dépenses consacrées aux subventions et aux 2008 2009 2010 2011 2012e 2013p 2014p salaires ne cessent d’augmenter. La masse Source : Banque mondiale et sources officielles salariale, qui représentait 8,7 % du PIB en 2010, nationales. est passée à environ 11 % du PIB en 2012, suite à la décision du gouvernement d’augmenter les salaires en 2011, en réponse aux manifestations et aux tensions sociales croissantes. Les subventions ont atteint 9 % du PIB en 2012, mais étaient en baisse par rapport à leur pic de 14 % enregistré en 2008. En revanche, les dépenses d’équipement continuent d’être pénalisées : elles ont reculé, de près de 5 % du PIB avant la crise, à environ 2 à 3 % du PIB en 2011 et 2012. Des défis importants restent à surmonter. La lente reprise vient de s’amorcer et pourrait être affaiblie par le sabotage continu des principaux oléoducs, qui diminue la production de pétrole. La situation des finances publiques se dégrade, en dépit de dons importants, et les besoins de financement à court et moyen terme sont considérables. La part importante des salaires et des subventions généralisées de l’énergie dans le budget limite les ressources publiques disponibles pour financer les dépenses axées Numéro 2 Janvier 2014 17 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA Libye La croissance économique en Libye plonge à nouveau dans le rouge. Après la chute vertigineuse de 62 % en 2011, la croissance du PIB a repris, atteignant 104 % en 2012, suite à la production massive de pétrole. Mais la reprise a été freinée en 2013, car le secteur pétrolier, qui apporte la plus grande contribution à la croissance et aux recettes publiques (représentant près de 70 % du PIB et 95 % des recettes publiques), a été paralysé depuis juillet par des grèves prolongées aux principaux terminaux pétroliers et ports de chargement, ce qui a privé les exportations de la production de plus de 1 million de barils de pétrole brut par jour (b/j). Les blocages des installations de production et d’exportation de pétrole par les milices, les membres de tribus et d’autres contestataires aux champs pétroliers à travers le pays ont réduit la production à 224 000 b/j au début de décembre (soit près de 40 % de la capacité) contre plus de 1,4 million de b/j en juin et 1,6 million avant la révolution. Les finances publiques et le compte courant se sont considérablement dégradés du fait du blocage des activités pétrolières, qui a réduit de 80 % les revenus du pétrole ainsi que de la poursuite de la politique budgétaire expansionniste. En septembre 2013, le gouvernement a annoncé une hausse de 20 % des salaires des agents de la fonction publique et publié un décret distinct portant augmentation des traitements du personnel du Conseil judiciaire. La Banque mondiale a révisé ses estimations de la position budgétaire du gouvernement en 2013 et 2014. L’excédent budgétaire de 2012 devrait devenir un déficit de l’ordre de 5 % du PIB en 2013 et 4 % du PIB en Numéro 2 Janvier 2014 18 Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA 2014 respectivement. L’excédent important du les données les plus récentes). Ensuite, il compte courant devrait également diminuer faudrait rationaliser les subventions générales considérablement, atteignant un niveau (estimées à 11 % du PIB en 2013) et les salaires pratiquement nul en 2013, et ne reprendre que du secteur public, qui exercent des pressions légèrement en 2014. Dans la situation actuelle, budgétaires sur le gouvernement. Les le gouvernement a dû puiser plus largement subventions sont élevées et réduisent la marge dans ses vastes réserves de change (qui se de manœuvre disponible pour financer les chiffraient à 124 milliards de dollars à la fin de dépenses prioritaires consacrées à la santé, à 2012) pour financer ses déficits budgétaires en l’éducation et à l’investissement dans 2013 et 2014 (10 à 13 milliards de dollars ont l’infrastructure. Il faudrait enfin éliminer déjà été utilisés en 2013). l’inadéquation des qualifications et entreprendre des réformes pour stimuler le Le marché libyen du travail privilégie le secteur dynamisme du secteur privé. La croissance du public, qui emploie plus de 80 % de la main- secteur privé est entravée en particulier par le d’œuvre formelle, alors que le secteur privé manque d’accès aux financements, l’incertitude emploie juste 4 % de Libyens. En outre, les concernant le cadre juridique et une situation salaires et les avantages intéressants offerts par sécuritaire fragile. le secteur public se traduisent par des attentes salariales élevées parmi les chercheurs d’emploi 14 Dépenses publiques, % du PIB (budget de 2012) et les diplômés de l’université. En conséquence, Autres 12 le taux de chômage est resté élevé en général, Électricité bien que les estimations officielles indiquent un 10 Aliments fléchissement des chiffres après la révolution de Subventions 8 2011. Les données publiées en septembre 2013 par le ministère du Travail montrent que le taux 6 de chômage s’est amélioré, à 15 % en 2013 4 Combustibles Dépenses contre le niveau élevé de près de 20 % en 2010 d’éducation et 2011. Mais les estimations officieuses 2 Dépenses de santé donnent à penser que le chiffre réel est plus 0 proche de 30 %, les taux étant encore plus Source : Banque mondiale et FMI. élevés chez les jeunes. D’après les estimations de la Banque mondiale, le chômage des jeunes est resté près de 50 %, la majorité des chômeurs étant titulaires de diplômes universitaires. L’économie libyenne est confrontée à des défis de taille, qui pourraient entraver les perspectives d’une reprise de la croissance s’ils n’étaient pas relevés. Premièrement, il faudrait améliorer la gestion des ressources pétrolières de la Libye et diversifier l’économie de toute urgence afin de garantir la stabilité financière et économique à long terme et régler le problème du chômage. En dépit de sa contribution substantielle au PIB, le secteur du pétrole et du gaz est à très forte intensité de capital et contribue moins de 2 % à l’emploi total (d’après Numéro 2 Janvier 2014 19