Résumé analytique 63219 SOUS STRICT Embargo JUSQU’À 00 H 01 t.u. LUNDI 19 NOVEMBRE 2012 Baissons chaleur la pourquoi il faut absolument éviter une élévation de 4°C de la température de la planète BANQUE MONDIALE Résumé analytique SOUS STRICT Embargo JUSQU’À 00 H 01 t.u. LUNDI 19 NOVEMBRE 2012 Baissons chaleur la pourquoi il faut absolument éviter une élévation de 4°C de la température de la planète Novembre 2012 Rapport préparé pour la Banque mondiale par le Potsdam Institute for Climate Impact Research et Climate Analytics BANQUE MONDIALE © 2012 International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank 1818 H Street NW Washington DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 Internet : www.worldbank.org Le présent document a été produit par le personnel de la Banque mondiale avec des concours externes. Les constats, interprétations et conclusions qui y sont exprimés ne reflètent pas nécessairement les opinions de la Banque mondiale, du Conseil des Administrateurs de la Banque mondiale ou des gouvernements qu’ils représentent. La Banque mondiale ne garantit aucunement l’exactitude des données citées dans la présente publication. Les frontières, couleurs, dénominations ou autres informations figurant sur les cartes n’impliquent aucun jugement de la part de la Banque mondiale quant au statut juridique des territoires, et ne marquent aucune reconnaissance ni acceptation desdites frontières. Droits et licences Le contenu de cette publication fait l’objet d’un dépôt légal. La Banque mondiale encourageant la diffusion des connaissances, la reproduction de cette publication est autorisée, en tout ou en partie, à des fins non commerciales, sous réserve d’indication des références du présent document. Toute question relative aux droits et licences, y compris les droits subsidiaires, est à adresser au Bureau des publications de la Banque mondiale : The World Bank, 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, États Unis ; télécopie : 202-522-2422 ; courriel : pubrights@worldbank.org. Remerciements Le rapport Baissons la chaleur : pourquoi il faut absolument éviter une élévation de 4°C de la température de la planète est le fruit des contributions d’un large éventail de spécialistes internationaux. Nous tenons à remercier tous ceux qui ont contribué à l’enrichir et à lui donner une dimension multidisciplinaire. Le rapport a été rédigé par une équipe de l’Institut de recherche sur les impacts du climat de Potsdam et de Climate Analytics, composée de Hans Joachim Schellnhuber, William Hare, Olivia Serdeczny, Sophie Adams, Dim Coumou, Katja Frieler, Maria Martin, Ilona M. Otto, Mahé Perrette, Alexander Robinson, Marcia Rocha, Michiel Schaeffer, Jacob Schewe, Xiaoxi Wang, et Lila Warszawski. Le rapport a été commandé par l’Équipe mondiale d’experts pour l’Adaptation au changement climatique de la Banque mondiale, dirigée par Erick C.M. Fernandes et Kanta Kumari Rigaud, qui ont travaillé en étroite collaboration avec l’Institut de recherche sur les impacts du climat de Potsdam et Climate Analytics. Jane Olga Ebinger a coordonné l’équipe de la Banque mondiale et les observations précieuses de Rosina Bierbaum (University of Michigan) et de Michael MacCracken (Climate Institute, Washington) ont accompagné l’ensemble du travail. Le rapport a aussi bénéficié des commentaires éclairés des scientifiques qui ont assuré la relecture par les pairs. À ce titre nous souhaitons remercier Ulisses Confalonieri, Andrew D. Friend, Dieter Gerten, Saleemul Huq, Pavel Kabat, Thomas Karl, Akio Kitoh, Reto Knutti, Anthony J. McMichael, Jonathan T. Overpeck, Martin Parry, Barrie Pittock, et John Stone. Rachel Kyte, Mary Barton-Dock, Fionna Douglas et Marianne Fay ont efficacement supervisé et guidé les travaux. Nous remercions les collègues de la Banque mondiale pour leur concours : Sameer Akbar, Keiko Ashida, Ferid Belhaj, Rachid Benmessaoud, Bonizella Biagini, Anthony Bigio, Ademola Braimoh, Haleh Bridi, Penelope Brook, Ana Bucher, Julia Bucknall, Jacob Burke, Raffaello Cervigni, Laurence Clarke, Francoise Clottes, Annette Dixon, Philippe Dongier, Milen Dyoulgerov, Luis Garcia, Habiba Gitay, Susan Goldmark, Ellen Goldstein, Gloria Grandolini, Stephane Hallegatte, Valerie Hickey, Daniel Hoornweg, Stefan Koeberle, Motoo Konishi, Victoria Kwakwa, Marcus Lee, Marie Francoise Marie-Nelly, Meleesa McNaughton, Robin Mearns, Nancy Chaarani Meza, Alan Miller, Klaus Rohland, Onno Ruhl, Michal Rutkowski, Klas Sander, Hartwig Schafer, Patrick Verkooijen Dorte Verner, Deborah Wetzel, Ulrich Zachau et Johannes Zutt. Nous souhaitons aussi remercier Robert Bisset et Sonu Jain qui se sont chargés des contacts avec les partenaires, la communauté scientifique et les médias. Perpetual Boateng, Tobias Baedeker et Patricia Braxton ont apporté un soutien précieux à l’équipe. Nous sommes reconnaissants à Connect4Climate de sa contribution à la production de ce rapport. iii iv Préface J’ai l’espoir que ce rapport nous fasse un choc tel qu’il nous pousse à agir. Même pour ceux d’entre nous qui sont déjà impliqués dans la lutte contre le changement climatique, j’espère que ce rapport les fera travailler avec un sentiment d’urgence encore plus fort. Ce rapport décrit ce que sera le monde si le réchauffement climatique atteint 4°C, et selon les prévisions quasi-unanimes des scientifiques c’est ce qui se produira avant la fin du siècle en l’absence d’un changement drastique de politique. Les scénarios d’élévation de 4°C de la température sont accablants : inondation des villes côtières, menaces sur la production alimentaire menant à une hausse des taux de sous-alimentation et de malnutrition ; désertification accrue des régions sèches, humidification accrue des régions humides ; vagues de chaleur sans précédent dans de nombreuses régions, en particulier sous les tropiques ; aggravation substantielle de la pénurie d’eau dans de nombreuses régions, augmentation de la fréquence des cyclones tropicaux de grande intensité ; perte irréversible de biodiversité, avec notamment la disparition des récifs coralliens. Et, plus grave encore, une planète à +4°C serait si différente de celle que nous connaissons actuellement qu’elle susciterait de grandes incertitudes et que de nouveaux risques menaceraient les capacités de prévision et de planification indispensables à notre adaptation à ces nouvelles exigences. Si des mesures ne sont pas prises pour lutter contre le changement climatique, non seulement l’accession à la prospérité de millions d’habitants des pays en développement sera compromise mais les efforts de développement durable déployés depuis des décennies seront remis en cause. Il est clair que nous en savons déjà beaucoup sur la menace qui nous guette. La science a déterminé sans équivoque que les humains sont responsables du réchauffement climatique ; d’importants changements s’observent déjà. Le réchauffement moyen à l’échelle de la planète atteint 0,8°C par rapport à l’époque préindustrielle ; la température des océans a augmenté de 0,09°C depuis les années 50 et l’eau s’est acidifiée ; le niveau des mers a monté d’environ 20 cm par rapport à l’époque préindustrielle et cette tendance se poursuit à un rythme de 3,2 cm par décennie ; un nombre exceptionnel de canicules a été observé au cours des dix dernières années ; les grandes régions agricoles sont de plus en plus touchées par la sécheresse. Malgré les bonnes intentions de la communauté mondiale déterminée à limiter l’élévation de la température à 2°C au-dessus du niveau de l’époque préindustrielle, un réchauffement supérieur apparaît de plus en plus probable. Les scientifiques s’accordent à prévoir que les engagements de limitation des émissions de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques aboutiront très probablement à un réchauffement de l’ordre de 3,5 à 4°C. Et plus ces promesses tardent à être tenues, plus une élévation de 4°C de la température de la planète paraît probable. v Le travail du Groupe de la Banque mondiale est guidé par des données et des faits. Les rapports scientifiques, notamment ceux produits par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ont motivé notre décision d’intensifier notre travail sur ces questions. Nos efforts ont débouché sur un Rapport sur le développement dans le monde portant sur le changement climatique (qui a permis d’approfondir notre compréhension des implications du réchauffement climatique), sur un Cadre stratégique de développement intégrant le changement climatique et sur un rapport relatif à la Croissance verte et solidaire. La Banque mondiale est l’un des principaux défenseurs d’une ligne d’action ambitieuse en matière de changement climatique, d’une part parce qu’il s’agit d’un impératif moral et d’autre part parce que de telles mesures relèvent du bon sens économique. Mais que se passera-t-il si nous ne réussissons pas à intensifier les efforts d’atténuation ? Quelles sont les implications d’une élévation de 4°C de la température de la planète ? Nous avons commandé ce rapport au Potsdam Institute for Climate Impact Research et à Climate Analytics pour mieux appréhender l’état actuel de la science et les impacts potentiels d’un tel réchauffement sur le développement. Le monde serait si radicalement différent de celui que nous connaissons aujourd’hui qu’il est difficile d’en faire une description exacte ; de nombreux aspects relèvent de projections et d’interprétations complexes. Nous sommes parfaitement conscients des incertitudes qui entourent ces scénarios et nous savons que les experts et les études ne s’accordent pas toujours sur l’ampleur du risque. Néanmoins, il n’est pas possible d’écarter ces scénarios, ce qui justifie en soi la nécessité d’un renforcement des politiques actuelles de lutte contre le changement climatique. Il est vital pour la santé et le bien-être des populations du monde de trouver des moyens d’éviter la réalisation d’un tel scénario. Toutes les régions du monde seront touchées mais ce sont les plus pauvres et les plus vulnérables qui seront le plus durement frappées. Une élévation de la température de 4°C peut — et doit — être évitée. Le Groupe de la Banque mondiale continuera à œuvrer vigoureusement en faveur d’accords internationaux et régionaux et de l’augmentation du financement des interventions climatiques. Nous redoublerons nos efforts de soutien aux initiatives nationales — qui se multiplient — visant à limiter les émissions de carbone et à renforcer les capacités d’adaptation ; nous appuierons une croissance verte et solidaire et un développement intelligent intégrant l’aspect climatique. Nos efforts en faveur d’une croissance verte et solidaire ont montré qu’une utilisation plus efficace et plus intelligente de l’énergie et des ressources naturelles ouvre de nombreuses possibilités de réduction drastique de l’impact du développement sur le climat, sans pour autant freiner ni la lutte contre la pauvreté ni la croissance économique. Ce rapport nous rappelle avec force que le changement climatique influe sur tout. Les solutions ne se trouvent pas uniquement dans le financement des interventions climatiques ou les projets climatiques. Il faut aussi les chercher dans la gestion efficace des risques et s’assurer que tous nos efforts, toutes nos réflexions intègrent la menace d’une planète à +4°C. Le Groupe de la Banque mondiale se montrera à la hauteur de ce défi. Dr. Jim Yong Kim Président, Groupe de la Banque mondiale vi vii Résumé analytique Résumé analytique Le présent rapport s’appuie sur la littérature scientifique et des études récentes pour esquisser les conséquences probables et les risques associés à un réchauffement atteignant 4°C d’ici la fin du siècle. Il s’agit d’une tentative rigoureuse de description d’une série de risques, l’accent étant mis sur les pays en développement, et en particulier sur les populations les plus pauvres. Une élévation de 4°C de la température entraînerait des vagues de chaleur sans précédent, de graves sécheresses et d’importantes inondations dans de nombreuses régions, ce qui aurait de sérieuses répercussions sur les écosystèmes et les services qui leur sont associés. Il est toutefois possible de prendre des mesures pour éviter que le réchauffement n’atteigne 4°C et réussir à maintenir l’élévation de la température au-dessous de 2°C. Si des mesures et des engagements supplémentaires ne sont pas Le présent rapport ne représente pas une évaluation scientifique pris pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, le monde exhaustive telle que celle que doit produire le Groupe d’experts connaîtra probablement un réchauffement de plus de 3°C intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en 2013–2014 par rapport au climat préindustriel. Même en tablant sur une dans son Cinquième Rapport d’Evaluation. Il se concentre sur réalisation totale des engagements actuels, on peut chiffrer à les pays en développement tout en reconnaissant que les pays environ 20 % le risque d’un réchauffement climatique supérieur développés sont aussi vulnérables et que le changement climatique à 4°C d’ici 2100. Si les promesses ne sont pas tenues, une élévation les expose également à un risque sérieux de dommages majeurs. de température de 4°C pourrait intervenir dès les années 2060. Le monde a connu récemment une série d’événements extrêmes De plus, si un tel réchauffement, qui s’accompagnerait d’une qui soulignent la vulnérabilité des pays en développement mais élévation d’au moins 0,5 à 1 mètre du niveau de la mer, est aussi des pays riches et industrialisés. atteint d’ici 2100, il ne s’agira pas d’un point final : il faudra Des incertitudes subsistent quant à la prévision de l’ampleur s’attendre à la poursuite du réchauffement qui pourrait dépasser du changement climatique et de ses effets. Nous avons adopté 6°C au cours des siècles suivants (avec une montée de plusieurs une approche fondée sur le risque, celui-ci étant défini comme mètres du niveau des mers). le produit de l’impact et de la probabilité : un événement dont la La communauté internationale s’est engagée à limiter le probabilité est faible représente néanmoins un risque important réchauffement à moins de 2°C afin d’éviter tout changement s’il implique des conséquences graves. climatique « dangereux  » ; les petits États insulaires en Aucun pays ne sera à l’abri des impacts du changement développement (PEID) et les pays les moins avancés (PMA) ont climatique. Toutefois, la répartition des impacts sera probablement déterminé qu’un réchauffement mondial de 1,5°C marquerait le intrinsèquement inégale et plutôt défavorable aux régions les plus seuil au-delà duquel leur développement, voire dans certains cas pauvres du monde qui disposent de moins de moyens économiques, leur survie, seraient sérieusement remis en cause. Or, la somme institutionnels, scientifiques et techniques pour y faire face et s’y totale des mesures actuelles — en place et prévues — permettra adapter. Par exemple : très probablement un réchauffement nettement supérieur à ces niveaux. De fait, au vu des tendances actuelles d’émission, • même si en valeur absolue, le réchauffement s’annonce plus il est plausible que la planète connaisse un réchauffement de important sous les hautes latitudes, l’élévation de température 4°C avant la fin du siècle. sera plus forte sous les tropiques par comparaison avec la 1 BAISSONS la chaleur : pourquoi il faut absolument éviter une élévation de 4°C de la température de la planète Figure 1 : Estimations médianes (courbes) issues de projections probabilistes de températures correspondant à deux scénarios de poursuite des émissions sans réduction (SRES A1FI et scénario de référence proche de SRES A1B) qui approchent tous deux, ou dépassent nettement, une élévation de température de 4°C d’ici 2100. Les résultats de ces scénarios d’émission sont comparés à des scénarios prévoyant la réalisation des engagements actuels et à des scénarios de réduction des émissions contenant l’élévation de température au-dessous de 2°C avec une probabilité de 50 % ou plus. Un  scénario hypothétique posant l’arrêt des émissions planétaires en 2016 est également représenté à titre de comparaison avec les solutions techniquement et économiquement applicables. La pointe de réchauffement indiquée après l’arrêt des émissions est imputable à l’interruption de l’effet d’ombrage des aérosols de sulfates. La plage d’incertitude de 95 % (zone ombrée) est représentée pour un seul des scénarios par souci de lisibilité. Cf. Rogelj et al., 2010 ; Hare et al., 2011 ; Schaeffer et al., 2012 pour les méthodes de modélisation et d’établissement des scénarios. 5 de la planète par rapport à l’époque préindustrielle (°C) Augmentation moyenne de la température de surface SRES A1FI du GIEC, grande probabilité de dépassement des 4°C Référence (proche de SRES A1B), 4 probabilité de dépassement des 3°C Engagements actuels, quasi-certitude de dépassement Effet des des 2°C, probabilité de 50 % de dépassement des 3°C engagements 3 Stabilisation à 50 % de probabilité d’un dépassement des 2°C actuels RCP3PD, probabilité de maintien sous 2°C ; probabilité moyenne de dépassement de 1,5°C 2°C 1,5°C Hypothèse d’arrêt brutal des émissions planétaires 1 en 2016, probabilité de maintien sous 1,5°C Inertie géophysique 0 Scénario de faibles émissions avec émission négative de CO2 correspondant à la partie supérieure de la plage issue de la littérature Observations historiques pour la 2e moitié du XXIe siècle (à titre indicatif) 1900 1950 2000 2050 2100 plage historique des températures et des extrêmes auxquels des vagues de chaleur sans précédent, de graves sécheresses les écosystèmes naturels et humains ont déjà dû faire face et d’importantes inondations dans de nombreuses régions, ce et s’adapter. Les extrêmes de haute température prévus sous qui aurait de sérieuses répercussions sur les écosystèmes et les les tropiques sont sans précédent et auront par conséquent services écosystémiques. des effets considérablement plus importants sur l’agriculture Une telle élévation de la température peut encore être évitée : et les écosystèmes ; de nombreuses études montrent qu’il existe des méthodes techniquement et économiquement applicables permettant • sous les tropiques, la montée du niveau de la mer sera de contenir l’augmentation de la température au-dessous de probablement de 15 à 20 % supérieure à la moyenne mondiale ; 2°C (figure 1). L’ampleur des conséquences pour les pays en • l’augmentation de l’intensité des cyclones tropicaux sera développement et le reste du monde sera liée aux décisions que probablement ressentie de manière nettement plus aiguë dans prendront les gouvernements, le secteur privé et la société civile les régions de basses latitudes ; ainsi qu’à leurs choix (dont l’inaction fait malheureusement partie). • il faut s’attendre à une désertification et à une augmentation substantielle de la sécheresse dans de nombreuses régions en Impacts et changements observés dans le système climatique développement des zones tropicales et subtropicales. Si la température de la planète devait s’élever de 4°C par rapport aux niveaux de l’époque préindustrielle (situation Les effets avérés du changement climatique induit par les émissions ci-après désignée par « planète à +4°C »), le monde connaîtrait de gaz à effet de serre, signalés en 2007 par le Quatrième Rapport 2 R ésumé analytiq ue d’évaluation du GIEC ont continué à s’intensifier, à un rythme par des kilomètres de glace (températures moyennes inférieures plus ou moins similaire. d’environ 4,5 à 7°C à l’échelle de la planète). De plus, c’est sur un • La concentration du dioxyde de carbone (CO2), principal gaz à siècle, et non sur des millénaires, que s’observe un changement effet de serre, a continué d’augmenter : de 278 ppm (parties par climatique d’une telle ampleur, causé par les activités humaines. million) à l’époque préindustrielle, cette concentration a dépassé Les océans ont continué à se réchauffer : environ 90 % du 391 ppm en septembre 2012, pour un taux d’augmentation surplus d’énergie thermique lié à l’augmentation des concentrations actuel de 1,8 ppm par an. de gaz à effet de serre depuis 1955 est stocké dans les océans sous forme de chaleur. À l’échelle de la planète, le niveau de la • Selon les données paléoclimatiques et géologiques disponibles, mer a connu une augmentation moyenne de 15 à 20 centimètres la planète n’a jamais connu une concentration aussi élevée au cours du XXe siècle. Sur les dix dernières années, le rythme de CO2 depuis 15 millions d’années. moyen de montée du niveau de la mer s’est accéléré pour atteindre • Les émissions de CO 2 s’élèvent actuellement à environ environ 3,2 cm par décennie. Un tel rythme, s’il se poursuit, 35 000 tonnes par an (changement d’affectation des terres impliquera une nouvelle élévation de 30 cm du niveau de la mer compris) et, sans nouvelles mesures, devraient atteindre au cours du XXIe siècle. 41 000 tonnes d’ici 2020. Le réchauffement de l’atmosphère et des océans entraîne une accélération de la fonte des glaces au niveau de la calotte • La température moyenne du globe a continué à augmenter glacière du Groenland et de l’Antarctique, ce qui, à l’avenir, et se situe actuellement environ 0,8°C au-dessus des niveaux pourrait encore accroître considérablement la montée du de l’époque préindustrielle. niveau des mers. Globalement, le rythme de disparition des Même si un réchauffement planétaire de 0,8°C peut sembler glaces a plus que triplé depuis la période 1993–2003, comme négligeable, de nombreuses conséquences ont déjà été constatées le signalait le Quatrième Rapport d’évaluation du GIEC, sur le système climatique, et une élévation du réchauffement de atteignant 1,3 cm par décennie sur la période 2004–2008 ; 0,8 à 2°C ou plus posera des problèmes encore plus aigus. Par la fonte observée en 2009 correspond à un rythme de 1,7 cm ailleurs, il est utile de rappeler qu’une augmentation moyenne de par décennie. Si la fonte de la calotte glacière se poursuit à ce la température de 4°C représente un écart proche de celui observé rythme, même sans s’accélérer, elle induira à elle seule une entre les températures que nous connaissons actuellement et élévation du niveau moyen de la mer d’environ 15 cm d’ici celles du dernier âge de glace, époque à laquelle une bonne part la fin du XXIe siècle. L’accroissement de l’effet du réchauffement de l’Europe centrale et le nord des États-Unis étaient couverts sur la calotte glacière du Groenland est clairement montré par 3 BAISSONS la chaleur : pourquoi il faut absolument éviter une élévation de 4°C de la température de la planète Figure 2 : Compilation multi-modèle des moyennes de températures mensuelles les plus chaudes relevées dans les différents points du globe sur la période 2080–2100 pendant les mois de juillet (à gauche) et de janvier (à droite) en températures absolues (en haut) et anomalies par comparaison avec les températures mensuelles extrêmes simulées pour la période actuelle (en bas). L’intensité de l’échelle des couleurs a été réduite sur les océans par souci de clarté. °C °C l’augmentation rapide de la zone de fonte depuis les années 70. Hors changement climatique, en Europe, en Russie et aux Quant à la banquise de l’Arctique, elle a atteint un minimum États-Unis les vagues de chaleur extrêmes devraient par exemple record en septembre 2012, avec une diminution de moitié de la être espacées de plusieurs centaines d’années. Les observations surface de glace couvrant l’Océan arctique en période estivale montrent qu’à l’échelle du globe les superficies concernées par des sur les trente dernières années. épisodes de canicule ont été multipliées par dix depuis les années 50. Les effets du réchauffement climatique entraînent aussi De même, la surface des régions frappées par la sécheresse a des changements de nombreux autres aspects climatiques ou aussi considérablement augmenté au cours des cinquante dernières environnementaux du système terrestre. Au cours de la dernière années, un peu plus rapidement que ne le prévoyaient les modèles décennie, le monde a connu un nombre exceptionnel de vagues climatiques. La sécheresse qui a frappé les États-Unis en 2012, a de chaleur extrême dont les conséquences ont été sévères. Depuis eu un impact sur environ 80 % des terres agricoles, ce qui en fait les années 60, le changement climatique anthropique a augmenté la plus grave sécheresse depuis les années 50. la fréquence et l’intensité des vagues de chaleur, exacerbant La production agricole a souffert de la hausse des températures : du même coup leurs conséquences sociétales. Dans certaines des études récentes soulignent que depuis les années 80 la production régions climatiques, une augmentation de l’intensité et/ou de la de maïs et de blé a connu une réduction significative par rapport fréquence des précipitations et des sécheresses extrêmes a été au niveau qu’elle aurait eu en l’absence de changement climatique. constatée, probablement sous l’influence des activités humaines. Au cours des dernières décennies, la hausse des températures En 2010, la Russie a, par exemple, connu une vague de chaleur a également freiné la croissance économique des pays pauvres, extrême qui a eu de graves répercussions négatives. Sur la base ce qui laisse penser que le développement économique de ces des estimations préliminaires, cette canicule a causé en Russie pays pourrait encore pâtir du réchauffement climatique à l’avenir. 55 000 décès, la perte d’environ 25 % des récoltes de l’année, Une récente étude du MIT1 a analysé la variation des résultats la destruction d’1 million d’hectares ravagés par les incendies 1 Dell, Melissa, Benjamin F. Jones et Benjamin A. Olken. 2012. « Temperature et des pertes économiques de l’ordre de 15 milliards de dollars, Shocks and Economic Growth: Evidence from the Last Half Century », American soit 1 % du produit intérieur brut (PIB). Economic Journal: Macroeconomics, 4(3): 66–95. 4 R ésumé analytiq ue Figure 3 : Estimations médianes (courbes) issues de projections probabilistes du pH à la surface des océans. Une baisse de la valeur du pH signale une acidification des eaux bloquant la croissance des organismes calcificateurs comme les coquillages, les phytoplanctons et les coraux. Le scénario SRES A1FI signale une probable augmentation de l’acidification des océans en cas d’élévation de 4°C des températures par rapport à l’époque préindustrielle. La plage d’incertitude de 95 % (zone ombrée) est représentée pour un seul des scénarios par souci de lisibilité ; elle est principalement imputable à l’incertitude du cycle du carbone. Cf. Bernie et al. 2010 ; Rogelj et al., 2010 ; Hare et al., 2011 ; Schaeffer et al., 2012 pour les méthodes de modélisation et d’établissement des scénarios. Scénario de basses émissions avec forte émission négative de CO2 (à titre indicatif) 8,1 Hypothèse d’arrêt brutal des émissions planétaires en 2016 RCP3PD 8 Probabilité de 50 % pH des océans de dépassement des 2°C 7,9 Engagements actuels Référence (proche de SRES A1B) 7,8 7,7 SRES A1FI du GIEC 1900 1950 2000 2050 2100 Année économiques globaux en fonction des fluctuations historiques des L’Amérique du Sud tropicale, l’Afrique centrale et les îles tropicales températures par pays. Elle conclut que l’élévation des températures du Pacifique seraient probablement exposées à des vagues régulières induit une réduction substantielle de la croissance économique de chaleur d’une amplitude et d’une durée sans précédent. Selon dans les pays pauvres et a diverses autres répercussions comme ce nouveau régime climatique, les mois les plus frais seraient la réduction des productions agricole et industrielle, et une moins probablement nettement plus chauds que les mois les plus chauds grande stabilité politique. Ces constatations apportent des éléments de la fin du XXe siècle. Dans les régions telles que la Méditerranée, sur le rôle du climat dans le développement économique et laissent l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et le plateau tibétain, il est penser que la hausse des températures est susceptible d’avoir probable que la plupart des mois d’été soient plus chauds que d’importantes répercussions négatives dans les pays pauvres. les vagues de chaleur les plus extrêmes subies actuellement. Par exemple, dans la région méditerranéenne, le mois de juillet le plus chaud pourrait afficher une température supérieure de Prévision de l’impact du changement 9°C au plus chaud mois de juillet de la période actuelle. climatique sur une planète à +4°C Ces dernières années, les vagues de chaleur extrême ont eu des conséquences graves, entraînant des décès dus à la canicule, Les effets d’un réchauffement de 4°C ne seront pas également des incendies de forêt et des pertes de récoltes. Les conséquences répartis dans le monde ; de plus, les conséquences ne seront pas pour une planète à +4°C de vagues de chaleur extrême telles une simple extension de celles entraînées par un réchauffement que prévues dans les projections n’ont pas été évaluées mais de 2°C. Le réchauffement le plus important concernera les terres l’on peut s’attendre à ce qu’elles dépassent largement les effets et variera de 4 à 10°C. Une augmentation de 6°C, voire plus, subis jusqu’à aujourd’hui et à ce qu’elles excèdent les capacités des températures moyennes sur les mois d’été est à attendre d’adaptation de nombreuses sociétés et systèmes naturels. dans certaines régions du monde, notamment dans la zone méditerranéenne, l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et les États-Unis (figure 2). Augmentation de la concentration Les projections relatives à une planète à +4°C signalent de CO2 et de l’acidification des océans une augmentation spectaculaire de l’intensité et de la fréquence de pointes de températures extrêmement chaudes. Les récentes Outre le réchauffement du système climatique, l’une des plus vagues de chaleur telle que celle qu’a connue la Russie en 2010 graves conséquences de l’augmentation de la concentration de deviendraient la nouvelle norme estivale sur une planète à +4°C. dioxyde de carbone dans l’atmosphère est liée à sa dissolution 5 BAISSONS la chaleur : pourquoi il faut absolument éviter une élévation de 4°C de la température de la planète dans l’océan et à l’acidification qui en résulte. On a constaté une de l’eau et de l’élévation du niveau de la mer. Dans certaines importante augmentation de l’acidité des océans par rapport à régions, l’extinction d’écosystèmes coralliens complets, à craindre l’époque préindustrielle. Un réchauffement de 4°C ou plus d’ici 2100 bien avant que l’élévation de 4°C ne soit atteinte, aurait de graves correspondrait à une concentration de CO2 supérieure à 800 ppm conséquences pour les espèces qui en dépendent ainsi que pour et à une augmentation d’environ 150 % de l’acidité des océans. les populations qui en tirent leur nourriture et leur revenu et qui L’évolution de l’acidité des eaux telle qu’elle est observée et prévue en sont dépendantes pour le tourisme et la protection des côtes. sur le prochain siècle semble ne jamais avoir eu de parallèle dans l’histoire de la Terre. On constate d’ores et déjà les conséquences négatives de l’acidification de l’eau sur les organismes et les Montée du niveau des mers, écosystèmes marins, également exposés aux effets du réchauffement, inondation et destruction des côtes de la surpêche et de la destruction de l’habitat (figure 3). Les coraux sont particulièrement sensibles aux changements Un réchauffement de 4°C entraînera probablement une montée de la température et du pH de l’eau, ainsi qu’à l’intensité et à la du niveau de la mer de 0,5 à 1 mètre, voire plus, d’ici 2100 et au fréquence des cyclones tropicaux. Les récifs coralliens assurent cours des siècles suivants le niveau pourrait encore monter de une protection des côtes contre l’inondation, les ondes de tempête plusieurs mètres. Par comparaison, en limitant le réchauffement à et les vagues et constituent des zones d’alevinage et d’habitat 2°C, on observerait probablement une montée du niveau de la mer pour de nombreuses espèces de poissons. Il se pourrait que les de l’ordre de 20 cm d’ici 2100. Toutefois, même si le réchauffement récifs coralliens arrêtent de se développer si la concentration climatique est limité à 2°C, le niveau moyen du niveau de la de CO2 s’approche de 450 ppm dans les prochaines décennies mer pourrait continuer à monter à l’échelle planétaire, certaines (concentration correspondant à un réchauffement d’environ estimations prévoyant une élévation de 1,5 à 4 mètres au-dessus 1,4°C dans les années 2030). Avant que cette concentration des niveaux actuels d’ici l’année 2300. Pour contenir la montée n’atteigne 550 ppm (soit un réchauffement d’environ 2,4°C dans des eaux au-dessous de 2 mètres, il faudrait probablement réussir les années 2060), il est probable que les récifs coralliens de à maintenir le réchauffement nettement au-dessous de 1,5°C. nombreuses régions auront commencé à disparaître. Avec une L’élévation du niveau de la mer variera selon les régions : élévation de 1,5°C de la température, une grande partie des pour un certain nombre de raisons d’origine géophysique, barrières de corail sera déjà menacée par la combinaison du les projections prévoient une montée plus importante de 20 % phénomène de blanchissement dû à la chaleur, de l’acidification sous les tropiques tandis que l’élévation du niveau des mers serait 6 R ésumé analytiq ue inférieure à la moyenne sous les plus hautes latitudes. La fonte des l’Amérique du Nord et de l’Amérique du Sud, ainsi que dans calottes glaciaires induira une réduction de la force gravitationnelle le sud de l’Australie. s’exerçant sur les océans au niveau des calottes, d’où une tendance • Des conditions plus humides sont attendues notamment sous de l’eau à se diriger vers l’Équateur. De plus, les changements les hautes latitudes nord (au nord de l’Amérique du Nord, des vents et des courants induits par le réchauffement climatique au nord de l’Europe et en Sibérie) et dans certaines régions ainsi que d’autres facteurs influeront également sur la montée exposées à la mousson. Certaines régions pourraient connaître de la mer dans certaines régions, de même que l’absorption de des difficultés d’approvisionnement en eau plus aiguës en chaleur par les océans et leur réchauffement. raison du changement climatique. Les projections mettent en évidence des effets asymétriques de la montée du niveau de la mer selon les régions et selon les • Les changements infrasaisonniers et infrarégionaux du pays. Sur les projections établies pour 31 pays en développement, cycle hydrologique sont associés à des risques sévères deux tiers des risques totaux d’inondations extrêmes concernent (inondation et sécheresse, notamment) susceptibles d’être 10 villes seulement. Les villes les plus exposées se trouvent au considérablement accrus pas une modification, même minime, Mozambique, à Madagascar, au Mexique, au Venezuela, en Inde, des moyennes annuelles. au Bangladesh, en Indonésie, aux Philippines et au Viet Nam. Compte tenu des projections d’augmentation des extrêmes Pour les petits États insulaires et les régions de deltas, la montée de pluie et de sécheresse en fonction du réchauffement, il faut du niveau des eaux aura probablement des conséquences bien plus s’attendre à un accroissement bien plus élevé de ces risques sur graves, notamment en combinaison avec les prévisions d’accroissement une planète à +4°C que sur une planète à +2°C. Situation pour de l’intensité des cyclones tropicaux dans de nombreuses régions une planète à +2°C : tropicales, d’autres événements climatiques extrêmes et les effets • Les bassins hydrographiques soumis à un régime de mousson induits par le changement climatique sur les écosystèmes océaniques (Gange et Nil par exemple) sont particulièrement vulnérables (disparition des barrières protectrices par suite de l’élévation des à une modification des débits saisonniers qui peut avoir températures et de l’acidité des océans, par exemple). d’importantes conséquences négatives sur la disponibilité de l’eau. Risques pour les systèmes essentiels • Les projections prévoient une baisse de 20 à 40 % de à la vie humaine : nourriture, eau, l’écoulement moyen annuel dans les bassins versants du écosystèmes et santé humaine Danube, du Mississippi, de l’Amazone et dans le bassin Murray Darling tandis que les bassins du Nil et du Gange devraient Même si les projections d’impact d’une planète à +4°C en sont connaître une augmentation d’environ 20 %. encore au stade préliminaire et s’il est souvent difficile d’établir des Il faut s’attendre à un doublement approximatif de l’ampleur comparaisons entre les différentes estimations, le présent rapport de ces changements pour une planète à +4°C. souligne un certain nombre de risques extrêmement graves qui Une élévation de température de 4°C entraînerait un risque menacent les systèmes essentiels à la vie humaine. Au vu des nettement plus élevé de perturbations des écosystèmes par suite extrêmes de température attendus, il faut s’attendre à ce que le de variations, d’incendies, de transformation des écosystèmes réchauffement climatique entraîne une augmentation des vagues de et de dépérissement des forêts. L’accroissement de l’exposition chaleur, des pluies et des sécheresses, ces risques étant bien plus à la chaleur et à la sécheresse entraînera probablement une élevés pour une planète à +4°C que pour une planète à +2°C. augmentation de la mortalité et de l’extinction des espèces. Avec un réchauffement rapide et une évolution vers une Les écosystèmes seront affectés par des événements climatiques planète à +4°C, il faut s’attendre à des effets très négatifs sur la extrêmes plus fréquents (pertes de forêts à la suite de sécheresses disponibilité de l’eau, d’autant que la demande va augmenter en et d’incendies, aggravées par l’utilisation des terres et l’extension raison de l’accroissement de la population mondiale. Selon certaines de l’agriculture, par exemple). En Amazonie, le nombre des estimations, un réchauffement de 4°C aggraverait considérablement feux de forêts pourrait doubler d’ici 2050 en conséquence d’un les problèmes de pénurie d’eau que connaissent déjà de nombreuses réchauffement d’environ 1,5 à 2°C par rapport à l’époque régions, notamment dans le nord et l’est de l’Afrique, au Moyen- préindustrielle. Des changements encore plus graves sont à prévoir Orient et dans le sud de l’Asie, tandis que d’autres pays d’Afrique avec une élévation de température de 4°C. se trouveraient à leur tour confrontés à ce problème à l’échelle De fait, avec une planète à +4°C, il faut s’attendre à ce nationale en raison de la croissance de leur population. que le changement climatique devienne le principal moteur • Les projections prévoient notamment des conditions plus des variations des écosystèmes, prenant la place de menace sèches dans le sud de l’Europe, en Afrique (à l’exception numéro un pour la biodiversité, devant la destruction de l’habitat. de certaines zones du nord-est), dans de grandes parties de Des recherches récentes soulignent le risque important de perte 7 BAISSONS la chaleur : pourquoi il faut absolument éviter une élévation de 4°C de la température de la planète de la biodiversité probablement associé à une élévation de 4°C par exemple) pourraient également entraîner des déficits de la température. En effet, en raison du changement climatique nutritionnels et une incidence accrue des maladies épidémiques. et de la hausse de la concentration de CO2, les écosystèmes de la Les inondations peuvent entraîner l’introduction de polluants et Terre connaîtront des conditions sans précédent dans l’expérience d’éléments pathogènes dans les réseaux d’approvisionnement en humaine. Il faut s’attendre à ce que les dommages subis par eau potable et augmenter l’incidence des maladies diarrhéiques les écosystèmes réduisent considérablement la disponibilité et respiratoires. Les effets du changement climatique sur la des services écosystémiques dont dépend la société humaine production agricole risquent d’aggraver la sous-alimentation et (poissonneries et protection côtière assurée par les récifs coralliens la malnutrition dans de nombreux pays en développement qui et les mangroves, par exemple). connaissent déjà actuellement une mortalité infantile élevée. Par ailleurs, le maintien d’un niveau de production agro- Si la croissance économique devrait permettre de réduire les alimentaire adapté sera un véritable défi compte tenu de retards de croissance des enfants, ces améliorations pourraient l’augmentation de la population et du niveau des revenus, même être remises en cause par le changement climatique dans un indépendamment du changement climatique d’origine anthropique. certain nombre de régions : une augmentation substantielle Le Quatrième Rapport d’évaluation du GIEC prévoyait que la des retards de croissance due à la malnutrition est à attendre production alimentaire mondiale augmenterait avec une élévation en cas de réchauffement de 2 à 2,5°C, en particulier en Afrique moyenne de la température locale comprise entre 1 et 3°C mais subsaharienne et en Asie du Sud ; la situation s’aggraverait pourrait décroître avec des températures supérieures. encore avec un réchauffement de 4°C. Malgré de gros efforts Toutefois les conclusions publiées dans l’intervalle sont d’amélioration des services de santé (amélioration des soins beaucoup moins optimistes. Elles suggèrent en effet une médicaux, développement de la vaccination, programmes de augmentation rapide du risque de réduction du rendement surveillance, par exemple), il faut s’attendre à d’importantes agricole lié au réchauffement. D’importants effets négatifs ont été conséquences supplémentaires sur les niveaux de pauvreté et observés à des températures extrêmes élevées dans diverses régions, de santé. Les changements de température, de précipitation et notamment en Inde, en Afrique, aux États-Unis et en Australie. d’humidité influent sur les maladies à transmission vectorielle D’importants effets non linéaires ont ainsi été observés aux États- telles que le paludisme et la dingue, ainsi que sur les hantavirus, Unis pour le blé avec des températures locales journalières allant la leishmaniose, la maladie de Lyme et la schistosomiase. jusqu’à 29°C et pour le soja avec des températures de 30°C. Au vu Le changement climatique pourrait avoir d’autres conséquences de ces nouvelles conclusions et observations, il semble qu’il y ait sur la santé, notamment des blessures et des décès causés un important risque de franchissement des seuils de températures par des événements climatiques extrêmes. L’amplification du pouvant entraîner une remise en cause substantielle de la sécurité phénomène de smog due à la chaleur pourrait entraîner une alimentaire du monde en cas d’élévation de la température de 4°C. augmentation des problèmes respiratoires et des maladies Ces risques sont encore accrus par les effets négatifs qu’aura cardiovasculaires tandis que dans certaines régions, les plus la montée du niveau de la mer sur l’agriculture dans les basses fortes concentrations d’allergènes (pollens, spores) imputables terres des deltas, par exemple au Bangladesh, en Égypte, au Viet au changement climatique entraîneraient une multiplication des Nam ou dans certaines parties côtières de l’Afrique. La montée troubles respiratoires d’origine allergique. du niveau de la mer devrait avoir un impact sur de nombreuses zones côtières de latitudes moyennes et entraîner une augmentation de la pénétration de l’eau de mer dans les aquifères utilisés pour Risques de perturbations et de l’irrigation des plaines littorales. Il faut également compter avec déplacements des populations en cas la probabilité d’une aggravation de la sécheresse dans les régions d’élévation de la température de 4°C de latitude moyenne et d’une multiplication des inondations aux latitudes plus élevées. Le changement climatique n’est pas un phénomène isolé, il doit être L’augmentation prévue de l’intensité des événements extrêmes replacé dans son contexte. Au cours du XXIe siècle, la croissance devrait à l’avenir avoir des implications négatives sur les efforts économique et démographique devrait s’accompagner d’une de réduction de la pauvreté, en particulier dans les pays en progression du bien-être et d’une meilleure capacité d’adaptation développement. Certaines projections récentes soulignent que des populations dans beaucoup, voire dans la plupart des régions. les populations pauvres seraient particulièrement sensibles à D’un autre côté, on observera certainement des tensions accrues l’augmentation de l’intensité de la sécheresse qui accompagnerait et une augmentation des pressions subies par un écosystème une élévation de 4°C de la température, spécialement en Afrique, planétaire déjà proche de ses limites critiques. La résilience de en Asie du Sud et dans d’autres régions. nombreux écosystèmes, naturels ou non, a toutes les chances d’être Des événements extrêmes à grande échelle (inondations mise à rude épreuve par ces pressions et par les conséquences du majeures ayant des conséquences sur la production alimentaire, changement climatique. 8 R ésumé analytiq ue Les impacts attendus sur la disponibilité de l’eau, les écosystèmes, bien avant que l’élévation de la température n’atteigne 4°C. l’agriculture et la santé humaine pourraient entraîner un déplacement Aucune étude scientifique n’a, par exemple, encore été publiée de population de grande envergure et avoir des conséquences sur sur les conséquences écologiques, humaines et économiques de la sécurité humaine, ainsi que sur les systèmes économiques et l’effondrement des écosystèmes des récifs coralliens. C’est en outre commerciaux. Les dégâts que pourrait causer une élévation de la un problème qui devrait être étudié en combinaison avec les risques température de 4°C sont encore loin d’avoir été évalués en totalité. de perte de production marine dus à la hausse des températures Les changements à grande échelle et les perturbations et de l’acidité des océans, sans oublier les conséquences à grande qu’ils sont susceptibles d’induire sur le système terrestre ne échelle sur les établissements et les infrastructures humaines qui sont généralement pas pris en compte dans les exercices de seront causées dans les terres basses des zones littorales par la modélisation, et le sont rarement dans les évaluations d’impact. montée du niveau de la mer d’un mètre, voire plus, d’ici la fin Au fur et à mesure que le réchauffement climatique s’approchera du siècle et au-delà. d’une élévation de la température de 2°C puis dépassera cette L’ampleur et le nombre des conséquences augmentant en même valeur, il y aura de plus en plus de risques que ne soient franchis temps que la température moyenne du globe, il faut s’attendre à des seuils entraînant un basculement non linéaire du système observer des interactions entre les différents effets, interactions terrestre avec des conséquences brutales et l’émergence de régimes qui ne manqueront pas d’aggraver l’impact global. Si par exemple climatiques comprenant des températures d’une chaleur sans la production agricole est fortement ébranlée par des hausses précédent. La désintégration de la calotte glaciaire de l’Antarctique extrêmes de température dans de nombreuses régions et si on occidental pourrait par exemple entraîner une montée du niveau observe, parallèlement, des tensions du côté des ressources en eau de la mer supérieure à ce que ne prévoit la présente analyse ; le et des changements du cycle hydrologique, des conséquences sur dépérissement à grande échelle de la forêt amazonienne pourrait la santé et les moyens de subsistance humains sont inévitables. Par affecter radicalement les écosystèmes, l’agriculture, la production suite d’effets en cascades, le développement économique pourrait énergétique ainsi que les moyens de subsistance des hommes à aussi pâtir si la capacité de travail de la population est réduite et une échelle quasiment continentale, augmentant ainsi de manière la croissance du PIB serait freinée. substantielle le réchauffement climatique du XXIe siècle. Les pressions s’accroissant au fur et à mesure que le Certains secteurs économiques pourraient également réagir réchauffement progresse vers la barre des 4°C et se combinant à des de manière non linéaire à un réchauffement climatique élevé. tensions sociales, économiques et démographiques indépendantes Il faut par exemple s’attendre à des effets non linéaires sur les de l’évolution climatique, le risque de dépassement de seuils récoltes en cas d’élévation progressive de la température de 2°C, critiques pour l’équilibre du système social augmente en parallèle. voire davantage. Pourtant, la plupart de nos modèles de culture Une fois ces seuils atteints, les institutions existantes dont on actuels ne tiennent pas encore pleinement compte de cet effet, aurait pu attendre des mesures d’adaptation perdront en efficacité, pas plus que de l’élargissement potentiel des plages de variations voire s’écrouleront complètement. Dans les atolls, par exemple, la (extrêmes de température, nouveaux organismes nuisibles et montée du niveau de la mer risque d’excéder les capacités d’une maladies, modification radicale de facteurs climatiques critiques migration d’adaptation maîtrisée et aboutir à un abandon total ayant d’importantes conséquences sur les récoltes ou sur la qualité des îles ou des régions concernées. De même, les tensions que des céréales, par exemple). représenteront pour la santé humaine des phénomènes comme En règle générale, les projections des coûts imputables aux les vagues de chaleur, la malnutrition et la baisse de la qualité de changements climatiques tiennent compte des pertes subies l’eau potable par contamination de l’eau de mer pourront entraîner localement — y compris par les infrastructures — mais n’intègrent une telle surcharge des systèmes de santé que l’adaptation ne sera pas suffisamment les effets en cascade à l’échelon national plus possible et la dislocation inévitable. et régional (sur la chaîne de valeur ajoutée et les réseaux Au vu des incertitudes qui continuent à planer sur la véritable d’approvisionnement, par exemple). Pourtant, dans un monde nature et l’ampleur de ces conséquences, nous n’avons aucune de plus en plus globalisé, qui connaît un accroissement de la certitude qu’une adaptation à une planète +4°C est possible. spécialisation des systèmes de production et donc une plus grande Avec une telle hausse de la température, il faut s’attendre à dépendance des infrastructures pour la livraison des produits, tout ce que les populations, les villes et les pays connaissent de dommage à un système d’infrastructure est susceptible d’entraîner graves perturbations, des dommages et des bouleversements, d’importantes conséquences indirectes. Les ports maritimes d’autant que ces risques seront probablement inégalement répartis. en sont un excellent exemple : une panne ou une perturbation Il est probable que les pauvres souffriront davantage et que la substantielle des infrastructures portuaires peut avoir un impact communauté mondiale sera encore plus divisée et plus inégalitaire dépassant largement le lieu d’origine des dommages. qu’aujourd’hui. Il ne faut donc pas laisser se réaliser cette projection Il n’est pas facile d’appréhender avec précision les effets d’un réchauffement de 4°C : il faut baisser la chaleur. Seule une cumulés et combinés de tels effets qui risquent de se faire sentir action précoce, coopérative et internationale peut le permettre. 9 10 Liste des abréviations °C Degrés Celsius MCGAO Modèles de circulation générale atmosphère-océan AOSIS Alliance des petits États insulaires (Alliance of Small Island States) RE4 Quatrième rapport d’évaluation du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat RE5 Cinquième rapport d’évaluation du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat CaCO3 Carbonate de calcium cm Centimètre CMIP5 5e Projet d’inter-comparaison de modèles couplés (Coupled Model Intercomparison Project Phase 5) CO2 Dioxyde de carbone CO2e Équivalent dioxyde de carbone (ou équivalent carbone) DIVA Évaluation dynamique et interactive de la vulnérabilité (Dynamic Interactive Vulnerability Assessment) DJF Décembre janvier février MCG Modèle de circulation générale PIB Produit intérieur brut GtCO2e Gigatonnes (milliards de tonnes) d’équivalent dioxyde de carbone MEI Modèle d’évaluation intégré JJA Juin juillet août PMD Pays les moins développés OCDE Organisation de coopération et de développement économiques ppm Parties par million SRES Rapport spécial du GIEC sur les scénarios d’émission SREX Rapport spécial du GIEC sur la gestion des risques d’événements extrêmes et des catastrophes pour améliorer l’adaptation au changement climatique ASS Afrique subsaharienne CCNUCC Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques GBM Groupe de la Banque mondiale RDM Rapport de la Banque mondiale sur le développement dans le monde OMS Organisation mondiale de la santé GIEC Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat 11 BANQUE MONDIALE