101137 Commerce Algérie-Mali. La Normalité de l’Informalité Sami Bensassi Anne Brockmeyer Matthieu Pellerin Gaël Raballand1 Résumé Le nord du Mali vit largement du commerce informel, qualifié de contrebande mais largement toléré pour l’ensemble des produits exception faite du carburant et des armes et drogues. Malgré la fermeture officielle de la frontière algérienne en janvier 2013, les flux de commerce informels restent donc importants. On a ainsi pu estimer en collectant des données sur les volumes transitant, les destinations de transit et les prix de vente des différents produits dans les différentes villes, le chiffre d’affaires hebdomadaire du commerce au nord Mali en 2014 à environ 1,36 million USD, ce qui permet d’estimer les importations maliennes à plus de 54 millions USD annuels , une baisse d’environ 2/3 depuis 2011, pic du commerce entre Mali et Algérie. Or, les algériens déclaraient officiellement 1,02 million d’exportations et les maliens 1,89 million d’importations en 2011, soit respectivement 0,6% et 1,2% du volume de commerce informel estimé. Les marges sont environ de 20% (contre 30% en 2011). Le commerce informel est très important en termes d’approvisionnement du nord Mali et permet aux régions du nord de bénéficier de prix plus faibles que s’ils provenaient du sud du pays et explique pourquoi le niveau de pauvreté est si faible, notamment à Kidal. L’Etat malien est ainsi dans une position inconfortable car il est économiquement légitime que le nord soit largement ancré à l’Algérie mais cela renforce, par le biais de la corruption d’institutions comme les douanes, la faiblesse de l’Etat malien. Aussi, une politique totale de répression est impossible. Néanmoins, un laisser-faire n’est pas envisageable non plus car les marges de ce commerce permettent aux contrebandiers de rendre inopérante les institutions maliennes au nord du pays (douanes, armée et autorités politiques). Mots-clés : commerce informel, Algérie, Mali, carburants, douanes. 1 Les auteurs voudraient remercier Mehdi Benyagoub pour son aide précieuse pour cette étude et Nancy Benjamin et Olivier Walther pour leurs commentaires. 1 Table des matières 1. Introduction .................................................................................................................................... 3 2. La réglementation de la frontière en Algérie et la question des subventions au sud algérien ...... 7 3. Les faiblesses et déséquilibres du commerce officiel ................................................................... 13 4. La réalité : la contrebande, une normalité du Nord ..................................................................... 16 5. L’organisation des filières de contrebande................................................................................... 20 6. L’impact du commerce informel pour le développement ............................................................ 25 7. Conclusions et recommandations................................................................................................. 31 8. Bibliographie ................................................................................................................................. 32 Annexe 1 : Brève présentation de la méthode des statistiques miroirs ............................................... 33 Annexe 2 : Les exportations maliennes officielles en direction de l'Algérie ........................................ 34 Annexe 3: Les importations algériennes officielles en provenance du Mali ........................................ 35 Annexe 4 : Biens reportés de part et d'autre de la frontière dans le sens Algérie Mali ....................... 35 Annexe 5: Les importations maliennes totales de cigarettes et d’essence .......................................... 37 Annexe 6 : Calcul de marges pour la farine et les pâtes selon les villes ............................................... 38 2 1. Introduction Le commerce informel parait essentiel à la survie de la région saharienne. Selon la plupart des sources, l’économie du nord Mali est dépendante de ses relations avec le sud Algérien. La frontière algéro-malienne est longue de plus de 1300 kilomètres et est fermée officiellement depuis fin janvier 2013. Cette étude a pour objet une tentative d’évaluation du commerce informel entre l’Algérie et le Mali et son impact en termes de développement économique et de gouvernance au Nord Mali car même si la frontière a une réalité cartographique, administrative et économique, les liens familiaux et tribaux continuent, rendant cette région particulièrement propice au commerce transfrontalier. Le commerce informel est considéré dans cette étude comme un flux de biens non reporté ou reporté de manière inadéquate par les autorités douanières du pays. Il englobe ainsi plusieurs phénomènes : le commerce de biens passant par les postes frontières pour lesquelles de fausses déclarations sont faites en termes de nature des biens ou de quantités, la contrebande de biens (i.e. lorsque les biens sont passés complètement à l’insu des autorités douanières) à travers ou hors des postes frontières. En outre, on ne traite pas des produits dont la libre circulation est illégale dans le pays (armes et drogues dans la mesure où la collecte d’informations est encore plus difficile). 3 Les statistiques des saisies opérées par les différents services de sécurité ne permettant d'apporter qu'une vision partielle sur ces phénomènes, nous avons cherché, tout d’abord, à identifier les produits concernés, à comprendre les circuits économiques, géographiques et sociaux qui les véhiculent et saisir la stratégie des acteurs opérant de part et d’autre des frontières. Pour cela, des entretiens ont été menés auprès de différentes catégories de population: agents économiques, responsables administratifs et commerçants locaux exerçant le commerce du troc et le commerce libre et personnes ayant anciennement pratiqué la contrebande. Dans un premier temps, des informations ont été recueillies auprès des acteurs institutionnels sur les modes d'approvisionnement des produits subventionnés dans la région de Tamanrasset2. Cette première étape nous a permis d'identifier les chaînons de distribution et les quantités commercialisées en région. Ces chiffres ont été ensuite recoupés avec les données issues des entretiens effectués avec des personnes exerçant le commerce transfrontalier formel et informel3 en Algérie et au Mali pour connaitre les circuits, les prix réels des produits et les marges. Les informations recueillies lors des entretiens sur la contrebande ont été confrontées aux statistiques officielles. Cette approche a permis de comprendre assez précisément l’organisation des principaux flux transfrontaliers. A l’analyse des statistiques officielles, il semblait qu’il y avait une énigme puisque selon les autorités algériennes, l’Algérie affichait un surplus commercial avec le Mali et selon les autorités maliennes, le Mali affichait un surplus commercial avec l’Algérie. De plus, il ne semblait exister aucune correspondance entre les flux d’exportations maliens vers l’Algérie reportées par les autorités maliennes et les flux d’importations en provenance du Mali reportées par les autorités algériennes. Cette énigme s’explique par le fait que les statistiques officielles sont extrêmement parcellaires. On a ainsi pu estimer en utilisant la méthodologie de recoupement de différentes sources fondées sur l’estimation des volumes, produits et destinations utilisée dans différentes régions du monde (Raballand et al. 2010, Mitra et al. 2012, Ayadi et al. 2013), le chiffre d’affaires hebdomadaire du commerce au nord Mali en 2014 à environ 1,36 million USD, ce qui permet d’estimer les importations maliennes à plus de 54 millions USD annuels4. Il est à noter que ce chiffre d’affaires a baissé d’environ 2/3 depuis 2011, pic du commerce entre Mali et Algérie. Aussi, en 2011, on pouvait l’estimer à plus de 150 millions de dollars5 (avec 180 camions traversant la frontière par semaine). Or, les algériens déclaraient officiellement 1,02 million d’exportations et les maliens 1,89 million d’importations en 2011, soit respectivement 0,6% et 1,2% du volume de commerce informel estimé. Les marges sont environ de 20% (contre 30% en 2011). 2 Cette région est quelque peu plus tournée vers le Niger que le Mali mais les pratiques de contrebande sont similaires dans tout le sud algérien. 3 Les commerçants interrogés ont été choisis sur des critères de crédibilité des informations données et du degré d’implication dans le commerce. 4 Les estimations sont faites sur la base de 40 semaines dans la mesure où le commerce est très faible de juillet à septembre. 5 Les conversions dans ce rapport sont faites sur la base de 480 FCFA pour 1 USD. 4 Le commerce informel est très important en termes d’approvisionnement du nord Mali et permet aux régions du nord de bénéficier de prix plus faibles que s’ils provenaient du sud du pays et explique pourquoi le niveau de pauvreté est si faible, notamment à Kidal. Ainsi, le ratio commerce informel sur PIB régional atteint près de 50% à Kidal6 et est en moyenne supérieur à 20% dans le nord du pays (contre 1% à Bamako). C’est également l’une des principales activités en termes d’emplois, notamment dans l’extrême nord du pays. La quasi-totalité des produits vendus au nord Mali sont ceux qui sont subventionnés en Algérie, à savoir les pâtes alimentaires, la farine, la semoule mais aussi les carburants (voir figure 1). Malgré la fermeture officielle de la frontière algérienne en janvier 2013, les flux de commerce informels restent importants. Figure 1 : La répartition des flux en provenance d’Algérie vers le Mali en 2014 Electroménager Autres produits 2% 3% Lait en poudre 11% Farine Sucre 27% 8% Semoule 9% Pâtes Carburants 33% 7% Source des données : enquêtes des auteurs. Les trois principaux points de passage frontaliers sont Borj Badji Mokthar , quelque peu supplanté depuis 2012 par Tinzawaten et Timiaouine (voir carte 1). A Borj Badji Mokthar, les marchandises sont stockées dans les magasins puis envoyées à bord de petits camions ou de 4X4 jusqu’à In Khalil, où elles sont rechargées au fur et à mesure dans de nouveaux camions. Le carburant n’est pas un produit comme les autres et sa contrebande est le fait d’un nombre limité de fraudeurs en raison de l’extrême fermeté des Algériens en la matière. Les routes n’ont quasiment pas changé depuis 2011, certaines étant privilégiées par rapport à d’autres temporairement en raison de la situation sécuritaire qui prévaut . L’un des changements majeurs tient au remplacement du hub d’In Khalil au profit de Tal Handak, qualifié de « mini In Khalil », en raison de la situation sécuritaire extrêmement vive qui prévaut à In Khalil depuis le début de l’année 2013. La région de Gao est approvisionnée directement depuis Borj Badji Mokthar, via in Khalil, sans passer par la ville de Kidal. 6 La grande majorité des commerçants basés à Kidal sont maliens (Ifoghas, Idnan, Kounta) et originaires de Kidal, mais leurs fournisseurs sont algériens. A Kidal, les têtes de réseaux sont généralement des individus jouissant de positions d’influence. 5 Carte 1 : Les routes du commerce informel entre Mali et Algérie Source : représentation des auteurs fondée sur les enquêtes. Le commerce informel a un impact ambivalent sur le nord Mali : malgré son impact économique et social positif, il renforce l’intégration économique du nord Mali à l’Algérie et crée ainsi des rancœurs vis-à-vis de Bamako. En outre, de par son impact sur la corruption d’institutions comme les douanes ou l’armée, il mine la présence de l’Etat malien au Nord. En outre, d’un point de vue national, le potentiel de recettes de ces flux est marginal (tout au plus 25 millions de dollars en période normale de trafic) et, hormis quelques rares produits, les volumes consommés sont faibles et les flux atteignant le sud du pays le sont également. La dépendance économique vis-à-vis de l’Algérie créé une vulnérabilité extrême pour l’Etat malien au nord du pays. L’Etat malien est ainsi dans une position inconfortable car il est économiquement légitime que le nord soit largement ancré à l’Algérie mais cela renforce, par le biais de la corruption, la faiblesse de l’Etat malien. Aussi, une politique totale de répression est impossible. Néanmoins, un laisser-aller n’est pas envisageable non plus d’autant que les marges peuvent au minimum être estimées à 10-15 millions de dollars (sans parler du trafic d’armes ou de stupéfiants) et permettent aux contrebandiers de rendre la répression contre les trafics inefficace (que ce soit les douanes, l’armée ou même les autorités politiques). 6 Etant donné l’importance économique et politique de l’Algérie pour le nord Mali et les problèmes actuels d’instabilité, il est crucial que des discussions soient menées avec les autorités algériennes. En outre, il est important de distinguer les différentes filières de contrebande et probablement délaisser l’aspect fiscal au profit d’un contrôle plus sécuritaire de la contrebande. L’article est organisé comme suit : la seconde section présente le contexte réglementaire et le rôle joué par les subventions algériennes, suivi de l’analyse des statistiques officielles, ensuite est estimé le volume du commerce informel en 2011 et en 2014 puis l’organisation des principales filières est décrite. La section suivante montre l’impact social du commerce informel mais aussi l’impact en termes de gouvernance et au niveau macroéconomique, la dernière section propose quelques pistes possibles d’amélioration. 2. La réglementation de la frontière en Algérie et la question des subventions au sud algérien Les wilayas du sud de l'Algérie, dont Tamanrasset, bénéficient d'un double système de subvention : le système de compensation des frais de transports mis en place exclusivement pour ces régions et la subvention des prix des produits de large consommation (dite subvention à la source) applicable sur l'ensemble du territoire algérien. Etant donné l’impact potentiel de subvention des pays limitrophes, un système de troc a été mis en place pour réguler les flux. Enfin, en 2012, suite à la prise du pouvoir par des islamistes au nord Mali et à l’intervention militaire française subséquente, la frontière a été officiellement fermée avec le Mali en janvier 2013. Le fonds de compensation des frais de transport en Algérie Le système de compensation se présente sous forme de remboursement des frais de transport, induits par l'approvisionnement et la distribution des produits de large consommation au niveau des wilayas des régions du sud (Tamanrasset, Illizi, Adrar, Tindouf, Ouargla, Bechar, El Beidh, El oued, Ghardaïa, Naama).Ce programme est régi par le décret exécutif du 10 juillet 20077.Le remboursement couvre à la fois les transports inter wilayas ainsi que le transport à l'intérieur de la wilaya bénéficiaire. Ce dispositif a pour objectif d'assurer l'alimentation les populations des localités éloignées en produits de large consommation. Le système de remboursement est calculé sur la base suivante: Montant de la compensation par opération= Distance (en km) X poids (en tonne) X 3 DA 7 Décret exécutif n° 07-216 du 25 Joumada Ethania 1428 correspondant au 10 juillet 2007 complétant le décret exécutif n° 97-53 du 5 Chaoual 1417 correspondant au 12 février 1997 fixant les modalités de fonctionnement du compte d'affectation spéciale n° 302-041 intitulé « Fonds de compensation des frais de transport ».JORADP n°46,p.3. 7 Un chargement de 40 tonnes acheminé depuis Alger (distance estimée officiellement de 1945 km) donne droit à un remboursement de l'ordre de 233 400, 00 DA soit un montant supérieur au prix réel de transport qui ne dépasse pas, selon les déclarations, 180 000, 00 DA. Le budget global alloué en 2013 à ce programme est de 979 309 333 DA (soit près de 12,5 millions de dollars) dont près du quart pour la wilaya de Tamanrasset uniquement. L’importance des subventions à la consommation en Algérie La subvention à la source (Liste des prix des produits subventionnés): - Semoule normale: 900 da/ 25 kg - Semoule qualité extra: 1000 da/ 25 kg - Lait: 25 da/ litre - Farine: 2000 da / 100 kg (pour les boulangers), 2080 da / 100 kg pour les vendeurs détaillants, 2180 da/ 100 kg pour le consommateur - Sucre : entre 90 et 95 da/ kg - Huile: 600 da /50 L, 250 da/ 2L, 125 da/ 1 L - Ciment: le prix du ciment n'est pas défini mais les marges de bénéfices sont fixées à 40 da/25 kg pour les grossistes et 80 da/25 kg pour les détaillants. La dotation en produits subventionnés n'est pas basée sur une étude des besoins réels de consommation. La direction du commerce, contrairement à la société NAFTAL, ne détient pas un contrôle sur la distribution de ces produits. Elle n'intervient que pour suivre la procédure de remboursement des frais de transport et vérifier la régularité des informations figurant sur les demandes. Chaque commerçant grossiste légalement enregistré et non inscrit sur le fichier des fraudeurs peut prétendre à ce remboursement quel que soit le nombre des opérations et la quantité des produits acheminés. Ce règlement se fait annuellement à hauteur du budget alloué et dans le cas d'insuffisance des crédits, les montants non remboursés sont reconduits sur l'année suivante. Ce procédé a généré jusqu'en 2013, une dette cumulée de plus de 1, 8 milliards de dinars que la direction du commerce éponge graduellement à partir du fond de compensation (près de 25 millions de dollars)8. Le carburant est un produit largement subventionné en Algérie, la valeur de l'essence normale étant de 21,20 da/L (soit 27 cents); le super 23 da/L (29 cents) et le gasoil 13,70da/L (17 cents) et cela sur l'ensemble du territoire. Le prix de vente au Niger varie entre 78 cents et 1,3 dollar ; le prix du gasoil varie entre 65 cents et 1,1 dollar. Les localités frontalières sont soumises à une forme de régulation de l'approvisionnement. Cette régulation consiste à la limitation, pour chaque opérateur identifié, des quantités de produits subventionnés à commercialiser au niveau de ces régions. Mais ce dispositif ne limite pas le nombre 8 Un projet est cependant à l'étude pour rationaliser le dispositif et limiter ces remboursements à hauteur des budgets annuels disponibles mais sa mise en application semble délicate. Le système de compensation des frais de transport comme le système de subvention des prix sont considérés comme des droits acquis dont la remise en question peut provoquer une forte réaction sociale. 8 de commerçants pouvant souscrire à cette activité et ne fixe pas, par conséquent, de seuils limites aux dotations des zones frontalières. La liste comprenant les noms des commerçants, leur identifiant fiscal et les quantités autorisées par produit est transmise par la direction du commerce aux services des douanes qui sont chargés de délivrer sur demande les titres de passage en douane. Le dispositif permet de faciliter le contrôle des mouvements des produits subventionnés et de disposer de chiffres des dotations annuelles de ces régions. La semoule, la farine et les pâtes sont les produits de consommation les plus subventionnés avec plus de 2000 tonnes pour Tinzawaten et In Guezzam et 4000 tonnes de ciment pour les deux localités. L'examen des listes des commerçants autorisés à l'approvisionnement des localités frontalières révèle également le contrôle des deux filières (denrées alimentaires et matériaux de construction) par certaines tribus. A Tinzawaten, un groupe représente 7 sur les 42 opérateurs autorisés à l'approvisionnement de cette localité en matériaux de construction (16% de l'activité) et 6 sur les 67 autorisés pour l'approvisionnement des denrées alimentaires (à peu près 8% de l'activité). Nous trouvons également quelques membres de cette famille dans le commerce du troc. Le contrôle des frontières du côté algérien Les frontières qui séparent l’Algérie et le Mali sont aussi longues que celles avec le Maroc (1 376 km). La surveillance de la frontière sud de l’Agérie est d’autant plus difficile que la densité de la population est très faible, surtout dans l’extrême Sud. Avec le Niger, les frontières sont longues de 956 km. Ces frontières couvrent une région saharienne traversée par les pistes empruntées par les commerçants. Le conflit qui prévaut au nord du Mali depuis janvier 2012 a bouleversé les équilibres commerciaux entre l’Algérie et le Mali. L’Algérie a fermé officiellement sa frontière sud en janvier 2013 pour se prémunir d’incursions d’islamistes qui auraient fui le Mali après l’intervention militaire française. En outre, par décision du conseil des ministres du 14 juillet 2013, des mesures ont été prises pour limiter la contrebande de carburants aux frontières étant donné son ampleur dans tout le pays. En plus des dispositions d'ordre opérationnel, les mesures adoptées, toujours en vigueur, ont pour but de contrôler la distribution de carburant aux niveaux des stations essence par les actions suivantes: - Contrôle par les services de police de toutes les stations essence y compris celles à l'intérieur du pays; - Mise en place d'un système de signalement pour identifier les véhicules suspects procédant à des passages répétés ; - Rationalisation et contrôle des dotations des Fellahs (agriculteurs) en carburant; - Interdiction de dotation au niveau des stations essence des personnes munies de jerricans, bidons ou autres récipients. La sous-région a des accords en matière de gestion des frontières notamment par la création d’un comité bilatéral frontalier algéro-nigérien et la commission mixte de sécurité algéro-malienne. 9 L’application des résolutions de l’OUA a permis la conclusion, sans difficulté majeure, des accords de bornage des frontières avec le Niger le 5 janvier 19839, avec le Mali le 8 mai 198310. La commission mixte de sécurité algéro-malienne est un organe administratif et exécutif créé par l’Algérie et le Mali pour prendre en charge les différents aspects de la coopération en matière de sécurité dans les régions frontalières mais qui semble ne se réunir qu’une fois tous les 3 ans et est donc virtuellement inexistante.11 Mais cette coopération supranationale est complétée par un renforcement du côté algérien du dispositif juridique et opérationnel. La stratégie de sécurité adoptée repose essentiellement sur le contrôle et la surveillance du territoire. La gendarmerie dispose pour accomplir ces missions, à la fois militaire et de police, de plus 120 000 gendarmes (niveau national) avec la création en 2010 de 299 nouvelles brigades, 11 cellules de recherche, 48 cellules de police technique et le maintien du niveau de recrutement annuel. La participation de la gendarmerie nationale à la surveillance et au contrôle des frontières porte sur les frontières terrestres par le biais des brigades de gardes-frontières. La douane algérienne a connu dans le cadre de son programme de modernisation (2007-2010) une large opération de recrutement avec un effectif de plus de 20 000 douaniers en 2012 et un maintien d’un niveau de recrutement pour les besoins de surveillance dans les régions du sud. Ce dispositif est renforcé par l’installation des postes des frontières terrestres pour le contrôle du passage des voyageurs et des marchandises12 avec 26 postes de douane répartis sur l’ensemble des frontières (8 postes au niveau des frontières Est, 14 bureaux au niveau des frontières Sud et 4 bureaux au niveau des frontières Ouest ainsi que des postes de surveillance chargées exclusivement de la surveillance des zones frontalières). Un autre projet vise à assurer dans les prochaines années le contrôle, par satellite, des frontières terrestres. L’utilisation de cette technologie se fera à titre expérimental, dans le suivi des déplacements des véhicules des brigades de la douane. Ces mesures sont soutenues sur le plan juridique par l’adoption d’une loi spécifique sur la lutte contre la contrebande renforçant les sanctions contre toutes les formes de contrebande 13. Si ces sanctions sont justifiées contre les formes graves de contrebande (armes, stupéfiants, etc.), elles restent toutefois disproportionnées pour les trafics des produits de consommation destinés au ravitaillement des localités sahariennes enclavées. Les peines applicables sont de 10 à 20 ans de prison et une amende égale à 10 fois la valeur cumulée des marchandises et du moyen de transport et leur confiscation (article 12). Cette politique de répression qui se veut à l’origine dissuasive 9 Décret n° 83-379 du 28 Mai 1983 portant ratification de la convention relative au bornage de la frontière d'Etat entre la République algérienne démocratique et populaire et la République du Niger signée à Alger le 5 janvier 1983 (JO N° 54 du 27 Décembre 1983, Page 3125). 10 Décret n° 83-380 du 28 Mai 1983 portant ratification de la convention relative au bornage de la frontière d'Etat entre la République algérienne démocratique et populaire et la République du Mali, faite à Alger le 8 mai 1983 (JO N° 23 du 04 Juin 1983, Page 1043). 11 Décret n° 83-400 du 18 Juin 1983 portant ratification de la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre la République algérienne démocratique et populaire et la République du Mali, signée à Bamako le 4 décembre 1981 (JO N° 26 du 21 Juin 1983, Page 1142). 12 Décision du 22 Octobre 2005 relative aux postes de douane frontaliers terrestres (JO N° 25 du 19 Avril 2006, Page 26). 13 Ordonnance n° 05-06 du 23 Août 2005 relative à la lutte contre la contrebande (JO N° 59 du 28 Août 2005, Page 3). 10 participe au renversement du rapport gain/risque et l’orientation des fraudeurs à des formes plus rentables de trafic. Les postes de Timiaouine et de Bordj Badj Moktar sont frontaliers avec le Mali uniquement. Le Officiellement, le commerce de troc est en perte de vitesse depuis 2011, passant de 3,4 millions de dollars USD en 2011 à 3,1 millions à 700 000 USD en 2013. La réglementation par le troc et du contrôle des changes Plusieurs accords commerciaux ont été signés entre l’Algérie et le Mali14 et entre l’Algérie et le Niger15. La suspension en Algérie du régime de transit international terrestre depuis le début des années 90, marque la fin de l’approvisionnement du Mali et du Niger par les ports algériens. L’intervention institutionnelle est essentiellement basée sur la sécurisation des frontières, la régulation et le contrôle du commerce de troc qui demeure opérationnel (exclusivement avec le Niger) malgré la fermeture des frontières par l’Etat algérien en 2013. A titre exceptionnel, les autorités algériennes procèdent, deux fois par mois, à l’ouverture des frontières pour le ravitaillement des populations locales par les échanges du troc. L‘inconvertibilité du dinar algérien instauré peu après l’indépendance a contraint les opérateurs à commercer sous forme de troc : la somme dégagée sur la vente d’un produit permet l’achat d’un autre. Des filières fonctionnant par groupes de produits se sont ainsi constituées : dattes-produits agricoles, sel-bétail, matériaux de construction-produits de l’industrie nigériane, etc (Grégoire 1998) 14 Ordonnance n° 75-71 du 12 Novembre 1975 portant ratification de la convention relative aux transports routiers de marchandises, à titre onéreux, entre la République algérienne démocratique et populaire et la République du Mali, signée à Bamako le 30 juin 1975 ( JO N° 99 du 12 Décembre 1975, Page 1056). Décret n° 83-341 du 21 mai 1983 portant ratification de la convention commerciale et tarifaire entre le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire et le Gouvernement de la République du Mali, faite à Bamako le 4 décembre 1981 (JO N° 21 du 24 Mai 1983, Page 977), Décret Présidentiel n° 01-80 du 29 mars 2001 Portant ratification de l'accord commercial et tarifaire entre le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire et le Gouvernement de la République du Mali, signé à Bamako le 11 juillet 1996 (JO N° 20 du 08 avril 2001, Page 3). 15 Décret n° 65-121 du 23 Avril 1965 portant ratification de l'accord sur les échanges commerciaux entre le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire et le gouvernement de la République du Niger, signé à Alger le 3 juin 1964 (JO N° 43 du 21 Mai 1965, Page 534). Ordonnance n° 76-37 du 20 Avril 1976 Portant ratification de la convention commerciale et tarifaire relative à l'accord à long terme entre le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire et le Gouvernement de la République du Niger, signée à Alger, le 19 février 1976 (JO N° 40 du 18 Mai 1976, Page 512). Décret Présidentiel n° 2000- 422 du 17 Décembre 2000 Portant ratification de l'Accord commercial entre le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire et le Gouvernement de la République du Niger, signé à Alger le 16 mars 1998(JO N° 78 du 20 Décembre 2000, Page 12). Décret Présidentiel n° 2000-423 du 17 Décembre 2000 portant ratification de l'Accord entre le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire et le Gouvernement de la République du Niger relatif aux transports routiers internationaux de marchandises, de voyageurs et de transit, signé à Alger la 16 mars1998 (JO N° 78 du 20 Décembre 2000, Page 14). 11 Le commerce de troc est institué par une réglementation algérienne unilatérale16. Il s’agit d’un dispositif mis en place par les autorités algériennes (ministère du commerce) pour tenter de « normaliser » une pratique « légitime » par son ancienneté datant de bien avant la période coloniale et la constitution de l’Etat algérien. L’arrêté de 1994, principal texte qui régit le commerce de troc, souligne dans ces deux premiers articles le caractère exceptionnel du commerce de troc17. Ce dispositif limite le cadre instituant le marché du troc tout en accordant un large pouvoir de gestion et de contrôle aux autorités administratives locales. Selon ce même dispositif, un équilibre entre les valeurs des importations et des exportations effectués dans le cadre du troc doit être impérativement observé ; le produit de la vente des marchandises maliennes et nigériennes ne peut être affecté qu’à l’achat des marchandises algériennes figurant dans la liste et le montant de produits achetés en vue de l’exportation ne doit pas être supérieur à celui déclaré à l’entrée (article 8).L’arrêté de 1994 fixe la liste des marchandises admises dans le cadre du troc en suspension des droits et taxes et son espace géographique fixé aux limites territoriales des wilayas d’Adrar, de Tamanrasset et d’Illizi et étendu à la wilaya de Tindouf par arrêté de 199918. Les produits algériens autorisés pour le troc sont : dattes communes ; dattes frezza, à l’exclusion des autres variétés de dattes de Degletnour ; sel domestique ; objets domestiques en plastique, en aluminium, en fonte, en fer, en acier ; couvertures ; artisanat local à l’exclusion des tapis de laine. Les produits autorisés en provenance du Mali et du Niger sont : le cheptel vif ; henné ; thé vert ; épices ; tissu turban ; tissu tarri ; mil ; beurre rance de consommation locale ; légumes secs ; riz ; mangue. Il est à noter que depuis la fermeture des frontières, seules les dattes sèches sont autorisées à l'exportation. L’arrêté de 1994 exige pour l’octroi de l’autorisation d’exercer le commerce du troc que la personne physique ou morale soit immatriculée au registre de commerce algérien en qualité de grossiste et qu’elle dispose d’infrastructure de stockage et de moyens de transports de marchandises en propriété ou en location (article 4), une formalité non exigée dans les réglementations précédentes de 1991. Cette mesure a créé un monopole des commerçants 16 Article 128 de la loi de finance pour 1994 et l’arrêté Arrêté inter. du 14 Décembre 1994 Fixant les modalités d'exercice du commerce de troc frontalier avec le Niger et le Mali (JO N° 7 du 15 Février 1995, Page 30) abrogeant l’Arrêté du 05 Avril 1991 fixant les conditions et modalités d'importation et d'exportation de marchandises dans le cadre du commerce de troc frontalier avec le Mali (JO N° 29 du 12 Juin 1991, Page 914) et Arrêté du 05 Avril 1991 fixant les conditions et modalités d'importation et d'exportation de marchandises dans le cadre du commerce de troc frontalier avec le Niger (JO N° 29 du 12 Juin 1991, Page 915). A cette réglementation s’ajoute aussi plusieurs arrêtés réglementant de la foire de l’Assehar à Tamanrasset. Selon un responsable du ministère de commerce, l’Algérie a convié la partie malienne et la partie nigérienne à conclure un accord international entre les trois états ; une forme juridique plus adaptée pour réguler des échanges commerciaux transfrontaliers. Cette proposition n’a pas été acceptée par les deux pays, intégrées dans le CEDEAO et qui ne peuvent, à cause de ce statut, procéder unilatéralement à des accords commerciaux préférentiels en dehors de cet espace économique. 17 « Le commerce du troc revêt un caractère exceptionnel et est destiné à faciliter l’approvisionnement des seules populations qui résident dans les wilayas d’Adrar, d’Illizi, de Tamaneghasset et de Tindouf » article 2 de l’Arrêté inter. du 14 Décembre 1994 fixant les modalités d'exercice du commerce de troc frontalier avec le Niger et le Mali modifié par Arrêté inter. du 12 Avril 1999 (JO N° 35 du 19 Mai 1999, Page 13). 18 Arrêté inter. du 12 Avril 1999 Modifiant et complétant l'arrêté interministériel du 10 Rajab 1415 correspondant au 14 décembre 1994, fixant les modalités d'exercice du commerce de troc frontalier avec le Niger et le Mali (JO N° 35 du 19 Mai 1999, Page 13). 12 algériens sur le commerce transfrontalier de gros obligeant les Maliens et les Nigériens à passer par ces intermédiaires (Scheele, 2011). Les procédures relatives au commerce de troc sont très largement décentralisées. Le wali (préfet) dispose conformément à cet arrêté d’un grand pouvoir d’appréciation, en fonction de la situation locale, des quantités des marchandises admises à l’importation (article 3 paragraphe 2). Il fixe annuellement la liste des grossistes chargés de réaliser les opérations de troc frontalier (article 5) et peut également décider des retraits de ces autorisations aux commerçants opérant pour un tiers, ou transgressant la législation commerciale, douanière ou fiscale en vigueur ou n’ayant pas réalisé d’opérations d’importations ou d’exportation durant l’année (article 6). Les services locaux du commerce, de douane et des impôts sont chargés d’arrêter les fourchettes de prix et d’évaluer périodiquement les conditions de réalisation de l’activité (article 12). A l’occasion de la journée mondiale des douanes du 26 janvier 2012, un séminaire a été organisé à Tamanrasset par la Direction Générale des Douanes et le ministère du commerce auquel les représentants locaux ont été conviés pour examiner le dispositif du troc, jugé flou et inadapté selon les populations locales. Afin d'assurer le respect de l'équilibre des échanges, les services des douanes disposent d'une fiche de suivi des opérations effectuées par chaque commerçant et s'assure à travers ce contrôle individualisé du respect de la réglementation en vigueur. A la fin de l'année, chaque opérateur qui n'a pas respecté cet équilibre de paiement est convié à procéder, lors de l'année suivante, à des opérations commerciales pour redresser l'écart sous peine de suspension. 3. Les faiblesses et déséquilibres du commerce officiel Les flux de commerce enregistrés entre les deux pays sont extrêmement faibles ce qui indique soit peu de commerce soit beaucoup d’informel. Pourtant, le commerce de troc est passé de l’année 2000 à l’année 2010 de 1,46 million de dollars USD à plus de 6 millions de dollars USD à l’importation et de 742 000 dollars à plus de 5 millions de dollars USD à l’exportation d’après les autorité algériennes (pour le Niger et le Mali). D’après COMTRADE, les chiffres diffèrent. Les données de commerce entre l’Algérie et le Mali disponibles sont donc fluctuantes et peu fiables. Ainsi, les valeurs des transactions enregistrées par les deux pays sont très différentes : les autorités maliennes enregistrent des importations pour une valeur de plus de 1,89 millions de dollars en 2011, les autorités algériennes n’enregistrent une valeur que de 1,02 million de dollars pour la même année. De même, les autorités maliennes enregistrent des exportations pour une valeur de plus de 11,5 millions de dollars en 2011, les autorités algériennes n’enregistrent une valeur que de 0,10 million dollars d’importations pour la même année. 13 Le tableau suivant propose un résumé des flux totaux de commerce entre l’Algérie et le Mali selon les déclarations douanières publiés auprès de COMTRADE : Tableau 1. Flux totaux enregistrés (en millions USD) Exportations Exportations Exportations Exportations Maliennes Algériennes Algériennes Maliennes (Valeur Année (Valeurs (Valeur (Valeur Enregistrées à Enregistrées à Enregistrées à la Enregistrée à la l'entrée en l'entrée au Mali) sortie d'Algérie) sortie du Mali) Algérie) 2007 1,32 0,62 0,16 1,95 2008 4,94 0,64 0 2,39 2009 0 2,65 0 0 2010 1,54 0,27 0 3,11 2011 1,89 1,02 0,10 11,57 2012 1,84 0,58 0,25 1,85 Source de données : COMTRADE. Si les autorités maliennes enregistrent l’entrée de 13 types de biens différents en 2007, les autorités algériennes enregistrent la sortie de 141 types de biens différents pour la même année. (Voir Tableau 1). Si on s’intéresse maintenant aux exportations maliennes en direction de l’Algérie, on remarque les faibles flux de commerce enregistrés existants. L’année 2011 s’avère exceptionnelle avec 42 types d’exportations enregistrés côté malien et seulement 4 importations en provenance du mali enregistrés côté algérien. (Voir Tableau 2). Tableau 2. Variétés de biens échangés de l’Algérie vers le Mali Nombre de variétés Nombre de lignes Nombre de variétés de biens exportées Nombre de lignes d'importation de biens importées enregistré par les d'exportations malien algériennes enregistrés par les autorités algériennes nes enregistrées (vers enregistrées (en autorités maliennes l’Algérie) provenance du Mali) 2007 13 141 2 7 2008 149 21 8 1 2009 0 30 0 4 2010 35 27 6 0 2011 52 31 42 4 2012 59 70 6 4 Pour les flux où ils existent une correspondance entre les biens reportés par les autorités algériennes à l’exportation et maliennes à l’importation de larges disparités peuvent exister (voir annexe3). Les dates représentent par exemple le plus gros volume d’affaires avec une valeur importée en 2011 de plus 947 000 USD soit environ 9 fois la valeur à l’exportation (107 840 USD). Cependant c’est au niveau de l’eau minérale et des équipements nécessaires à la purification de l’eau que l’on trouve les plus grands écarts de commerce en 2011. L’écart de commerce correspond 14 à plus de 120 fois la valeur à l’importation pour ce qui est de l’eau minérale et 880 fois la valeur à l’importation pour le matériel de purification19. Finalement nous nous sommes intéressés aux biens les plus souvent exportés de l’Algérie vers le Mali. Selon les autorités algériennes les biens les plus souvent exportés sont les aiguilles médicales et autres matières organiques (HS6 294200) suivis des machines d’épuration d’eau, du sel et des graisses végétales (HS 151590 et 151790) présents 5 années sur 6. Pour les autorités maliennes, les biens les plus souvent importés sont les dattes et les pneumatiques présents 5 années sur 6. Le tableau suivant propose une focalisation sur certains biens de consommation algériens courants que l’on sait consommés au Mali, à savoir couscous et dattes. Les autorités maliennes enregistrent des volumes et des valeurs d’importations pour ces biens supérieurs à leurs homologues algériens. On peut aussi remarquer que l’Algérie est largement le principal fournisseur de dattes au Mali, ce qui peut s’expliquer par le régime de troc, décrit dans une section précédente. Tableau 3.Biens de consommations courantes algériens consommés au Mali Tonnage Valeur Tonnage Valeur Tonnage Valeur Ratio Tonnage Ratio Année importation importation exportation exportation importation importation Algérie/Monde ValeurAlgérie/Monde Algérie Algérie Mali Mali Monde Monde Couscous 2011 - - - - 124299 76479 - - 2012 643460 229277 5000 1901 813353 293409 79.11% 78.14% Total 643460 229277 79000 43931 1863174 821662 - - Dates, fresh or dried 2011 6386960 947290 98600 107840 6507016 1119321 98.15% 84.63% 2012 5839559 841058 - - 5878457 870580 99.34% 96.61% Total 30774706 4561126 98600 107840 31179688 5008978 98.70% 91.06% *- indique une valeur manquante Les exportations maliennes selon les autorités maliennes semblent être dominées par l’exportation de fruits, goyave et mangue (plus haute valeur à l’exportation entre 2007 et 2012 avec une valeur de plus 2 millions de USD en 2011, cette exportation est présente 3 années consécutivement), et de moutons vivants (HS 10410) (seule exportation malienne présente sur 5 année parmi les 6 étudiées). Les autorités algériennes reportent quant à elle le coton (HS 520100) comme principal exportation malien sur la période étudiée avec une valeur de 2,5 millions de dollars en 2012. Dans les statistiques officielles le commerce de carburant n’apparait que de manière parcellaire et dans des valeurs faibles. Les Algériens déclarent exporter de l’essence (HS code 271000) en 2007 et 2010 pour des valeurs respectivement de 14238 USD et 7105 USD. Les maliens déclarent importer de l’essence en 2011 (HS code 271000) pour une valeur de 19064 USD, et du gaz (HS code 271129) 19 Ces flux pourraient correspondre au contenu d’une aide humanitaire octroyée par l’Algérie au Mali en 2011 dans les domaines de l’eau, et de la santesanté (la même année on trouve un écart pour des aiguilles de seringue de 1042% de la valeur importée) et spécialement destinée aux régions Nord du Mali (El Watan, 29/04/2011). 15 en 2008 pour une valeur 623 USD. Aucune exportation de cigarettes en provenance d’Algérie n’est enregistrée. L’annexe XX montre les origines des importations maliennes de cigarettes et d’essence dans les statistiques officielle ainsi que leur valeur et tonnage totaux. 4. La réalité : la contrebande, une normalité du Nord Malgré la fermeture des frontières, la contrebande continue entre l’Algérie et le Mali (même si les volumes ont fortement baissé depuis 2011). Ceci peut s’expliquer car économiquement l’intégration du nord Mali à l’Algérie est économiquement rationnelle. Une intégration économique du nord Mali à l’Algérie Economiquement, même sans tenir compte des subventions algériennes de transport et sur les produits, il est légitime que Kidal, voire Gao soient tournés vers l’Algérie car les temps de transport sont de 7 à 8 jours d’Alger contre au minimum 17 jours par Dakar ou la voie sud (voir tableau XX) étant donné la qualité des infrastructures en Algérie. Tableau 4 : Comparaison des distances et des temps moyens de transport pour Kidal, Gao et Bamako et Alger, Dakar, Abidjan et Tema Kidal Gao Bamako distance (en kms) Alger 2297 2597 4193 Dakar 2950 2650 1400 Abidjan 2400 2050 1150 Tema 2250 1900 2000 Kidal Gao Bamako (temps moyen de transport, en jours) Alger 7 8 20 Dakar 18 17 13 Abidjan 23 22 19 Tema 24 23 22 Source : Comité de liaison de la route Transsaharienne (2009). En outre, le transport maritime est bien plus faible pour les ports maghrébins que pour les ports d’Afrique de l’Ouest : il existe un rapport inférieur de 2 à 3 en moyenne, ce qui explique le prix de transport total en provenance d’Europe soit bien moins onéreux pour le nord Mali d’Alger que du golfe de Guinée. Une estimation du volume de commerce informel Le nord du Mali vit largement du commerce informel, qualifié de contrebande mais largement toléré pour l’ensemble des produits exception faite du carburant et des produits de trafic (armes, drogues…). Le seul commerce autorisé entre l’Algérie et le Mali est celui des dattes, tous les autres étant qualifiés de contrebande. Si la quasi-totalité des produits consommés au nord du Mali viennent de l’Algérie, surtout pour la région de Kidal, des produits viennent également de la Mauritanie pour la région de Tombouctou (le sucre ou les tapis) et du Niger (essence de contrebande). Une partie non négligeable des produits de contrebande est acheminée jusqu’à Bamako, notamment la farine, les pâtes, l’huile ou l’électroménager. 16 On estime dans cette section le chiffre d’affaires annuel du commerce informel (avec une focalisation sur les flux entrant au Mali). L’estimation des volumes (et des profits) comporte nécessairement une marge d’erreur du fait de l’absence de données de base disponibles. Méthodologiquement, le calcul s’appuie sur les déclarations d’une dizaine de commerçants et douaniers interrogés sur le nombre de véhicules traversant la frontière par semaine en 2011 et 2014, leur destination et les prix de vente dans les différentes villes. Des moyennes ont ensuite été calculées (en donnant plus de poids aux interlocuteurs jugés les plus fiables, les plus impliqués dans le commerce). Tiré des entretiens sur les modes de transport, des hypothèses ont été faites sur les tonnages unitaires et les surcharges. On a ainsi pu calculer des chiffres d’affaires par produit/ville par semaine et par an. D’après les entretiens, 180 camions par semaine « en temps normal », c’est-à-dire pour l’année 2011, étaient considérés traverser la frontière algéro-malienne. La répartition des flux commerciaux selon les villes desservies et la catégorie des camions utilisés était la suivante : Tombouctou : 20 camions (10 t uniquement) ; Kidal: 35 camions (20 t à 70%) ; Gao: 35 camions (20 t à 70%) ; Bamako: 30 camions (20 t principalement) ; Niger et Nigeria : 60 camions (40 t à 80%) 1920 ; La répartition par biens est la suivante : 35 camions de farine, 30 camions de pates, 25 camions de semoule, 20 camions d'autres produits de première nécessité (huile, boissons, sucre, lait en poudre...), 30 camions d'essence, 30 camions de dattes, 5 camions d'électroménager et 5 camions d’autres produits. Etant donné les volumes unitaires, les marchandises commercées entre l’Algérie et le Mali représentaient un volume hebdomadaire de 4640 tonnes : 750 tonnes pour la région de Kidal, 930 tonnes pour la région de Gao, 200 tonnes pour la région de Tombouctou, 770 tonnes pour Bamako et 1990 tonnes destinés au Niger et au Nigeria. Il convient d’ajouter 25% en moyenne en raison de la surcharge des camions, un camion de 10 tonnes va transporter jusqu’à 13 tonnes (le tableau 5 donne le détail des prix et quantités par biens et villes avec une dernière colonne sur le total en tonnes par produit. Tableau 5 : Prix et quantités hebdomadaires par villes. 17 En 2011, on pouvait estimer le commerce informel total à plus de 150 millions de dollars. Or, on peut ainsi estimer le chiffre d’affaires hebdomadaire du commerce au nord Mali en 2014 à 654.657.000 FCFA, soit environ 1,36 million USD, ce qui permet d’estimer les importations maliennes à plus de 54 millions USD annuels (voit détail du calcul en encadré 1). Ce chiffre d’affaires a baissé d’environ 2/3 depuis 2011, pic du commerce entre Mali et Algérie. Les statistiques officielles semblent ainsi totalement inadéquates puisque les Algériens déclaraient officiellement 1,02 million d’exportations et les Maliens 1,89 million d’importations en 2011, soit respectivement 0,6% et 1,2% du volume de commerce informel estimé. Encadré 1 : Détail des estimations du chiffre d’affaires de la contrebande à destination du Mali en 2014 Les chiffres suivant sont des estimations hebdomadaires. En 2014, la répartition des camions est composée de 14 camions de farine, 10 camions de pates, 5 camions de carburant, 4 camions de semoule de blé, 3 camions de sucre, un camion de lait en poudre, un camion d’électroménager, et 2 camions d’autres produits. - La farine représentait un chiffre d’affaires de 401.000.000 FCFA en 2011 (les tonnages ont été multipliés par 20 21 les prix de vente dans chaque ville ) et a connu une baisse de 60% en 2014, et une inflation de 30% , soit un chiffre d’affaires de 178.400.000 FCFA en 2014. - Les pates représentaient un chiffre d’affaires de 483.400.000 FCFA en 2011 et ont enregistré une baisse de 66% en 2014, soit 161.000.000 FCFA avec une inflation de 30% à Gao et Kidal, et de 45% à Tombouctou, soit un chiffre d’Affaires de 217.000.000 FCFA. - Le carburant représentait un chiffre d’affaires de 150.700.000 FCFA en 2011 et a connu une baisse de 84% en 2014, soit un chiffre d’affaires de 24.100.000 FCFA auquel on doit tenir compte de l’inflation de 100% au nord du Mali, soit un chiffre d’Affaires de 48.200.000 FCFA. - La semoule de blé représentait un chiffre d’affaires de 183.500.000 FCFA en 2011 et a connu une baisse de 84% en 2014, soit un chiffre d’affaires de 32.400.000 FCFA avec une inflation de 75% à Gao et Kidal, et de 230% à Tombouctou (où moins d’un camion par semaine est enregistré), ce qui donne un chiffre d’Affaires de 56.700.000 FCFA. - Le sucre représentait un chiffre d’affaires de 81.700.000 FCFA en 2011 et a connu une baisse de 50% en 2014, soit un chiffre d’affaires de 40.850.000 FCFA auquel on ajoute une inflation uniforme de 25% au nord du Mali, ce qui augmente le chiffre d’Affaires à 51.000.000 FCFA. - Le lait en poudre représentait un chiffre d’affaires de 166.830.000 FCFA en 2011 et a connu une baisse de 80% en 2014, soit un chiffre d’affaires de 33.366.000 FCFA et avec une inflation uniforme de 120% au nord du Mali, soit 73.414.000 FCFA. 20 Les estimations sont faites sur la base de 40 semaines dans la mesure où le commerce est très faible de juillet à septembre. 21 Ceci provient des entretiens et des différentiels de prix entre 2011 et 2014. 18 - L’électroménager représentait un chiffre d’affaires de 40.720.000 FCFA en 2011 et a connu une baisse de 80% en 2014, soit un chiffre d’affaires de 8.140.000 FCFA avec une inflation uniforme de 25% au nord du Mali, soit 10.175.000 FCFA. - Les autres produits représentaient un chiffre d’affaires de 70.600.000 FCFA en 2011 et ont connu une baisse de 80% en 2014, soit un chiffre d’af faires de 14.120.000 FCFA et une inflation uniforme de 40% au nord du Mali, soit 19.768.000 FCFA. Ces estimations semblent conformes (et minimales) lorsqu’on les compare à des pays de faible gouvernance où ce même type d’estimation a été entrepris (voir tableau XX). Tableau 6 : Comparaison du montant estimé d’importation informelle par habitant Pays Montant estimé d’importation informelle par habitant (en USD) Nigéria 250 Tunisie 120 Nord-Mali 45 (1) -125 (2) Sources : Ayadi et al. 2013 pour la Tunisie, Raballand et al. 2010 pour le Nigéria (notamment la région de Lagos). (1) en 2014 et (2) en 2011. Chiffres pour tous les principaux produits importés. L’érosion des flux depuis 2011 Le marché de la contrebande a été considérablement bouleversé depuis 2012 et la rébellion au nord du Mali. Le commerce informel au nord du Mali subit une triple crise : une baisse de la demande consécutive aux flux de réfugiés et de déplacés depuis début 2012, une baisse de l’offre en raison de la migration de commerçants réfugiés en Mauritanie, au Niger ou déplacés à Bamako, une insécurité grandissante sur les axes commerçants qui découragent certains commerçants restés au nord du Mali, une fermeture de la frontière algérienne qui a réduit drastiquement les volumes commerciaux depuis début 2013. Certains produits ne sont aujourd’hui commercés qu’à très faible volume, à commencer par le gasoil et l’essence, objet d’un vigoureux contrôle des serv ices de sécurité algériens, causant une inflation de 100% sur le gasoil et de 50% sur l’essence depuis 2011. Il en est de même de la semoule dont les pénuries dans les trois régions du nord ont causé des inflations de 75% à Gao et Kidal, et de 230% à Tombouctou. La fermeture de la frontière algérienne a eu pour conséquence directe de détourner l’ensemble des camions de dattes, seul produit autorisé à l’exportation en Algérie, vers la frontière nigérienne. En ce début d’année 2014, les flux commerciaux sont sans commune mesure avec ceux enregistrés en tant de paix. On estime la baisse du chiffre d’affaires à 65% (pour un détail, voir encadré 1). La fermeture de la frontière algérienne a provoqué une augmentation substantielle des prix qui ne se traduit pas nécessairement par une augmentation des marges de la part des commerçants du nord Mali, l’inflation enregistrée étant la répercussion d’une baisse de l’offre et surtout d’une augmentation des prix à la frontière algérienne. La principale conséquence commerciale de cet état de fait est de réduire les débouchés commerciaux des produits du nord du Mali et donc de réduire la dimension transitaire de cette zone. Certains produits ne s’avèrent plus compétitifs à Bamako, à l’instar du lait en poudre, aujourd’hui moins chers à Bamako (35 500 FCFA le carton) qu’à Tombouctou (50 000 FCFA). D’autres produits qui ont connu une inflation importante au nord, ont vu leur prix stagner à Bamako voire même 19 baisser. La tonne de farine vaut aujourd’hui 450 000 FCFA à Bamako alors qu’elle a connu une inflation de 30% dans les trois régions du nord depuis 2011. La tonne de sucre s’échange à 500 000 FCFA alors qu’elle s’est appréciée de 25% dans les trois régions du nord. La diversification des approvisionnements au sud du Mali pousse à la stabilité tendancielle des prix et bloque la commercialisation des produits issus de la contrebande algérienne. Les produits qui continuent à affluer en modestes quantités au nord comme au sud sont principalement la farine, les pâtes, le sucre et d’autres produits (huile, électroménager…). 5. L’organisation des filières de contrebande Le modus operandi est différent selon le type de trafic considéré. Pour ce qui est de la contrebande de denrée de base ou de biens de consommation courante, elle se fait par camion de jour aux vu et aux sus de tous, à l’exception du carburant qui nécessite davantage de précaution de la part des contrebandiers en raison de la fermeté des autorités algériennes à l’égard de ce produit. Entre 15 et 20% des marchandises terminent au sud de Gao, à Douentza, Mopti et dans la partie sud du Mali. Une partie importante de la farine importée d’Algérie alimente les boulangeries de Bamako, de Niamey, de Tahoua, d’Agadez et du nord du Nigeria. La majorité des pâtes importées est destinée au marché nigérian, tout comme la majorité des dattes importées au Mali est destinée in fine au sud du Mali vers le Sénégal ou la Guinée. L’ensemble des marchandises poursuivent leur route au minimum jusqu’à Mopti et Douentza. Certains produits, comme les pâtes, la farine, la semoule de blé, l’électroménager sont même acheminés jusqu’à Bamako. Ce n’est toutefois pas le cas du carburant qui s’arrête à Douentza et va parfois en contrebande au Burkina Faso. L’existence d’une route reliant In Khalil à Tahoua et Agadez peut étonner étant donné qu’In Guezzam, à la frontière algéro-nigérienne, est un nœud commercial permettant d’approvisionner plus directement le nord du Niger depuis l’Algérie. Il s’avère que si la route In Khalil-Taouha/Agadez est plus longue et plus coûteuse que la route nigérienne via In Guezzam et Assamaka, les marchandises sont plus aisées à sortir frauduleusement du côté malien. La structuration des réseaux diffère selon les filières. Dans le domaine des produits alimentaires, les réseaux sont largement familiaux en vertu de l’existence de relations de parenté de part et d’autres de la frontière. Cela est un gage de confiance dans les transactions commerciales et cela se traduit par un mode de paiement hawala22. Pour les cigarettes, les stupéfiants et le carburant, la situation est différente. Le paiement se fait en argent liquide ou par virement (pour les cigarettes) et le recrutement au sein des filières se fait sur des bases individuelles, même si les têtes de filières au Mali et en Algérie ont parfois des liens de parenté. 22 Système informel de transfert d’argent au sein d’un réseau fondé sur la confiance et l’honneur entre des courtiers d'argent localisés dans différents pays du monde. Ceci a l’avantage de ne pas faire voyager l’argent, notamment dans un environnement sécuritaire difficile et limite les taxes et impôts. 20 Les principaux produits exportés d’Algérie au Mali sont les produits alimentaires (dates, farine, pâtes alimentaires/semoule, lait en poudre) et l’essence. Viennent ensuite des biens de consommation (électroménager…). Ces produits représentent un volume d’exportation supérieur aux importations maliennes, qui sont constituées principalement des produits d’élevage (moutons et chameaux) et des bazins (boubou traditionnels), produits auxquels il convient d’ajouter le thé vert de Chine et les cigarettes. Une bonne partie des camions retournant en Algérie sont chargés de bétail collecté tout le long de la route vers l’Algérie. Les commerçants importent souvent plusieurs types de cargaisons y compris des fûts de carburant. On estime à 90% des livraisons précommandées, une tendance en hausse depuis l’introduction du téléphone portable et satellitaire qui participe à la structuration « professionnelle » des réseaux. La contrebande de produits alimentaires Côté malien, la localité d’In Khalil23 constitue toujours le principal hub au nord du Mali, où une grande partie des marchandises est centralisée. La contrebande de farine constitue le courant de fraude le plus important dans ce domaine probablement en raison de la marge réalisée. Les pâtes alimentaires, la semoule de blé et l’huile sont également parmi les produits les plus commercés tandis que le lait n’est bien souvent commercialisé que dans la perspective d’obtenir un passe-avant (ou permis de circulation de biens soumis à droits et taxes) à Adrar ou Tamanrasset mais il n’est plus rentable. Ainsi, grâce à un passe- avant, cela permet à un commerçant de transporter en territoire algérien des biens subventionnés (qui seront, pour une partie, écoulés au Mali ou Niger). La dotation en carburants en Algérie et sa contrebande Le trafic de carburant est un des trafics les plus importants de la région en raison de la disponibilité et du prix de vente faible en Algérie. Les circuits de contrebande de carburant se sont adaptés aux modes d'approvisionnement et aux systèmes de contrôles mis en place. Depuis la ville de Tamanrasset, les dernières mesures de contrôle ont conduit à une modification des modes de trafic de carburant. Le contrôle opéré au niveau des stations essence a contraint les trafiquants à procéder à la collecte et au stockage du carburant dans leurs lieux de domicile. Ce trafic est concentré dans un quartier au nord de Tamanrasset contrôlé par une famille principale. On trouve également des membres de cette famille dans le commerce du troc et le commerce de produits de large consommation. Les mesures de restriction sur les quantités de gasoil autorisées dans le commerce du troc adoptées depuis mars 2013 ont conduit à une augmentation des quantités de gasoil exportées par les voies de contrebande (les quantités de saisie de gasoil ont plus que doublé de 2012 à 2013). Les quantités de carburant saisies par l'ensemble des services de sécurité dans toute la région de Tamanrasset semblent assez modestes par rapport aux quantités réellement exportées en 23 La ville est un lieu de stockage et de transit, majoritairement contrôlée par les Touareg Idnan liés au MNLA et par les Arabes Berabiches originaires de la région de Tombouctou. Tal Handak est contrôlée actuellement par le MNLA et tenue essentiellement par des commerçants Kounta et Ifoghas. 21 contrebande. Les saisies opérées en 2013 ne représenteraient que 10% du carburant exporté en contrebande depuis la seule localité d'In Guezzam. On estimait les volumes annuels de carburant estimés à la frontière malienne à hauteur de 29.000.000 l de carburant (principalement du gasoil). A cela, on peut ajouter les volumes de carburant destinés aux trajets aller-retour des camions. En fonction des distances parcourues et d’une consommation moyenne de 60l/100km, on estime la consommation totale à 12.700.000 l et donc un total de près de 42 millions de litres. Les volumes des saisies sont ainsi inférieurs à 1% de ce qui passait la frontière. Ce serait ainsi près de 20% de la dotation en essence et gasoil pour la région de Tamanrasset qui serait passée au Mali mais moins de 5% des importations totales de carburant au Mali. La wilaya de Tamanrasset compte 14 stations essences dont deux à Tinzawaten à 9 km de la frontière malienne et une station NAFTAL, qui détient le monopole de la distribution de carburant et des produits pétroliers dérivés. La dotation des stations essences se fait à la demande et les quantités d'approvisionnement ne sont pas limitées et aucune étude sur les besoins réels en consommation de carburant ne semble être réalisée au niveau de la wilaya de Tamanrasset. Seules les localités à proximité immédiate des frontières (localités d'In Guezzam et de Tinzawaten) font l'objet d'une dotation restreinte. Les quantités de carburants mensuellement autorisées dans ces zones sont fixées par décision du wali et conduites depuis Tamanrasset sous escorte de la gendarmerie24. Les convois (de contrebande)25 sont formés généralement par des groupes comprenant entre 8 et 20 véhicules tout terrain appartenant à des personnes différentes. Ce mode opératoire permet de répartir les risques; chaque propriétaire n'envoyant qu'une partie de sa "flotte" par opération en prévision d'une possible interception des services des douanes. Cela permet également de créer une forme de communauté d'intérêts, et réduit les risques de concurrence et de délations. Le troc constituait une autre voie de trafic de gasoil. Ce qui explique dans une certaine mesure les écarts constatés entre les quantités saisies d'essence et de gasoil (voir tableau.2). Avec l'autorisation de conduire jusqu'à 2800 litres de gasoil par camion et par opération, les commerçants avaient en plus de la quantité de carburant nécessaire pour effectuer leur trajet, la possibilité de vendre frauduleusement les quantités restantes au Niger. En 2012, Plus d'un million de litre de gasoil aurait été illégalement exporté par la voie du troc. Le quota autorisé a été réduit par la douane à 1800 litres depuis mars 2013. Les profits les plus significatifs sont réalisés au niveau des deux chainons les plus structurés du circuit de la fraude à savoir les stations d'essence (principaux lieux d'approvisionnement) et les réseaux organisés de transport transfrontalier. 24 Les quantités actuellement autorisées sont pour la localité de Tinzawaten 1 convoi par mois, 3 citernes essence et 6 gazoil pour les 4 stations essence. 25 Le terme convois est employé à la fois par les contrebandiers et par les douaniers pour désigner une opération d'acheminement frauduleux de produits à l'importation ou l'exportation. 22 La contrebande de ciment Ce trafic est en plein expansion à destination du Niger comme le démontrent les statistiques des services des douanes; les quantités de ciment saisies par les services de sécurité sont passées de 6,7 tonnes en 2011 à 26,35 tonnes en 2012 et à plus de 200 tonnes en 2013. Au Mali, les quantités sont importées de manière non régulière, au gré des commandes en croissance, mais semblent rester modestes. A Kidal, le sac de 50kg est vendu 6500 FCFA, soit 2.600.000 pour un camion de 20 tonnes. Il est probable que ce commerce accompagne le processus d’urbanisation sahélien. Ceci avait notamment été démontré dans le cas des frontières Niger-Nigeria-Benin (Walther et al. 2012). Les exportations maliennes de bazin Les bazins sont une marchandise très prisée en Algérie, et particulièrement dans le sud parmi les communautés maliennes et nigériennes établies à Tamanrasset et Adrar. Fabriqués en Allemagne, ils sont exportés du Mali vers l’Algérie et constituent une filière extrêmement rentable. Estimer les volumes exportés s’avère malgré tout difficile du fait de la faible structuration de cette filière, largement le fait d’entrepreneurs individuels. Le transport se fait généralement par voiture, chaque voiture transportant 5 à 6 colis de 125 bazins en moyenne, soit 690 boubous par voiture. Sachant qu’un bazin de seconde qualité est vendu 36000 FCFA à Bamako (et jusqu’à 80000 FCFA pour les bazins Yara) et environ 20000 dinars algériens (soit plus de 120000 FCFA à Tamanrasset, chaque bazin représente un profit de 87 000 FCFA (180 USD), soit un profit par voiture de 60.000.000 FCFA (125 000 USD) pour un chiffre d’affaires de 83.000.000 FCFA (environ 173 000 USD), soit un taux de profit de 72% duquel il faut déduire le coût de transport. Aucun droit de douane n’est à consentir pour la sortie des produits maliens. Toutefois, depuis que l’insécurité prévaut au nord du Mali, les cargaisons sont réparties en plusieurs voitures ou transitent par le Niger via des sociétés de transport. Bien qu’il soit encore une fois très difficile d’estimer les volumes exportés en Algérie, on peut estimer que cinq cargaisons de cette valeur sont expédiées chaque semaine, soit un chiffre d’affaires hebdomadaire de 415.000.000 FCFA (environ 860 000 USD) et ainsi plusieurs dizaines de millions de dollars par an. La contrebande de cigarettes en perte de vitesse La contrebande de cigarette est un exemple type de l'adaptation de la fraude transfrontalière aux évolutions économiques. Important courant de fraude dans les années 1990, la contrebande de cigarette a baissé énormément après avoir perdu sa raison économique depuis la mise sur le marché algérien, à partir de 2005, des marques de cigarettes internationales importées puis fabriquées par la STAEM26. 26 Créée à la faveur des dispositions de la loi de finances 2001, qui a consacré l'ouverture du marché des tabacs aux investisseurs étrangers, la STAEM, consortium émirati d’investisseurs arabes, a été agréée par le ministère des Finances en tant que fabricant de tabac. Cette société (par voie de Joint-venture créée en 2002 avec la Société nationale des tabacs et allumettes (SNTA) qui détient 49% de taux de participation) est officiellement autorisée à importer et à distribuer, durant une phase intermédiaire, des cigarettes de marques destinées à être fabriquées localement. L’augmentation de la production locale aura des effets sur la contr ebande de cigarettes. La SNTA envisage d’investir dans cinq lignes de production des cigarettes, qui permettront de relever sa capacité d’offre totale à 790 millions de paquets (apport des nouvelles lignes de 370 millions de paquets). SOURCE : eldjazair.com n°68, novembre 2013. 23 De provenance du port de Cotonou, les cigarettes étaient conduites par camion aux villes frontières d'Assamakka au Niger et de Boughassa au Mali ou elles étaient vendues en toute légalité et introduites sur le territoire algérien dans les véhicules légers tout terrain. Cette marchandise était acheminée jusqu'à Ouargla qui constituait le point de distribution à travers le territoire. La route de la contrebande de cigarettes suit un trajet défini : Boughassa, Borj Badji Mokhtar , Moulay lahcen, Amguid puis même couloir Faidjat puis bordj Omar Idris et Ouargla. Le trafic de cigarette est un trafic structuré, contrôlé notamment par des commerçants de la région d'Ouargla qui assurent sa distribution vers les wilayas du nord de l'Algérie. Les populations Touareg étaient recrutées en qualité de chauffeurs ou d'éclaireurs en raison de leur connaissance du terrain (Les tarifs pratiqués par opération étaient : 80000 DA pour le chauffeur (1000 USD environ), 10 à 15000 pour le graisseur27 et 70000 da pour l'éclaireur, soit environ 2000 USD au total). Ce courant de fraude a perdu graduellement de son intérêt économique depuis l'installation en Algérie des usines de production sous licence. En 1999, un véhicule (chargement de 60 cartons de cigarettes) rapportait entre 700 000 et 800 000 DA de profit net (ou plus de 10000 USD). En 2004, les profits ont baissés jusqu'à 600 000 DA par véhicule (7500 USD). Ces dernières années, les paiements se font à crédit et très souvent non réglés à cause de la baisse de la demande sur ce produit. Cette diminution successive de profit a conduit les populations à se détourner de ce type de trafic. Les statistiques sur les saisies de cigarettes réalisées de 2011 à 2013 (limitées à quelques centaines de dollars par an en 2013) démontrent probablement l'évanescence graduelle de ce courant de fraude, mais il est possible que celle-ci tienne largement à l’insécurité qui prévaut depuis 2012. Mais si le marché de la Marlboro s'est éteint en raison de la distribution de cette marque par la STAEM, les sources commerçantes estimaient à près de 9000 cartouches de cigarettes Legend par semaine le volume de fraude du Mali vers l’Algérie. Le principal pays d’origine est le Burkina-Faso. Les profits réalisés sur le territoire malien, en particulier la région de Gao, est de 200 CFA par paquet, soit 18 000 000 CFA par camion (37500 USD) et donc quelques millions de dollars par an. Les exportations maliennes de bétail Le bétail constitue la principale marchandise exportée en Algérie, et constitue pour les bovidés la troisième recette d’exportation du Mali après l’or et le coton, mais surtout à destination d’Afrique de l’Ouest. Les trois régions du Nord concentrent 20% du cheptel malien de bovidés (1,8 million de têtes), 48% du cheptel de petits ruminants (11,3 millions d’ovins et 15,7 millions de caprins) et comptent également des cheptels de chameaux. Les camions qui exportent au Mali remontent majoritairement chargés de bétail à destination d’Algérie. Les commerçants collectent tout au long du chemin remontant à la frontière algérienne du bétail dans les campements, surtout dans les régions de Gao et Kidal, la région de Tombouctou disposant d’un cheptel plus modeste. Certaines périodes, à commencer par les semaines précédant le Tabaski, sont propices à l’exportation de bétail en raison de pics de consommation. Les têtes de bétail exportées sont essentiellement des moutons, mais aussi des chameaux et des bovidés. Les sources commerçantes estiment que 50% des camions en provenance d’Algérie remontent chargés 27 Personne qui s'occupe de l'entretien du véhicule pendant le trajet. Le mécanicien est indispensable pour les anciens modèles de 4X4 tout terrain. 24 de bétail sur pied, pas toujours à plein, ce qui rend complexe la quantification étant donné que la majorité de ces flux n’est pas recensée par la douane malienne. En dépit de ces réserves, il est possible de réaliser des évaluations sur la base des volumes de 2011.De manière hebdomadaire, 90 camions étaient chargés de bétail. Un chargement moyen comprend environ 40 bœufs d’un prix moyen unitaire de 150 000 FCFA (moins 8000 FCFA de coût de transport), ou 200 têtes de petits ruminants d’un prix moyen unitaire de 35 000 FCFA (moins 2000 FCFA de coût de transport). Un camion comprend en moyenne 75% de petits ruminants, les 25% restant étant des bovidés et des chameaux. Sur ces bases, le chiffre d’affaires réalisé par un camion est estimé à 6.750.000 FCFA (soit plus de 14000 USD), soit 607.500.000 FCFA de manière hebdomadaire (ou plus de 140000 USD, soit plus de 5,5 millions de dollars annuels) pour le nord Mali aujourd’hui. 6. L’impact du commerce informel pour le développement Cette avant-dernière section présente l’impact social en termes de marges, de création d’emplois, de gouvernance et d’impact sur le pouvoir d’achat avant de montrer brièvement l’impact macro- économique faible du commerce informel. L’impact social Une estimation des marges Il est important d’estimer les marges pour se rendre compte du profit généré localement par le commerce informel. Cette sous-section présente ainsi les calculs de marges. L’estimation des marges nécessite de connaître les volumes commercés pour chacune des routes (nombre de camions et tonnage moyen des camions), les prix de chaque produit dans chacune des villes et d’estimer les volumes échangés pour chacun des produits, le coût de transport et les droits de douanes effectivement payés. Plusieurs constats peuvent être établis à la lumière des données récoltées : - L’ensemble des marchandises commercées au nord du Mali (destination finale ou transit) générait une marge hebdomadaire de 617.600.000 FCFA (1.300.000 USD), avec un taux de marge moyen de 29%. - Le taux de marge est plus élevé lorsque les marchandises sont destinées à Bamako (43%), au Niger (30%) ou à l’Afrique de l’ouest, cela explique que le nord du Mali soit une zone de transit appréciée des commerçants. - Pour les échanges intra nord-malien, Tombouctou (32,1%) et Gao (25,17%) s’avèrent plus rentables que Kidal (15,5%) et explique probablement le rôle tenu par les commerçants de Kidal dans la distribution au Mali et le plus faible pouvoir d’achat à Kidal. - Les pâtes, la farine et les dattes représentent les principales marchandises commercées, la plus rentable de toute étant la farine avec un taux de marge de 42%, devant l’électroménager, les dattes et l’essence28. 28 La marge au Niger est d'environ 100000 DA (1300 USD) pour 2000 l soit 10 barils et une marge de 60-80%. 25 D’après les commerçants-transporteurs, les coûts de transport moyens depuis Borj Badji Mokthar sont de 27000 FCFA/tonne pour Kidal (56 USD), 41000 FCFA/tonne pour Gao (85 USD), 54000 FCFA/ tonne (112 USD) pour Tombouctou, 90000 FCFA/tonne (187 USD) pour Bamako et 100000 FCFA/tonne (208 USD) pour Tahoua et Agadez. A partir des coûts obtenus (par tonne) pour chacun des principaux produits commercés, il est possible de chiffrer les marges réalisées par filière pour chacune des villes (voir tableau XX). Tableau 7 : Taux de marge par ville et produit en 2011 Note : CA (Chiffre d’affaires) hebdomadaire en millions de FCFA. En 2014, les taux de marges ont légèrement baissé au Nord (avec 22%), mais ont été divisés par deux pour le Sud du Mali et le Niger (avec 19%). Les marges hebdomadaires réalisées en 2014 s’établissent à 134.703.000 CFA, soit un taux de marge de 20,5% contre 29% en 2011. On observe une baisse des marges de 79% par rapport à ceux réalisés en 2011 (617.600.000 FCFA), soit plus de 11,2 millions de dollars USD. L’impact du commerce informel sur l’emploi, le pouvoir d’achat et le PIB régional En termes de création d’emplois, pour Tamanrasset, on recense 1500 commerçants de produits alimentaires, et plus de 900 à Adrar (soit un pourcentage marginal par rapport à la population totale d’Adrar estimée par exemple à près de 400000 personnes). Le sud-algérien ne compte pas plus d’une centaine de contrebandiers de carburants vers le Mali (et le Niger), ce secteur étant 26 beaucoup plus risqué car la politique des autorités algériennes est désormais ciblée sur la contrebande de carburants. C’est donc une activité économique en Algérie réservé à une minorité, ce qui s’explique peut-être par le risque encouru. Le Mali bénéficie directement des politiques de subventions appliquées par les autorités algériennes pour certains produits. Cela explique pour partie l’accès de la population du nord du Mali à des produits à moindre coût qu’à Bamako. C’est encore plus le cas à Kidal qui bénéficie de prix très proches de ceux pratiqués en Algérie. En matière de carburant, cela est d’autant plus vrai que le dédouanement de carburant n’est autorisé qu’à Bamako, ce qui permet jusqu’à Douentza de bénéficier d’un carburant au prix algérien. Il semble évident que Kidal est largement intégrée économiquement à l’Algérie, par le biais de la contrebande. Le graphique XX présente ainsi les prix du sucre, lait, couscous, réfrigérateur, ciment et TV écran plat par rapport à Kidal. Hormis le cas du ciment et du lait pour Bamako, Kidal est la ville la moins chère pour tous les produits. Il est à noter, qu’hormis les écrans plats, Gao et Tombouctou sont souvent plus chers que Bamako et Mopti et peuvent s’expliquer par les coûts de transport par rapport à la frontière algérienne (ou bien par rapport à Bamako). Figure 2 : Prix comparés des différents biens à Gao, Tombouctou, Mopti et Bamako par rapport à Kidal Source : mercuriale de l’institut des statistiques malien. De même Kidal apparait comme bénéficiant largement du commerce informel. En reprenant le montant du commerce informel par ville, on peut calculer le ration commerce informel sur PIB régional. Or, en 2011, le ratio importation informelles sur PIB régional était de 49% à Kidal contre 1% à Bamako, Gao se situant à 20%. 27 Figure 3 : Comparaison du ratio importations informelles sur PIB régional en 2011 60% 49% 50% 40% 30% 20% 21% 20% 11% 10% 1% 0% Tombouctou Gao Kidal Bamako Moyenne nord Source de données : institut des statistiques malien pour les données de PIB régional et enquêtes pour les montants du commerce informel par région. L’impact sur la gouvernance Cette question est cruciale dans la mesure où c’est dans ce domaine que l’impact négatif du commerce informel semble important. Il est pourtant difficile de relever un lien de causalité entre contrebande et faiblesse des institutions car les deux vont de pair : la contrebande est possible car les institutions de contrôle sont faibles mais la contrebande contribue à les maintenir faibles dans la mesure où un système collusif est établi. Les problèmes de gouvernance en Algérie La première question (sensible) à se poser est celle de savoir comment le commerce informel peut continuer à se développer compte tenu de la présence somme toute massive des agents de l’Etat algérien. Environ 30 opérateurs économiques (tous de nationalité algérienne) sont agrées annuellement pour exercer le commerce du troc. L'examen des listes des trois dernières années révèle qu'elles n'ont pas connu un changement significatif malgré les mutations, pendant la même période, des responsables au niveau de la wilaya, de la direction du commerce et des douanes. Cet élément confirme que, sauf dans les cas de fraudes dument constatés, les autorités administratives n'apportent qu'une validation formelle à un système commercial mis en place et contrôlé par la population locale. L'examen des listes révèle également, comme pour le commerce des produits de large consommation, l'existence de tribus surréprésentées, comme les Touadj29, parmi les opérateurs agréés au commerce du troc. Le plus visible compte six opérateurs de la même famille et contrôle 36% du volume des exportations. Cette tribu est également dans la liste des commerçants autorisés 29 C’est une tribu appelée par les touaregs Dag Taoudji. 28 à l'approvisionnement des localités transfrontalières et aussi, semble-t-il serait également dans la contrebande de carburant. L'exportation de dattes par voie du troc permet également de contourner la réglementation de change rigoureuse en Algérie. D'après les déclarations recueillies, les marges issus des exportations de dattes sont converties au niveau des bureaux de change au Niger puis transférés soit par union gram, Western Union et notamment par le système de hawala vers Dubaï et alimente ainsi le commerce informel international. Ce système est utilisé notamment pour le règlement des opérations commerciales informelles contractées avec des importateurs de la région du nord et de l'est de l'Algérie. Malgré le dispositif mis en place par l’Algérie, les résultats des actions de lutte contre la contrebande restent encore faibles en termes de lutte contre la fraude. Sur les 6312 affaires de contrebande constatées en 2011 sur le territoire algérien, 3% seulement ont été réalisés au niveau de Tamanrasset et 8% sur les trois régions du sud (Tamanrasset, Illizi et Bechar). La valeur des marchandises saisies au niveau de la région de Tamanrasset représentaient 4,34% de la valeur totale des saisies au niveau national30. Les liens avec la faible gouvernance au nord Mali Depuis le milieu des années 2000, des efforts avaient été entrepris afin de réaffirmer la présence de la douane au nord du Mali, notamment à Tombouctou. Avant la crise de 2012, un poste douanier fonctionnait à In Khalil et permettait de collecter des droits de douane. Les douanes fixaient un prix forfaitaire selon la marchandise transportée plus ou moins symbolique pour chaque camion entrant, mais à la seule condition que le camion ne continuait pas sa route au sud, auquel cas le prix était et il devenait nécessaire de faire une déclaration d’importation31. Ceci explique ainsi la faiblesse des données officielles d’importations dans la mesure où les importations à destination du Nord n’étaient pas déclarées. De source douanière, 60% des flux échapperaient au contrôle des douanes. Par ailleurs, les quantités déclarées auprès des douanes seraient généralement inférieures de 40 à 50% par rapport à la réalité des flux. Enfin, les camions seraient surchargés de 20 à 30%. Ainsi, les biens seraient déclarés en moyenne à 20% de la valeur réelle de la cargaison et la corruption était monnaie courante. En moyenne, les douanes du nord collectaient environ 1 à 1,5 million USD, ce qui veut dire que les marchandises étaient sûrement dédouanées à environ 5-10% de la valeur (pour un taux moyen de droits à 20-25%)32. 30 Contre 15,30% au niveau de la direction régionale des douanes à Tlemcen (zone frontalière avec le Maroc) et près de 11% pour la direction régionale des douanes à Tébessa (Zone frontalière Est). 31 Pour un camion de 10t venu de Borj Badji Mokthar, les droits étaient en moyenne de 75.000 CFA (156 USD) à Kidal, 120.000 FCFA (250 USD) à Gao, 140.000 FCFA (290 USD) à Tombouctou, et 400.000 FCFA (830 USD) à Bamako comme au nord du Niger. Ces chiffres constituent des moyennes, sachant que de nombreux commerçants s’acquittent de droits de douane parfois plus modestes en raison de la corruption au sein des douanes, voire parfois s’exonèrent intégralement de droits de douane en contournant les douanes. 32 Niveau des droits de douane à la frontière malienne (en pourcentage de la valeur des biens). Produits Dattes 20 Couscous 20 29 Mais aujourd’hui, la situation semble s’être encore plus détériorée puisque ce sont quelques dizaines de milliers de dollars qui sont collectés (soit un dédouanement à moins de 1% de la valeur) et il n’existe plus aucun poste de douane dans tout le nord du Mali, en tout premier lieu en raison de la rébellion de janvier 2012.Les douanes maliennes peinent à s’imposer face à des acteurs de la contrebande de plus en plus organisés et qui n’ont guère de peine à rendre inopérants les douaniers. Les douanes redémarrent timidement à Tombouctou et à Gao, avec seulement quelques agents dans ces deux villes mais incapables de circuler dans la région, tandis que la douane reste absente à Kidal. Le Mali revêt quelques similitudes avec l’Algérie, puisque les réseaux de notabilité du nord Mali contrôlent les principales filières de commerce. Il n’est pas rare que des maires, des députés, des présidents de chambre de commerce régionales, ou du Haut Conseil des Collectivités, ou leurs proches parents, soient impliqués dans ces filières33. Cela accroît la marge de postes à responsabilité au nord du Mali mais érode la légitimité de ces représentants ou élus de l’Etat auprès de la population. En outre, la répression est d’autant plus difficile que ce sont des réseaux décentralisés de commerçants qui contrôlent les flux (Walther 2014). Aussi, lorsqu’une cargaison est saisie ou un commerçant neutralisé, il est possible à un autre membre du réseau de le remplacer et de continuer le trafic. La contrebande maintient ainsi les difficultés à l’érection d’institutions étatiques solides au nord du Mali. Les réseaux de contrebande sont la cible de réseaux de blanchiment, certains narcotrafiquants cherchant à diversifier leurs activités vers des filières de contrebande de produits de première nécessité en guise de paravent, d’autres finançant avec de l’argent tiré de la drogue de nouveaux commerçants ou détaillants sous forme de prêt. Lacher (2012) explique ainsi que la frontière est parfois floue entre contrebandiers et trafiquants de drogue par exemple. L’impact macro-économique faible Les pertes de recettes pour le Mali sont très faibles. En effet, si on prend un taux moyen de 20% de la valeur (un taux plus élevé que la réalité), le potentiel de recettes se situerait aux alentours de 10 millions de dollars (contre 25 millions en 2011). En outre, le volume des importations informelles représentait moins de 5% des importations (officielles) totales du Mali en 2011. Pates 20 Cigarette 20 Essence d'Auto ordinaire 10 Pneu Voiture 10 Source : UEMOA (www.izf.net). 33 Dans le cadre du Niger, Walther (2009) avait montré que les commerçants étaient fortement représentés à l'Assemblée nationale du Niger. 30 7. Conclusions et recommandations Dans le Sahel, comme dans d’autres régions du monde, les frontières sont un sol fertile pour le commerce informel d’autant plus dans une zone géographique désertique. Walther (2009) se réfère à un « espace mobile », c'est à dire que la circulation est la méthode de gestion la plus appropriée de l'incertitude pour la vie sahélienne. Pour l’Algérie Il semble important pour l’Algérie de réviser sa réglementation sur le troc avec le Mali dans la mesure où cette politique semble bénéficier à un très petit nombre d’intervenants et n’a pas mis fin à la contrebande. En outre, étant donné son caractère très restrictif, il crée des incitations à la corruption des institutions au sud du pays responsables de contrôles comme les douanes ou l’armée. En outre, une revue de la politique de subvention du sud devrait être faite car le fonds de compensation transport ou les généreuses subventions pour la farine et les carburants favorisent également la contrebande et ont un coût assez important pour l’Etat algérien. On pouvait estimer à minima le coût de la perte pour l’Etat algérien à environ 65 millions de dollars en 2011 et à un peu plus de 10 millions de dollars désormais34. Néanmoins, cela représente encore plus de deux fois le montant total de la compensation transport. Etant donné l’impact sécuritaire potentiel de la contrebande, il serait important de relancer le dialogue avec le Mali (puisque les rencontres officielles bilatérales ne semblent avoir lieu que tous les trois ans). Pour le Mali Une politique totale de répression de la contrebande est, semble-t-il, impossible et aurait un impact négatif sur le bien-être des populations du nord. Néanmoins, un laisser-aller n’est pas envisageable non plus car les marges de ce commerce permettent aux contrebandiers de rendre inefficaces et collusives les institutions maliennes au nord du pays (douanes, armée et autorités politiques). Aussi, il est important de mener des discussions conjointes avec l’Algérie pour trouver une solution, notamment pour les trafics les plus sensibles (drogue et armes). 34 La majeure partie de ce coût provient de la subvention de la farine, estimée à 2 milliards de dinars (1000 tonnes avec une subvention de 2000 DA par kg) et de l’essence avec 42 millions de litres subventionnés à environ 1 USD du litre alors que les sommes très faibles pour la semoule et le lait. 31 8. Bibliographie Ayadi, L., Benjamin, N., Bensassi, S.and Raballand, G. 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Ceux-ci proposent d’utiliser l’écart entre les mesures rapportées par les autorités des pays importateurs et exportateurs pour un même flux de commerce afin de procurer une première évaluation du commerce informel (ceci est appelé une approche par des statistiques miroirs). En principe, il existe un écart minimum entre les valeurs rapportées de part et d’autre d’une frontière étant donné que les exportations sont évaluées en terme FOB, c’est -à-dire sans frais de transport et assurances et les importations en terme CIF, i.e. frais de port et assurance inclus. L’écart peut être amplifié par des erreurs de classification, des problèmes de temps, de taux de change etc..36. Néanmoins, Bhagwati (1967) relevait qu’au-delà de 30% de la valeur du bien importé de différence, les explications « classiques » ne sont plus satisfaisantes et au-delà de ce seuil la présomption de sous-évaluation ou surévaluation des importations ou exportations doit être privilégiée. L’écart est calculé de la manière suivante pour une année donnée et une paire de pays donnée : � K correspond ici à une catégorie de bien définie au niveau 6 de la classification HS Révision 2. 35 Cette approche est ancienne et date de la fin des années 1960 avec Bhagwati (1967) mais connaît aujourd’hui un renouveau en cette période de recherche de fraude douanière. 36 Pour une discussion des explications possibles, voir Raballand et al. (2013). 33 Annexe 2 : Les exportations maliennes officielles en direction de l'Algérie Annee Description Poids net Valeur 2007 Live sheep 121500 1191352 2007 999999 767429 2008 999999 1791751 2008 Live sheep 218760 551670 2008 New pneumatic tyres, of rubber of a kind used o 5240 27919 2008 Air cond machines, inc a refrigerating unit 1110 8892 2008 Industrial or lab furnaces & ovens 1000 8719 2008 Parts and accessories of apparatus of heading N 6200 6930 2008 Transmission apparatus, for radioteleph 1 1460 2008 Freezers of the chest type, not exceeding 800 l 580 662 2010 999999 1632666 2010 Live sheep 426120 752462 2010 Guavas, mangoes and mangoes, fresh or dried 480000 539562 2010 Live bovine animals, other than pure-bred breed 70000 125728 2010 Trailers for housing or camping 4400 56816 2010 Live goats 3650 6188 2011 Guavas, mangoes and mangos , fresh or dried 2862240 2873603 2011 999999 1863106 2011 Photogrammetrical surveying instruments and app 1008 1576702 2011 Electric conductors, for a voltage >80V but not 560 1210139 2011 Diesel powered trucks with a GVW exc five tonne 166860 993584 2011 Live sheep 347598 644214 2011 Instruments and apparatus for physical or chemi 10011 540399 2011 Live bovine animals, other than pure-bred breed 191000 360052 2011 Special purpose motor vehicles nes 83500 301386 2011 Surveying,hydrographic,oceanographic,meteorolog 430 290890 2011 Electrical apparatus for line telephony or line telegraphy, nes 635 168487 2011 Trailers for housing or camping 1202 162842 2011 Parts & access for inst& app for meas or check 1000 119993 2011 Diesel powered trucks with a GVW exceeding twen 14400 108690 2011 Transmission apparatus for radio-teleph radio-b 1750 96859 2011 Camping goods of other textiles (excl. cotton a 30000 66611 2011 Boards, panels, including numerical control pan 1610 25454 2011 Air conditioning machines window or wall types, 2355 21956 2011 Transmission apparatus, for radioteleph 915 19970 2011 Diesel powered buses with a seating capacity of 4320 19371 2011 Automobiles with reciprocating piston engine di 3900 17871 2011 Gas powered trucks with a GVW not exceeding fiv 2600 16465 2011 Automatic data processing machines and units thereof, nes 512 12360 2011 Boards,panels,etc for gds of heading 85.37, not 647 11533 2011 Imitation jewellery nes 11258 9618 2011 Live goats 4500 8006 2011 Air cond machines, inc a refrigerating unit 112 6200 2011 Electrical app for switching or 1236 4842 2011 New pneumatic tyres, of rubber of a kind used o 854 4821 2011 Still image video cameras and other video camera recorders 62 3159 2011 Prefabricated buildings 200 2929 2011 Inductors, electric 1100 2722 2011 Printing machinery, nes 50 2043 2011 Ceramic sinks, wash basins etc& similar sanita 685 1252 2011 Image projectors, nes 93 1092 2011 Seats nes, other than those of heading No 94.02 50 741 2011 Refrigerators, household type, nes 74 370 2011 Parts and accessories of automatic data process 210 269 2011 Curtains and interior blinds; curtain/bed valan 60 257 2011 Shampoos 242 219 2011 Sweet biscuits; waffles and wafers 36 90 34 2011 Other live animals, nes 1 3 2012 Cotton, carded or combed 500000 1160552 2012 Guavas, mangoes and mangosteens, fresh or dried 466000 286428 2012 Other live animals, nes 165760 246626 2012 Live sheep 77840 151888 2012 Dates, fresh or dried 22000 5366 2012 Motorcycles with reciprocating piston engine di 120 878 Annexe 3: Les importations algériennes officielles en provenance du Mali Annee Description Poids net Valeur 2007 Reservoirs, tanks, vatts, cap >300L, 11000 160427 2007 Parts of printing machinery & machines for uses 5 219 2007 Printing machinery, nes 4 95 2007 Monolithic integrated circuits, nes 5 477 2007 Automatic data processing machines and units thereof, nes 2 360 2007 Storage units of automatic data processing machines 6 1030 2007 Input or output units, whether or not containing storage units in the same housing 11 296 2008 Steering wheels, steering columns and steering 20 1220 2009 Other printed matter, nes 19 542 2009 Recorded discs for laser reading systems, nes 32 871 2009 Unrecorded magnetic discs 14 407 2009 Household and toilet articles of plastics, nes 567 592 2011 Frozen boneless bovine meat 28000 85013 2011 Parts of cranes, work-trucks, shovels, and othe 106 17441 2011 Electrical fuses, for a voltage not exceeding 1 1 40 2011 Radio rece not capable of op w/o ext source of 98 3070 2012 Instruments and apparatus for measuring or dete 0 77 2012 Cotton, not carded or combed 999084 2500224 2012 Ceramic sinks, wash basins etc& similar sanita 757 1422 2012 Springs, iron or steel, nes 7 1256 Annexe 4 : Biens reportés de part et d'autre de la frontière dans le sens Algérie Mali Ratio entre valeur valeur valeur déclarée à déclarée à déclarée à Année Produit échangé l'importation l'exportation l’importation (USD courant) (USD courant) et à l’exportation 2007 Perfumes and toilet waters 87 83 1.0 2007 Electrical app for switching 10865 4896 2.2 2007 New pneumatic tyres, of rubber of a kind used o 224199 64773 3.5 2007 Electrical switches for a voltage not exceeding 1,000 volts, nes 22305 5237 4.3 2007 Needles, catheters, cannulae and the like, nes 23859 46642 0.5 2007 Sodium hydrogencarbonate (sodium bicarbonate) 1578 6053 0.3 2008 New pneumatic tyres, of rubber of a kind used o 256727 109014 2.4 2008 Inner tubes, of rubber, nes 5068 274 18.5 2008 Other perfumery, cosmetic or toilet preparation 568 1220 0.5 2008 Soap and organic surface-active products in bar 94 3330 0.0 2010 Sanitary towels and tampons, napkins and napkin 91782 96022 1.0 2010 Filtering or purifying machinery and apparatus 62936 68040 0.9 35 2010 Electrical switches for a voltage not exceeding 1,000 volts, nes 7911 6493 1.2 2010 Other jams, fruit jellies, marmalades, etc, bei 223 129 1.7 2010 Needles, catheters, cannulae and the like, nes 13503 19390 0.7 2010 Electrical plugs and sockets, for a voltage not exceeding 1,000 volts 5794 9629 0.6 2010 Sodium hydrogencarbonate (sodium bicarbonate) 83574 10918 7.7 2010 Perfumes and toilet waters 1197 44 27.2 2011 Perfumes and toilet waters 29 29 1.0 2011 Instruments and appliances used in medical or v 135414 157758 0.9 2011 Citric acid 18994 2819 6.7 2011 Dates, fresh or dried 947290 107840 8.8 2011 Sanitary towels and tampons, napkins and napkin 84175 3495 24.1 2011 Salt and pure sodium chloride; sea water 1913 4961 0.4 2011 Sodium hydrogencarbonate (sodium bicarbonate) 19471 53345 0.4 2011 Trade advertising material, commercial catalogu 68 263 0.3 2011 Bentonite 1162 11188 0.1 2011 Tubular metal needles and needles for sutures 1426 16297 0.1 2011 Mineral waters and aerated waters, unsweetened 275 33327 0.0 2011 Filtering or purifying machinery and apparatus 398 350764 0.0 2012 Vinegar and substitutes for vinegar obtained fr 160 160 1.0 2012 Surgical gloves 333 349 1.0 2012 Syringes, with or without needles 244 264 0.9 2012 Eye make-up preparations 118 107 1.1 2012 Freezers of the upright type, not exceeding 900 6734 4859 1.4 2012 Other jams, fruit jellies, marmalades, etc, bei 997 1559 0.6 2012 Sanitary towels and tampons, napkins and napkin 74338 31932 2.3 2012 Soap and organic surface-active products in bar 882 278 3.2 2012 Sodium hydrogencarbonate (sodium bicarbonate) 26487 46570 0.6 2012 Garments of cotton, knitted or crocheted, nes 1287 25 51.5 2012 Uncooked pasta, not containing eggs, not stuffe 43181 760 56.8 2012 Couscous 229277 1901 120.6 2012 Beauty, make-up, skin-care (incl. suntan), nes 723 1602 0.5 2012 Vegetable products, nes 132 357 0.4 2012 Unfrozen orange juice, unfermented, not contain 1216 4771 0.3 2012 Perfumes and toilet waters 84 345 0.2 2012 Manicure or pedicure preparations 86 480 0.2 2012 Trade advertising material, commercial catalogu 89 596 0.1 2012 Tubular metal needles and needles for sutures 1906 15732 0.1 2012 Shampoos 51 688 0.1 36 Annexe 5: Les importations maliennes totales de cigarettes et d’essence Ratio par Ratio par rapport Tonnage rapport a Année Exportateur Valeur au (kg) la valeur tonnage total total Cigarettes 2007 Benin 361800 6705806 37% 29% 2007 South Africa 609790 16045517 62% 70% 2007 Total 978010 22870699 2008 Benin 249000 4995733 24% 17% 2008 South Africa 796173 24020439 76% 83% 2008 Total 1046898 29091779 2010 Benin 20837 386080 1% 1% 2010 Senegal 13444 491939 1% 2% 2010 South Africa 1401702 31660008 97% 97% 2010 Switzerland 12436 192432 1% 1% 2010 Total 1449631 32756290 2011 Senegal 10704 337013 0% 1% 2011 South Africa 2236744 43060097 100% 99% 2011 Total 2247588 43397619 2012 Senegal 386779 6460212 17% 17% 2012 South Africa 1923189 31573934 83% 83% 2012 Total 2309983 38034177 Essence 2007 Benin 116268585 89338418 18% 19% 2007 Burkina Faso 18943967 7375192 3% 2% 2007 Cote d'Ivoire 143423978 101716372 22% 22% 2007 Ghana 51423696 37953627 8% 8% 2007 Senegal 231040500 166509945 36% 35% 2007 Togo 80763536 62850512 12% 13% 2007 Total 648122454 470243298 2008 Benin 131710362 68370980 20% 10% 2008 Cote d'Ivoire 130920524 147560768 20% 21% 2008 Ghana 61830224 37056767 10% 5% 2008 Senegal 248145957 405520714 38% 58% 2008 Togo 67593994 28665569 10% 4% 2008 Total 650688664 697416591 2010 Benin 653978987 467106697 41% 39% 2010 Cote d'Ivoire 245049731 172518793 16% 14% 2010 Ghana 72389063 50293048 5% 4% 2010 Senegal 467384158 399858285 30% 33% 2010 Togo 120187706 95054371 8% 8% 2010 Total 1578913017 1201245939 2011 Benin 222780997 253799430 25% 26% 2011 Cote d'Ivoire 128113517 145604076 14% 15% 2011 Ghana 75705792 86354302 8% 9% 2011 Senegal 417733154 428311413 47% 45% 2011 Togo 31625163 29241745 4% 3% 2011 Total 893514399 961107209 2012 Benin 151333000 172068033 17% 18% 2012 Burkina Faso 15868320 18621642 2% 2% 2012 Cote d'Ivoire 114477971 129099918 13% 13% 2012 Gambia 17171000 10399719 2% 1% 2012 Ghana 62415167 69525921 7% 7% 2012 Niger 88769000 99288612 10% 10% 2012 Senegal 433966422 447072157 48% 46% 2012 Total 899870517 963333739 37 Annexe 6 : Calcul de marges pour la farine et les pâtes selon les villes - Farine : Un camion de 10t reliant Borj à Kidal réalise une marge de 750.000 FCFA (600.000 + 25% de surcharge) duquel il faut déduire un coût de transport de 270.O00 FCFA et en moyenne 75 000 FCFA de droits de douanes, soit une marge net de 405.000 FCFA. Lamarge hebdomadaire est donc de 4.333.000 FCFA pour un chiffre d’Affaires de 24.610.000 CFA (18% de marge). Un camion de 10t reliant Borj à Gao réalise unemarge de 1.125.000 FCFA (900.000 + 25% de surcharge) duquel il faut déduire un coût de transport de 410.000 FCFA et en moyenne 120.000 FCFA de droits de douane, soit 595.000 FCFA. Lamarge hebdomadaire est donc de 11.602.000 FCFA pour un Chiffre d’Affaires de 54.650.000 (21,2% de marge). Un camion de 10t reliant Borj à Tombouctou réalise unemarge de 1.750.000 FCFA (1.400.000 + 25% de surcharge) duquel il faut déduire un coût de transport de 540.000 FCFA et en moyenne 140.000 FCFA de droits de douane, soit 1.070.000 FCFA. La marge hebdomadaire est donc de 4.280.000 FCFA pour un chiffre d’Affaires de 12.800.000 (33% de marge). Un camion de 10t reliant Borj à Bamako (après déchargement à Douentza ou Gao) réalise une marge de 3.875.000 FCFA (3.100.000 + 25% de surcharge) duquel il faut déduire un coût de transport de 900.000 FCFA et en moyenne 400.000 FCFA de droits de douane, soit 2.575.000 CFA. La marge hebdomadaire est donc de 51.500.000 pour un chiffre d’Affaires de 96.000.000 FCFA (53% de marge). Un camion de 10t reliant Borj à Taouha ou Agadez (via In Khalil) réalise une marge de 2.375.000 FCFA (1.900.000 + 25% de surcharge) duquel il faut déduire un coût de transport de 700.000 FCFA et en moyenne 400.000 FCFA de droits de douane, soit 1.275.000. La marge hebdomadaire est donc de 25.500.000 FCFA. Un camion de 10t reliant Borj à Niamey (via Gao) réalise une marge de 3.750.000 FCFA (3.000.000 + 25% de surcharge) duquel il faut déduire un coût de transport de 1.O00.000 FCFA et en moyenne 400.000 FCFA de droits de douane, soit 2.350.000 FCFA. La marge hebdomadaire est donc de 70.500.000 FCFA. Sur l’ensemble du Niger, la marge hebdomadaire est donc de 96.000.000 pour un chiffre d’Affaires de 213.000.000 FCFA (45% de marge). - Pâtes : Un camion de 10t reliant Borj à Kidal réalise une marge de 1.000.000 FCFA (800.000 + 25% de surcharge) duquel il faut déduire un coût de transport de 270.000 FCFA et en moyenne 75.000 FCFA de droits de douane, soit 655.000 FCFA. La marge hebdomadaire est donc de 9.170.000 FCFA pour un Chiffre d’Affaire de 49.000.000 FCFA (19% de marge). Un camion de 10t reliant Borj à Gao réalise une marge de 1.875.000 FCFA (1.500.000 + 25% de surcharge) duquel il faut déduire un coût de transport de 410.000 FCFA et en moyenne 120.000 FCFA de droits de douane, soit 1.345.000 FCFA. La marge hebdomadaire est donc de 22.865.000 FCFA pour un Chiffre d’Affaire de 71.400.000 FCFA (32% de marge). 38 Un camion de 10t reliant Borj à Tombouctou réalise une marge de 2.250.000 FCFA (1.800.000 + 25% de surcharge) duquel il faut déduire un coût de transport de 540.000 FCFA et en moyenne 140.000 FCFA de droits de douane, soit 1.570.000 FCFA. La marge hebdomadaire est donc de 4.710.000 FCFA pour un Chiffre d’Affaire de 13.500.000 FCFA (35% de marge). Un camion de 10t reliant Borj à Bamako réalise une marge de 3.625.000 FCFA (2.900.000 + 25% de surcharge) duquel il faut déduire un coût de transport de 900.000 FCFA et en moyenne 400.000 FCFA de droits de douane, soit 2.325.000 FCFA. La marge hebdomadaire est donc de 23.250.000 FCFA pour un Chiffre d’Affaire de 56.000.000 FCFA (42% de marge). Un camion de 10t reliant Borj à Taouha ou Agadez (via In Khalil) réalise une marge de 2.375.000 FCFA (1.900.000 + 25% de surcharge) duquel il faut déduire un coût de transport de 700.000 FCFA et en moyenne 400.000 FCFA de droits de douane, soit 1.275.000 FCFA. La marge hebdomadaire est donc de 81.600.000 FCFA pour un chiffre d’Affaires de 294.400.000 FCFA (8% de marge). 39