38982 RAPPORT SUR L'OBSERVATION DES NORMES ET CODES (RONC) MAROC INSOLVABILITE ET DROITS DES CREANCIERS Préparé par une équipe1 de la Banque Mondiale à partir des informations fournies par les autorités marocaines. TPF FPT Septembre 2006 TABLE DES MATIERES I. INTRODUCTION................................................................................................................................................2 TU UT TU UT II. DESCRIPTION DE LA PRATIQUE DU PAYS.................................................................................................2 TU UT TU UT A. DROITS DES CREANCIERS ET PROCEDURES D'EXECUTION ...............................................................................2 TU UT TU UT B. CADRE JURIDIQUE DES PROCEDURES DE TRAITEMENT DES DIFFICULTES DES ENTREPRISES............................5 TU UT TU UT C. CADRE REGLEMENTAIRE DES PROCEDURES DE TRAITEMENT DES DIFFICULTES DES ENTREPRISES..................8 TU UT TU UT D. GESTION DU RISQUE DE CREDIT ET ARRANGEMENTS INFORMELS..................................................................10 TU UT TU UT III. RESUME DES RESULTATS DE L'EVALUATION ET CONCLUSIONS ....................................................11 TU UT TU UT IV. RECOMMANDATIONS...................................................................................................................................14 TU UT TU UT ANNEXE 1 EVALUATION PRINCIPE PAR PRINCIPE Résumé Les systèmes juridiques de protection des droits des créanciers et de recouvrement au Maroc sont assez modernes. Si les procédures judiciaires d'exécution ont tendance à être relativement inefficaces, des reformes récentes ont apporté des améliorations. La protection des droits des créanciers est fondée sur un système contractuel et processuel d'inspiration française et repose sur un large éventail de sûretés et garanties. Le système est relativement complexe en ce qui concerne les règles de priorité et les privilèges. Les contraintes du système et la liquidité limitée des marchés conduisent à un faible taux de recouvrement, même pour les créanciers privilégiés. Le code des obligations et des contrats et le code de commerce offrent tous types de sûretés, mais les nantissements et les hypothèques en particulier ont la préférence des banques qui utilisent aussi l'escompte, l'affacturage et la cession de créance. Ces techniques sont fiables mais les créanciers privilégiés souffrent des insuffisances du système judiciaire, toutefois en nette régression, qui ont pu empêcher un recouvrement efficace. Le cadre juridique marocain de l'insolvabilité commerciale a été refondu en 1996 avec l'adoption d'une nouvelle loi traitant des difficultés des entreprises ; celle-ci prévoit des procédures judiciaires de prévention des difficultés, de redressement et de liquidation de l'entreprise. Des juridictions commerciales (tribunaux de première instance et cours d'appel) ayant compétence en matière de procédures collectives ont été créées en 1997 et facilitent l'application cohérente de la nouvelle législation. Le redressement et la liquidation sont régis par une procédure unique entraînant l'application de l'une ou l'autre solution. L'efficacité du nouveau système est toutefois restreinte par un recours abusif aux procédures de traitement des difficultés des entreprises par les débiteurs qui bénéficient d'une suspension des poursuites d'une durée parfois excessive et par le manque de professionnels (syndics) suffisamment formés et qualifiés. La création de tribunaux de commerce spécialisés a amélioré considérablement la résolution des litiges commerciaux et contribue à un traitement plus cohérent et efficace des litiges par le système judiciaire. En revanche, l'absence de normes de performance des tribunaux et de formation spécialisée des juges diminue l'efficacité générale du système. De même, l'absence d'organe de régulation et de critères de compétence pour les administrateurs des procédures de traitement des difficultés des entreprises et les liquidateurs est un obstacle majeur au fonctionnement efficace du système. La quasi-totalité du crédit aux entreprises est garantie, les crédits non garantis représentant une minorité du montant total des avances. Les grandes banques marocaines et étrangères utilisent des procédures sophistiquées de gestion des défauts de remboursement et emploient une palette de méthodes de recouvrement amiables et contentieux. Malgré l'absence de formalisation dans un cadre spécifique, les banques ont fréquemment recours aux arrangements amiables pour aménager les dettes et restructurer les entreprises. Les banques se plaignent cependant du faible taux de recouvrement dans les procédures judiciaires ainsi que des lenteurs et de l'inefficacité du système, alourdi par un recours excessif aux experts dont la mission est peu justifiée et correctement exécutée. 1 La version initiale de ce Rapport a été préparée par une équipe comprenant Gordon W. Johnson (Conseiller TP PT juridique principal, Banque Mondiale), Jacques Ferry (Consultant) et Hicham Naciri (Associé, Cabinet Naciri & Associés). Ce Rapport a ensuite été révisé par une équipe comprenant Pauline Aranda (Conseiller juridique, Banque Mondiale), Eric Haythorne (Conseiller juridique principal, Banque Mondiale) et Jacques Ferry (Consultant) sous la supervision de Mahesh Uttamchandani (Conseiller juridique principal, Banque Mondiale) et Vijay S.Tata (Conseiller juridique en chef, Banque Mondiale). I. INTRODUCTION 1. La Banque Mondiale a évalué le système juridique de l'insolvabilité et de la protection des droits des créanciers en vigueur au Maroc conformément à l'initiative conjointe FMI - Banque Mondiale portant sur l'observation des normes et des codes ("RONC") en 2003. L'étude a été conduite sur la base des Principes et Directives régissant le Traitement de l'Insolvabilité et la Protection des Droits des Créanciers de la Banque Mondiale ("Principes").2 Ces systèmes constituent les fondements principaux de la PF FP confiance commerciale et le socle d'une saine gestion du crédit et de ses difficultés. 2. Les conclusions de cette évaluation sont fondées sur : (i) un rapport d'ensemble sur le droit et la pratique marocains en ce domaine rédigé par le cabinet d'avocats marocain Naciri & Associés ; (ii) l'examen de la législation3 ainsi que des informations et autres TPF FPT textes législatifs et réglementaires pertinents ; et (iii) des réunions tenues avec un large éventail représentatif des diverses parties prenantes, institutions et/ou professionnels du secteur public et du secteur privé au cours desquelles il a été discuté de l'efficacité du dispositif juridique régissant les relations entre créanciers et débiteurs, de la gestion des risques de crédit et des pratiques de règlement des difficultés des entreprises. II. DESCRIPTION DE LA PRATIQUE DU PAYS H H A. DROITS DES CREANCIERS ET PROCEDURES D'EXECUTION 3. L'économie du Maroc est fondée sur le crédit. Les banques et sociétés de crédit- bail sont des interlocuteurs incontournables du marché. Les crédits sont principalement accordés au moyen d'avances en fonds de roulement, de prêts bancaires pour les investissements, de crédit-bail et d'affacturage. Il est marginalement fait recours aux instruments financiers complexes et aux instruments dérivés. Les prêts à la consommation et les prêts hypothécaires constituent une faible part du portefeuille global des établissements de crédit non spécialisés. Le crédit bancaire est assorti de garanties dans presque tous les cas, sauf pour les clients notoirement solvables. Le système général de recouvrement des créances assorties ou non de garanties et le système de traitement de l'insolvabilité des entreprises sont assez bien corrélés et fonctionnent correctement ensemble. 2 Banque Mondiale, Principes et Directives Régissant l'insolvabilité et la Protection des Droits des Créanciers TP PT (Avril 2001) . 3 La législation principale examinée inclut, entre autres, le Code de Commerce (Dahir n°1-96-83 du 1er août 1996 TP PT P P portant promulgation de la loi n°15-95 formant code de commerce) ; la loi sur les Obligations et les Contrats (Dahir du 12 septembre 1913 formant code des obligations et des contrats ainsi que modifiée et complété par le Dahir du 11 mai 1995); la loi sur les juridictions de commerce (Dahir n°1-97-65 du 12 février 1997 instituant les juridictions de commerce); la loi sur les sociétés (Dahir n° 1-96-124 du 30 août 1996 portant promulgation de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes); la procédure civile (Dahir du 28 septembre 1974 portant loi n°1-74-447 approuvant le texte du code de procédure civile); le droit bancaire (Dahir portant loi n° 1-93-147 du 6 juillet 1993 relative à l'exercice de l'activité des établissements de crédit et à leur contrôle); le droit immobilier (Dahir du 2 juin 1915 fixant la législation applicable aux immeubles immatriculés); le recouvrement des dettes publiques (Dahir n°1-00-175 du 3 mai 2000 portant promulgation de la loi n° 15-97 formant code de recouvrement des créances publiques); la loi sur la propriété industrielle (Dahir du 15 février 2000 relatif à la protection de la propriété industrielle); le crédit automobile (Dahir du 17 juillet 1936 réglementant la vente à crédit des véhicules automobiles); le décret n° 2-61-161 du 10 juillet 1962 portant réglementation de l'aviation civile; le Dahir du 31 mars 1919 portant Code de commerce maritime; le Dahir 1-93-162 du 10 septembre 1993 organisant l'exercice de la profession d'avocat. Banque Mondiale ­ Maroc ­ RONC ­ Insolvabilité et droits des créanciers - 2 - 4. La loi offre un très grand choix de sûretés et garanties sur une grande diversité d'actifs. Ce choix inclut le cautionnement, le droit de rétention, la réserve de propriété, la cession et la délégation de créances, la cession de créances professionnelles à titre de garantie ou en propriété, le nantissement d'actions, le gage et nantissement de meubles et immeubles, le nantissement de fonds de commerce, d'outillage et d'équipement, l'hypothèque de biens immobiliers, de bateaux et d'aéronefs et les privilèges. La création et l'exécution des garanties et sûretés sont notamment régies par le Code des Obligations et des Contrats (Dahir du 12 septembre 1913 modifié et complété par le Dahir du 11 mai 1995), la législation applicable aux immeubles immatriculés (Dahir du 2 juin 1915), le Code de Commerce (Dahir du 1er août 1996) et le Code de recouvrement des créances P P publiques (Dahir du 3 mai 2000). 5. Des procédures accélérées permettent aux créanciers de recouvrer des dettes échues plus rapidement au moyen d'une injonction de payer, d'une saisie ou d'une action en justice. Tout créancier, quelque soit sa nationalité, peut saisir le tribunal compétent pour obtenir paiement de sa créance selon les règles de procédures applicables. Le droit marocain offre des moyens efficaces de recouvrement aux créanciers dont la créance répond à certaines conditions. La procédure d'injonction de payer est une procédure simplifiée d'ordonnance sur requête délivrée par le président du tribunal. Une telle ordonnance permet au créancier dont la créance est fondée sur un titre ou une promesse reconnue d'obtenir rapidement satisfaction du débiteur ou bien un titre exécutoire lui permettant de saisir les biens mobiliers ou immobiliers. 6. Les procédures de saisie sont plus efficaces, moins onéreuses et généralement plus rapides qu'une action en justice. Une procédure de saisie permet de faire vendre des biens immobiliers et mobiliers, y compris le fonds de commerce, d'un commerçant ou d'une société. Un ensemble de techniques juridiques, telles que la saisie conservatoire, la saisie réelle, la saisie-exécution de meubles et d'immeubles, la saisie-arrêt, la saisie- gagerie et la saisie-revendication, peuvent être mises en oeuvre. Les créanciers chirographaires ne peuvent faire vendre un bien immobilier qu'en cas d'insuffisance ou d'absence de biens mobiliers. L'intervention du tribunal est nécessaire au cas où le créancier veut vendre en totalité le fonds de commerce du débiteur y compris l'équipement et les stocks. 7. Différentes lois ont été votées récemment dans le but d'accélérer le recouvrement des dettes civiles et commerciales en réduisant les délais et limitant les effets de l'appel dans certains cas. En particulier la loi n°19-02 complétant le Code de procédure civile dispose que l'exécution d'une injonction ordonnée par le Président du tribunal de première instance fondée sur un effet de commerce ou un titre authentique ne peut être suspendue ni par l'effet du délai d'appel courant ou même de l'appel interjeté. La loi n° 18.02 complétant la loi instituant les tribunaux et cours d'appel de commerce confère au président du tribunal de commerce le pouvoir de trancher les réclamations concernant des sommes supérieures à 20.000 Dirhams lorsque ces réclamations sont fondées sur un billet à ordre ou un acte passé devant notaire. 8. Les règles de priorité entre créanciers établies par la loi procurent une prévisibilité satisfaisante dans le recouvrement de créances garanties par un bien nanti au profit de plusieurs créanciers. En particulier, le privilège du trésor sur les Banque Mondiale ­ Maroc ­ RONC ­ Insolvabilité et droits des créanciers - 3 - biens immobiliers, contrairement à celui des frais de justice, doit être publié à la conservation de la propriété foncière pour être opposable aux tiers. 9. L'inscription des sûretés portant sur les meubles et les immeubles est portée sur différents registres, selon la nature des actifs en cause. L'inscription des sûretés portant sur les biens immobiliers est faite obligatoirement sur deux registre distincts : celui du Bureau de la conservation foncière et hypothécaire et celui du Service de l'enregistrement. Le premier enregistrement a un effet constitutif et conditionne l'opposabilité aux tiers des hypothèques tandis que le second a une vocation essentiellement fiscale. Les lieux et systèmes d'enregistrement relatifs aux biens meubles dépendent du type de bien sur lequel porte la sûreté. Le nantissement de fonds de commerce est enregistré au Registre du commerce du lieu d'activité du débiteur. Les sûretés portant sur l'équipement et l'outillage sont établies sur un registre spécial tenu par le greffier du tribunal du lieu où sont situés les biens et au Registre du commerce ainsi qu'au registre spécial du lieu du siège social du débiteur. Les sûretés prises sur les biens des filiales d'une société doivent également être enregistrées au greffe du tribunal du siège de la société mère. D'autres registres sont spécifiquement utilisés en matière de sûretés sur les marques, les aéronefs, les véhicules automobiles et les navires. 10. Les procédures d'inscription peuvent être considérées comme assez transparentes, faciles d'accès, peu onéreuses et ouvertes aux étrangers. La procédure d'enregistrement d'une sûreté immobilière au Service de l'enregistrement peut être, selon la nature du bien, gratuite ou soumise à un taux fixe ou à un taux proportionnel appliqué à la valeur de l'immeuble grevé. La procédure d'enregistrement d'une sûreté immobilière au Bureau de la conservation foncière et hypothécaire est toujours payante et calculée en fonction du montant garanti par l'hypothèque. Les registres sont à la disposition du public et peuvent être consultés de façon assez transparente. Les frais d'enregistrement au registre du commerce sont calculés ad valorem. Aucune restriction ne s'applique aux étrangers en ce qui concerne la constitution et l'enregistrement des sûretés. 11. La réalisation des sûretés est une procédure assez simple, en particulier dans le contexte industriel et commercial mais elle est souvent retardée par une confiance excessive accordée aux experts. L'exécution des sûretés est régie par le code de commerce, le code des obligations et des contrats, la loi applicable aux immeubles immatriculés et le code de procédure civile qui définit les règles applicables aux saisies et ventes forcées pour l'ensemble des créanciers. Par exception, l'Etat et l'administration sont soumis aux dispositions du code de recouvrement des créances publiques sauf en ce qui concerne leurs créances commerciales. Outre leur rang préférentiel lors de la distribution du prix de vente des biens du débiteur sur lequel porte leur sûreté, les créanciers nantis bénéficient de droits particuliers sur le bien grevé. En matière immobilière, le créancier hypothécaire a le droit de procéder à une saisie exécution sans avoir à poursuivre au préalable le débiteur sur ses biens meubles ; le créancier titulaire d'un certificat d'inscription peut poursuivre la vente de l'immeuble par expropriation forcée même s'il n'est pas pourvu d'un titre exécutoire. En matière de meubles, les créanciers gagistes peuvent faire vendre les biens dans des délais de principe très brefs et selon des formalités simplifiées. Pour autant, les voies d'exécution sont souvent alourdies par l'intervention des officiers d'exécution et par le recours important à des experts pour la fixation de la valeur des biens qui ne correspond pas toujours à leur valeur marchande. Banque Mondiale ­ Maroc ­ RONC ­ Insolvabilité et droits des créanciers - 4 - B. CADRE JURIDIQUE DES PROCEDURES DE TRAITEMENT DES DIFFICULTES DES ENTREPRISES 12. Le cadre juridique régissant l'insolvabilité des entreprises a été totalement refondu en 1996 et 1997. Le système marocain actuel résulte de la réforme du Dahir du 1er août 1996 établissant le nouveau code de commerce. Le traitement des difficultés de P P l'entreprise, inclus dans le « Livre V » du code de commerce, comprend des dispositions sur la prévention des difficultés de l'entreprise avec ou sans le concours du tribunal pouvant aboutir à la suspension des poursuites individuelles, ainsi que des dispositions relatives au redressement et à la liquidation judiciaires. Ces dispositions ont été complétées par le Dahir du 12 février 1997 créant les juridictions commerciales, lesquelles ont notamment compétence en matière de traitement des difficultés des entreprises. Un des objectifs de la nouvelle législation est de fournir tous les moyens juridiques nécessaires et adéquats à la préservation des entreprises, par le redressement sous forme d'un plan de continuation et/ou d'un plan de cession ou bien par la liquidation judiciaire de l'entreprise, de la valeur des actifs du débiteur et de son potentiel industriel et/ou commercial, de préserver les emplois tout en protégeant les intérêts des créanciers par leur remboursement. 13. La procédure unifiée de traitement des difficultés des entreprises, organisée en deux phases, représente une évolution considérable par rapport au régime ancien de 1913 et est sans aucun doute plus adaptée au contexte d'une économie de marché. Elle comprend de nombreuses dispositions conformes aux régimes d'insolvabilité des pays développés orientés vers le redressement des entreprises et reflète une conception centrée sur le rôle prédominant des organes judiciaires par opposition aux systèmes conférant un rôle décisionnel aux créanciers. La procédure se déroule dans un cadre unifié qui conduit, selon les circonstances, au redressement de l'entreprise ou à sa liquidation. La procédure de redressement peut être convertie en procédure de liquidation à tout moment, mais l'inverse n'est pas possible. 14. Le nouveau code de commerce établit un droit de l'insolvabilité complet qui n'a pas cependant encore complètement démontré son efficacité. Les obstacles majeurs à cette efficacité sont le manque général de repères pour les magistrats et auxiliaires de justice. A l'évidence, le système contient des dispositifs et outils propres à les rendre efficaces lorsque les aspects institutionnels et réglementaires auront été perfectionnés. 15. Si certains concepts juridiques de la nouvelle loi ont posé des difficultés d'interprétation à l'origine, la jurisprudence semble aujourd'hui clarifiée. En particulier, la loi de 1996 pose une condition préalable à l'ouverture de traitement des difficultés des entreprises qui est la preuve de la cessation des paiements du commerçant ou de l'entreprise. Les tribunaux exigent du déclarant qu'ils produisent à l'appui de sa demande les mises en demeure attestant de l'exigence faite à lui d'honorer ses engagements. La jurisprudence est aujourd'hui quasi-unanime sur la nécessité d'apporter la preuve que l'entreprise est dans l'impossibilité de faire face à son passif échu et effectivement exigé grâce à son actif disponible. 16. Le déroulement des procédures de traitement des difficultés des entreprises était lent avant la réforme mais s'est amélioré de façon significative, notamment Banque Mondiale ­ Maroc ­ RONC ­ Insolvabilité et droits des créanciers - 5 - grâce à la création des tribunaux de commerce. La situation générale ne s'est cependant pas améliorée du fait de l'augmentation substantielle du nombre d'affaires. Selon les banquiers et les juges, l'augmentation très importante du nombre d'affaires de traitement des difficultés des entreprises est due en grande partie au changement d'attitude des débiteurs après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Il semble que de nombreux commerçants et dirigeants de petites et moyennes entreprises ont demandé l'ouverture d'une procédure pour le seul avantage tenant à la suspension des poursuites qui est automatiquement prononcée par le jugement d'ouverture de la procédure. Les banques soutiennent que les débiteurs essaient fréquemment de négocier leur dette en menaçant de pouvoir arrêter une procédure d'exécution et de saisie par le recours à la procédure de traitement des difficultés des entreprises. L'application du critère formel de non paiement des dettes exigibles procure au débiteur un moyen de pression important, d'où l'importance des efforts de clarification de la jurisprudence sur les conditions d'ouverture des procédures. Tableau 1. Affaires de traitement des difficultés des entreprises à Casablanca Procédures 1998 1999 2000 2001 2002 Demandes enregistrées 39 127 384 397 492 Affaires jugées 29 114 342 387 503 Affaires en cours 10 28 68 78 67 Jugements de redressement 13 66 78 73 45 Jugements de liquidation 16 48 62 73 57 Source: Statistiques du Ministère de la Justice 17. Les pouvoirs renforcés des juges-commissaires facilitent la cession efficace des biens immobiliers. Les procédures de liquidation et de cession d'actifs sont régies par les règles de droit commun de procédure civile sur le règlement des litiges. Le juge- commissaire détient des pouvoirs particuliers dans le cadre d'une liquidation permettant une cession efficace des biens. Après consultation des contrôleurs représentant les créanciers, du chef d'entreprise et du syndic, le juge-commissaire détermine le prix et les conditions essentielles de la vente ainsi que les modalités de publicité. Le juge commissaire peut, dès lors que la consistance du bien immobilier, son emplacement et les offres reçues permettent une vente amiable dans les meilleures conditions, autoriser la vente de l'immeuble soit par adjudication amiable au prix fixé ou de gré à gré aux prix et conditions qu'il détermine, la surenchère étant toujours possible. L'adjudication purge toutes les sûretés. 18. La loi confère au syndic des pouvoirs importants lui permettant de remettre en cause les obligations contractuelles du débiteur. Le syndic a le pouvoir de demander la continuation et l'exécution de tout contrat en cours au moment de l'ouverture de la procédure à la condition expresse de remplir les obligations du débiteur envers son cocontractant. Le droit du syndic peut être exercé nonobstant l'inexécution par le débiteur de son obligation contractuelle avant l'ouverture de la procédure collective. 19. La loi prévoit que certains actes passés dans des conditions anormales durant une certaine période antérieure à l'ouverture de la procédure (période suspecte) peuvent être ou sont automatiquement annulés, selon leur nature. La période suspecte s'étend de la date de cessation des paiements à la date d'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation, sous réserve de prolongation pour certains contrats. La Banque Mondiale ­ Maroc ­ RONC ­ Insolvabilité et droits des créanciers - 6 - date de cessation des paiements est fixée par le tribunal lors du jugement d'ouverture de la procédure et peut être modifiée par la suite. La période suspecte ne peut dépasser dix huit mois. 20. Les droits et rangs des créanciers tels qu'établis avant la procédure en vertu des règles de droit civil et commercial sont maintenus de façon générale dans la procédure de traitement des difficultés des entreprises sous réserve de quelques exceptions. L'exception la plus importante est le rang supérieur conféré aux dettes encourues par le débiteur après le jugement d'ouverture de la procédure qui doivent être payées par préférence à celle existantes au jour de l'ouverture de la procédure, qu'elles bénéficient ou non de sûretés ou de privilèges. Cette solution témoigne du souci d'assurer une perspective de redressement au débiteur, ce privilège étant conçu comme un mécanisme incitant à contracter avec les entreprises soumises à une procédure collective. 21. La loi confère un faible pouvoir de contrôle aux créanciers, dont la protection est dévolue au syndic. Les créanciers sont également représentés dans la procédure certains d'entre eux dénommés « contrôleurs » et désignés par le juge-commissaire. Ils n'ont pas d'accès direct à l'information relative au débiteur, ne participent pas à l'élaboration du plan de continuation ou de cession et ne votent pas le plan qui est décidé par le tribunal seul, le juge-commissaire demeurant la pierre angulaire de la procédure collective. L'information est canalisée et transmise par les contrôleurs auxquels il n'est pas imposé d'obligation stricte de transmettre avec diligence et en quantité suffisante des informations aux créanciers. 22. Le nouveau code de commerce favorise les arrangements judiciaires grâce à la procédure de prévention et la procédure d'alerte. La procédure d'alerte porte essentiellement sur l'obligation professionnelle imposée au commissaire aux comptes et aux associés d'une société de déclencher une procédure d'avertissement dès lors qu'un fait pouvant être préjudiciable à la bonne marche de l'entreprise est porté à leur connaissance, ceci au moyen d'une notification aux dirigeants de l'entreprise. Au cas où aucun remède n'est apporté, l'assemblée générale des actionnaires de la société doit être saisie et, ultimement, le président du tribunal de commerce. 23. La loi confère d'importants pouvoirs d'investigation au président du tribunal de commerce. Celui-ci peut notamment convoquer le dirigeant afin de discuter des mesures à adopter pour pallier aux difficultés de l'entreprise et peut demander des informations complémentaires de différentes sources afin de s'assurer de la situation financière réelle de la société. Le président du tribunal dispose aussi du pouvoir discrétionnaire de mandater un tiers afin de concilier les associés et les tiers concernés. 24. La loi prévoit également une procédure de règlement amiable indépendante des procédures de liquidation et de réorganisation, réservée au débiteur dont la condition financière ne justifie pas l'ouverture de telles procédures. La procédure de règlement amiable, qui a pour but d'éviter la procédure formelle aux entreprises n'étant pas en cessation de paiement, est placée sous le contrôle du tribunal de commerce et est menée par un conseiller indépendant, le conciliateur. L'initiative d'une telle procédure revient exclusivement au représentant légal du débiteur. A la demande du conciliateur, le président du tribunal peut décider la suspension des poursuites individuelles pour la durée de la mission du conciliateur, dont l'effet est de suspendre toutes les procédures en cours, Banque Mondiale ­ Maroc ­ RONC ­ Insolvabilité et droits des créanciers - 7 - d'interdire toute nouvelle procédure contre le débiteur concernant les dettes contractées avant l'ouverture de la procédure ainsi que d'empêcher toute procédure de résiliation des contrats en cours. En cas de décision d'octroi de la suspension des poursuites par le président, et sauf dispositions particulières de ladite décision, il est interdit au débiteur, sous peine de nullité de tels actes, de payer toute dette encourue antérieurement à la décision de suspension (sauf en faveur des salariés), de payer les cautions données au moment où la dette a été contractée, de consentir une hypothèque ou de céder des actifs sauf dans le cadre de la gestion normale de l'entreprise. C. CADRE REGLEMENTAIRE DES PROCEDURES DE TRAITEMENT DES DIFFICULTES DES ENTREPRISES Cadre Institutionnel et Capacité U 25. La loi de 1997 instituant les juridictions de commerce a créé les tribunaux de commerce et les cours d'appels de commerce qui ont notamment compétence pour toute matière relative au traitement des difficultés des entreprises. Les tribunaux de commerce ont une large compétence qui s'étend au débiteur, ses représentants, dirigeants et associés; aux actifs du débiteur (ensemble des biens et des créances); aux créanciers privilégiés et autres créanciers du débiteur. 26. Le tribunal prononçant l'ouverture de la procédure dispose de larges pouvoirs d'administration de la procédure et de direction des opérations. Ces pouvoirs comprennent l'ouverture de la procédure, le choix de la liquidation ou du redressement, l'acceptation du plan de continuation ou de cession de l'activité et/ou la révocation du plan. Sa compétence est élargie à la connaissance de toutes matières et contestations relatives ou connexes aux difficultés des entreprises dont le règlement amiable, et le redressement et la liquidation judiciaires. 27. La formation et la compétence des juges ayant à traiter des affaires relatives au traitement des difficultés des entreprises ne sont pas toujours satisfaisantes mais sont en cours d'amélioration. En pratique, certains juges nommés dans les sections de faillite des tribunaux de commerce sont issus des chambres traitant auparavant de ces matières dans les juridictions de droit commun tandis que des juges nouvellement venus au traitement des difficultés des entreprises ont dû s'adapter à un nouveau domaine d'activité et se former eux-mêmes en fonction de l'expérience acquise au fil du traitement des affaires. Pour pallier à ces difficultés, l'Institut Supérieur de la Magistrature s'oriente actuellement vers une spécialisation de magistrats en matière commerciale, et des sessions de formation continue sont organisées par le Ministère de la Justice. Nonobstant l'accroissement rapide du nombre des affaires d'insolvabilité et de procédures d'injonction de paiement, les tribunaux de commerce ont fait preuve d'une grande activité telle qu'indiquée dans le tableau ci-dessous. Banque Mondiale ­ Maroc ­ RONC ­ Insolvabilité et droits des créanciers - 8 - Tableau 2. Affaires d'insolvabilité et d'injonctions de payer. Année 2002 Affaires en Affaires en instance Requêtes Total Affaires instance 01/01/2002 enregistrées jugées 31/12/2002 Casablanca Insolvabilité 78 492 570 503 67 Injonctions de payer 0 12668 12668 12160 468 Rabat Insolvabilité 7 59 66 62 4 Injonctions de payer 27 2006 2033 2030 3 Tanger Insolvabilité 9 20 29 21 8 Injonctions de payer 0 634 634 634 0 Fès Insolvabilité 9 15 24 20 4 Injonctions de payer 0 1182 1182 1182 0 Oujda Insolvabilité 2 8 10 8 2 Injonctions de payer 0 395 395 395 0 Mekhnès Insolvabilité 7 23 30 20 10 Injonctions de payer 0 848 848 848 0 Marrakech Insolvabilité 21 44 65 52 13 Injonctions de payer 0 1620 1620 1620 0 Agadir Insolvabilité 50 177 227 151 76 Injonctions de payer 0 2072 2072 2072 0 TOTAL Insolvabilité 183 838 1021 837 184 Injonctions de payer 27 21385 21412 20941 471 Source: Statistiques du Ministère de la Justice Cadre Réglementaire U 28. Il n'existe aucune instance professionnelle contrôlant ou encadrant les administrateurs judiciaires ou liquidateurs (syndics) qui sont choisis librement et dirigés par le tribunal. Selon le code de commerce, la fonction de syndic est exercée par le greffe du tribunal mais le tribunal peut également désigner un tiers. En pratique, le tribunal désigne le syndic parmi les membres du personnel de son greffe dans les affaires de liquidation judiciaire et choisit le syndic parmi les experts comptables dans les affaires de redressement judiciaire. Le syndic tient son mandat du tribunal et agit comme son mandataire. Il est en même temps la seule personne ayant capacité pour agir au nom et pour le compte des créanciers. Bien que son rôle soit essentiel dans les procédures de traitement des difficultés des entreprises, sa qualification ne fait l'objet d'aucune condition légale formelle. Aucun critère légal n'a été établi concernant les modalités d'administration des affaires par les syndics. Le contrôle méthodique et suivi de leur travail est peu fréquent, ce contrôle étant de la compétence du Juge-commissaire dont les lourdes fonctions laissent peu de temps disponible pour la surveillance du travail des syndics. 29. Aucune qualification ou compétence professionnelle technique ou juridique n'est exigée des syndics comme condition de leur désignation par le tribunal. L'écart entre les qualifications professionnelles qui devraient être celles d'administrateurs en charge de procédures juridiques et économiques complexes et la situation réelle au Maroc est ressentie fortement en raison de l'importance du rôle juridique et pratique qui leur est Banque Mondiale ­ Maroc ­ RONC ­ Insolvabilité et droits des créanciers - 9 - dévolu dans les procédures. Certains experts comptables se sont spécialisés dans ces matières mais de façon non uniforme et encore marginale. D. GESTION DU RISQUE DE CREDIT ET ARRANGEMENTS INFORMELS Gestion du Risque de Crédit U 30. La grande majorité des crédits consentis par les banques, importants ou non, sont garantis, les crédits non garantis ne représentant qu'un faible pourcentage du montant total des crédits aux entreprises. Les sûretés les plus fréquemment utilisées sont les cautionnements des dirigeants d'entreprise ou des commerçants, les gages, avec ou sans dépossession sur toutes sortes d'actifs, y compris le nantissement de fonds de commerce, de matériel et d'équipement, et d'actifs liquides (e.g. dépôts bancaires, valeurs mobilières, polices d'assurance) ainsi que les hypothèques sur les biens immobiliers (terrains, immeubles et dépendances), usines et équipements industriels. Des sûretés sont également fréquemment prises sur les stocks et les créances à recevoir. Les banques utilisent aussi les nantissements de marchés comme sûreté des avances faites ou des ouvertures de crédit mais peu encore la cession de créance commerciale sur simple bordereau qui est pourtant un nouvel instrument sûr et flexible créé par le nouveau code de commerce. Les garanties données par les sociétés, la famille ou les individus sont assez répandues et constituent des formes supplémentaires de garantie. 31. Les banques marocaines, de quelque origine et type que ce soit, sont intégrées dans un système bancaire avancé et disposent de procédures internes efficaces pour gérer les défauts de paiement. Elles utilisent une large palette de techniques de recouvrement et de règlement amiable. Les grandes banques disposent de services spécialisés et parfois décentralisés au plan régional alors que les petites banques ne disposent que de petits départements de recouvrement ou ont fréquemment recours à des tiers pour procéder au recouvrement. Les plus grands établissements utilisent des méthodes informatisées de traçage des créances douteuses et de gestion des différents niveaux de défaillance tandis que les plus petites banques utilisent à un moindre degré la gestion des informations et des statistiques. Toutes les banques sont tenues d'appliquer la classification des créances instaurée par voie de circulaire4 par la banque centrale, Bank TPF FPT Al-Maghrib, qui détermine par niveau de risque leur traitement comptable et les règles de provisionnement. Les équipes bancaires et juridiques des départements de recouvrement ont la plupart du temps une forte expérience des différentes méthodes de recouvrement et techniques de résolution des difficultés. La plupart des banques indiquent une préférence pour les solutions amiables, le recouvrement judiciaire étant relativement lent et pouvant s'étaler sur les périodes de trois à cinq ans. Selon les différents types de crédit attribués au Maroc, les niveaux les plus élevés de défaillance en pourcentage de crédits par industrie tendent à être dans les secteurs de l'agriculture, de l'industrie, de la construction et du commerce. Le niveau des crédits douteux est légèrement plus important dans les banques locales ce qui résulte peut-être des conditions plus sélectives d'octroi de crédits par les banques étrangères. Arrangements informels 4 Circulaire n°19 du 23 décembre 2002 relative à la classification des créances et à leur couverture par les provisions. TP PT Banque Mondiale ­ Maroc ­ RONC ­ Insolvabilité et droits des créanciers - 10 - 32. Bien qu'aucune procédure d'arrangement informel n'ait été standardisée, les banques et institutions financières utilisent fréquemment des procédures informelles pour parvenir à des arrangements amiables de rééchelonnement de dettes et de restructuration des entreprises. De façon comparable aux pratiques de nombreux pays, une grande variété d'approches est utilisée pour sauver des affaires viables dans le but de permettre le remboursement des dettes. Celles-ci incluent les techniques habituelles de mesures de réduction de coût, de réduction du nombre d'employés, de vente d'actifs et branches d'activités ne faisant pas partie du coeur de métier de l'entreprise ainsi que la prise de sûretés supplémentaires afin de garantir le remboursement. Ces mesures sont plus efficaces pour les débiteurs importants, laissant les petits débiteurs confrontés de façon presque inévitable à la perspective d'une procédure collective. La méthode de conciliation organisée sous la supervision des tribunaux ou de façon indépendante et permise par le nouveau régime de l'insolvabilité, pourrait constituer une approche efficace pour promouvoir de façon effective les procédures informelles auprès d'un plus grand nombre d'entreprises. Cette méthode dont l'initiative revient légalement au débiteur est encore rarement utilisée par les banques. III. RESUME DES RESULTATS DE L'EVALUATION ET CONCLUSIONS 33. Les droits des créanciers et les procédures d'exécution offrent globalement T une protection moderne et les Principes sont estimés comme substantiellement observés. Cependant, dans plusieurs domaines, les procédures, règles et pratiques pourraient être améliorées afin d'atteindre un niveau plus élevé d'efficacité et des résultats plus probants : · Sûretés. Le cadre juridique relatif à la constitution d'une grande variété de sûretés portant sur une grande diversité de biens meubles et immeubles ainsi que le cautionnement et les cessions de créances prévus par le code civil et le code de commerce, est bien conçu et complet. Cependant le système est devenu complexe et dépassé à certains égards. La complexité est le fait en particulier de l'augmentation du nombre de règles de priorité en raison de l'ajout aux sûretés traditionnelles de sûretés et garanties nouvelles rendues nécessaires ou requises du fait des nouvelles méthodes commerciales et de l'ouverture plus grande de l'économie sur le plan international. Une réforme devrait être entreprise afin de simplifier globalement ce domaine, de réduire le nombre de rangs de priorité et de réorganiser les sûretés mobilières afin de les adapter au plus grand degré de mobilité des objets auxquels elles s'appliquent suite à la dématérialisation des valeurs mobilières. · Inscription. Dans ce domaine également, l'évaluation faite confirme l'observation substantielle des Principes. Le système marocain d'enregistrement et d'inscription des sûretés est globalement efficient, son accès peu onéreux et considéré comme transparent. Cependant, l'enregistrement des sûretés réelles est compliqué par l'existence d'une possibilité de faire opposition, les délais qui en découlent, et le pouvoir important du conservateur. De même, l'inscription n'est pas toujours aisément accessible et elle n'est pas assez informatisée. Une attention particulière devrait être apportée, dans le processus d'informatisation en cours, à la compatibilité et à la cohérence entre les différents registres et bureaux. Banque Mondiale ­ Maroc ­ RONC ­ Insolvabilité et droits des créanciers - 11 - L'informatisation devrait également permettre une vérification croisée entre les biens meubles et immeubles et leurs propriétaires. · Exécution. La réalisation des sûretés se fait selon des procédures assez simples, notamment dans le contexte industriel et commercial. La prévisibilité est d'un niveau acceptable dans la mesure où les notifications de saisie et de vente doivent précéder toute action, quand la valeur du bien grevé est suffisante pour payer les dettes garanties. Cependant, la simplicité et la prévisibilité de l'exécution des sûretés souffrent du large recours fait aux expertises, qui concourent à l'élaboration de l'opinion du juge mais ne reflètent pas nécessairement le prix du marché et qui conduisent à prolonger excessivement les procédures d'exécution. Aucun délai n'est imposé pour l'obtention d'un jugement d'exécution de sûretés ou pour terminer la réalisation, la saisie ou l'enchère publique ou privée, auxquels s'ajoutent les appels dans ces matières. Les oppositions peuvent aussi compliquer les affaires et augmenter les délais. Dans un souci d'efficacité et de confiance du public dans la justice, le recours aux experts, leur rôle et leur qualification devraient être soigneusement revus. Un décret d'application de la loi n° 45.00 relatif aux experts judiciaires, actuellement en cours de préparation, est supposé améliorer les conditions d'exercice de cette profession et devrait encadrer strictement les conditions de recours à ceux-ci. 34. Le cadre juridique régissant le traitement des difficultés des entreprises a été totalement refondu en 1996 du fait de l'adoption d'une nouvelle loi divergeant fondamentalement du système précédent orienté vers les sanctions personnelles. La T nouvelle loi instaure un système complet et moderne comprenant un dispositif judiciaire T de prévention des difficultés des entreprises qui peut aboutir à une suspension des poursuites, ainsi que des procédures de redressement et de liquidation cohérentes et bien conçues sous quelques réserves fondamentales par rapport aux Principes. Les Principes T T sont substantiellement observés, bien qu'un certain nombre de faiblesses, y compris dans T le fonctionnement du processus, demeurent dans les domaines ci-dessous : T · Le système légal marocain du traitement des difficultés des entreprises écarte dans une large mesure les créanciers du contrôle de la procédure et ne leur permet pas de jouer un rôle significatif dans la gestion de celle-ci, hormis dans le cadre de procédures amiables pré-judiciaires. Il repose au contraire sur un contrôle judiciaire fort ainsi que sur les syndics, qui jouent un rôle clé et sont des employés du greffe du tribunal (dans les procédures de liquidation) ou des experts comptables (dans les procédures de redressement). · Bien que le texte de la loi semble avoir bien conçu la gestion du processus, un faible nombre de syndics a les compétences professionnelles et l'expérience nécessaires. Aucune qualification professionnelle n'est requise par les textes en vigueur. Cette situation combinée avec la faiblesse de la participation et du contrôle des créanciers entraîne des solutions imprévisibles. Ce problème est également dû à l'absence de cadre juridique approprié pour les syndics et les autres mandataires nommés par le tribunal. · Ouverture de la procédure. Les dispositions légales relatives aux conditions d'ouverture des procédures collectives i.e. la seule preuve de la cessation des Banque Mondiale ­ Maroc ­ RONC ­ Insolvabilité et droits des créanciers - 12 - paiements, définie comme l'impossibilité de payer les dettes échues, entraînent des demandes abusives. Cette condition peut être trop facilement démontrée et permet aux débiteurs de mauvaise foi de demander l'ouverture de la procédure collective. Compte tenu de l'expérience acquise par l'application du nouveau système depuis plus de six ans, il devient urgent de revoir certains aspects du texte à cet égard. 35. Le cadre d'application a été évalué comme oscillant entre substantiellement T observé et substantiellement non observé pour les juridictions mais substantiellement non observé ou non observé pour la réglementation relative aux professionnels des procédures de traitement des difficultés des entreprises. Les points sur lesquels une amélioration devrait porter concernent : T · Spécialisation des tribunaux et formation. Les commentaires ci-dessus reflètent une certaine ambiguïté. D'une part, la mise en place récente des tribunaux de commerce et des cours d'appels correspondantes, et l'existence au sein de ces juridictions de chambres spécialisées dans le traitement des difficultés des T entreprises, marquent un progrès significatif dans la promotion d'un règlement T cohérent et efficace des litiges commerciaux. D'autre part, les critères de performance des juridictions, la formation des juges et l'organisation des tribunaux sont considérés comme n'étant pas totalement satisfaisants. Cette situation est préoccupante dans un contexte où les membres du tribunal, son président et le juge-commissaire notamment, jouent un rôle vital dans l'administration des procédures et qu'aucune participation active ou contrôle de la procédure ne sont possibles ou donnés aux créanciers, et pourrait être facilement améliorée par l'adoption d'un code de bonnes pratiques. Formés aux disciplines juridiques traditionnelles jusque récemment, les juges reçoivent une formation judiciaire limitée à un an à l'Institut National d'Etudes Judiciaires, ce qui est insuffisant pour acquérir une connaissance des matières complexes du droit commercial et notamment du droit du traitement des difficultés des entreprises. Peu nombreux sont ceux qui ont fait des études supplémentaires pour compenser ce manque. Par ailleurs, la formation continue se limite à quelques séminaires et réunions occasionnels. Pourtant, la spécialisation des tribunaux et des juges devrait permettre d'améliorer la situation, mais une politique active de formation continue et d'échanges d'expériences professionnelles de même que la circulation des décisions judiciaires entre les magistrats des juridictions commerciales devraient être systématiquement organisées et promues. · Absence d'organismes de contrôle et de critères de compétence pour les praticiens. Il n'existe aucun organisme de contrôle responsable de l'encadrement de la conduite des administrateurs et liquidateurs (syndics). De plus, aucune qualification ou compétence technique ou juridique professionnelle n'est requise comme condition de désignation par le tribunal. Les conséquences en sont fortement ressenties du fait du rôle important sur le plan juridique et pratique qui leur est dévolu dans les procédures. Certes, certains experts comptables se spécialisent mais de façon non cohérente et encore marginale. Il est essentiel de créer une profession réglementée d'administrateurs et de liquidateurs ainsi que de déterminer strictement les obligations et responsabilités professionnelles de ses Banque Mondiale ­ Maroc ­ RONC ­ Insolvabilité et droits des créanciers - 13 - membres. Il est également nécessaire de créer des règles déontologiques obligatoires et de mettre en place une formation juridique et économique continue. 36. Gestion du risque de crédit et procédures d'arrangements informels. Le système bancaire marocain fournit un cadre réglementaire contraignant aux banques en ce qui concerne la méthode d'évaluation des créances dont l'objet est prudentiel et comptable et vise à réduire le risque systémique. Ce cadre fournit indirectement une méthode d'évaluation des risques de crédit pour les sociétés/commerçants et peut aider les établissements bancaires à les identifier mais non à les traiter. Les banques sont totalement libres d'adopter la méthode de traitement de leur choix et de privilégier le recours amiable ou le recours contentieux, eu égard à la qualité de leur portefeuille de prêts, la solidité financière de leur clients et les garanties obtenues. Il est à noter que la situation des banques souffre parfois de l'attitude agressive de débiteurs à leur égard qui ont pu relativement facilement obtenir l'ouverture d'une procédure de traitement des difficultés T des entreprises qu'ils utilisent comme moyen de pression. T IV. RECOMMANDATIONS Recommandations. Les autorités sont encouragées à prendre en compte les recommandations suivantes : 37. Droits des créanciers et procédures d'exécution · Les droits des créanciers et les procédures d'exécution requièrent des mises au point concernant en particulier : (i) l'informatisation du système d'inscription, son développement sur l'ensemble du territoire et son élargissement à toutes les sûretés; (ii) la clarification des rangs de priorité et la limitation de leur nombre; et (iii) l'établissement de mesures appropriées pour maximiser la valeur des actifs dans le cadre des ventes sur saisie. · Les autorités anticipent que l'adoption en février 2006 d'une réforme substantielle de la profession d'huissier de justice est de nature à faciliter l'exécution des jugements et la réalisation des saisies. Une attention particulière devra être apportée à la mise en oeuvre de ce nouveau système. 38. Cadre juridique régissant le traitement des difficultés des entreprises · La réforme globale intervenue en 1996 représente un progrès important et mérite d'être poursuivie afin de rendre le cadre juridique du traitement des difficultés des entreprises plus efficace et pallier aux problèmes rencontrés en pratique depuis sa mise en vigueur. Les procédures mises en place par la loi pourraient par exemple être détaillées dans un texte d'application fournissant aux juges, syndics et parties prenantes des indications et des références précises et donnant plus de fiabilité et d'attraits aux procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises prévues par la loi. · Certaines dispositions législatives pourraient faire l'objet d'amendements, en particulier la notion de cessation des paiements afin de limiter les possibilités de recours abusifs à la protection du régime dont souffrent aujourd'hui les créanciers et Banque Mondiale ­ Maroc ­ RONC ­ Insolvabilité et droits des créanciers - 14 - le système bancaire. Les droits des créanciers devraient être mieux protégés par la mise en place d'une meilleure représentation et participation des créanciers à l'élaboration de la solution de redressement. Un ou plusieurs comités de créanciers contribueraient à l'équilibre des procédures et à asseoir des solutions réalistes. Les pouvoirs et responsabilités des syndics devraient être encadrés par des prescriptions plus contraignantes afin de mieux protéger les intérêts des créanciers. Les pouvoirs importants du juge commissaire et du tribunal devraient être définis et détaillés afin de les guider dans l'exercice de leurs fonctions et permettre un contrôle plus strict de l'application de la loi par les juridictions supérieures facilitant la création d'une jurisprudence. 39. Cadre d'application · La mise en place d'une formation continue adéquate pour les juges des juridictions commerciales, en particulier ceux devant assurer le service ou servant déjà dans les chambres spécialisées dans le traitement des difficultés des entreprises paraît faire défaut à présent et est rendue nécessaire par la complexification des procédures et le développement d'une économie de marché dont le droit de l'insolvabilité est un élément régulateur. · Il est important de fournir au traitement des difficultés des entreprises une profession d'administrateurs et de liquidateurs judiciaires bien organisée, compétente et fiable. Pour ce faire, il convient de déterminer de façon stricte les obligations professionnelles et les responsabilités des intervenants et d'établir des règles déontologiques obligatoires. Il est aussi nécessaire d'instaurer une formation professionnelle spécifique ainsi qu'une formation juridique et économique continue. Un organisme de supervision et des règles claires devraient être mis en place pour établir des règles déontologiques minimales et gérer les qualifications, les licences et les performances et la conduite professionnelles. Enfin, il pourrait être utile de créer un système de fonds de garantie financé par les cotisations des professionnels concernés pour garantir les sinistres au profit des créanciers et contribuer à auto contrôler cette profession.5 TPF FPT 40. Gestion du risque crédit et arrangements informels · Le cadre fiscal existant ne favorise pas les arrangements et les reprises d'entreprises. La réduction des droits de mutation applicables à la cession d'actifs, la possibilité pour l'acquéreur de déduire les déficits provenant de l'acquisition de l'entreprise et un traitement favorable de l'abandon de créances, par exemple, seraient des mesures propres à les encourager. De telles dispositions incitatives ne seraient cependant pas en harmonie avec l'orientation actuelle de la réforme fiscale générale récemment entamée au Maroc. 5 Une attention particulière devra être apportée aux caractéristiques du fonds de garantie, et en particulier en ce qui TP PT concerne les catégories de créanciers bénéficiaires, l'instance chargée de la gestion du fonds, ainsi que la quotité de couverture des dommages par le fonds. Banque Mondiale ­ Maroc ­ RONC ­ Insolvabilité et droits des créanciers - 15 -