Note d’information 19 DU TEMPS ET DE L’ARGENT : UNE ÉTUDE DES PROBLÈMES DE MAIN-D’ŒUVRE RENCONTRÉS PAR LES PRODUCTRICES DE COTON EN CÔTE D’IVOIRE Auteurs : Eliana Carranza, Aletheia Donald, Rachel Jones et Léa Rouanet GENDER INNOVATION LAB La recherche menée par le GIL PRINCIPAUX MESSAGES a pour objectif la réduction des inégalités entre les hommes La main-d’œuvre constitue une contrainte majeure à la production et à la et les femmes en Afrique Sub- productivité de la culture du coton par les femmes en Côte d’Ivoire. Saharienne. En évaluant l’impact d’interventions innovantes, le GIL Notre étude met en évidence quatre facteurs produit des preuves rigoureuses interdépendants à l’origine de cette contrainte : sur l’efficacité des programmes de réduction des écarts de • Insuffisance des liquidités : les femmes ont plus de genre en termes de revenus, de difficultés à se procurer de l’argent et à obtenir des crédits, ce productivité, de ressources et qui freine leur recrutement de main-d’œuvre agricole. d’autonomisation. L’équipe du GIL travaille actuellement sur • Peu de contrôle sur la main-d’œuvre familiale : en raison des normes plus de 50 évaluations d’impact de genre, cette main-d’œuvre est allouée en priorité aux parcelles agricoles dans 21 pays avec l’objectif gérées par les hommes. L’exécution des tâches agricoles sur les parcelles de construire une base de gérées par les femmes en est par conséquent systématiquement retardée. connaissances solides et d’en tirer des leçons utiles pour la région. • Temps de travail peu flexible : les travaux domestiques L’objectif du GIL est d’accroître que les femmes doivent effectuer au quotidien limitent l’adoption de politiques efficaces leur accès aux réseaux d’échange de travail. par les gouvernements, les • Rendements plus faibles : les hommes ne travaillent pas organisations de développement et autant lorsqu’ils sont engagés par des femmes. le secteur privé afin de combattre les causes sous-jacentes des L’existence de différences entre hommes et femmes engagés dans la production inégalités de genre en Afrique, agricole, tant sur le plan de la production qu’au niveau de la productivité, est largement et de promouvoir, en particulier, documentée dans toute l’Afrique subsaharienne. Le Laboratoire d’innovation pour l’autonomisation économique l’égalité des sexes (Africa Gender Innovation Lab) a produit un ensemble de données, et sociale des femmes. Le notamment dans le cadre des rapports Levelling the Field et The Cost of the Gender Gap Lab cherche à accomplir cette in Agricultural Productivity, qui identifient les problèmes auxquels sont confrontées les tâche en produisant et en disséminant auprès des décideurs agricultrices, évaluent l’ampleur et le coût des écarts entre hommes et femmes dans la politiques de nouveaux résultats productivité agricole, et proposent des solutions prometteuses au plan des possibilités scientifiques et conclusions d’action ainsi que de nouvelles pistes à explorer. Une conclusion majeure du rapport pertinentes sur ce qui fonctionne Levelling the Field est que la main-d’œuvre est le principal obstacle à l’égalité entre et ne fonctionne pas pour les sexes en matière de productivité. Dans l’ensemble des six pays africains étudiés, promouvoir l’égalité des genres. http://www.worldbank.org/en/programs/africa-gender-innovation-lab nous observons une combinaison de facteurs : les femmes NOS CONCLUSIONS emploient moins d’hommes de leur ménage pour travailler sur leurs parcelles, les travailleurs agricoles génèrent des LES PRODUCTRICES DE COTON SONT rendements plus faibles pour les agricultrices que pour les CONFRONTÉES À D’IMPORTANTES CONTRAINTES agriculteurs, et les agricultrices rencontrent des difficultés D’ACCÈS À LA MAIN-D’ŒUVRE à engager une main-d’œuvre extérieure conséquente. MÉNAGES DIRIGÉS PAR DES FEMMES OU PAR DES Dans la présente note d’information, nous analysons et HOMMES : Tout d’abord, à l’aide de données quantitatives, cherchons à expliquer les problèmes de main-d’œuvre nous réalisons une simple comparaison de l’emploi de rencontrés par les agricultrices au moyen d’une méthode main-d’œuvre dans les ménages dirigés par des hommes mixte appliquée au secteur du coton en Côte d’Ivoire. par rapport à ceux dirigés par des femmes, afin d’évaluer Cette étude s’inscrit dans le cadre du Projet d’appui au les écarts entre les sexes en ce qui concerne la main- secteur agricole en Côte d’Ivoire et de ses efforts visant d’œuvre. L’emploi total de main-d’œuvre est nettement à améliorer la participation des femmes à la production supérieur dans nos quatre régions du nord de la Côte de coton. Premièrement, nous quantifions l’écart entre le d’Ivoire, comparé au pays dans son ensemble. De même, sexes dans l’accès à la main d’œuvre, puis nous examinons la différence hommes-femmes selon cette dimension est de les origines de cet écart et comment elles contraignent la 37 % dans le nord contre 27 % dans l’ensemble du pays. production et à la productivité de la culture du coton par les femmes. Finalement, nous formulons des recommandations SOURCES DE MAIN-D’ŒUVRE : Nous cherchons ensuite à l’intention des responsables des politiques. à savoir si le travail mentionné est fourni par le propriétaire de la parcelle, par des membres du ménage, par une main-d’œuvre rémunérée ou par une main-d’œuvre non rémunérée. La NOTRE APPROCHE majorité de la main-d’œuvre non rémunérée provient de groupes Nous combinons les données quantitatives provenant de travail réciproque dans le cadre desquels les producteurs de l’Enquête sur le niveau de vie des ménages (ENV) de peuvent échanger des heures de travail avec d’autres 2015, une enquête représentative des ménages à l’échelle agriculteurs. Dans le nord ainsi que dans le pays globalement, nationale, et les données qualitatives réunies par notre équipe nous constatons que la pénurie de main-d’œuvre dans les dans le but d’apporter un nouvel éclairage sur l’origine des ménages dirigés par des femmes est en premier lieu due à la problèmes de main-d’œuvre qui font obstacle à l’égalité faible quantité de main-d’œuvre rémunérée et, en second des sexes dans le secteur du coton. Nous concentrons lieu, à la faible quantité de main-d’œuvre non rémunérée. notre étude sur quatre régions du nord de la Côte d’Ivoire qui figurent parmi les plus grandes régions cotonnières MÉNAGES DE MÊME TAILLE, AVEC UNE SURFACE ivoiriennes et représentent, à elles quatre, 40 % du coton DE PARCELLES SIMILAIRE : Pour autant, ce ne sont produit dans le pays par de petits exploitants. Nous utilisons que de simples différences qui ne tiennent pas compte des disparités au niveau de la taille des ménages ou de la les données quantitatives — qui portent sur 10 000 ménages surface des parcelles entre les ménages dirigés par des dont 1 500 sont situés dans ces régions du nord — pour femmes et ceux dirigés par des hommes. Mais lorsque nous dégager des estimations précises des écarts entre les sexes en tenons compte, l’écart entre les sexes pour l’accès à la dans l’accès à la main-d’œuvre, déterminer les types de main-d’œuvre totale demeure relativement stable dans le main-d’œuvre que les femmes ont le plus de difficultés à nord (36 %) alors qu’elle tombe à 11 % dans l’ensemble du recruter, et examiner l’ampleur de ce problème de main- pays. Cela signifie que, si nous comparons des ménages d’œuvre pour les femmes par rapport à d’autres intrants de similaires, nous observons une différence de 25 points la production agricole tels que l’engrais. Nous complétons de pourcentage entre le nord et le reste du pays. ces données par des résultats qualitatifs afin d’esquisser un tableau complet des causes et des conséquences des PARCELLES DÉTENUES PAR DES HOMMES OU DES problèmes de main-d’œuvre rencontrés par les femmes. FEMMES : L’examen des différences entre les ménages dirigés Notre recherche qualitative comprend des entretiens avec par des femmes et ceux dirigés par des hommes n’offre qu’une des acteurs clés de la filière coton, ainsi que des échanges image incomplète de l’accès des femmes à la main-d’œuvre. dans le cadre de quatre groupes de discussion réunissant au En effet, dans l’ensemble de la Côte d’Ivoire, seules 28 % des total 27 femmes qui cultivent leurs propres parcelles de coton femmes âgées de 18 ans ou plus vivent dans des ménages et appartiennent aux deux plus grands groupes ethniques dirigés par des femmes alors que, dans le nord du pays, ce du nord de la Côte d’Ivoire, les Sénoufos et les Malinkés. chiffre atteint à peine 12 %. Il est possible que les femmes chefs ÉCART ENTRES LES SEXES DANS L’ACCÈS À LA MAIN-D’ŒUVRE POUR UNE TAILLE DE PARCELLES ET UNE TAILLE DE MÉNAGE MOYENNES 25 Menagés Dirigés par des Hommes 20 Saison Agricole Travailleurs par Ménages Dirigés  par des Femmes 15 10 5 0 Ensemble du Pays Régions du Nord de ménage constituent un groupe de femmes particulièrement par rapport aux parcelles détenues par des hommes. Notre désavantagé, ce qui biaiserait à la hausse notre estimation recherche qualitative a démontré que le fait de posséder des écarts entre les sexes. Toutefois, si nous examinons les peu d’argent liquide est une des principales raisons de différences entre hommes et femmes propriétaires de parcelles, cette différence. Cette contrainte provient avant tout du fait et non plus chefs de ménage, la différence entre les sexes que les agricultrices sont les premières responsables pour la quantité totale de main-d’œuvre est du même ordre des cultures vivrières (qui ne génèrent pas d’argent) et de grandeur : 34 % au nord contre 13 % dans la totalité du qu’elles ont moins accès aux marchés du crédit. pays. Lorsque nous examinons les sources de main-d’œuvre dont l’accès est le plus difficile pour les femmes, les deux INTRANTS : Le contexte institutionnel dans le nord de principales sont la main-d’œuvre rémunérée et la main- la Côte d’Ivoire présente une forte interdépendance des d’œuvre non rémunérée. Cependant, leur importance relative marchés agricoles et des marchés du crédit. Dans les zones change par rapport aux ménages dirigés par des femmes. Ici, rurales où les institutions financières formelles sont peu l’utilisation de la main-d’œuvre non rémunérée est la plus faible. présentes, les associations agricoles remplissent des rôles multiples. Ainsi, les associations de producteurs de cultures Nos données quantitatives montrent également que, dans de rente accordent des prêts aux agriculteurs, puis achètent les régions du nord, l’écart entre les sexes est plus important directement les produits à ces mêmes agriculteurs en guise pour l’accès à la main-d’œuvre que pour d’autres intrants de de remboursement. Pour les prêts mobilisés dans le but de la production agricole (comme l’engrais ou les herbicides), payer de la main-d’œuvre, en particulier, la productivité des ce qui n’est pas le cas dans le reste du pays. De plus, les cultures de rente est utilisée comme un signal de la capacité différences hommes-femmes pour l’accès à la main-d’œuvre du producteur à rembourser. Dans la région étudiée, les sont, par comparaison avec l’acquisition d’autres intrants, entreprises cotonnières offrent uniquement des prêts pour exacerbées dans le cas des parcelles gérées par des femmes. l’embauche de main-d’œuvre aux agriculteurs qui ont eu de bons rendements du coton, soit plus de 1,1 tonne par hectare Dans l’ensemble, bien que l’écart entre les sexes soit et par an en moyenne au cours des années précédentes. Les statistiquement significatif, quelles que soient les spécifications agricultrices qui n’atteignent pas ce seuil ne peuvent prétendre ou les régions, c’est au nord du pays que les femmes ont à cette forme de crédit et risquent de se retrouver dans un le moins accès à la main-d’œuvre, en particulier en ce qui cercle vicieux de productivité faible, où leur accès limité aux concerne la main-d’œuvre rémunérée et non rémunérée. intrants ne leur permet pas d’accroître leur productivité, ce qui diminue alors leur accès à des financements qui QU’EST CE QUI EXPLIQUE CETTE leur permettraient pourtant d’améliorer leur productivité. DIFFÉRENCE HOMMES-FEMMES DANS L’ACCÈS À LA MAIN-D’ŒUVRE ? RÉMUNÉRATION : En théorie, les agricultrices pourraient contourner ce manque d’accès à l’argent en rémunérant leurs ouvriers en nature. Mais ce type de rémunération LES FEMMES DISPOSENT DE MOINS DE LIQUIDITÉS n’est accepté que par des travailleurs locaux en situation Les parcelles détenues par des femmes dans les régions du d’insécurité alimentaire. En effet, déduction faite des nord obtiennent 33 % de main-d’œuvre rémunérée en moins coûts liés au temps, au transport et au stockage que ÉCART ENTRE LES SEXES DANS LA COMPOSITION DE LA MAIN-D’ŒUVRE RÉGIONS DU NORD 60% Main-d’Œuvre Rémunérée Écart Entre les Sexes 50% Main-d’Œuvre 40% Masculine Main-d’Œuvre 30% Féminine 20% 10% 0% Main-d’Œuvre Rémunérée Main-d’Œuvre Non Rémunérée l’ouvrier aurait à assumer pour vendre les biens en nature Les femmes sont responsables de toute une série et obtenir de l’argent en contrepartie, les rémunérations d’activités pour le ménage qui limitent leur disponibilité. en nature sont généralement moins élevées que les Elles sont notamment confrontées à des contraintes de salaires en espèces. Etant donné que la demande de temps lorsque leurs maris leur demandent de participer travail des agricultrices est très sensible à son cout, le au travail agricole sur les parcelles qu’ils gèrent, et elles supplément de salaire demandé par les ouvriers agricoles ne peuvent généralement pas prévoir à quel moment s’ils acceptent un paiement en nature peut augmenter ils auront besoin de leur aide. De plus, elles doivent les coûts de production des agricultrices au point que le effectuer les tâches ménagères et préparer le repas coton ne serait plus rentable pour elles. Les agricultrices plusieurs fois par jour. Étant donné que les membres des pourraient également proposer d’échanger du temps de groupes de travail réciproque doivent être disponibles travail avec le travailleur ou de rejoindre les groupes de à des moments bien précis lorsque les autres membres travail réciproque mentionnés plus haut. Dans la pratique, ont besoin de main-d’œuvre, fréquemment, elles n’ont cela leur est bien souvent impossible en raison de la pas la possibilité de faire partie de ces groupes. Par seconde contrainte que nous avons identifiée : le temps. ailleurs, même quand les femmes réussissent à les joindre, elles peuvent seulement joindre les groupes qui LA CONTRAINTE DE LIQUIDITÉ EST EXACERBÉE fournissent moins de travail total, parce que les membres PAR DES CONTRAINTES DE TEMPS des groupes de travail réciproque peuvent gagner en termes de temps seulement ce qu’ils y investissent. Nos conclusions qualitatives montrent que les femmes rencontrent d’importantes contraintes de temps, Comme le montre la figure ci-dessus, l’écart entre les que ce soit au niveau du temps total qu’elles sont en sexes dans l’accès à la main-d’œuvre est encore plus mesure de consacrer aux activités agricoles ou, plus important pour la main-d’œuvre non rémunérée (41 %) précisément, au niveau de leur capacité à décider que pour la main-d’œuvre rémunérée (33 %, comme librement de la façon dont elles organisent ce temps. indiqué plus haut) dans le cas des parcelles détenues par GROUPES DE TRAVAIL RÉCIPROQUE : EEn raison des femmes. De plus, ces chiffres cachent d’importantes des contraintes de liquidité que nous avons évoquées plus différences dans la répartition homme-femme de la main- haut, les groupes de travail réciproque pourraient constituer d’œuvre. Plus précisément, nous constatons que les une solution intéressante. Dans ces groupes, les membres femmes propriétaires de parcelles ont un accès à la main- s’engagent à fournir du temps de travail et à s’occuper des d’œuvre masculine (barres bleues) nettement inférieur à champs des autres membres à tour de rôle, ce qui signifie que celui des hommes propriétaires de parcelles, ce qui n’est le champ cultivé en premier une saison sera cultivé en dernier pas compensé par un accès accru à une main-d’œuvre lors de la saison suivante. Cependant, il ressort bien souvent féminine. En réalité, les parcelles détenues par des femmes de nos entretiens avec les acteurs locaux et de nos groupes n’utilisent pas un nombre particulièrement plus important de discussion que les contraintes de temps qui pèsent de travailleuses, qu’elles soient rémunérées ou non (si sur les femmes limitent leur participation à ces groupes. tel était le cas, les barres orange seraient négatives). ... ET PAR LES NORMES DE GENRE des agricultrices installées au nord du pays confirment que HIÉRARCHISATION DE LA MAIN-D’ŒUVRE les contraintes existantes en matière d’accès à la main- EMBAUCHÉE : LLes contraintes de temps et d’argent d’œuvre dissuadent les femmes de produire du coton. Ceci rencontrées par les femmes sont l’expression des normes est un point important, étant donné que les différences culturelles qui régissent les rôles respectifs des hommes actuelles entre hommes et femmes en matière de main- et des femmes dans la société. Par exemple, nos données d’œuvre touchent des femmes qui, jugeant leur accès à la montrent que les femmes sont principalement en charge des main-d’œuvre suffisant, ont déjà décidé de se lancer dans tâches ménagères et passent en moyenne 40 heures par la production de coton. Ainsi, l’écart entre les sexes en semaine à des tâches telles que la cuisine ou le ménage, matière de main-d’œuvre serait d’autant plus important si contre 9 heures pour les hommes. Ces normes donnent davantage de femmes se lançaient dans la production de également la priorité aux besoins des hommes en matière cultures dominées par les hommes, comme le coton. de main-d’œuvre rémunérée, aggravant ainsi les différences TÂCHES EFFECTUÉES À DES MOMENTS PRÉCIS : Par induites par ces contraintes de temps et d’argent. Étant donné que la main-d’œuvre disponible est limitée dans ailleurs, l’accès limité à la main-d’œuvre a un impact sur la les régions du nord et que la demande de main-d’œuvre productivité des femmes pour différentes raisons, qui sont dépasse l’offre à des moments cruciaux de la culture du peu abordées dans les discussions de politiques agricoles. coton, l’accès des femmes à la main-d’œuvre est secondaire La première est le retard important et systématique dans par rapport à celui des hommes. Selon nos données la réalisation de tâches cruciales de la saison agricole. qualitatives, lorsque les ménages doivent décider d’engager Comme pour un grand nombre d’autres cultures, le potentiel et d’affecter de la main-d’œuvre, la priorité est donnée de rendement du coton diminue lorsque sa plantation est aux parcelles de cultures commerciales et aux parcelles retardée au-delà de la période de plantation optimale. Dès de cultures vivrières du ménage. Les parcelles de cultures lors, le rendement est directement influencé par le fait que les commerciales détenues par les femmes viennent en dernier. femmes doivent d’abord s’occuper des plantations de leurs maris et qu’elles ont une capacité limitée de recrutement MAIN-D’ŒUVRE MASCULINE : Enfin, certaines des de main-d’œuvre pour compenser leur manque de temps. agricultrices interrogées dans le cadre de cette étude ont Étant donné que la quantité totale de main-d’œuvre que indiqué que, même si elles sont en mesure de rémunérer peuvent proposer les groupes de travail des femmes est une main-d’œuvre masculine pour effectuer les tâches les limitée, ces groupes ne peuvent répondre à leurs besoins. plus difficiles sur le plan physique, comme le défrichement, les ouvriers agricoles génèrent des rendements inférieurs Les retards se répercutent tout au long du cycle de culture. pour les agricultrices à ceux générés pour les agriculteurs. Par exemple, la récolte du coton nécessite plusieurs passages Plus précisément, elles déclarent que les ouvriers agricoles dans le champ. En raison de leur accès limité à la main- sont moins fiables et travaillent moins dur lorsqu’ils travaillent d’œuvre, les femmes ne sont pas en mesure de récolter pour elles, car les femmes ont tendance à être moins strictes la totalité du coton ou bien ne trouvent le temps de le faire et sont donc moins susceptibles de les congédier ou de qu’au moment où une partie de la récolte est déjà perdue ou renégocier les contrats d’ouvriers dont les performances endommagée. En outre, plus le coton est récolté tardivement, seraient insuffisantes. Deux raisons à cela : les solutions plus il devient difficile à filer : le prix de vente des capsules de remplacement des ouvriers sont plus limitées pour les récoltées tardivement est moins élevé (10 % de moins le kilo). femmes, en raison des contraintes évoquées plus haut, et elles sont influencées par les normes qui régissent FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX : Ces retards sont les comportements appropriés pour les femmes. exacerbés par des facteurs environnementaux, car un climat incertain et une période de végétation plus courte résultant de précipitations toujours plus tardives ont non LES CONTRAINTES D’ACCÈS À LA MAIN-D’ŒUVRE seulement un impact négatif sur les rendements du coton, CONSTITUENT UN OBSTACLE MAJEUR À LA mais concentrent également les tâches pénibles sur une PRODUCTION ET À LA PRODUCTIVITÉ DE LA CULTURE période de temps plus restreinte. De plus, les périodes DU COTON PAR LES FEMMES EN CÔTE D’IVOIRE de végétation plus courtes ont un impact sur les cultures CHOIX DES CULTURES : L’accès restreint à la main- vivrières produites par toutes les productrices de coton d’œuvre influence les choix de cultures cultivées des interrogées, ce qui amplifie l’intensité du travail à fournir agricultrices et limite leur productivité lorsqu’elles pendant la saison agricole en général et augmente par s’engagent dans leur production. Nos discussions avec conséquent les retards que subissent les femmes. PISTES POUR L’ÉLABORATION DE POLITIQUES Plusieurs pistes importantes se dégagent de notre analyse pour l’élaboration des politiques, notamment par rapport au financement de la main-d’œuvre et aux normes de genre. L’adoption de solutions destinées à faciliter l’accès à la main- d’œuvre pour les agricultrices pourrait augmenter leur productivité, mais aussi stimuler la croissance économique en impliquant une part de la population de plus en plus importante dans la production de cultures à valeur ajoutée. FINANCEMENT DE LA MAIN-D’ŒUVRE DONNER DE Les programmes agricoles devraient faciliter les contraintes de L’ARGENT main-d’œuvre qui pèsent sur les femmes au moyen de subventions ou de prêts destinés à engager une main-d’œuvre rémunérée. Dans le cas de produits de crédit existants, les subventions peuvent se révéler durables à long terme si elles permettent aux femmes d’échapper au « cercle vicieux de productivité faible » et de pouvoir prétendre à des prêts par la suite. DÉGAGER DE LA Il convient d’exploiter les synergies avec d’autres programmes MAIN-D’ŒUVRE PAR qui améliorent la disponibilité de main-d’œuvre. Par exemple, des D’AUTRES MOYENS programmes généralement destinés aux hommes - comme ceux qui intensifient la mécanisation en fournissant aux agriculteurs des bœufs et des kits de traction animale - peuvent accroître l’offre de main-d’œuvre rémunérée disponible pour les femmes. Une meilleure information sur la disponibilité de la main-d’œuvre et le montant des salaires ainsi qu’une diminution des coûts de transport entre villages pourraient également améliorer l’offre de main-d’œuvre. CHOISIR LE MOMENT En l’absence de tels programmes, il convient d’être attentif aux OPPORTUN dynamiques de main-d’œuvre résultant des subventions ou des prêts accordés aux agricultrices. Dans les contextes où elle se fait rare, le renforcement de la capacité des agricultrices à engager de la main-d’œuvre pourrait entraîner des pénuries chez les producteurs masculins, ce qui risque de les inciter à demander davantage de travail à leurs femmes et d’aggraver ainsi les contraintes de temps de ces dernières. Pour atténuer ce risque, les interventions visant à augmenter les liquidités des femmes pourraient coïncider avec des moments du cycle agricole où les productrices s’appuient spécifiquement sur la main- d’œuvre masculine salariée, par exemple au moment du labour. NORMES DE GENRE FAIRE PARTICIPER LES Les maris peuvent être incités à aider leurs femmes en sélectionnant HOMMES AU CHAMP la main-d’œuvre, ou en négociant et en faisant appliquer les contrats des ouvriers agricoles afin d’en améliorer les performances. La production conjointe de cultures pourrait également constituer une piste intéressante pour augmenter l’offre de travail des femmes. POUR D’AVANTAGE D’INFORMATIONS, PRIERE DE CONTACTER FAIRE PARTICIPER LES Dans notre contexte, l’obstacle le plus contraignant pour les HOMMES À LA MAISON femmes en matière de temps n’était pas les enfants, mais Markus Goldstein plutôt les tâches quotidiennes incontournables, comme le ménage ou la préparation des repas familiaux. Des programmes mgoldstein@worldbank.org incitant les hommes à participer aux tâches du ménage pourraient favoriser la production de coton des femmes. Rachel Coleman rcoleman1@worldbank.org 1818 H. St NW Cette initiative reçoit l’appui de l’Umbrella facility pour l’égalité des genres du Groupe de la Banque Mondiale. L’Umbrella Facility pour l’égalité des genres est un fonds à bailleurs multiples conçu pour renforcer la sensibilisation, la connaissance et Washington, DC 20433 USA les capacités afin d’approfondir la prise en compte du genre dans les politiques de développement. Le financement est rendu possible grâce aux contributions généreuses des gouvernements de l’Allemagne, de l’Australie, du Canada, du Danemark, Etats-Unis d’Amérique de l’Espagne, des Etats-Unis, de la Finlande, de l’Islande, de la Norvège, du Royaume-Uni, de la Suède et de la Suisse. Photo couverture: Center for International Forestry Research/Ollivier Girard Le premier projet de ce résumé de politique a été publié en mai 2017.