NOTE DE POLITIQUE FAIRE EN SORTE QUE L’URBANISATION MARCHE POUR UNE PROSPERITE PARTAGEE AU MAROC NOTE DE POLITIQUE DEVELOPPEMENT URBAIN & REGIONAL PROJET P158999 Mai, 2017 Banque Mondiale Développement Urbain, Rural et Social (GSURR) Moyen Orient et Afrique du Nord (MNA) Cette Note de Politique a été préparée par une équipe clé avec Somik Lall (Chef Economiste Urbain), Ayah Mahgoub (Economiste Urbain), Augustin Maria (Spécialiste Urbain Confirmé), Anastasia Touati (Spécialiste en Développement Urbain), et Jose Luis Acero (Spécialiste en Développement Urbain), avec des contributions et une collaboration d’Andrea Liverani (Chef de Programme - Leader de l’équipe chargée de la mission), Olivia D’Aoust (Economiste Urbain), Tobias Lechtenfeld, (Spécialiste en Développement Social), Lamia Zaki (Spécialiste en Développement Urbain). 1 Un mémorandum destiné à ceux qui élaborent les politiques au Maroc S’appuyer sur l’urbanisation pour promouvoir la croissance tout en réduisant les disparités territoriales Le programme de gouvernement 2017 énonce clairement les aspirations du Royaume du Maroc, tant en termes de croissance économique que de lutte contre les disparités territoriales. Deux transformations en cours contribuent à définir les défis et opportunités auxquels font face les décideurs marocains lors de l’examen des options stratégiques pour réaliser les deux objectifs de stimuler la croissance économique et promouvoir l’équité sociale. La première transformation est le processus d’urbanisation, qui a déjà transformé le Maroc au cours de dernières décennies et reste un facteur déterminant du développement du Maroc comme villes conduira la croissance démographique de la population marocaine dans les décennies à venir. La deuxième transformation est le processus de réforme institutionnelle, introduit par la constitution de 2011 et matérialisée par l’agenda de la « Régionalisation avancée ». Cette Note de politique vise à présenter les décideurs marocains avec des options stratégiques visant à concilier les deux objectifs de croissance économique et d’équité spatiale dans le cadre du processus d’urbanisation continue que connait le Maroc, et compte tenu du l’agenda ambitieux de réformes institutionnelles du gouvernement. Le message principal de cette note est que la bonne gestion de l’urbanisation et la promotion de l’équité spatiale ne sont pas des objectifs concurrents. Trop souvent, la concentration des populations et des activités économiques, qui est le trait caractéristique de tous les processus d’urbanisation dans le monde entier, est considéré comme contraire à l’objectif d’un développement régional équilibré. Mais l’expérience internationale montre que l’urbanisation et le développement économique vont de pair. Le processus d’urbanisation, lorsqu’il est bien géré, permet la création d’économies d’échelle dans la fourniture de services, et le développement de marchés du travail ainsi de biens plus efficaces, qui a leur tour donnent lieu à un accroissement de la productivité. Par conséquent, la croissance économique est intrinsèquement « géographiquement déséquilibré », mais les disparités spatiales dans les niveaux de vie ne sont pas une nécessité, et que lorsque les pays voient leur revenu s’accroitre grace l’urbanisation, ils peuvent et devraient viser à équilibrer les niveaux de vie et les opportunités à travers leurs territoires. Les bonnes politiques peuvent en effet conjuguer la concentration de l’activité économique et la convergence des niveaux de vie. Le défi pour le gouvernement marocain est donc de permettre, voire d’encourager la croissance économique « déséquilibrée » tout en assurant un développement inclusif. Ces politiques devraient viser à promouvoir l’intégration économique, en rapprochant les territoires dynamiques et les territoires moins avancés sur le plan économique. Cette note présentera les priorités pour que les differents niveaux de gouvernement - national, régional et local – puissent travailler ensemble pour faire en sorte que l’urbanisation contribue a la croissance économique et une prospérité partagée pour tous les marocains. Les villes sont la clé pour l’avenir du Maroc L’urbanisation continue de transformer la société du Maroc et son économie. Aujourd'hui 60 % des marocains se trouvent déjà dans les villes, contre 35 % en 1970. Bien que le taux de fécondité rurale demeure plus élevé (2,7 % contre 1,8 % dans les zones urbaines), la migration rurale-urbaine fait de la croissance démographique soutenue du Maroc un phénomène essentiellement urbain. Selon les estimations de l’ONU, d’ici à 2050, plus 70 % de la population sera urbaine. Ainsi que la concentration géographique de la population, l’urbanisation a également conduit à la concentration croissante des activités économiques dans les villes, qui concentrent aujourd’hui environ 75 % du PIB du pays. 2 Les villes marocaines concentrent plus en plus les possibilités et les défis du pays. En tant que moteurs de la croissance démographique et économique du Maroc, les villes font face à des défis persistants. Alors qu’elles absorbent la pauvreté de l’exode rural, les villes sont marquées par des poches importantes de pauvreté (le taux de pauvreté en milieu rural s’établit à 14,5% et à 4,8% dans les zones urbaines). En 2014, environ 325,000 personnes dans les zones urbaines vivaient en-dessous du seuil de pauvreté relative (3,1 $ US 2011 PPP par jour) tandis que 1.6 millions de personnes étaient économiquement vulnérables et soumises à un risque supérieur à la moyenne de sombrer dans la pauvreté lorsqu’elles sont exposées à des chocs. Chômage urbain s’élève à 14 % par rapport à 3,8 % dans les zones rurales. Le chômage des jeunes, en particulier, reste un phénomène essentiellement urbain (36 % contre 8,4 % en milieu rural) (HCP, 2013). La persistance de disparités territoriales est une cause majeure de préoccupation pour les citoyens, ainsi que le gouvernement et les collectivités territoriales. La consommation des ménage en milieu rural inférieure de 54 % a celle des ménages en milieu urbain, et les disparités en termes d’accès au services s’ajoutent a. Et accès aux services composés des différentiels de protection sociale. Au Maroc comme dans d’autres pays qui connaissent une urbanisation, les décideurs sont concernés que la concentration économique croissante dans les villes est exacerbe les inégalités spatiales et considèrent souvent les options pour détourner économique et croissance de la population aux zones de l’arrière-pays à la traîne. Il semble que ces inquiétudes sont sans fondement et les efforts politiques doivent être redirigé. Plutôt que de s’inquiéter de la taille des villes telles que Casablanca et Rabat, les décideurs devraient s’inquiéter si les villes marocaines sont générant des économies d’agglomération, qui renforcent les liens commerciaux entre eux ainsi qu’à travers la Méditerranée et au-delà. Les villes marocaines sont des moteurs de croissance et de prospérité économique, mais ils ne livrent pas pleinement leur potentiel. Les villes Marocaines représentent une part croissante du PIB nationale, et elles génèrent également des retombées positives pour les zones avoisinantes et l’ensemble du pays : 80 % des recettes fiscales totales et 60 % du total des emplois proviennent de zones urbaines. Cependant, l’urbanisation au Maroc n’a pas généré les mêmes bénéfices en termes de croissance qui peuvent être observés dans de nombreux autres pays en cours d’urbanisation. Comparé à d’autres pays, l’urbanisation du Maroc semble se produire à des niveaux toujours plus faibles du PIB, avec une lente transformation structurelle de l’économie des activités primaires vers les activités secondaires et tertiaires, et une moindre part des secteurs exportables dans les économies des villes moyennes et grandes. Ces tendances suggèrent que le Maroc a besoin des politiques spécifiques pour obtenir un rendement plus élevé de son processus d’urbanisation. Les pays qui ont réussi à tirer parti de l’urbanisation pour la croissance tout en réduisant les disparités spatiales au niveau de vie sont parvenus à formuler des politiques différenciées pour relever les défis spécifiques de développement territorial. Propres défis et les politiques pour y remédier varient selon les pays et régions. Toutefois, comme mentionné plus haut, obtenir les avantages de la concentration économique et convergence sociale exige des actions politiques vise à l’intégration économique. L’intégration commence par les institutions qui garantissent l’accès aux services de base tels que l’éducation primaire, soins de santé primaires, assainissement et eau potable pour tout le monde. Comme intégration devient plus difficile, politiques d’adaptation devraient inclure, routes, voies ferrées, aéroports, ports et des systèmes de communication qui facilitent la circulation des biens, des services, des personnes et des idées, localement, nationalement et internationalement. Pour les endroits où l’intégration est plus difficile, pour des raisons sociales ou politiques, la réponse doit être globale proportionnellement, avec les institutions qui unissent, infrastructure qui relie et interventions qui ciblent, tels que les programmes des taudis ou programmes axés sur les groupes vulnérables spécifiques. Défis particuliers du Maroc dans la promotion de l’intégration économique et la convergence sociale 3 Cette note identifie les défis particuliers qui restreignent la capacité du Maroc à tirer profit de l’urbanisation pour la croissance économique et de prospérité partagée. • Première, institutions qui soutiennent l’administration des biens fonciers, aménagement du territoire, ainsi que le financement et la livraison des services de base limitent le rythme et l’efficacité du processus d’urbanisation du Maroc et constituent un obstacle majeur à la transformation de spatiale et économique du pays. Ménages à revenu faible qui ne peut pas se permettre des terres urbaines sur le marché officiel s’installent dans les quartiers informels n’ont pas un accès adéquat aux services de base. Accès aux terrains industriels constitue un obstacle majeur au développement de nouvelles entreprises. Une étude récente a montré que la suppression des distorsions des marchés fonciers pourrait augmenter Total Factor Productivity de 16 pour cent. Accès à la terre est également un facteur fréquent de retard pour les projets d’investissements publics. Ces contraintes ne pas seulement posent des défis à court terme mais contribuent à façonner le développement spatial à long terme des villes marocaines, qui sont touchés par un processus d’expansion urbaine caractérisée par une diminution des densités dans les centres urbains, suburbains densification et global Bond. • Deuxièmement, plusieurs facteurs limitent la circulation des personnes, des biens et des idées au sein des villes, ainsi qu’entre villes et régions. Les coûts de transport élevés au sein des villes garder les travailleurs des emplois et de services. Cela est particulièrement vrai compte tenu de la tendance à l’étalement urbain mentionné ci-dessus. Le dernier recensement confirme la polarisation de la population, pas à, mais proche de grandes villes. La croissance urbaine est principalement absorbée par les périphéries des villes, conduisant à une beaucoup plus grande empreinte urbaine et l’étalement urbain. Par exemple, alors que la population de la région du Grand Casablanca a augmenté de 1,6 %, la population de la Commune de Casablanca (excluant les villes périphériques) a augmenté seulement de 1 %. L’agglomération de Rabat-Salé-Kenitra a augmenté de 1,3 % alors que la population de Rabat elle-même a diminué de 0,8 %. De même, la population de la région de Marrakech-Safi a augmenté de 1,4 % tandis que la ville de Marrakech ont augmenté de seulement 1,1 %. Outre ces problèmes à la circulation des personnes au sein des villes, l’intégration économique du Maroc est entravée par le coût élevé du transport de marchandises entre les villes. Le coût du transport des marchandises dans tout le Maroc est élevé et s’élève à environ 17 pour cent des valeurs de la marchandise par rapport à 7 % dans les pays voisins. Ce coût élevé repose en partie sur l’atomisation et la mauvaise qualité des marchandises. Connectivité rurale est également relativement faible ainsi désavantager personnes vivant dans les régions essentiellement rurales. Enfin, la circulation des idées est limitée par le niveau relativement faible de connectivité de technologies de l’information et de communication au Maroc. Pénétration du haut débit fixe comme un pourcentage de ménages et la pénétration du haut débit mobile en pourcentage de la population au Maroc sont moins de la moitié de la moyenne des pays du MENA. • En troisième lieu, la persistance de poches de pauvreté – aussi bien dans les zones urbaines et rurales et la montée du chômage des jeunes réclament des interventions ciblées. Les contraintes d’un processus d’urbanisation efficace susmentionnés de plomb aussi bien à la concentration de la pauvreté dans les quartiers urbains et périurbains défavorisés et la persistance de taux élevés de pauvreté dans certaines zones rurales. Alors que la solution à long terme à ces défis se repose avec les améliorations aux institutions et infrastructures conjonctifs mis en évidence ci-dessus, ces situations particulières exigent également des interventions ciblées immédiates pour régler certains problèmes sociaux exclusion. Plus précisément, l’intégration de jeunes marocains sur le marché du travail est l’un des défis majeurs pour les décideurs. Jeunes âgés de 15 à 29 représentent environ 30 pour cent de la population du Maroc et 44 pour 4 cent de la population active. Dans l’ensemble, il y a actuellement un stock de plus de 1 million chômeurs demandeurs d’emploi au Maroc, dont 70 % sont âgés de 15 à 29 ans, et jusqu'à 3,5 millions de jeunes âgés de 15 à 29 ans sont actuellement pas dans l’éducation, d’emploi ou de formation (NEET), la majorité d'entre eux vivent dans villes. Aborder les principaux défis du Maroc dans le cadre du programme de décentralisation du gouvernement. Maroc a lancé un programme ambitieux de réformes institutionnelles visant à approfondir la décentralisation et déconcentration (Régionalisation Avancée). Les réformes institutionnelles en cours introduits par la constitution de 2011 représentent une occasion unique pour le Maroc de faire les choses correctement et aligner les mandats, les ressources et les capacités au niveau national, régional et local, afin d’habiliter les différents niveaux de gouvernement travaillent ensemble efficacement sur les défis identifiés dans la présente note. Autonomisation des municipalités, tant financièrement que sur le plan institutionnel, est la clé pour résoudre les contraintes identifiées en termes d’accès à la terre et les services de base. Les réformes de décentralisation a confirmé le rôle central des municipalités dans la fourniture de services de base clés qui sont essentiels à l’urbanisation efficace. Municipalités ont vu leur autonomie augmentée par les réformes, mais ils sont encore assujettis montage défis à intensifier à la tâche de fournir les infrastructures nécessaires pour accueillir l’augmentation continue de la population urbaine. En effet, on estime que les municipalités urbaines devront multiplier leur niveau actuel de cinq afin de répondre aux besoins d’investissements futurs. C’est en effet possible, sous réserve que tous les leviers disponibles sont traitées afin d’améliorer le cadre de finances municipales. Il s’agit : (i) accroître la certitude et l’amélioration de la politique sur les transferts fiscaux, (ii) améliorer le rendement des impôts administré par le gouvernement au nom des municipalités, (iii) simplifiant les codes taxe locale pour atteindre le plus haut est retournée, et (iv) s’appuyant sur augmenté les excédents d’exploitation et la solvabilité par un emprunt accrue et durable. Au-delà de leur capacité financière, les municipalités doivent également à augmenter leur capacité de planifier et d’exécuter des investissements. Alors qu’en utilisant les outils disponibles pour améliorer la gestion et les capacités techniques, les municipalités devrait travailler sur les actions à long terme nécessaires au développement des collectivités locales efficaces. Le cadre juridique de la coopération intercommunale doit être renforcé pour aider à gérer les villes à un niveau approprié. L’urbanisation au Maroc est menant à la métropolisation avec les plus grandes villes de plus en plus au-delà des limites municipales. L’introduction de l’IFPC dans la loi organique de 2015 sur les municipalités[1] répond à la nécessité de fournir des agglomérations métropolitaines avec un cadre pour la prestation de services à l’échelle intercommunale. Maroc lance actuellement plusieurs ECIs. Afin de fournir aux municipalités avec les bons outils, le cadre juridique et institutionnel de la coopération intercommunale nécessitera davantage de développement. La note décrit les priorités, y compris : (i) fournir ECIs avec un cadre pour la viabilité financière et l’autonomie, (ii) s’étendant de leurs responsabilités à la livraison de la plupart des grand public local et services publics et (iii) veiller à ce que le émergence de l’ECIs se matérialise à l’échelle géographique pertinente. Municipalités ou leurs ECIs devraient prendre un rôle croissant dans la préparation des plans territoriaux dans leurs villes respectives. Diffuse et responsabilités non coordonnées pour fourniture de planification et de l’infrastructure territorial contribuent en grande partie aux contraintes identifiées en termes d’accès à la terre et l’expansion urbaine fragmentée. S’appuyant sur les réformes de décentralisation en cours, le Maroc peut renforcer le rôle central des collectivités locales dans la planification et le financement du développement urbain. Agences urbaines devraient concentrer leurs efforts sur le soutien et le renforcement des capacités des administrations locales de jouer un rôle accru 5 dans l’aménagement du territoire. Administrations locales devraient être habilitées à augmenter les revenus des nouveaux développements ayant lieu sur leur territoire par le biais de redevances d’aménagement rationalisé et amélioré les données sur la valeur foncière et immobilière. Enfin, la structure institutionnelle de la LdI pourrait être utilisée pour les collectivités locales pour promouvoir des opérations urbaines stratégiques sur leur territoire en partenariat avec le secteur privé. Améliorant la connectivité au sein des villes nécessitera une action coordonnée de locaux et les gouvernements nationaux. Améliorer la circulation des personnes au sein des villes nécessite une action coordonnée pour améliorer l’efficacité, la durabilité et l’accessibilité des transports urbains. Les gouvernements locaux ou leurs ECIs ont un rôle central à jouer dans l’amélioration de l’efficacité du transport urbain grâce à la planification des transports et l’intégration des transports urbains et des plan s d’utilisation des terres au niveau de la ville. Les gouvernements locaux, ainsi que le gouvernement National ont également un rôle déterminant à jouer pour assurer la viabilité financière et l’accessibilité des services de transports urbains par le biais de l’assignation de ressources financières suffisantes et durables pour les exploitation de services de transport urbain et le développement des subventions bien ciblées. Enfin, les administrations locales et le gouvernement National ont un rôle régulateur important. Régional gouvernements auront un rôle clé pour garantir la bonne coordination de l’aménagement du territoire entre les paliers de gouvernement, développant la connectivité régionale, et la mise en œuvre ciblée des interventions visant à stimuler le développement économique et lutter contre l’exclusion sociale. Compte tenu de son mandat élargi, les gouvernements régionaux ont un rôle essentiel à jouer dans l’élaboration de trois niveaux des institutions pour la gestion des terres et prestation de services, l’infrastructure conjonctiveet ciblés interventions qui ont été identifiés dans la présente note. Les réformes de décentralisation ont considérablement élargi les compétences de la région, qui comprennent le transport régional de l’aménagement du territoire, transport régional, développement économique, ainsi que la formation professionnelle et l’emploi. Autant que des organismes pour l’aménagement du territoire et de la prestation de services sont concernés, le gouvernement régional aura un rôle clé à jouer pour garantir que les plans spatiaux sont bien articulés entre le niveau National, régional et Local. Ils auront également un rôle central à jouer dans le développement des infrastructures conjonctives, grâce à l’identification et le développement des corridors de transport régionaux et interrégionaux. Enfin, dans le palier de gouvernement responsable de développement économique, formation professionnelle et l’emploi, ils devraient être à l’avant-garde de la formulation et la mise en œuvre des interventions ciblées visant à améliorer les possibilités spécifiques groupes vulnérables comme les jeunes chômeurs. Le gouvernement National devrait continuer à jouer un rôle de soutien et devrait mettre en oeuvre des réformes clés pour clarifier les règles du jeu, habiliter les collectivités locales et de fournir des acteurs publics et privés avec les incitations. En ce qui concerne la mise en place droit institutions pour la gestion des terres et de la prestation de services, le gouvernement National devrait poursuivre les réformes à long terme visant à accroître la transparence autour de propriété, de contrôle, de régulation spatiale, et évaluation des parcelles de terre dans et autour des villes. En termes de développement de l' infrastructure conjonctif le gouvernement devrait envisager l’introduction de règlement pour l’industrie du camionnage réduire atomisation, inciter les formalité et de renouvellement des flottes, investissant dans sélectionnez interrégional couloirs et incitation une plus grande pénétration du haut débit. Comme mentionné précédemment, il a également un rôle clé à jouer pour appuyer l’amélioration des infrastructures de transports urbains, ainsi que les administrations locales. Enfin, en ce qui concerne les interventions ciblées, les gouvernements nationaux ont un rôle important à jouer pour assurer la disponibilité d’information spatiale, économique et sociale adéquate pour les gouvernement locaux et régionaux à la conception et de la cible leur programmes. 6 Table des matières Un mémorandum destiné à ceux qui élaborent les politiques au Maroc .................................................... 2 Matrice de Recommandations en matière de Politiques .............................. Error! Bookmark not defined. 1. Introduction: une urbanisation bien gérée est un élément central du développement au Maroc ...... 8 L'urbanisation n'a pas entièrement livré ses dividendes économiques et sociaux .................................... 12 Comment les dirigeants marocains peuvent-ils faire en sorte que l'urbanisation fonctionne mieux pour une prospérité partagée? ........................................................................................................................... 16 2. Identifier les opportunités clés pour les politiques et les investissements : institutions, infrastructures et interventions .................................................................................................................. 20 Institutions pour la gestion foncière, les prestations de services et le financement urbain ...................... 20 Clarifier les droits fonciers et les systèmes de gestion pour faciliter les investissements et aider les villes à planifier ....................................................................................................................................... 20 Renforcer les institutions décentralisées pour améliorer les prestations de services ........................... 27 Investir dans des transports urbains de masse intelligents pour réduire le coût des embouteillages et créer un lien entre les personnes et les emplois .................................................................................... 33 Renforcer la gestion de la logistique pour réduire la fragmentation du marché régional ..................... 35 Interventions pour dynamiser les opportunités des jeunes femmes et des jeunes hommes au Maroc ... 38 3. Pistes de réflexion : comment faire en sorte que l'urbanisation fonctionne pour une prospérité partagée au Maroc...................................................................................................................................... 42 7 Faire en sorte que l’Urbanisation marche pour une Prospérité partagée au Maroc 1. Introduction: une urbanisation bien gérée est un élément central du développement au Maroc 1. L'urbanisation et l'augmentation de la densité de personnes et de production dans les villes et dans les municipalités sont parmi les caractéristiques les plus frappantes du développement économique. Le niveau de revenus a tendance à augmenter avec la densité urbaine notamment lorsqu'il est accompagné d'augmentations dans la contribution de l'industrie et des services à l'activité économique et à l'emploi. D'ailleurs, réussir l'urbanisation est un élément clé pour le développement au Maroc avec trois impératifs clés : a. Un impératif économique : diversification de l'économie nationale qui doit prendre ses distances par rapport au secteur primaire -- la moitié de la main-d'œuvre au Maroc est employée dans l'agriculture malgré des taux d'urbanisation dépassant les 50 %. b. Un impératif social: besoin de réduire les disparités spatiales dans les niveaux de vie entre les zones rurales et urbaines -- les niveaux de vie mesurés à partir de la consommation par tête des ménages sont inférieurs de 54 % dans les zones rurales par rapport aux zones urbaines. c. Un impératif politique : le Maroc doit créer des emplois pour les chômeurs qui sont plus de 1 million et dont la plupart a entre 15 et 29 ans. 2. Des villes bien gérées sont un élément crucial pour la transformation du Maroc pour devenir un pays à revenu intermédiaire supérieur, voire mieux. Des éléments de preuves provenant des économies aujourd'hui développées et rapidement émergentes, montrent que l'urbanisation est une source de dynamisme qui peut conduire à une amélioration de la productivité. D'ailleurs, aucun pays à l'ère industrielle n'a jamais obtenu de croissance économique significative sans urbanisation. L'urbanisation, lorsqu'elle est bien gérée, conduit le changement structurel de l'agriculture vers des activités manufacturières et de services. D'autre part, les revenus par tête ont également tendance à augmenter au fur et à mesure que la proportion de la population urbaine augmente. 3. L'urbanisation se développe rapidement Maroc avec une concentration de plus en plus importante de personnes et d'activités économiques dans les zones urbaines. La Figure 1 montre les montagnes d'activité économique autour des grandes villes avec les pics d'activité dans les plus petites villes et dans les zones urbaines. Ces modèles de concentration économique sont cohérents avec l'expérience mondiale. D'ailleurs, la moitié de la production mondiale est concentrée sur seulement 1,5 % du foncier dans le monde. Dans les pays développés comme la Japon et la France, Tokyo et Paris concentrent respectivement plus de 40 et de 30 % de l'activité économique de leur propre nation sur moins de respectivement 4 et 2 % du foncier du pays.1 Le mécanisme sous-jacent qui nourrit les bénéfices de la densité économique s'appelle « économies d'agglomération », et il permet de dynamiser la productivité grâce à trois mécanismes clés. Ces mécanismes sont (a) les économies dans les coûts de transport, (b) 1 Kochendorfer-Lucius, Gudrun, et Boris Pleskovic, eds. 2009. Disparités Spatiales et Politiques de Développement. Berlin Série Atelier 2009. Washington, DC: Banque Mondiale 8 développer des marchés pour les services spécialisés, (c) l'ajustement du marché du travail (voir les détails dans l'encadré N°1). 4. Les gains de productivité sont étroitement liés à l'urbanisation grâce à leurs liens avec les transformations structurelles et l'industrialisation. Au fur et à mesure que les pays s'urbanisent, les travailleurs se déplacent des zones rurales vers les zones urbaines à la recherche d'emplois mieux payés et plus productifs. De la même manière, les entrepreneurs installent leurs sociétés dans les villes où les économies d'agglomération vont augmenter leur productivité. La proximité spatiale apporte de nombreux avantages. Certains biens publics – comme les infrastructures et les services de base – coûtent moins cher à fournir lorsque la population est importante et dense. Les sociétés installées à proximité les unes des autres peuvent partager des fournisseurs, ce qui leur permet de réduire le coût de leurs intrants. Les marchés du travail denses permettent de réduire les coûts de recherche de personnel puisque les sociétés ont à leur disposition un plus grand pool de travailleurs dans lequel ils peuvent puiser lorsqu'ils ont besoin d'embaucher du personnel supplémentaire. La proximité spatiale aide également les travailleurs à partager plus facilement les informations et à apprendre les uns des autres. Des éléments de preuve internationaux montrent que la diffusion des connaissances joue un rôle clé pour dynamiser la productivité dans les villes florissantes. Figure 1. Montagnes d'activité économique – concentrées autour des zones urbaines au Maroc Source : calculs de la Banque Mondiale basés sur des données de Ghosh et al 2010 9 5. Pourtant, de nombreux responsables de politiques au Maroc s'inquiètent de la concentration économique grandissante dans les villes, craignent qu'elle n'exacerbe les inégalités spatiales et envisagent souvent des options pour dévier la croissance de l'économie et de la population vers des zones en retard dans l'arrière-pays. Les éléments de preuves suggèrent que ces inquiétudes ne sont pas fondées et que les efforts en matière de politiques doivent être redirigés. Plutôt que de s'inquiéter de la taille des villes comme Casablanca et Rabat, les responsables de politiques devraient se soucier de savoir si les villes marocaines génèrent des économies d’agglomérations, qui renforceraient les liens commerciaux entre les différents acteurs ainsi qu'avec l'autre côté de la Méditerranée voire même plus loin encore. La Figure 2 montre clairement que les pics d'activité économique qui inquiètent les responsables de politiques marocains ne sont que des taupinières dans le paysage économique plus large. Pour que le Maroc passe le seuil des pays à revenu intermédiaire supérieur et aille au-delà, la concentration économique devra être renforcée. En parallèle, des politiques complémentaires sont nécessaires pour s'assurer que les bénéfices de la concentration économique sont partagés par tous les résidents – dans les zones rurales comme dans les zones urbaines. Figure 2. Montagnes d'activité économique – le Maroc et ses voisins – encore un long chemin de croissance Source: calculs de la Banque Mondiale basés sur des données de Ghosh et al 2010 10 ENCADRÉ N°1. ECONOMIES D’AGGLOMÉRATION En mettant en place des « économies d'agglomération », les villes peuvent jouer un rôle déterminant pour augmenter la productivité et doper l'innovation et la diversification économique. La raison sous- jacente – densité. L'économie d'agglomération la plus basique est la réduction des coûts de transport des biens. Si un fournisseur s'installe à côté des clients, les coûts de transport baissent. Au début des années 1900, New York et Londres étaient des locomotives de l'industrie manufacturière, des endroits où les usines s'installaient pour être proches des clients et des infrastructures de transport. À la fin du XIXe siècle, les quatre cinquièmes des emplois à Chicago étaient concentrées dans un périmètre compact à quatre miles des rues de State et Madison près du lieu de résidence des gens et des infrastructures (Grover et Lall 2015). Beaucoup de ces bénéfices augmentent avec l'échelle ; les bourgs et les petites villes ne peuvent pas engranger les mêmes bénéfices que les grandes villes. Des éléments de preuve internationaux suggèrent que l'élasticité des revenus par tête des populations urbaines se situe entre 3 % et 8 % (Rosenthal & Strange 2003). À chaque fois que la taille de la ville double sa productivité augmente de 5 %. La densité et la taille des villes peuvent également créer un marché de services spécialisés y compris l'assistance juridique, la publicité, la logistique et le conseil en management. Ces services sont cruciaux pour les jeunes entreprises qui peuvent se concentrer sur leur grande idée et leurs compétences clés sans être encombrées par le souci des fonctions supports. Plus le cluster est large et plus les prestataires de services peuvent être spécialisés. Pensez à New York City où une jeune créatrice de mode n'a pas besoin d'un avocat attitré pour gérer la propriété intellectuelle et l'enregistrement de sa société ; et elle peut prendre contact avec des sociétés de logistique pour se connecter avec des merchandiseurs à Hong Kong et des unités de production à côté de Colombo. D'autre part, les villes jouent également un rôle déterminant dans l'adéquation des compétences et des opportunités d'emplois et la densité permet un marché du travail intégré et « épais ». D'ailleurs, l'adéquation des compétences deviendra encore plus importante dans les 20 prochaines années alors que la génération actuelle d'enfants marocains est mieux éduquée que ses parents et cherchera d’une manière plus intensive un emploi qui rétribue pleinement ses compétences. Tout comme de nombreux enfants indiens devenus des ingénieurs en logiciel dans les années 90 qui allaient s'installer à Bangalore où de nombreuses entreprises de logiciels sont concentrées, l'épanouissement de villes comme Casablanca et Tanger permettrait aux enfants marocains de trouver des emplois avec des sociétés qui les veulent vraiment – et qui sont prêtes à payer pour leurs compétences. D'ailleurs, la recherche aux États-Unis a montré que ceux qui vivent dans des villes où le nombre de diplômés universitaires augmente plus rapidement, vivent des augmentations de salaires plus rapides que les travailleurs qui vivent dans les villes où le nombre de diplômés universitaires stagne (Moretti 2004). Ce rapport est particulièrement sensible pour les travailleurs qui ont des emplois high-techs. Les villes qui fonctionnent bien et qui encouragent et attirent les compétences et permettent des interactions basées sur la densité peuvent aider la génération actuelle d'enfants marocains à exploiter l'avantage urbain. 6. Compte tenu des bénéfices économiques potentiels pour les villes, il n'est pas étonnant que l'urbanisation et le développement économique aillent de paire. Les éléments de preuve provenant de Chine, de la République de Corée et du Vietnam mettent en exergue l'association étroite entre les épisodes 11 d'urbanisation rapide et le développement économique. Ces liens sont évidents au Maroc même s'ils pourraient être encore plus puissants si l'urbanisation conduisait le progrès économique au lieu de simplement le suivre. D'ailleurs, les villes ont été historiquement installées dans des sites qui possédaient des avantages naturels inhérents comme par exemple sur les côtes à proximité des ports ou de terrains agricoles fertiles. Ceci n'est pas surprenant compte tenu du fait que les richesses naturelles comme la pertinence des sols pour l'agriculture, les températures, les précipitations et la proximité des côtes expliquent 56 % des variations dans les performances économiques sur tout le territoire marocain avec des conditions agro climatiques qui sont des corrélats plus importants pour la prospérité qu’en Algérie et en Tunisie voisines.2 L'urbanisation n'a pas entièrement livré ses dividendes économiques et sociaux 7. Pourtant, l'urbanisation au Maroc n'a pas généré les mêmes bénéfices de croissance que dans de nombreux autres pays. En 1960, le taux d'urbanisation au Maroc était proche de 30 % alors que son PIB par tête était de moins de 600 $EU (constant 2005). Par rapport au reste du monde, seuls 11 pays avaient des PIB par tête plus bas que celui du Maroc lorsqu'ils ont dépassé les 30 % d'urbanisation. On peut voir la même évolution lorsque le Maroc a dépassé les 50 % d'urbanisation en 1993 (Figure 3). Parmi les pays qui ont obtenu des performances économiques supérieures pour le même niveau d'urbanisation, plusieurs d'entre eux ont des PIB par tête du double ou plus de celui du Maroc. Ces schémas suggèrent que le Maroc a besoin de politiques spécifiques pour tirer de meilleurs rendements de son processus d'urbanisation. Figure 3: PIB par tête (constant 2005 $EU) à 50 % d'urbanisation 8. D'autre part, l'urbanisation au Maroc n'a pas été accompagnée de transformations structurelles et a donc avancé sans création d'emplois adéquate (Figures 4a, 4b). Même si le Maroc est à plus de 50 % urbain, le pays continue à employer environ la moitié de sa main-d'œuvre dans 2 Analyse économétrique pour ce rapport en utilisant la luminosité et les richesses naturelles 12 l'agriculture. Le mouvement des travailleurs urbains vers l'industrie manufacturière et les services à haute valeur ajoutée a été minimale et a donc freiné la réalisation d'économies d'échelle. Figure 4a. Taux d'urbanisation par rapport Figure 4b. Les emplois au Maroc restent au PIB par tête, références mondiales concentrés dans l'agriculture en dépit de l'urbanisation Source: Indicateurs de Développement Mondiaux ; calculs des équipes de la Banque Mondiale 9. Les agglomérations secondaires (par exemple Fès, Marrakech, Tanger, Meknès, Agadir) semblent retarder la transformation structurelle du pays (Figure 5). Les agglomérations principales – notamment Casablanca – concentrent la plus grande part des employés qui travaillent dans les services à haute valeur ajoutée avec un taux supérieur à la moyenne mondiale. D'un autre côté, les villes secondaires au Maroc emploient beaucoup moins de travailleurs dans les services à haute valeur ajoutée et gardent un niveau élevé d'emplois dans le secteur agricole (14,5 pourcent). Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour permettre aux villes secondaires de transiter vers des économies avec des secteurs plus productifs qui permettraient de dynamiser la croissance économique et de réduire les disparités régionales. 13 Figure 5. Parts sectorielles de l'emploi et de la valeur ajoutée dans les sept plus grandes agglomérations marocaines, 10 villes de comparaison, et 775 villes par rapport au PIB par tête, 2015 Emploi Valeur Ajoutée Brute BruteBruteBrutebrut Source: analyse de l'équipe en utilisant les Données Economiques d'Oxford, 2015. 14 10. Les entreprises dans les villes marocaines produisent ce qui est consommé localement ou des biens et services non échangeables (Figure 6), ce qui aggrave les défis de la transformation structurelle. C'est un gros défi lorsqu'on veut accroître l'économie urbaine qui ne peut pas bénéficier des rendements d'échelle croissants. La base de consommateurs d'une ville, quelle que soit sa taille, est beaucoup plus petite qu'un marché régional ou mondial. La spécialisation dans les biens non échangeables pour une consommation locale mène à une baisse des rendements (pour des raisons de prix et de technologie). Par contre, les marchés à l'export sont un élément clé pour un secteur industriel dynamique. Les faiblesses structurelles se traduisent par une croissance économique plus basse et des villes marocaines importantes qui croissent plus lentement – 4,8 % – que leurs pairs (Figure 7). Les moteurs de la partie prépondérante des biens et services non échangeables dans les économies des villes marocaines sont probablement dus à des dynamiques macro et micro-économiques et méritent des investigations supplémentaires. Figure 6. Part des sociétés dans les secteurs de négoces internationaux et non échangeables ; Figure 7. Croissance économique molle dans les une sélection de villes dans des pays en voie de villes marocaines par rapport aux comparateurs développement (dernier message – données mondiaux 2010) Source: Calculs basés sur les enquêtes de la World Source: analyse en utilisant les Données Economiques Bank Enterprise (WBE). d’Oxford, 2015. 11. Malgré une décennie de croissance économique soutenue, les villes marocaines accumulent du retard dans des domaines clés pour la compétitivité. Comme vous pouvez le voir dans les figures 8 et 9, par rapport à des villes comparables dans différentes régions et avec différents niveaux de revenus, les villes marocaines ont un faible niveau de productivité du travail et des faibles taux d'emploi formel par rapport à la population en âge de travailler. 15 Figure 8. Productivité du travail : travail à Figure 9. Emploi en tant que part de la valeur ajoutée par travailleur (2015, $EU) population en âge de travailler (2015, %$EU) Source: analyse en utilisant les Données Economiques d’Oxford , 2015. 12. Alors que les villes n'utilisent pas totalement leur potentiel économique, les disparités spatiales en matière de niveau de vie entre les zones rurales et urbaines sont importantes et persistent. La consommation par tête des ménages est plus basse de 54 % dans les zones rurales par rapport aux zones urbaines. Et l'accès aux services aggrave les différentiels de prospérité. Il y a un médecin pour 935 résidents dans le Grand Casablanca – la région la plus urbanisée – 3,5 fois plus qu'à Taza, la moins urbanisée. 13. La combinaison des faibles rendements dans les villes et des disparités importantes entre le rural et l'urbain est une source importante d'inquiétude pour les responsables de politiques au Maroc. Les villes marocaines ont une opportunité de relever ces défis et d'être à l'avant-garde de la quête du pays d’une création d'emplois rapide et d’une croissance économique accompagnée d'inclusion sociale et spatiale. Les villes offrent la proximité et une échelle qui permet de faire baisser les coûts des infrastructures, des services d'intérêt public et des prestations de services. Elles peuvent également bénéficier d'un renforcement des opportunités pour les travailleurs à condition que les entreprises soient concentrées dans une même zone. Les entreprises bénéficient également de la proximité de leurs fournisseurs et des consommateurs de leurs produits. Elles bénéficient également de la proximité d'autres entreprises similaires avec lesquelles elles peuvent partager des technologies et des informations. Toutefois, les inégalités de niveau de vie peuvent avoir un impact négatif sur l'unité nationale et sur la cohésion sociale en nourrissant l'instabilité politique. L'expérience mondiale montre d'ailleurs que la persistance des disparités spatiales dans le niveau de vie n’est ni souhaitable ni inévitable. Comment les dirigeants marocains peuvent-ils faire en sorte que l'urbanisation fonctionne mieux pour une prospérité partagée? 14. Dans leurs réflexions relatives aux options de politiques, les dirigeants marocains devraient reconnaître que des politiques différenciées et élaborées sur mesure à partir des défis d'urbanisation spécifiques seront probablement les plus efficaces. Cet ensemble de priorités de politiques graduelles devrait reconnaître que les problèmes deviennent de plus en plus difficiles au fur et à mesure que l'urbanisation avance. Dans les zones principalement rurales, les responsables de politiques devraient rester le plus neutre possible entre les zones rurales et les zones urbaines et mettre en place les fondements d'une bonne urbanisation. Pour ce faire, il faut s'occuper des éléments basiques dans les villes et les villages et promouvoir des marchés fonciers, des écoles, un assainissement et une sécurité qui fonctionnent. Ceci n'est 16 pas chose facile pour les gouvernements locaux – la responsabilité en incombe principalement aux gouvernements centraux comme on peut le voir grâce aux performances positives des gouvernements en Corée et au Costa Rica. 15. D'autre part, les gouvernements doivent en faire plus pour que l'urbanisation reste saine et inclusive dans les zones à urbanisation rapide. Même si l'urbanisation a été étroitement associée avec la réduction de la pauvreté, la « réalité têtue » des inégalités dans les villes a persisté3. Le manque d'opportunités et d'accès à des services urbains de qualité est à la racine même des inégalités. Les inégalités s'accompagnent également d'une ségrégation spatiale qui coûte très cher à inverser. Il est donc crucial que les gouvernements locaux éliminent l'exclusion discriminatoire, créent des marchés, services et espaces publics plus équitables et garantissent les droits humains dans l'espace urbain. Ceci s'accompagne d'une réglementation efficace des marchés fonciers, de la planification et de la mise en œuvre d'infrastructures et d'institutions pour un meilleur accès aux services publics qui bénéficient à tous y compris aux pauvres et aux populations marginalisées. 16. Dans les zones qui ont atteint des taux d'urbanisation élevés, 75 % et plus à Casablanca, les choses sont encore plus compliquées. Dans de tels endroits, le principal souci devient la qualité de vie ou l'habitabilité. Pour qu'une ville soit habitable on a besoin d'une bonne administration foncière, de bonnes écoles et de bons transports, mais aussi de programmes pour intégrer les bidonvilles dans le paysage urbain plus large. Tout ceci ne peut être réalisé sans une coordination entre les gouvernements locaux, provinciaux et centraux. Des villes comme Hong Kong et Singapour ont eu la tâche plus facile parce que la ville, l'État et le gouvernement central étaient en fait une seule et même entité. Mais des villes comme Bogotá, Séoul et Shanghai montrent que c'est réalisable y compris dans de plus grands pays comme la Colombie, la Corée et la Chine. 17. Qu'impliquent ces principes pour le Maroc? Les responsables de politiques devraient commencer à traiter leurs villes, agglomérations urbaines et zones rurales comme un portefeuille d'actifs, tous différenciés à partir de caractéristiques comme la taille, le site et la densité d’urbanisation (Figure 10). • Dans des villes comme Taza, situées dans des régions à prédominance rurale, la priorité devrait être de mettre en place les institutions communes relatives à la réglementation des marchés fonciers et à la prestation de services sociaux de base comme les écoles, l’assainissement et la sécurité. La construction des institutions vise à assurer l'égalité des chances pour les personnes et les entrepreneurs dans l'ensemble de l'espace. Les politiques relatives à la construction d'institutions devraient donc être sourdes à la dimension spatiale (elles ne devraient pas faire de distinction à l'intérieur ou au travers de l'espace rural ou urbain). • Dans les villes à urbanisation rapide comme Meknès et Tanger, en dehors de la mise en place des institutions régulant les marchés fonciers et la prestation de services de base, la priorité est d'investir dans les infrastructures de connectivité. Ceci permettra un partage plus équitable des bénéfices de la densité économique avec les périphéries des villes, et les villes côtières marocaines peuvent faire jouer leurs avantages comparatifs naturels et servir de plates-formes commerciales mondiales : des sites comme Tanger sont tout à fait adaptés pour jouer le rôle d'interlocuteur entre le Maroc et les marchés mondiaux notamment ceux qui se trouvent de l'autre côté de la Méditerranée. • Dans les grandes villes où l'urbanisation rapide est une réalité depuis longtemps, comme Casablanca et Rabat, la priorité doit être d'encourager la compétitivité des villes pour proposer plus d'emplois et des emplois de meilleure qualité et renforcer l'inclusion sociale grâce à des interventions ciblées comme l'amélioration de la mobilité pour les populations 3 McGranahan, g., d. schensul, et G. Singh. 2016. Urbanisation Inclusive: L’agenda 2030 peut-il être réalisé sans elle? Institut International pour l’Environnement et le Développement (IIED) 17 pauvres et vulnérables, des programmes urbains pour renforcer l'emploi des jeunes et des programmes de valorisation des bidonvilles. Ces interventions ont peu de chances de fonctionner sans institutions efficaces, sans infrastructures de connectivité et sans interventions ciblées d'inclusion spatiale et sociale. Figure 10. Un portefeuille d'actifs différenciés spatialialement au Maroc Source: GHSL Data 18. La prochaine section de cette note explore les domaines de politiques spécifiques ou des réformes peuvent aider à mieux exploiter les gains de l'urbanisation au Maroc. 18 ENCADRÉ N°2. LE DÉVELOPPEMENT DE TANGER-TETOUAN : UTILISER LES AVANTAGES NATURELS GRÂCE À DES INVESTISSEMENTS STRATÉGIQUES DANS LES INFRASTRUCTURES Le développement de Tanger-Tétouan donne des renseignements utiles sur l'intervention du gouvernement pour aider à débloquer le développement économique dans une zone en retard : lorsque cette zone a un avantage géographique inhérent qui a été sous-développé. Tanger-Tétouan s'est transformé en deux décennies : en 1998 la consommation moyenne des ménages par tête était de 60 % de celle du Grand Casablanca et en 2008 elle était de 8 % supérieure à celle de Casablanca. La région a vécu un afflux de population d'environ 110 000 migrants nets entre 1994 et 2004 ce qui équivalait à 4,5 % de sa population en 2004. La transformation de la région est en général attribuée par la population aux programmes majeurs d'investissements régionaux entrepris par le gouvernement du Maroc à Tanger-Tétouan. Ces investissements, focalisés sur le développement du port de la région, ont permis au gouvernement de profiter de l'avantage unique du site de la zone du port de Tanger Med à l'embouchure du détroit de Gibraltar. Les investissements du port ont contribué à une augmentation importante de sa capacité et le port est maintenant en lice pour devenir le port avec le plus grand volume d’échanges en Afrique (lorsque l'expansion actuelle sera terminée). Il est passé dans la notation globale de la CNUCED pour la logistique de la 83e place en 2005 à la 16e en 2015. Cette expérience évoque plusieurs questions. Tout d'abord, la meilleure connexion entre le marché marocain et les marchés mondiaux rapporte-t-elle des dividendes aux citoyens de Tanger-Tétouan et aux régions voisines et si ce n'est pas le cas comment cette connexion peut-elle être mieux exploitée à leur profit ? Deuxièmement, quels sont les paris de développement territorial pris par le gouvernement qui vont payer ? La différence des retours sur investissement du programme de Tanger- Tétouan par rapport à d'autres zones du pays montre le défi que représentent les paris fondés sur les lieux puisque leur succès est en général associé à un avantage unique qui a été sous-développé mais qui peut devenir attirant pour le secteur privé avec des interventions stratégiquement judicieuses du gouvernement. Source : Equipe du Rapport Source: Report Team 19 2. Identifier les opportunités clés pour les politiques et les investissements : institutions, infrastructures et interventions Les défis urbains au Maroc peuvent être relevés grâce à un mélange de politiques focalisé sur les institutions, les infrastructures et les interventions : 19. Des institutions pour le foncier, les prestations de services et le financement. La faiblesse de l'environnement des affaires est au cœur de la croissance limitée de la création d'emplois. Un tel environnement est le résultat pour partie de faiblesses institutionnelles relatives à : la gestion du foncier urbain et des responsabilités institutionnelles non coordonnées pour l'aménagement du territoire urbain ; aux règles en matière de prestation de services de base ; ainsi qu'à des systèmes inadéquats de financement urbain. Nous recommandons donc les actions suivantes : • La clarification des droits à la propriété et des systèmes de gestion qui permettront aux villes une meilleure planification et fiscalisation pour une expansion durable ; • La réforme des règles de prestation de services de base qui permettra aux services d'atteindre les pauvres en milieu urbain, d'améliorer leur niveau de vie et de réduire la pauvreté. • L’amélioration des systèmes de financement urbain qui aidera les gouvernements locaux à renforcer leurs capacités à planifier et exécuter les investissements qui leur incombent directement en renforçant la reddition de comptes au niveau local ; et qui permettra de limiter l'exposition du gouvernement central au déficit en infrastructures urbaines qui se creuse. 20. Infrastructure (connectivité spatiale). Le Maroc doit investir davantage dans des infrastructures et des services de connectivité. Les coûts élevés du transport à l'intérieur des villes empêchent les gens d'aller travailler et les privent de l'accès aux services. Le manque d'investissements dans la connectivité amène une fragmentation importante du marché qui réduit encore davantage la mobilité et empêche la formation de clusters avec ses effets secondaires d'agglomération. Des investissements dans des corridors interrégionaux et dans le transit urbain de masse amélioreront la connectivité, dynamiseront la productivité et contribueront à la réduction des disparités régionales. 21. Interventions (ciblage spatial). Les réformes institutionnelles et le renforcement des investissements dans les infrastructures permettront des avancées considérables pour générer un système urbain national qui soit favorable aux entreprises créant des emplois et à la réduction de la pauvreté. Mais des interventions ciblées supplémentaires seront nécessaires : notamment dans les grandes métropoles pour s'attaquer aux défis de plus en plus exacerbés que sont le chômage des jeunes, l'exclusion sociale et la participation limitée des femmes sur le marché du travail. Les taux exceptionnellement élevés de chômage et d'exclusion chez les jeunes par rapport aux pays comparables est une cause d'inquiétude pour les décisionnaires marocains et les interventions nécessaires pour leur permettre d'améliorer leurs résultats sont différentes en fonction des sites. Institutions pour la gestion foncière, les prestations de services et le financement urbain Clarifier les droits fonciers et les systèmes de gestion pour faciliter les investissements et aider les villes à planifier 22. Le Maroc a besoin de droits fonciers plus clairs et d'institutions plus solides pour la gestion foncière. Le pays a hérité du protectorat une approche réglementaire des affaires urbaines avec des normes de planification strictes et des lois foncières complexes ainsi que de multiples statuts juridiques du foncier qui ont empêché la production de foncier équipé et ont généré des espaces urbains fragmentés. La lenteur des procédures officielles d'enregistrement du foncier encourage les propriétaires à vendre leurs biens selon les procédures coutumières. Cet état de fait favorise la construction de nouveaux quartiers informels et 20 encourage les promoteurs à commencer la construction avant d'obtenir leur titre de propriété, ce qui génère des contentieux coûteux et des contraintes au développement des infrastructures. Un marché foncier fluide et le renforcement du processus d'attribution des titres fonciers4 permettront d'améliorer l'environnement des affaires. L'incertitude relative aux informations sur le foncier et les coûts élevés résultant de la découverte du statut du foncier ajoutent des coûts et des risques et ralentit ainsi les opérations sur le marché foncier. Des systèmes transparents de propriété, contrôle, réglementation spatiale et valorisation des parcelles foncières dans les villes et dans leur périphérie devraient permettre de réduire leurs coûts et de permettre aux familles pauvres ou à revenu moyen d'accéder à des propriétés fiables pour accroître leurs richesses, faire fructifier leurs affaires et se loger. Expansion urbaine fragmentée 23. Les grandes villes marocaines traversent un processus d'expansion urbaine caractérisé par une baisse de la densité au cœur des villes, une densification des périphéries urbaines et une avancée généralisée par bonds. L'expansion urbaine tentaculaire dans les principales villes marocaines est caractérisée par sa nature par bonds : des développements éparpillés sous forme de logements ou de projets touristiques qui n'ont aucun lien spatial ou physique les uns avec les autres ou avec leur environnement immédiat5. La Figure 11a présente les changements dans les zones construites depuis 1975 et la Figure 11b montre la même chose entre 2004 et 2014. La croissance dans les zones construites est du double du taux de croissance de la population. La dé-densification (tentaculaire) et les opportunités manquées de coordonner de nouveaux développements au niveau de la ville amènent un développement inefficace en augmentant les coûts des prestations de services et en infligeant un lourd fardeau au commerce et à l'industrie avec des dépenses supplémentaires. Figure 11b. Évolution des zones construites par Figure 11a. Changement dans les zones rapport au taux de croissance de la population construites des principales agglomérations dans les trois principales agglomérations Source: Equipe utilisant GHSL et e. Géopolis & INAU 24. L'expansion urbaine tentaculaire (voir carte N°1) a été largement alimentée par les dérogations de la planification urbaine depuis la fin des années 90 et par l'absence d'un code de planification urbaine détaillé (code de l’urbanisme) pour moderniser et apporter plus de flexibilité aux règles de planification urbaine. Les subventions accordées pour les logements sociaux grâce à des exonérations fiscales et la mobilisation ad hoc de foncier public à bas prix dans la périphérie des villes ont également encouragé ce type de bonds depuis les années 2000. Le « programme de villes nouvelles » lancé 4 World Bank, 2008, « Marchés fonciers pour la croissance économique au Maroc » 5 MUR Background paper, 2017, « Rapport sur la gestion foncière et la planification urbaine au Maroc ». 21 par le Ministère de l'Habitat en 2004 a également contribué à une dé-densification urbaine et à aggraver le manque d'infrastructures de connectivité pour relier les résidents des villes nouvelles aux emplois et aux opportunités économiques dans les centres établis6. Ces politiques ont coûté très cher et ont généré des externalités négatives pour les villes (dont le Grand Casablanca, Rabat-Sale-Témara, et Marrakech). Dans l'agglomération de Rabat, le coût des infrastructures sous utilisées a été estimé à 2,7 milliards MAD pour les 118 km de route non utilisées menant principalement à des parcelles inutilisées. 25. De la même manière, la construction de nouveaux quartiers dans les périphéries des villes pour reloger les habitants des bidonvilles a également exacerbé le développement par bonds (voir carte 2). Le coût des subventions pour les logements et les infrastructures dans le cadre du relogement des habitants des bidonvilles dans la zone d’Errahma a été estimé à 7. En dehors de ces coûts, ce développement par bonds rend également le transport public moins attractif et moins efficace et écarte la construction des zones centrales qui ont besoin d'être redéveloppées. Carte 1a. Changement des zones construites à Casablanca 1975-2014 6 Jean-Marie Ballout, « Un bilan intermédiaire du programme de villes nouvelles au Maroc », Les Cahiers d’EMAM [Online], 29 | 2017, en ligne depuis le 13 décembre 2016, connexion le 20 mai 2017. URL : http://emam.revues.org/1316 ; DOI : 10.4000/emam.1316 7 LYDEC 22 Carte 1b. Changement des zones construites à Rabat-Sale-Temara 1975-2014 Carte 1c. Changement des zones construites à Marrakech 1975-2014 23 Carte 1d. Changement des zones construites à Meknes 1975-2014 Source: Groupe géo spatial de la Banque Mondiale en utilisant GHSL 24 Carte 2a. Développement urbain par bonds Carte 2b. Développement urbain par bonds Casablanca Rabat-Sale-Temara Source: Banque Mondiale en utilisant les cartes ArcScene 25 Accéder à des terrains pour une utilisation commerciale et industrielle8 26. L'offre de terrains publics et privés et la nature de la réglementation foncière semblent être un obstacle à l'investissement au Maroc. Plus de 40 % des entreprises manufacturières identifient l'accès au foncier comme étant la principale contrainte dans les affaires d'après les enquêtes réalisées par la Banque Mondiale auprès des entreprises. Ce problème est en fait probablement largement pire à partir du moment où les enquêtes auprès des entreprises ne mesurent que les réponses de sociétés qui ont réussi à dépasser les contraintes de démarrage. En 2009, les investisseurs au Maroc attendaient plus de trois mois un permis de construire. Figure 12. L'accès au foncier industriel est une contrainte majeure pour le développement des affaires (pourcentage de sociétés jugeant l'accès au foncier comme étant une contrainte majeure ou grave) 27. La propriété publique du foncier industriel complique le développement des affaires en découplant l'offre en foncier de la demande du marché, en créant une pénurie et une mauvaise appréciation du foncier (propice à la spéculation), ainsi qu'une mauvaise affectation récurrente des investissements dans l'amélioration foncière. Mais l'acquisition de foncier appartenant à des privés est souvent tout aussi problématique, compte tenu des droits de propriété faibles et des plans d'aménagement du territoire obsolètes et axés sur l'offre. Coûts économiques de la mauvaise affectation du foncier 28. Les défis que doivent relever les entreprises pour accéder au foncier ont fait baisser la productivité au Maroc. Des recherches récentes calculent l'ampleur de la mauvaise affectation du foncier dans le secteur manufacturier marocain et les gains potentiels de productivité (productivité globale des facteurs - PGF) associés avec une meilleure réaffectation du foncier aux différentes entreprises. Les recherches montrent que le niveau de distorsion sur le marché du foncier fait partie d'une distorsion de marché plus large. Une élimination totale de ces distorsions sur le marché du foncier destiné à l'industrie 8Extrait de : “Des Privilèges à la Concurrence : Débloquer la Croissance Menée par le Secteur Privé au Moyen Orient et en Afrique du Nord� (2009) 26 manufacturière augmenterait la PGF de 16 %. D'autre part, une meilleure réaffectation du foncier augmenterait la PGF de presque 11 %. Renforcer les institutions décentralisées pour améliorer les prestations de services 29. Etant donné que ce sont les forces du marché qui accompagnent la concentration économique, la question clé pour les responsables de politiques est de savoir si leurs actions ont aidé à équilibrer les niveaux de vie et ont rendu le développement inclusif. Considérons l'impact de la pauvreté. Les taux de pauvreté urbaine ont baissé plus vite que le taux national : en 2001 la pauvreté urbaine était moitié moins élevée que la pauvreté nationale ; en 2014 elle avait baissé à un tiers. Toutefois, les taux de pauvreté dans les zones rurales sont presque deux fois plus élevés que le niveau national. En 2014, 40 % de la population vivaient dans des zones rurales et représentaient 79,4 % des 1,6 millions de pauvres et 62,1 % des 5,4 millions de vulnérables. Les disparités en matière de pauvreté entre le rural et l'urbain sont importantes et persistent. 30. Il existe des disparités spatiales dans l'accès aux services et aux infrastructures de base. Alors que l'accès dans les zones urbaines a tendance à être plus élevé que l'accès dans les zones rurales dans une même région, les taux d'accès varient d'une manière importante entre les régions par types de zone (urbaines ou rurales). Alors que le déficit d'accès à l'électricité a été considérablement réduit, il y a pratiquement 30 % de différence dans les taux d'accès à l'eau courante et à l'assainissement entre les zones urbaines des régions avancées par rapport à celles des régions en retard (voir les figures 11 et 12). L'écart est de taille comparable pour les zones rurales lorsqu'il s'agit de services d'assainissement améliorés mais il est beaucoup plus important lorsqu'il s'agit d'accès à l'eau courante. L'accès aux services de santé est également très différent en fonction des régions. Par exemple, la région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaer est la mieux équipée en hôpitaux publics (15 hôpitaux) ce qui correspond à un nombre d'habitants par lit d'hôpital de 680 contre 2121 habitants dans la région de Gharb-Chrarda-Béni Hssen. Des variations correspondantes existent en matière d'accès au personnel médical. Enfin, l'accès aux lignes de téléphone fixe est très différent pour les ménages urbains et les ménages ruraux avec une probabilité d'avoir une ligne de téléphone fixe de 8 % plus élevée dans les zones urbaines par rapport aux zones rurales. 27 Figure 13. Accès à l'eau courante par région, 2014 Figure 14. Accès à l'assainissement amélioré, 2014 Source: Recensement 2014 32. Les agendas de décentralisation et de régionalisation du gouvernement, s'ils sont mis en œuvre d'une manière efficace, peuvent aider à l'équipement des régions avec des ressources et des capacités qui leur permettraient de remplir leur mandat de planification économique et spatiale . La division des responsabilités entre le gouvernement central et les autorités locales offre une opportunité de combler l'écart en matière de prestations de services qui se creuse. Ce processus doit être accompagné par une réforme de déconcentration qui a été pendant longtemps un objectif irréalisable pour les gouvernements successifs. 33. Relever les défis de développement urbain du Maroc requière des financements substantiels. Les besoins en investissements estimés pour les infrastructures urbaines dans les villes marocaines se montent à environ 320 milliards MAD sur la période 2017-2027, avec une part estimée à 222 milliards MAD ou 22,2 milliards MAD par an qui devront être financés par les municipalités urbaines elles-mêmes9. Pour faire une comparaison, les dépenses totales en capital des municipalités urbaines ont stagné autour de 4,5 milliards MAD par an sur la période 2009-2015, environ 20 % de l'investissement annuel estimé nécessaire pour équiper les villes des infrastructures dont elles ont besoin pour améliorer le niveau de vie et l'activité économique sur leurs territoires. 34. Les municipalités doivent et peuvent doper leurs investissements dans les infrastructures urbaines. Il existe un certain nombre de leviers qui peuvent être utilisés par les municipalités pour doper leur contribution aux investissements dans les infrastructures urbaines. Tout d'abord elles doivent renforcer leurs capacités à planifier et à exécuter les investissements qui leur incombent directement. Deuxièmement, elles doivent renforcer leurs capacités financières grâce à une augmentation de leurs revenus et utiliser cette capacité en empruntant davantage. Nous allons considérer chaque aspect l'un après l'autre. 9 Ces estimations sont basées sur un travail réalisé dans le cadre d'un Examen d'Urbanisation. Les estimations sont focalisées sur les infrastructures qui incombent à la responsabilité des municipalités y compris les routes urbaines, les espaces publics, l'évacuation, l'assainissement, les déchets solides, l'éclairage public, les bâtiments publics et les infrastructures économiques. Les estimations consistent en des extrapolations basées sur les plans, études et normes techniques disponibles et elles représentent une mise à jour d'estimations similaires préparées en 2009 pour le Ministère de l'Intérieur. Les estimations détaillées seront présentées aux autorités pour consultation au cours de la deuxième phase de l'Examen d'Urbanisation. 28 Renforcer les capacités locales pour gérer l'urbanisation 35. Les capacités limitées des municipalités marocaines à exécuter leurs budgets d'investissement est une contraint majeure. Les municipalités exécutent souvent moins de 50 % de leurs plans d'investissement et les excédents totaux cumulés atteignent 29,5 milliards MAD. Les municipalités ont récemment mis en œuvre des solutions dont: (i) le développement de structures de coopération inter municipale (Etablissements de Coopérations Inter municipale, ECI); (ii) le recours au know how et à l'expertise du secteur privé grâce à la Participation du Secteur Privé (PSP); et (iii) l'utilisation du cadre institutionnel flexible des sociétés en copropriété (Sociétés de Développement Local, SDL) pour embaucher et garder les compétences nécessaires à la gestion de projets de développement urbain spécifiques. Toutefois, compte tenu de l'absence d'un cadre juridique et institutionnel cohérent, ces solutions peuvent générer une dilution des responsabilités des organes élus localement, avec un risque d'affaiblir la chaîne de responsabilité entre les citoyens et les gouvernements locaux. Les autorités marocaines devraient travailler à des actions à long terme qui sont nécessaires pour développer des gouvernements locaux efficaces et qui rendent des comptes. 36. Le cadre juridique de la coopération inter municipale doit être renforcé pour aider à la gestion des villes à un niveau adéquat. L'urbanisation au Maroc génère une métropolisation où les plus grandes villes dépassent les frontières municipales. L'introduction des ECI dans la Loi Organique de 2015 sur les Municipalités10 répond au besoin d'équiper les agglomérations métropolitaines d'un cadre de prestations de services au niveau inter municipal. Le Maroc lance aujourd'hui plusieurs ECI. Pour pouvoir équiper les municipalités des bons outils, le cadre institutionnel et juridique de coopération inter municipale va demander des développements complémentaires. Tout d'abord, les ECI doivent être équipés d'un cadre leur assurant la pérennité et l'autonomie financières. Les ECI actuels reposent sur des contributions volontaires qui ne sont pas suffisantes et qui sont trop imprévisibles pour leur permettre de remplir leur mandat même s'il est limité. Le gouvernement devrait développer un cadre qui permette d'équiper les ECI avec des ressources financières suffisantes et prévisibles. Ceci peut être fait en mettant en place des règles de compensation pour les responsabilités transférées, l’affectation de transferts spécifiques du gouvernement central vers les ECI et l'assignation des revenus de certains impôts spécifiques au profit des ECI. Deuxièmement, les responsabilités transférées aux ECI doivent être élargies à la prestation de la plupart des principaux services publics locaux ainsi que des services d'intérêt public pour assurer un développement cohérent de leur agglomération. En tant que partie prenante dans la clarification des rôles et des mandats relatifs à l'urbanisme, les ECI devraient également assumer un rôle de plus en plus important dans la préparation des plans territoriaux au niveau des agglomérations urbaines. D'ailleurs, l'expérience internationale montre la nécessité d'intégrer l'utilisation du foncier et la planification du transport au niveau métropolitain pour promouvoir l'efficacité de la croissance urbaine. Troisièmement, le gouvernement devrait s'assurer que l'émergence des ECI se matérialise à une échelle géographique pertinente. Le gouvernement devrait encourager la création d'une carte nationale des ECI avec un seul ECI par agglomération urbaine (voir l'exemple dans l'encadré N°3). 10 Succédant au « Groupements d’agglomération » introduit pas la Charte municipale de 2009 29 ENCADRÉ N°3. RATIONALISER LA GÉOGRAPHIE DE LA COOPÉRATION INTER- MUNICIPALE – UN EXEMPLE RÉCENT EN FRANCE La France a une longue histoire de coopération inter municipale. Comme dans la plupart des pays, les premières structures ont émergé en tant qu’associations ad hoc de municipalités visant à organiser la gestion collective de services spécifiques. En France, tout a commencé à la fin du XIXe siècle avec les premières associations de municipalités (syndicats de communes). Le modèle a évolué après la deuxième guerre mondiale avec le développement de structures inter municipales d'intérêt général (communautés) promues dans les grandes agglomérations urbaines. En 2010, la plupart des municipalités françaises appartenait à un ou plusieurs des 15 636 syndicats à objectifs spécifiques et des 2393 communautés d'intérêt général qui existaient à cette époque. La réforme des collectivités territoriales de 2010 (Réforme des collectivités territoriales) a initié un processus de rationalisation de la coopération inter municipale en lançant l'élaboration d'un modèle territorial cohérent (carte intercommunale), et en obligeant les municipalités à participer à une structure de coopération inter municipale. Le processus de consolidation et de rationalisation a été confirmé par la loi de 2015 sur la nouvelle organisation territoriale (Loi portant nouvelle organisation territoriale de la République), qui a donné aux gouverneurs (préfets) de chaque département la responsabilité de sa mise en œuvre en élaborant des cartes consolidées des structures inter municipales dans chaque département. En 2017, pour la première fois et après plus d'un siècle de développement de la coopération inter municipale, la France possède aujourd'hui une carte nationale cohérente des structures inter municipales. 37. Le contrôle des municipalités et des ECI sur les sociétés en copropriété (SDL) et les arrangements de PSP opérant sur leurs territoires doit être renforcé. Les PSP et les SDL se sont avérés être des instruments utiles pour renforcer les capacités techniques et managériales qui permettent la prestation de services spécifiques et l'exécution de projets de développement urbain (voir l'encadré N°4). Toutefois, les municipalités n'ont qu’un contrôle limité sur ces structures. Les municipalités manquent souvent des capacités techniques qui leur permettraient de gérer correctement les contrats de PSP. La structure de propriété de nombreuses SDL ne donne très souvent aux municipalités qu'une participation minoritaire et le Wali préside en général le conseil d'administration et désigne le président-directeur général. En dehors de toute autre considération, c'est le manque de capacités managériales et techniques qui limite leur possibilité d'exercer un contrôle effectif des PSP et SDL qui opèrent sur leur territoire. Cette situation limite l'appropriation locale des politiques mises en place en érodant encore un peu plus la reddition de comptes dans la prestation de services urbains clés. 30 ENCADRÉ N°4. L’EXPÉRIENCE DU MAROC AVEC LES PSP ET LES SDL Le Maroc a une longue expérience de gestion déléguée des services commerciaux (Délégation de Service Publics) grâce à des PSP et à des régies autonomes publiques (Régies Autonomes). Le PSP dans la prestation de services d'infrastructures urbaines a été introduit au Maroc avec la négociation de contrats de concession pour l'approvisionnement en eau, l'assainissement et l'électricité à Casablanca (1997), Rabat (1999), Tanger-Tétouan (2002). Un cadre juridique spécifique aux PSP a été introduit en 2006 par la loi 54-05, et le PSP s'est ensuite développé, notamment dans les secteurs du transport urbain et de la gestion des déchets solides. Le PSP au Maroc suit globalement le modèle de leasing (Affermage) dans lequel le secteur public garde la responsabilité du financement des plans d'investissement en capital. Toutefois, le développement du PSP a largement contribué à améliorer l'efficacité et la qualité des services dans les secteurs dans lesquels il a été introduit. Depuis cinq ans, le rôle du secteur privé n'a cessé de se renforcer. Plus de 100 villes ont signé des contrats avec des opérateurs privés pour assurer les services de nettoyage des rues et de collecte des ordures dont bénéficient plus de 15 millions de personnes aujourd'hui. Plus récemment, le modèle de sociétés en copropriété (Sociétés de Développement Local) a été introduit dans la charte municipale de 2009, et son existence a été confirmée dans la loi organique de 2015 sur les municipalités. Les SDL se sont avérées être de plus en plus populaires ces dernières années. À Casablanca et à Rabat-Salé, des SDL ont été créées pour élaborer et gérer des investissements dans les transports urbains, des infrastructures de parking mais aussi pour gérer des projets de développement urbain et une SDL à Casablanca (Casa Prestations) a pour tâche de réaliser des missions de modernisation institutionnelle pour la municipalité. 38. Les municipalités devraient être autorisées à embaucher les compétences appropriées dont elles ont besoin pour remplir leurs fonctions. Le cadre juridique des services publics locaux devrait être réformé pour permettre aux municipalités d’embaucher du personnelle clé – y compris des directeurs généraux, des directeurs techniques et autres personnels techniques – à un niveau de rémunération attractif. On devrait également donner la possibilité aux municipalités d’embaucher du personnel spécifique sur une base contractuelle pour pouvoir remplir des responsabilités spécifiques limitées dans le temps. Augmenter les capacités financières des municipalités 39. Une amélioration du cadre des finances municipales permettrait aux municipalités de combler le déficit en investissements sans avoir besoin d’une augmentation des transferts du Gouvernement Central. L’investissement dans les municipalités urbaines a stagné autour de 4 à 5 milliards MAD pendant la période de 2009 à 2015. L'excédent opérationnel des municipalités se montait à environ 2,4 milliards MAD en 2015, soit 13 % des revenus récurrents des municipalités. Le reste des dépenses municipales en capital a été financé par des subventions en capital d’un montant d’environ 1,5 milliards MAD et par des emprunts d’un montant d’environ 1,2 milliards MAD. Il est peu probable que le gouvernement soit en mesure d’augmenter d’une manière substantielle le montant qu’il dédie déjà à l’appui aux investissements municipaux et les municipalités vont prendre le relais pour combler le déficit. Ceci pourrait être possible à condition que les leviers disponibles soient actionnés pour améliorer le cadre des finances municipales – au niveau central et local. Pour ce faire il faudra: (i) améliorer la politique actuelle relative aux transferts fiscaux en augmentant la transparence, la prévisibilité et l’orientation performance des fonds transférés par le Gouvernement Central, (ii) améliorer le rendement des impôts administrés par le gouvernement pour le compte des municipalités, (iii) simplifier le code des impôts locaux pour obtenir 31 de meilleurs rendements, et (iv) utiliser l’augmentation des excédents opérationnels et de la solvabilité pour augmenter les emprunts durables. 40. L'impact des transferts peut être amélioré avec une meilleure prévisibilité et des incitations plus fortes. Le gouvernement soutient aujourd'hui les municipalités en leur attribuant une bonne partie des 30 % des montants collectés en tant que taxe sur la valeur ajoutée (Taxe sur la Valeur Ajoutée, TVA). Les mécanismes d'affectation et de transfert des fonds de la TVA aux municipalités peuvent être renforcés en revoyant la formule d’affectation des fonds pour motiver les municipalités à augmenter (i ) leurs capacités institutionnelles, (ii) leurs performances dans la prestation de services municipaux, et (iii) leur pérennité financière et la capacité de financer les investissements requis. Les transferts directs aux municipalités devraient devenir le mécanisme par défaut. L’expérience internationale montre que les transferts fiscaux intergouvernementaux qui sont stables, transparents et prévisibles permettent de préparer le terrain pour la planification des investissements à long terme et donnent aux municipalités de plus grandes responsabilités financières. 41. Améliorer le rendement des impôts administrés par le Gouvernement pour le compte des municipalités. Le gouvernement administre aujourd'hui trois impôts11 pour le compte des municipalités. Ces trois impôts représentent – environ un quart des revenus municipaux mais ils représentent un potentiel important inexploité. Ces trois impôts sont basés sur la valeur locative de l’immobilier et sur des actifs productifs. La collecte de ces impôts est limitée par le manque de registres de conservation de la propriété foncière à jour ainsi qu'à cause des valeurs déclarées. D'autre part, une bonne partie de ces revenus n’est pas collectée (les montants en souffrance pour les trois taxes ont augmenté pour passer de 10,7 milliards MAD à 14,2 milliards MAD entre 2009 et 2013). Les montants en souffrance aujourd’hui représentent plus que l’équivalent de 2,5 années de revenus de ces mêmes taxes. Une des principales contraintes pour augmenter les revenus provenant de ces taxes locales est le manque de coordination entre les différentes agences impliquées dans son administration, y compris les municipalités, la direction générale des impôts (Direction Générale des Impôts, DGI) et la trésorerie nationale (Trésorerie Générale du Royaume, TGR). Une réforme de l’administration de ces impôts devrait viser à (i) élargir l’assiette fiscale avec une meilleure appréhension et un meilleur enregistrement des propriétés imposables, (ii) donner plus d’autonomie aux municipalités pour déterminer le taux d’imposition sur leur territoire, (iii) améliorer la coordination et l’échange d’informations entre les agences impliquées dans l’administration – y compris grâce à la consolidation des responsabilités au sein d’une seule agence, et (iv) aligner les inc itations octroyées aux agents de recouvrement des impôts pour la collecte de ces taxes sur celles octroyées pour la collecte d’autres impôts nationaux gérés par les mêmes agences. 42. Les municipalités sont en mesure de considérablement augmenter leurs propres sources de revenus. Le taux de collecte des impôts locaux et des redevances représente entre un tiers et la moitié du potentiel fiscal dans la plupart des villes marocaines. Les revenus des impôts locaux administrés par les municipalités pourraient être considérablement augmentés en améliorant l’assiette fiscale et les niveaux de collecte. Cette tâche serait facilitée par la simplification et la consolidation d’un grand nombre d’impôts locaux existants. Les services d’administration des impôts locaux devraient être renforcés par le recrutement d’agents qualifiés bénéficiant d’incitations similaires à celles octroyées aux agents qui travaillent pour l’administration fiscale centrale. Les systèmes informatiques devraient également être modernisés. D'autre part, les municipalités auront besoin de l'appui des agences gouvernementales pertinentes y compris les autorités locales du gouvernement central (sous l’autorité des walis et des gouverneurs), ainsi que du trésor qui reste responsable pour toute poursuite judiciaire en cas d’impôts impayés. 43. Utiliser le renforcement des excédents opérationnels et la solvabilité pour une augmentation des emprunts durables. Le renforcement de la capacité financière des municipalités marocaines permettrait d’augmenter directement leurs capacités à combler le déficit d’investissements dans les 11 1. Taxe sur les services communaux, 2. Taxe d’habitation, 3. Ta xe professionnelle 32 infrastructures urbaines. Le niveau d’endettement des municipalités marocaines est relativement bas, à la fois si on le compare à leurs pairs à l’étranger, que comparé au faible niveau actuel de leurs excédents opérationnels nets. Les municipalités au Maroc pourraient utiliser l’emprunt pour renforcer leur niveau d’investissement. Par exemple, une simulation réalisée pour Casablanca montre comment une augmentation des revenus pourrait impacter la capacité de la municipalité à investir. En dopant ses revenus provenant des impôts et autres redevances de 5 % par an tout en maintenant une augmentation annuelle de 2 % de tous les autres postes de dépenses et de revenus, la ville de Casablanca pourrait réussir à presque multiplier par cinq son revenu opérationnel sur une période de 6 ans. La ville pourrait ainsi entièrement autofinancer 2,7 milliards MAD d’investissements. La ville pourrait également emprunter davantage tout en maintenant son ratio de dette sur revenu opérationnel à son niveau actuel de 4. Les investissements pourraient alors atteindre le montant de 4,8 milliards MAD sur la période. En acceptant une augmentation graduelle de son ratio de dette sur revenu opérationnel à 6, la ville pourrait investir 6,2 milliards MAD sur la période. Besoins en infrastructures des villes et des régions 44. Un des principaux moteurs des marchés et des politiques gouvernementales est l'ensemble des défis associés à la connectivité. Les restrictions en matière de mobilité peuvent réduire la productivité des personnes dans certains endroits et elles peuvent également augmenter les coûts en réduisant par là même les niveaux de vie notamment pour les pauvres et les vulnérables pour lesquels les coûts de connectivité peuvent représenter une part importante de leurs revenus. Investir dans des transports urbains de masse intelligents pour réduire le coût des embouteillages et créer un lien entre les personnes et les emplois Embouteillages 45. De nombreuses villes marocaines sont confrontées des embouteillages importants et croissants qui imposent un coût aux citoyens et au gouvernement. Les prévisions indiquent que le réseau routier dans de nombreuses grandes villes au Maroc pourrait arriver très rapidement à saturation. À Casablanca, par exemple, plus de la moitié des principaux carrefours de la ville sont régulièrement très embouteillés. On estime que les encombrements à Casablanca coûtent 300 millions de $EU à la nation par an. D'autre part, ils contribuent à la pollution atmosphérique et affectent la santé et le bien-être. Le coût annuel de la pollution atmosphérique est estimé à environ 730 millions de $EU par an, dont environ la moitié est attribuée à Casablanca.12 Le tableau suivant sur la vitesse commerciale moyenne des bus dans les villes marocaines comparées à une sélection de ville de l'OCDE reflète partiellement l'impact différentiel des embouteillages sur le temps nécessaire à déplacer les personnes et les biens. Tableau 1. Vitesse commerciale moyenne des bus dans les plus grandes agglomérations marocaines (source : Ministère de l’Intérieur/opérateurs/UITP13) 12 Même s'il est important, ce chiffre est considérablement plus bas que dans les pays dont les villes souffrent de gros problèmes de pollution et on observe une baisse parallèlement aux récents efforts du gouvernement pour réduire la pollution atmosphérique dont l'amélioration des normes de qualité des carburants (par exemple en limitant l'utilisation du plomb ainsi qu’en réduisant le contenu maximal de soufre). 13 Union Internationale des Transport Publics (Union Internationale des Transport Publics) 33 Agglomérations Vitesse commerciale Agglomérations Vitesse commerciale urbaines au Maroc (en km/h) urbaines dans des pays (en km/h) de l'OCDE Rabat 19 Copenhague 21 Agadir 18 Varsovie 21 Marrakech 16 Berlin 19 Fès 16 Vienna 19 Tanger 15 Paris 17 Casablanca 13 Lisbonne 17 Source: “note de contexte relative aux transports urbains pour l'examen d'urbanisation au Maroc� 46. Il est probable que les tendances démographiques qui ont contribué à aggraver les embouteillages se poursuivent. Les changements des normes sociétales relatives à l'autonomie, au marché et aux efforts du gouvernement à faciliter l'accès aux véhicules (en donnant accès à des voitures moins chères et à des financements automobiles plus abordables), ainsi que l'inefficacité des alternatives des transports publics ont contribué à une augmentation du nombre de véhicules immatriculés au Maroc. Le nombre de véhicules immatriculés au Maroc a augmenté de 70 % au cours de la dernière décennie pour passer à plus de 3,6 millions de véhicules. Même avec une croissance importante du nombre de véhicules immatriculés au cours de la dernière décennie, le taux de motorisation au Maroc reste relativement bas comparé aux autres pays, notamment les pays de l'OCDE, ce qui peut indiquer qu'il reste un potentiel important de croissance à venir. Le taux de motorisation au Maroc est très différent en fonction des régions avec Casablanca et Rabat qui représentent environ la moitié des véhicules (et seulement environ 20 % de la population). Même si la proportion de véhicules dans les autres régions est relativement basse, les taux de croissance annuelle de la motorisation sont élevés dans la plupart des cas et se situent autour de 7 % par an. Demande non satisfaite de transit public urbain 47. Les demandes en matière de transit public urbain dépassent l’offre dans de nombreuses villes au Maroc, ce qui coûte du temps aux personnes et à l’économie. Il n’y a pas suffisamment de bus dans de nombreuses villes (par rapport à des villes comparables): ce qui augmente considérablement le temps nécessaire à déplacer les personnes tout en détériorant les conditions de déplacement. Le développement urbain tentaculaire que nous avons déjà décrit dans le rapport contribue à augmenter les distances de déplacement ce qui renforce la pression sur le système de transit public qui est déjà très tendu dans de nombreuses agglomérations au Maroc. Le coût du transit public met à rude épreuve les ménages pauvres qui en dépendent 48. Le prix à payer par l'utilisateur des transits publics peut être élevé et a un impact important sur les pauvres, ce qui les défavorise encore plus. Les ménages pauvres sont limités dans leur accès aux modes de transport à partir du moment où la plupart ne peut pas envisager de posséder un véhicule et où les billets de tram à Casablanca et à Rabat coûtent deux fois plus cher que les billets de bus. Des fournisseurs de transport informel opèrent en parallèle des lignes de bus officielles sans système intégré de billets et d'horaires, ce qui contribue à augmenter encore davantage le temps de déplacement et le coût pour les résidents des zones semi urbaines les plus pauvres (notamment les grands bidonvilles). Les effets néfastes du manque de systèmes de transport public intégré se font d'autant plus sentir par les femmes, les 34 jeunes, les personnes âgées et les handicapés.14 Le transport urbain coûte à certains ménages pauvres jusqu'à 20 % de leurs revenus. 49. Alors que l'expansion urbaine fragmentée et le transit public inefficace limitent l'adéquation spatiale entre les emplois et les employés, une enquête a montré que l'impact négatif était encore plus important sur les jeunes à bas revenus. L'inadéquation spatiale entre le lieu de résidence des jeunes à bas revenus et les endroits où ils pourraient trouver des emplois est considérée comme un des plus gros contributeurs au taux de chômage élevé chez les jeunes au Maroc. Le coût des déplacements quotidiens pour les jeunes défavorisés peut se monter à un quart ou à un tiers de leurs revenus journaliers. Beaucoup d'emplois non qualifiés exigent que les employés travaillent le soir et les week-ends lorsque les options de transport public n'existent pas ou sont très irrégulières, ce qui condamne l'accès de ces emplois à certains jeunes. Les défis en matière de connectivité urbaine sont aggravés par la santé financière limitée des gouvernements locaux et par leur faible capacité à gérer efficacement le transit urbain 50. Les embouteillages, le manque d’offre de transit public et les coûts associés relativement élevés sont partiellement associés à la santé financière du secteur. Le Ministère de l'Intérieur estime que pour améliorer le niveau des services de transport sur son territoire, le Maroc a besoin de 3 milliards de $EU d'investissements dans la décennie à venir. Historiquement pourtant, les dépenses en transport urbain au niveau local représentaient environ un tiers des investissements nécessaires pour satisfaire la demande des résidents. D'autre part, les déficits annuels relatifs aux transports publics sont importants et en 2014, le déficit annuel à Casablanca et à Rabat s'est monté à environ 30 millions de $EU. Historiquement, les revenus du transit public ont couvert une petite partie des coûts opérationnels pour plusieurs raisons, dont notamment, des coûts de personnel élevé associés à un historique d’effectifs pléthoriques ainsi qu'aux coûts élevés d'entretien et de carburant pour la flotte vieillissante (par exemple l'âge moyen de la flotte de bus à Casablanca est de 15 ans). D'autre part, les villes ont des ressources financières limitées à consacrer au transit urbain à cause de leur peu de capacités à lever des impôts et à emprunter. 51. Ces défis sont également associés aux capacités limitées des gouvernements locaux à gérer le transit urbain d'une manière efficace. Les villes marocaines ont peu de marge de manœuvre pour coordonner les plans d'occupation des sols avec les plans de transport et peuvent difficilement coordonner au-delà des frontières municipales. Dans la plupart des villes au Maroc, les schémas directeurs de mobilité urbaine sont élaborés indépendamment des schémas directeurs d'aménagement du territoire et sont même parfois contradictoires. Par exemple, le schéma directeur de mobilité urbaine le plus récent à Casablanca a été finalisé avant l'élaboration du nouveau schéma directeur d'occupation des sols et la ville a donc été forcée de le mettre à jour à grands frais quelques années plus tard. D'autre part, les villes ont peu de marge de manœuvre pour réaliser des synergies entre les réseaux ou des économies d'échelle dans le transport urbain, partiellement parce que les arrangements institutionnels nécessaires à la coopération inter municipale n'ont pas encore été largement adoptés ou rendus fonctionnels à part quelques exceptions. Renforcer la gestion de la logistique pour réduire la fragmentation du marché régional 52. Au Maroc, comme dans de nombreux autres pays, la connectivité physique baisse avec la distance par rapport aux côtes (Figure 11). La majorité de la population vit près des côtes et dans des 14 Voir l’Evaluation des Transports Urbains au Maroc (2017), P149653 35 zones d’accès relativement facile à des villes de 50 000 habitants et plus. Toutefois, une partie de la population réside dans l’intérieur du pays avec un accès intermédiaire à des villes de 50 000 habitants et plus et le gouvernement marocain, comme d’autres gouvernements, doit investir dans la connectivité pour à la fois améliorer lefficacité et traiter des considérations d’équité. Figure 15: La connectivité physique est plus faible pour les ménages qui vivent dans des régions relativement peu peuplées Source: Calculs de l’équipe Coûts des transports nationaux élevés 53. Les coûts de transport des biens à l'intérieur du Maroc sont élevés et représentent environ 17 % de la valeur des marchandises par rapport à 7 % dans les pays voisins. Ces coûts élevés sont dus en partie à l'atomisation et à la mauvaise qualité du fret. Environ 90 % des opérateurs en fret ne possèdent 36 qu'un ou deux camions. Une bonne partie des opérateurs de fret – environ 70 à 75 % – est informelle. L'offre de véhicules spécialisés comme les camions réfrigérés ne répond pas à la demande. D'autre part, la flotte de véhicules est obsolète avec une moyenne d'âge de 13 ans pour les camions de fret. 54. Les mouvements dans les régions à prépondérance rurale – celles qui pourraient être caractérisées comme étant relativement en retard – sont également limités par rapport aux autres pays de la région. La connectivité rurale est relativement basse ce qui pénalise les personnes qui vivent dans des régions à prépondérance rurale. Dans une récente analyse des indices d'accès ruraux, le Maroc a obtenu un résultat de 36 % par rapport à une moyenne de 58 % dans la région MENA. Connectivité des informations 55. La connectivité nationale aux technologies de communication et d'information (TIC) est positivement corrélée avec la croissance, la création d'emplois et l'innovation et il semblerait que malgré les avancées au Maroc, l'accès de la nation soit faible par rapport aux pays comparables et à d'autres pays dans la région MENA. Le taux de pénétration du haut débit fixe en tant que pourcentage des ménages et le taux de pénétration du haut débit mobile en tant que pourcentage de la population dans les pays de la région MENA sont en général de plus du double de ceux au Maroc (Figure 16). Figure 16. Taux de pénétration du haut débit fixe en tant que pourcentage des ménages (à gauche) et taux de pénétration du haut débit mobile en tant que pourcentage de la population dans les pays de la région MENA en 2015 100.00% 300% 90.00% 250% 80.00% 70.00% 41.10% 200% 60.00% 50.00% 17.50% 150% 85% 40.00% 41% 100% 30.00% 20.00% 50% 10.00% 0.00% 0% Oman Libya Moyenne MENA Bahrain Djibouti Egypt Kuwait Iraq Iran Qatar Lebanon Yemen Syria Algeria Morocco Tunisia United Arab Emirates Jordan Saudi Arabia Oman Moyenne MENA Djibouti Egypt Kuwait Lebanon Bahrain Libya Iraq Iran Qatar Yemen Syria Tunisia Jordan Algeria Morocco Saudi Arabia United Arab Emirates Note: Le haut débit fixe comprend principalement l’ADSL, et la fibre optique à un moindre degré. Le haut débit mobile comprend les plans d’Internet mobile (3G et 4G) pour les données uniquement ainsi que pour la voix et les données. Source: Base de données du TeleGeography’s GlobalComms, 2015. 56. Les inégalités spatiales dans l’accès au haut débit sont flagrantes. Les taux d’accès sont considérablement plus bas dans les villes secondaires du pays par rapport aux villes principales même à nombre d’habitants équivalent (voir la figure 17 ci-dessous). L’accès à l’Internet est plus bas dans les zones rurales par rapport aux zones urbaines même si le déficit d’accès se résorbe plus rapidement dans les zones rurales aujourd’hui. 37 Figure 17. Couverture 2G/3G/4G de Maroc Télécom dans certaines grandes villes (en haut) et dans d’autres villes secondaires (en bas) En haut : Rabat (à gauche), Casablanca (au milieu) et Tanger (à droite) ; en bas : Meknès (à gauche), Oujda (au milieu), Layoune (à droite). Source:https://www.nperf.com/en/map/MA/-/1736.Meditel/signal/?ll=32.039364657012186&lg=- 6.33030663309162&zoom=6 Interventions pour dynamiser les opportunités des jeunes femmes et des jeunes hommes au Maroc 57. L'intégration des jeunes marocains sur le marché du travail est un des principaux défis que doivent relever les responsables de politiques. Les jeunes qui ont entre 15 et 29 ans représentent environ 30 % de la population au Maroc et 44 % de la population en âge de travailler. En dépit des taux positifs de croissance économique depuis une décennie à une moyenne de 4,3 % par an, les jeunes marocains ont été affectés par l'exclusion économique d'une manière disproportionnée. L'économie marocaine n'a créé, en moyenne, que 87 500 emplois nets par an, bien loin du chiffre nécessaire pour absorber les 224 000 nouveaux entrants sur le marché du travail estimés et qui comprennent 148 000 jeunes tous les ans. Globalement, il y a aujourd'hui un stock de plus d'un million de personnes à la recherche d'un emploi au Maroc, dont 70 % ont entre 15 et 29 ans alors qu’environ 3,5 millions de jeunes âgés de 15 à 19 ans ne sont aujourd'hui ni à l’école, ni employés, ni en formation (NEET) avec une grande majorité d'entre eux qui vit dans les villes. 58. Il devient de plus en plus nécessaire d'améliorer le statut socio-économique de la future génération au Maroc en lui donnant un meilleur accès aux opportunités pour participer aux processus décisionnaires sociaux ou politiques dans les villes. La corrélation entre le chômage des 38 jeunes, l'exclusion sociale et le risque d'instabilité politique et sociale ainsi que de radicalisation n'a pas encore été complètement reconnue par les maires et les conseils municipaux. Les jeunes ont du potentiel dans les sphères économiques et sociales : il est important que les stratégies et les programmes de développement urbain encouragent la participation civile, notamment parmi les jeunes. Pour aller dans ce sens, les villes sont des endroits où les jeunes devraient se sentir partie prenante et les municipalités marocaines doivent donc considérer les jeunes comme de futurs leaders dans les villes et les communautés et comme des éléments essentiels de l'innovation pour générer une croissance durable. 59. L'inclusion des jeunes et des femmes dans le développement urbain est un facteur crucial pour la planification spatiale, et peut être renforcée par des moyens innovants. La mise en place d'un lien entre l'occupation des sols et l'accessibilité devient importante pour créer des espaces où les jeunes peuvent contribuer à la prospérité des villes notamment dans le cas des jeunes femmes qui sont confrontées à de beaucoup plus gros défis. En appliquant un cadre de transition des jeunes à différentes étapes de leur vie, les municipalités peuvent améliorer leurs prestations de services de base adaptée aux besoins des populations jeunes dont les services de santé, l'éducation et les loisirs. Elles doivent ensuite se focaliser sur l'accès à l'emploi et à l'entreprenariat lorsque les jeunes arrivent à l'âge de travailler. Pour ce faire, l'accès à une éducation de qualité pertinente par rapport au marché du travail pendant la totalité du processus d'éducation est essentiel pour assurer une transition sans heurt entre la vie d'étudiant et la vie de travailleur. 60. Les jeunes marocains manquent de compétences adaptées et d'informations relatives aux opportunités économiques. Il existe un déficit important de compétences pour des techniciens et des opérateurs semi qualifiés et un gros besoin de travailleurs semis qualifiés sans diplôme d'études secondaires, notamment dans les secteurs économiques clés en pleine croissance (tourisme, logistique, automobile, commerce de détail, technologies de l'information, externalisation des processus (IT/BPO), et construction). De récentes études (y compris « l'Evaluation de l'Initiative E4E » [2014] de la SFI) montrent que la croissance de la demande de main-d'œuvre et d'emploi au Maroc (aujourd'hui environ 90 000 emplois par an) pourrait être plus élevée si les employeurs réussissaient à combler les postes vacants qui sont aujourd'hui le résultat du manque de candidats possédant les compétences techniques, linguistiques, informatiques et de comportement adéquates. Les défis auxquels sont confrontés les jeunes femmes sont particulièrement difficiles et très peu d'employeurs envisagent pour l'instant de mettre en place des moyens efficaces pour accompagner la parité dans leur entreprise. 61. Enfin, l'égalité des genres est un autre gros défi pour le Maroc. En 2015, on estimait que le pays comptait quelques 2,7 millions de jeunes économiquement inactifs âgés de 15 à 29 ans (notamment des jeunes femmes). Avec moins d'un quart des femmes en âge de travailler qui est actif (sur le marché du travail), le Maroc fait partie des 20% de pays au monde où la participation des femmes au marché du travail est la plus basse15. Les femmes marocaines continuent à être victimes de nombreuses inégalités par rapport à l'accès à l'emploi ainsi que de discrimination juridique. Par exemple, les femmes sont défavorisées en matière d'actifs économiques (héritage), de prestations sociales et de propriété maritale16. Parallèlement à l'intégration des jeunes sur le marché du travail, les autorités devraient également améliorer l'accès des femmes aux opportunités économiques, leur donner une plus grande autonomisation, renforcer leur émancipation et intégrer l'égalité des genres dans les politiques publiques. 62. Les interventions réussies dépendent de la capacité des leaders des villes à coordonner activement différents niveaux du gouvernement et le secteur privé grâce à des coalitions de parties prenantes privées et publiques et d'alimenter les interventions sur quatre leviers de politiques larges. Ces leviers sont fortement interdépendants et fournissent ensemble un cadre complet permettant d'évaluer les options de politique que les leaders des villes peuvent déployer pour dynamiser la croissance économique, créer des emplois, augmenter la productivité et attirer des investissements. La Figure 14 donne 15Indicateurs de Développement Mondiaux 2013, Banque Mondiale. 16Banque Mondiale, 2015, Maroc : Équilibrer les chances- renforcer l’autonomisation des femmes pour une société plus ouverte, inclusive et prospère. Rapport No 97778. Washington, DC: Banque Mondiale. 39 une illustration des interventions que le gouvernement national, les leaders des villes et le secteur privé pourraient déployer dans chaque levier de politiques pour promouvoir la création de plus d'emplois et d'emplois de meilleure qualité pour les jeunes. Figure 18. Interventions de politiques pour promouvoir des villes compétitives Source: Banque Mondiale, 2015. Note: PPP = partenariat – privé – public; R&D = recherche et développement. 63. L'expérience internationale montre comment les politiques locales peuvent aider à combler le déficit en compétences. Par exemple, la ville de Coimbatore en Inde a réussi à maintenir une croissance rapide et à créer des emplois dans le secteur industriel et manufacturier grâce à son grand nombre d'institutions florissantes de formation professionnelle. Cette formation dirigée a réussi grâce à l'implication du secteur privé dans la conception des programmes, le sponsoring des stages et la participation des universités ou de certains départements universitaires. Dans le cas de Changsha en Chine, le gouvernement a conduit l'amélioration des programmes de formation professionnelle en stimulant la concurrence entre les écoles et en renforçant les liens entre les écoles et les entreprises. Le gouvernement a donné des fonds aux écoles basés sur le nombre d'élèves inscrits et il a octroyé des travailleurs. Les données relatives aux performances des écoles de formation professionnelle ont été partagées avec toutes les entreprises. Des financements ont été octroyés aux bureaux de formation et aux foires et expositions. 40 ENCADRÉ N°5. INVESTIR DANS DES OPPORTUNITÉS POUR LES JEUNES La Banque Mondiale – grâce au Programme le Maroc : Investir dans des Opportunités pour les Jeunes (P151169) accompagne aujourd'hui le gouvernement du Maroc dans le développement de services intégrés et adaptés à la jeunesse (IYFS) pour réduire la fragmentation actuelle entre les activités focalisées sur l'emploi et les activités plus sociales. Le programme apportera des solutions intégrées pour élargir l'accès des jeunes aux opportunités en combinant des mesures d'apprentissage et d'employabilité avec l'engagement des jeunes citoyens. Compte tenu des barrières spécifiques que rencontrent les jeunes marocains, y compris le nombre élevé de jeunes femmes et de jeunes hommes découragés, inactifs et qui manquent d'engagement, un projet traditionnel d'emploi n'apporterait pas le spectre nécessaire d'opportunités d'apprentissage et d'engagement adapté à leurs besoins. C'est pour cette raison, comme nous l'avons indiqué ci-dessous, que nous utiliserons un développement communautaire conduit par les jeunes, des compétences en savoir être, du sport, du volontariat et du mentoring de pairs qui serviront de points d'entrée pour l'engagement des jeunes au niveau local, mais pas seulement, en préparation à des interventions d'employabilité et à des placements professionnels dans le secteur privé. Les IYFS dans le cadre du projet proposé, seront un complément aux programmes existants d'éducation formelle et d'emploi en proposant le développement de compétences concrètes et des références à des jeunes défavorisés dans leurs communautés respectives grâce à un « guichet unique » visant à combler l'écart entre les capacités actuelles de sensibilisation de l’ANAPEC et d’autres prestataires nationaux. 41 ENCADRÉ N°5 (suite). INVESTIR DANS DES OPPORTUNITÉS POUR LES JEUNES Accompagner l'Initiative Nationale de Développement Humain (INDH) La Banque Mondiale a également accompagné l’INDH lancée par le Gouvernement Marocain en 2005, avec deux phases d'un programme (2005-2010 puis 2011-2015). Les objectifs de cette initiative du gouvernement marocain étaient de combattre l'exclusion sociale et économique et d'améliorer le niveau de vie des groupes pauvres et vulnérables grâce à un renforcement des opportunités économiques, à un meilleur accès aux services de base et à une amélioration de la gouvernance. L’INDH était basée sur la gouvernance participative locale, sur les principes de développement partant de la communauté (CDD), et incorporait les valeurs clés d'inclusivité, de reddition de comptes et de transparence. L’INDH 1 a largement contribué à réduire l'exclusion et à améliorer le niveau de vie des pauvres. Le programme national INDH 2 (2011-2015) a doublé le nombre de communes et de quartiers ciblés, les principaux bénéficiaires du programme étant les populations pauvres et vulnérables dans 702 communes et 532 quartiers urbains. Il a amélioré l'accès et l'utilisation des infrastructures de base, ce qui a permis à un pourcentage plus important de la population d’avoir un meilleur accès à l’eau dans les communes ciblées en passant de 50 % à 86 % à la fin du programme. Une autre réalisation importante du programme est un meilleur accès et une meilleure utilisation des services sociaux. Les résultats ont dépassé les attentes. Les investissements dans 10 399 projets, 38 % du total, pour un montant de 7 milliards MAD (835 millions $EU), ont profité à 2,5 millions de personnes, 50 % des bénéficiaires totaux. La plus grosse demande était en projets d'éducation, notamment pour des investissements qui amélioreraient l'accès aux pauvres et aux jeunes filles. Forte demande également pour les centres de santé. Les installations de sport et destinées aux jeunes ont été également largement plébiscitées ce qui reflète la voix de plus en plus importante des jeunes dans les processus décisionnaires. Enfin, le programme a amélioré l'accès aux opportunités économiques grâce à un investissement de 2,8 milliards MAD (328 millions $EU), 18 % de l'investissement total, dans l'accompagnement de 5300 projets dans les secteurs de l'agriculture, de l'élevage, de l'artisanat, du tourisme rural etc., bénéficiant à 79 000 personnes. La moitié du financement a été consacrée à des investissements directs et la moitié à des activités de support (études, renforcement de capacités, suivi). L'évaluation économique a examiné en détail un échantillon de 26 activités génératrices de revenus sélectionnées et elle a constaté que plus de quatre cinquièmes d'entre elles avaient de bonnes chances de rester des entreprises rentables pendant au moins les 10 années à venir. 3. Pistes de réflexion : comment faire en sorte que l'urbanisation fonctionne pour une prospérité partagée au Maroc 64. Beaucoup de Marocains ont choisi d'aller s'installer dans les zones urbaines où leurs perspectives d'améliorer leur niveau de vie semblaient meilleures ; et ils sont absorbés dans des villes qui ont été limitées dans leur capacité à servir de moteur pour la croissance, la création d'emploi et l'intégration observées dans des pays comparables. Les acteurs gouvernementaux peuvent reconnaître les différents rôles que jouent aujourd'hui les différents types de villes et d'agglomérations et adapter leurs 42 approches pour permettre un développement durable et inclusif basé sur les besoins et le potentiel de chacun comme suit : • Dans les zones à prépondérance rurale, les autorités gouvernementales devraient mettre en place des institutions communes qui réglementent les marchés fonciers et améliorent la prestation de services sociaux de base. La transparence autour de la propriété foncière et de la valorisation des parcelles de terrains proches des villes est cruciale. Des politiques et des programmes permettant aux gouvernements sous-nationaux de mieux financer, planifier et exécuter les prestations de services de base, y compris l'accès à la santé, à l'éducation et à l'assainissement sont clés. Il s'agit de mesures qui bénéficieraient à des zones dans l'ensemble du pays et qui comprendraient un renforcement de la certitude et une amélioration des politiques actuelles en matière de transferts fiscaux, pour permettre aux gouvernements sous nationaux d'embaucher les compétences dont ils ont besoin pour mieux planifier et exécuter leurs investissements et/ou en offrant des renforcements de capacités si nécessaire pour améliorer les prestations de services. Les priorités clés dans ces domaines sont d'assurer un niveau de vie minimum à tous et d'assurer la densité économique. Les politiques ne doivent pas faire de distinction entre les zones rurales et les centres urbains. • Les zones à l'urbanisation rapide, comme toutes les zones au Maroc, ont besoin d'institutions qui fonctionnent bien pour réglementer les marchés fonciers et améliorer la prestation des services de base. Elles ont aussi besoin d'infrastructures de connectivité pour permettre à plus de personnes de bénéficier de la densité économique. La forme physique de ces zones affectera le développement économique et l'inclusion sociale pendant de nombreuses années et c'est pour cette raison que les interventions permettant de mieux relier la réalité physique avec les plans de mobilité sont cruciales. Le transit urbain de masse permet la connectivité qui est cruciale pour le développement social et économique mais dans les villes en cours d'urbanisation au Maroc, l’accès au transit reste coûteux et compliqué pour de nombreuses personnes, notamment pour les pauvres et les groupes marginalisés. Des politiques et des programmes visant à inciter à l'amélioration de l'efficacité des opérateurs de bus et des efforts pour intégrer différents modes de transport, peuvent avoir un impact sur la connexité au sein des villes. Pour que ces villes remplissent mieux leurs rôles différenciés, et pour qu'elles bénéficient du développement au-delà de leurs frontières, les politiques et les programmes de renforcement de la connectivité interurbaine et interrégionale deviennent cruciaux. Des réglementations pour réduire l'atomisation et mettre à niveau les flottes pourraient améliorer le transport par camionnage pour les producteurs à l'intérieur du Maroc. Pour des villes comme Tanger, des investissements permettant une meilleure connexion avec le monde au travers des ports de Tanger pourraient apporter des retombées à des populations marocaines plus larges. • Les zones qui ont atteint un haut degré d'urbanisation ont besoin d'institutions communes pour réglementer les marchés fonciers et améliorer la prestation des services ainsi que les infrastructures de connectivité. D'autre part, leur population pourrait bénéficier d'interventions soigneusement conçues pour permettre une meilleure compétitivité et créer plus d'emplois de meilleure qualité ainsi que pour renforcer l'inclusion des populations pauvres et marginalisées. Les villes dans ces zones, pourraient largement bénéficier de cadres sains pour la prestation inter municipale de services de base et d'infrastructures. Elles ont besoin d'efforts concertés pour augmenter la productivité tout en gérant les embouteillages et les distances de trajet résultant de la fragmentation spatiale à l'intérieur et autour des villes. Compte tenu des taux de chômage élevés dans ces zones au Maroc, des interventions distinctes sont nécessaires pour permettre une meilleure intégration des jeunes sur le marché du travail et pour leur permettre une transition plus fluide vers leur vie d'adultes. Intégrer les jeunes dans des cadres de planification et s'engager dans des partenariats privés publics efficaces pour aider à la promotion de l'entreprenariat et de l'emploi des jeunes sont cruciaux dans des villes comme Casablanca et Rabat. 43 Même si de telles interventions ciblées peuvent apporter des transformations, elles doivent être construites sur des institutions communes et des infrastructures de connectivité. 44