SITUATION ÉCONOMIQUE EN CÔTE D’IVOIRE Et si l’Emergence était une Femme? COMMENT LA CÔTE D’IVOIRE POURRAIT GAGNER AU MOINS 6 MILLIARDS DE DOLLARS J UI L L ET 2 0 1 7 / C I NQUI È ME ÉD ITIO N Table des matières Liste des abréviations 6 Remerciements 7 Messages principaux 9 PARTIE 1 : L'ETAT DE SANTE DE L'ÉCONOMIE IVOIRIENNE 15 1. Les développements économiques récents 16 1.1. Une croissance robuste mais qui se ralentit 16 1.2. Un taux d’inflation maitrisé grâce à une politique monétaire prudente 22 1.3. Une politique budgétaire sous pression 24 1.4. La stabilité des comptes extérieurs mais avec une perte de réserves 27 2. Les perspectives de court et moyen termes 28 2.1. Scénario de base 29 2.2. Les risques à maitriser 31 3. De potentielles championnes pour le développement : les femmes 33 PARTIE 2 : COMMENT L’ÉQUITE DES GENRES PEUT AIDER LA CÔTE D’IVOIRE ? 37 1. Pourquoi une politique d’équité des genres contribuerait au développement économique de la Côte d’Ivoire ? 38 2. Les inégalités à l’encontre des femmes en Côte d’Ivoire 41 2.1. Les inégalités sur le marché du travail 42 2.2. Les inégalités en matière d’éducation 46 2.3. Les inégalités dans le système de santé et l’accès au planning familial 48 3. Quelles sont les pistes pour l’avenir ? 49 3.1. C comme contenu 50 3.2. C comme champions 55 3.3. C comme gestion du changement 57 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Liste des tableaux Tableau 1 : L’effort de mobilisation des recettes en baisse en 2016 25 Tableau 2 : Evolution des exportations et importations, taux de croissance 28 Tableau 3 : Les perspectives économiques, 2017-19 29 Tableau 4: Les principales entraves à l’équité du genre en Côte d’Ivoire à la lumière de la comparaison régionale et internationale 42 Liste des graphiques Graphique 1 : Une croissance du PIB robuste mais qui se ralentit graduellement 16 Graphique 2 : Comparaison des secteurs porteurs de la croissance entre 2015 et 2016 17 Graphique 3 : La contribution des secteurs public, privé et externe à la croissance économique 18 Graphique 4 : Le ralentissement de la croissance captés par plusieurs indicateurs conjoncturels 19 Graphique 5 : Le chemin sinueux de la croissance ivoirienne 20 Graphique 6 : Inflation maitrisée en 2016 et proche de celle reportée dans la zone Euro 23 Graphique 7 : Une hausse du déficit budgétaire en 2016 24 Graphique 8   : L’expansion des dépenses publiques s’est ralentie en 2016 26 Graphique 9  : Le changement dans la composition de la dépense et la réduction du taux d’exécution des dépenses dans l’infrastructure 26 Graphique 10 : Le déficit de la balance courante n’a pas été entièrement financé par des afflux de capitaux en 2016 27 Graphique 11 : La Côte d’Ivoire est l’un des pays au monde avec le moins d’équité des genres et la situation n’a guère évolué au cours de la dernière décennie 38 Graphique 12 : L’équité des genres pourrait générer 10 milliards de dollars en Côte d’Ivoire 40 Graphique 13 : Les discriminations à l’encontre des femmes sur le marché du travail dans une perspective internationale 43 Graphique 14 : La Côte d’Ivoire à la traine en Afrique dans la parité éducative entre garçons et filles 47 Graphique 15 : La parité du genre est loin d’être atteinte dans le système éducatif ivoirien en 2014 47 Graphique 16 : Les hommes et leurs familles reçoivent la majorité de l’héritage en Côte d’Ivoire 56 4 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Avant-propos Tant l’expérience internationale que les études académiques ont mis en évidence le lien positif entre une politique d’équité des genres et le développement économique. Ce cinquième rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire examine la question de savoir pourquoi le pays n’a pas encore embrassé une telle politique avec plus d’enthousiasme ?  En 2016, malgré certains efforts, le pays était classé 136ème sur 144 pays dans le monde selon l’indice du genre compilé par le World Economic Forum, ou 43ème sur 52 pays africains pour celui proposé par la Banque Africaine de Développement.  Ce rapport soutient qu’une politique basée sur l’équité des genres pourrait aider la Côte d’Ivoire à atteindre l’Emergence. Il souligne que des femmes mieux éduquées, avec de meilleurs accès aux soins de santé ainsi qu’une plus grande voix au sein des institutions politiques, des entreprises et des familles, sont des sources de bénéfices pour l’ensemble de la société ivoirienne. Un plan de marche est même esquissé, avec l’ambition de stimuler le dialogue et le partage d’idées.  La mise en œuvre d’une politique favorisant l’équité des genres s’inscrit dans la vision que la Côte d’Ivoire doit réussir à améliorer sa productivité pour se maintenir sur une trajectoire de croissance accélérée. Produire des gains de productivité s’avère d’autant plus nécessaire au moment où son économie semble s’essouffler légèrement et où la diminution de l’espace budgétaire va limiter la marge de manœuvre du Gouvernement.  En 2016, la Côte d’Ivoire a continué d’enregistrer une performance excellente - avec le deuxième taux de croissance du PIB le plus rapide en Afrique. Les perspectives restent bonnes même si les projections présentées dans ce rapport prévoient que son sentier de croissance devrait graduellement converger autour de 6,5 % dans les années à venir. Ce ralentissement s’explique non seulement par l’élimination graduelle des effets de rebond qui s’étaient manifestés à la sortie de crise mais aussi par la hausse des risques internes et externes. L’économie ivoirienne a été heurtée par la baisse du prix du cacao, et les troubles sociaux survenus lors des derniers mois pourraient freiner le formidable élan de relance économique amorcée depuis 2011. Le Gouvernement ivoirien l’a bien compris en réaffirmant son engagement à poursuivre une politique ambitieuse visant une croissance non seulement rapide mais aussi plus partagée.  Ce rapport a la modeste ambition de l’aider dans cet objectif, en rappelant le rôle essentiel que peuvent jouer les femmes. Pierre Laporte Directeur des Opérations Pour la Côte d’Ivoire, Bénin, Burkina Faso et Togo 5 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Liste des abréviations BCEAO : Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest BHCI : Banque de l’Habitat de Côte d’Ivoire BIAO CI : Banque Internationale d’Afrique Occidentale Côte d’Ivoire CCC : Conseil Café Cacao CEPICI : Centre de Promotion des Investissements en Côte d’Ivoire CI-Energie : Société des Énergies de Côte d’Ivoire CNCE : Caisse Nationale des Caisses d’Epargne FCFA : Franc de la Communauté Financière Africaine FMI : Fonds Monétaire International IDE : Investissements Directs Etrangers OECD : Organisation de Coopération et de Développement Économiques PIB : Produit Intérieur Brut PPAAO : Programme de Productivité Agricole en Afrique de l’Ouest PVAM : Programme des Ventes Anticipées à la Moyenne UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine UNACOOPEC : Union Nationale des Coopec de Côte d’Ivoire 6 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Remerciements Ce rapport a été préparé sous la direction de Jacques Morisset avec l’aide d’Amina Coulibaly. A. Donald, G. Lawin et L. Rouanet ont préparé une étude intitulée «Les inégalités hommes-femmes dans l’agriculture, premier secteur d’activités ivoirien» dont les principales conclusions ont alimenté la deuxième partie de ce rapport. Les auteurs voudraient remercier pour leurs commentaires Waly Wane, Bénédicte Leroy de la Brière, Lea Rouanet, Aletheia Amalia Donald, Azedine Ouerghi, Andréa Coppola ainsi que l’équipe du FMI travaillant sur la Côte d’Ivoire et dirigée par Ghura Dhaneswhar. Gertrude Tah, Taleb Ould Sid’ahmed et Joseph Anoh ont aidé au formatage du rapport. Les rédacteurs du rapport ont également bénéficié des conseils et encouragements de Pierre Laporte et Lars Moller. 7 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 8 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Messages principaux Lorsque dans le film culte ivoirien, Bal poussière, Ce ralentissement traduit la disparition graduelle succès international des années 80, la première des effets de rattrapage qui avaient prévalu à la femme du Chef de village appelé Demi-dieu lui sortie de crise politique dès 2011 et une détérioration dit avec tristesse qu’elle le quitterait si elle avait de l’environnement tant externe qu’interne.  Il été à l’école, le message mettait l’accent sur les reste cependant relatif dans la mesure où le taux discriminations à l’encontre des femmes.  Près de de croissance de l’économie ivoirienne a été le 30 ans plus tard, la situation des femmes ne s’est deuxième plus rapide du continent africain, juste pas vraiment améliorée en Côte d’Ivoire. Elles derrière l’Ethiopie, et 3 à 4 fois plus élevé que la continuent de souffrir des inégalités à l’école, dans moyenne continentale en 2016. l’accès aux soins et sur le marché du travail. Bref, la Côte d’Ivoire est l’un des pays les plus mal classés L’économie ivoirienne a continué de bénéficier de au niveau de tous les indicateurs internationaux sur termes de l’échange favorables en 2016, en dépit l’équité des genres : 171ème sur 188 pays pour les de la chute du prix du cacao et le rebond du prix du Nations-Unies ou 43ème sur 52 pays africains pour pétrole sur les marchés internationaux.  En effet, la Banque Africaine de Développement. la plupart des produits d’exportations de la Côte d’Ivoire ont vu leur prix augmenter, y compris le L’équité des genres n’est pas seulement un coton, l’hévéa, et le café.  En plus, la baisse du objectif social et humain mais aussi économique.  A prix du cacao a été compensée par une récolte l’heure où la Côte d’Ivoire cherche à atteindre exceptionnelle qui devrait permettre d’atteindre l’émergence, la réduction des discriminations à des recettes en 2016/17 presque équivalentes à l’encontre des femmes pourrait engendrer des celle enregistrées en 2015/16.  Toutefois, il est gains de l’ordre de 6 à 8 milliards de dollars. Cette juste de constater que ces variations ont produit opportunité reçoit une attention particulière dans des ondes de chocs sur l’économie ivoirienne, ce cinquième rapport sur la situation économique notamment sur la gestion de la politique budgétaire en Côte d’Ivoire. avec la suppression du droit d’enregistrement sur les exportations, et que ces effets négatifs Le rapport commence par une analyse des pourraient s’avérer plus importants dans la durée. développements économiques récents et une discussion sur les perspectives de l’économie La situation budgétaire du Gouvernement ivoirien ivoirienne. La deuxième partie est consacrée à la s’est détériorée en 2016.   D’abord le déficit a problématique de l’équité des genres avec une augmenté de 2,9 à 4 % du PIB entre 2015 et 2016. série de propositions qui visent à accélérer la mise Ensuite, les autorités ont ralenti leurs dépenses en œuvre de cet agenda. dans les infrastructures pour favoriser les dépenses administratives et politiques en 2016. Cette rupture PARTIE 1 : LA SITUATION ÉCONOMIQUE EN CÔTE avec la tendance de ces dernières années explique D’IVOIRE la contribution moindre du secteur public à la croissance économique. L’effort de mobilisation Après 5 ans de forte croissance, l’économie des recettes domestiques a aussi diminué, avec ivoirienne montre ses premiers signes un taux de croissance de 6,9 % qui est environ 3 d’essoufflement.   En 2016, le taux d’expansion fois moins rapide que celui enregistré en 2015. La du PIB a atteint 7,7 % et ce ralentissement dette publique a augmenté d’environ 0,5% du PIB, semble s’être prolongé dans les premiers mois de notamment à travers une hausse des emprunts sur 2017 à travers la tendance baissière de plusieurs le marché régional, pour atteindre 48% du PIB à la indicateurs conjoncturels comme le crédit octroyé fin 2016. au secteur privé, la construction et les importations de biens d’équipements. 9 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 La politique monétaire de la BCEAO a continué devrait connaitre une progression de l’industrie d’être prudente à travers le contrôle de l’expansion manufacturière bien que le rythme de croissance de la masse monétaire afin de maintenir le taux de la construction devrait s’abaisser.  Le secteur d’inflation à un niveau modéré. Cet objectif a été primaire devrait croître autour de 2-3 % par réussi puisque le taux d’inflation n’a été que de an, même si une variance existe à cause de sa 0,7% en 2016. Toutefois, à cause de l’expansion vulnérabilité aux conditions climatiques et aux rapide du crédit, notamment au Gouvernement, prix internationaux.  la BCEAO a dû réduire ses avoirs extérieurs. En partie pour cette raison, les autorités monétaires La politique monétaire et l’inflation devraient res- ont resserré leur politique en décembre 2016 ter sur leur trajectoire récente, sous l’hypothèse en durcissant les conditions de refinancement que la BCEAO conserve ses objectifs de prudence. des banques commerciales ce qui a réduit leurs Quant aux comptes externes, ils devraient s’établir liquidités et donc la croissance de leurs crédits. autour des équilibres trouvés ces dernières années Les gouvernements de la région, y compris de tant pour la balance courante que pour celle en la Côte d’Ivoire, ont rencontré davantage de capitaux.  Le niveau des réserves devrait rester difficultés à emprunter sur le marché régional au stable. début de l’année 2017.  Le véritable défi pour les autorités ivoiriennes va Sur le plan des comptes externes, la balance en surtout être de réussir leur ajustement budgétaire. compte courant s’est légèrement détériorée mais Afin d’atteindre un déficit de 3% du PIB en 2019 le principal développement porte sur la balance qui est la cible accordée au sein de l’UEMOA, des capitaux car les afflux de capitaux étrangers le Gouvernement devant réussir à corriger son n’ont pas été suffisants, occasionnant une perte déficit de 1,5% du PIB en deux ans. En effet, le de réserves de la part de la Banque centrale. déficit de l’Etat pourrait augmenter jusqu’à 4,5% Cette perte reste maîtrisée mais a justifié le du PIB en 2017 en raison des ajustements qui changement de politique monétaire décrit ci- ont dû intervenir à la suite des événements qui dessus.  Le deuxième développement qui mérite ont heurté la Côte d’Ivoire ces derniers mois. d’être mentionné concerne la baisse simultanée Le premier événement est la chute des prix du des exportations et des importations, en grande cacao qui a été en partie absorbé par l’Etat, en partie expliquée par la baisse des prix pétroliers suspendant le droit d’enregistrement sur les pendant la première partie de 2016. exportations de ce produit (équivalent à une perte de 45 milliards de FCFA). Le deuxième événement Les perspectives économiques pour la Côte est associé à la remontée du prix du pétrole et la d’Ivoire restent favorables mais une prudence décision du Gouvernement de réduire la fiscalité s’impose à cause de nombreux risques tant pétrolière afin de maintenir les marges dans le externes qu’internes. Le pays reste vulnérable secteur et d’épargner les automobilistes (soit une aux chocs extérieurs et apparait exposé à un perte qui pourrait atteindre 160 milliards de FCFA risque d’instabilité sociale et politique suite aux en 2017). Enfin, le troisième événement est lié aux revendications des militaires, en janvier puis en revendications des militaires et une partie de la mai 2017, et d’une partie de la fonction publique. fonction publique qui ont contribué à augmenter les dépenses courantes de l’Etat d’environ 0,6 % Le scénario de base prévoit une croissance du du PIB. Ces évènements qui grèvent le budget de PIB de 7,0 % en 2017 pour ensuite converger l’Etat ont été partiellement compensés par une autour de 6,5 % en 2018-19.  Les moteurs de la baisse des dépenses d’investissements sur fonds croissance devraient rester le secteur des services internes annoncée en mai 2017. Le déficit prévu (énergie, communications, transport, banques et pour 2017 sera financé en grande partie par la commerce) sous l’impulsion de l’urbanisation et nouvelle émission obligataire sur les marchés de l’intégration régionale dont la Côte d’Ivoire internationaux qui a pris place en juin 2017.  est la plaque tournante. Le secteur industriel 10 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 L’ajustement budgétaire qui est projeté en 2018 émergents est en partie expliqué par l’élimination et 2019 nécessitera un effort de mobilisation des inégalités à l’encontre des femmes. de ressources domestiques et un contrôle des Or, la Côte d’Ivoire se distingue comme un des dépenses. Cette double action devra prendre place pays du monde où les disparités à l’encontre des dans un contexte politique où la campagne pour la femmes sont les plus fortes.  Malgré des efforts prochaine élection présidentielle va se développer. législatifs, la réalité demeure que les femmes En outre, il y a aussi des risques contingents liés souffrent sur le marché du travail, en matière à la situation financière précaire du secteur de d’éducation, d’accès aux soins et du manque de l’énergie, de certaines banques publiques, et du planning familial. secteur du cacao.  Sur le marché du travail, les femmes touchent Si le Gouvernement échoue à ajuster son déficit des rémunérations en moyenne égales à la moitié budgétaire, le risque se reporterait sur le poids de celles des hommes. Si elles travaillent déjà de la dette publique et de son service dans les relativement beaucoup en dehors du foyer, c’est comptes de l’Etat, qui pourrait augmenter de surtout en raison de la pauvreté des familles qui les manière excessive.  Si le montant de la dette reste obligent à mener plusieurs activités en parallèle. raisonnable en proportion du PIB (autour de 48 % Les femmes ivoiriennes consacrent 3-4 heures par en 2016), son service (y compris l’amortissement) jour de plus que les hommes aux tâches domestiques absorbe déjà un quart du budget de l’Etat ne comme les soins aux enfants et la préparation des laissant qu’un espace réduit pour les dépenses repas. Cette multiplicité les empêche de mener à productives et sociales.  bien leur carrière professionnelle.   L’ajustement budgétaire ne se fera pas sans L’inégalité salariale entre les hommes et les compromis car il devrait réduire la contribution femmes s’expliquent par les différences en termes du secteur public à la croissance économique. d’éducation mais aussi par d’autres discriminations. Ce déclin a déjà été visible en 2016 et devrait se Par exemple, une femme ivoirienne avec le même poursuivre, même si les autorités peuvent réaliser niveau d’éducation qu’un homme a moins de des gains d’efficience en dépensant mieux. Il chance de trouver un emploi formel et, quand sera donc indispensable d’optimiser le moteur elle le peut, touche en moyenne un salaire 30 % de croissance économique que se doit d’être le inférieur. Ces inégalités se retrouvent dans la secteur privé. fonction publique où les femmes ne représentent qu’un tiers des effectifs, avec une concentration C’est dans ce contexte que doit se comprendre dans les grades inférieurs. Elles existent aussi l’opportunité pour la Côte d’Ivoire de mettre en dans le secteur privé, y compris dans les secteurs place une politique d’équité des genres.  modernes et dans l’agriculture. Un zoom sur ce dernier secteur montre que les différences de PARTIE 2 :  L’ÉQUITÉ DES GENRES PEUT AIDER LA productivité entre les hommes et les femmes CÔTE D’IVOIRE À ATTEINDRE L’ÉMERGENCE proviennent de leur accès inégal aux intrants modernes et équipements, aux financements et Si la Côte d’Ivoire parvenait à améliorer l’équité aux réseaux commerciaux. Elles s’expliquent aussi des genres, son économie pourrait bénéficier de par leur emploi du temps, trop chargé, et le plus gains de l’ordre de 6 à 8 milliards de dollars dans souvent en dehors de leur propre contrôle. le long terme, à savoir lorsque la plupart des discriminations à l’encontre des femmes seraient Dans le système éducatif, les inégalités entre résorbées.  L’enjeu en vaut donc la peine comme hommes et femmes sont flagrantes. L’écart entre l’ont montré bon nombre d’études et l’expérience les femmes et les hommes analphabètes est même internationale au cours des dernières années. Le plus grand aujourd’hui qu’il n’était au début succès des pays industrialisés et de plusieurs pays des années 1980.  Les filles continuent de moins 11 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 fréquenter l’école que les garçons, et cet écart politique familiale, car une femme mieux éduquée grandit au fur et à mesure du cursus scolaire. Si est plus à même d’éduquer ses enfants. Si plusieurs la majorité des pays africains ont atteint la parité actions sont envisageables, les programmes de des genres au niveau du primaire, cela n’est pas soutien aux adolescentes ont prouvé leur efficacité encore le cas en Côte d’Ivoire. La discrimination dans plusieurs régions du monde, y compris en à l’encontre des filles est en partie liée au choix Afrique. Plusieurs exemples sont présentés dans ce des familles de privilégier l’éducation des garçons rapport. lorsqu’elles sont confrontées à une contrainte financière. Leur choix en faveur des garçons Bien sûr la priorité donnée à l’éducation devra être correspond à leur espérance que ceux-ci vont accompagnée par des actions visant à modifier être capables de sécuriser un meilleur emploi et les comportements, notamment sur le marché du ainsi mieux pourvoir aux besoins de la famille dans travail, l’accès aux soins et en termes de planning le futur. La discrimination est aussi ancrée dans familial. Concernant les discriminations dont des réalités comme le mariage et les grossesses souffrent les femmes pour trouver un emploi, le précoces car il est estimé qu’environ 1/3 des secteur public pourrait initier une action visant adolescentes âgées entre 15 et 19 ans ont contracté à promouvoir l’équité des genres de manière à au moins une grossesse. montrer l’exemple et créer un mouvement vers le changement. L’amélioration de l’accès aux L’accès aux soins est aussi difficile pour les soins et au planning familial commence par des femmes, notamment pendant leur grossesse et campagnes d’information et un accès facilité aux leur accouchement. Comme résultat, le taux de moyens de contraception et aux soins maternels. mortalité maternelle est 10 fois plus élevé que Une progression du nombre et de la qualité du celui reporté dans les pays à revenu intermédiaire. personnel soignant s’avère aussi nécessaire. Le planning familial est déficient à cause du manque d’information et de moyens. Ceci explique Au-delà du contenu des réformes, il faudra identifier que le taux de fertilité en Côte d’Ivoire ne baisse les champions qui pourront les porter et briser les que marginalement au cours du temps et reste, résistances. L’expérience a montré que la prise de avec 4,9 enfants par femme, l’un des plus élevés conscience des hommes doit s’accompagner par la au monde. meilleure représentativité des femmes au sein des institutions, des entreprises et de leur famille. Or, Les autorités ivoiriennes devraient porter leur en Côte d’Ivoire, cette représentativité est encore attention sur une politique d’équité des genres. marginale. Si la participation accrue des femmes Pour être efficace, ce cinquième rapport argumente au sein des institutions politiques est un principe qu’une telle politique se doit d’être suffisamment acquis, force est de constater que ce principe ambitieuse en : (i) cernant le contenu des ne s’applique pas entièrement sur le terrain, réformes les plus nécessaires  ; (ii) identifiant les notamment au fur et à mesure qu’on s’éloigne du champions qui pourront porter ces réformes ; et pouvoir central. En 2017, elles constituent environ (iii) minimisant les coûts d’ajustement ou frictions 20% des Ministres (6 sur 28), mais il n’y a que 11 % qui peuvent nuire à la mise en œuvre des réformes des députés, 5 % des maires et 3% des préfets de dans la durée. régions qui ne sont pas des hommes. Il y a donc urgence à accroître la représentativité des femmes En ce qui concerne le contenu des réformes, la au sein des institutions politiques en Côte d’Ivoire priorité devrait être donnée à l’éducation. Sans pour mieux défendre leurs droits et lutter contre éducation, il est difficile de parvenir à une égalité les discriminations dont elles souffrent. des opportunités. Une bonne éducation est aussi une condition indispensable pour non seulement Au sein des entreprises, la présence des femmes trouver un emploi productif mais aussi pour dans les processus de décisions sont aussi rares. comprendre les efforts à fournir pour améliorer sa Enfin, au risque de polémiquer, le rôle des femmes santé et sa nutrition. Elle est le socle d’une bonne au sein des ménages souffre de discriminations. 12 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Au-delà du concept philosophique, d’aucuns les distances tant virtuelles que physiques avec peuvent s’accorder que la violence physique à leur l’expansion des réseaux de transports et de encontre est malheureusement une réalité encore communication. Toutes ces options visent à influer répandue dans le pays.  Elles ont aussi moins accès sur l’allocation du temps des femmes au niveau aux moyens de production, comme la terre, ce individuel mais aussi de la famille. qui nuit à leur indépendance financière et à leur participation aux décisions des ménages. Cette La deuxième friction est relative l’inélasticité discrimination est parfois un héritage culturel de l’offre de travail, en particulier du secteur ancrée dans les mécanismes de transmission formel, qui peut entrainer une hausse du chômage du patrimoine familial. Or, la participation des ou du sous-emploi et/ou une baisse des salaires femmes est importante au sein des familles. en cas d’arrivée mal maitrisée de nombreuses Lorsqu’ elles ont un plus grand contrôle des moyens femmes sur le marché du travail. Du côté de la de production, elles participent davantage aux demande, il s’agit de mieux maitriser les choix processus de décisions au sein du ménage, ce qui individuels de manière à ce que la décision se fait souvent aux bénéfices des enfants. d’arriver sur le marché du travail se fasse avec le maximum de préparation. Une femme mieux Cerner et porter l’action est indispensable pour éduquée, avec une formation adéquate, aura plus briser les barrières à l’encontre des femmes et de chances qu’une autre de trouver un emploi ainsi promouvoir l’équité des genres. Cependant, productif. Il s’agit aussi d’orienter les femmes même en cas de réussite, il est possible que des vers les filières qui ont le maximum de potentiel. entraves supplémentaires doivent être gérées le Du côté de l’offre, l’action se doit de privilégier long du chemin. L’attention est ici portée aux l’auto-emploi et les entreprises familiales qui frictions d’ordre économique, qui peuvent être au concentrent la majorité des emplois des femmes. moins de deux ordres. Les femmes-entrepreneurs souffrent du manque de reconnaissance de leurs droits, y compris du La première friction est que l’accroissement de manque d’accès aux moyens de production et la participation des femmes sur le marché du actifs. Il est aussi pertinent de développer leur travail va nécessiter un réaménagement de la accès au financement tout en leur offrant des répartition des tâches au sein des familles. Si ce possibilités de perfectionner leurs connaissances à réaménagement va en partie prendre place grâce travers des programmes d’assistance intégrés. aux changements de comportements individuels et l’évolution du contexte économique, La promotion de l’équité des genres a le potentiel l’intervention de l’Etat peut s’avérer nécessaire d’aider la Côte d’Ivoire à réussir sa transition en: (i) développant des infrastructures parallèles économique vers l’émergence mais le chemin comme des crèches ou de services domestiques à parcourir est parsemé d’obstacles. D’abord il qui permettent aux femmes (et aux hommes) de faudra fournir les efforts nécessaires pour éliminer déléguer ces tâches  ; (ii) en flexibilisant l’accès les inégalités existantes qui sont nombreuses et au marché du travail avec des règles plus souples, profondes. Ensuite, même en cas de succès, la comme l’aménagement des horaires et le temps gestion des coûts d’ajustement est nécessaire partiel ; (iii) en allégeant le travail domestique pour éviter les « retours de bâton ». Toutefois, au des femmes par des infrastructures améliorées bout du compte, il n’y a guère de doutes que le (électricité, eau potable) ; et (iv) en réduisant « jeu en vaille la chandelle ». 13 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 14 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 PARTIE 1 : L’ETAT DE SANTE DE L’ÉCONOMIE IVOIRIENNE Après avoir frôlé une croissance à deux chiffres entre 2012 et 2015, l’expansion économique de la Côte d’Ivoire semble s’être légèrement ralentie en 2016. Bien qu’avec 7,7%, le taux de croissance du PIB reste l’un des plus vigoureux sur le continent africain, cette tendance à la baisse semble se confirmer dans les premiers mois de 2017. A priori, il n’y a pas de raisons de s’alarmer outre mesure car cette baisse est La croissance la conséquence logique de la réduction graduelle des effets de rattrapage qui économique est avaient prévalu à la sortie de crise politique en 2012. Elle reflète également les projetée autour effets conjugués de chocs externes et internes qui ont frappé l’économie du pays de 7 % en 2017 pour ensuite au cours des derniers mois. Toutefois, elle exige plus de vigilance de la part des converger vers autorités qui devront donner une attention supplémentaire à la soutenabilité et à 6,5% dans le l’efficacité de leur politique budgétaire, et au besoin, accélérer les réformes visant moyen terme. à encourager l’investissement du secteur privé et la diversification de l’économie. Les perspectives de court et moyen termes restent favorables même si les risques ne sont pas à négliger. La croissance économique est projetée autour de 7 % en 2017 pour ensuite converger vers 6,5% dans le moyen terme. La croissance devrait être portée par l’essor du secteur privé, suite aux effets conjugués de meilleures infrastructures (avec par exemple la mise en fonction du barrage hydroélectrique de Soubré et des réformes dans le climat des affaires). L’inflation devrait rester maitrisée grâce à une politique monétaire prudente de la part de la BCEAO. Le Gouvernement devra maitriser ses dépenses publiques, ainsi que prolonger son effort de mobilisation de recettes, pour réduire son déficit et le contenir au maximum de la norme 3 % du PIB en 2019 convenue par les pays au sein de l’UEMOA dans le cadre de la surveillance multilatérale. Les comptes extérieurs devraient s’améliorer grâce à un regain de croissance des exportations, suite à la hausse des prix des produits agricoles (sauf le cacao) prévue sur les marchés internationaux. Pourtant, les risques sont nombreux, en particulier sur le plan domestique. Les autorités devront réussir un ajustement budgétaire ambitieux mais nécessaire dans un calendrier électoral où les prochaines élections présidentielles sont prévues en 2020. Le pays reste également vulnérable aux fluctuations des prix des matières agricoles et minérales sur les marchés internationaux. Cette première partie du rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire est organisée comme suit. Elle commence par la description des développements récents en portant surtout l’attention sur le possible ralentissement de la croissance économique en Côte d’Ivoire et ses causes, ainsi que sur la dégradation des comptes de l’Etat qui se manifeste par une augmentation du déficit budgétaire en 2016 et certainement en 2017. Elle se poursuit en examinant les perspectives de court et moyen termes pour l’économie ivoirienne qui restent positives, même en présence de risques tant externes qu’internes qu’il conviendra de gérer. Enfin, elle conclut en s’interrogeant sur les instruments à disposition des décideurs de politiques économiques afin qu’ils puissent réussir le double pari d’une croissance accélérée et inclusive, en donnant une attention particulière au rôle des femmes à travers une politique basée sur l’équité des genres. 15 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 1. LES DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS 1.1. Une croissance robuste mais qui se ralentit En 2016, l’économie ivoirienne a continué de s’accroitre à un rythme rapide, avec un taux qui a atteint 7,7% (Graphique 1). Cette performance était en tout point remarquable dans un contexte régional, voir mondial, morose puisque le taux croissance moyen du continent africain, avec 1,4 %, avait été le plus bas de ces 15 dernières années. Toutefois, ce taux de croissance marquait un ralentissement par La croissance rapport aux années précédentes, suggérant que la période de rattrapage qui a suivi économique a la sortie de crise politique en 2011, marqué par le retour des investisseurs et l’accès été portée en aux marché de capitaux, était peut-être en train de s’estomper graduellement. 2016 par ap- proximativement Graphique 1: Une croissance du PIB robuste mais qui se ralentit graduellement les mêmes sec- teurs d’activités 12 qu’en 2015, sauf 10,1 l’agriculture qui a 10 9,3 8,9 8,8 marqué le pas. 8 7,7 6 % du PIB par an 4 3,3 1,8 2 2 0 2004-8 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 -2 -4 -4,2 -6 Cote d'Ivoire ^ UEMOA Afrique sub-saharienne Source : Banque mondiale, 2017 La croissance économique a été portée en 2016 par approximativement les mêmes secteurs d’activités qu’en 2015, sauf l’agriculture qui a marqué le pas (Graphique 2). L’énergie, la construction et les mines ont reporté la plus forte expansion (supérieure à 15 %). Le secteur des services porté par le commerce, le transport, et les communications est resté dans sa dynamique positive grâce aux innovations technologiques et au rôle accru de la Côte d’Ivoire dans l’intégration régionale. Par contre, la performance du secteur primaire s’est dégradée, avec un taux de croissance quasiment nul en 2016 alors qu’il avait atteint presque 3 % en 2015. Si cette baisse traduisait en partie de mauvaises conditions climatiques lors du premier semestre, elle était aussi la conséquence de la chute du prix de plusieurs produits d’exportations pendant l’année. Par conséquent, c’est surtout l’agriculture d’exportation qui a vu une baisse de sa production notamment le café (-16.6%), le cacao (-26.5%) la noix de cajou (-7.5%) et l’ananas (-27%). Par contre, la production vivrière a augmenté en moyenne de 6 %, y compris les tubercules (+8,9%) et les céréales (+2,6%) même si la production de riz a reporté une légère baisse (-5%). Le ralentissement de la production agricole n’a pas manqué d’affecter les producteurs, mais de manière inégale car elle n’a pas été uniforme selon les produits et par conséquent les régions ainsi que le genre des producteurs. Par exemple, il y a proportionnellement moins de femmes gérant une exploitation agricole spécialisée dans les produits d’exportations (notamment le cacao) que d’hommes. 16 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Graphique 2 : Comparaison des secteurs porteurs de la croissance entre 2015 et 2016 35 30 Energie 25 Mine MInes Taux de croissance , 2016 20 La contribution 15 Secteur secondaire du secteur public Communications s’est amoindrie 10 Transports car les autorités Agriculture vivriere commerce ont réduit le taux 5 Sylviculture de croissance Agroalimentaire 0 de leurs -10 -5 0 5 10 15 20 25 30 35 investissements -5 Produits petroliers et de leur -10 Agriculture exportations consommation. Taux de croissance, 2015 Source : Gouvernement ivoirien Du côté de la demande, la performance conjuguée du secteur privé, du secteur public et du secteur externe est restée remarquable en 2016. Toutefois, les deux derniers secteurs ont progressé à un rythme moins rapide que lors des années précédentes, expliquant leur contribution moindre à la croissance économique (Graphique 3). La contribution du secteur public s’est amoindrie car les autorités ont réduit le taux de croissance de leurs investissements (de 25 à 16% entre 2015 et 2016) et de leur consommation (de 12 à 6%), à cause de la diminution de l’effort de mobilisation des ressources domestiques. Les exportations ont aussi marqué un fort ralentissement en 2016 qui sera détaillé dans la section consacrée aux comptes externes de la Côte d’Ivoire. Est-ce que le léger fléchissement de la croissance économique constaté en 2016 va-t-il se prolonger en 2017 ? Une première indication peut être fournie en examinant l’évolution de l’activité économique au cours des premiers mois de l’année 2017. L’évidence statistique n’est guère facile à rassembler car les comptes nationaux trimestriels ne sont pas publiés et il existe un fort décalage avec les résultats calculés sur une base annuelle. Afin de contourner ce problème, la littérature économique suggère d’utiliser un certain nombre d’indicateurs corrélés avec le taux de croissance du PIB contemporain ou de court terme.1 1 Pour un survol de cette littérature et son application dans le contexte africain, cf. Maxwell Opoku- Afari and Shiv Dixit, Tracking Short-Term Dynamics of Economic Activity in Low-Income Countries in the Absence of High-Frequency GDP Data, IMF working paper, WP/12/119, 2013. Il est à noter que cette approche diffère des exercices économétriques qui cherchent à déterminer le taux de croissance de l’économie dans le long-terme en fonction d’un certain nombre de variables politiques, économiques et structurelles. Pour un exemple de ce type d’approche voir, par exemple, L. Moller et F. Haille, World Development, 2017. 17 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Graphique 3 : La contribution des secteurs public, privé et externe à la croissance économique 12,0 10,3 10,0 9,1 Contribution a la croissance, % 8,0 Il devient difficile 6,0 d’argumenter 4,0 3,2 2,1 que la croissance 2,0 économique s’accélère en 0,0 Côte d’Ivoire -2,0 lorsque le crédit bancaire se -4,0 -3,3 ralentit, les -6,0 -4,7 importations Secteur prive Secteur privé Secteur public Secteur externe de biens d’équipements 2015 2016 se réduisent, Source : Gouvernement et FMI les exportations de cacao sont à la baisse, et L’application de cette méthode pour la Côte d’Ivoire nous a permis de retenir la construction quatre indicateurs qui sont non seulement fortement corrélés avec la croissance subit une décélération du PIB mais qui sont aussi produits mensuellement par les autorités ivoiriennes. rapide depuis la 2 Ces indicateurs sont les suivants : mi-2015. · Le crédit au secteur privé : si la croissance du crédit dépend en partie de la politique monétaire et budgétaire poursuivie par le pays, cette variable est fortement influencée par le taux d’activités du secteur privé. · Les exportations de cacao : ce secteur demeure stratégique pour la Côte d’Ivoire non seulement par son impact direct sur sa balance des paiements mais aussi sur les recettes de l’Etat et les conditions de vie de plus de 4 millions de personnes. · Les importations de biens d’équipement (hors biens exceptionnels). Plus les entreprises locales désirent investir, plus elles vont importer des biens d’équipements qui ne sont que rarement disponibles dans un pays comme la Côte d’Ivoire. · L’indicateur de BTP :  Comme le dit l’adage, « quand la construction va, tout va ». L’examen de ces indicateurs conjoncturels laisse penser que l’expansion de l’économie ivoirienne a continué à se ralentir pendant les premiers mois de 2017. Certes, il ne s’agit pas d’une science exacte et l’évolution de ces variables ne dépend pas uniquement du taux d’activité économique, mais il devient difficile d’argumenter que la croissance économique s’accélère en Côte d’Ivoire lorsque le crédit bancaire se ralentit, les importations de biens d’équipements se réduisent, les exportations de cacao sont à la baisse, et la construction subit une décélération rapide depuis la mi-2015. Ces tendances sont manifestes comme reflétées dans les graphiques ci-dessous. 2 Une simple analyse statistique a confirmé une forte corrélation de ces indicateurs avec l’évolution du PIB pendant la période 2010 et 2016 même s’il existe une double casualité entre la croissance économique et ces variables. La période d’observation est aussi relativement courte avec uniquement 7 observations sur une base annuelle. 18 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Graphique 4 : Le ralentissement de la croissance capté par plusieurs indicateurs conjoncturels (taux de croissance annualisés) Crédit au secteur privé Biens d'équipements hors bien Crédit au secteur privé Crédit au secteur privé Biens d'équipements hors bien Biens d'équipements hors bien exceptionnel 25% exceptionnel exceptionnel 25% 25% 120% 120% 120% 100% 20% 100%100% 80% 20% 20% 80% 80% 60% 60% 60% 40% 15% 40% 40% 20% 15% 15% 20% 20% 0% janv-14 janv-15 janv-16 janv-17 avr-14 juil-14 avr-15 juil-15 avr-16 juil-16 oct-14 oct-15 oct-16 10% 0% 0%-20% janv-14 janv-15 janv-16 janv-17 avr-14 juil-14 avr-15 juil-15 avr-16 juil-16 oct-14 oct-15 oct-16 janv-14 janv-15 janv-16 janv-17 juil-14 avr-14 avr-15 juil-15 avr-16 juil-16 oct-14 oct-15 oct-16 -20% janv-14 janv-15 janv-16 janv-17 avr-14 juil-14 avr-15 juil-15 avr-16 juil-16 oct-14 oct-15 oct-16 10% 10% -20%-40% janv-14 janv-15 janv-16 janv-17 avr-14 juil-14 avr-15 juil-15 avr-16 juil-16 oct-14 oct-15 oct-16 -40% janv-14 janv-15 janv-16 janv-17 avr-14 juil-14 avr-15 juil-15 avr-16 juil-16 oct-14 oct-15 oct-16 -40%-60% -60% -60% Cacao fèves Indicateur avancé du BTP Indicateur avancé du BTP Cacao fèves Cacao fèves 175%175% Indicateur avancé du BTP Indicateur avancé du BTP 50% 175%175% 50% 50% 40% 125% 125% 40% 40% 30% 125%125% 75% 30% 30% 20% 75% 20% 20% 10% 75% 75% 25% 10% 10% 25% 0% avr-14 avr-15 avr-16 janv-14 oct-14 janv-15 oct-15 janv-16 oct-16 janv-17 juil-14 juil-15 juil-16 25% 25% janv-14 janv-15 janv-16 janv-17 avr-14 juil-14 avr-15 juil-15 avr-16 juil-16 oct-14 oct-15 oct-16 -25% 0% -10% 0% -25% janv-14 janv-15 janv-16 janv-17 avr-14 juil-14 avr-15 juil-15 avr-16 juil-16 oct-14 oct-15 oct-16 janv-14 janv-15 janv-16 janv-17 avr-14 juil-14 avr-15 juil-15 avr-16 juil-16 oct-14 oct-15 oct-16 -10%-10% -20% -25% -25% -20%-20% Source : Gouvernement et BCEAO Une deuxième indication qui milite en faveur d’un ralentissement de la croissance en Côte d’Ivoire est que les épisodes de forte croissance ont rarement dépassé 4-5 ans (graphique 5). Chaque période d’expansion a été systématiquement suivie par des ralentissements marqués. Cette forte volatilité prouve la vulnérabilité de l’économie ivoirienne aux chocs externes (notamment le cours du cacao sur les marchés internationaux) et internes (en particulier l’instabilité politique qui a prévalu pendant les années 2000). Sur le plan international, plusieurs études ont montré que les pays qui ont réussi à maintenir un taux de croissance par habitant supérieur à 5-6% (qui serait l’équivalent à un taux de croissance du PIB autour de 7-8% pour la Côte d’Ivoire) ont été extrêmement rares au cours des dernières décennies. 3 3 Pour un examen de l’expérience internationale, cf. L. Pritchett and Summers, Asiaphoria Meets Regression to the Mean, NBER Working Paper No. 20573, October 2014. 19 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Graphique 5 : Le chemin sinueux de la croissance ivoirienne 25 4 épisodes de forte croissance depuis 1960 20 15 10 Bref, si % du PIB 5 l’expansion de l’économie 0 a été surtout 1961 1963 1965 1967 1969 1971 1973 1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 -5 quantitative avec l’expansion -10 de la politique -15 budgétaire et le retour des Source : Banque mondiale investisseurs, elle devra devenir qualitative avec Au-delà de cette première évidence statistique, le ralentissement de la des gains de croissance en 2016 puis en 2017 peut s’expliquer à la lumière de la diminution productivité tant des effets de rebond qui avaient prévalu depuis la sortie de crise politique. dans le secteur D’ailleurs, une comparaison internationale effectuée par le FMI en 2016 avait public que privé. suggéré que ces effets avaient déjà subsisté en Côte d’Ivoire plus longtemps que dans la majorité des pays qui avaient retrouvé une certaine stabilité politique. 4 Concrètement, l’espace budgétaire est en train de se rétrécir pour les autorités ivoiriennes, ce qui les force à réduire le taux d’accroissement de leurs dépenses (notamment d’investissements). Les investisseurs privés deviennent plus attentifs au climat des affaires car la concurrence augmente dans la plupart des secteurs d’activités comme cela est visible dans la stagnation du nombre de projets enregistrés par l’agence de promotion des investissements entre 2015 et 2016, après une forte croissance les années précédentes. 5 Bref, si l’expansion de l’économie a été surtout quantitative avec l’expansion de la politique budgétaire et le retour des investisseurs, elle devra devenir qualitative avec des gains de productivité tant dans le secteur public que privé. Le deuxième facteur d’explication derrière le ralentissement économique est l’émergence d’un environnement extérieur moins favorable. La baisse du prix du cacao a affecté le secteur stratégique le plus important de la Côte d’Ivoire, qui compte pour 40% de ses exportations, autour de 15% des recettes publiques et influence directement et indirectement la vie de 4-5 millions d’Ivoiriens. Cette baisse a fragilisé les producteurs car le prix bord champ a diminué de 1100 FCFA/kg à 700 FCFA/kg en avril 2017. Les exportateurs ont aussi vu leur marge se réduire, forçant les autorités à les soutenir à travers les fonds de compensation gérés par le Conseil Café-Cacao et, surtout, la suppression du droit d’enregistrement perçus sur les exportations. Le rebond du prix du pétrole a affecté négativement la filière car la Côte d’Ivoire importe la majorité de son carburant (même si celui-ci est en partie raffiné dans le pays). 4 Pour une discussion plus approfondie sur les effets de rattrapage et une comparaison internationale, cf. http://www.imf.org/external/pubs/cat/longres.aspx?sk=43954.0 5 Source : Bulletin mensuel du CEPICI, février 2017. 20 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Pourtant, l’influence de la détérioration de l’environnement extérieur ne doit pas être surestimée. En effet, la baisse du prix du cacao a été en partie absorbée par l’utilisation de contrats « futurs » par les exportateurs et devrait être presque entièrement compensée par une hausse exceptionnelle de la production en 2016/17. Au bout du compte, les recettes d’exportation du secteur cacao devraient être approximativement les mêmes en 2016/17 qu’en 2015/16. Les problèmes dans ce secteur sont sans doute plus à rechercher dans les ondes de chocs et la La baisse du prix gestion du système de commercialisation (voir encadré pour une discussion). En du cacao a été en plus, l’économie ivoirienne bénéficie de l’évolution favorable des prix pour la partie absorbée vaste majorité de ses autres produits d’exportations (Hévéa, coton, café, etc.) et par l’utilisation d’importations, ce qui s’est traduit par une amélioration de ses termes de l’échange de contrats de 17% en 2016.6 Enfin, comme la Côte d’Ivoire est aussi exportatrice de produits « futurs » par les exportateurs pétroliers raffinés, l’impact sur la balance commerciale de la hausse du prix du et devrait pétrole a été relativement neutre. Son appareil de production électrique n’est être presque que peu dépendant des importations pétrolières (justifiant la décision de ne pas entièrement modifier les prix de l’électricité depuis juillet 2016) alors que le Gouvernement a compensée jusqu’à présent opté de limiter l’impact sur le prix du carburant. Autrement dit, par une hausse la Côte d’Ivoire continue d’être impactée favorablement par les fluctuations des exceptionnelle de la production en prix internationaux, ce qui tranche fortement avec la situation qui prévaut dans la 2016/17. majorité des pays du continent africain. Les tensions sur le marché du cacao Dans un « monde parfait », la baisse des prix sur le marché international n’aurait pas dû entrainer de profonds bouleversements dans ce secteur en Côte d’Ivoire, en tout cas pas au cours de la campagne 2016/17. La première raison est que les exportateurs sont en principe protégés par l’utilisation de contrats de vente au futur dont la plupart aurait dû être négociée au début de la campagne (soit avant la chute prononcée des cours). Ensuite, la baisse des prix est en partie compensée par une récolte exceptionnelle, prévue atteindre 1,98 millions de tonnes contre 1,6 millions en 2015/16. D’ailleurs cette relation entre les prix et les quantités n’est pas totalement fortuite dans le sens que la hausse de la production en Côte d’ivoire a influencé négativement les cours mondiaux car le pays représente autour de 40 % de la production mondiale. En l’absence d’information détaillée sur la proportion des ventes qui ont été couvertes par des contrats au futur, et leur « timing », le montant des recettes totales ne peut être qu’approximatif, mais il ne devrait que varier entre la campagne 2015/16 et 2016/17 pour se situer autour de 4,8 milliards de dollars. Or, le monde du cacao n’est pas parfait si bien que la forte ainsi qu’imprévisible baisse des cours a mis en exergue plusieurs tensions le long de la filière. La première tension est liée à la situation des producteurs qui ont vu le prix-bord champ diminuer de 1100 FCFA/kg à 700 FCFA/kg au début avril 2017. Si cette baisse correspond à l’application de la formule, qui leur garantit un prix plancher au moins égal à 60 % du prix mondial, elle peut perturber les conditions de vie des producteurs dont près de la moitié vivent en dessous du seuil de pauvreté. Bien que les quantités vendues devraient augmenter en moyenne et compenser la baisse du prix, les ajustements vont certainement varier d’un producteur à l’autre. La deuxième tension a émergé de la situation des exportateurs qui ont vu leur marge diminuer à la suite de la baisse du cours mondial. Ces exportateurs doivent faire face à un certain nombre de frais fixes qui ne varient pas en fonction des prix. En plus, si les exportateurs auraient dû être protégés de la baisse des cours par l’utilisation de contrats futurs avec la mise en place du PVAM, il 6 Par exemple, entre le premier trimestre de 2016 et celui de 2017, le prix du café a augmenté de 43%, celui du coton de 26%, celui de l’huile de palme de 22%, et celui du caoutchouc de 57%. Par contre, le prix du cacao a chuté de 30 % (source : Banque mondiale, Global Economic Prospects, Avril 2017). 21 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 semble qu’un nombre excessif ait été autorisé à opérer au prix comptant (spot). Ces opérateurs se sont donc retrouvés exposés à la baisse du prix tout en ayant l’obligation d’acheter aux paysans leur production à un prix qui avait été fixé à FCFA1100 par kg avant la baisse des prix. Ce n’est qu’en avril 2017 que le prix bord-champ a été réduit. Enfin, la troisième et dernière tension provient des comptes de l’Etat. Afin de soulager la situation financière des exportateurs, le Gouvernement a opté d’éliminer le droit d’enregistrement de 5 % sur la valeur des exportations de cacao. La perte de ces recettes budgétaires est estimée autour de 45 milliards de FCFA pour le reste de l’année 2017. Il est encore trop tôt pour A la vue de ces tensions, et des pertes fiscales occasionnées, le Gouvernement a exigé la tenue d’un audit technique, financier et institutionnel de la filière. Cet audit devrait apporter une lumière sur mesurer les le fonctionnement du PVAM et l’utilisation des multiples fonds gérés par le Conseil-Café Cacao (CCC) conséquences de ainsi que l’état et l’utilisation des fonds de compensations détenus dans les banques commerciales ces évènements et le Fonds de réserves à la BCEAO. mais ils ont déjà contribué A moyen terme, si la baisse des prix du cacao sur le marché international se maintient et si la à remettre récolte revient à son niveau de 2015/16, il est certain que les recettes en provenance du cacao vont au centre de chuter de manière substantielle avec des répercussions négatives sur la balance commerciale et les l’agenda les recettes de l’Etat ainsi que sur le niveau de vie des producteurs. préoccupations autour de la redistribution des fruits de la croissance Au niveau interne, la bonne marche de l’économie ivoirienne est perturbée et de la bonne transparence par la série d’évènements qui ont pris place depuis le début d’année 2017. Les en matière de revendications financières de la part des militaires et la grève des fonctionnaires, ont gestion des rappelé que le pays restait somme toute fragile. Bien sûr des progrès conséquents ressources ont été réalisés lors des dernières années avec l’organisation d’élections et le publiques. retour d’une certaine stabilité politique et sociale, mais ces évènements récents ont créé une inquiétude croissante. Son impact sur la croissance est d’abord direct avec un ajustement du budget de l’Etat (voir section suivante) qui s’est traduit par une révision à la baisse des dépenses d’investissements et des dépenses pro- pauvres, notamment en agriculture. Il est aussi indirect sur l’activité privée, car les investisseurs ont horreur de l’incertitude ce qui peut les pousser à réduire, retarder ou même annuler leurs projets. Il est encore trop tôt pour mesurer les conséquences de ces évènements mais ils ont déjà contribué à remettre au centre de l’agenda les préoccupations autour de la redistribution des fruits de la croissance et de la bonne transparence en matière de gestion des ressources publiques. 1.2. Un taux d’inflation maitrisé grâce à une politique monétaire En 2016, la politique monétaire conduite par la BCEAO, a été prudente avec une augmentation de la masse monétaire de 12 % en alignement avec le taux de croissance du PIB. Cette politique se justifie dans un contexte où l’objectif principal des autorités monétaires est de minimiser l’écart inflationniste entre les pays de l’espace UEMOA avec la zone Euro et ainsi stabiliser le taux de change réel dans un système où la valeur de la monnaie locale est ancrée sur l’Euro. Cet objectif a été atteint en 2016 car le taux d’inflation a été en moyenne de 0,7 %, proche du taux moyen reporté au sein de la zone Euro (cf. graphique 6). En plus de la prudence de la politique monétaire, ce taux reflète le retour à la 22 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 normale des prix des denrées, qui avaient fortement augmenté entre mars et juin 2016 lorsque la production de certains produits agricoles avait été affectée par de mauvaises conditions climatiques. L’inflation modérée est aussi la conséquence de la politique gouvernementale de limiter l’impact de la hausse du prix du pétrole sur le carburant et donc les coûts de transports. Graphique 6 : Inflation maitrisée en 2016 et proche de celle reportée dans la zone Euro Ce phénomène 3,0 régional s’est 3,0 9,0% aussi reproduit en 2,5 9,0% Côte d’Ivoire où 2,5 7,0% le Gouvernement 2,0 2,0 7,0% a pu émettre 1,5 5,0% des titres sur le % Annuel 5,0% 1,5 marché régional % Annuel % Annuel 3,0% pour près de 2,8 % % Annuel 1,0 3,0% 1,0 1,0% du PIB. 0,5 0,5 1,0% 0,0 -1,0% 0,0 -1,0% -0,5 -3,0% -0,5 -3,0% Indice général hors alimentation -1,0 Indice général hors alimentation -1,0 Indice Produits Alimentaires & boissons non alcoolisées Inflation CIV Inflation Euro Indice Produits Alimentaires & boissons non alcoolisées Inflation CIV Inflation Euro Indice général Indice général Source ; Gouvernement et FMI Afin de maintenir la croissance monétaire en ligne avec le taux de croissance économique, la BCEAO a dû vendre une partie de ses réserves en monnaie étrangère afin de compenser la forte croissance du crédit domestique. Les réserves ont diminué de 9% alors que l’expansion du crédit a atteint environ 20% en moyenne pendant l’année 2016. Si le crédit octroyé au secteur privé a augmenté moins rapidement que pendant les années précédentes (+14,4% en 2016 contre plus de 20% en 2015 et 30 % en 2014), le crédit vers le secteur public a été en forte expansion. Cette rapide expansion a pris place dans tous les pays de la zone UEMOA car le faible coût du refinancement auprès de la BCEAO a encouragé les banques commerciales à utiliser ce guichet pour ensuite acheter des obligations émises par les États. Ce phénomène régional s’est aussi reproduit en Côte d’Ivoire où le Gouvernement a pu émettre des titres sur le marché régional pour près de 2,8 % du PIB (voir plus d’explications dans la section suivante consacrée au financement du secteur public). La BCEAO s’est inquiétée de ce phénomène régional car les banques se sont trouvées de plus en plus exposées en détenant une quantité grandissante d’obligations publiques dans leur portefeuille. Cette facilité d’emprunt a aussi servi à desserrer la contrainte de financement pesant sur les gouvernements, provoquant une hausse des déficits budgétaires dans toute la région. Cette double inquiétude a conduit les autorités monétaires à revoir leur politique en décembre 2016 et à augmenter le taux d’intérêt perçu au guichet de la BECAO pour le prêt marginal de 100 points de base (passant de de 3,5 à 4,5%) et fixer des limites plus strictes à l’accès à ce guichet pour les banques commerciales. Ce changement de politique s’est tout de suite traduit par un resserrement de la liquidité pour les 23 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 banques commerciales qui ont alors perdu leur appétit pour les titres publics. Bien que la BCEAO ait assoupli cette politique en mars 2017 en diminuant le coefficient de réserves obligatoires pour les banques commerciales, le marché est devenu moins liquide, ce qui a rendu plus difficile pour les gouvernements de lever des fonds dans un contexte où leurs besoins de financement restent substantiels. Le marché financier a continué de croître rapidement en 2016, grâce à Le ratio moyen l’extension des crédits octroyés au secteur privé et public, mais certains signes des fonds propres de de fragilité sont apparus. En décembre 2016, 7 banques sur 23, qui représentent 4 l’ensemble des % des actifs du système, n’observaient pas le ratio minimum de fonds propres7. Le banques est ratio moyen des fonds propres de l’ensemble des banques est aussi tombé à 8,04 aussi tombé à % fin 2016, soit seulement légèrement au-dessus de la norme de 8 % établie par 8,04 % fin 2016, l’UEMOA. Par contre, la part des prêts improductifs dans leur portefeuille a baissé soit seulement en 2016 (9%) par rapport à 2015 (10.6%). Le Gouvernement a poursuivi le processus légèrement au-dessus de de restructuration des banques publiques avec la cession de ses parts dans l’ex- la norme de 8 BIAO CI (20%) en 2016. La privatisation de BHCI (51,6%) et de Versus Bank (100%) a % établie par été annoncée et devrait intervenir avant la fin de 2017. Les problèmes de la CNCE l’UEMOA. placée sous administration provisoire depuis 2015, demeurent car ses fonds propres restent négatifs en dépit des 35 milliards FCFA injectés par le Gouvernement en 2016. Le Gouvernement devrait rapidement trouver une solution pour la CNCE qui représente un risque budgétaire notamment avec la mise en œuvre du plan de restructuration et de recapitalisation récemment adopté. 1.3. Une politique budgétaire sous pression Le déficit budgétaire s’est détérioré de plus de 1% du PIB en 2016, pour atteindre 4 % du PIB (graphique 7). Cette dégradation est expliquée par la baisse de l’effort fiscal et une hausse des dépenses, même si leur taux d’expansion a été moins rapide qu’en 2015. Le financement s’est fait en grande partie grâce à l’aide officielle et à l’emprunt sur le marché régional comme expliqué ci-dessus. Graphique 7 : Une hausse du déficit budgétaire en 2016 6000 6,0% 5000 5,0% en millards de FCFA 4000 4,0% en % du PIB 3000 3,0% 2000 2,0% 1000 1,0% 0 0,0% 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Deficit budgetaire (axe droite) Déficit budgétaire (axe droit) Depenses totales (CFA) Dépenses totales (CFA) Recettes totales (CFA) Source : Gouvernement 7 En juillet 2015, l'exigence minimale de fonds propres a été doublée, à 10 milliards de FCFA, et les banques doivent y satisfaire avant juin 2017. 24 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 L’effort de mobilisation de recettes s’est réduit en 2016 par rapport à 2015. Le taux de croissance des recettes domestiques n’a été que de 6,9 %, soit inférieur à la croissance du PIB et pratiquement trois fois moins rapide que celui observé en 2015 (cf. tableau 1). Presque toutes les catégories de recettes fiscales ont augmenté moins rapidement, notamment les droits et taxes sur les transactions commerciales à cause du déclin des importations. Les recettes non-fiscales ont chuté de près de 1 En 2016, pour point du PIB. Cette baisse est en fait le retour à la normale, après une année 2015 chaque franc exceptionnelle où les opérateurs téléphoniques avaient rempli les caisses de l’Etat dépensé par le grâce au renouvellement de leurs licences. Gouvernement, presque la moitié Tableau 1 : L’effort de mobilisation des recettes en baisse en 2016 a été utilisée pour payer le remboursement 2014 2015 2016 2015 2016 de la dette et En Milliards de FCFA En % les institutions, RECETTES DOMESTIQUES 2989.3 3634.6 3884.1 21.6% 6.9% ce qui laisse Recettes fiscales 2573.2 2954.8 3197.6 14.8% 8.2% nécessairement DGI 1335.8 1471.0 1632.8 10.1% 10.9% moins de ressources pour Impôts directs 733.9 781.0 843.7 6.4% 8.0% les dépenses Impôts sur biens et services 601.9 689.9 788.2 14.6% 14.3% productives et TVA 255.4 286.1 323.0 12.0% 12.9% sociales. Droit d'enregistrement café-cacao 38.0 86.2 128.5 126.8% 49.0% Taxes d'exploitation pétrolière 39.6 30.8 23.5 -22.1% -23.6% Autres taxes indirectes 268.9 286.6 313.2 6.6% 9.3% TRESOR 8.3 8.9 9.4 7.1% 6.1% DGD 1229.0 1474.8 1556.1 20.0% 5.5% Droits & taxes à l'importation 840.2 1011.2 1081.8 20.3% 7.0% Droits & taxes à l'exportation 325.1 387.1 392.2 19.0% 1.3% Autres 63.5 76.5 82.0 20.5% 7.1% Recettes non fiscales 416.0 679.7 531.6 63.4% -21.8% Source : Gouvernement et FMI Les dépenses publiques ont augmenté de 0,6 % du PIB en 2016 pour atteindre 23,6 % du PIB. Cette hausse s’est ralentie par rapport à 2015 car l’espace budgétaire s’est rétréci. Seules les dépenses en biens et services ont augmenté plus rapidement en 2016 qu’en 2015, et encore cet accroissement est en grande partie expliqué par un changement de classification dans le budget de l’Etat (graphique 8). En 2016, la composition des dépenses s’est modifiée avec le déplacement des dépenses d’infrastructures vers les dépenses administratives et économiques, alors que le poids des dépenses sociales, de sécurité, et du service de la dette est resté approximativement le même (graphique 9). Ce changement de composition indique une modification de stratégie avec la baisse des dépenses productives au profit de celles contribuant au fonctionnement des institutions telles que l’Assemblée nationale, la Présidence et la Primature qui comptaient pour approximativement 20 % du budget de l’Etat en 2016 contre uniquement 14% en 2015. En 2016, pour chaque franc dépensé par le Gouvernement, presque la moitié a été utilisée pour payer le remboursement de la dette et les institutions, ce qui laisse nécessairement moins de ressources pour les dépenses productives et sociales. 25 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 2,5 2,1 Enfin, le glissement des dépenses en 2 faveurs des institutions au détriment 1,5 explicitement des infrastructures ne s’est pas inscrit dans le budget approuvé Taux de croissance, % 1,3 1 par l’Assemblée Nationale mais a pris 1 place à travers l’exécution 0,7 inégale du 0,6 0,5 0,5 budget en 2016 (graphique 9). En effet,0,5 le taux d’exécution associé 0,3la dépense à 0,1 d’infrastructure n’a été que de 53% en 2016, 0 ce qui est non seulement plus bas que le taux associé aux autres dépenses mais -0,5 aussi une chute-0,3significative par rapport À la fin de 2016, Dépenses de fonctionnement Dépenses Courantes Salaires Dépenses d'investissement Dépenses totales à 2014 et 2015 quand les dépenses sur les infrastructures étaient exécutées à 87 et le stock total de 78% respectivement (graphique 9). la dette atteignait 48,5% du PIB, très inférieur à la Graphique 8 : L’expansion Graphique 9 : Le changement dans norme de 70% de des dépenses publiques s’est 2015 de la composition la dépense et la 2016 l’UEMOA. ralentie en 2016 réduction du taux d’exécution des dépenses dans l’infrastructure 2,5 2,1 100% 1 2 90% 20,0 19,6 0,9 25,1 Taux de croissance, % 1,5 1,3 80% 0,8 1 % de la depoense totale 14,0 12,5 70% 8,4 0,7 Taux execution 1 0,7 0,6 0,5 0,5 60% 10,6 11,8 11,2 0,6 0,5 0,3 0,1 50% 0,5 0 40% 26,2 27,1 29,8 0,4 -0,5 30% 0,3 -0,3 Dépenses de fonctionnement Dépenses Courantes Salaires Dépenses d'investissement Dépenses totales 20% 0,2 27,5 25,5 24,7 10% 0,1 0% 0 2014 2015 2016 Depenses administratives et economiques Depenses productives Defense, ordre et securite 2015 2016 Depenses sociales Service de la dette taux execution infrastructure Source : Ministère des Finances 100% 1 20,0 Le déficit budgétaire a été financé par 25,1 une hausse des emprunts de l’Etat sur 90%0,9 19,6 80% 0,8 le marché intérieur et régional alors que le recours au financement extérieur a % de la depoense totale 14,0 12,5 70% 8,4 0,7 Taux execution diminué. En 2016, 60% 10,6 le Gouvernement 11,8 a continué 11,2 0,6 de bénéficier de l’aide extérieure, dont la contribution 50% a toutefois diminué de 2,5% 0,5 du PIB en 2015 à 1,5% % du PIB En ce qui concerne les emprunts en 2016. 40% 26,2 27,1 29,8 0,4 concessionnels, le Gouvernement a non 30% modifié sa stratégie en privilégiant le marché0,3 régional au détriment des émissions 20% 0,2 d’Euro bonds 10% comme 27,5 cela 25,5 avait été 24,7 en 2014 et 2015. Le Gouvernement utilisé 0,1 emprunté pour plus de 2,8% du PIB sur ivoirien a 0% 0 le marché domestique et régional 2014 2015 2016 en 2016 contre seulement -0.3 % et -1.3 % du PIB en 2014 et 2015. Comme expliqué Depenses administratives et economiques opportunité semble s’être amoindrie depuis le changement de auparavant, cette Depenses productives Defense, ordre et securite politique de la BCEAO en décembre 2016, puisque le Gouvernement de la Côte Depenses sociales Service de la dette d’Ivoire a rencontré des difficultés à emprunter sur le marché régional pendant taux execution infrastructure les premiers mois de 2017. Malgré la hausse des taux d’intérêt et la baisse des maturités, les dernières émissions n’ont pas été entièrement souscrites. Les autorités ivoiriennes sont donc retournées vers le marché international en procédant à une nouvelle émission d’Euro bonds pendant le mois de juin 2017. L’évolution de la dette publique demeure soutenable en 2016. En dépit de l’augmentation des emprunts au cours des dernières années, le Gouvernement a réussi à maintenir sa dette sous contrôle. À la fin de 2016, le stock total de la dette atteignait 48,5% du PIB, très inférieur à la norme de 70% de l’UEMOA. Les risques 26 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 existent toutefois en raison du poids considérable et de la croissance de la dette non-concessionnelle (augmentation de la vulnérabilité à cause de la possible hausse des taux d’intérêts) et de l’échéance de la dette concentrée dans les années 2023- 25. Ce montant n’inclut pas les dettes accumulées par les entreprises publiques et les arriérés de l’Etat (notamment auprès des fonctionnaires pendant les années Par contre, la 2009-11) et les risques contingents associés au système financier et aux projets de bonne nouvelle partenariats publics-privés (PPP). Ces risques sont discutés avec plus de détails est que les dans la section suivante. IDE restent substantiels, avec même une 1.4. La stabilité des comptes extérieurs mais avec une perte de réserves hausse de 0,2% du PIB entre Le déficit de la balance courante s’est légèrement creusé pour atteindre 1,1 % 2015 et 2016. du PIB en 2016. Cependant, il n’a pu être entièrement financé en raison de la baisse des flux de capitaux vers la Côte d’Ivoire, ce qui a provoqué une baisse d’environ 1 % du PIB des réserves internationales (Graphique 10). Toutefois, le niveau de ces dernières restait suffisant pour couvrir environ 4 mois de la valeur des importations à la fin décembre 2016. Les montants (nets) de capitaux en direction de la Côte d’Ivoire se sont ralentis à cause de l’endettement moindre de l’Etat sur le marché international qui a préféré se financer sur le marché régional. Les prêts (nets) concessionnels ont aussi baissé en partie à cause de la hausse des montants d’amortissement. Par contre, la bonne nouvelle est que les IDE restent substantiels, avec même une hausse de 0,2% du PIB entre 2015 et 2016. Graphique 10: Le déficit de la balance courante n’a pas été entièrement financé par des afflux de capitaux en 2016 100% 1 2,0 0,6 20,0 90% 19,6 0,9 1,5 0,4 25,1 1,4 80% 0,8 1,7 1,0 1,1 0,2 12,5 1,5 70% 14,0 8,4 0,7 Taux execution % de la depoense totale 1,4 0,6 0,0 0,6 0,5 60% 10,6 11,8 11,2 0,6 % du PIB % du PIB 0,8 0,1 -0,2 0,5 0,0 50% 0,5 1,5 1,7 2013 2014 2015 2016 -0,4 1,2 -0,5 40% 26,2 27,1 29,8 0,4 -0,1 -0,2 -0,6 30% 0,3 2014 2015 2016 -1,0 -0,8 20% 0,2 -1,5 -1,4 -1,0 10% 27,5 25,5 24,7 0,1 -2,0 -1,2 0% 0 Titre de l’axe 2014 2015 2016 cessionaires (net) Dépenses administratives et economiques Dépenses productives vés (autres) Variations des réserves (axe de droite) Defense, ordre et sécurité Dépenses sociales Déficit de la Balance courante Service de la dette taux execution infrastructure Source : Banque mondiale 27 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Le compte de la balance courante s’est légèrement dégradé en 2016, reflétant une détérioration simultanée de la balance commerciale, des services et des revenus. Cependant, ces détériorations ont été marginales. Le développement le plus marquant de 2016 a été le renversement de la tendance tant des exportations que des importations qui ont baissé respectivement de 14% et 17% en 2016, alors Le développement qu’elles avaient été en hausse presque chaque année depuis 2012 (tableau 2). La le plus marquant baisse des exportations est en partie expliquée par la chute de la production de cacao de 2016 a été et des prix du pétrole lors du premier semestre de 2016, ainsi que de la contraction le renversement des ventes de certains produits transformés ; ce qui pourrait indiquer une perte de de la tendance compétitivité de la Côte d’ivoire ou une baisse de la demande globale. Du côté des tant des importations, la baisse la plus prononcée concerne les biens d’équipements, ce qui exportations que des importations peut indiquer une demande moins forte de la part des investisseurs locaux et des qui ont baissé biens intermédiaires (en partie le pétrole). respectivement de 14% et 17% Tableau 2 : Evolution des exportations et importations, taux de croissance en 2016 alors qu’elles avaient   2014 2015 2016 2017* été en hausse presque chaque EXPORTATIONS 1% 12% -14% 16% année depuis Cacao fèves 17% 38% -13% 13% 2012. Noix de cajou 176% 2% 10% -39% Pétrole Brut -33% -13% 7,2% 99% Autres Produits primaires -13% -7% 6,8% 40% Cacao transformé 19% 23% -1% -1% Produits pétroliers 9% -33% -31% 68% Autres Produits transformés 0% -1% -9% -22% IMPORTATIONS -14% 17% -17% -25% Biens de consommation 11% 14% 2% 2% Biens d'équipements -53% 82% -37% -59% Biens intermédiaires 1% -7% -23% -21% Source : Calculs de la Banque mondiale sur la base des données du Gouvernement (*) Taux de croissance sur les 2 premiers mois de l’année en comparaison de la même période en 2016. 2. LES PERSPECTIVES DE COURT ET MOYEN TERMES Les perspectives économiques de la Côte d’ivoire restent favorables dans le court et le moyen termes, avec un taux de croissance qui devrait converger autour de 6,5 % dans les prochaines années. Si ce taux est légèrement plus bas que celui réalisé depuis la sortie de crise en 2012, il demeurerait l’un des plus élevé de l’Afrique subsaharienne et serait largement au-dessus de la croissance démographique du pays. Cette trajectoire positive est toutefois sujette à des risques conjoncturels, tant internes qu’externes, qu’il faudra gérer. Elle sera aussi tributaire de la capacité du gouvernement à continuer à mettre en œuvre les réformes structurelles dont l’économie a besoin pour générer les emplois et les gains de productivité nécessaires à une croissance rapide et plus inclusive. 28 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 2.1. Scénario de base Le taux de croissance du PIB devrait atteindre environ 7,0% en 2017 pour ensuite se réduire graduellement à 6,5 % puis 6,3 % en 2018 et 2019 (Tableau 3). Cette trajectoire tient compte de l’essoufflement des effets de rebond qui avaient prévalu depuis la sortie de crise politique et la survenance de chocs extérieurs Le et domestiques, qui ont obligé les autorités à revoir leur politique budgétaire. ralentissement Elle suppose toutefois une évolution relativement positive des prix des matières des investissements agricoles sur les marchés internationaux tels que projetés par la Banque mondiale, publics devrait même si les recettes en provenance de la filière du cacao devraient diminuer en être en partie raison de l’impact de la baisse des prix qui a pris place en 2016, et des perspectives compensé par le de récoltes qui pourraient être inférieures à celle de la campagne en 2016/17.8 développement de plusieurs Tableau 3 : Les perspectives économiques, 2017-19 projets de PPP dans   2014 2015 2016 2017 (p) 2018 (p) 2019 (p) des secteurs stratégiques. Croissance du PIB (%) 8,5 9,2 7,7 7,0 6,5 6,3 Inflation (IPC, %) 0,4 1,2 0,7 1,3 2,0 2,0 En pourcentage du PIB Solde budgétaire -2,2 -2,9 -4,0 -4,5 -3,7 -3,0 Solde du compte courant 1,4 -0,6 -1,1 -2,6 -3,0 -3,0 Dette publique 44,8 47,8 48,3 48,4 46,6 44,6 Source: Banque mondiale, Mai 2017. La croissance économique ivoirienne devrait continuer à être portée par le secteur des services, avec l’expansion prévue de la production de l’énergie et de la demande soutenue pour les transports, les communications et la finance stimulée par le processus d’urbanisation et le rôle de la Côte d’Ivoire comme plaque tournante dans les échanges régionaux. Le secteur industriel devrait aussi continuer à croitre sous l’impulsion de la politique gouvernementale visant à encourager la transformation des produits agricoles (notamment la noix de cajou et le cacao), alors que la contribution de la construction devrait légèrement diminuer à la suite des ajustements nécessaires que le Gouvernement devra faire dans son programme d’investissements. Le ralentissement des investissements publics devrait être en partie compensé par le développement de plusieurs projets de PPP dans des secteurs stratégiques. La croissance du secteur agricole devrait rester en moyenne autour de sa moyenne historique, soit 2-3 % entre 2012 et 2016, même si ce secteur reste vulnérable à des chocs extérieurs et climatiques comme cela a été expérimenté par la filière du cacao. Le taux d’inflation devrait rester en dessous de 2% entre 2017 et 2019, soit en deçà de la cible fixée au sein de l’UEMOA. Ce taux correspond à la politique monétaire prudente qui devrait caractériser la conduite de la BCEAO dans les court et moyen termes. 8 Selon la Banque mondiale : Global Economic Prospects, avril 2017, l’évolution des prix sur les marchés internationaux devrait être la suivante entre 2017 et 2019 : cacao (+5%) ; café (-1%) ; huile de palme (+3 %) ; coton (+4.3) et caoutchouc (+1%). 29 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Le Gouvernement devra réussir un ajustement graduel du déficit budgétaire de 1,5% entre 2018 et 2019 pour atteindre l’objectif communautaire de 3% du PIB. Cet ajustement sera nécessaire à la suite de la hausse du déficit à 4,5% du PIB prévue en 2017. Cette dégradation est la conséquence du ralentissement de la hausse de l’effort fiscal, notamment à travers la décision des autorités de suspendre le droit d’enregistrement sur les exportations de cacao (équivalent à Afin de parvenir une perte de 45 milliards de FCFA en 2017) et de réduire la fiscalité pétrolière à l’objectif d’un déficit budgétaire (voir encadré). Elle s’explique aussi par le besoin de financer les revendications de 3 % du PIB salariales et le paiement d’arriérés suite à l’accord passé entre les autorités et les en 2019, le forces militaires ainsi qu’une partie de la fonction publique pendant le premier Gouvernement trimestre 2017 (ces besoins sont estimés autour de 0,6% du PIB). Ce scénario de devra fournir un base suppose que ces développements sociaux n’auront plus d’impact financiers effort conséquent au-delà du budget de 2017. Afin de parvenir à l’objectif d’un déficit budgétaire pour accroitre son espace de 3 % du PIB en 2019, le Gouvernement devra fournir un effort conséquent pour budgétaire à accroitre son espace budgétaire à travers une plus forte mobilisation des recettes travers une et un meilleur contrôle des dépenses publiques en 2018 et 2019. Cet effort devra plus forte inclure une rationalisation des exonérations fiscales et une meilleure identification mobilisation des des contribuables afin de réduire l’évasion fiscale. Au niveau des dépenses, les recettes et un autorités devront chercher des gains d’efficience en réduisant les gaspillages et meilleur contrôle des dépenses en cherchant à mieux exploiter les partenariats avec le secteur privé, dont le publiques en rôle devrait s’accroitre non seulement pour les infrastructures mais aussi pour les 2018 et 2019. services de santé et d’éducation. Les pertes fiscales dûes aux décisions de politique économique dans le cacao et la filière énergétique Secteur cacao : La baisse du prix du cacao sur les marchés internationaux a affecté la situation de nombreux exportateurs ivoiriens. Ceux-ci ont vu leurs marges diminuer, même si le prix bord- champ a été réduit de 1,100 à 700 FCFA/kg en avril 2017. Afin d’aider les exportateurs tout en accordant 60% du prix international aux producteurs, le Gouvernement a suspendu le droit d’enregistrement de 5% perçu sur la valeur des exportations. Cette suspension entraine une perte fiscale d’environ 45 milliards de FCFA pour l’Etat en 2017. Secteur énergétique : Le prix du pétrole est remonté sur les marchés internationaux au cours des 12 derniers mois. Ce prix est passé de 30 USD le baril en janvier 2016 a pratiquement 50 dollars en mai 2017. Cette remontée aurait dû affecter le prix du carburant car la Côte d’Ivoire est un importateur de pétrole. Les autorités ont préféré épargner les automobilistes et les transporteurs en laissant le prix du carburant inchangé, sauf pour un ajustement temporaire de 4 % du prix de l’essence super début mai 2017. L’ajustement a été de baisser la fiscalité pétrolière (niveau de taxation inférieure) ce qui pourrait entrainer une perte de revenus équivalente à environ 160 milliards de FCFA en 2017 (en supposant aucun ajustement des prix pendant le reste de l’année). 30 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 En termes de financement des comptes de l’Etat, le Gouvernement devrait recourir à une combinaison d’emprunts concessionnaires et non- concessionnaires. Le montant des prêts concessionnaires et des dons devrait rester au niveau observé lors des deux dernières années (soit environ 2% du PIB), alors que les emprunts non concessionnaires devaient augmenter en 2017 pour ensuite se réduire en fonction de l’ajustement budgétaire projeté en 2018 et 2019. En juin 2017, le Gouvernement est retourné sur le marché international avec l’émission d’un tirage d’Euro bonds, en partie pour palier à la difficulté de lever des fonds sur le marché régional. En juin 2017, le Gouvernement est retourné En raison des prévisions favorables en termes de croissance économique et de sur le marché la capacité du Gouvernement à réduire son déficit, le risque d’endettement international excessif de la Côte d’Ivoire, tel qu’évalué par la Banque mondiale et le FMI, avec l’émission reste modéré. Le niveau de la dette publique devrait rester au-dessous de 50 % d’un tirage d’Euro et diminuer en 2018 et 2019, avec des besoins de refinancement modestes dans les bonds, en partie années à venir car la structure de la dette existante est relativement de long terme. pour palier à la difficulté de lever Toutefois, le service de la dette publique (y compris amortissement) absorbe déjà des fonds sur le ¼ des dépenses du Gouvernement ce qui est au-dessus du niveau de 20% considéré marché régional. comme raisonnable par le FMI. Les risques resteront maitrisés tant que la politique budgétaire restera dans les contours projetés ci-dessus et que les taux d’intérêts régionaux et internationaux demeureront dans les limites raisonnables. Au niveau des comptes extérieurs, une légère détérioration du déficit de la balance courante est prévue pour les années à venir. D’une part, les exportations devraient se maintenir à leur niveau dans la mesure où la baisse des ventes de cacao devrait être compensée par la hausse prévue des prix de la plupart des autres exportations traditionnelles, et l’effort de diversification en cours, notamment au sein de l’industrie agro-alimentaire. D’autre part, les importations devraient s’accroitre au rythme du taux de croissance de l’économie et des besoins en équipements du secteur privé. Bien entendu, ces projections restent tributaires des variations des prix sur les marchés internationaux, des volumes de récoltes (notamment pour le cacao) et de la demande globale. 2.2. Les risques à maitriser Le scénario de base proposé ci-dessus suppose que le pays ne sera pas affecté par des chocs majeurs tant externes qu’internes et que, si ceux-ci interviennent, ils puissent être gérés par les autorités ivoiriennes. Afin de simplifier la présentation, quatre catégories de risques sont distinguées : (i) externes ; (ii) climatiques ; (iii) politiques ; et (iv) budgétaires. Si chacune de ces catégories capte des risques majeurs, elles sont aussi étroitement liées et peuvent se renforcer l’une à l’autre. Par exemple, un accroissement des incertitudes politiques peut entrainer une hausse des dépenses publiques et ainsi déstabiliser la situation budgétaire. Cette déstabilisation peut à son tour aggraver les risques politiques. Les conditions climatiques peuvent se dégrader, affectant la production agricole, qui pourraient alors augmenter la pression sur la dépense publique. 31 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 La théorie économique nous enseigne qu’une petite économie ouverte telle que la Côte d’Ivoire est exposée aux chocs externes, qui par nature sont en dehors du contrôle direct du Gouvernement. Pour la Côte d’Ivoire, les fluctuations des prix des matières agricoles et minérales sont un facteur important car son commerce extérieur est fortement dépendant de ses produits. L’exemple récent de Le départ la baisse du prix du cacao illustre ce risque, car ce produit compte pour près de 40 des troupes % des exportations du pays. Fort heureusement elle a pris place dans un contexte des Nation- où la récolte a été exceptionnelle et où les prix des autres produits d’exportations Unies (total en juin 2017) sont à la hausse. Toutefois, le risque demeure que la production agricole (y compris démontre aussi de cacao) soit affectée par des changements climatiques et que les prix des autres l’amélioration produits repartent à la baisse. Le deuxième choc extérieur pourrait provenir des de la sécurité. marchés de capitaux avec le renchérissement des coûts des emprunts tant sur Toutefois, les le marché régional qu’international.9 Au niveau régional, la BCEAO a modifié sa revendications politique monétaire ce qui a déjà contribué à renchérir le coût des emprunts. des militaires et celles de la L’éventuel resserrement de la politique monétaire américaine pourrait engendrer fonction publique une nouvelle hausse des taux d’intérêts internationaux, y compris pour les pays en début 2017, émergents même si la dette de la Côte d’Ivoire semble avoir été passablement ont rappelé épargnée jusqu’à présent. Enfin, le troisième choc externe est lié à la situation que la situation sécuritaire avec notamment la menace terroriste qui peut affecter à tout moment restait fragile. les pays de la sous-région. La Côte d’Ivoire avait d’ailleurs été touchée par un attentat qui s’est produit à Grand-Bassam en mars 2016. Le risque climatique est présent pour la Côte d’Ivoire. L’agriculture ivoirienne est vulnérable à la pluviométrie et aux vents du désert. Par exemple, la force de l’Harmattan avait perturbé les récoltes au début de lannée 2016 et provoqué une flambée des prix (heureusement temporaire) de plusieurs produits alimentaires dans les villes du pays. Avec une agriculture qui compte pour 25 % du PIB et qui emploie encore la moitié de la force de travail, le moindre changement dans la production agricole aura des répercussions sur la sécurité alimentaire et le revenu des ménages. Bien que la Côte d’Ivoire ait retrouvé une stabilité politique et sociale, les risques ne sont pas totalement absents. Depuis 2012, le Gouvernement a réussi à organiser plusieurs élections et la réforme de la Constitution ce qui prouve que les mécanismes démocratiques se sont améliorés au cours des dernières années. Le départ des troupes des Nation-Unies (total en juin 2017) démontre aussi l’amélioration de la sécurité. Toutefois, les revendications des militaires et celles de la fonction publique début 2017, ont rappelé que la situation restait fragile. Si les autorités ont trouvé un accord pour mettre un terme à ses revendications, d’autres mouvements peuvent surgir à un moment où il est prévu que la croissance se ralentisse, et que le calendrier politique s’accélère avec l’organisation des élection présidentielles prévues en 2020. Le Gouvernement devra poursuivre une politique budgétaire prudente pour maintenir une trajectoire de dette soutenable au cours du temps. Après l’augmentation du déficit budgétaire en 2016 et 2017 et par conséquent du montant total de la dette, les autorités devront procéder à un ajustement équivalent à 1,5% du PIB dans les deux prochaines années. Cet effort conséquent devra prendre place 9 A ce risque peut s’ajouter le risque de change si le dollars américain continue à s’apprécier par rapport à l’Euro. 32 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 dans un contexte où la croissance économique est prévue se ralentir et la campagne politique pour les prochaines élections devrait s’intensifier. La tentation pourrait alors être grande de dépenser plus, alors que l’accent devrait être sur comment dépenser mieux. La recherche d’efficience dans l’utilisation des fonds publics, notamment au niveau des passations de marchés publics, doit retenir l’attention des autorités. Ces actions ne sont pourtant pas sans risques car percevoir plus Tous ces risques d’impôts et mieux contrôler les dépenses ne se fait pas sans affecter des groupes financiers qui importants qui peuvent alors résister et conduire au renoncement des réformes. Il émergent à faudra, en outre, suivre avec attention, l’évolution de la composition des dépenses la périphérie publiques car celles-ci doivent continuer à privilégier les secteurs productifs et de l’Etat sociaux (alors que la tendance inverse est apparue en 2016). représentent un fardeau potentiel pour le budget de Enfin, le resserrement de la politique budgétaire devra s’opérer dans un contexte l’Administration où la dette des entreprises publiques (y compris de certaines banques) et les centrale. risques contingents pour l’Etat ont augmenté. En effet, la situation financière du secteur énergétique reste préoccupante avec le besoin de rééchelonner la dette accumulée par les entreprises publiques opérant dans le pétrole (en particulier la Société Ivoirienne de Raffinage -SIR) et l’électricité. La société d’électricité (CI-Energie) a aussi accumulé des arriérés à hauteur d’environ 200 millions de dollars avec ses fournisseurs (en particulier les producteurs indépendants) ; ce qui nuit au bon fonctionnement du secteur et ainsi réduit l’appétit des investisseurs privés potentiels dans ce secteur stratégique. Une des causes derrière la montée de ces arriérés est le non-paiement des factures d’électricité par de nombreux consommateurs car le taux de recouvrement des factures a baissé de manière substantielle en 2016, atteignant seulement 85%. Le risque a aussi augmenté dans le secteur financier où la restructuration de la CNCE et l’UNACOOPEC (qui est sous tutelle de l’Etat) ont tardé à se mettre en place.10 Enfin, les tensions qui sont apparues dans le secteur cacao (décrites dans l‘encadré) montrent que le gouvernement pourrait être forcé à intervenir à plusieurs niveaux, au-delà de la suppression (temporaire) de la taxe d’enregistrement perçue sur les exportations. Tous ces risques financiers qui émergent à la périphérie de l’Etat représentent un fardeau potentiel pour le budget de l’Administration centrale. 3. DE POTENTIELLES CHAMPIONNES POUR LE DÉVELOPPEMENT : LES FEMMES Le défi pour les autorités ivoiriennes est d’identifier de nouveaux moteurs de la croissance économique, au moment où celle-ci semble se ralentir. Ces moteurs devront non seulement maintenir le pays sur une trajectoire de croissance accélérée mais aussi parvenir à un meilleur partage des fruits de cette dernière. En effet, le rapide taux de croissance observé entre 2012 et 2015 n’a réussi à diminuer la pauvreté que de 51% à 46%. Le défi de mieux partager la croissance ne répond pas seulement à un besoin social ou humanitaire mais aussi économique et politique. Il est économique car l’amélioration de vie des plus démunis devient un instrument de politique économique en permettant de stimuler tant la demande que l’offre globales. Par exemple, si le revenu des plus pauvres augmente, ils vont alors dépenser plus et 10 Par exemple, le gouvernement a déjà versé 65 milliards de FCFA pour soutenir la CNCE qui a toujours des fonds propres négatifs. 33 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 ainsi stimuler l’économie.11 Du côté de l’offre, cette augmentation de revenu va leur permettre d’investir dans l’éducation et du capital physique et générer des gains de productivité. Ce défi est politique parce que les inégalités économiques alimentent les tensions politiques. Les récentes revendications financières des militaires et de la fonction publique peuvent en partie s’expliquer par une distribution inégale des bénéfices de la croissance au cours des dernières années. L’attention des Si le Gouvernement ivoirien a pris des initiatives pour améliorer la situation des dirigeants de ménages les plus pauvres à travers une politique sociale (comme l’éducation pour la Côte d’Ivoire tous et une couverture de santé universelle) et la construction d’équipements devrait donc et de logement, ces initiatives prennent du temps pour véritablement impacter porter sur la le bien-être de ménages. Force est de rappeler que le meilleur moyen pour création d’emploi à travers l’essor réduire la pauvreté et parvenir à une prospérité partagée reste de promouvoir la du secteur privé. création d’emplois productifs. En effet, l’expérience montre que les pays, qui ont réussi à baisser leur taux de pauvreté, ont aussi reporté une croissance du revenu associé au travail.12 Les ménages qui parviennent à sécuriser un emploi sont ceux qui parviennent à sortir durablement de la pauvreté. Au-delà d’une politique de protection sociale de qualité, le gouvernement se doit donc de rechercher les moteurs qui permettront d’améliorer les revenus de la majorité des Ivoiriens. Parce que le recours à une politique budgétaire active semble limité dans les années à venir, sauf en ce qui concerne la recherche de gains d’efficience, l’accent devra être mis sur les réformes structurelles qui permettront de libérer les forces productrices et innovatrices au sein des entreprises tout en encourageant la création de nouvelles initiatives. L’attention des dirigeants de la Côte d’Ivoire devrait donc porter sur la création d’emploi à travers l’essor du secteur privé. Une discussion sur une telle stratégie avait été présentée dans le deuxième rapport sur la situation économique de la Côte d’Ivoire en distinguant les actions possibles sur les entreprises formelles et informelles. Le troisième rapport avait mis l’accent sur le besoin de développer le marché financier domestique, alors que le quatrième avait montré le rôle de la politique éducative à travers son impact sur le capital humain.13 Dans cette vision, une opportunité existe à travers la mise en œuvre d’une politique d’équité des genres. L’expérience historique a montré tant dans les pays aujourd’hui industriels qu’émergents, que le développement économique est généralement accéléré et mieux partagé avec une meilleure équité des genres. Si la relation entre ces deux variables va certainement dans les deux sens, de nombreuses études ont montré qu’une meilleure équité des genres était un instrument de politique économique efficient. 11 Cf. par exemple, H. Lopez et L. Serven, Too poor to grow?, Banque mondiale. 12 Gabriela Inchauste, João Pedro Azevedo, Sergio Olivieri, Jaime Saavedra, and Hernan Winkler, When Job Earnings Are behind Poverty Reduction, Banque mondiale, November 2012. 13 Les précédents rapports sur la situation économique en Côte d’Ivoire sont disponibles sur le site de la Banque mondiale : www.banquemondiale/cotedivoire.org 34 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Pour cette raison, la mise en œuvre d’une véritable politique d’équité des genres pourrait devenir une priorité pour le gouvernement ivoirien. La deuxième partie de ce rapport est donc consacrée à cette problématique en cherchant à répondre aux questions suivantes : (i) Quel serait l’apport des femmes à la croissance économique si le pays parvenait à une équité des genres ? (ii) Quelles sont les principales discriminations à l’encontre des femmes aujourd’hui en Côte d’Ivoire ? (iii) Quelles seraient les réformes à mettre en œuvre pour parvenir à une meilleure équité des genres ? 35 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 36 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 PARTIE 2 : COMMENT L’ÉQUITÉ DES GENRES PEUT AIDER LA CÔTE D’IVOIRE ? Dans la course vers l’émergence, les femmes ivoiriennes ont un rôle décisif à jouer. Ce rapport montre que, si elles travaillaient autant que les hommes en dehors de leur foyer avec les mêmes salaires, leur apport à l’économie nationale pourrait dépasser 6 milliards de dollars. Déjà, en 1955, Arthur Lewis (prix Nobel d’Economie) écrivait « qu’un des moyens les plus évidents pour accroitre le revenu national d’un pays est de créer des sources d’emplois pour les femmes en dehors de leur foyer ».14 Depuis, il suffit de surfer sur Google pour trouver que la Banque Les femmes ivoiriennes mondiale, le FMI et de multiples organisations gouvernementales et privées ont mis souffrent de en évidence tous les bénéfices associés à une politique d’équité du genre.15 nombreuses inégalités. Par Bref, la question aujourd’hui n’est plus tellement d’argumenter pourquoi exemple, une l’équité des genres est devenu un outil de développement économique mais adolescente plutôt de comprendre pourquoi cette politique n’est pas embrassée avec plus ivoirienne a deux fois moins d’enthousiasme par la Côte d’Ivoire qui était classée par les Nations-Unies au de chances 171ème rang sur 188 pays dans son indice sur l’équité des genres en 2015 de terminer (Graphique 11)16. Les femmes ivoiriennes souffrent de nombreuses inégalités. Par son éducation exemple, une adolescente ivoirienne a deux fois moins de chances de terminer son secondaire qu’un éducation secondaire qu’un garçon. Une femme, même avec un niveau d’études garçon. identique qu’un homme, trouve plus difficilement un emploi salarié, et son salaire est en moyenne 30% inférieur. Beaucoup de femmes (10 fois plus que dans les pays à revenus intermédiaires) meurent de complications durant leur grossesse ou accouchement à cause de soins insuffisants.   Le manque de progrès de la Côte d’Ivoire sur le chemin de l’équité des genres peut s’expliquer par la prévalence de la pauvreté et l’instabilité politique ainsi qu’économique. Par exemple, une famille qui fait face à une contrainte financière a plus de réticence à investir dans l’éducation de ses filles si celles-ci ne vont pas être en mesure de trouver un travail dans le futur. Toutefois, cette explication reste incomplète car plusieurs pays pauvres et instables ont reporté des progrès notoires comme le Rwanda, le Burundi et l’Ethiopie. Tous ces pays devancent la Côte d’Ivoire dans l’indice de l’équité des genres. La deuxième explication est que les discriminations envers les femmes sont ancrées dans de nombreux facteurs économiques, sociaux et culturels qui ne sont pas faciles à changer. Par exemple, les adolescentes abandonnent en partie leurs études parce que leurs familles n’ont pas toujours les moyens financiers mais aussi parce que 1/3 d’entre elles tombent enceintes avant l’âge de 19 ans. Les mécanismes d’héritages traditionnels favorisent le plus souvent le mari et sa famille au détriment de l’épouse. 14 A. Lewis, The Theory of Economic Growth, 1955 15 Parmi ces études, il convient de citer : Banque mondiale, Rapport du Développement dans le monde : Egalité des genres et développement, 2012 ; FMI, Women, Work, and the Economy : Macroeconomic Gains from Gender Equity, 2013 ; et McKInsey, How advancing women’s equality can add $12 trillion to global growth, Septembre 2015. 16 La Côte d’Ivoire se classe également au plus bas dans les indicateurs sur l’équité du genre proposés par le World Economic Forum (136eme sur 144 pays) et la Banque Africaine de Développement (43eme sur 52 pays africains). 37 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 La troisième et dernière explication est que le chemin vers l’équité des genres peut créer des frictions. Par exemple, la vie familiale, y compris la répartition des tâches ménagères, est transformée lorsque les femmes quittent leur foyer pour exercer une activité professionnelle. En outre, l’émergence des femmes sur le marché du travail, si elle augmente le revenu des familles, peut engendrer un surplus de main d’œuvre qui peut réduire le niveau moyen des salaires dans le pays et pousser ceux qui ont déjà une occupation vers un emploi plus précaire ou vers le chômage. Ces frictions, si elles sont ignorées ou mal gérées, peuvent mener à des La vie familiale, y compris la résistances et briser l’élan. répartition des tâches Graphique 11: La Côte d’Ivoire est l’un des pays au monde avec le moins ménagères, est d’équité des genres et la situation n’a guère évolué au cours de la dernière transformée décennie lorsque les femmes quittent 0,9 leur foyer 0,8 Indice de l'équité des genres, 2015 Côte d'Ivoire pour exercer 0,7 Yemen une activité professionnelle. 0,6 0,5 Ethiopie 0,4 Kyrgystan 0,3 0,2 Suede 0,1 0 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 Indice de l'équité des genres, 2005 Source : Nations-Unies Cette deuxième partie du rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire commence par rappeler pourquoi une politique d’équité des genres permettrait à la Côte d’Ivoire d’atteindre l’émergence dans un avenir pas si lointain. Elle poursuit en identifiant les principales entraves à l’équité des genres, passant successivement en revue la situation des femmes sur le marché du travail, dans l’éducation, et la santé. Enfin, elle conclut en proposant un agenda d’actions possibles qui combinerait les effets positifs attendus dans le moyen et long terme tout en gérant les frictions dans le court terme. 1. POURQUOI UNE POLITIQUE D’ÉQUITÉ DES GENRES CONTRIBUERAIT AU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE LA CÔTE D’IVOIRE ? Si l’émergence est définie comme l’atteinte d’un revenu par habitant qui permet de réduire la pauvreté, une plus grande équité entre les hommes et les femmes devrait aider la Côte d’Ivoire à réussir son ambition. La théorie et l’expérience économiques ont montré qu’une plus grande équité envers les 38 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 femmes constitue un catalyseur indéniable pour une croissance accélérée et partagée.17 Les disparités persistantes entre les hommes et les femmes dans l’accès aux actifs humains, économiques et sociaux ralentissent la croissance économique et réduisent l’efficacité des politiques visant à la réduction de la pauvreté. Par exemple, le FMI a récemment estimé que la croissance économique par habitant en Afrique Sub-Saharienne pourrait s’accélérer de 0,9 % par an si elle parvenait au même niveau d’équité des genres que dans les pays émergents de l’Asie. 18 D’autres travaux empiriques ont aussi montré qu’une amélioration dans l’équité des genres Les disparités persistantes réduisait les inégalités économiques.19 entre les hommes et les femmes Une politique d’équité des genres pourrait apporter à la Côte d’Ivoire des dans l’accès aux gains qui pourraient atteindre entre 6 et 8 milliards de dollars dans le long actifs humains, terme (Graphique 12). Ils seraient égaux à environ 6 milliards de dollars si la économiques Côte d’Ivoire parvenait à réduire les écarts entre le taux de participation et les et sociaux ralentissent salaires des hommes et des femmes aux niveaux constatés dans les pays africains la croissance qui enregistrent aujourd’hui les plus faibles écarts (Malawi, Rwanda, Tanzanie). économique Ils atteindraient 7,7 milliards de dollars si la Côte d’Ivoire parvenait à la situation et réduisent qui prévaut dans les pays qui enregistrent la plus grande équité des genres de par l’efficacité des le monde (Finlande, Vietnam, Norvège). Sur ces 7,7 milliards, environ 4 milliards politiques visant proviendraient de la hausse de la participation des femmes au marché du travail (y à la réduction de la pauvreté. compris les heures) puis de l’égalisation de leurs salaires avec ceux des hommes. A terme, ils seraient complétés par l’émergence d’un certain nombre d’effets induits sur les comportements qui à leur tour produiraient des gains de productivité. Si les femmes travaillent plus en dehors de leur foyer, leur taux de fertilité va baisser et elles vont investir davantage dans leur éducation et santé ainsi que celle de leur famille.20 Plusieurs études récentes ont mesuré que l’impact de la baisse de la fécondité et de ses effets induits sur la croissance économique en Afrique de l’Ouest pourrait atteindre entre 5 et 10% du revenu national, soit environ 3 milliards de dollars supplémentaires pour la Côte d’Ivoire. 21 Cet exercice de simulation reste approximatif mais il sert à situer l’enjeu. Il ne prend pas en compte la valeur monétaire des travaux domestiques (cf. encadré). Il est aussi basé sur l’hypothèse que l’écart de productivité entre les femmes et les hommes puissent être réduits, ce qui ne pourrait se réaliser que dans le long terme à la vue des nombreuses discriminations qui existent aujourd’hui en Côte d’Ivoire.Il suppose aussi que la réduction de écarts ne créera pas de coûts d’ajustement ou que ceux-ci seront maitrisés et disparaitront dans le long terme. En d’autres termes, le principal message est qu’une politique d’équité des genres possède le potentiel à travers ses effets mécaniques et induits de transformer la vie des Ivoiriens dans le long terme, mais que sa mise en œuvre demandera des efforts conséquents car il conviendra de s’attaquer aux nombreuses et diverses discriminations que subissent les femmes ivoiriennes comme cela est décrit dans la section ci-dessous. 17 Pour un résumé de cette littérature, cf. Banque mondiale, Rapport du Développement dans le monde, op. cit. 18 Cf. FMI, Inequality, Gender Gaps and Economic Growth: Comparative Evidence for Sub-Saharan Africa, IMF Working Paper, African Department, WP/16/111. Septembre 2016. 19 Catalyst for change : empowering women and tackling income inequality, IMF Staff Discussion Note, 2015. 20 Pour plus de details, cf. D. Bloom, D. Canning, G. Fink, et J. Finlay, Fertility, Female Labor Participation, and the Demographic Dividend, NBER working paper, N. 13583, Novembre 2007. 21 Voir par exemple, D. Canning, M. Karra, et J. Wilde, A Macrosimulation of the Effect of Fertility on Economic Growth: Evidence from Nigeria, Septembre 2014. Q. Ashraf, D. Weil, et J. Wilde, The Effect of Fertility on Economic Growth, Octobre 2012. 39 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Graphique 12 : L’équité des genres pourrait générer presque 8 milliards de dollars en Côte d’Ivoire si toutes les inégalités étaient réduites aux niveaux des pays les plus performants dans le monde En milllions de US dollars 2 262,49 1 659,57 827,23 2 871,29 Gains en Gains si les Gains associés aux Gains en réduisant femmes effets sur les supposant que l'inégalité des salaires de travaillent le comportements les hommes et 49,8% en 2015 a 15%. même nombre équivalents à 10 % les femmes ont le même taux de d'heures que de la productivité participation, les hommes totale du travail en soit 77,8%. heures de 2014 travail Note : Sur les bases des données officielles de 2014, les salaires des femmes sont égaux à 125 dollars par mois, alors que ceux des hommes à 240 dollars, ce qui correspond à un écart de 50%. En ce qui concerne les taux de participation, celui-ci est égal 64 % pour les femmes contre 78 % pour les hommes. Il est considéré que les femmes travaillent en moyenne 2 heures par jour de moins que les hommes en dehors du foyer. Les simulations reportées dans le graphique supposent que la Côte d’Ivoire parviendrait à réduire ses écarts aux niveaux de ceux observés dans les pays du monde avec les plus faibles inégalités. Toutes ces relations sont supposées être linéaires, quel que soit le niveau des écarts. La comptabilité du travail ménager Les femmes s’occupent de la plupart des tâches ménagères. Cela est vrai en Côte d’Ivoire autant que dans la plupart des pays à travers le monde. Le rapport de la Banque mondiale (2012) estime que les femmes travaillent environ 3 à 4 heures par semaine de plus que les hommes dans les tâches ménagères et cela dans des pays avec des niveaux de développement et des structures économiques, politiques, sociales et politiques différenciées. Or, aujourd’hui, le travail ménager n’est pas inclut dans la comptabilité nationale même s’il est parfois incorporé dans un compte satellite. Une des raisons derrière cette exclusion est que ce travail reste difficile à évaluer monétairement car il comprend diverses tâches (préparer un repas, balayer la cour, aider un enfant à faire ses devoir, etc.) qui varient énormément d’un ménage à l’autre. La mesure monétaire de ces activités ne peut se faire qu’en approximant leur coût d’opportunité (le revenu que pourrait recevoir les femmes en travaillant en dehors du foyer) qui n’est qu’un palliatif à une mesure directe. Il n’en reste pas moins que le travail ménager n’est pas gratuit et que son exclusion contribue à surestimer les bénéfices associés à une augmentation du taux de participation des femmes sur le marché du travail en dehors de leur foyer. Afin de corriger cette anomalie, plusieurs chercheurs ont estimé le revenu associé aux travaux ménagers en montrant que ceux-ci pouvaient compter pour 20 à 30 % du revenu national dans 40 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 des pays comme le Mexique et le Brésil. En appliquant cet ordre de grandeur à la Côte d’ivoire, l’effet net engendré par la politique d’équité des genres se réduirait donc à environ 3-4 milliards de dollars – ce qui resterait bien entendu plus que respectable. Source: G. Donehower, Women’s Economic Activity and the Demographic Dividend, presentation at workshop on the Demographic Dividend, Indonesia, January 2016. La Constitution ivoirienne du 8 novembre 2016 consacre le 2. LES INÉGALITÉS À L’ENCONTRE DES FEMMES EN CÔTE D’IVOIRE principe d’égalité entre homme et La problématique de l’équité des genres n’a pas été ignorée par les décideurs femme. politiques en Côte d’Ivoire. La Constitution ivoirienne du 8 novembre 2016 consacre le principe d’égalité entre homme et femme. Avec l’adoption de la Loi du Mariage en 2012, les femmes ivoiriennes ont en principe les mêmes droits que les hommes pour choisir le lieu de résidence de leur famille et pour inclure leurs enfants dans leur déclaration fiscale. Le gouvernement a aussi développé plusieurs stratégies nationales visant à renforcer le rôle de la femme, à commencer par le document de politique nationale sur l’égalité des chances, l’équité et le genre adopté en 2009 puis par la Stratégie nationale de lutte contre les Violences Basées sur le Genre en 2012.22 Ces changements légaux et politiques n’ont pas encore eu un impact significatif sur la vie quotidienne de la plupart des femmes ivoiriennes. Les écarts de genres restent flagrants sur le marché de l’emploi, dans le système éducatif et dans l’accès aux soins de la santé. 23 Ces discriminations se complètent et renforcent les inégalités. Par exemple, des femmes moins éduquées ont tendance à avoir plus d’enfants et sont par conséquents moins aptes à exercer un métier en dehors de leur foyer. A son tour, leur capacité d’épargne et d’investissement est réduite, ce qui nuit à l’éducation et la santé de leurs enfants. Ces effets pernicieux peuvent donc se transmettre d’une génération à l’autre. Bien que la Côte d’Ivoire présente des écarts en matière d’équité des genres dans pratiquement tous les domaines de la vie économique et sociale, une double comparaison avec la situation en Afrique Sub-saharienne et dans les pays à revenus intermédiaires permet d’illustrer d’emblée les principales inégalités. 22 Bien que le cadre légal en matière d’équité des genres se soit sensiblement amélioré en Côte d’Ivoire, il reste encore des lacunes qu’il convient de combler. Pour un survol, voire http://wbl.worldbank.org/ data/exploreeconomies/côte-divoire/2015#wbl_ui. 23 Les inégalités entre les hommes et les femmes sont aussi maintenues par une certaine incompatibilité du droit positif avec le droit coutumier. 41 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Tableau 4: Les principales entraves à l’équité du genre en Côte d’Ivoire à la lumière de la comparaison régionale et internationale Vert= plutôt mieux par rapport à ses comparateurs ; Orange= plutôt moins bien par rapport à ses comparateurs ; Rouge= retard significatif par rapport aux comparateurs Pays à revenu Côte Afrique intermédiaire d’Ivoire subsaharienne dans le monde Enfin, les Ecart sur le marché du travail femmes ont une plus grande Ecart participation entre hommes et 13 20 16 propension à être femmes (%) 1/ au chômage que Différentiel salarial (%)1/ 50 20-30 25-30 les hommes. Ecart dans l’éducation Parité à l’inscription primaire (1 = parité)2/ 0.87 0.93 0.99 Parité dans le secondaire (1= parité)2/ 0.71 0.81 1.01 Parité dans le tertiaire (1=parité)2/ 0.58 0.73 1.12 Ecart dans la santé et accès au planning familial Taux de mortalité maternelle (%) 2/ 6.45 5.47 0.49 Taux de fertilité chez les adolescentes 136 100 22 (15-19 ans, (pour milles)2/ Usage de méthodes contraceptives (%) 3/ 20.4 28.4 81.8 Source: 1/ World Economic Forum; 2/ World Development Indicators; 3/ World Health Organization 2.1. Les inégalités sur le marché du travail Les femmes ivoiriennes souffrent sur le marché du travail. Elles travaillent moins que les hommes en dehors de leur foyer et touchent des rémunérations qui sont moins importantes. Même si ces écarts ne se situent pas dans les extrêmes que l’on retrouve, par exemple au Moyen-Orient ou en Asie du Sud, leur situation reste préoccupante et éloignée de celle qui prévaut dans les pays reportant une faible discrimination (graphique 13). Une des raisons qui explique pourquoi la discrimination à l’encontre des femmes n’est comparativement pas si grande en Côte d’Ivoire est que, les femmes en âge de travailler sont relativement actives. Leur taux de participation était égal à 64% en 2015. Ce taux élevé, reflète en partie l’étendue de la pauvreté dans le pays car le travail rémunéré des femmes devient une obligation et non plus un choix pour les ménages les plus pauvres. C’est pourquoi l’écart entre les hommes et les femmes n’était que de 13 % en 2015 alors que la moyenne mondiale se situait autour de 22%.24 Toutefois, les femmes ivoiriennes actives travaillent en moyenne environ 4 heures de moins par jour que les hommes en dehors de leur foyer et les différences sont particulièrement marquantes pour la catégorie d’âge entre 25 et 55 ans, c’est-à-dire après les études et avant la retraite. Enfin, les femmes ont une plus grande propension à être au chômage que les hommes (9,4 % contre 4,5 %). 24 Source : Banque mondiale, Vers de meilleurs emplois et l’inclusion productive : Un diagnostic de la situation de l’emploi en Côte d’Ivoire, 2017. Pour une comparaison internationale, cf. FMI, Women, Work, and the Economy: Gains from Gender Equity, 2013. 42 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Graphique 13: Les discriminations à l’encontre des femmes sur le marché du travail dans une perspective internationale 90 Salaire (écart hommes/femmes), en % Côte d'Ivoire 80 70 Arabie Saoudite 60 Maurice Dans le cas de Turquie 50 la Côte d’Ivoire, Nepal 40 l’âge précoce -20 -10 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 du mariage et 30 des grossesses contribue Moyenne mondiale Namibie 20 Rwanda certainement à 10 réduire le choix 0 pour les jeunes femmes, qui Taux de participation (écart hommes/femmes, en %) doivent souvent Source : World Economic Forum, 2016 abandonner leurs études ou renoncer La véritable discrimination à l’encontre des femmes ivoiriennes est dans leurs à exercer rémunérations, qui sont en moyenne égales à la moitié de celles touchées par une activité les hommes. Selon les statistiques nationales, une femme reçoit en moyenne professionnelle. un salaire mensuel de 94,000 FCFA (soit 152 dollars) alors que celui d’un homme avoisine 141,000 FCFA (soit 240 dollars). Cet écart salarial peut choquer mais il se situe dans la moyenne en Afrique et reste relativement éloigné de ceux observés dans les pays avec les plus fortes discriminations comme la Turquie (95%), les Philippines (88%), et l’Inde (75%). Les inégalités à l’encontre des femmes sur le marché du travail sont causées par la combinaison de contraintes dans la gestion de leur temps et dans leur accès difficile à certains types d’emplois. Les femmes participent moins au marché du travail car elles sont simplement davantage occupées que les hommes dans les tâches ménagères. Presque partout dans le monde, quel que soit le niveau de développement économique, les femmes consacrent 1 à 3 heures par jour de plus que les hommes à s’occuper des tâches ménagères, entre 2 et 10 fois plus de temps à prendre soin des enfants et entre 1 et 4 fois moins d’heures sur le marché du travail. Bien sûr, il reste à déterminer si cette allocation de leur temps est volontaire ou le reflet de choix imposés par la société. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, l’âge précoce du mariage et des grossesses contribue certainement à réduire le choix pour les jeunes femmes, qui doivent souvent abandonner leurs études ou renoncer à exercer une activité professionnelle. Les femmes ont moins facilement accès à des emplois productifs que les hommes, car elles travaillent presque toutes dans des entreprises, souvent petites et informelles, faiblement productives et donc relativement peu rémunératrices. Cette proportion atteint 90%, alors qu’elle n’est que de 68 % pour les hommes. Cet écart est encore plus grand dans les zones urbaines où 52 % des hommes occupent un emploi salarié dans une entreprise formelle ou le secteur public contre seulement 26,4 % pour les femmes. Les femmes sont aussi moins présentes dans la fonction publique, qui est relativement bien rémunérée (encadré). 43 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Les femmes dans la fonction publique en Côte d’Ivoire Le rôle marginal des femmes ivoiriennes dans l’emploi formel se retrouve dans la fonction publique où, en 2015, elles ne représentaient que 31 % des effectifs. Cette proportion n‘était qu’en légère hausse par rapport à 2009 (28%). Non seulement les femmes sont largement sous-représentées, mais elles touchent des rémunérations qui sont en moyenne 33% inférieures à celles des hommes. Ces écarts salariaux reflètent en grande partie la grille hiérarchique de la fonction publique où les hommes sont environ 3,5 plus nombreux que les femmes dans la catégorie A. Pour les Les femmes emplois moins qualifiés (catégorie D), l’écart se rétrécit puisque les hommes n’y sont qu’1,4 plus sont aussi nombreux que les femmes, avec même plus de femmes dans la dernière catégorie (D2). systématiquement écartées de postes Source : Gouvernement de la Côte d‘Ivoire, Annuaire de la fonction publique (2009-2015). à responsabilité dans des secteurs, ou au sein des entreprises, La concentration des femmes dans des emplois informels peut être la conséquence comme dans d’un choix délibéré car ces formes d’emplois leur procurent davantage de la finance, flexibilité.25 Cependant, leur difficulté à accéder à des emplois productifs est l’immobilier et le souvent liée à leur niveau d’éducation qui est moindre que celui des hommes. Bien secteur public. que cette question soit traitée plus en profondeur dans la prochaine section, il suffit ici de remarquer que le niveau moyen d’éducation des femmes est de 7,8 ans contre 9,8 ans pour les hommes. Cet écart se traduit, selon la Banque mondiale, part une plus grande difficulté à trouver un emploi et par une perte salariale estimée entre 6 et 12%.26 Au-delà de l’écart en matière d’éducation, les femmes ivoiriennes souffrent de discriminations supplémentaires sur le marché du travail. Même avec le même niveau d’éducation et âge, elles ont deux fois moins de chances qu’un homme de travailler dans un emploi salarié.27 En plus, elles touchent un salaire 30 % inférieur. Les femmes sont aussi systématiquement écartées de postes à responsabilité dans des secteurs, ou au sein des entreprises, comme dans la finance, l’immobilier et le secteur public. Rares sont aussi les femmes qui dirigent des entreprises puisque sur les 800 entreprises enregistrées au sein du CEPICI entre janvier et mai 2013, seules 15% étaient dirigées par des femmes. L’expérience internationale a pourtant montré qu’une diversité des genres permettait d’accroître la productivité de l’économie et des entreprises.28 Il n’y a pas de raisons de penser que ces résultats ne s’appliquent pas aussi aux entreprises opérant dans les pays africains. 25 Par exemple, les femmes sont plus amènes que les hommes à rechercher des emplois qui offrent des arrangements flexibles (comme des emplois à mi-temps) afin de mieux les combiner avec leurs tâches domestiques. Toutefois, parce que ces types d’emplois sont souvent moins bien payés et offrent des opportunités d’ascension moins rapide, la concentration des femmes dans ces positions réduit leurs incitations à participer au marché de l’emploi tout en renforçant leur manque de productivité. 26 Banque mondiale, Diagnostic sur l’emploi : op.cit. 27 Source : Banque mondiale, op. cit. 28 Le lien entre l’équité des genres et la performance des entreprises est corroboré par une série d’études portant sur plusieurs pays industrialisés. Par exemple, il a été montré que les entreprises du 500 Fortunes avec une plus grande représentativité de femmes dans leur Conseil d’Administration performent mieux que les autres (avec un rendement sur leurs actifs en moyenne supérieur de 53%). Une autre étude menée par les Universités de Maryland et de Columbia confirmé ce résultat pour un échantillon plus large de compagnies sur les 15 dernières années. En Europe les compagnies avec une plus grande représentativité de femmes dans leur direction et leur conseil d’Administration ont vu leur rendement supérieur de 10% par rapport à celles qui avaient le moins de femmes. 44 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Les femmes sont aussi moins productives que les hommes car elles ont moins accès à certains actifs (comme la terre) et au financement externe. Au niveau national, seules 12% des femmes possèdent un compte bancaire auprès d’une institution financière, alors que ce ratio atteint 18 % pour les hommes. En ce qui concerne la terre, les statistiques montrent aussi des écarts significatifs comme cela est démontré pour le monde agricole dans la section suivante. Zoom sur le secteur agricole : Pourquoi les femmes sont-elles moins productives ? 29 Les discriminations à l’encontre des femmes sur le marché du travail ivoirien sont Seules 8% particulièrement visibles dans le monde agricole. A titre de rappel, les femmes des femmes constituent près de 40 % de l’emploi dans ce secteur et nombreuses sont celles détiennent un qui gèrent une exploitation familiale ou sont même propriétaires d’un terrain. Les titre foncier ou ménages dirigés par une femme constituent environ 15% des ménages qui vivent de une attestation l’agriculture en 2016. de vente contre 22 % pour les hommes. Or, les femmes ivoiriennes produisent, par hectare, considérablement moins que les hommes. En 2008, cet écart de productivité atteignait environ 60% entre les parcelles qui étaient gérées par les hommes et celles par les femmes. Approximativement le même écart était obtenu en séparant les parcelles dont les propriétaires étaient des hommes de celles détenues par des femmes. 30 Il se réduisait à 43% en différenciant les parcelles qui étaient exploitées par des ménages agricoles dont les chefs de famille étaient des hommes de ceux dirigés par des femmes. Ces écarts sont considérables car ils se trouvent dans le haut de la fourchette des estimations obtenues sur un échantillon de pays africains. 31 L’étude récente conduite par la Banque mondiale sur la Côte d’Ivoire a montré que l’écart de productivité agricole entre les femmes et les hommes est expliqué par : • Sécurité foncière : Seules 8% des femmes détiennent un titre foncier ou une attestation de vente contre 22 % pour les hommes. La différence, cependant, s’amenuise lorsque le droit coutumier est pris en compte. Le manque de sécurisation foncière moderne est un frein à l’accès au crédit et la constitution d’un marché foncier transparent et fonctionnel. • Type de cultures : Les exploitations agricoles sous la responsabilité des hommes sont davantage orientées vers les cultures d’exportations, qui sont plus productives. Seulement 8 % des ménages qui produisent des cultures d’exportations ont une femme pour chef de ménages. En outre, l’écart de productivité entre hommes et femmes est grand pour les cultures vivrières (34 % en 2016 contre 17% pour les cultures d’exportations). 29 Cette section reflète les principales conclusions de l’analyse menée par A. Donald, G. Lawin et L. Rouanet, Les inégalités hommes-femmes dans l’agriculture, premier secteur d’activités ivoirien, Banque mondiale, mai 2017. 30 Toutes ces mesures d’écart de productivité sont conditionnelles dans le sens qu’elles prennent en compte la taille des parcelles ainsi plusieurs variables socio-économiques ; pratiques agricoles, et facteurs productifs. 31 O'Sullivan, Michael; Rao, Arathi; Banerjee, Raka; Gulati, Kajal; Vinez, Margaux. 2014.  Levelling the field improving opportunities for women farmers in Africa. Washington DC; World Bank Group. http://documents.worldbank.org/curated/en/579161468007198488/Levelling-the-field-improving- opportunities-for-women-farmers-in-Africa. 45 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 • Utilisation d’intrants : En 2016, les femmes-agriculteurs utilisaient 1,9 et 1,7 fois moins d’engrais et de pesticides que les hommes. • Utilisation de main d’œuvre : Les exploitations féminines emploient en moyenne 4,3 personnes contre 5,2 pour les hommes. Cet écart vaut aussi bien pour l’utilisation de la main d’œuvre familiale, que pour la main d’œuvre rémunérée et l’utilisation des groupes de travail réciproque. • Caractéristiques du chef de ménage comme, par exemple, le niveau d’éducation et l’âge du chef de famille. Les femmes sont désavantagées en En 2016, ce qui concerne le niveau d’éducation mais avantagées pour l’âge, car bon les femmes- nombre de ménages dirigés par une femme le sont par une veuve – qui est agricultrices souvent relativement vieille et expérimentée. utilisaient 1,9 et 1,7 fois moins L’écart de productivité agricole entre les hommes et les femmes chefs de d’engrais et de ménage a diminué de 43% à 24 % entre 2008 et 2016 (malheureusement les pesticides que les hommes. mesures par le genre du gestionnaire ou du propriétaire ne sont pas disponibles pour 2016). 32 Cette réduction, en examinant l’évolution des variables identifiées ci-dessus, est surtout expliquée par l’augmentation de l’utilisation d’intrants par les ménages dirigés par les femmes qui est elle-même liée à une politique déterministe du gouvernement basée sur une meilleure information ainsi qu’un accès facilité au financement pour les femmes. En 2016, ces ménages utilisaient 3 fois plus d’engrais chimiques qu’en 2008. Ils se sont aussi davantage dirigés vers les cultures d’exportations, qui sont plus productives. Enfin, la réduction de l’écart de productivité est dûe à la diminution de la taille moyenne des parcelles détenues par les ménages dirigés par une femme de 5 à 2,5 hectares car des rendements décroissants sont associés à la taille de l’exploitation agricole en Côte d’Ivoire, comme d’ailleurs dans la plupart des pays africains et asiatiques. Par contre, la taille des parcelles détenues par les ménages dirigés par des hommes est restée autour de 8,5 hectares entre 2008 et 2016. La réduction de l’écart de productivité agricole entre hommes et femmes montre que la politique gouvernementale commence à porter ses fruits. Cet effort doit continuer car, malgré tout, cet écart reste substantiel et plusieurs directions seront discutées dans la dernière section de ce rapport. 2.2. Les inégalités en matière d’éducation Les femmes ivoiriennes souffrent de discriminations majeures et persistantes dans le système éducatif et d’apprentissage. La parité éducative entre filles et garçons est moindre en Côte d’Ivoire qu’elle ne l’est en moyenne en Afrique sub- saharienne (graphique 14). Plus grave, les progrès réalisés au cours de la dernière décennie ont été plus lents que dans des pays comme le Sénégal et le Burkina Faso. En raison de ce manque de dynamisme, la population féminine continue de présenter un taux d’alphabétisation moins élevé (30 % en 2012) que les hommes (51%) et cet écart est même plus grand qu’il n’était en 1988. 32 Pour 2016, l’enquête Nationale sur la Situation de l’Emploi et le Secteur Informel (ENSESI 2016) menée entre Mai et Août 2016 a été utilisée. Les données de l’enquête ENSESI ont été collectées par l’Institut National de Statistique de Côte d’Ivoire (INS) avec l’assistance technique de la Banque mondiale auprès d’un échantillon aléatoire de 10 392 ménages dont 4 529 sont agricoles. L'enquête est représentative à l'échelle nationale et des zones agro-climatiques du pays. 46 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Graphique 14 : La Côte d’Ivoire à la traine en Afrique dans la parité éducative entre garçons et filles 1,1 Sénégal 1 Burkina Lesotho Parité scolaire 2014-15 Afrique 0,9 Subsaharienne Benin 0,8 Guinée Côte d'Ivoire Les inégalités 0,7 augmentent 0,6 aux niveaux secondaire et 0,5 tertiaire, au- 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 1,1 1,2 delà de ce qui Parité scolaire 1995-99 est constaté en moyenne dans Source : Banque mondiale, World Development Indicators, 2017. les autres régions Note : La parité éducative est définie comme le ratio du taux d’enregistrement des garçons à l’école primaire et secondaire par rapport aux taux d’enregistrement des filles à l’école primaire et secondaire et même dans de nombreux pays africains. Si, aujourd’hui la parité commence à poindre au niveau de l’inscription de l’enseignement primaire, la Côte d’Ivoire reste l’un des pays au monde où la parité n’a pas encore été atteinte (graphique 15).33 Les inégalités augmentent aux niveaux secondaire et tertiaire, au-delà de ce qui est constaté en moyenne dans les autres régions et même dans de nombreux pays africains. 34 Il est à noter que dans la plupart des pays du monde, y compris parmi les plus pauvres, les filles sont généralement plus nombreuses à fréquenter le niveau universitaire que les garçons. Graphique 15: La parité du genre est loin d’être atteinte dans le système éducatif ivoirien, 2014 90 Taux inscription primaire 80 Taux achèvement Les garcons sont avantagés primaire 70 60 Taux achèvement secondaire (1er Garcons 50 cycle) 40 30 Taux inscription 20 tertiaire Les filles sont avantagées 10 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 Filles Source : Banque mondiale, WDI, 2016 33 2/3 des pays avait atteint cette parité en 2012 selon la Banque mondiale. Banque mondiale, World Development Report, 2012. 34 Pour les données historiques sur la Côte d’Ivoire, cf. Capital humain et développement : La moitié oubliée, A. Ouerghi, 2015. 47 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 L’inégalité à l’encontre des femmes est dûe à des facteurs non seulement économiques mais aussi culturels et sociologiques. Sur un plan économique, éduquer un enfant coûte cher pour une famille. Même si les frais de scolarité sont faibles (tout au moins dans le système public), il faut prendre en compte l’ensemble des coûts de transports et d’opportunité car, par exemple, une adolescente peut travailler dans les champs ou à la maison plutôt que d’aller à l’école. A cela, il faut ajouter que pour de nombreuses familles le gain de garder leur enfant à Face à une l’école ne se traduit pas forcement par des opportunités d’emplois beaucoup plus contrainte financière et grandes. En effet, le rendement du système éducatif est relativement réduit en la perspective Côte d’Ivoire.35 Face à une contrainte financière et la perspective de gains futurs de gains limités, nombreuses sont les familles ivoiriennes qui retirent leurs enfants de futurs limités, l’école. Le taux d’abandon augmente au cours du cycle scolaire et touche plus nombreuses particulièrement les filles. sont les familles ivoiriennes qui retirent leurs Ce choix de conserver les garçons plutôt que les filles au sein du système scolaire enfants de est en partie rationnel dans la mesure où le chef de famille cherche à optimiser l’école. le revenu actuel et futur de l’ensemble du ménage. Parce que l’espérance de sécuriser un meilleur emploi est plus grande pour les garçons que les filles (comme cela a été mis en évidence dans la section précédente), il devient logique de garder les premiers à l’école. Ce phénomène d’exclusion des filles est d’ailleurs plus prononcé dans les familles démunies. Au-delà de la décision financière, ce phénomène d’exclusion des filles du système éducatif est exacerbé par des comportements pénalisants, comme les mariages ainsi que les grossesses précoces.36 Les mariages et les grossesses précoces sont largement répandus puisqu’un tiers des filles entre 15 et 19 ans déclarent avoir eu au moins une grossesse. Si elles n’abandonnent pas toutes l’école, elles accusent presque toutes du retard et de la difficulté à suivre les cours.37 2.3. Les inégalités dans le système de santé et l’accès au planning familial Presque 5 femmes ivoiriennes sur 100 meurent de complications pendant leur grossesse ou leur accouchement, soit 10 fois plus que dans les pays à revenus intermédiaires. Si elles vivent en moyenne plus longtemps que les hommes (55,9 contre 53,7 ans), elles ont moins accès à des soins de qualité. Moins de la moitié des femmes enceintes déclarent avoir rendu visite à un centre de santé. Si presque 60% d’entre elles ont accouché dans un de ces centres, ce taux reste plus bas que la moyenne en Afrique et fort éloigné de ceux atteints dans les pays à revenu intermédiaire. Même dans les centres, les soins sont souvent insuffisants, notamment à cause du nombre réduit de personnel soignant et de leur formation inadéquate. Il n’y a que 5 infirmières et sages-femmes par million d’habitants en Côte d’Ivoire ! 35 Pour plus de détails, cf. Banque mondiale, Quatrième rapport sur la situation économique de la Côte d’Ivoire, Le défi des compétences, février 2017. 36 Il existe certainement une double causalité dans le sens que les adolescentes abandonnent leurs études en raison de mariage et de grossesses précoces, mais ces derniers évènements sont aussi plus fréquents lorsqu’elles abandonnent leurs études. 37 Source : Ministère de l’Education Nationale. Les grossesses en milieu scolaire en Côte d’ivoire, septembre 2016. 48 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Un aspect positif est que les enfants de sexes masculin et féminin sont traités équitablement par leur famille en matière d’accès aux soins sanitaires. Il n’existe pas de différences significatives de genres quant aux taux de vaccinations et les filles (en dessous de 5 ans) souffrent moins de déficiences alimentaires que les garçons. Par contre, les filles adolescentes restent exposées aux violences physiques et psychologiques comme l’excision qui touche plus de 70 % d’entre elles dans les régions du Nord, de l’Ouest et du Nord Est (contre environ 1/3 à Abidjan). Le taux de Le taux de fertilité, s’il baisse à 4,9 enfants par femme, demeure l’un des plus grossesse chez élevés du monde à l’instar de ce qui est observé en Afrique de l’Ouest. Le taux les jeunes filles atteint 30 %, de grossesse chez les jeunes filles atteint 30 %, uniquement dépassé par le Niger, le uniquement Mali, la Guinée, l’Angola et le Mozambique. Une des causes est que la politique de dépassé par le planification familiale ne reste qu’embryonnaire. Les campagnes d’information et Niger, le Mali, les moyens mis à la disposition des femmes restent insuffisants et se heurtent à des la Guinée, obstacles culturels. La proportion de la population qui utilise des moyens contraceptifs l’Angola et le reste faible avec uniquement 18 % des femmes déclarant en utiliser (ce taux diminue Mozambique. à 12% pour l’usage des contraceptifs modernes), ce qui est extrêmement bas même par rapport aux pratiques régionales. En plus, 27 % des femmes considèrent que leur besoin en contraceptifs n’étaient pas remplis en 2012.38 3. QUELLES SONT LES PISTES POUR L’AVENIR ? L’équité des genres est un objectif social et politique dans la mesure ou tout être humain doit être responsable de ses propres décisions. En plus, elle est aussi pertinente pour un pays comme la Côte d’Ivoire qui désire accroître sa productivité et réussir son développement économique. Les femmes qui comptent pour plus de la moitié de la population ivoirienne reste un facteur de production sous-utilisé et peuvent donc devenir un instrument de politique économique décisif dans les années à venir. Ce rôle des femmes a été bien compris par les pays qui ont réussi leur transition, comme les pays d’Asie de l’Est. Pour la Côte d’Ivoire, l’agenda doit être ambitieux mais aussi réaliste et applicable. Dans cette vision, les autorités ivoiriennes doivent chercher à répondre aux trois questions majeures que nous pouvons qualifier comme le CCC. · Que faut-il changer ? Le contenu (C) des réformes doit être défini pour réussir à amener davantage d’équité des genres en Côte d’Ivoire.  · Qui doit changer ? Les champions (C) du changement doivent être identifiés pour guider les réformes et, surtout, les mettre en œuvre. · Comment changer ? La gestion du changement (C) est centrale pour minimiser les frictions et ainsi réduire les risques de résistance et même un retour en arrière. Le «CCC» est décrit plus en détails ci-dessous mais, avant de commencer, il est utile de préciser que les réponses à chaque question ne sont guère aisées car elles doivent tenir compte de nombreux facteurs économiques mais aussi sociologiques, culturels et politiques. Cette complexité impose humilité et flexibilité dans le sens 38 Source : Banque mondiale : Gender statistics database, http://databank.worldbank.org/data/reports.aspx?source=Gender%20Statistics 49 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 que les suggestions proposées doivent être interprétées comme des idées pour stimuler la réflexion qui pourront être ajustées ultérieurement et non pas comme des prescriptions.  3.1. C comme contenu Une politique d’équité des genres se définit souvent comme une politique qui garantit les mêmes opportunités économiques aux femmes et aux hommes pour qu’indifféremment de leur genre ,chaque personne puisse optimiser son Selon ce revenu et ainsi contribuer au bien-être tant individuel que collectif. Or, ces principe, il faut opportunités ne sont pas les mêmes actuellement en Côte d’Ivoire, principalement alors investir de manière parce que des discriminations notoires existent à l’encontre des femmes.  identique entre Bien que les discriminations soient multiples et diverses, le point de départ les femmes et est certainement de s’attaquer à celles qui existent dans le domaine de les hommes l’éducation. En effet, le bagage éducatif est essentiel pour que chacun et chacune pour que chacun puissent trouver un bon emploi et parvenir à combler ses besoins ainsi que ceux de ces groupes de sa famille. Une femme mieux éduquée peut aussi mieux se soigner et se nourrir puisse choisir son emploi ainsi que mieux s’occuper de ses enfants. 39 Enfin, il existe une forte corrélation du temps et entre éducation et baisse du taux de fertilité, qui permet de générer ce qui est sa carrière communément appelé « le dividende démographique ». professionnelle. Au-delà de ces bénéfices croisés, la principale justification économique pour une politique de parité éducative est d’améliorer l’allocation des ressources au sein du pays. Selon ce principe, il faut alors investir de manière identique entre les femmes et les hommes pour que chacun de ces groupes puisse choisir son emploi du temps et sa carrière professionnelle. Un argument supplémentaire pour accroitre l’éducation en faveur des femmes est que les gains espérés devraient être plus élevés car leur niveau actuel d’éducation est relativement plus bas que celui des hommes. L’existence de rendements décroissants justifierait donc une attention accrue à l’éducation des filles. Enfin, un dernier argument est qu’en augmentant le niveau d’éducation des femmes, les bénéfices sont répercutés sur les enfants et donc se transmettent d’une génération à l’autre. Bref, la parité éducative a été au centre de la stratégie poursuivie par la plupart des pays qui ont réussi leur émergence (OECD 2012).40 Or, malgré tous ces arguments, le système éducatif en Côte d’Ivoire continue à être biaisé à l’encontre des filles qui n’y trouvent pas les mêmes opportunités que les garçons. Le Gouvernement a conscience de cette réalité et des efforts ont été entrepris ces dernières années. Ils doivent être intensifiés car atteindre l’équité des genres dans le système scolaire prend du temps et ses effets sur le marché du travail s’inscrit dans la durée. Il faut en effet compter une décennie pour qu’une nouvelle génération d’enfants achève son cycle scolaire et rejoigne la force de travail. 39 Une étude sur 219 pays sur la période allant de 1970 à 2009 a estimé que pour chaque année d’éducation supplémentaire pour les femmes en âge de reproduire, le taux de mortalité infantile se réduisait de 9.5 %. Guido et al, Increased Educational Attainment and its effects on child Mortality in 175 countries between 1970and 2009: A systematic analysis, The Lancet, 376, 2010. 40 OECD, Gender Equality in Education, employment and Internship, Final report to the MCM 2012, 50 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 L’expérience internationale suggère plusieurs pistes d’interventions possibles, qui sont en partie complémentaires. Premièrement, parce que la décision au sein du noyau familial a tendance à favoriser l’éducation des garçons (qui sont plus susceptibles de pourvoir aux besoins du groupe car ils trouvent en moyenne des emplois mieux rémunérés que les filles), l’octroi d’incitations financières peut s’avérer efficace. Par exemple, les frais d’inscription scolaires peuvent être réduits pour les jeunes filles. Les familles peuvent aussi recevoir des sommes d’argent à condition que leurs filles soient inscrites et fréquentent l’école pendant Au bout du l’année scolaire. Ces transferts conditionnels ont eu des retombées positives en compte, le Amérique Latine dans des pays comme la Colombie, l’Equateur, le Mexique et principal message est que le Nicaragua. Plus récemment, au Malawi, des transferts d’argent relativement la mise en place modestes ont contribué à augmenter l’inscription des filles et à réduire leur taux d’incitations de redoublement.41 En outre, une année après l’introduction de ce programme, financières, les filles dont les familles avaient reçu ces transferts ont vu leur probabilité de même modestes, tomber enceinte chuter de 30%. Enfin, la réduction des frais de transports est peut encourager apparue comme un moyen efficace, soit en rapprochant les écoles du foyer, soit en les familles à garder leurs subventionnant le transport scolaire. Au bout du compte, le principal message est filles au sein que la mise en place d’incitations financières, même modestes, peut encourager les du système familles à garder leurs filles au sein du système éducatif.42 éducatif. Deuxièmement, il est particulièrement utile de cibler les adolescentes. Non seulement elles souffrent de nombreuses discriminations mais toute action réalisée pendant cet âge charnière aura des retombées importantes sur leur rôle futur de mère et de femme et donc pour l’ensemble de la société. Au-delà du soutien financier proposé ci-dessus, l’effort peut inclure des campagnes d’information sur les risques de grossesse et l’utilisation de moyens contraceptifs (voir encadré). Ces campagnes doivent aussi cibler les jeunes hommes car la conception d’un enfant se fait naturellement à deux. Troisièmement, améliorer le rendement associé à l’éducation des filles a aussi prouvé être un moyen effectif. Plus l’espérance de revenu lié à l’éducation augmente, plus les parents auront tendance à investir dans l’éducation de leurs filles. Une option est de mieux orienter et accompagner les filles dans le choix de leurs études, notamment vers les filières qui possèdent le plus fort potentiel (cf. encadré pour les exemples de tels programmes en Inde et à Madagascar). 41 Source: Baird, Sarah, Ephraim Chirwa, Craig McIntosh, and Berk Özler. 2009. “The Short-term Impacts of a Schooling Conditional Cash Transfer Program on the Sexual Behavior of Young Women.” Policy Research Working Paper Series 5089, World Bank, Washington, DC. 42 L’expérience a aussi montré que l‘augmentation des enseignants -femmes peut aussi aider à atteindre la parité des genres dans l’éducation, Dans ce sens, il est utile de rappeler que les enseignantes ne représentent que 27 % de l’effectifs du corps enseignant au niveau primaire en Côte d’Ivoire, alors qu’il atteint 45 % en moyenne en Afrique Subsaharienne et 67 % dans les pays à revenu intermédiaire. 51 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Programmes d’appui pour l’éducation des adolescentes Sénégal. Le programme pilote d’alphabétisation des femmes à réussi à obtenir des résultats remarquables en combinant des cours d’alphabétisation avec des programmes visant à éduquer Une femme les jeunes filles sur la santé reproductive, les comportements et le planning familial ainsi que sur en meilleure les possibilités de s’organiser pour commercialiser la vente de fruits et de légumes. santé est plus Ouganda. Le programme visant à l’éducation des jeunes filles en combinant des cours productive et d’information sur le planning familial, la distribution de préservatifs et l’éducation a permis une donc devrait baisse significative des infections sexuelles et de grossesses précoces ainsi qu’une augmentation mieux gagner sa des réussites scolaires vie. Inde. Le programme de business process outsourcing (BPO) a été conduit dans trois villages sélectionné de manière aléatoire. Pendant trois ans, les adolescents ont bénéficié de programmes d’information sur les filières a plus fort potentiel et les opportunités de recrutement futurs. Les résultats ont montré que les jeunes filles ayant reçu ces cours reportaient en moyenne une probabilité de 3-5 % d’être en classes, de bénéficier d’une meilleure santé et nutrition, et augmentait leur chance de trouver un emploi salariés de 10 %. Les résultats n’étaient pas significatifs sur l’échantillon de garçons. Madagascar. Plus d’information sur les opportunités de recrutement et d’emploi a été donnée aux élèves mais aussi à leurs familles. Ce programme a permis d’augmenter le taux d’enregistrement et de diplômés par 3.5% sur un échantillon de jeunes filles. Source : tous ces exemples sont extraits du Rapport sur le développement dans le monde, 2012. Toutefois, si l’éducation des filles doit être une priorité, elle ne saurait suffire et doit être renforcée par d’autres actions. Il faudrait en parallèle réduire les discriminations à l’encontre des femmes concernant leur accès à des soins de santé de qualité. Une femme en meilleure santé est plus productive et donc devrait mieux gagner sa vie. Elle peut aussi consacrer plus de temps à ses études et à celles de ses enfants.43 Au Sri Lanka, une politique d’assistance médicale aux femmes enceintes a contribué à baisser le taux de mortalité maternelle qui a mené à une hausse de leur taux d’alphabétisation de 1 % et de leur employabilité sur le marché du travail. L’intensification de la politique de planning familial devient importante dans ce contexte car elle permet de réduire les taux de fertilité, et donc les risques associés aux grossesses et accouchements. Cette politique pourrait cibler de préférence les femmes vivant dans un milieu rural et en situation de pauvreté qui ont une plus forte propension à donner naissance à plusieurs enfants. Les programmes multisectoriels apparaissent aussi plus efficaces pour aider à diminuer le taux de fécondité. Ces programmes cherchent, d’une part, une augmentation de l’offre de services de santé reproductive et une amélioration de leur qualité, et d’autre part, une augmentation de la demande pour ces services, à travers le maintien des filles à l’école, l’autonomisation économique des femmes et des filles et des formations en compétences de vie et en santé sexuelle et reproductive. Tels sont les objectifs ambitieux que s’est fixé, par exemple, le projet d’autonomisation des femmes du Sahel et de dividende démographique, financé par la Banque mondiale dans six pays du Sahel francophone dont la Côte d’Ivoire, et actuellement en cours de mise en œuvre. 43 Pour plus de détails, voir D. Bloom, M. Kuhn et K. Prettier, The Contribution of Female Health to Economic Development, NBER Working Paper, 21411, July 2015. 52 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Enfin, une politique d’équité des genres en Côte d’Ivoire devrait chercher à éliminer les discriminations qui subsistent sur le marché de travail. Au-delà de l’éducation, les biais sont encore manifestes tant sur les choix des activités que leurs salaires. Il faudrait donc veiller à éliminer et à sanctionner toutes discriminations dans les lois et les pratiques sur le marché du travail. Une attention particulière pourrait être donnée par l’Etat lui-même en poursuivant une politique de ressources L’Etat est humaines plus équitable entre femmes et hommes. L’Etat est aujourd’hui le premier aujourd’hui employeur du secteur formel en Côte d’Ivoire alors que les inégalités envers les le premier femmes sont importantes, puisqu’elles ne composent que 30% de l’effectif total, avec employeur du une concentration dans les grades les moins élevés. Une politique de recrutement secteur formel en Côte d’Ivoire dans l’éducation pourrait être un point de départ car les enseignantes ne constituent alors que les que 27 % de l’effectif au niveau primaire, alors qu’elles représentent 45 % et 67% des inégalités envers effectifs en Afrique Sub-Saharienne et dans les pays à revenus intermédiaires. les femmes sont importantes Au niveau du secteur agricole, qui compte pour 40% de l’emploi féminin, l’action puisqu’elles ne pourrait être triple en cherchant à renforcer les incitations pour les femmes composent que 30% de l’effectif à investir, à les aider à mieux aménager leur temps, et en les aidant à obtenir total, avec une plus de financement. Cet effort peut être amplifié en encourageant les approches concentration communautaires ou collectives. Le regroupement de femmes en associations dans les grades permet de créer des économies d’échelles tant au niveau de la production que de la les moins élevés. commercialisation (cf. encadré pour l’exemple des Amazones du manioc). Le groupe devient aussi un marché potentiel suffisamment grand pour attirer les banques et autres pourvoyeurs de services comme les entreprises de transports et d’assurance. Aujourd’hui, seules 8 % des femmes ivoiriennes sont membre de coopératives agricoles, alors que ce taux atteint 17% pour les hommes. Beaucoup de femmes hésitent à investir dans leurs activités agricoles (en achetant du matériel et en embauchant de la main d’œuvre) en raison de leur instabilité juridique. En effet, leurs parcelles ne sont que rarement sécurisées légalement avec des titres fonciers. Une meilleure sécurisation foncière a donné des résultats spectaculaires au Bénin et au Rwanda pour les femmes, qui ont alors multiplié leurs investissements et les initiatives (Goldstein et al., 2015, et Ali et al., 2014).44 La productivité des femmes pourrait être augmentée en leur permettant de mieux aménager l’emploi de leur temps. Une étude récente sur les productrices de coton en Côte d’Ivoire confirme que les femmes sont contraintes à cause de la lourdeur des tâches ménagères qui les empêchent à passer assez de temps sur leurs exploitations, et par leur indépendance limitée à choisir l’aménagement de leurs occupations.45 L’aménagement de leur temps passe par une adaptation de la vie familiale aux contraintes de la «  vie moderne  » et la réduction des tâches domestiques par un meilleur accès aux infrastructures de base et la réduction des distances. Par exemple, les gains de temps sont substantiels lorsque les femmes peuvent réduire leur temps consacré à la cuisine et l’approvisionnement de l’eau. 44 Goldstein, Markus, Kenneth Houngbedji, Florence Kondylis, Michael O’Sullivan, and Harris Selod. 2015. “Formalizing Rural Land Rights in West Africa: Evidence from a Randomized Impact Evaluation in Benin.” World Bank Policy Research Working Paper No. 7435. Washington, D.C.: World Bank. Ali, Daniel Ayalew, Klaus Deininger, and Markus Goldstein. 2014. “Environmental and Gender Impacts of Land Tenure Regularization in Africa: Pilot Evidence from Rwanda.” Journal of Development Economics 110: 262–75. 45 Du temps et de l’argent : Une étude des problèmes de main-d’œuvre rencontrés par les productrices de coton en Côte d’Ivoire (Carranza et al. 2017). 53 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Enfin, les femmes sont davantage exclues que les hommes des services financiers. Les banques et les établissements de micro-crédits ne sont guère intéressées par elles en partie à cause de la taille réduite de leur exploitation et du manque de sécurisation foncière. Elles doivent alors recourir à des moyens informels qui, s‘ils sont utiles dans l’urgence, ne permettent pas de financer des investissements productifs. L’accès à des financements extérieurs peut être encouragé à travers les nouveaux progrès technologiques de l’information qui permettent les transferts d’argent par téléphone mobile, y compris dans les zones reculées. Des programmes intégrés de soutien financier et de formation sont des moyens efficaces pour aider les femmes à acheter des équipements modernes et des intrants (cf. encadré). 46 Les Amazones du manioc Au marché central de Bouaké, dans le centre de la Côte d’Ivoire, vous ne pouvez pas rater les Amazones du manioc. Elles occupent un espace facilement repérable à l’aide d’une pancarte sur laquelle est inscrit le nom de leur coopérative : Coopérative des femmes du vivrier de Gbêkê (COFEMVIB). À leur tête, Viviane Assoi Kouadio Tano, qui préside aussi aux destinées de la Plateforme d’innovation de manioc du Gbêkê. 35 femmes, parmi lesquelles des veuves et des jeunes filles mères, composent ce groupe d’Amazones. Leur histoire commence au début des années 90, lorsqu’elles décident d’unir leurs forces pour transformer le manioc et vendre de l’attiéké, un des aliments les plus consommés dans le pays. « Chacune de nous travaillait dans son coin, avec un faible rendement pour un métier aux conditions très pénibles », se souvient Viviane. Elles sont repérées en 2014, par une mission d’identification du Programme de Productivité Agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO), de la Banque mondiale qui comprend rapidement que ce groupe de femmes mérite davantage de soutien. À la suite de cette visite, la coopérative reçoit du matériel de transformation plus moderne, notamment un essoreur, un semouleur et un broyeur. « C’est comme si nous étions sorties de la préhistoire », raconte Viviane. « Pendant de longues années, la fabrication du manioc se faisait manuellement. Les femmes peinaient beaucoup pour éplucher les tubercules, les laver, râper, broyer, sécher, cuire et fermenter. Nous n’avions que nos bras et de gros cailloux comme outils de travail. » Très vite, la production, passe d’à peine 500 kg à 2 tonnes par jour, assurant un revenu supplémentaire de 50 000 francs CFA par mois à chacune d’entre elles. Sur les marchés de Bouaké et d’Abidjan, ces femmes de la coopérative COFEMVIB écoulent essentiellement leurs productions auprès des vendeuses d’attiéké au poisson et de la mutuelle des vendeurs de « Garba », traditionnellement composée de Nigériens. Mais, les commandes viennent de partout, y compris de nombreux pays de la sous-région, en tête desquels le Burkina Faso et le Mali. Et comme « l’appétit vient en mangeant », la COFEMVIB compte à présent doubler ses carnets de commandes en investissant notamment dans de nouveaux équipements et dans un espace de production plus vaste. Elle entend aussi diversifier son activité et a décidé de se lancer dans la production de biogaz en recourant à la méthanisation pour traiter les résidus de manioc. Cette nouvelle source d’énergie pourrait se substituer au feu de bois et ainsi aider à préserver la forêt et l’environnement en milieu rural. Source : Banque mondiale, Les Amazones du manioc, blog, mars 2017. 46 Le Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire (FAFCI), doté d’un montant de démarrage de 1 Milliard de Francs CFA, a été mis en place en 2012, afin de permettre aux femmes d’accéder à des ressources financières à coût réduit en vue de créer ou de renforcer des activités génératrices de revenus. 54 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 3.2. C comme champions Il ne suffit pas de s’accorder sur ce qu’il faut faire en matière d’équité des genres mais aussi être capable de porter l’action. Pour cela, des champions doivent être identifiés pour porter les réformes et briser les éventuelles résistances. Ce rôle de champions peut être assumé par des hommes, car ce sont eux qui détiennent le plus souvent le pouvoir, mais il est aussi important que les femmes puissent participer à ce mouvement. L’expérience internationale a montré que la lutte contre les discriminations des genres a été souvent portée par des femmes, individuellement et collectivement, en faisant entendre leur voix dans le monde de la politique et Ce rôle de des affaires ainsi qu’au sein de la famille. champions peut être assumé par Si la participation des femmes au sein des institutions politiques est un principe des hommes, car ce sont eux acquis en Côte d’ivoire, force est de constater que leur représentativité qui détiennent demeure marginale sur le terrain. En 2017, elles ne comptent que pour 20% des le plus souvent Ministres (6 sur 28). Au niveau du Parlement, 11 % des députés sont des femmes. Les le pouvoir, mais écarts sont encore plus prononcés au niveau local comme cela est mis en évidence il est aussi dans l’encadré. Une plus forte représentativité des femmes au sein des institutions important que les politiques locales, comme les panchayats en Inde, a permis d’engendrer des femmes puissent participer à ce allocations budgétaires supplémentaires en faveur des besoins des femmes et des mouvement. enfants. Elle a aussi aidé à réduire la violence à l’encontre des femmes en mobilisant la justice. Il y a donc urgence d’accroitre la représentativité des femmes au sein des institutions politiques en Côte d’Ivoire pour mieux défendre leurs droits et lutter contre les discriminations dont elles souffrent. Cet effort doit s’accompagner par une meilleure sensibilisation des élus masculins à la problématique du genre. Le manque de représentativité des femmes au sein des institutions politiques locales en Côte d’Ivoire (en % du total). · Conseils régionaux : 3 % · Préfets de Région : 3 % · Préfets de département : 9 % · Sous-préfets : 17 % · Maires : 5 % Au sein des entreprises, la présence des femmes dans les postes de directions est rare. Bien que les statistiques soient manquantes, l’évidence anecdotique conforte cette impression. Par exemple, l’enquête portant sur les entreprises conduites par la Banque mondiale en 2016 avait montré quel seuls 14 % des entreprises du secteur manufacturier avaient une femme comme dirigeante. De manière similaire, les nouvelles entreprises enregistrées par le CEPICI sont largement dominées par les hommes. Ce manque de diversité, comme expliqué auparavant, est un frein à l’expansion et à la productivité des entreprises. Enfin les femmes souffrent de discriminations au sein des ménages (voir encadré pour exemples chiffrés). La violence physique à leur encontre est malheureusement une réalité encore répandue dans le pays. Elles ont aussi moins accès aux moyens de production, comme la terre, que les hommes, ce qui nuit à leur indépendance financière et à leur participation aux décisions du ménages. Cette discrimination 55 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 est parfois ancrée dans les mécanismes traditionnels d’héritage et de transmission du patrimoine familial qui favorisent les hommes et leurs familles au détriment des épouses (cf. graphique 16). Elle est aussi la conséquence du manque de compréhension et d’information au sein du couple qui provoque des tensions et une répartition sous-optimale des tâches domestiques. C’est avec l’objectif de corriger Elle est aussi la ces tensions qu’un programme de services de développement agricole, conçu par conséquence du manque de le Gender Innovation Lab de la Banque mondiale, a mis l’accent sur le couple compréhension car cette problématique n’est pas individuelle mais implique des changements de et d’information comportements tant chez la femme que le mari. Ce programme vise à améliorer le au sein du couple rendement des exploitations d’Hévéa en Côte d’Ivoire en proposant une formation qui provoque conjointe sur les connaissances agricoles pour hommes et femmes, un programme des tensions et de sensibilisation sur le genre pour les couples de producteurs, et une incitation une répartition sous-optimale pour les couples à s’accorder sur la répartition des tâches et des revenus tout au des tâches long du cycle de l’arbre d’hévéa. Des programmes similaires, qui ciblent tant les domestiques. hommes que les femmes, ont été mis en place en Ouganda pour aider à la prise de conscience de la violence conjugale. La pression sur les femmes dans les ménages ivoiriens – Quelques indicateurs en 2012 % des femmes dont le mari prend seul la décision au sujet de leur santé : 64,1 % des femmes dont le mari prend seul la décision si elle peut rendre visite à sa famille : 51,1 % des femmes dont le mari prend seul la décision d’acheter des fournitures pour le foyer : 60,6 % des femmes qui pensent que le mari a le droit de les battre : 47,9 Source : Banque mondiale, Gender Statistics data base, 2017. Graphique 16 : Les hommes et leurs familles reçoivent la majorité de l’héritage en Côte d’Ivoire Source : Banque mondiale, 2012. 56 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 3.3. C comme gestion du changement  Cerner et porter l’action est indispensable pour promouvoir l’équité des genres. Cependant, même en cas de réussite, il est possible que des entraves supplémentaires doivent être gérées le long du chemin. L’attention est ici portée à deux frictions d’ordre économique. La première est La première que l’accroissement de la participation des femmes sur le marché du travail va est que nécessiter un réaménagement de la répartition des tâches au sein des familles. l’accroissement Les femmes qui travaillent en dehors de leur foyer ne vont pas forcément vouloir de la assurer la majorité des travaux domestiques. Les hommes peuvent augmenter leur participation des femmes sur le contribution, qui est une tendance qui se renforce au fur et à mesure que la situation marché du travail économique des ménages s’améliore. Toutefois, l’expérience internationale a va nécessiter un montré que les femmes peuvent être aidées par des interventions spécifiques d’au réaménagement moins quatre types : de la répartition des tâches au (i) Développer des infrastructures qui permettent aux femmes (et aux sein des familles. hommes) de déléguer certaines tâches domestiques comme le soin des enfants à des crèches ou des foyers pour les personnes âgées. Ces services peuvent être directement fournis par le gouvernement mais aussi par le secteur privé à travers l’usage de subventions. L’accès à de tels services doit non seulement accompagner la hausse du taux de participation des femmes au marché formel pour résoudre les éventuels conflits mais il renforce aussi cette émancipation en leur offrant davantage de liberté de choisir.47 (ii) Flexibiliser l’accès au marché du travail ainsi que la gestion du temps de travail avec des règles plus souples, comme l’aménagement des horaires, le travail à temps partiel, et les congés parentaux. (iii) Alléger le travail domestique des femmes en améliorant leur accès à l’eau ou à l’électricité. (iv) Réduire le temps consacré aux déplacements entre le foyer, l’école et le lieu de travail par le développement d’une meilleure infrastructure de connectivité physique et virtuelle. La deuxième friction peut provenir de l’afflux d’un trop grand nombre de femmes sur le marché du travail. Afin de donner un ordre de grandeur pour la Côte d’Ivoire, une augmentation d’un point du taux de participation des femmes sur le marché du travail se traduirait par le besoin de créer 50,000 nouveaux postes de travail. Bien qu’une partie de cet excès d’offre de travail puisse être résorbée par la création de nouveaux emplois (d’abord directement dans des activités comme des crèches pour les enfants puis indirectement à travers la relance de la demande globale), il est possible qu’elle mène à des pertes d’emplois ou à une baisse des salaires existants. Même si le revenu des familles était plus élevé, la perception individuelle pourrait nuire aux efforts de réformes, notamment chez les jeunes hommes qui ne 47 L’accès à des crèches est particulièrement important pour les familles pauvres car les femmes n’ont alors pas le choix d’amener leurs enfants sur leurs lieux de travail ou alors de les laisser sous la responsabilité d’un autre membre de la famille, souvent une adolescente qui alors ne peut pas fréquenter l’école à son tour. Selon la Banque mondiale (2012), il est estimé qu’environ 40 % des femmes parmi les groupes les plus pauvres doivent amener leurs enfants avec elles. 57 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 sont pas mariés et qui sont déjà souvent au chômage ou en sous-emploi. A nouveau, ces effets ne manqueraient pas de générer des tensions qu’il conviendra de gérer pendant la période de transition. Cette friction peut être réduite en aidant à mieux préparer l’arrivée des femmes sur le marché du travail par des programmes qui les accompagnent pendant leur formation. Dans ce sens, les partenariats avec le secteur privé deviennent essentiels afin de s’assurer que leur formation correspond aux véritables besoins des Même si le revenu des entreprises (cf. encadré). familles était plus élevé, la perception individuelle Programme d’appui aux femmes pourrait nuire aux efforts Jordanie : Le projet “Nouvelles opportunités d’emploi pour les femmes” (Jordan NOW) a permis de réformes, d’examiner de manière rigoureuse l’impact de deux types de politiques sur l’emploi des femmes. notamment Le premier est l’usage de subventions, alors que le deuxième est l’octroi de programmes de chez les jeunes formations. Les subventions aident en principe l’embauche car elles contribuent à réduire les hommes qui ne coûts pour les entreprises et elles étaient équivalentes à six mois de salaires dans le projet. sont pas mariés Les programmes de formation cherchent à améliorer les compétences des femmes de manière et qui sont déjà à augmenter leurs chances d’être productives. La formation était à la fois technique et sur les comportements (communication, travail d’équipe, flexibilité, etc.) à la demande des entreprises. souvent au Les résultats ont montré que la politique de subventions générait un impact significatif sur le chômage ou en court terme puisqu’environ 4 mois après le début du programme 1/3 des femmes avait réussi sous-emploi. à obtenir un emploi. Ils ont aussi montré que la formation était importante, mais uniquement lorsqu’elle était combinée avec une subvention. Dans ce cas, pratiquement 60 % des candidates avaient réussi à obtenir un emploi contre moins de 20 % pour celles qui avaient bénéficié seulement d’une formation. Argentine. Le “Programa Joven” en Argentine a ciblé des hommes et des femmes de moins de 35 ans en provenance de familles démunies. En plus de distribuer du matériel ainsi que des fournitures scolaires aux familles, ce programme a transféré des sommes d’argents de manière à subventionner leurs frais de scolarité et de transports. Les résultats ont été particulièrement positifs pour les femmes âgées entre 21 et 25 ans, qui ont vu leurs gains augmenter d’environ 10 % grâce au programme. Kenya. En aidant à procurer de l’information et de la formation à des jeunes filles qui s’intéressaient à trouver un emploi dans des secteurs réservés aux hommes, ce programme a montré que celles-ci augmentaient leur propension à s’inscrire dans ces secteurs et à y trouver un emploi. Une autre action serait de mieux accompagner les femmes dans leur effort de créer leur propre entreprise. Les femmes-entrepreneurs souffrent du manque de reconnaissance de leurs droits, y compris du manque d’accès aux moyens de production et actifs. Il est aussi pertinent de développer leur accès au financement tout en leur offrant des possibilités de perfectionner leurs connaissances à travers de programmes d’assistance intégrés. Les programmes d’appui aux jeunes entrepreneurs sont souvent apparus plus performants lorsqu’ils ciblent les femmes en priorité. Leur efficacité varie cependant suivant le contexte, l’échantillon de femmes bénéficiaires et les activités menées par ces programmes.48 48 Banque mondiale, Supporting Growth-Oriented Women Entrepreneurs: A Review of the Evidence and Key Challenges, T&C, Septembre 2014 58 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 ANNEXES STATISTIQUES 59 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Tableau 1 : Principaux Indicateurs Economiques   2012 2013 2014 2015 2016 Comptes Nationaux (% du PIB)         Consommation finale 79.7 76.4 76.0 75.2 74.2 Formation brute du capital 12.8 17.0 18.7 19.9 23.3 Variation de stocks 3.3 3.7 1.0 0.3 0.9 Solde extérieur -2.7 0.4 0.4 0.3 -0.3 Exportations 48.9 41.5 41.3 40.1 36.6 Importations 44.7 38.6 37.0 35.4 33.6 PIB (Coût des facteurs) 89.8 89.8 89.4 89.2 89.1 Agriculture 22.2 21.0 21.2 21.1 19.0 Industrie 24.0 26.0 24.8 25.2 26.7 Service 31.0 30.3 30.9 30.6 31.7 Droits et Taxes net 10.2 10.2 10.6 10.8 10.9 Prix (% glissement annuel moyen) Déflateur du PIB 2.6 3.3 3.9 1.8 1.4 Indice des Prix à la consommation 1.3 2.6 0.4 1.2 0.7 Indicateurs Fiscaux (% du PIB) Recettes totales et dons 19.2 19.7 18.9 20.2 19.8 Dépenses totales 22.3 21.9 21.0 23.1 23.7 Solde primaire -1.2 -0.1 -0.5 -0.4 -1.9 Solde global -3.2 -2.2 -2.2 -2.9 -4.00 Secteur extérieur Balance commerciale 11.4 9.6 10.3 10.8 8.4 Compte de services (Net) -7.3 -7.3 -7.8 -8.6 -7.6 Autres (Net) -5.4 -4.3 -3.4 -3.8 -1.6 Solde du Compte Courant 0.3 0.3 0.3 0.3 -0.3 Compte de Capital et d'Opérations Financières Compte de Capital 0.0 0.0 0.0 0.0 1.1 Investissements Directs Etrangers 1.2 1.3 2.0 2.2 2.9 Investissements de Portefeuille et Autres 0.5 0.6 0.3 0.3 1.1 Memo PIB (prix courant en milliards de FCFA) 13677.0 15446.0 16796.0 18495.0 21146.0 PIB (prix constant 2009 en milliards de FCFA) 12335.5 13479.3 14623.2 16130.4 17440.2 Taux de change (FCFA:US$-moyenne annuelle) 510 494 494 591 587.3 Population (million) 22 22.5 23.1 23.7 24.3 Source : Fonds Monétaire International, Banque mondiale, Institut National de Statistique 60 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Tableau 2 : Compte Nationaux % du PIB 2012 2013 2014 2015e 2016e Prix courant Demande Agrégée Consommation Finale 79.7 76.4 76.0 75.2 74.2 Privée 66.9 63.6 63.0 61.1 60.9 Publique 12.8 12.7 13.0 14.0 13.3 Formation Brute de Capital 12.8 17.0 18.7 19.9 23.3 Privée 7.3 10.6 12.5 13.1 13.8 Publique 5.5 6.3 6.2 6.8 9.5 Variation de Stocks 3.3 3.7 1.0 0.3 -0.6 Solde Extérieur 4.2 2.9 4.2 4.7 3.1 Exportations 48.9 41.5 41.3 40.1 36.6 Importations 44.7 38.6 37.0 35.4 33.6 Facteurs de production PIB au coût des facteurs 89.8 89.8 89.4 89.2 89.1 Agriculture 22.2 21.0 21.2 21.1 19.0 Industrie 24.0 26.0 24.8 25.2 26.7 Services 31.0 30.3 30.9 30.6 31.7 Droits et Taxes Net 10.2 10.2 10.6 10.8 10.9 Prix Réel (base 2009) Demande Agrégée Consommation Finale 81.0 77.2 77.0 76.5 75.7 Privée 68.6 65.4 65.0 63.4 62.9 Publique 12.4 11.8 12.1 13.0 12.8 Formation Brute de Capital 11.5 15.8 16.9 17.9 19.2 Privée 6.4 9.8 11.1 11.6 12.0 Publique 5.1 6.1 5.8 6.4 7.2 Variation de Stocks 3.6 4.7 3.7 3.8 5.4 Solde Extérieur 3.9 2.3 2.3 1.8 -0.3 Exportations 47.2 39.8 38.2 38.5 37.8 Importations 43.3 37.5 35.8 36.7 38.0 Facteurs de production PIB au coût des facteurs Agriculture 19.8 18.8 19.3 19.0 18.4 Industrie 21.1 24.0 22.9 23.5 25.1 Services 36.0 35.3 36.0 36.0 36.2 Droits et Taxes Net 10.9 10.3 10.1 10.1 9.8 Sources : Institut National de Statistique, FMI et Banque mondiale 61 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Tableau 3 : Croissance Réelle par Secteur Glissement annuel (%) 2012 2013 2014 2015 2016 Agriculture 0.3 3.8 11.5 6.8 0.0 Agriculture vivrière, élevage -2.5 1.2 18.7 5.0 6.0 Agriculture d'exportation 4.3 5.7 2.8 10.0 -8.0 Sylviculture 0.6 87.1 0.0 -6.9 2.0 Pêche 18.8 16.5 0.4 3.0 2.7 Industrie 6.1 24.2 3.9 12.5 13.5 Extraction minière -25.8 14.7 -3.0 26.3 18.1 Industries agroalimentaires 28.4 4.1 8.7 3.2 2.2 Energie 155.2 97.9 -6.3 20.0 29.4 Bâtiments et travaux publics 40.5 17.9 15.5 26.1 20.6 Autres industries manufacturières 4.3 21.3 7.9 3.5 7.4 Services 6.8 7.2 9.1 8.3 9.0 Transports et Communication 27.2 8.9 5.9 8.3 9.2 Autres Services -3.2 7.5 10.2 7.8 9.8 Commerce 9.3 5.1 10.8 9.0 7.6 Administration publique 35.1 3.5 7.3 6.4 3.6 Sources : Institut National de Statistique, FMI et Banque Mondiale 62 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Tableau 4 : Operations Fiscales %PIB 2012 2013 2014 2015 2016 Recettes totales et dons 19.2 19.7 18.4 20.2 19.8 Recettes totales 18.6 18.4 17.8 19.7 19.1 Recettes Fiscales 16.2 15.6 14.7 15.3 15.9 Impôts directs 5.3 5 4.4 4.3 4.1 Impôts Indirects 10.9 10.6 10.9 11.7 11.6 Recettes non-fiscales 2.4 2.8 2.5 3.7 2.4 Dons 0.6 1.3 1.7 1.5 1.4 Dépenses Totales 22.3 21.9 21.0 23.1 23.7 Dépenses courantes 17.8 15.9 15.3 16.6 17.1 Salaire et Traitements 6.8 6.7 6.8 6.9 6.6 Subventions et autres Transferts courants 3 2.1 1.8 2.2 1.7 Autres dépenses courantes 4.2 3.5 3.9 4.4 4.4 Dépenses liées à la crise 0.4 0.5 0.4 0.6 0.5 Service de la Dette 1.7 1.4 1.3 1.6 1.7 Dette intérieure 0.6 0.7 0.7 0.8 0.9 Dette extérieure 1.1 0.6 0.6 0.8 0.7 Dépenses d'investissements 4.5 6 5.7 6.4 6.7 Financées sur ressources intérieures 3.7 4 3.5 4.1 5.0 Financées sur ressources extérieures 0.8 2 2.2 2.4 1.7 Solde Primaire -1.2 -0.1 -0.5 -0.4 -1.6 Solde Global -3.2 -2.2 -2.2 -2.9 -4 Solde Global (excl. dons) -3.8 -3.5 -4 -4.3 -5.3 Variations des arriérés intérieurs 1.4 0.3 -1 0 -0.4 Solde Global (base caisse) -1.8 -2 -3.2 -2.8 -3.6 Source : Fonds Monétaire International et Banque Mondiale 63 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Tableau 5 : Balance des paiements %PIB 2012 2013 2014 2015 2016 Solde du Compte Courant 0.3 -1.4 1.4 -0.6 -1.1 Solde du Compte Courant (excl. Dons) -0.3 -1.0 -0.3 -2.1 -2.5 Solde Commerciale 11.4 9.6 11.0 9.7 9.2 Exportations (f.o.b) 45.2 38.5 36.7 35.7 29.8 dont Cacao 12.6 12.5 13.6 16.4 14.2 dont produits pétroliers 14.7 11.0 9.2 6.1 5.8 Importations (f.o.b) 33.8 29.0 25.7 25.9 20.6 dont pétrole 10.3 9.4 7.7 4.9 4.2 Services (net) -7.3 -7.3 -7.8 -8.6 -7.6 Revenus primaires (net) -3.4 -2.9 -3.3 -3.5 -2.8 dont intérêt sur la dette publique 1.1 0.6 0.6 0.8 0.8 Revenus Secondaire (net) -1.9 -1.4 0.0 -0.3 0.0 Gouvernement -0.2 0.4 1.8 1.5 1.7 Autres secteurs -1.8 -1.8 -1.8 -1.8 -1.7 Comptes de Capital et d'Operations Financières -1.5 2.4 1.5 1.8 1.7 Compte du Capital 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 Compte des Operations Financières -1.5 2.4 1.5 1.8 1.8 Investissements Directs Etrangers 1.2 1.3 2.0 2.2 3.0 Investissements de portefeuille (net) 0.5 0.6 0.3 0.3 0.1 Autres investissements (net) -3.2 0.6 -0.8 -0.6 -1.3 Officiel, net -1.9 0.5 2.1 3.6 0.7 Prêts projets 0.4 1.4 1.5 1.8 2.1 Autres prêts 0.0 0.0 2.1 3.2 0.0 Amortissement 2.3 0.9 1.4 1.3 1.4 Non-officiel, net -1.3 0.1 -2.9 -4.2 -2.0 Erreurs et omissions 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 Solde Global -2.7 0.4 0.4 0.3 -0.3 Source : Fonds Monétaire International et Banque Mondiale 64 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Tableau 6 : Inflation, Taux de change et Prix Glissement annuel moyen (%) 2012 2013 2014 2015 2016 Inflation Déflateur du PIB 2.6 3.3 3.9 1.8 1.4 Indice des prix à la consommation 1.3 2.6 0.4 1.2 0.7 Indice hors alimentation 1.8 2.8 1.4 1.0 -0.3 Indice produits alimentaires -0.3 1.9 -2.1 2.0 4.1 Taux de change (CFA:US$) 510 494 494 591 593 Produits de base sélectionnés Pétrole ($/bbl) 105.0 104.1 96.1 52.4 Cacao ($/kg) 2.4 2.4 3.1 3.1 Café ($/kg) 4.1 3.1 4.4 Caoutchouc ($/kg) 3.2 2.5 1.7     Source : Institut National des Statistiques, Ministère des Finances, Banque Mondiale 65 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 Tableau 7 : Statistique du genre Côte Afrique Pays à revenu   d'Ivoire Sub-Saharienne intermédiaire Education Inscription au primaire, femmes (% brut) 83.5 94.7 105.2 Inscription au secondaire, femmes (% brut) 36.6 39.5 75.7 Inscription au tertiaire, femmes (% brut) 6.3 7.2 33.1 Taux d'achèvement du secondaire inférieur, femmes (% 28.8 39.1 79.9 du groupe d'âge) Taux net d'admission en première année, femmes (% de 41.6 55.6 la population en âge scolaire) Taux d'achèvement primaire, femmes (% du groupe 57 66.2 93 d'âge pertinent) Nombre moyen d'études, femmes 8.2 8.7 12 Nombre d'Enseignantes au primaire 27.7 44.9 61.9 Nombre d'Enseignantes au secondaire 14.5 29.5 53.1 Santé et Survie Espérance de vie, femmes (nombre d'années) 52.8 60.4 73 Taux de fertilité (pour 1000) 4.9 4.9 2.3 Taux de fertilité adolescentes (pour 1000 femmes de 135.6 100.4 40.3 15-19 ans) Prévalence of HIV, femmes (% âges 15-24) 1.1 2.1 Taux de mortalité maternelle (%) 6.45 5.47 0.49 Usage de méthodes contraceptives (%) 20.4 28.4 81.8 Marché du travail Population active, femmes (% de la population totale) 38.2 45.6 37.5 Taux de participation au marché du travail des femmes 83.3 83.9 63.4 par rapport aux hommes Ratio du taux de chômage des femmes par rapport aux 156.6 143.5 113.7 hommes (% 15-24 ans) Entreprises avec participation des femmes à la 46.7 57.5 44.1 propriété (% des entreprises) Entreprises avec dirigeant féminin (% des entreprises) 24.4 33.1 34.9 Engagement politique Proportion de sièges occupés par des femmes dans les 12.8 45.7 37.5 parlements nationaux (%) Proportion de femmes occupant des postes de niveau 21.3 23.5 21.2 ministériel (%)         66 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2017 67 www.banquemondiale.org/cotedivoire