35823 NoteFocus n° 34 Février 2006 faire acceder les plus pauvres a la microfinance en associant filets de protection sociale et services financiers La microfinance touche-t-elle les plus pauvres ? La microfinance -- c'est-à-dire les services financiers formels aux pauvres -- permet à ses clients de lutter contre la pauvreté durablement de la manière dont ils Les auteurs de cette Note Focus sont Syed Hashemi, l'entendent. Ceux-ci ont recours aux services de prêt, de dépôt et autres services spécialiste sénior de la financiers pour réduire leur vulnérabilité, saisir les opportunités offertes et accroître microfinance au CGAP, leurs revenus. La microfinance permet indirectement d'améliorer le niveau et Richard Rosenberg, Conseiller principal au CGAP. d'instruction et l'état de santé de ses clients, et aussi de démarginaliser les femmes1. Les auteurs remercient Toutefois, dans la plupart des cas, elle ne profite pas aux groupes de population Elizabeth Littlefield de leur « les plus pauvres » qui se trouvent tout en bas de l'échelle socioéconomique. avoir suggéré le thème de cette étude. Ils tiennent à La couverture des plus démunis par les services de microfinance fait actuellement exprimer leur gratitude à l'objet de fortes controverses. Plusieurs millions de personnes ayant moins d'un Alexia Latortue, Jeanette dollar par jour pour vivre (les très pauvres) bénéficient déjà de services des Thomas et Samer Badawi pour les importants travaux institutions de microfinance (IMF). Pourtant, rares sont les IMF qui servent les qu'ils ont consacrés à clients « les plus pauvres », c'est-à-dire ceux qui se trouvent tout en bas de l'échelle l'étude et aussi remercier de pauvreté de leur pays2. Même lorsqu'elles visent une clientèle très pauvre, ces Brigit Helms et Ousa Sananikone de leurs précieux institutions laissent pour compte un nombre élevé de personnes qui sont trop commentaires. pauvres pour pouvoir accéder à leurs services. Par exemple, au Bangladesh, où les IMF cherchent résolument à fournir leurs services aux très pauvres, c'est © 2006 Groupe consultatif d'assistance aux pauvres essentiellement l'avant-dernier quintile de la population qui bénéficie le plus de leurs services et le quintile inférieur qui en bénéficie le moins. Les services de Le Groupe consultatif microfinance ne couvrent pas les communautés les plus pauvres3. Pourquoi ? d'assistance aux pauvres (CGAP) est un consortium Il se peut que les personnes extrêmement pauvres préfèrent ne pas emprunter formé par 33 organismes de parce qu'elles pensent qu'une dette leur créera plus de problèmes qu'elle ne développement qui appuient les aidera. Si une femme n'a pas de source de revenu fiable, elle peut estimer la microfinance. De plus amples informations sont que se mettre dans une situation dans laquelle elle est tenue d'effectuer des disponibles sur le site web du CGAP : www.cgap.org. 1 Littlefield, Elizabeth, Jonathan Murdoch et Syed Hashami. « La microfinance est-elle une stratégie efficace pour atteindre les objectifs de développement pour le millénaire ? » Focus 24. Washington.: CGAP, 2003 2 Dans cette Note, les très pauvres sont les individus vivant avec moins de un dollar par jour. Les plus pauvres, qui n'ont aucune source de revenu fiable, forment le sous-groupe le plus bas de cette catégorie. 3 Zaman, Hassan, directeur de publication., "The Economics and Governance of Non Government Organizations (NGOs) in Bangladesh," draft, Washington, Banque mondiale, 2005. Bâtir des services financiers pour les pauvres paiements à intervalles réguliers, sur une base rester opérationnelle et fournir des services à hebdomadaire ou mensuelle, accroîtra encore un nombre croissant de clients pauvres, mais plus sa vulnérabilité au lieu de la réduire. elle signifie que certains des plus démunis ne Bien que l'investissement dans une nouvelle peuvent avoir accès à des services financiers. microentreprise permis par un prêt puisse avoir Parmi les plus pauvres, beaucoup ont en outre pour effet de relever et de stabiliser son revenu, désespérément besoin d'un appui non financier l'investissement en question est une opération sous forme d'un soutien alimentaire, de dons risquée si l'on considère qu'un pourcentage ou d'un emploi garanti, avant d'être en mesure élevé des nouvelles microentreprises échoue. de faire un bon usage des services de prêt ou Sachant cela, nombreux sont ceux, parmi les de dépôt. La plupart des IMF ont abouti à la extrêmement pauvres, qui décident que leur vie conclusion, après plusieurs années d'expérience, est déjà bien assez précaire sans que l'on y ajoute qu'elles sont davantage en mesure de fournir des dettes. Certaines de ces craintes, à l'évidence, des services financiers efficaces et durables peuvent tenir dans une plus large mesure à un lorsqu'elles se concentrent exclusivement sur les manque de confiance en soi qu'à la réalité, mais services financiers et, soit s'abstiennent d'offrir les pauvres sont généralement les mieux placés des services non financiers tels que des services pour juger de leur propre situation. de nutrition, de santé et de formation soit, à tout Supposons, toutefois, qu'une femme très le moins, offrent ces services indépendamment pauvre qui n'a pas de rentrées de fonds fiables de leurs activités de microcrédit en constituant souhaite emprunter. Si elle s'adresse à une IMF à cet effet un département distinct doté de son qui applique la méthode du crédit de groupe, propre personnel. Abstraction faite des questions il se peut que les autres femmes du groupe ne d'efficacité et de ciblage, les clients pourraient ne veuillent pas accroître leurs propres risques en pas comprendre qu'un même service lui donne garantissant le remboursement de son emprunt. accès gratuitement à un soutien social tout en Un individu peut s'exclure lui-même ou être insistant pour qu'il rembourse le prêt qu'il lui exclu par un groupe, mais il peut être aussi exclu consent par ailleurs4. dansunecertainemesureparlapolitiquedel'IMF. Les décisions des clients, des groupes La plupart des microcrédits n'étant pas assortis d'emprunteurs et des IMF sont généralement de garanties, les IMF ont noté que l'existence de rationnelles, et les auteurs de cette étude ne crédits en souffrance peut rapidement provoquer recommandent nullement de les modifier. Il une avalanche incontrôlable à moins que le taux s'ensuit toutefois que les IMF n'ont guère d'impayés ne soit maintenu à un niveau très de latitude pour fournir des services aux plus faible. C'est bien parce que le lancement d'une démunis -- c'est-à-dire ceux qui ont le plus nouvelle microentreprise comporte énormément besoin d'aide et qui devraient, en fait, recevoir de risques que les IMF ont constaté -- à cette aide en priorité. À de rares exceptions près, quelques exceptions près -- qu'elles ne peuvent même les IMF qui ont pour mission d'atteindre pas maintenir les taux d'impayés dans des limites les plus pauvres ne parviennent pas à réellement contrôlables lorsqu'elles prêtent à des individus fournir des services à ceux qui se trouvent tout se lançant dans une première microentreprise en bas de l'échelle. sans avoir d'autre source de revenus pour rembourser leur emprunt au cas où l'entreprise ne porterait pas ses fruits. Une telle politique 4 Une minorité d'IMF, c'est-à-dire celles qui ont retenu le modèle « Crédit et éducation » de Freedom from Hunger, continuent d'intégrer est tout à fait rationnelle lorsque l'IMF veut des services non financiers dans leurs activités de microfinance. 2 La microfinance n'est pas le seul instrument protection sociale, qui font partie de la stratégie d'aide. D'autres services et institutions, comme de protection sociale, permettent d'atteindre et les « programmes de filet de protection sociale » d'aider les groupes de population qui se trouvent sont généralement mieux adaptés aux conditions tout en bas de l'échelle économique, c'est-à-dire de vie et aux besoins des plus démunis. On des groupes trop pauvres pour avoir recours aux pourrait envisager d'aider ces derniers à accéder services de microfinance ordinaires. à des services financiers adéquats en commençant Contrairement aux services de microfinance, par mettre en place des programmes de les programmes de filets de protection doivent protection sociale qui les aideront en fin de être fortement subventionnés. La plupart compte à atteindre cet objectif. La présente des individus qu'ils couvrent ne peuvent pas Note examine un petit nombre d'exemples assumer le coût de l'appui fourni. Par ailleurs, les (peut-être précurseurs) dans lesquels les plus compétences nécessaires pour assurer des services démunis participent à des programmes de filets de protection sociale sont très différentes de celles de protection sociale financés sur subventions qui sont nécessaires pour fournir des crédits et qui leur fournissent un appui non financier autres services financiers. C'est notamment pour (emploi, aide alimentaire, formation, etc.) ainsi cela qu'il est déconseillé aux IMF de chercher à qu'un soutien pour leur permettre de sortir toucher une plus grande partie de la population de leur extrême pauvreté et de parvenir à une en offrant des services de filets de protection situation dans laquelle ils peuvent utiliser avec sociale parallèlement à leurs services financiers. profit des services financiers appropriés. Ces Sans nier la validité de cette règle générale, exemples soulèvent les questions suivantes : la certaines IMF trouvent le moyen d'associer microfinance peut-elle aider les plus pauvres ? leurs services à ceux de programmes de filet Si oui, comment ? Les plus pauvres peuvent-ils de protection sociale en place dans l'espoir de « sortir » d'une situation dans laquelle ils sont pouvoir être, au moins indirectement, utiles dépendants de dons et devenir des clients de la aux plus pauvres. Certains programmes de filets microfinance à part entière ? de protection et de dons offrent à dessein des services de formation et d'information La microfinance peut-elle être associée à des financière à leurs clients pour leur permettre, programmes de filet de protection sociale ? ultérieurement, de recourir aux IMF. Cette Les programmes de protection sociale favorisent collaboration repose sur le principe qu'un grand la sécurité économique et sociale des pauvres par nombre des plus démunis peuvent épargner, le biais d'une gamme d'interventions -- qui vont commencer à accumuler des actifs, et en fin de de filets de protection sociale (aide alimentaire compte, obtenir les ressources et la confiance ou emploi garanti), pour ceux qui se trouvent en soi requise pour entreprendre une activité dans une situation désespérée et ont des besoins économique durable et, partant, faire un usage immédiats, à des services d'assurance sociale profitable des prêts et autres services financiers pour conforter la position de ceux qui risquent des IMF. En d'autres termes, les groupes de de tomber dans le dénuement5. Les filets de population qui bénéficient des programmes de protection sociale peuvent améliorer leurs 5 Pour la Banque mondiale, « la protection sociale est la résultante d'actions des pouvoirs publics visant à : i) aider les individus, les ménages conditions de vie au point de devenir des clients et les collectivités à mieux gérer le risque, et ii) fournir un appui aux des services de microfinance à part entière. personnes extrêmement pauvres ». Holzmann, Robert, et Steen Cette Note examine deux modèles Jorgensen. « Gestion des risques sociaux: Le nouveau cadre conceptuel pour la protection sociale, et perspectives ». Document de synthèse sur fondamentaux d'association de services d'IMF à la protection sociale # 6. Washington, Banque mondiale, février 2000. 3 des programmes de filets de protection sociale. programme de filet de protection sociale. Dans Dans le premier modèle, les programmes de ce cas, l'IMF constitue une filiale distincte qui filets de protection mettent eux-mêmes en travaille directement avec les participants au place des services financiers de base pour programme social. La filiale de l'IMF collabore aider leurs clients à mieux gérer leurs moyens avec le programme pour fournir des services de subsistance. Le rôle de l'IMF dans cette non financiers et, éventuellement, certains collaboration est limité : l'IMF se contente de services d'épargne et de crédit subventionnés. coordonner ses activités avec le programme de Les participants au programme qui affichent de protection sociale de manière à inclure dans sa bons résultats à la sortie du programme ont alors clientèle ceux qui ont réussi à améliorer leurs accès aux services normaux de l'IMF. La filiale conditions de vie. Ce système est intéressant de l'IMF doit pouvoir utiliser des ressources pour l'IMF qui a ainsi accès aux informations subventionnées pour pouvoir fournir ses services générées par le programme de protection aux participants jusqu'à ce que ceux-ci soient sociale sur le comportement des participants, en mesure de devenir membre des services de informations qu'elle peut exploiter par la suite microfinance classiques. pour déterminer la probabilité que ceux-ci Ce deuxième modèle fait assumer des coûts rembourseront les emprunts qu'ils auront et des risques élevés à l'IMF, notamment parce pu contracter. Une IMF considérera qu'un que l'octroi de « prêts subventionnés » dans participant à un programme de filet de protection le cadre du programme de filet de protection ayant montré qu'il est assidu au travail, qu'il sociale peut porter préjudice à la culture de économise de manière régulière, voire même a remboursement rigoureux, qui est un élément remboursé un prêt accordé par le programme de essentiel des opérations de microcrédit d'une protection sociale présente un moindre risque IMF. Il importe qu'il y ait une démarcation très lorsqu'il sollicitera ultérieurement l'IMF pour nette entre la composante protection sociale et obtenir un microcrédit normal. L'accès à de la composante IMF. La solution généralement telles informations permet à une IMF de prêter retenue à cette fin consiste à avoir un personnel aux clients les plus pauvres sans courir autant de différent opérant dans le cadre d'une filiale risques qu'une IMF qui ne disposerait pas de distincte. Ce modèle de participation directe ne ces données. peut donner de bons résultats que si l'IMF est Cette association profite également aux mature et exceptionnellement solide, et si ses participants des programmes sociaux car elle principales fonctions sont tellement bien établies leur ouvre des perspectives à long terme et les qu'elle peut se permettre d'affecter à d'autres encourage à obtenir de bons résultats durant leur tâches une partie de son personnel de direction participation à ce programme. Cette situation et d'exécution. est mutuellement avantageuse sans vraiment accroître les coûts et les risques assumés par le Programmes de filet de protection sociale programme ou par l'IMF. Même si celle-ci est assurant des services de formation et peu solide, elle peut recourir à cette stratégie préparant les futurs clients des IMF pour poursuivre sa mission sociale, en acceptant CARE/Bangladesh : le programme rural des clients prometteurs, sans compromettre son d'entretien des routes aptitude à devenir viable. Le programme RMP (Rural Maintenance Le deuxième modèle donne lieu à une program) de CARE Bangladesh a été lancé en collaboration plus étroite entre l'IMF et le 1982 sous la forme d'un programme de travaux 4 publics pour fournir un emploi à des femmes pour leur propre compte dans le cadre d'une très pauvres des zones rurales -- c'est-à-dire microentreprise trois ans après être sorties du des femmes chefs de ménage ou mariées à un programme. Les participantes au programme homme invalide et n'ayant aucune autre source reçoivent des informations sur les IMF locales de revenus. Les femmes sont recrutées par le et sont encouragées à les contacter pour essayer programme pour une période de quatre ans. financer leur fonds de roulement et leurs besoins Elles reçoivent un salaire en espèces en échange d'expansion après leur sortie du programme. de travaux d'entretien des routes villageoises non Une enquête sur la sécurité des ménages empierrées. Les femmes qui sont sélectionnées menée par CARE Bangladesh au début de pour faire partie du programme doivent être 2005 a montré que 63 % des femmes sorties du âgées de 18 à 35 ans et être physiquement programme étaient toujours membres d'ONG capables de faire ce travail. Elles doivent trois ans plus tard8. maintenir un compte d'épargne obligatoire sur lequel est déposé un cinquième de leurs DFID-CARE/Malawi : CRIMP -- une gains6. Les participantes apprennent à compter, transposition qui n'a pas vraiment reçoivent une formation portant sur les droits porté ses fruits de la personne, la parité homme-femme, la santé Il ne faudrait pas déduire du succès de RMP et la nutrition, et acquièrent des compétences qu'il est facile de faire accéder les participants qui leur permettent de générer des revenus et d'un programme d'emploi à la microfinance. de gérer une microentreprise. CARE continue La transposition de ce programme au Malawi de leur fournir des conseils en gestion durant n'a pas produit de résultats durables pour ses l'année suivant leur sortie du programme. participants. RMP poursuit ses activités dans 90 % des Le programme CRIMP (Central Region circonscriptions rurales bangladaises. Les Infrastructure Maintenance Program) -- axé sur équipes du programme entretiennent 84 000 l'entretien des infrastructures dans la région du km de routes. Plus de 40 000 femmes participent centre -- a été lancé par DFID-CARE au Malawi simultanément au programme, et 10 000 d'entre vers la fin de 1999 dans deux circonscriptions du elles arrivent au bout du cycle chaque année7. centre du pays. Le programme se présentait sous RMP vise à permettre aux participantes la forme d'une opération pilote d'une durée de de s'affranchir de l'assistance extérieure deux ans dans le cadre de laquelle des femmes permanente. La stratégie poursuivie consiste à pauvres devaient être employées pour assurer former de nouvelles microentrepreneuses ayant l'entretien des routes rurales. Le programme les qualifications requises et pouvant utiliser leur a bénéficié à 1 600 femmes. Les participantes épargne forcée en tant que capital de départ. ont reçu une formation visant à leur apprendre Bien que toutes les femmes ne réussissent pas la solidarité de groupe, à leur donner confiance à se transformer en microentrepreneuses, RMP en elles et à leur inculquer des connaissances affiche des résultats impressionnants. Soixante- de base en matière d'entreprenariat. Elles ont dix neuf pour cent des femmes ayant achevé le aussi reçu une aide pour choisir des activités cycle de quatre ans du RMP travaillaient encore économiques adaptées. Un tiers de leurs gains ont été retenus à la source pour constituer une 6 Le salaire journalier est actuellement de l'ordre de 0,85 dollar par jour ; un montant de 0,17 dollar est prélevé sur ce salaire à titre épargne obligatoire qu'elles ont recouvrée à la d'épargne obligatoire. fin de leur période d'emploi. Les participantes 7 10 000 femmes sont recrutées chaque année, pour remplacer les ont par ailleurs effectué des dépôts d'épargne 10 000 femmes qui quittent le programme au bout de quatre ans. Ahmed, Shaikh S. Delivery Mechanisms of Cash Transfer Programs to the Poor in Bangladesh. Washington, Banque mondiale, mai 2005. 8Courriel du Dr Phillip Tanner, Coordinateur du programme RMP. 5 dans une caisse de groupe alimentée par des le fonds de roulement nécessaire, financer le contributions volontaires, qu'elles ont utilisée développement de leurs activités et obtenir pour prêter à d'autres femmes du groupe. Le d'autres services financiers. CRIMP n'a toutefois projet a pris fin au début de 2002. Certains pas réussi à forger de partenariats avec des de ses éléments ont été par la suite incorporés IMF. Les circonscriptions couvertes étaient trop dans le programme de filet de protection sociale pauvres pour attirer ces dernières. Il s'ensuit que, national9. si le programme a mis en place un mécanisme CRIMP a réussi à cibler les femmes les plus d'épargne, a encouragé la discipline financière démunies, à mettre en place un programme et a permis de lancer des activités génératrices de d'épargne efficace et à assurer une formation revenus, il n'a pas permis d'aider les participantes utile. Les évaluations du programme montrent à accéder aux services d'IMF. que les gains qu'elles ont tirés des travaux d'entretien des routes et la formation qu'elles Participation directe d'IMF aux programmes ont reçue ont aidé la plupart des participantes à se de filet de protection sociale lancer dans des activités génératrices de revenus BRAC/ Bangladesh : le programme IGVGD (relevant généralement du petit commerce et de Le programme IGVGD, au Bangladesh, est l'agriculture). Les économies se sont révélées le fruit d'une collaboration entre les autorités extrêmement utiles car elles ont permis aux nationales, le Programme alimentaire mondial participantes de faire face à leurs besoins de (PAM) et BRAC, une grande IMF. Les consommation d'urgence, notamment lors de participants au programme sont des femmes la « crise du maïs » durant laquelle la plupart extrêmement pauvres des zones rurales qui des ménages ont souffert de la faim pendant de n'ont pratiquement aucune source de revenus. longues périodes10. Trois ans après la fin du BRAC a rapidement compris qu'il était programme, la moitié environ des participantes difficile de fournir aux groupes de population à CRIMP continuaient de vouloir mettre de les plus démunis des services de microfinance l'argent de côté, notant qu'elles utilisaient conventionnelle parce qu'ils ont besoin d'une leurs économies en cas d'urgence et pour faire assistance immédiate pour survivre, plutôt que marcher leur petite entreprise11. Elles n'ont des crédits. BRAC sait aussi que l'assistance toutefois toujours pas accès au crédit et une fournie par les pouvoirs publics ne contribue reprise économique à long terme ne semble pas guère à résoudre à long terme le problème de devoir se produire prochainement. l'accès limité et imprévisible à la nourriture, et CRIMP a été lancé dans l'hypothèse que que l'État n'a pas suffisamment de ressources la formation et les économies acquises par pour pouvoir venir en aide à toutes les personnes les participantes leur permettraient de devenir démunies sur de longues périodes. IGVGD a des microentrepreneuses qui seraient alors en pour objectif d'aider les participants à passer mesure d'emprunter aux IMF pour se procurer d'un programme de survie très subventionné à un programme de microcrédit viable. 9 Potter, Harry, et al. "Malawi Central Region Infrastructure IGVGD a pour base un programme de Maintenance Programme: Final Output to Purpose Review." Lilongwe, Malawi: CARE Malawi, 2002. www.caremalawi.org. protection sociale donnant lieu à la distribution 10Pinder, Caroline. "Economic Pathways for Malawi's Rural gratuite de céréales alimentaires pendant 18 Households." Lilongwe, Malawi: CARE Malawi, 2003. mois aux ménages très pauvres dirigés par 11Scharff, Xanthe. "Ex-Post Evaluation of CARE International's des femmes, qui sont les plus exposés à la Central Region Infrastructure Maintenance Program (CRIMP) in Malawi." Polycopié. Décembre 2005. faim. Un service de BRAC, totalement séparé 6 des opérations normales de microfinance de programme et estiment que leurs conditions de l'IMF, organise les femmes en groupe, collecte vie se sont améliorées12. leur épargne, et leur assure une formation Le modèle IGVGD est actuellement transposé dans des domaines tels que les cultures au Bangladesh. Les pouvoirs publics et le PAM maraîchères ou l'élevage de volailles et animaux ont collaboré avec dix autres IMF pour mettre en de ferme. Après avoir reçu cette formation, les place un programme de distribution de céréales et participantes obtiennent un prêt de très faible fournir des services financiers similaires à environ montant (50 dollars) qui doit leur permettre 44 000 femmes durant le cycle 2003-2004. de financer de petites activités génératrices de revenus. Les remboursements de ces prêts sont Alexandria Business Association/ tellement peu élevés que les femmes peuvent Égypte : TSEP les effectuer au moyen des céréales qui leur Alexandria Business Association (ABA) est sont distribuées. BRAC ne cherche nullement une organisation à but non lucratif créée en à recouvrer les coûts financiers et administratifs 1988 en Égypte. L'Association gère deux de ses prêts de sorte que ces derniers doivent programmes de microfinance -- Small and être subventionnés, comme les autres services Micro Entreprise Project, qui cible les petites et de cette composante. Une fois que le cycle les microentreprises auxquelles le projet consent de distribution gratuite des céréales prend des prêts de l'ordre de 500 dollars, en moyenne, fin, les participantes ont reçu une formation, et Blossoms of Micro Enterprise Program, géré des emprunts, se sont lancées dans un qui vise exclusivement les plus démunis, en type d'activité quelconque, et ont accumulé particulier les femmes, auxquelles il accorde des une épargne qui peut leur servir de capital prêts allant de 25 à 125 dollars. d'investissement. Elles ont également acquis En mars 2000, ABA a lancé son projet d'aide confiance en elles grâce à leur participation à la création de petites activités génératrices de à un groupe. À ce stade, la plupart d'entre revenus (Towards Self-Employment Project elles sont prêtes à se lancer dans des activités -- TSEP) destiné aux individus qui ne veulent ou génératrices de revenus et à devenir clientes de ne peuvent pas devenir membres du programme programmes de microfinance classiques. Blossoms parce qu'ils sont trop pauvres. Financé Les résultats obtenus par IGVGD sont par des dons des milieux d'affaires dans le cadre impressionnants. Le programme a aidé de leurs obligations religieuses, TSEP accorde 1,6 million de femmes très pauvres depuis son des dons de 50 dollars aux chômeurs. Le premier lancement. Près des deux tiers des participantes versement de 25 dollars est effectué aux clients sont « sorties » de la pauvreté absolue pour qui montrent au personnel du programme qu'ils devenir clientes d'institutions de microfinance ont réellement l'intention de se lancer à temps et n'ont plus besoin de recevoir de nouveaux plein dans une entreprise économiquement secours. Les enquêtes menées auprès des clientes viable. Le deuxième versement de 25 dollars d'IGVGD montrent que leurs revenus et leurs est effectué une fois que ces mêmes clients biens (jardins potagers, terres, lits et couvertures) ont poursuivi leur activité durant trois mois et ont augmenté et que le nombre de mendiantes 12Hashemi, Syed. « Au Bangladesh, IVGVD conjugue un programme a diminué. Les études portant sur la manière de microfinance et un programme de protection sociale pour aider les dont les clientes perçoivent elles-mêmes leur plus pauvres », Focus 21.Washington : CGAP, 2001Matin, Imran, et situation révèlent que les participantes à IGVGD Rabeya Yasmin. "Managing Scaling Up Challenges of a Program for the Poorest," publié dans Scaling Up Poverty Reduction. Washington: ont davantage confiance en elles à l'issue du CGAP, 2004. 7 qu'ils ont pris de nouveaux engagements pour participants qui réussissent à passer de chaque accroître la portée de celle-ci. TSEP a été conçu étape à la suivante sont probablement prêts à de manière à ce que les participants obtenant de sortir du système pour devenir clients de services bons résultats puissent, dans un premier temps, de microfinance classiques. devenir membres du programme Blossoms Bien qu'il ne soit nullement garanti que tous puis, par la suite, participer au projet Small and les participants tirant utilement parti de ces Micro Enterprise. programmes d'appui parviennent à accéder à des TSEP avait consenti 2 300 dons à la fin de services de microfinance, l'offre de programmes 2005. Soixante-dix pour cent de ses clients d'appui bien structurés semble très prometteuse. poursuivent leurs activités à ce jour mais 5 % Il faut toutefois noter que, même dans le seulement d'entre eux sont devenus membres meilleur des cas, entre un cinquième et un tiers du programme Blossoms. Selon TSEP, les des femmes qui parviennent à la fin d'un de ces participants mettent du temps à devenir membres programmes retombent dans le dénuement et du programme Blossoms en raison de l'ambiguïté ont de nouveau besoin de bénéficier d'un filet créée par l'emploi du même personnel pour les de protection sociale. services de crédit et l'octroi de dons. TSEP a Les services de protection sociale et les donc entrepris de mettre au point de nouveaux institutions de microfinance qui travaillent en systèmes auxquels seront affectés des employés partenariat dans le cadre de ces programmes différents, et de mieux communiquer avec ses ont, chacun, des avantages comparatifs. clients. Le personnel de TSEP travaillera avec Regrouper les fonctions de protection sociale et ces derniers pour bien leur expliquer qu'ils ne de microfinance peut compromettre l'efficacité bénéficieront que d'un seul don et qu'il leur du modèle d'association. Les compétences faudra accéder à des sources de crédit durables nécessaires pour administrer des dons sont pour financer la poursuite et le développement différentes de celles qui sont requises pour de leurs activités. fournir des services financiers durables. Pour être viable, le microcrédit doit reposer sur Enseignements une rigoureuse discipline de remboursement, Les études de cas présentées dans cette Note qui peut être compromise si l'institution de montrent comment il peut être possible d'établir financement accorde également des dons. des passerelles entre les programmes de filet de Les programmes de protection sociale ou de protection sociale subventionnés qui sont déjà dons doivent commencer par bien cibler leur en place et les programmes de microfinance, et action, puis s'assurer que leurs clients reçoivent comment la fourniture d'un appui échelonné un appui adapté. Si le programme de filet de peut réellement aider les groupes de population protection sociale donne lieu à l'octroi de très les plus démunis. Dans un premier temps, un petits prêts bonifiés à des fins de « formation », don est accordé, qui permet de satisfaire aux il vaut probablement mieux que ces prêts soient besoins de consommation immédiats et de gérés par les spécialistes du microcrédit, bien que constituer des « microactifs », puis le programme séparément des opérations de crédit habituelles assure une formation, notamment en gestion del'IMFparticipante.Lesinstitutionsfinancières, d'entreprise, fournit des services d'épargne et quant à elles, doivent s'assurer qu'elles ont consent parfois de petits crédits pour préparer une procédure qui leur permet de recruter les ses clients à exploiter une microentreprise. Les participantes qui sortent du programme pour 8 inclure ces dernières le cas échéant dans leur entre un cinquième et un tiers des participants clientèle normale. Les programmes donnant retombent dans le dénuement et ont de nouveau de bons résultats reposent généralement sur besoin de bénéficier de l'appui de programmes certains principes, qui consistent à : sociaux. Faire appel à un organisme spécialisé distinct Dans le premier modèle, les programmes pour gérer les programmes subventionnés de filet de protection et de dons assurent une d'octroi de dons ou les programmes de formation et fournissent des informations pour protection sociale. Ces types de programmes préparer les participants à devenir clients de n'entrent pas dans le domaine habituel des programmes de microfinance. Les IMF offrent compétences d'une IMF. des services financiers aux individus qui ont Éviter toute ambigüité entre les dons et les obtenu de bons résultats dans le cadre des prêts. Les IMF doivent veiller à ce que leurs programmes de protection sociale. Ce modèle clients qui avaient préalablement participé est mutuellement avantageux pour les IMF et à un programme de protection sociale, pour les programmes de filet de protection, comprennent bien la nécessité de satisfaire à et n'accroît guère les risques ou la charge que une discipline financière rigoureuse. doivent assumer les IMF qui ont déjà mis en Faire de l'épargne le premier service place des systèmes adaptés à une clientèle très financier, même lorsque les participants ne pauvre. Même si elle est de création récente font que s'inscrire dans des programmes et relativement moins solide, une IMF peut de protection sociale. L'épargne qu'ils s'associer de cette manière à un programme de constituent ainsi permet aux participants protection sociale. d'acquérir des microactifs, d'amortir les Le deuxième modèle impose une charge chocs et d'apprendre à procéder à des beaucoup plus lourde à l'IMF, surtout lorsque versements réguliers. la collaboration implique la fourniture de Fournir des services de formation, des prêts bonifiés aux participants de programmes conseils de nature commerciale, et des de protection sociale pour leur permettre de informations sur les institutions financières financer le démarrage de leurs activités. Une dans le cadre du programme de protection IMF ne doit envisager de collaborer de cette sociale. manière que si elle est mature et si ses activités Commencer par consentir des prêts simples principales sont stables et viables que ce soit sur finançant une activité économique facile ; le plan opérationnel ou sur le plan financier. lorsque son activité est bien lancée, le participant est prêt à devenir client d'une IMF traditionnelle. Conclusion : la recherche d'un dialogue Identifier les participants ayant l'esprit et la poursuite d'expériences d'entreprise requis pour pouvoir devenir clients d'IMF. Les groupes de population les plus démunis, Les exemples examinés ici font ressortir à la que les services de microfinance ont du mal fois le potentiel de réussite de ces programmes à atteindre, sont la cible d'initiatives de destinésàfaireaccéderlespluspauvresauxservices développement d'une importance cruciale -- de microfinance et les difficultés inhérentes à le déploiement de filets de sécurité dans le ce dispositif. Même dans les meilleurs des cas cadre d'une stratégie de protection sociale. (BRAC-IGVGD et CARE-RMP, par exemple) Les institutions de microfinance font toutefois, 9 pour l'essentiel, abstraction des activités de démarches s'il veut étendre la portée de ses protection sociale ou se tiennent délibérément services aux populations les plus démunies. à l'écart de ce type d'opération. Les praticiens Les programmes de filet de protection sociale de la microfinance considèrent souvent que doivent aider leurs participants à formuler un la protection sociale (en particulier les filets plan d'avenir viable -- c'est-à-dire un scénario de protection) est synonyme de don et de de sortie du programme -- qui fait intervenir subvention et, de ce fait, engendre des distorsions un accès à des services financiers. Les praticiens sur le marché et compromet les efforts déployés de la microfinance et de la protection sociale pour assurer la poursuite d'activités viables. pourraient être en mesure de servir ces besoins Les spécialistes de la protection sociale, quant en poursuivant une collaboration soigneusement à eux, associent fréquemment la microfinance structurée. Il sera possible d'exploiter les à l'endettement, qui a pour effet d'accroître la possibilités qui s'offriront ainsi à condition que vulnérabilité des pauvres. les spécialistes des deux domaines abandonnent Ces convictions font obstacle à une recherche toute idée préconçue, entreprennent de créative de synergies importantes. Le secteur mieux communiquer et se lancent dans une de la microfinance doit considérer de nouvelles collaboration mutuellement avantageuse. Étapes à franchir pour devenir client d'une imf Emploi garanti Formation Aide alimentaire Plus grande sécurité Épargne = Création d'actifs Passage aux services alimentaire = Expérience de la classiques d'IMF microentreprise Dons en espèces Petits prêts bonifiés 1ere étape 2e étape 3e étape 10 n n n Bibliographie Ahmed, Shaikh S. Delivery Mechanisms of Cash Transfer Programs to the Poor in Bangladesh. Washington, Banque mondiale, mai 2005. Hashemi, Syed. « Au Bangladesh, IVGVD conjugue un programme de microfinance et un programme de protection sociale pour aider les plus pauvres », Focus 21.Washington : CGAP, 2001. Holzmann, Robert, et Steen Jorgensen. « Gestion des risques sociaux: Le nouveau cadre conceptuel pour la protection sociale, et perspectives » Document de synthèse sur la protection sociale # 6. Washington, Banque mondiale, février 2000. Littlefield, Elizabeth, Jonathan Murdoch et Syed Hashami. « La microfinance est-elle une stratégie efficace pour atteindre les objectifs de développement pour le millénaire ? » Focus 24. Washington.: CGAP, 2003. Matin, Imran, et Rabeya Yasmin. "Managing Scaling Up Challenges of a Program for the Poorest," publié dans Scaling Up Poverty Reduction. Washington.: CGAP, 2004. Pinder, Caroline. "Economic Pathways for Malawi's Rural Households." Lilongwe, Malawi: CARE Malawi, 2003. Potter, Harry, et al. "Malawi Central Region Infrastructure Maintenance Programme: Final Output to Purpose Review." Lilongwe, Malawi: CARE Malawi, 2002. www.caremalawi.org. Scharff, Xanthe. "Ex-Post Evaluation of CARE International's Central Region Infrastructure Maintenance Program (CRIMP) in Malawi." Polycopié. Décembre 2005. Zaman, Hassan, directeur de publication. The Economics and Governance of Non Government Organizations (NGOs) inBangladesh, Consultation Draft. Washington : Banque mondiale, 2005. 11 NoteFocus n° 34 N'hésitez pas à faire lire cette Note à vos collègues ou à nous demander des exemplaires supplémentaires de ce numéro ou d'autres études. Le CGAP vous invite à lui faire part de vos commentaires sur cette Note. Toutes les études du CGAP sont disponibles sur le site web du CGAP : www.cgap.org. CGAP 1818 H Street, N.W. MSN P3 - 300 Washington, DC 20433 États-Unis Tel : 202 473 9594 Fax : 202 522 3744 Courriel : cgap@worldbank.org 12