LES VILLES HAÏTIENNES: DES ACTIONS POUR AUJOURD’HUI AVEC UN REGARD SUR DEMAIN LES VILLES HAÏTIENNES: DES ACTIONS POUR AUJOURD’HUI AVEC UN REGARD SUR DEMAIN Nancy Lozano-Gracia et Marisa Garcia Lozano Editors © 2017 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/La Banque mondiale 1818 H Street NW Washington DC 20433 Téléphone: 202-473-1000 Site Internet: www.worldbank.org La publication originale de cet ouvrage est en anglais sous le titre de Haiti Urbanization Review: Actions today with an eye on tomorrow. En cas de contradictions, la langue originelle prévaudra. Le présent écrit est le produit du travail des équipes de la Banque mondiale et de certaines contri- butions externes. Les observations, les interprétations et les conclusions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement le point de vue des administrateurs de la Banque mondiale ou des gouvernements qu’ils représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données présentées. Les frontières, les couleurs, les dénominations et autres informations figurant sur les cartes ne sont pas le fruit d’un jugement de la Banque mondiale concernant le statut juridique d’un territoire ou l’approbation ou l’acceptation de ces frontières. Droits et licences Le contenu de cette publication est protégé par les droits d’auteur. Cependant, la Banque Mondiale encourage la diffusion de son travail, et donc cette publication peut être reproduite, entièrement ou en partie, à des fins non commerciales, et à condition que l’attribution complète soit faite. Pour tous renseignements sur les droits et licences doivent être adressées à World Bank Publications, The World Bank Group, 1818 H Street, NW, Washington, DC, 20433, USA ; télécopie : 202-522-2625 ; courriel : pubrights@worldbank.org. Photo de la couverture : © Ingrid Nelson. Nouvelle autorisation requise pour toute réutilisation. Conception de la couverture : © Ingrid Nelson. Nouvelle autorisation requise pour toute réutilisation. TABLE DES MATIÈRES REMERCIEMENTS i ABRÉVIATIONS iii APERÇU 1 “Nous sommes comme un roseau, nous plions mais nous ne cassons pas” 2 Urbanisation en Haïti : des villes qui ne sont pas desservies et qui se développent 4 dans un environnement fragile et risqué Planification: pour aborder les déficits actuels en infrastructures et préparer la crois- 6 sance urbaine à venir, il faut un changement vers une planification urbaine résiliente Connectivité : une meilleure connectivité et accessibilité au sein des villes sont réalis- ables en améliorant le transport motorisé et en renforçant la coordination entre 9 l’aménagement du territoire et les investissements dans les transports Financement : il est essentiel de renforcer les finances municipales pour combler le 14 déficit en services et en infrastructures et pour s’adapter à l’augmentation de la population urbaine “Vivre aujourd’hui mais penser à demain - Wè jodi a, men sonje demen” Réferences 17 21 CHAPITRE 1. EXPOSÉ DES FAITS EN MATIÈRE D’URBANISATION EN HAÏTI 25 Urbaniser tout en étant aux prises avec une fragilité et un risque de catastrophe généralisés 27 Urbaniser dans un contexte de marché du travail défavorable et avec des niveaux élevés de pauvreté 36 Urbaniser dans des conditions de surpopulation et sans infrastructures de soutien Examen des défis à venir 43 Réferences 47 49 5 SPOTLIGHT 1: QU’EST-CE QUI EST URBAIN ET QU’EST-CE QUI EST EXPOSÉ AUX 53 RISQUES Réferences 63 CHAPITRE 2 – PASSER DE LA RECONSTRUCTION À UNE PLANIFICATION URBAINE 67 RÉSILIENTE POUR UN AVENIR MEILLEUR Pourquoi une planification urbaine résiliente? 67 Les villes haïtiennes sont marquées par un déficit en services de base et une expo- 69 sition élevée aux risques de catastrophes naturelles Une mauvaise administration du foncier, une législation inappropriée et des lacunes 76 en matière d’information, empêchent la prise de décision efficace et exacerbent les défis de planification En dépit de récents efforts, les défis en matière de gouvernance restent un obstacle à 85 une croissance urbaine résiliente sur le long terme Les instruments qui peuvent aider à initier un changement aujourd’hui tout en invo- 88 quant la mise en place des tremplins pour demain Réferences 103 SPOTLIGHT 2: MODÈLES D’UTILISATION DES TERRAINS AU SEIN DES VILLES 107 Réferences 116 CHAPITRE 3: FAÇONNER LES MARCHÉS DU TRAVAIL : CONNECTIVITÉ, EMPLOIS ET 121 RISQUES Connectivité dans les zones urbaines en Haïti 121 Le transport urbain en Haïti est très lent et inabordable pour beaucoup 123 La structure des zones urbaines de Port-au-Prince et Cap-Haïtien : où vivent les per- 132 sonnes? Où sont les opportunités? Marchés du travail fragmentés – peu de navetteurs et ils ne vont pas loin 141 Des interventions sur le transport qui se concentreraient sur la vitesse et la résil- 149 ience pourraient réduire l’inadéquation spatiale Appariement entre personnes et opportunités économiques – dépasser les défis 156 Réferences 163 SPOTLIGHT 3. LIAISONS INTERURBAINES : POURQUOI SONT-ELLES ÉGALEMENT 167 IMPORTANTES POUR LA PRODUCTIVITÉ EN HAÏTI Réferences 175 6 CHAPITRE 4: FINANCER LES VILLES HAÏTIENNES 179 Le processus et les progrès de la décentralisation en Haïti 181 Une décentralisation incomplète et une faiblesse du cadre juridique en matière de 190 finances municipales entravent la capacité des gouvernements locaux à s’acquitter de leurs responsabilités Les ressources limitées des administrations municipales entravent leur capacité à 193 fournir des services Le manque de transparence et la fiabilité limitée des systèmes de transfert exacer- 206 bent les contraintes financières Une voie vers le renforcement des finances municipales 211 Réferences 216 ANNEXES 219 7 REMERCIEMENTS La Revue de l’Urbanisation d’Haïti a été préparée par une équipe dirigée par Nancy Lozano- Gracia (Economiste en Chef GSU10– Directrice de Projet), et composée de Sarah E. Antos (Experte en Informatique, Gestion des Informations et des Données, ITSOP), Paolo Avner (Economiste Urbain, GSUGL), Andrea Colombo (Consultant, GSU10), Chandan Deuskar (Consultant, GSU10), Marisa Garcia Lozano (Consultante, GSU10), Alexandra Panman (Consultante, GSU10), Jonas Ingemann Parby (Spécialiste Urbain en Chef, GSU10), Joseph Denis (Consultant, GSU10), Claudia Soto (Spécialiste en Gestion des Risques et Désastres, GSU10), et Benjamin P. Stewart (Géographe, GGSCE). Claudia P. Pacheco Florez (Assistante de Programme, GSU10) a fourni une assistance administrative globale. Le travail du Chapitre 3 représente une collaboration entre la Banque mondiale, la Fondation Flowminder, le Projet WorldPop, et Digicel Haïti. L’équipe de Flowminder a été composée de Guilherme Augusto Zagatti, Miguel Gonzalez Canudas, Chris Brooks, Maximilian Albert, Elisabeth Zu Erbach-Schoenberg, Alessandro Sorichetta, Simon Dutka, Priya Burci, Andrew Tatem, Erik Wetter, et Linus Bengtsson. L’équipe souhaite exprimer sa gratitude à Roger Gorham (Économiste Transports, GTI04), à Augustin Maria (Spécialiste en Développement Urbain en Chef, GSU11) et à Michel Matera (Spécialiste Urbain en Chef, GSU13) pour leurs évaluations collégiales. Des contributions supplé- mentaires ont été apportées par Roland A, Bradshaw (Spécialiste en Chef en en Gestion des Risques et Désastres, GSU10), Lauren Nicole Dauphin (Consultante, GGSCE), Sergio Dell’Anna (Spécialiste en Gestion des Risques et Désastres, GSU10), Katie L. McWilliams (Experte en Infor- matique, Gestion des Informations et des Données, ITSOP), Emilie Perge (Économiste, GPV04), et Franck Taillandier (Spécialiste en Chef Transports Urbains, GTI08). L’équipe a bénéficié de l’accompagnement technique de Catalina Marulanda (Manager de Pratique, GSU12) et de Pierre Xavier Bonneau (Chef de Programme, LCC8C). Des conseils et des commentaires précieux ont été apportés par Judy Baker (Économiste Urbaine en Chef, GSU10) et Raju Singh (Chef de Programme, LCC8C). Le rapport a été préparé sous la direction générale de Ming Zhang (Manager de Pratique, GSU10). En outre, l’équipe est reconnaissante pour le soutien reçu de l’ancienne « Envoyée Spéciale » pour Haïti, Mary A. Barton-Dock. Le Revue a été éditée par « Communications Development Incorporated » et Jean-Dany Joachim a fourni un soutien éditorial pour tout le rapport. La conception et la mise en page du livre ont été élaborées par Ingrid Nelson. La réunion-débat d’orientation de ce rapport a bénéficié des conversations avec des respons- ables gouvernementaux de haut niveau et des partenaires de développement y compris des i représentants : du Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire (CIAT), du Centre National de l’Information Géo-Spatiale (CNIGS), de l’Institut Haïtien de Statistique et Informa- tique (IHSI), du Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT), du Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE), et du Ministère des Travaux Publics, Transports et Communications (MTPTC). Des remerciements spéciaux vont à Michèle Oriol et Rose-May Guignard du CIAT pour leur orientation globale et la contribution à ce travail. Ce rapport a été rendu possible grâce à la contribution financière de trois fonds fiduciaires provenant de: la Facilité mondiale pour la prévention des catastrophes et le relèvement “Global Facility for Disaster Reduction and Recovery (GFDRR) TF0A2693”; du « Jobs Umbrella Trust Fund » de la Banque mondiale, soutenu par le Département du Développement international du Royaume-Uni « Department for International Development (DFID) », les gouvernements de la Norvège, de l’Allemagne et de l’Autriche, l’Agence autrichienne pour le développement et l’Agence suédoise de développement « Swedish International Development Cooperation Agency (SIDA) », TF0A2893; et du programme <>, menées par la division globale des opérations en analyse de données et de texte, division incluse dans les thématiques globales de la Vice-Présidence à la Banque mondiale. ii ABBREVIATIONS ASEC Assemblée de la Section Communale CASEC Conseil d’Administration de la Section Communale CDD Développement Communautaire Participatif (Community Driven Development) CFPB Contribution Foncière des Propriétés Bâties CIAT Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire CNIGS Centre National de l’Information Géo-Spatiale DGI Direction Générale des Impôts DHS Enquêtes de Santé Démographiques (Demographic Health Surveys) DINEPA Direction Nationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement CE Commission Européenne ECVH Enquête sur les conditions de vie en Haïti ECVMAS Enquête sur les Conditions de Vie des Ménages Après Séisme EDH Electricité d’Haïti FGDCT Le Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales FY Exercice comptable (Fiscal Year) GHSL Global Human Settlements Layer GUF Global Urban Footprint GVA Valeur Ajoutée Brute (Gross Value Added) HTG Gourde haïtienne (devise) IHSI Institut Haïtien de Statistique et Informatique FMI Fonds Monétaire International OIT Organisation Internationale du Travail JRC Centre de Recherches Conjointes (Joint Research Centre) LAC Amérique Latine et Caraïbes MARNDR Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développent Rural MDE Ministère de l’Environnement MEF Ministère de l’Économie et des Finances MSPP Ministère de la Santé Publique et de la Population MICT Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales MPCE Ministère de la Planification et de la Coopération Externe iii MTPTC Ministère des Travaux Publics, Transports et Communications ONACA Office National du Cadastre PDNA Evaluation des Besoins Post-Catastrophe (Post-Disaster Needs Assessment) PIB Produit Intérieur Brut PRAFIPUM Programme d’Amélioration des Finances Publiques Municipales QCA Quartier Central des Affaires UN WUP Perspectives d’Urbanisation Mondiales des Nations Unies (United Nations World Urbanization Prospects) US$ Dollar des Etats Unis USAID Agence des Etats Unis pour le développement international (United States Agency for International Development) WDI Indicateurs de Développement Mondiaux (World Development Indicators) iv APERÇU PARTIE NORD DU CAP-HAITIEN, NORD. PHOTOGRAPHIÉE PAR REMI KAUP, 2006 SOURCE: WIKIMEDIA, CREATIVE COMMONS LICENSE APERÇU Aujourd’hui, plus de la moitié de la population haïtienne est installée dans les villes et les bourgs, ce qui représente un changement majeur par rapport aux années cinquante, où environ 90 % des Haïtiens vivaient à la campagne. L’urbanisation en général va de pair avec la croissance économique, une plus grande productivité et des niveaux de vie plus élevés, mais en Haïti elle a suivi un parcours différent. Ses bénéfices potentiels ont été assombris par d’énormes défis qui nécessitent une action immédiate. Pour mieux comprendre les facteurs qui font obstacle au développement inclusif et durable des villes haïtiennes, cette Revue de l’Urbanisation organise les défis selon trois dimensions de dével- oppement urbain : la planification, la connectivité et le financement. La planification examine les défis en soutenant une croissance résiliente pour créer des villes économiquement dynamiques, durables d’un point de vue environnemental et habitables. La connectivité se concentre sur les obstacles qui empêchent physiquement le lien entre les personnes et les emplois ainsi qu’entre les entreprises et les marchés alors que le financement se concentre sur l’identification des principaux obstacles institutionnels, en matière de gouvernance et de capital qui représentent des barrières lorsqu’on aborde les défis de connexion et de planification. Dans ce contexte, l’analyse indique trois principaux défis pour les villes haïtiennes: PLANIFICATION: La croissance urbaine résiliente est gênée par des déficits importants en matière de services de base, une exposition plus importante aux catastrophes naturelles et un aménage- ment du territoire inefficace. CONNECTIVITÉ: La mauvaise connectivité dans les villes haïtiennes entrave l’émergence des marchés du travail intégrés et l’accès aux opportunités économiques. FINANCEMENT: La capacité des gouvernements locaux à planifier, viabiliser et connecter les villes et les bourgs est largement restreinte à cause des ressources limitées au niveau municipal. 1 Pour relever ces défis, la Revue de l’Urbanisation propose trois stratégies globaes, qui font partie intégrante de la matrice du sommaire, Tableau 0.1: PLANIFICATION: Pour aborder les déficits actuels en infrastructures et préparer la croissance urbaine à venir, il faut un changement vers une planification urbaine résiliente. Il s’agit donc d’investir dans les déficits en services de base, d’exploiter les informations pour la prise de décision et de renforcer les droits de propriété. CONNECTIVITÉ: Une meilleure connectivité et accessibilité au sein même des villes sont réalis- ables en améliorant le transport motorisé et en renforçant la coordination entre l’aménagement du territoire et les investissements dans les transports. Il s’agit donc d’investir et d’améliorer l’efficacité tout en rendant les transports plus abordables et en renforçant la coordination entre l’aménagement du territoire et les investissements dans les transports. FINANCEMENT: Le renforcement des finances municipales est essentiel pour combler le déficit en services et en infrastructures ainsi que pour s’adapter à l’augmentation de la population urbaine. Il s’agit donc de consolider, d’harmoniser et d’appliquer les cadres existants, de renforcer les capacités et d’élargir les opportunités financières tout en élargissant et en exploitant la base des recettes locales. “NOUS SOMMES COMME UN ROSEAU, NOUS PLIONS MAIS NOUS NE CASSONS PAS” Les proverbes sont un composant intégral de la culture et du parler haïtiens. Avec les métaphores, les images et les récits, ils sont une forme traditionnelle de communication utilisée pour transmettre des connaissances et la sagesse d’une génération à l’autre. Même si les obser- vations et les messages de la Revue de l’Urbanisation sont techniques, ils n’en demeurent pas moins en résonance avec un proverbe haïtien très connu qui illustre bien le combat des Haïtiens au jour le jour et leur espoir d’un avenir meilleur. Nou se wozo, nou pliye nou pa kase— est un proverbe en Créole haïtien qui signifie : “Nous sommes comme un roseau, nous plions mais nous ne cassons pas.” Ce proverbe capture bien la longue histoire de résilience d’Haïti face à l’esclavage, au colonialisme, à l’oppression politique, aux destructions de grande envergure provoquées par les catastrophes naturelles, à l’exclusion sociale, aux inégalités et à la pauvreté qui ont tous façonné l’urbanisation du pays, un processus qui détermine ses défis actuels en matière de développement mais, plus important encore, les opportunités qui l’attendent. Historiquement, la fragilitéi en Haïti a été générée par la violence et l’instabilité politiques (Banque mondiale 2015b).ii Cette instabilité a affaibli les institutions de l’État, l’État de droit et le climat d’investissement, menant à la violence et à la suspicion par rapport aux autorités 1 La Banque Mondiale classifie Haïti d’état « fragile » étant donné son classement faible dans l’Evaluation des politiques et institu- tions du pays (CPIA acronyme en anglais) en matière économique, sociale, institutionnelle et de la qualité du secteur public. De façon générale, la fragilité se définie par rapport à la faiblesse des institutions et la vulnérabilité à l’instabilité, violence et conflit. 2 En moins de 30 ans (1986-2014), le pays a connu une succession de 18 gouvernements et a souffert d’élections reportées, parmi lesquelles celles en 2015 qui ont entrainé la dissolution du parlement. 2 publiques (Singh et Barton-Dock 2015). Malgré quelques améliorations des indicateurs de gouvernance, le pays se classe le plus bas en Amérique latine et dans les Caraïbes (LAC) en ce qui concerne le contrôle de la corruption. Dans son histoire récente, alors que la fragilité d’Haïti remonte au régime de Duvalier (1957– 1986), l’instabilité politique et institutionnelle qui a suivi a exacerbé la volatilité. Entre 1986 et 2014, Haïti a connu 18 changements de gouvernement et plus de 20 remaniements ministériels majeurs. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, des facteurs comme de mauvaises politiques agricoles et la surexploitation des terres ont détérioré l’économie rurale et généré une migration massive des paysans vers les zones urbaines à la recherche de sécurité, d’opportunités et d’accès aux services, notamment à Port-au-Prince, la capitale. Mais la fourniture de services de base ne s’est pas développée pour répondre aux pressions de la nouvelle population et les villes se sont trouvées incapables de répondre aux demandes des arrivants. Les impacts destructeurs du tremblement de terre de 2010 qui sont arrivés dans la foulée d’une saison cyclonique dévastatrice en 2008, et qui ont été suivis par l’ouragan Matthew encore plus dévastateur en 2016, ont affaibli encore plus les ressources qui auraient pu permettre de générer une plus grande prospérité dans tout le pays puisque la plupart des efforts se sont concentrés sur le relèvement et la reconstruction. En dépit de ces obstacles, comme le dit le proverbe, les Haïtiens « plient mais ne cassent pas». Tout en étant confronté à l’instabilité politique et aux énormes pertes dues aux catastro- phes naturelles, le pays a également pris des mesures importantes pour se développer. Des étapes clés sur les fronts économiques et sociaux ont été franchies, y compris la réduction de l’extrême pauvreté et le développement des services de santé et d’éducation. Aujourd’hui, 90 % des enfants vont à l’école et le taux de mortalité infantile a baissé de 9 % entre 2005 et 2012. Les principales villes du pays sont aujourd’hui toutes connectées au principal réseau routier, le tourisme s’est développé et l’accès au financement, notamment aux micros crédits, s’est renforcé (Banque mondiale 2015b). On observe un regain d’optimisme pour l’avenir. Haïti est arrivé aujourd’hui à un point décisif de son histoire au moment où le pays laisse de se concentrer sur la reconstruction et passe à un développement sur le long terme et à une planification visionnaire. Comme le dit un autre proverbe, Wè jodi a, men sonje demen, ou “Vit aujourd’hui, mais pense à demain.” Ce proverbe est une manifestation de la culture haïtienne qui est forte et déterminée à agir aujourd’hui en gardant demain à l’esprit. La Revue de l’Urbani- sation d’Haïti vise à contribuer des solutions aux problèmes confrontés par les villes aujourd’hui et fournir des recommandations pour aider à la « réflexion » sur des solutions pour des lende- mains meilleurs. 3 A prix constant de 2010. 3 URBANISATION EN HAÏTI: DES VILLES QUI NE SONT PAS DESSERVIES ET QUI SE DÉVELOPPENT DANS UN ENVIRONNEMENT FRAGILE ET RISQUÉ Dans le monde entier, l’urbanisation a souvent eu un effet positif sur la croissance économique. Les liens étroits entre les niveaux d’urbanisation et les revenus ont été largement documentés. Des données historiques entre 1996 et 2015 pour plus de 180 pays montrent une augmentation des revenus au fur et à mesure que la proportion de la population vivant dans des zones urbaines augmente. Les densités dans les villes promeuvent la productivité et offrent des opportunités pour améliorer les moyens d’existence des gens et leur qualité de vie en permettant finalement à beaucoup d’entre eux de sortir de la pauvreté. Pour les entreprises et les travailleurs dans les villes, la proximité rend l’adéquation entre les compétences et les emplois mais aussi la recherche d’emplois plus efficaces. Pour les gouvernements, les services publics et les infrastructures de base peuvent être fournis à moindrescoûtsgrâce aux économies d’échelle. Les rapports entre l’urbanisation et la croissance ne sont pourtant pas toujours linéaires. Seules de fortes densités de population ne suffisent pas pour créer les économies d’agglomération souvent attribuées aux villes. Lorsque les densités sont mal gérées, des externalités comme les encombrements, la pollution et les taux de criminalité élevés peuvent assombrir les bénéfices de l’urbanisation. En Haïti, l’urbanisation n’est pas allée de pair avec la croissance économique.Le produit intérieur (PIB) par tête a stagné et a même baissé en passant de $757 USen 1996iiià $727 USen 2013, alors même que les taux d’urbanisation augmentaient pour passer de 33 à 58 %. À l’inverse de pays similaires dans la région LAC, Haïti n’a pas profité de l’urbanisation. Une fragilité généralisée et des catastrophes naturelles très coûteuses ont miné les bénéfices du processus d’urbanisa- tion. Un examen plus approfondi du système desvilles du pays, des déficits en infrastructures et en services urbains, des limites de la gouvernance et du financement urbain au niveau des gouver- nements locaux, contribuentà expliquer pourquoi Haïti s’est urbanisé sans croissance économique. Depuis 2000, Haïti s’est urbanisé rapidement, même si le phénomène est en retard par rapport àses pairs dans la région LAC.En 1950, environ 10 % de la population du pays vivaient dans les zones urbaines mais à partir de cette décennie jusque dans les années 80, le nombre de citadins a augmenté quatre fois plus vite que le taux de la population rurale. Dans les années quatre-vingts, la population urbaine a augmenté à un taux plus rapide que celui de la population totale pour arriver à 30 % au milieu des années quatre-vingt-dix. D’après les chiffres officiels, 52 % de la population en 2015 résidaient dans des zones urbaines. Les Perspectives d’Urbanisation dans le Monde des Nations Unies (ONU) avancent le chiffre de 57 % pour cette même année avec un taux moyens annuel d’urbanisation de 5 % entre 2000 et 2015. En 15 ans, la population urbaine haïtienne a augmenté de 3,6 % plus rapidement que la moyenne dans les pays des Caraïbes et a doublé en taille pour passer de légèrement en dessous de 3 millions de personnes à presque 6 millions. Chaque année, on compte jusqu’à 133 000 citadinshaïtiens supplémentaires (Banque mondiale2015b). Dans 10 ans le nombre de citadins devrait avoir augmenté d’environ 2 millions de personnes et pourrait monter à environ 11 millions en 2050 avec un taux urbain de 76 %. L’imagerie satellitaire pour mettreà jour ce qui est urbain en Haïti indique que la population urbaine pourrait même être supérieure à ce qu’indiquent les statistiques officielles.Les définitions des zones urbaines en Haïti sont obsolètes et utilisent des critères peu clairs. Pour abordercette 4 contrainte, ce rapport utilise une mesure différente de « ce qui est urbain » basée sur des estima- tions de population maillées et des seuils de densité de population. En produisant une classifi- cation de l’urbain par rapport au non urbain à haute résolution (cellules de 100m x 100m) et en identifiant les zones urbaines bâties, l’analyse indique que Haïti a une population urbaine de plus de 6 millions de personnes, soit environ 64 % de la population totale –une différence marquée par rapport aux 52 % déclarés par les chiffres officiels basés sur des projections à partir du dernier recensement. Cette situation fait d’Haïtile quatrième pays de la région LAC en matière d’urban- isation, juste derrière Porto Rico, Trinidad et Tobago, et le Mexique, au lieu d’être classé20ème à partir des données des Perspectives d’Urbanisation dans le Monde des Nations Unies (FigureO.1). PROPORTION DE LA POPULATION DANS LES CLUSTERS URBAINS ET À HAUTE DENSITÉ. (WORLDPOP PAR RAPPORT AUX TAUX D’URBANISATION Figure O.1. DES PERSPECTIVES D’URBANI-SATION DANS LE MONDE DE L’ONU.) Source: Deuskar, Stewart, et Lozano-Gracia (2016) basé sur WorldPop (2015), les seuils de la Commission Européenne pour les zones urbaines et les perspectives d’urbanisation dans le monde de l’ONU (2015). 5 PLANIFICATION: POUR ABORDER LES DÉFICITS ACTUELS EN INFRASTRUCTURES ET PRÉPARER LA CROISSANCE URBAINE À VENIR, IL FAUT UN CHANGEMENT VERS UNE PLANIFICATION URBAINE RÉSILIENTE Les villes haïtiennes ne sont pas équipées d’infrastructures urbaines et de services de base adaptés, ce qui mine la productivité et l’habitabilité.Plutôt que de bénéficier des fortes densités, les villes haïtiennes aujourd’hui sont surpeuplées et souffrent de déficits importants en infrastructures et en services. La croissance urbaine résiliente est gênée par ces déficits et par une exposition accrue aux catastrophes naturelles ainsi que par un aménagement du territoire inefficace. Jusqu’à 35 % des citadins n’ont pas accès à une source d’eau améliorée et la part des familles qui possède une arrivée d’eau à l’intérieur de leur habitation ou qui a accès à une borne-fontaine publique a considérablement baissé entre 2000 et 2012 (respectivement de 24 à 3 % et de 65 à 21 %). Deuxtiers des citadins n’ont pas d’assainissement amélioré et on estime que 8 % des résidents urbains pratiquent la défécation en plein air. Haïti a le taux de collecte de déchets solides le plus bas de la région LAC (12,4 %) —loin derrière l’avant-dernier pays de la région, le Paraguay (57 %), et derrière des pays africains à bas revenus comme le Sénégal, le Bénin, le Mali et le Ghana avec des taux de collecte de 21, 23, 40, et 85 % respectivement (Hoornweg et Bhada-Tata 2012). D’autre part, les villes se développent sans coordination ni réglementation, ce qui renforce leur exposition aux risques de catastrophes naturelles.Haïti est l’un des pays au monde les plus exposé- saux catastrophes naturelles multiples. Plus de 93 % de son territoire et plus de 96 % de sa population sont exposés à au moins deux risques de catastrophes (Banque mondialeet ONPES 2014). Entre 1976 et 2012, les événements hydrométéorologiquesont coûté à l’économie presque 2 % du PIB par an (Banque mondiale2016). Le tremblement de terre de 2010, d’une magnitude de 7,3 sur l’échelle de Richter, a infligé des pertes économiques énormes, représentant 120 % du PIB (Banque mondiale2015a). Les zones bâties sont particulièrement vulnérables puisqu’elles sont concentrées d’une manière disproportionnée dans les zones à haut risque sismique (60 %), et que la moitié d’entre elles sont considéréescomme exposées aux risques d’inondation. La manière dont les zones urbaines se développent dans le pays et dont les bâtiments et les infrastructures sont construits est cruciale lorsque de grandes étendues de terrain sont exposées à différents types de catastrophes naturelles. D’autre part, la faiblesse de l’administration foncière, les déficits en information et des réglementations inadaptées empêchent une prise de décision efficace et exacerbent les défis en matière de planification. Les informations sur le foncier sont limitées et obsolètes, ce qui affecte la qualité globale de l’administration foncière en Haïti qui est parmi les moins performantes dans larégion LAC d’après l’index 2017 de «Doing Business». Sur 190 pays, Haïti estclassé180ème lorsqu’il s’agit d’enregistrer un bien foncier et 166ème lorsqu’il s’agit d’obtenir un permis de construire.ivLes frais de permis de construire représentent 15 % du coût total de la construction, ce qui est beaucoup plus élevé que la moyenne de 2,5 % dans la région LAC et de 7,6 % en Afrique subsaharienne.vLes obstacles en matière de coûts et de temps sont associés au développement informel et non planifié et il a été a calculé que 60 % des ménages haïtiens ne possédaient aucun document formel attestant de leur propriété foncière (USAID 2010). L’absence de cadastre national est un obstacle majeur aux droits de propriété effectifs qui sont essentiels pour réaliser des programmes d’investissements à grande échelle dans le logement urbain ou les infrastructures. Des efforts sont en cours pour mettre en 6 place un cadastre de ce type, maisle processus est très compliqué compte tenu de la fragmen- tation du système d’enregistrement foncier. Les défis en matière de gouvernance restent l’obstacle fondamental à la croissance urbaine résiliente sur le long terme.Depuis 2010, le gouvernement s’est concentré sur les activités de reconstruction. Pourtant, récemment, il a entrepris un effort plus large pour passer à une planification urbaine d’ensemble visionnaire. Le gouvernement promeut la décen- tralisation pour renforcer le rôle des gouvernements locaux dans la planification urbaine grâce au Plan Stratégique de Développement d’Haïti, qui met en exergue les réformes territoriales en tant que tremplin pour atteindre les objectifs de développement du pays. Des plans stratégiques ont été élaborés pour guider la prise de décisionentre différents niveaux et secteurs du gouvernement. Toutefois, leur mise en œuvre effective pour façonner les zones urbaines haïtiennes est confrontée à des obstacles majeurs : les plans existent bien dans la loi, maisne sont pas mis en œuvre dans la pratique et lorsque des plans sont élaborés, il y a un écart important entre les attentes générées par ces plans et les capacités techniques et financières pour les mettre en œuvre. Une planification urbaine résiliente est un élément central pour le développement économique et social d’Haïti.Une planification visionnaire doit être adoptée pour orienter la croissance urbaine vers une augmentation des revenus et des économies d’agglomération en se débarrassant des encombrements et de la surexposition aux risques. Les contours et la forme que prennent les villes peuvent avoir de véritables impacts sur la productivité et l’habitabilité. Des investissements intelli- gents et ciblés sont nécessaires pour engranger les bénéfices de l’urbanisation et contrôler les coûtséconomiques, sociaux, et environnementaux associés qu’elle pourrait provoquer. Planifier pour un développement résilient, c’est accompagner une action coordonnée pour contribuer à façonner la croissance urbaine de telle manière qu’elle soutienne les objectifs de développement du pays et de ses villes tout en gérant les risques de catastrophes naturelles pour protéger les avancées durement acquises en matière de conditions de vie. Au fur et à mesure que la pression de la croissance de la population urbaine augmente, il sera nécessaire de mettre en place des bases qui permettront aux villes de fonctionner grâce à une meilleure planification. La transition vers une planification urbaine résiliente requiert des actions dans les trois domaines suivants pour aborder les déficits actuels en infrastructures et préparer la croissance urbaine. Investir pour aborder les déficits en service de base Les énormes déficits en matière de services urbains comme l’eau, l’assainissement et la collecte de déchets solides, imposent de gros investissements immédiatement. À court terme, Haïti peut investir dans les services de base en exploitant l’implication de la communauté et en améliorant la gestion et la prestation des services grâce au renforcement des capacités des gouvernements locaux. L’implication de la communauté et les approches participatives sont des éléments-cléspour moderniser avec succès l’accès aux services dans les zones où le développement n’a pas suivi de règles, carils sont liés au renforcement de la confiance dans le gouvernement et à la durabilité à long terme du développement urbain. L’expérience haïtienne, en matière deprojets de développement par la communauté, atteste de leur potentiel, maisleur conception pourrait être améliorée pour mieux aborder les défis urbains spécifiques comme les niveaux élevés de violence, d’activités criminelles et d’exclusion sociale. À court terme, le gouvernement peut consolider la prestation de services 7 de base en capitalisant sur « ce qui fonctionne » –en d’autres termes, améliorations des services de base qui peuvent être considérées comme une étape où chaque effort de modernisation renforce les capacités et ouvre la voie pour de nouvelles initiatives plus avancées initiées par les gouvernements locaux. Le gouvernement national peut contribuer au renforcement de capacités et à l’amélioration de la prestation de services en fournissant les bonnes incitations. Des allocations, des subventions ou des transferts aux municipalités basées sur des résultats spécifiques ou desperfor- mances en matière de prestation de services peuvent aider à ouvrir la voie. Exploiter les informations pour faciliter une prise de décisions coordonnée Pour gérer la croissance débridée et minimiser l’exposition des villes haïtiennes aux risques,les ménages, les entreprises et les gouvernements locaux doivent être équipés de planspertinentsde développement du territoire et d’informations afférentes aux risques. En particulier, la plani- fication résiliente dans les villes peut être réalisée en diffusant les résultats des analyses de risques pour accompagner la prise de décision, en mettant en place les réseaux d’infrastructure- spour les services avant le développement et en intégrant des connaissances afférentes aux risques de catastrophes dans un processus de prise de décision transparenterelatif aux investissements dans les infrastructures urbaines.Les informations relatives aux risques dans les zones urbaines doivent être à la disposition du public pour accompagner des mesures non structurelles de protection des personnes contre les risques, comme la planification d’urgence et les campagnes d’information pour encourager les comportements permettant d’atténuer les risques d’inonda- tions. Après le tremblement de terre de 2010, Haïti a développé des outils pour renforcer les infor- mations relatives à la gestion des catastrophes dans la planification comme des évaluations de risques pour plusieurs catastrophes, une cartographie de zonage sismique et la localisation des biens exposés. Les innovations technologiques peuvent également fournir de nouvelles opportu- nités pour impliquer les citoyens et diffuser des informations sur les risques. En Tanzanie, des véhicules aériens sans pilote –drones –ont été utilisés pour cartographier les plaines inondables à Dar-es-Salaam, la plus grande ville du pays. Les informations ont été utilisées pour planifier et prédire comment l’eau pourrait se déplacer en cas d’inondation. Cette approche rentable pourrait être envisagée en Haïti. Fournir des services de base dans des zones non planifiées coûte plus cher et il est plus compliqué que de mettre en place des réseaux d’infrastructure avant le développement urbain. Planifier à l’avance permet d’économiser des ressources financières. Même si les plans peuvent être un outil efficace pour anticiper la croissance urbaine, les acteurs locaux manquent parfois de fonds ou d’incitations pour mettre en œuvre les décisions. Dans ce cas, des plans simples, largement diffusés, peuvent être très efficaces pour guider un nouveau développement. On peut encourager le respect des plans en mettant à la disposition des ménages et des entre- prises des informations claires et crédibles pour leur permettre de prendre de meilleures décisions éclairées. C’est ce qui a été fait à Tunis, en Tunisie où plutôt que d’essayer de limiter l’expansion urbaine dans des zones non planifiées, des informations claires et transparentes ont été fournies aux ménages, ce qui a contribué à sécuriser les droits de passage pour de futurs investissements (Banque mondiale2014). 8 Pour minimiser l’exposition aux risques, on pourrait arriver à une situation gagnant-gag- nant en intégrant les informations de gestion des risques d’inondation aux objectifs de dével- oppement plus larges comme le cas ducorridor nord d’Haïti. Les zones nord et nord-est d’Haïti vivent des pressions importantes dues à la croissance de la population, un déficit de services de base et d’infrastructures de transport et des risques d’inondation importants. Si on ne fait rien dans ces zones, on peut s’attendre à une augmentation du nombre de personnes à risques. Renforcer les droits de propriété et promouvoir des réformes institutionnelles pour une meilleure gouvernance La planification résiliente est un effort de long terme qui requiert des réformes institu- tionnelles et un renforcement institutionnel, mais il est possible de poser des jalons dès aujourd’hui. Le gouvernement peut commencer par des actions spécifiques, y compris le renforce- ment des droits de propriété avec des mécanismes de règlement des différends et promou- voir la coopération municipale dans les plus grandes villes d’Haïti.La mise en place d’un registre unique de propriétésqui soit exact est essentiellepour le développement urbain résilient, mais les défis sont nombreux sur la voie des réformes du cadastre et de la mise en place d’un système d’enregistrement foncier efficace. En Haïti, l’incertitude juridique qui frappe les droits de propriété est l’un des principaux obstacles et tout effort pour mettre en place des titres de propriété formels dépend d’une largestructure institutionnelle des droits de propriété. Pourtant, des efforts initiaux peuvent être faits pour renforcer les mécanismes de règlement des différends et pour contribuer à solutionner les différents non résolus en matière de droits de propriété, ce qui pourrait faciliter la création d’un registre foncier officiel. La construction de cadres de coopération municipale devient de plus en plus importante à la lumière des progrès réalisés par Haïti vers une décen- tralisation fiscale et politique. La prestation de services efficace est une priorité pour les réformes institutionnelles,mais la coordination entre les frontières municipales et même départementales est nécessaire pour éviter la duplication des activités ou des contradictions en matière de politiques. Ceci est réalisable en élaborant des cadres de coordination pour promouvoir la coopération. CONNECTIVITÉ : UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ ET ACCESSIBILITÉ AU SEIN DES VILLES SONT RÉALISABLES EN AMÉLIORANT LE TRANSPORT MOTORISÉ ET EN RENFORÇANT LA COORDINATION ENTRE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET LES INVESTISSEMENTS DANS LES TRANSPORTS Aujourd’hui, le manque de connectivité au sein des villes haïtiennes gêne les marchés du travail intégrés ainsi que l’accès aux opportunités économiques.Même en tenantcompte des variations dans les différentes régions, l’accessibilité aux opportunités économiques est limitée dans les villes haïtiennes. Le transport public dans les zones urbaines est inabordable pour de nombreuses personnes, ce qui limite leur accès auxopportunités économiques, notamment pour les ménages les plus pauvres.viLes Tap-Tap sont la forme de transport public la plus largement utilisée à Port-au-Prince et ils représentent 56 % du marché.viiMême s’il est réglementé par le Ministère des AffairesSociales, le prix de la course en Tap-Tapest inabordable pour de nombreux ménages pauvres. À partir des tarifs actuels, en faisant un déplacement en Tap-Tap 9 deux fois par jour, cinq jours par semaine, les dépenses en transport représenteraient entre 25 et 73 pour cent des dépenses par tête du quintile le plus bas. La proportion des ménages qui ne dépensaient rien en transport en 2011 –2012 était de 57,1 % d’après l’Enquête Haïtienne sur les Dépenses des Ménages (IHSI 2012), ce qui veut dire qu’un peu moins de 60 % des ménages n’util- isaient aucun transport motorisé. Haïti est en train d’éliminer les subventions sur le prix des carburants,ce qui pourrait rendre les transports publics encore moins abordables sans mesures compensatoires. La suppression de ces subventions part d’une bonne intention parce qu’elles sont largement régressives,mais elle pourrait entraîner des coûts supérieurs pour les opérateurs de Tap-Taps’ils doivent absorber les augmentations du prix des carburants. Toute augmentation des prix du transport destinée à compenser des coûts supplémentaires pourrait rendre le transport encore moins abordable et exclure davantage les pauvres de l’accès aux opportunités économiques. Ce rapport est le premier à utiliser les données d’appels téléphoniques pour comprendre les modèles de déplacement et le degré d’inadéquation géographiqueentre les emplois et les habita- tions en Haïti. Une bonne compréhension de la manière dont les travailleurs se déplacent dans les grandes villes, de la localisation des principaux bassins d’emplois et de leur degré d’accessibilité pour différents segments de la société urbaine haïtienne ainsi que l’identification des segments routiers les plus cruciaux pour assurer que l’accessibilité aux emplois n’est pas affectée par unecatastrophe, peuvent fournir des informations importantes pour une prise de décision fondée sur des données factuelles. L’absence de recensement et d’enquête sur les déplacements à jour nous a amené à mesurer l’accessibilité aux opportunités dans les villes haïtiennes en utilisant les données des téléphones mobiles. Les enregistrements de données des appelsviiiont été utilisés pour suivre la localisation des utilisateurs pendant la journée et même la nuit. Ces informations ont été consignées sur les cartes qui ont montré où les emplois étaient concentrés géographique- ment dans les deux principaux centres urbains de Port-au-Prince (FigureO.2) etdeCap-Haïtien. L’image générale montre une concentration autour du centre-ville pendant la journée, là où sont les principaux emplois, et inversement une diffusion vers la périphérie pendant la soirée. Une analyse des modèles de déplacement montre que les marchés du travail sont fragmentés en Haïti.Port-au-Prince et Cap-Haïtien souffrent d’un niveau d’accessibilité aux emplois limitétel que nous l’avons mesuré à partir des modèles de déplacement. Les données montrent que seule une petite partie de la population dans les deux villes se déplace pour aller travailler et que les distances parcourues par ces navetteurs sont courtes. Seuls 42 et 40 % de la population sont considérés comme des navetteurs à Port-au-Prince et Cap-Haïtien, respectivement, c’est-à-di- requ’ils sedéplacent en dehors de leur cluster d’habitation (rayon d’1km). Ces modèles sont symptomatiques d’un appariement local entre emploi et employé, ce qui veut dire que l’accès à une large gamme d’opportunités économiques est restreint. Même si des déplacements courts ne sont pas négatifs en eux-mêmes, ils pourraient refléter la difficulté de se déplacer et les coûts inabordables du transport. Le transport motorisé est lent et prend beaucoup detemps à Port-au-Prince principalement à cause de la combinaison du manque d’infrastructures routières, du mauvais entretien des routes et de l’utilisation sous-optimalede la voirie l’espace viaire.À partir des carnets de déplacement de différents véhicules, on a pu constater que la vitesse à Port-au-Prince est réduite, avec une moyenne 10 LA JOURNÉE POUR DES ACTIVITÉS INHÉRENTES AU TRAVAIL Figure O.2. (À GAUCHE) ET PENDANT LA SOIRÉE (À DROITE) Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICIEL. de 10,9 km/heure. Les transports publics vont même moins vite et les utilisateurs de Tap-Tap déclarent un temps moyen de déplacement à bord de 44 minutes pour une distancemoyenne de 5,9 km,ce qui indique une vitesse moyenne pour les Tap-Tap de 8 km/heure. Une partie des problèmes est due au manque d’espace viaire, mais Kopp et Prud’homme (2011) argumentent que les princi- paux facteurs responsables de l’encombrement sont les utilisations sous optimales de l’espace viaire ainsi que le mauvais entretien des routes. Il y a empiètement sur l’espace public lorsque les trottoirs sont utilisés par les marchands pour vendre leurs produits et que les piétons n’ont donc plus d’autre option que de marcher sur la chaussée. Parallèlement à l’utilisation des routes par les piétons, l’espace consacré aux routes est également occupé par des véhicules en stationnement. Ces facteurs combinés entraînent des pertes de vitesse importantes et desrisques accrus de sécurité pour les piétons. Les villes devraient devenir des marchés du travail intégrés qui fournissent des opportunités aux résidents et leur permettent de choisir des emplois à partir d’une offre plus large pour augmenter ainsi leur prospérité (Bertaud 2014). Des marchés du travail intégrés existent lorsqu’un individu à la possibilité d’atteindre une large part des opportunités d’emplois dans une ville à un coût raisonnable ou avec une durée de déplacement raisonnable. Les grands marchés du travail intégrés accompagnent un meilleur appariement entre emploi et travailleur en augmen- tant le nombreet la diversité des employeurs et des demandeurs d’emploi, ce qui permet de faire correspondre au mieux leurs compétences et leurs aspirations. Avec un bon niveau d’accès, les entreprises bénéficient également de la proximité des produits et des marchés du travail que permet 11 la densité des villes. À l’inverse, lorsque l’accessibilité est limitée, la probabilité de trouver un bon appariement est plus réduite parce que les entreprises et les ménages doivent choisir à partir d’un plus petit nombre de travailleurs et d’options d’emplois. Les emplois à l’extérieur des clusters économiques à forte densité ont tendance à être plus rares, plus informels et moins bien payés. Une accessibilité réduite contraint également les familles à s’installer plus près des emplois, ce qui peut s’avérer être un inconvénient puisque les terrains et les logements y sont généralement plus chers, ce qui force à son tour ces familles à vivre dans des conditions basiques et donc à entre- tenir le phénomène des bidonvilles centraux que l’on trouve par exemple dans de nombreuses villes africaines (Antos, Lozano-Gracia, et Lall 2016). La connectivité et l’accessibilité sont des conditions nécessaires –mais pas suffisantes –pour avoir des marchés du travail urbains efficaces. Créer des emplois et réussir à mettre en place des marchés du travail efficaces demandent une solution multidimensionnelle pour dépasser de nombreux obstacles qui vont du manque de système financier et de système bancaire pour créer des entreprises, en passant par un niveau d’éducation limité et un cadre réglementaire onéreux. Améliorer l’accessibilité ne va pas solutionner tous ces problèmes mais ne pas traiter les défis d’accessibilité urbaine limite les progrès en matière de productivité et d’habitabilité. Pour aborder les défis de connectivité dans les villes haïtiennes, des actions sur trois axes sont essentielles. Augmenter la vitesse de déplacement et améliorer la qualité des services grâce à un renforcement des investissements et à une meilleure efficacité dans les zones urbaines Il existe plusieurs options pour augmenter la vitesse du transport motorisé dans les zones urbaines qui amélioreraient l’accessibilité et aideraient les villes à devenir de meilleurs inter- médiaires entre personnes et opportunités économiques. Une manière de procéder serait d’entreprendre de gros investissements dans les routes et les transports publics,mais une telle option demanderait des ressources financières importantes et il est peu probable qu’elle soit très efficace avant d’avoir réglé les défis chroniques dont souffre le réseau actuel. Une solution plus immédiate consisterait à commencer par améliorer le fonctionnement et l’entretien du réseau actuel. Ces deux options ne sont pas incompatibles,mais le séquencement le plus efficace serait de commencer par améliorer le réseau existant. Des alternatives moins onéreuses comme l’amélioration de la gestion du trafic, une meilleure affectation de l’espace viaire et l’entre- tien des routes pourraient apporter des résultats significatifs. Pour améliorer l’espace viaire, il est nécessaire de libérer la chaussée pour la circulation au lieu qu’elle soit encombrée par les véhicules en stationnement et les piétons. Parallèlement, les trottoirs doivent donner la priorité à la mobilité des piétons et non aux activités des vendeurs ambulants,ixtout en assurant le confort et la sécurité de ceux qui se déplacent à pied. L’entretien des routes –la réparation des nids de poules et des surfaces routières inégales –peut permettre d’économiser des coûts d’entre- tien et du temps de déplacement. Une première étape serait de réalimenter lesfonds d’entre- tien routier qui existe en Haïti. À plus long terme, des voies dédiées aux transports collectifs pourraient être une approche prometteuse pour réduire les durées de déplacement dans les zones urbaines. 12 Rendre les transports collectifs plus abordables pour un appariement inclusif entre individus et opportunités La réduction des coûts opérationnels pourrait contribuer à réduire les frais de transport et à rendre les déplacements plus abordables grâce à plusieurs moyens.Le premier est d’augmenter la vitesse sur le réseau routier grâce à des interventions sur le réseau et avec des itinéraires de Tap-Tap rationalisés pour permettre aux conducteurs de Tap-Tap de faire plus d’allers-retoursen un temps donné. Cette option permettrait d’augmenter les recettes et les marges des opérateurs de Tap-Tap, tout en réduisant les tarifs et c’est donc la plus prometteuse. Une autre approche consisterait à rendre les véhicules Tap-Tapplus économes en carburant –qui roulent souvent depuis plus de 25 ans (Kopp et Prud’homme 2011)—pour diminuer le volume de carburant nécessaire.Des interventions publiques pour mettre à la casse des vieux minibus informels et peu économes en carburant et subventionner l’achat de véhicules plus efficaces ont été adoptées au Sénégal et en République Dominicaine. Les enseignements tirés de ces expéri- ences pourraient aider en Haïti. De 2003 à 2008, la zone urbaine de Dakar (Sénégal), par exemple, a subventionné les opérateursde cars rapidesinformels (minibus) pour qu’ils achètent des véhicules économes en carburant(Kumar and Diou 2010).Les opérateurs ont reçu des prêts subventionnés pour l’achat de minibus plus économes en carburant, qui ont couvert presque 75 % des coûts d’achat. En échange, les propriétaires de “car rapides” devaient retirer leurs véhiculesde la circulation, et formaliser leurs activités. Il serait possible de concevoir un modèle adapté au contexte haïtien en s’appuyant sur les enseignements tirés du Sénégal, pour qu’il puisse être ensuite négocié avec les opérateurs locaux. Une assistance technique en cours de la Banque mondiale explore les différents mécanismes de compensation des augmentations des coûts de carburantset les résultats permettront de savoir si la mise à la casse des vieux Tap-Tap est une option viable. À plus long terme, des subventions sur les transports soigneusement ciblés pourraient être dirigées vers les ménages les plus pauvres dans les zones urbaines en Haïti pour s’assurer qu’ils obtiennent ou qu’ils gardent l’accès aux opportunités. Renforcer la coordination entreles investissements dans l’aménagement du territoire et dans les transports pour améliorer l’accès et la résilience Des interventions visant à coordonner l’aménagement du territoire et le transport réduisent la déconnexion entre les zones résidentielleset les opportunités d’emplois et contribuent à construire la résilience après les catastrophes naturelles. Deux principales manières d’améliorer l’accessibilité aux opportunités dans les zones urbaines ont été identifiées : augmenter la vitesse et réduirela distance. La première consiste à investir dans le réseau de connexion et à rendre le transport motorisé plus abordable, alors que la deuxième option consiste à réduire la fragmentation de l’empreinte urbaine en encourageant la densité de population et d’opportunités et une meilleure intégration de l’aménagement du territoire et du transport. Aujourd’hui, la densité de la population à Port-au-Prince et auCap-Haïtien estélevée et il y a donc peu de marge de manœuvre pour réduire les distances entre les personnes et les opportunités économiques en continuant à renforcer les densités. Toutefois, la modification de l’organisation spatiale pour encourager l’aménagement du territoire en clusters peut améliorer l’accessibilité au cours d’une période déterminée. Il existe également une grande marge de manœuvre pour améliorer l’accessibilité 13 en planifiant l’expansion urbaine tout en réduisant l’exposition aux catastrophes naturelles. Les deux villes de Port-au-Prince et Cap-Haïtien présentent des exemples de développement urbain soit dans des zones plus sûres mais mal connectées, soit proches des opportunités économiques,mais dans des emplacements plus risqués. Il est important d’éviter ce genre d’arbitrage et de réaliser des investissements qui donnent la priorité aux deux types de mesures. Une première étape dans la construction d’une stratégie de renforcement de la résilience contre les catastrophes naturelles consiste à identifier les segments routiers les plus cruciaux du réseau.À partir d’une analyse de criticité, nous avons déterminé que les segments routiers qui nécessitent l’inter- vention la plus urgente dans le réseau de Port-au-Prince sont la RN2 qui connecte le centre-ville à Carrefour et, plus loin vers l’ouest, la RN1 qui connecte le centre-ville et les zones nord de la capitale, un segment isolé entre le centre-ville et Pétion-Ville, et quelques segments qui connectent Canaan au reste du réseau. FINANCEMENT : IL EST ESSENTIEL DE RENFORCER LES FINANCES MUNICIPALES POUR COMBLER LE DÉFICIT EN SERVICE ETEN INFRASTRUCTURES ET POUR S’ADAPTER À L’AUGMENTATION DE LA POPULATION URBAINE Compte tenu de son urbanisation rapide actuelle, Haïti est confronté à de gros défis relatifs au renforcement des finances publiques. Aujourd’hui,la capacité des gouvernements locaux à planifier, viabiliser et connecter les villes et les bourgs est grandement perturbée par les ressou- rces limitées au niveau municipal. Depuis une vingtaine d’années, l’écart entre les capacités de financement d’Haïti et le rythme de la croissance urbaine a généré un déficit constant en infra- structures et en services urbains dans les villes et dans les bourgs. Le déclin progressif de l’aide inter- nationale ne fait que creuser davantage le déficit de financement. D’après la Banque mondiale(2016), Haïti est confronté à des défis critiques, y compris dans l’adaptation aux réductions financières, une meilleure levée de fonds internes et une meilleure utilisation des fonds existants. En dépit d’amélio- rations des recettes fiscales du pays, en passant de moins de 10 % du PIB en 2004 à 12,6 % du PIB en 2014, Haïti reste le pays le moins performant en matière de mobilisation de recettes dans la région LAC (Banque mondiale2016). Cette situation gêne considérablement la capacité du pays à réaliser les dépenses en développement dont il a grand besoin, notamment dans les infrastructures, la santé, l’éducation et d’autres secteurs clés. Au fur et à mesure que les villes grandissent en taille et en population, le défi qui consiste à financer un développement urbain inclusif et durable devient de plus en plus complexe. Les gouvernements municipaux ne sont pas en mesure de fournir des infrastructures et des services adaptés à cause de la décentralisation incomplète et du faible cadre juridique des financesmu- nicipales. La Constitution de 1987 (y compris les amendements de 2012) et les Décrets Présiden- tiels de 2006 instaurent l’autonomie financière des communes, la décentralisation de la fourniture de services publics et l’institutionnalisation des recettes municipales. Mais même si le cadre de décentralisation est en place, la décentralisation effective des fonctions de dépenses et de recettes clés aux gouvernements municipaux n’a pas encore été réalisée. Un cadre de financement municipal fragmenté gêne la capacité des gouvernements locaux à collecter des recettes pour financer la presta- tion de services. Améliorer la capacité des gouvernements locaux à gérer les finances publiques reste 14 un élément clé pour une décentralisation réussie des responsabilités aux communes et pour une décentralisation fiscale effective. Seul 0,6 % du PIB est actuellement dépensé au niveau communal,et les recettes municipales totales ne représentent que 1,7 % des recettes globales. Il est important d’aborder les incohérences dans ladévolution et la décentralisation pour que les fonctions suivent les finances. Des sources de recettes municipales limitées et imprévisibles minent la capacité à planifier, budgétiser et livrer les services dont les zones urbaines ont tant besoin.Les gouvernements locaux ont quatre principales sources de recettes : les transferts du gouvernement central, les taxes collectées pour le compte des communes par la Direction Générale des Impôts (DGI), les droits et les royalties collectés par les communes, ainsi que d’autres sources externes (comme les partenaires de développement). Pourtant, les gouvernements locaux dépendent d’une manière disproportionnée des transferts nationaux, principalement du Fonds de Développement Local (FGDCT). Sauf pour Port-au-Prince, Pétion-Ville, et Delmas, c’est la principale source de revenus des communes et ils représentent en général entre 80 et 95 pour cent des revenus. Le système de transfert manque pourtant de transparence et n’est pas fiable. Seule la moitié des fonds affectés aux communes est trans- férée et une bonne partie des transferts va vers des structures inactives ou inexistantes. D’autre part, les transferts nationaux réduisent les incitations des gouvernements locaux à améliorer la gestion des finances publiques, puisqu’ils ne sont ni liés à une amélioration des performances dans la prestation de services ni basés entièrement sur les besoins. La capacité financière des autorités locales est encore compromise par leur capacité limitée dans le recouvrement des impôts.Très souvent, les municipalités ne recouvrent qu’une fraction de leur potentiel de recettes. Les recettes provenant de sources propres sont largement concentrées dans les grandes villes et les cinq communes de la zone métropolitaine de Port-au-Prince collectent 80 % de toutes les ressources propres des communes haïtiennes. Une meilleure planification, connectivité et viabilisation des villes et des bourgs en Haïti nécessitentdes interventions substantielles pour examiner, réviser et renforcer leurs instruments financiers. Une plus grande transparence des transferts fiscaux, le développement de sources plus dynamiques de recettes locales et un renforcement des finances municipales sont des étapes cruciales pour guider la croissance urbaine vers des densités saines et productives et loin du surpeu- plement. Les niveaux de recettes sont aujourd’hui très loin de la demande actuelle en services. Il y a un besoin urgent d’améliorer le volume, la prévisibilité, la ponctualité et la gestion des finances ainsi que d’identifier des mécanismes supplémentaires pour générer des recettes propres. Pour ce faire, un effort systématique d’ajustement et de mise en œuvre des réformes est nécessaire, visant à améliorer la gestion des gouvernements au niveau local et national ainsi que le contrôle des ressources. Depuis mai 2014, le gouvernement a élaboré une stratégie et un plan d’action exhaustifs de réforme de la gestion des finances publiques visant à mettre en place un système financier qui promeuve la transparence, la reddition de compte, la discipline fiscale et l’efficacité dans l’utilisation et la gestion des ressources publiques en augmentant les recettes provenant des impôts et des droits de douane, pour permettre de renforcer l’autonomie des gouvernements locaux. Les paragraphes suivants mettent en exergue les actions clés nécessaires pour renforcer les finances des municipalités et leur capacité à fournir les services locaux dont elles ont grand besoin. 15 Consolider, harmoniser et mettre en vigueur le cadre réglementaire et juridique du finance- ment municipal Les options politiques devraient d’abord combler les lacunes des cadres réglementaires, institutionnels et de financement des gouvernements locaux.Le développement urbain en Haïti s’organise dans un contexte de décentralisation incomplète et de cadre juridique peu clair en termes de financement municipal. Un cadre réglementaire qui clarifie les rôles et les ressources est crucial pour une décentralisation effective. Pour avancer dans ce sens, il est nécessaire d’examiner le cadre normatif des municipalités, tel qu’il est fixé dans les décrets de 2006, et d’identifier des actions pour sa mise en œuvre, de formaliser les fonctions d’imposition et les responsabilités des gouvernements municipaux, et d’examiner la législation et les réglementations, notamment celles relatives à la taxe foncière et à la patente. Ces actions combinées s’efforcent de clarifier les responsabilités, les systèmes, les incitations et les rapports de responsabilités pour le finance- ment et la prestation des services ainsi que pour la capacité des gouvernements locaux à gérer et à affecter les financements supplémentaires. Le récent travail de réformes a ouvert la voie à des opportunités pour approfondir les efforts de décentralisation. Un projet de loi sur l’autonomie financière des communes et des sections communales fait partie de l’agenda législatif. Consolider le système des finances municipales pour renforcer les capacités et la reddition de comptes tout en élargissant les opportunités financières Un système financier municipal plus solide est nécessaire pour renforcer l’autonomie financière des gouvernements locaux.Comme nous l’avons déjà mentionné, les villes subissent d’énormes contraintes dues à leurs sources de recettes limitées et dépendent largement des transferts du gouvernement national. Les solutions peuvent être différentes entre les petites villes et les grandes villes. Pour les petites villes, les efforts peuvent se concentrer sur le renforcement de la gestion, du contrôle et dela transparence du FGDCT, y compris en termes de mobilisation des fonds, d’affectation, de transfert, de dépenses et de comptabilité ainsi que d’utilisation des fonds en tant qu’opportunité pour renforcer les capacités locales de mise en œuvre. Les grandes villes, par contre, doivent donner la priorité au renforcement de capacités pour le recouvrement, la gestion et les dépenses de recettes provenant de ressources propres. Élargir et exploiter la base de recettes locales Les municipalités doivent renforcer leur autonomie en termes de recettes en ayant accès à des sources plus larges et plus solides de recettes locales.Le système de financement en place nefonctionne pas à l’avantage des gouvernements locaux : non seulement les niveaux de recettes sont trop bas pour répondre à la demande en infrastructures et en services publics,- mais les options pour augmenter les recettes sont biaisées et laissent peu de marge de manœuvre pour accéder à des ressources financières adéquates. Pour que les municipalités réussissent à générer et à recouvrer des recettes de sources propres, les efforts doivent être articulés autour du renforce- ment de capacités des municipalitésen matière de planification et de budgétisation, y compris avec des prévisions de recettes. Pour améliorer la capacité de gestion financière des gouvernements locaux, le Ministère des Finances et de l’Économieet le Ministère de l’Intérieur pourraient élaborer 16 un manuel de gestion des finances publiques à l’attention des gouvernements locaux qui fixe les normes et les procédures basiques en matière de budgétisation, de comptabilité, de reporting, de passation de marchés et d’audit. Cette amélioration pourrait être réalisée grâce à des programmes de renforcement de capacités qui se concentrent sur quatre domaines principaux: renforcement des capacités administratives des entités financières municipales, renforcement des capacités des municipalités en termes de gestion de projets pour des décaissements rapides des fonds du FGDCT qui leur sont alloués, renforcement des capacités de mobilisation de recettes municipales y compris en renforçant les compétences techniques du personnel et proposer aux municipalités des incitations à explorer des mécanismes de financement alternatifs. “VIVRE AUJOURD’HUI MAIS PENSER À DEMAIN.-WÈ JODI, MEN SONJE DEMEN” Les défis présentés dans ce rapport nécessitent des mesures aujourd’hui.Mais comme le dit le proverbe, les décideurs doivent penser à demain. Il est bien évident que tout ne peut pas être fait aujourd’hui et qu’il est donc essentiel de définir ce qui doit être réalisé maintenant et comment ces réalisations ouvriront la voie aux changements dont on a grand besoin. Le Tableau O.1 résume les recommandations de politiques et propose des actions spécifiques qui peuvent être engagées à court, moyen et long terme en faisant une distinction entre les actions à priorité haute, moyenne et basse ainsi qu’en identifiant les institutions pour les conduire.La plupart des actions requièrent l’implication de plusieurs institutions et nous insistons donc sur l’importance des efforts de collaboration pour réaliser un développement urbain qui profite à tous. 17 Tableau O. 1. TABLEAU RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS EN MATIÈRE DE POLITIQUES: PLANIFIER, CONNECTER ET FINANCER LES VILLES EN HAÏTI Clés du Tableau. NIVEAU DE PRIORITÉ HORIZON PRÉVISIONNEL H Haut M Moyen B Bas C Court terme M Moyen terme L Long terme (les 12 mois à venir) (entre un et trois ans) (entre trois et cinq ans) PASSER DE LA RECONSTRUCTION À UNE PLANIFICATION URBAINE RÉSILIENTE POUR UN AVENIR MEILLEUR Un changement vers une planification urbaine résiliente est nécessaire pour aborder les déficits actuels en infrastructures et préparer la croissance urbaine à venir HORIZON NIVEAU DE INSTITUTION RECOMMENDATION PRÉVISIONNEL PRIORITÉ PRINCIPALE/ PROBLÈME LARGE ACTIONS SPÉCIFIQUES (S, M, L) (H, M, L) CHAMPION* Des déficits impor- Investir dans les Améliorer et élargir l’accès aux services, exploiterles C H MTPTC tants dans les services infrastructures et pour efforts passés réalisés par la communauté mais Communes aborder les déficitsactuels renforcer les capacités sur le long terme. urbains de base et des en service urbain de base. investissements limités Améliorer la gestion et la prestation des services C H MICT dans les infrastruc- de base tout en construisant et en consolidant les Communes capacités des gouvernements locaux grâce à des tures pour répondre mécanismes basés sur les performances. aux besoins croissants de la population. Diffuser les résultats de l’analyse de risques pour M H MICT-DPC accompagner une prise de décision éclairée, CNIGS accompagnée de mesures vitales non structurelles MTPTC pour protéger des risques les personnes et les biens. Croissance débridée Exploiter les informations Utiliser les informations pour aligner les incitations : C M MPCE des villes sans tenir pour faciliter une prise de informer les citoyens sur les plans futurs et les risques Communes décision coordonnée entre pour leur permettre de prendre de meilleures décisions suffisamment compte les ménages, les entreprises des risques de catastro- et le gouvernement. Intégrer les connaissances en matière de M M MTPTC phes naturelles. risques d’inondation avec une prise de décision MARNDR transparente lorsqu’il s’agit d’investissements dans les infrastructures urbaines. Réaliser des évaluations de vulnérabilité des infra- C H MTPTC structures publiques cruciales. Administration forcée Renforcer les droits de Renforcer les droits de propriété avec des L M CIAT à limiter lesinforma- propriété et promouvoir des mécanismes de règlement des différends. réformes institutionnelles tions 19opaques sur la pour une meilleure Pour les grandes villes haïtiennes, élaborer des L M MICT propriété foncière et gouvernance. cadres de coopération municipale. MPCE réglementations fon- cières inappropriées. FAÇONNER LES MARCHÉS DU TRAVAIL : CONNECTIVITÉ, EMPLOIS ET RISQUES Une meilleure connectivité au sein des villes et une meilleure accessibilité sont réalisables en améliorant le transport motorisé et en renforçant la coordination entre l’aménagement du territoire et les investissements dans les transports HORIZON NIVEAU DE INSTITUTION RECOMMENDATION PRÉVISIONNEL PRIORITÉ PRINCIPALE/ PROBLÈME LARGE ACTIONS SPÉCIFIQUES (S, M, L) (H, M, L) CHAMPION* Marchés du travail Augmenter la vitesse et Mieux gérer l’espace dédié à la chaussée et l’espace C H MTPTC fragmentés à cause de améliorer la qualité du dédié aux trottoirs pour augmenter la vitesse, Communes transport grâce à des le confort des piétons et faire baisser le nombre l’inadéquation spatiale investissements et un d’accidents de la route. entre les opportunités renforcement de l’efficacité. économiques et les em- Guider l’expansion urbaine vers des sites sûrs et acces- C H MPCE sibles et sécuriser les droits de passage pour des inves- Communes placements résidentiels. tissements dans de futures infrastructures. Investir dans l’entretien des routes pour faire baisser les C H MTPTC coûts de réparation à l’avenir et augmenter la vitesse. Système de trans- Rendre les transports Construire des arrêts de Tap-Tap et des voiesdédiées M M MTPTC ports publics lent collectifs plus abordables aux transports publics pour augmenter la vitesse Communes pour des appariements de et l’accessibilité et faire baisser les coûts pour les et inabordable. qualité entre personnes et opérateurs et les tarifs pour les utilisateurs. opportunités économiques pour tous. Promouvoir le retrait des Tap-Tap à grosse consomma- M M MEF tion en carburant pourfaire baisser les coûts des opéra- teurs et les tarifs des déplacements ainsi que réduire la vulnérabilité à une augmentation du prix des carburants. Coordination limitée Renforcer la coordination Construire la résilience du réseau de transports en C H MTPTC entre l’aménagement entre l’aménagement du identifiant les segments les plus cruciaux et en les DPC territoire et les investisse- modernisant ou en investissant dans la redondance. du territoire et la plani- ments dans les transports fication du transport pour un meilleur accès et En parallèle, mettre en vigueur les codes de construction L M MTPTC qui réduitl’accessibilité une meilleure résilience. pour minimiser les impacts des catastrophes naturelles Communes comme les tremblements de terre. et augmente la vul- nérabilité du réseau. Élaborer des registres et des systèmes statistiques pour L M IHSI des subventions ciblées des transports publics côté demande pour les plus pauvres et les plus vulnérables. * LEADING INSTITUTION is shown bolded Abréviations des institutions (en ordre alphabétique): DPC Direction de la Protection Civile MARNDR  Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural DGI Direction Générale des Impôts MEF Ministère de l’Économie et des Finances IHSI Institut Haïtien de la Statistique et de l’Information MICT Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales CIAT Comité Interministériel de Développement Territorial MTPTC Ministère des Travaux Publics, des Transports et des Communications CNIGS Centre National d’Informations Géo spatiales MPCE Ministère de la Planification et de la Coopération Extérieure FINANCER LES VILLES HAÏTIENNES Le renforcement des finances municipales est essentiel pour combler le déficit en infrastructures et services urbains et pour s’adapter à la population urbaine croissante HORIZON NIVEAU DE INSTITUTION RECOMMENDATION PRÉVISIONNEL PRIORITÉ PRINCIPALE/ PROBLÈME LARGE ACTIONS SPÉCIFIQUES (S, M, L) (H, M, L) CHAMPION* Décentralisation Consolider, harmoniser et Examiner le cadre normatif des collectivités C H MICT incomplète et un cadre mettre en vigueur le cadre territoriales tel qu’il a été instauré dans les cinq réglementaire et juridique décrets de 2006 et identifier des actions possibles juridique fragile et frag- du financement municipal. pour la mise en œuvre. menté qui gouverne les finances municipales. Formaliser les compétences en matière d’imposition C H MICT confiées aux municipalités conformément à MEF-DGI l’Article 142 du cadre de décentralisation. Revisiter les lois sur les impôts municipaux, M H MEF-DGI notamment ceux afférents à la taxe foncière et à MICT la patente. Sources limitées de Renforcer le système Renforcer les outils disponibles pour relier la C M MICT recettes municipales. qui régit les finances planification des investissements, la budgétisation Departments municipales et élargir et l’exécution pour les gouvernements locaux. Communes les opportunités de financement. Renforcer les capacités locales de gestion du M M MICT budget pour une exécution budgétaire rapide et Departments une meilleure prestation de services. Communes Réaliser des évaluations foncières dans toutes les C H MEF-DGI municipalités et mettre à jour le regitstre de la taxe Communes foncière en conséquence pour élargir l’assiette fiscale. L M MEF Lack of transparency Réaliser un diagnostic des inefficacités du FGDCT, MICT and limited reliability et se mettre d’accord sur un plan d’action. of the transfer system L M MEF Mettre en œuvre un plan d’action pour renforcer MICT le FGDCT (allocation, gestion, transfert, suivi et évaluation) et initier la préparation d’une stratégie fiscale intergouvernementale. (IFGG). * LEADING INSTITUTION is shown bolded Abréviations des institutions (en ordre alphabétique): DPC Direction de la Protection Civile MARNDR  Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural DGI Direction Générale des Impôts MEF Ministère de l’Économie et des Finances IHSI Institut Haïtien de la Statistique et de l’Information MICT Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales CIAT Comité Interministériel de Développement Territorial MTPTC Ministère des Travaux Publics, des Transports et des Communications CNIGS Centre National d’Informations Géo spatiales MPCE Ministère de la Planification et de la Coopération Extérieure RÉFÉRENCES Antos, S. E., N. Lozano-Gracia, and S. V. Lall. 2016. “The Morphology of African Cities.” Policy Research Working Paper 7911, World Bank, Washington, DC. Bertaud, A. 2014. “Cities as Labor Markets.” Working Paper #2, Marron Institute on Cities and the Urban Environment, New York University, New York. Deuskar, C., B. P. Stewart, and N. Lozano-Gracia. 2016. “Defining Urban Areas in Haiti.” Working Paper, World Bank, Washington, DC. Hoornweg, D., and P. Bhada-Tata. 2012. “What a Waste: A Global Review of Solid Waste Manage- ment.” Urban Development Series Knowledge Paper No. 15, World Bank, Washington, DC. IHSI (Haitian Institute of Statistics and Informatics). 2012. Survey on the Living Conditions of Households after Earthquakes (database). Port-au-Prince: IHSI. Kopp, P., and R. Prud’homme. 2011. Urban Transport in Port-Au-Prince. Washington, DC: Inter-American Development Bank. www.rprudhomme.com/resources/Rap+2011+Port+au+P rince+$28BID$29.pdf. Kumar, A., and C. Diou. 2010. “Renouvellement Du Parc d’autobus à Dakar : Avant - Apres.” 11. Sub-Saharan Africa Transport Policy Program (SSATP) Discussion Paper. Washington, DC: World Bank. Singh, R. J., and M. Barton-Dock. 2015. Haiti: Toward a New Narrative: Systematic Country Diagnostic. Washington, DC: World Bank. 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World Bank and ONPES (Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Social). 2014. Investing in People to Fight Poverty in Haiti: Reflections for Evidence-based Policy Making. Washington, DC: World Bank. WorldPop. 2015. Database. Southhampton, UK: GeoData Institute, University of Southhampton. www.worldpop.org. 21 CHAPÎTRE 1 EXPOSÉ DES FAITS EN MATIÈRE D’URBANISATION EN HAÏTI Andrea Colombo* GONAIVES, ARTIBONITE. PHOTOGRAPHIÉE PAR ERIK BARKER, 2008 SOURCE: WIKIMEDIA,CREATIVE COMMONS LICENSE CHAPÎTRE 1 – EXPOSÉ DES FAITS EN MATIÈRE D’URBANISATION EN HAÏTI L’urbanisation a accompagné dans Contrairement aux tendances internatio- le monde entier le développement nales, Haïti s’est urbanisé sans croissance économique, avec une augmentation des du PIB. D’après les indicateurs mondiaux revenus au fur et à mesure que la popula- de développement (WDI), 33 pour cent des tion des villes grossissait. Les données haïtiens vivaient dans des zones urbaines en historiques compilées pour 180 pays entre 1996. Cette année-là, le PIB par tête du pays 1996 et 2015 indiquent qu’il existe un rapport était d’environ $757 US (en prix constants positif entre le produit intérieur brut (PIB) de 2010). En 2013, le niveau de population par tête et les niveaux d’urbanisation (Figure urbaine est passé à 58 % mais le PIB par 1). En règle générale, au fur et à mesure que tête du pays a stagné et même régressé pour les pays s’urbanisent, leurs économies ont passer à $727 US. Par comparaison, dans la tendance à mieux performer. Les liens entre région Amérique Latine et Caraïbes (LAC), la croissance du PIB et l’urbanisation ont été le Honduras et le Guatemala avaient des largement mis en exergue dans des travaux niveaux urbains similaires à Haïti en 1996, précédents et des faits à travers le monde mais leur PIB par tête a augmenté respec- montrent que la plupart des pays n’ont réussi tivement de 41 et de 28 % au fur et à mesure à atteindre un statut de revenus moyens qu’ils s’urbanisaient (Figure 1). La fragilité qu’après des déplacements de population et les chocs économiques dus aux catastro- importants vers les villes (WDR 2009). La phes naturelles ont joué un rôle important densité présente dans les villes est un terrain en freinant les bénéfices de l’urbanisation en fertile pour réaliser des économies d’échelle Haïti. Parmi les pays fragiles, Haïti et la Côte et augmenter la productivité en multipliant d’Ivoire. présentent des modèles similaires le nombre d’opportunités qui pourraient d’urbanisation sans croissance (Figure 1). permettre, à terme, d’aider les gens à sortir Pourtant, l’expérience de la Côte d’Ivoire de la pauvreté.1 suggère également qu’au fur et à mesure que 1 Voir par exemple Annez & Buckley (2009) ainsi que le Rapport de Développement de la Banque mondiale (2009). *Ce chapitre a profité grandement des commentaires de Nancy Lozano Gracia, Claudia Soto, Olivia D’Aoust et Paolo Avner. L’analyse de la taille et de l’expansion des zones urbaines haïtiennes s’appuie sur l’article de Deuskar, Stewart et Lozano-Gracia (2016) et a été rendue possible grâce à l’aide de Sarah E. Antos et Katie L. McWilliams. Emilie Perge a fourni les données de ECVMAS 2012 et ECVMAS 2013 pour l’analyse des ménages haïtiens. 25 UNE CORRÉLATION POSITIVE ENTRE LE PIB PAR TÊTE ET LES Figure 1. NIVEAUX D’URBANISATION PRÉVAUT DANS LE MONDE ENTIER MAIS Figure 1. PAS EN HAÏTI (1996-2010) Source: Indicateurs mondiaux de développement, nos calculs. 26 URBANISER TOUT EN ÉTANT AUX PRISES la stabilité s’installe, les villes, si elles sont AVEC UNE FRAGILITÉ ET UN RISQUE DE correctement gérées, peuvent être utilisées CATASTROPHE GÉNÉRALISÉS comme moteurs de croissance. Comprendre les défis urbains actuels est On ne peut pas raconter l’histoire de une étape clé de la planification à long terme l’urbanisation d’Haïti sans tenir compte pour la réussite économique. Qu’est-ce qui est de l’état de fragilité du pays 2. Comme différent dans les villes haïtiennes? Pourquoi d’autres états fragiles, Haïti est aux prises ne sont-elles pas des moteurs de croissance? avec une grande pauvreté et des inégal- Quels sont les principaux goulots d’étran- ités criantes, le déclin économique et le glement qui empêchent de faire de l’histoire chômage, la faiblesse institutionnelle de l’urbanisation en Haïti une histoire de et la violence (Banque mondiale 2007). croissance et de prospérité? Ce chapitre vise Pendant de nombreuses années, le manque à répondre à ces questions en se penchant de gouvernance a entraîné des investisse- sur les tendances de l’urbanisation et en ments minimes dans les infrastructures examinant les principales caractéristiques des de base et découragé un environnement villes en Haïti en tenant compte des éléments favorable à la croissance. La longue histoire de fragilité et des risques de catastrophes. Ce de négligence du gouvernement Haïtien chapitre se concentre tout d’abord sur la crois- dans la fourniture des services de base et sance urbaine en Haïti en termes de popula- le peu de dépenses pour les infrastructures tion et de terrains, ainsi que sur les défis clés explique l’état actuel des villes : pas de relatifs à la définition des zones urbaines. Il planification, pas de service et surpeuplées. propose ensuite un aperçu du système des L’instabilité politique et les problèmes de villes dans le pays en regardant les caractéris- sécurité ont ajouté des contraintes supplé- tiques économiques et celles du marché du mentaires à une urbanisation productive et travail. Dans ce chapitre, nous passerons durable. Entre 1986 et 2014, Haïti a vécu 18 ensuite à la discussion d’un certain nombre changements de gouvernement et plus de de défis en matière de pauvreté urbaine dans 20 remaniements ministériels majeurs. Les ses formes monétaires et non monétaires, en recherches empiriques montrent qu’une se concentrant sur le manque de services et telle volatilité institutionnelle est préjudi- d’infrastructures de base. Nous conclurons ciable à la croissance; de récentes estima- enfin en reliant les défis de l’urbanisation tions indiquent que la croissance en Haïti en Haïti à trois piliers de politiques qui sont aurait été supérieure de 1,2 % si le pays le sujet des autres chapitres : planification, avait réussi à atteindre le niveau moyen de connexion et financement. stabilité au cours des années.3 D’autre part, 2 Le Groupe Banque mondiale classifie Haïti en tant qu’état « fragile » à cause de ses notes très basses dans l’évaluation institu- tionnelle et de politiques du pays (CPIA) relative aux politiques économiques, sociales et du secteur public ainsi qu’aux insti- tutions. Globalement, la situation est caractérisée par la faiblesse des institutions et la vulnérabilité, l’instabilité, le conflit et la violence. Pour plus d’informations, voir le cadre de partenariat pays pour la république d’Haïti sur la période FY16-FY19: https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/23127 3 Voir Aisen & Veiga (2013) et Singh, Bodea, & Higashijima (2016). 27 l’augmentation du niveau des crimes et de et économiques plus importantes. 5 Le la violence, notamment dans les aggloméra- tremblement de terre d’une magnitude tions urbaines, freine les investissements de 7,3 sur l’échelle de Richter qui a touché et la croissance, car les entreprises sont Haïti le 12 janvier 2010, suivi par au moins souvent obligées de fermer ou de déménager cinq répliques, a engendré d’énormes pertes à cause des coûts de sécurité élevés. humaines et économiques avec un coût L’exposition à de multiples catastro- économique représentant 117 % du PIB. phes naturelles sur la plupart du territoire Pendant les premières semaines qui ont a compliqué la voie du développement et suivi le tremblement de terre du 2010, le sérieusement limité le potentiel de crois- «Fonds des Nations Unies pour la Popula- sance économique d’Haïti. La plus grande tion» a fait état d’importants mouvements partie du territoire d’Haïti est exposée à au de population qui quittaient la capitale.6 moins un type de catastrophe (Figure 2), En utilisant les données des réseaux de avec des villes encore plus à risque de pertes téléphonie mobile, on a estimé que 630 000 dues aux catastrophes puisqu’elles concen- personnes présentes à Port-au-Prince le jour trent de plus en plus les personnes, les biens du tremblement de terre ont quitté la capitale et l’infrastructure. Entre 1971 et 2013, l’écon- dans les 19 jours qui ont suivi la catastrophe. omie a été frappée – à des degrés divers – par Globalement, 20 % de la population de des catastrophes presque tous les ans (Singh Port-au-Prince avant le tremblement de & Barton-Dock 2015). On a calculé que les terre ont quitté la zone de l’épicentre pour événements hydrométéorologiques ont chercher refuge dans les municipalités causé au pays des pertes et des dommages voisines, y compris Les Cayes et Saint- de $150 millions US en moyenne par an, Marc. Sept mois après la catastrophe, 1,5 soit 1,7 % du PIB (1976-2014). Même si million de personnes vivaient dans 1555 les inondations localisées ont un impact camps temporaires.7 Trois ans et demi plus économique limité (moins de 2 % du PIB), tard, 172 000 personnes vivaient encore à l’ouragan Jeanne en 2004 et les principaux l’étroit dans 306 camps surpeuplés. Ceux cyclones enregistrés en 2008 (Faye, Gustave, qui avaient quitté les camps n’avaient pas Hanna et Ike), ont causé des pertes et des forcément trouvé de solutions de logement dommages équivalant à respectivement 7 et permanentes.8 Aujourd’hui, de nombreux 4 14,6 % du PIB. Les catastrophes sismiques bâtiments doivent être encore reconstruits, sont nettement moins fréquentes, mais et il y a encore des tentes dans le centre de pourraient provoquer des pertes humaines Port-au-Prince (voir Spotlight 2). 4 Voir Matera, M., Ishizawa, O.A., Van del Borght, R., Nsimba, E., Simon, I., Dorsaint, W., et Surin, R. (2016) pour des informa- tions complémentaires sur l’impact fiscal des risques naturels en Haïti. 5 Le nombre de morts dans le tremblement de terre ne fait pas l’unanimité. Le gouvernement haïtien déclare entre 200.000 et 316.000 victimes, alors que d’autres sources (voir par exemple Kolbe, Athena R., et al, 2010 et Daniell, J. E., B. Khazai, et F. Wenzel, 2013) indiquent un nombre de victimes entre 100.000 et 160.000. 6 Voir par exemple, UNFPA-Haiti (2010). 7 Chiffres rapportés par Saint-Macary & Zanuso (2016). 8 Estimations extraites du rapport de 2013 de l’Organisation Internationale pour les Migrations. 28 LA PLUS GRANDE PARTIE DU TERRITOIRE D’HAÏTI EST EXPOSÉE À DE Figure 2. NOMBREUX RISQUES Figure O.1. Source: Atlas des menaces naturelles en Haïti (2015). La fragilité et les catastrophes naturelles en Haïti après le tremblement de terre ont également façonné le capital social en signalent une augmentation de la propor- Haïti de plusieurs manières. Le capital social tion des haïtiens qui sont devenus plus actifs est traditionnellement mesuré en utilisant dans la vie politique du pays à la suite de la des indices comme l’activisme politique, la catastrophe.10 Les citoyens se sont davantage confiance interpersonnelle et la confiance impliqués dans les activités communau- 9 dans les institutions. Des enquêtes réalisées taires et le nombre de résidents impliqués 9 Voir le travail précurseur de Putnam, Leonardi, et Nanetti (1994). 10 L’impact du tremblement de terre sur le capital social dans les municipalités affectées par le tremblement de terre de 2010, a été mesuré par trois vagues d’enquêtes réalisées avant et après la catastrophe au sein du Latin American Public Opinion Project (projet d’opinion publique en Amérique latine), Latin American Barometer (baromètre en Amérique latine) et USAID. Pour des informations plus détaillées, voir Zéphyr, Córdova, Salgado, et Seligson (2011). 29 ENCADRÉ 1 – MOTEURS POLITIQUES ET ÉCONOMIQUES DE L’URBANISATION EN HAÏTI : UN RÉCIT HISTORIQUE Les premières graines de la dichotomie culturelle entre les populations rurales et les populations urbaines (en créole, mounlavil, littéralement « les gens des villes », et moun andeyò, littéralement « les gens du dehors ») ont été semées à l’aube de l’indépendance d’Haïti de la République Française en 1804. Lorsque le secteur agricole du pays est passé d’une économie de plantations à grande échelle à une production de petits propriétaires et de locataires, les fermiers ont amélioré leur niveau de vie et ont commencé à aspirer à une vie urbaine et à une représentation politique. Les élites dans les villes ont calmé leurs ambitions en bloquant l’accès des populations rurales aux zones urbaines, en contrôlant le déplacement des gens sur les routes et en limitant les investissements dans tous les types d’infrastructures de connexion. L’occupation américaine de 1915 à 1934 a renversé cette tendance. Pendant cette période, les infrastructures de transport en Haïti ont été modernisées, les institutions de l’ancient régimeont été abolies et Haïti a vécu une première poussée d’urbanisation. Port-au-Prince a pris de plus en plus un rôle de leader en tant que capitale du pays. D’après le premier recensement réalisé en 1950, plus de la moitié des résidents de Port-au-Prince était née ailleurs et leur nombre a augmenté d’environ 2000 personnes par an. En 1982, 70 % des citadins vivaient dansla capitale du pays. Pendant la deuxième moitié du XXe siècle, des fermiers appauvris coupaient régulièrement des arbres comme combustible (charbon). Conséquence, la déforestation et l’érosion des sols ont provoqué la perte de la couche arable fertile etaggravé les problèmes de productivité des terres rurales. D’autre part, l’érosion a augmenté la vulnérabilité aux glissements de terrain et aux inondations qui perturbent si souvent l’économie du pays aujourd’hui. La migration massive des zones rurales vers les zones urbaines –notamment vers Port-au-Prince –dans les années 60 et pendant les années 80, a des racines économiques et institutionnelles comme nous l’avons décrit ci-dessus. La réticence des villes à accueillir des migrants ruraux –une réticence observée également dans l’histoire d’autres pays d’Amérique latine,11-a impacté le levier potentiel que représente l’augmentation de la densité pour doper la productivité urbaine. Avec de plus en plus d’haïtiens qui affluaient versPort-au-Prince, la fourniture d’eau, d’assainissement, d’électricité et d’autres services de base n’a pas été développée en conséquence comme nous le montrons dans ce chapitre et dans les chapitres suivants. En 1998, on estimait que deux tiers de la population de Port-au-Prince étaient concentrés dans les quartiers de bidonvilles grouillants.12 Sources: Tobin (2013), Yarrington (2015). 11 Feler & Henderson (2008) discutent du cas du Brésil, où pendant la dictature, on empêchait les ménages de migrants indésir- ables d’avoir accès aux services de base, ce qui a, à terme, façonné la géographie des villes brésiliennes. 12 Voir Banque mondiale(1998) pour plus de détails sur les conditions de vie dans les bidonvilles en Haïti dans les années 90. 30 dans une association dans les municipalités augmentait quatre fois plus vite que le taux de affectées a augmenté pour passer de 34,9 % la population rurale depuis les années 50. En en 2008 à 45,6 % en 2010. La même enquête 1982, plus d’un million d’haïtiens vivaient dans indique qu’Haïti pourrait avoir l’un des taux des zones urbaines. C’est à Port-au-Prince que de participation les plus élevés dans toute la la croissance de la population urbaine a été région LAC, avec presque 80 % de la popula- la plus importante avec 70 % des citadins qui tion interrogée qui déclare avoir participé à vivaient dans la capitale en 1982. La primauté au moins une association civique pendant les initiale de Port-au-Prince remonte au début 12 mois qui ont précédé l’enquête. Toutefois, de la seconde moitié du XXe siècle lorsque le défi semble rester : comment établir un des facteurs comme de mauvaises politiques climat de confiance ? D’après le Baromètre agricoles, la surexploitation des terres et une d’Amérique Latine, Haïti a maintenant le tendance générale culturelle et politique à niveau de confiance interpersonnelle le plus privilégier les villes, ont détérioré l’économie bas de la région. Entre 2008 et 2010, la plupart rurale d’Haïti.14 Avec 80 % des revenus du des personnes interviewées qui faisaient gouvernement tirés de la taxation directe des confiance à leurs pairs, a baissé de presque agriculteurs alors que des politiques souten- 10 % (pour passer de 41 % à 33 %). Les taux aient le développement commercial urbain et de criminalité ont parallèlement augmenté les usines d’assemblage, notamment autour considérablement dans les municipalités de Port-au-Prince, les haïtiens ont afflué vers affectées par le tremblement de terre (26,4 la capitale à la recherche de meilleures oppor- % en 2010, une augmentation de 10 % par tunités économiques et d’un niveau de vie rapport à 2008). plus élevé. Des estimations indiquent qu’au milieu Croissance urbaine : une histoire de poussée des années 90, 30 % des haïtiens vivaient rurale et de taux de fécondité élevés dans des villes. Environ 1,4 million de En 1950, moins de 10 % de la population personnes vivaient dans la capitale et 100 000 totale d’Haïti, qui était légèrement supérieure personnes vivaient dans la deuxième ville du à 3 millions de personnes, vivaient dans pays, Cap-Haïtien (CAP). Des documents des zones urbaines. Dans les vingt années et des enquêtes sur les ménages retracent suivantes, le nombre de citadins a augmenté les dernières tendances d’urbanisation à la en moyenne de 5 % par an pour finir par dynamique démographique. Par exemple, doubler au début des années 70 et légèrement dans les années 90, le taux de fécondité en dépasser les 700 000.13 Au milieu des années Haïti était deux fois plus élevé que la moyenne 80, 80 % de la population haïtienne vivaient de la région LAC (5 naissances par femme), toujours dans les zones rurales, mais le et à Port-au-Prince, les femmes donnaient nombre de résidents dans les villes et les cités naissance en moyenne à quatre enfants.15 13 Les chiffres sont extraits des recensements de 1971 et de 1982 et peuvent être consultés à l’IPUMS. Pour les données démographiques de 1950, voir la Banque mondiale(1985). 14 Voir Tobin (2013) et Encadré 1 pour plus de détails. 15 Les données sur les taux de fécondité du pays ont été extraites des Indicateurs de Développement Mondiaux. Pour plus de détails sur les taux de fécondité haïtiens au niveau infranational et dans les zones urbaines, voir Chahnazarian (1992). 31 La combinaison de ces changements Haïti est l’un des pays les plus urbanisés de démographiques a fait passer la barre des 50 la région, tout de suite derrière Porto Rico, % d’urbanisation en Haïti au début du XXIe Trinidad et Tobago, et le Mexique. siècle. D’après les statistiques nationales, 52 Quelle que soit la définition ‘d’urbain’ % de la population vivaient dans les zones qu’on utilise, les tendances à l’urbanisa- urbaines en 2015.16 Les United Nations World tion vont augmenter dans les années à Urbanization Prospects (UN WUP) indiquent venir. D’après les statistiques officielles, la un chiffre plus élevé – 57 % – et un taux moyen population urbaine en Haïti a augmenté à d’urbanisation annuel de 5 % entre 2000 et un taux de 3,6 % plus élevé que la moyenne 2015. Ces statistiques pourraient toutefois dans les Caraïbes et a presque doublé pour sous représenter la taille de la population passer d’un peu plus de 3 millions en 2000 à urbaine en Haïti. Comme nous le présentons presque 6 millions en 2015. Dans 10 ans, la dans le Spotlight 1 “Qu’est-ce qui esturbain population urbaine devrait avoir augmenté et qu’est-ce que c’est qu’un risque,” l’estima- de presque 2 millions de personnes et tion de la population à partir des données de pourrait enfler à environ 11 millions en recensement présente un certain nombre de 2050, soit 76% de la population totale. difficultés en Haïti. Aujourd’hui, il est possible que la popula- Un paysage urbain qui évolue : changements tion urbaine en Haïti aille jusqu’à 64 %, ce qui de population et d’agglomérations en fait le quatrième pays le plus urbanisé dans Le territoire haïtien est divisé en 10 régions la région d’Amérique latine et des Caraïbes. (départements), les plus grandes étant Ouest Dans ce rapport, nous utilisons une méthod- et Artibonite, qui se situent respectivement ologie innovante de mesure qui s’appuie à l’ouest et au centre nord du pays. Le dépar- sur des estimations de population maillées tement de l’Ouest, où se trouve la capitale et des seuils de densité de population (voir Port-au-Prince, est le plus urbanisé (87 %), Spotlight 1). Les résultats sont comparables suivi par celui du Nord (66 %) et d’Artibo- à ceux d’autres pays de la région, quelles que nite (57 %). Les départements haïtiens sont soient les différences entre les pays dans la divisés en 42 provinces (arrondissements). manière où ils définissent ‘urbain’ dans leur L’arrondissement de la capitale comprend 17 recensement national. En utilisant cette huit municipalités avec 2,7 millions de approche, nous estimons que la population résidents – ce qui représente 45 % de la popula- urbaine en Haïti se monte à environ 6 179 tion urbaine du pays et 29 % de la population 000 personnes. À partir de ces estimations, totale (Figure 3).18 16 L’utilisation de ces définitions conflictuelles pour comparer des pays ou pour l’agrégation mondiale de données n’est pas un défi spécifique à Haïti et a déjà été largement discutée dans des travaux antérieurs (Satterthwaite et al,2007; Banque mondiale, 2009; Dijkstra & Poelman, 2014). 17 L’utilisation de ces définitions conflictuelles pour comparer des pays ou pour l’agrégation mondiale de données n’est pas un défi spécifique à Haïti et a déjà été largement discutée dans des travaux antérieurs (Satterthwaite et al, 2007; Banque mondiale, 2009; Dijkstra & Poelman, 2014). 18 La région métropolitaine couvre les municipalités de Carrefour, Cité-du-Soleil, Delmas, Gressier, Kenscoff, Petion-Ville, Port-au-Prince, et Tabarre. 32 Haïti possède une gamme de villes diver- et de Port-de-Paix. Un certain nombre sifiée. Pour les besoins de ce rapport, nous de nouvelles villes de ‘taille moyenne’ est avons extrait des informations relatives à la apparu.19 Le poids de chaque catégorie de population urbaine et au nombre de villes villes dans le système urbain a également équipées d’éclairage nocturne. Les résultats changé. La Figure 4. représente l’évolu- montrent que 40 % de la population des tion de la part de la population urbaine par villes se trouvent dans la région métropol- catégories de villes entre 1990 et 2015. itaine de Port-au-Prince. Les deuxième La majorité des citadins dans toutes et troisième plus grands secteurs sont le les villes réside dans des quartiers à forte Cap-Haïtien dans le département du Nord densité de population. Dans la gamme et Léogane dans le département de l’Ouest. des villes, plus de 60 % de leur population Cap-Haïtien compte 320 000 habitants, vivent dans des quartiers à forte densité, ce qui représente 6 % de la population définis comme étant des zones urbaines de urbaine et 5 % de la population globale. plus de 50 000 personnes avec une densité Léogane a une population urbaine de 317 supérieure à 1500 personnes par kilomètre 000 habitants. Gonaïves, Saint-Marc et carré.20 A Port-au-Prince, les niveaux de Dessalines, suivent avec, respectivement, densité atteignent même 32 500 personnes 261 000, 240 000 et 214 000 habitants. Plus par kilomètre carré dans une zone de 1 à 2 de 19 % de la population vivent dans des km autour du Marché en Fer. Cette densité villes de 100 000 à 300 000 habitants (Figure est beaucoup plus élevée que dans le centre 3). Plus de détails sur la méthodologie des villes africaines avec des niveaux de utilisée pour cette analyse ainsi qu’une liste revenus par tête similaires -- comme Nairobi complète de la classification des villes sont avec 21 700 habitants par kilomètre carré présentés dans le Spotlight 1. dans le centre-ville (voir le Spotlight 2 pour La répartition des catégories des villes discuter de l’aménagement du territoire a considérablement changé depuis 2000. dans la ville). Les villes ont changé de catégorie d’une Port-au-Prince domine le système manière importante à cause de gros change- urbain. La primauté politique, économique ments dans la taille de la population entre et administrative héritée du régime de 2000 et 2015. Au début du siècle, seule la Duvalier, fait de Port-au-Prince le principal ville du Cap-Haïtien comptait plus de 200 pôle d’attraction pour les opportunités 000 habitants mais elle a été rejointe par d’emplois et d’affaires. Au fur et à mesure Gonaïves quinze ans plus tard. Le nombre que de plus en plus d’haïtiens émigraient de villes de plus de 100 000 habitants a vers la capitale, beaucoup d’entre eux se sont également augmenté pour passer de trois à installés à la périphérie de la région métro- sept y compris les villes de Ouananaminthe politaine. Nous estimons qu’en 2015, 111 19 Étant donné qu’il n’y a pas de nouvelles petites villes, le nombre de petites villes a légèrement baissé de douze en 2000 et à neuf en 2015 20 Voir l’Encadré 2 pour plus de détails sur la méthodologie d’agglomération et la définition des agglomérations urbaines de densités différentes. 33 TAILLE URBAINE, PART DE LA POPULATION URBAINE TOTALE, ET Figure 3. PART DE LA POPULATION URBAINE DANS LES AGGLOMÉRATIONS À HAUTE DENSITÉ D’ARRONDISSEMENTS SÉLECTIONNÉS Sources: Nos calculs, basés sur les données de population maillées avec Landscan, et Deuskar, Stewart, & Lozano-Gracia (2016). 000 haïtiens vivent ainsi dans les quartiers travail et des services à presque 3 millions de à forte densité de population autour de citadins.21 l’arrondissement de Croix-des-Bouquets. Il est tout à fait crucial d’appréhender les D’ailleurs, certaines zones de Croix-des- véritables dimensions de la région métro- Bouquets forment, avec l’arrondissement de politaine de Port-au-Prince pour planifier Port-au-Prince, le “Grand Port-au-Prince”. la fourniture de services et d’infrastructures Ce conglomérat urbain (une ville de fait), destinées à tous les travailleurs qui peuvent même s’il ne représente pas une circonscrip- potentiellement faire la navette tous les tion administrative officielle, fournit du jours pour se rendre dans la capitale. Entre 21 À un niveau plus global, le département de l’Ouest – où se situe la région métropolitaine géographiquement - accueille 55 % de la population urbaine totale et 40 % de la population du pays.21 For details on the methodology, see World Bank’s background note for the Haiti Urbanization Review (2016). 34 ÉVOLUTION DE LA RÉPARTITION DE LA POPULATION URBAINE PAR Figure 4. CATÉGORIE DE VILLES Figure O.1. Sources: Nos calculs, basés sur les données de population maillées avec Landscan et les données d’éclairage nocturne pour 1996, 2000 et 2015. Nous avons inclus dans l’analyse seulement les agglomérations où des émissions de lumière ont été enregistrées sur au moins une de ces trois années. 1975 et le début des années 90, le “Grand autour de Port-au-Prince, il en va de même Port-au-Prince ” a grossi plus rapidement pour l’activité économique en Haïti. La que la moyenne nationale (6 % par an) ; en région métropolitaine a la plus grande 1990, il couvrait 100 km², plus du double densité économique du pays avec un produit de sa surface 15 ans avant. En ligne avec intérieur brut (PIB) estimé à $5 milliards US la tendance nationale, la croissance des – 41 % de la production globale du pays (en zones construites dans la région métro- 2006). Delmas et Croix-des-Bouquets sont, politaine a ralenti au cours des 20 années après la capitale, les plus grands contribu- suivantes, mais a pris plus d’ampleur (8 km² teurs au PIB du pays. D’autres grandes villes en moyenne par an) que n’importe quelle comme Cap-Haïtien, Gonaïves, Port-de- autre agglomération urbaine en Haïti. La Paix et Saint-Marc contribuent ensemble à Figure 5 montre le taux de croissance des environ 11 % du PIB ($1,3 milliard US). Les zones construites pour certains arrondisse- Cayes (une grande ville) et Jacmel (une ville ments dans chaque département, ainsi que de taille moyenne), dans le sud, présentent 22 la valeur de leur augmentation marginale. également une certaine concentration Tout comme la population se concentre d’activités économiques, ce qui souligne le 22 Pour des détails sur la méthodologie, voir la note de contexte de la Banque mondiale relative à l’Examen d’Urbanisation en Haïti (2016) 35 Figure 5. TAUX DE CROISSANCE DES SUPERFICIES BÂTIES ET AUGMENTATION MARGINALE PAR ARRONDISSEMENT (1975-2011) Source: Deuskar, Stewart, & Lozano-Gracia (2016), basé sur WorldPop rôle potentiel des connexions entre les zones arrondissements du Cap-Haïtien (Nord) rurales éloignées et les grandes villes dans et de Léogane (Ouest) sont les deux plus le système urbain en Haïti. Cependant, la grands en termes de population urbaine densité démographique tout comme la après la capitale. Cap-Haïtien a 320 000 densité économique ont peu contribué à habitants, ce qui représente 6 % de la stimuler la croissance économique en Haïti. population urbaine et 5 % de la popula- Les sections suivantes mettront en exergue tion totale, avec 74 % de ses habitants certains des obstacles socio-économiques qui vivent dans des quartiers à haute qui empêchent le pays d’utiliser les niveaux densité. Léogane a une population urbaine de densité importants de ces villes et similaire (317 000) mais avec un peu d’engranger les dividendes urbains. moins de densité. Gonaïves, Saint-Marc et En dehors de Port-au-Prince, nos estima- Dessalines, suivent avec, respectivement, tions indiquent qu’il y a cinq autres grandes 261 000, 240 000, et 214 000 habitants. agglomérations urbaines en Haïti. Les 36 ENCADRÉ 2. UN INSTANTANÉ DE LA COMPOSITION DU SECTEUR ÉCONOMIQUE EN HAÏTI Le secteur des services contribue à la valeur ajoutée brute (GVA) à hauteur de 57 %.Entre 2005 et 2015, elle a augmenté de 2 % par an. Les services de construction ont fortement augmenté compte tenu de la hausse de la demande dans le secteur du bâtiment ainsi que de la reconstruction après le tremblement de terre et les ouragans. Les services aux consommateurs représentent environ 30 % du PIB. Les autres sous-secteurs tertiaires importants sont : le commerce de gros, les services de transport et de commu- nication, les services publics et les services financiers et de business, dans l’ordrede leur pertinence.23 Entre 2000 et 2015, le secteur secondaire a augmenté de 4 % par an avec une croissance de la production manufacturière à un taux annuel moyen de 2,6 %. Pourtant, l’industrie ne représente que 21 % de la GVA et a progressivement reculé ces dernières années. En 1990, elle représentait 18 % du PIB haïtien,mais elle s’est écroulée après l’embargo américain qui a duré de 1991 à 1994 (Singh & Barton-Dock 2015).24 Toutefois,la croissance de la demande en assemblage de vêtements, venant principalement des États-Unis, a dopé les secteurs manufacturiers et industriels, notamment dans les zones urbaines. Le textile représente 88 % des exportations du pays (20 % du PIB) et devrait continuer à augmenter vers des marchés en Amérique du Nord grâce àla loi HOPE II.25La production agricole représente 22 % de la GVA, mais elle stagne depuis 50 ans avec un déclin après 2010.26L’embargo de 1991 à 1994a empêché l’accès d’entrants agricoles importants et contribué ainsi au déclin de la productivité dans ce secteur. La grande fragmen- tation des terres, l’insécurité juridique des titres de propriété, le manque de crédits, le manque de technologie et la détérioration des sols ont également limité la productivité (Singh & Barton-Dock, 2015; OMC, 2015). La production de denrées alimentaires est exposée en permanence aux risques de catastrophes naturelles : ces dernières années, la sécheresse a affecté environ 50 % des cultures (USAID, 2011). Des lacunes dans le secteur primaire, combinées avec une population de plus en plus urbanisée forcent Haïti à importer 55 % des besoins du pays en denrées alimentaires. Ce chiffre explique le déséquilibre commer- cial d’Haïti : le pays a importé 50,6 % de son PIB en 2016.27 23 Ibid. 24 Indicateurs de Développement Mondiaux et prévisions de l’Economist Intelligence Unit. 25 Les autres produits exportés sont les métaux (3,1 %des exportations, principalement du fer et du cuivre) ainsi que des huiles essentielles (2,2 %). Données extraites de UN Comtrade et portant sur2014. 26 Ibid. 27 Les carburants sont d’autreproduitsd’importation majeure. La structure du marché de l’électricité en Haïti, qui sera examinée en détails dans la section 3.1, pourrait être une explication partielle. 37 URBANISER DANS UN CONTEXTE DE comme le transport, l’éducation, la finance MARCHÉ DU TRAVAIL DÉFAVORABLE ET et le tourisme. Après le tremblement de terre AVEC DES NIVEAUX ÉLEVÉS DE PAUVRETÉ en 2010, la reconstruction des logements et L’économie récupère lentement en Haïti certaines avancées dans des projets d’infra- depuis le tremblement de terre de 2010 structures gouvernementales ont soutenu la lorsqu’elle a perdu 5,5 %. En 2015, la croissance croissance du secteur du bâtiment et 9 % des annuelle du PIB était estimée à 1,2 %, plus personnes y travaillaient en 2012. élevée que la moyenne dans la région LAC, Les activités industrielles dans les zones mais plus de 3 % en dessous de la moyenne urbaines jouent un rôle secondaire pour des Pays à Bas Revenus (Singh & Barton-Dock l’économie, mais elles possèdent un gros 2015). L’inflation est revenue à des taux à un potentiel pour la croissance à venir. Le seul chiffre et le taux d’endettement externe secteur manufacturier ne représente que 8 a baissé suite à l’annulation de la dette. Mais % du PIB du pays (estimations de l’Econo- la diminution du flux de l’aide étrangère par mist Intelligence Unit 2016). Toutefois, les rapport à la situation après le tremblement métiers du vêtement orientés sur l’exportation de terre ainsi que l’instabilité politique début peuvent exploiter de récents investissements 2016 ont conduit à la dépréciation de la devise dans les ports maritimes de Port-au-Prince 28 du pays. La plus grande part de la croissance et du Cap-Haïtien par lesquels transitent économique récente, entre 2005 et 2015, a été aujourd’hui 90 % du commerce international principalement poussée par l’expansion des d’Haïti.30 Le parc industriel de SONAPI situé secteurs qui exploitent les forces d’urbanisa- à 5 km du principal port de Port-au-Prince tion comme l’industrie et les services. est l’une des plus grandes plates-formes du D’après des données d’enquête, l’économie pays pour le vêtement. D’autres usines de urbaine est dominée par le secteur tertiaire vêtements plus petites sont installées à la : 38 % des 1,4 million de travailleurs dans périphérie des villes de moindres envergures les villes ont un emploi dans des activités comme Ouanaminthe (Grupo M, 6.500 commerciales.29 Les services aux consom- travailleurs) et Cap-Haïtien (S&H Global, mateurs à Port-au-Prince représentent un 2.500 travailleurs). Pourtant, le niveau sixième de la valeur ajoutée brute. En dehors d’emploi dans le secteur manufacturier reste du commerce, 40 % des travailleurs urbains – relativement bas et représente 4 % des travail- notamment à Port-au-Prince – sont employés leurs à Port-au-Prince, et 3 % dans les villes dans d’autres activités du secteur des services plus petites.31 28 Données et estimations provenant de l’Economist Intelligence Unit, Rapport Pays(Décembre 2016). 29 Données obtenues de »l’Enquête sur les Conditions de Vie des Ménages Après Séisme” de 2012 – enquête ECVMAS. Ces chiffres correspondent à peu près aux estimations de 2016 de l’Economist Intelligence Unit ainsi qu’aux approximations d’Oxford Economics en 2012. 30 Les investissements dans les infrastructures portuaires ont poussé Haïti parmi les 10 (sur 32) meilleurs pays d’Amérique latine et il est deuxième (sur 29) parmi les pays les plus pauvres pour le « commerce transfrontalier ». Voir le rapport de la Banque mondiale de 2015 “Cadre de Partenariat Pays pour la République d’Haïti sur la Période FY16-FY19.” 31 Concernant le taux de chômage bas dans l’industrie du vêtement, voir également le Fonds Monétaire International (FMI), 2015; Hornbeck, 2011. 38 En dehors de la capitale, les emplois national (250 gourdes par jour – environ $6 US dépendant de l’agriculture sont encore très au taux de change de 2012). répandus. Le secteur agricole, extrêmement Les zones rurales plutôt que les villes ont vulnérable aux chocs et contribuant à peine contribué à la baisse du chômage. En 2012, à la valeur ajoutée brute du pays, continue à la probabilité d’être employé dans les zones employer la plupart des travailleurs (45 %) rurales était de presque 20 % plus élevée dans le pays. Le secteur primaire est le plus qu’en 2001. Les chiffres de l’emploi rural en important dans la Grand’Anse (66 pour cent augmentation peuvent être expliqués par de la main-d’œuvre), au Centre (62 pour cent) quelques phénomènes spécifiques relatifs et au Sud-Est (59 pour cent). Les emplois aux groupes d’âges et au genre. Tout d’abord, agricoles ne sont pourtant pas confinés aux l’augmentation de l’emploi a été particu- zones rurales. Ils occupent également 15 % de lièrement prononcée pour les cohortes de la main-d’œuvre dans les petites aggloméra- jeunes ruraux (15-25). Deuxièmement, les tions urbaines et les villages ruraux. Ces taux d’emploi pour les femmes dans les groupements urbains pourraient donc zones rurales ont augmenté dans tous les fonctionner comme portail pour acheminer groupes d’âges. Pourtant, l’augmentation des le flux de main-d’œuvre et de produits entre taux d’emploi pour les jeunes hommes et les 32 l’arrière-pays rural et les centres urbains. jeunes femmes ainsi que pour les femmes de tous âges, s’explique presque entièrement Chômage, sous-emploi et peu de productivité par une augmentation des personnes qui se D’après des estimations récentes, 75 % de déclarent d’être des travailleurs familiaux non la population en âge de travailler en Haïti fait rémunérés, travaillant seulement quelques partie de la main-d’œuvre.33 Presque quatre heures par semaine – ce qui réduit la véritable haïtiens sur cinq sont employés ou prêts à augmentation de l’emploi rural (Scot & accepter un emploi à court terme si on le leur Rodella, 2016). propose. Les taux de chômages nationaux En dépit de la baisse globale, le chômage baissent régulièrement depuis 2001 et sont reste une question urbaine. Les données de passés de 27 % à 12 % en 2012. Aujourd’hui, l’enquête de 2012 montrent que 40 % de la le chômage en Haïti est beaucoup plus élevé main-d’œuvre urbaine n’ont pas d’emploi. La que la moyenne de la région LAC qui est de probabilité d’être employé dans les villes était 6 %, mais comparable aux autres nations entre 4 et 5 % plus basse qu’en 2001, alors que 34 de la région de la caraïbe. D’un autre côté, la même probabilité dans les zones rurales le nombre de chômeurs a augmenté depuis était de presque 20 % plus élevée. Le marché 35 2007. En 2012, huit travailleurs sur 10 dans le du travail urbain peut pourtant compter sur pays gagnaient moins que le salaire minimum une main-d’œuvre plus jeune que le marché 32 Travailler dans des activités non agricoles est corrélé avec une probabilité beaucoup plus basse d’être pauvre, ce qui met en exergue l’importance d’encourager les emplois non primaires même dans les zones traditionnellement rurales (Scot & Rodella, 2016). 33 Ibid. 34 Notamment les Bahamas et le Bélize (14 % chaque), la Barbade (12 %). Voir Scot & Rodella (2016) pour plus de détails. 35 Le sous-emploi est défini par la proportion de travailleurs qui reçoit moins que le salaire minimum. 39 ENCADRÉ 3 – “MADAN SARA”: UNE CHAÎNE BIEN ORGANISÉE DE TRAVAILLEURS INFORMELS L’undes principaux protagonistes du commerce informel en Haïti sontles “Madan Sara”.36Les “MadanSara” –nommées d’après un oiseau migrateur local –achètent en vrac chez les producteurs ou les intermédiaires dans les zones rurales pour vendre en gros dans les centres urbains. Ellessont donc des intermédiaires vitaux puisqu’ellesconnectent les producteurs dans les zones reculées avec les grands marchés dans les villes. En septembre 2015, le journal The New Yorkera publié l’histoire des femmes d’affaires haïtiennes qui sautent régulièrement dans des bateaux bondés pour une traversée nocturne de six heures entre Marigot –au Sud -et Anse-à-Pitres, lelong de la frontière avec la République Dominicaine. Une fois ou même deux fois par semaine, une ”Madan Sara”, paye, paraît-il, environ cinq dollars (250 Gourdes) pour aller à Anse-à-Pitres. Elle traverse ensuite la frontière avec la République Dominicaine et échange des produits, par exemple des vêtements, contre d’autres produits primaires. Elle paye ensuite environ cinq dollars à unporteur qui ramène la marchandise du côté haïtien de la frontière,et 30 dollars parsac de fret chargé sur le bateau pour retourner à Marigot. De retour chez elle, elle engage des chauffeurs de Tap-Tappour conduire les produits dans des entrepôts de stockage. Chaque voyage peut rapporter à ces femmes environ 10 000 HTG—presque $200 US. Sources: Jelly-Schapiro, 2015. du travail rural : en 2012, 57 % des citadins des melle). Du côté de l’offre, la probabilité pour villes et des agglomérations avaient entre 15 et les travailleurs d’être employés dans le secteur 49 ans. Parmi les zones urbaines, les travail- non agricole, informel, privé et urbain – par leurs dans les petites villes ont 3 % de chances exemple des entreprises non constituées, des supplémentaires de trouver un emploi que entreprises familiales pour la plupart, qui ne ceux qui vivent à Port-au-Prince, en fonction sont pas enregistrées ou qui ne pratiquent de leurs caractéristiques. pas une comptabilité formelle – a baissé de Le marché du travail urbain est caractérisé 8 à 10 % entre 2006 et 2012. Toutefois, cette par deux autres éléments : le sous-emploi et tendance reflète l’augmentation d’une partie l’informalité. Les statistiques les plus récentes des travailleurs employés dans le secteur indiquent qu’en ce qui concerne la demande public et dans les O.N.G. plutôt qu’une baisse sur le marché du travail, la part des travailleurs la partie des employés informels. D’ail- non agricoles sans contrat écrit ni protection leurs, en 2012, la main-d’œuvre employée sociale représente 80 % dans la capitale et 90 dans les petites entreprises informelles % dans les autres villes (voir Encadré 3 pour était respectivement de 50 % à Port-au- un exemple de femmes dans l’économie infor- Prince, et 65 % dans les autres villes.37 36 Les chiffres sont basés sur l’analyse des auteurs de l’enquête ECVMAS de 2012. Voir Scot & Rodella (2016) pour plus de détails. 37 À notre connaissance, il n’existe aucune statistique officielle dans ce sens. Toutefois, les journaux et les magazines locaux – comme Le Nouveliste et Woy magazine – rapportent régulièrement que les “Madan Sara” sont souvent victimes d’accidents de la route. 40 Figure 6 & 7. FIGURE 6.INCIDENCE DE LA PAUVRETÉ FIGURE 7. PROPORTION DE MÉNAGES PAR LIEU DE RÉSIDENCE. (PROPORTION PAR STATUT DE PAUVRETÉ EN 2012 ET ET CHIFFRES ABSOLUS) EN 2013 Source: Nos calculs basés sur ECVMAS 2012 ainsi que les Source: Perge & Scot (2016) basé sur ECVMAS 2012 et seuils calculés par Perge & Scot (2016) ECVMAS 2013. Au fur et à mesure qu’Haïti devient de D’ailleurs, les données d’enquêtes indiquent plus en plus urbanisé, des emplois sont créés qu’à partir de 2012, plus de 35 % des ménages dans les services non commerciaux à faible urbains et 20 % des ménages ruraux recev- productivité (comme le négoce et le bâtiment) aient des fonds. Les transferts monétaires plutôt que dans des activités commerciales sont souvent de grosses sommes et leur à productivité élevée (comme le secteur contribution au revenu total (une moyenne manufacturier et les services). La croissance de 24,5 % dans le pays) est plus élevée que précaire des villes haïtiennes semble être celle des dons en nature (12,2 %). Les aides entraînée par la consommation nationale étrangères ont contribué à augmenter la plutôt que par la production. Même si nous demande de main-d’œuvre pour la recon- n’avons pas encore d’éléments factuels (ni struction après le tremblement de terre de de données) disponibles, la consommation 2010, ainsi que la croissance d’une partie des pourrait être elle-même entraînée par les services de construction dans le PIB local – transferts de fonds et les aides étrangères. notamment à Port-au-Prince. 41 À partir d’éléments factuels provenant La vulnérabilité et la pauvreté chronique d’autres pays – comme le Nigéria et l’Angola restent un défi mais la pauvreté a baissé – l’urbanisation entraînée par la consom- dans les villes mation limite davantage la productivité L’extrême pauvreté a baissé en Haïti au des villes.38 D’autre part, elle les associe cours de la première décennie des années à la volatilité et à la précarité des sources 2000, notamment dans les zones urbaines. de revenus externes, comme les transferts Au niveau national, l’extrême pauvreté a de fonds et l’aide étrangère. Alors qu’il est baissé pour passer de 31 % en 2000 à 24 % difficile de prévoir les flux de transferts en 2012. Cette réduction s’est concentrée de fonds à l’avenir, l’aide étrangère est principalement sur la région métropolitaine en baisse et va probablement continuer à (pour passer de 20 à 5 %) ainsi que dans les chuter, ce qui aura un impact négatif sur petites villes (pour passer de 21 à 12 %). une des principales activités économiques En dépit de ces progrès, Haïti reste le pays 39 du pays, c’est-à-dire la construction. Ces le plus pauvre dans la région LAC et l’un dernières années, la croissance de l’indus- des plus pauvres au monde. Aujourd’hui, trie du bâtiment a ralenti, ce qui a amené environ 59 % des haïtiens vivent dans la la banque centrale haïtienne à revoir à la pauvreté. Presque 6,3 millions d’haïtiens ne baisse ses prévisions de croissance du PIB peuvent pas satisfaire leurs besoins de base pour 2016.40 Il serait nécessaire d’adopter et 2,5 millions ne peuvent pas satisfaire des politiques plus décisives pour changer le leurs besoins en nourriture.41 Environ 695 système économique et le faire avancer vers 000 pauvres vivent à Port-au-Prince (dont un secteur manufacturier et des services plus 16 % dans une extrême pauvreté), et 1,4 durables socialement et plus respectueux de million résident dans les plus petites villes l’environnement. Sinon, les futures carences (dont 24 % dans une extrême pauvreté) des ressources exceptionnelles de revenus (Figure 6). sur lesquelles compte Haïti, pourrait plonger De récents travaux utilisant des données le pays et ses zones urbaines davantage dans de deux enquêtes de santé démographique la pauvreté. (DHS) pour 2006 et 2012 indiquent, d’autre part, que le niveau de vie s’est amélioré dans la plupart des zones urbaines.42 Alors que la proportion des ménages ruraux qui était très pauvre n’a pas changé sur cette période 38 Gollin, Jedwab, & Vollrath (2016), et Jedwab (2013) discutent de l’augmentation et des problèmes de consommation dans les villes. 39 Après le tremblement de terre de 2010, l’assistance des bailleurs de fonds internationaux représentait presque 17 %du PIB mais elle est tombée à 7 %en 2014 (Banque mondiale2016). 40 Basé sur les prévisions de l’Economist Intelligence Unit pour 2016. 41 Voir Singh & Barton-Dock (2014). 42 Les enquêtes des ménages et l’enquête DHS utilisées ci-dessus, posent également des questions sur la pauvreté des ménages mêmes si elle est mesurée à partir de deux méthodologies légèrement différentes. Les enquêtes de santé démographique (DHS) réalisées par USAID ne collectent pas d’informations sur les revenus et la capacité de consommation des ménages mais plutôt sur les caractéristiques de leur maison et leur accès à la consommation de biens et services. L’index de richesse qui est ainsi 42 de six ans, environ 80 % des ménages prévaut dans la région LAC.46 Parallèle- urbains ont déclaré être plus à l’aise ment, 40 % des personnes qui vivent dans financièrement. Les données indiquent que les zones urbaines sont vulnérables à la les ménages dans la région métropolitaine pauvreté, un taux qui est plus élevé que ce de Port-au-Prince, par exemple, avaient un qui est observé au niveau national (28 %).47 meilleur accès aux biens de consommation Cet élément factuel met en exergue les et aux services ainsi qu’à des logements de conditions fragiles qui continuent à affecter 43 meilleure qualité. ceux qui ont réussi d’une certaine manière à Même avec une réduction globale, la sortir de la pauvreté; ce sont notamment les pauvreté chronique reste très répandue en pauvres transitoires dans les zones urbaines Haïti.44 En utilisant les données de panel qui sont confrontés aux chocs desmarchés avec des informations sur les niveaux de du travail urbain comme par exemple consommation enregistrés dans les zones les faillites des entreprises ou la perte de urbaines en 2012 et 2013, ainsi que des revenus de services non agricoles. seuils de revenus ad hoc, la Figure 7 montre: Les inégalités de revenus perdurent et (a) la part de la population pauvre; (b) la restent les plus élevées dans la région même proportion de personnes qui, même si elles si des améliorations ont été enregistrées ne sont pas pauvres, restent vulnérables et dans les villes. Le coefficient Gini est resté pourraient retomber dans la pauvreté; et (c) constant à environ 0,6 entre 2001 et 2012; 45 la part d’individus non vulnérables. En depuis, les inégalités ont persisté. Haïti reste 2013, la proportion des résidents pauvres le pays le plus inégal dans la région LAC et est a baissé pour passer de 40 % à 34 % par l’un des plus inégaux au monde. En 2012, 10 rapport à l’année précédente. Pourtant, 22 % de la population contrôlaient presque 50 % des résidents qui étaient pauvres en 2012 % des ressources du pays. Au niveau infrana- le sont restés l’année suivante; ce chiffre est tional, entre 2002 et 2012, les inégalités ont la moitié de ce qui est observé au niveau baissé dans la plupart des zones urbaines national et est conforme à la tendance qui (pour passer de 0,64 à 0,59) alors qu’elles calculé est ensuite utilisé pour classifier les ménages dans cinq quintiles de richesse: les plus pauvres, plus pauvres, moyenne- ment pauvres, plus riches, et les plus riches. Cependant, l’index de richesse élaboré par les DHS, ne capture pas l’élément déterminant de la pauvreté dans les pays en voie de développement : la capacité des familles à dépenser. D’autre part, il ne suit pas les mêmes ménages d’une vague d’enquête à l’autre; il est donc difficile de comprendre grâce à la DHS combien de ménages sont coincés dans le piège de la pauvreté et la proportion de ceux qui sont sortis de la pauvreté ou qui y sont retombés. 43 Voir Singh & Barton-Dock (2014) pour une analyse plus détaillée. 44 Les ménages chroniquement pauvres sont ceux qui ont été identifiés comme étant pauvres en 2012 et en 2013 ; ceci veut dire que leur consommation est toujours restée en dessous de la ligne de pauvreté. Les ménages transitoirement pauvres sont ceux qui ne passent qu’une période (soit 2012, soit 2013) dans la pauvreté. Voir Perge & Scot (2016), ainsi que les publications qui y sont mentionnées pour une discussion plus détaillée de ces définitions. 45 Voir Perge & Scot (2016) pour plus de détails techniques. 46 Comme dans Vakis, Rigolini et Lucchetti, 2015. Noter pourtant que la ligne de pauvreté utilisée dans cette étude de $4 par jour (2005 PPP), est beaucoup plus élevée que la ligne de pauvreté modérée en Haïti. 47 Entre 2012 et 2013, 14 % de ceux qui étaient pauvres ont augmenté leurs richesses et sont devenus moins pauvres – tout en restant exposés; 8 % des résidents non-vulnérables en 2012 le sont devenus en 2013. 43 Figure 8. ACCÈS À L’EAU ET À L’ASSAINISSEMENT (A) Accès à des sources d’eau potable par lieu de (B) Accès aux services d’assainissement résidence Source: DHS 2000, 2006, 2012 ont augmenté dans les zones rurales (pour URBANISER DANS DES CONDITIONS DE passer de 0,49 à 0,56). L’augmentation des SURPOPULATION ET SANS INFRASTRUC- inégalités dans les zones rurales s’explique TURES DE SOUTIEN par les chocs météorologiques répétés La pauvreté ne se définit pas seulement en qui ont sapé la production agricole ainsi termes monétaires; le manque d’infrastruc- que par l’inflation qui a gonflé les prix des tures peut représenter un obstacle majeur pour denrées alimentaires; ces deux phénomènes permettre aux ménages urbains d’échapper au affectent les plus pauvres d’une manière piège de la pauvreté.49 Cette réalité est d’autant disproportionnée dans les zones rurales.48 plus vraie dans les zones qui combinent les densités de population les plus élevées où l’accès 48 Voir Singh & Barton-Dock (2014) pour plus de détails sur les diagnostiques de pauvreté en Haïti. 49 Les preuves du retard d’accès aux infrastructures et aux services de base sont extraites de nos calculs à partir des enquêtes de santé démographique de 2000, 2006 et 2012 (DHS). 44 ENCADRÉ 4 – BAYAKOU: UN EMPLOI MÉPRISÉ ET POURTANT VITAL LORSQU’IL N’Y A PAS D’INFRASTRUCTURES D’ASSAINISSEMENT Parmi les ménages haïtiens qui n’ont pas accès à des égouts qui fonctionnent, quelques-uns peuvent se permettre de creuser des fosses d’aisance dans leur arrière-cour pour collecter les déchets humains. Environ une fois par an, ces ménages embauchent des travailleurs informels qu’on appelle des bayakou, pour vider ces fosses d’aisance –normalement pendant la nuit. Les bayakou jouent un rôle clé pour le fonctionne- ment des villes compte tenu du manque d’infrastructures d’égouts. Il est en effet vital de séparer les déchets des denrées alimentaires et de l’eau pour éviter la propagation des maladies infectieuses; sans services d’assainissement corrects, les bayakou sont le seul moyen d’assurer la salubrité des ménages. Pour engager un bayakou, le propriétaired’une maison doit d’abord négocier avec un intermédiaire, qui est chargé d’organiser la mission. Pendant les nuits suivantes, une équipe de deux ou trois bayakouen moyenne, pénètre dans l’arrière-cour du propriétaire et verse une bouteille de détergent parfumé à la lavande dans la fosse d’aisance pour ramollir les excréments et éliminer l’odeur. Une fois que le détergent pour nettoyer les sols a bien imprégné la fosse, un des membres de l’équipe descend dans les latrines et vide les déchets humainsavec un seau. En général, ceux qui exercent cette activité ne portent aucun vêtement, ce qui les expose à d’éventuelles coupures et blessures et, par conséquent, à des infections. Il n’existe pas de zones sécurisées désignées pour évacuer les déchets humains et donc, en général, les bayakou les déversent sur le sol, dans des ravines ou dans les rivières. Cela ne transfère que le risque et l’exposition aux maladies d’un quartier à l’autre. D’après les évaluations, une équipe de bayakou peut vider une fosse d’aisance de 50 m³ en deux à trois nuits. Malgré sa réputation et le danger qu’il comporte, le travail peut être, pour beaucoup, attrayant du point de vue financier: grâce à l’intermédiaire, un bayakou peut gagner au moins $50par latrine –l’équivalent d’un moisde salaire à coudre des T-shirts dans une usine de vêtements. Pour solutionner partiellement la précarité des bayakou et les coûts potentiels pour l’environnement, certains groupes d’aide sont arrivés sur le marché et les engagent en apportant un minimum de normes de sécurité et en surveillant directement leur travail. La Direction Nationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement (DINEPA) a également dirigé des programmes de santé publique visant à former lesbayakouet à tester de petites pompes. Sources : Curnutte, 2011 ; Katz, 2014 ; Wilentz, 2010 et des discussions avec le Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire et DINEPA. à l’eau propre, à l’assainissement amélioré et à l’électricité est limité ou inexistant. Dans ce type de cas de figure, la densité provoque la surpopulation, des conditions de vie insalubres et la marginalisation, plutôt que de devenir un capital pour la croissance. Comme nous allons le présenter dans les chapitres suivants, le déficit en infrastructures est important dans les villes lorsqu’il s’agit de services de base et d’autres infrastructures comme des routes. 45 Seuls quelques-uns ont accès à l’eau potable ménages au réseau public – aussi bas que 5 % et à l’assainissement amélioré (Habitat 2012 Profil urbain de Milot; Brault, Plus d’un tiers (35 %) des citadins n’ont Sanz et Le Bansais 2014). Les défis sont pas accès à l’eau potable (WDI 2015), et les encore plus exacerbés par les contraintes des tendances montrent que, compte tenu de la ménages individuels pour s’assurer que leur croissance urbaine récente, les taux sont en eau est salubre : dans les plus petites villes, 45 baisse.50 L’enquête DHS de 2012 montre que % des familles n’ont pas le matériel pour faire la proportion de familles dont le logement est bouillir l’eau pour la cuisine ou pour se laver raccordé à l’eau courante, ou qui a accès à un les mains (DHS 2012). point d’eau publique a baissé pour passer de Les systèmes d’assainissement actuels 24 à 3 % et de 65 à 21 % respectivement entre sont inadaptés pour servir la population 2000 et 2012. De la même manière, dans urbaine. Deux tiers (66 %) des citadins les plus petites villes et agglomérations, la n’ont pas d’assainissement amélioré (WDI proportion de ménages dont le logement est 2015).51 Dans les zones urbaines, les instal- raccordé à l’eau courante a baissé pour passer lations partagées sont très répandues. de 20 à 2 % sur cette période. Parallèlement, L’enquête DHS de 2012 montre que 48 % il existe de grandes différences dans les taux des résidents de Port-au-Prince et 41 % des d’accès entre les zones urbaines et même ménages dans les agglomérations urbaines au sein d’une même zone. Alors que les de taille moyenne utilisent des latrines à données pour évaluer l’accès à l’eau potable fosse avec une dalle.52 Au moins 8% des et à l’assainissement amélioré dans chaque citadins pratiquent la défécation en plein air ville sont difficiles à trouver, un récent profile (WDI 2015); des recherches indiquent que ce du Cap-Haïtien a révélé que l’accès était chiffre pourrait même être plus élevé compte géographiquement inégal avec seulement 20 tenu du fait que les citadins qui comptent % des communes du pays qui ont un niveau sur les toilettes publiques pourraient revenir satisfaisant de services d’eau courante (UN à la défécation en plein air pour satisfaire Habitat Cap-Haïtien Profil 2012). Les plus leurs besoins la nuit (Tilmans, et al 2015). petites villes ont également en général des L’Encadré 4 présente la manière dont les tauxd’accès à l’eau plus bas – 55 % à Milot par travailleurs informels qu’on appelle les exemple, et les villes rurales ont tendance à bayakou, traitent le manque d’infrastructures avoir des niveaux de connexion limitée des d’assainissement adéquates. 50 Dans l’ensemble, seuls 58 % de la population haïtienne avaient accès à l’eau potable venant d’une source de qualité. Ce chiffre place Haïti 25 % plus bas que l’avant-dernier pays de la région LAC (la République Dominicaine) en termes de performances et parmi les 10 pires pays à bas revenus (légèrement au-dessus de l’Érythrée, du Niger et de la Tanzanie). Les sources d’eau améliorée compren- nent les raccordements à l’eau potable dans les logements, dans la cour ou chez le voisin, les points d’eau publics, les puits tubulaires ou les forages, les puits protégés, les sources protégées, les eaux de pluie, l’eau mise en bouteille ou vendue par une entreprise. 51 Les installations d’assainissement améliorées comprennent les toilettes non partagées avec chasse d’eau reliée à un réseau d’égouts, à des latrines à fosse et à des fosses septiques, à des latrines à fosse améliorée par une ventilation ou une dalle et à des latrines à compost. Les taux généraux d’accès en Haïti sont de 50 % plus bas que la moyenne dans la région LAC et de 5 % plus bas que la moyenne dans les pays à bas revenus. 52 Les latrines à fosse avec dalle sont des latrines à fosse sèche où la fosse est entièrement recouverte par une dalle ou une plateforme qui est équipée soit d’un trou pour s’accroupir ou d’un siège. La plate-forme doit être solide et peut être fabriquée dans n’importe quel 46 L’accès à l’électricité est inégal en fonction moyenne dans la région LAC.53 La sous-con- des zones urbaines sommation est notamment le résultat des En ce qui concerne l’électricité, on estime déficits de l’approvisionnement, monopolisé que seuls 38 % des ménages haïtiens y avaient par le fournisseur public Electricité d’Haïti accès en 2012. Aucun autre pays n’a d’aussi (EDH). Pour ceux qui ont une connexion, mauvais résultats qu’Haïti dans la région l’électricité n’est disponible que pendant un LAC, où, en moyenne, 96 % de la population certain nombre d’heures dans la journée : sont couverts. Cependant, lorsqu’on compare environ 15 heures à Port-au-Prince et entre Haïti avec ses pairs à bas revenus, le pays est cinq et neuf heures ailleurs, en moyenne. parmi les 10 premiers en matière d’accès. Son Alors que la capacité installée est entre 250 taux d’accès est similaire à celui de la Gambie et 400 mégawatts (MW), les équipements (35 % de la population), l’Érythrée (36 %) et le obsolètes et détériorés limitent la capacité Bénin (38 %). À l’intérieur ed’Haïti, les taux disponible à seulement 244 MW. de couverture en électricité sont inégaux. En Le faible niveau d’accès à l’électricité 2012, la moitié de la population qui vivait dans paralyse la productivité urbaine locale. Dans les petites villes et agglomérations avaient les grandes zones urbaines, l’obtention d’une accès à l’électricité par rapport à presque 90 connexion électrique professionnelle coûte % des ménages dans la capitale. La couver- très cher. Depuis 2009, les tarifs appliqués ture dans les zones urbaines « secondaires aux clients commerciaux et industriels » a pourtant lentement rattrapé son retard (notamment le secteur industriel et le secteur pendant la dernière décennie alors qu’elle des transports) sont de $0,36 US, ce qui a progressivement baissé à Port-au-Prince. représente le haut de la fourchette en matière Les différences entre les zones urbaines et les de distribution dans les Caraïbes. L’alimenta- zones rurales sont plus criantes avec un très tion inefficace du réseau par EDH amène de bas taux d’accès dans les zones rurales qui est nombreuses usines et entreprises à générer de 15 %. de l’électricité avec leurs propres générateurs Même si le taux de couverture dans les polluants au diesel, ce qui augmente encore zones urbaines est supérieur à 50 %, Haïti leurs coûts de production et les importations a les taux de consommation d’électricité les de carburants.54 Le coût des procédures plus bas au monde. Début 2010, malgré les d’accès à l’électricité affecte l’environnement tarifs résidentiels largement subventionnés, des affaires et la création d’emplois dans les la consommation d’électricité par tête secteurs secondaires et tertiaires.55 était égale à 51 kWh, 40 fois plus bas que la type de matériau (béton, bloc de bois avec de la terre ou de la boue, ciment, etc.) du moment qu’elle couvre correctement la fosse sans exposer son contenu autrement que par le trou pour s’accroupir ou le siège. 53 Lucky, et al. (2014) discutent en détail du marché de l’électricité en Haïti. En ce qui concerne les tarifs résidentiels, Haïti a le troisième tarif plus bas (0,16 US$ du kWh, en moyenne) par rapport aux autres pays pairs dans les Caraïbes: Trinidad (0,5 US$), Suriname, République Dominicaine, Nevis, Belize, St. Lucie, Les Bahamas, la Guyane, La Barbade, St. Kitts, St. Vincent, Grenade, La Dominique, La Jamaïque, Antigua (0,37 US$). Les données proviennent des Indicateurs de Développement Mondiaux. 54 Voir Lucky, et al. (2014) et l’indicateur Doing Business de 2016 pour plus de détails. 55 Le secteur secondaire inclut les usines de confection et d’autres activités manufacturières. Le secteur tertiaire se compose de tous les services de transport, de tourisme et de finances – et surtout – des activités commerciales. 47 EXAMEN DES DÉFIS À VENIR connecter les personnes aux emplois ainsi que Aujourd’hui, alors que ceux qui élaborent les sociétés aux marchés des intrants et des les politiques en Haïti commencent à déplacer produits agricoles. Un marché du travail mieux leurs priorités pour passer des défis de la recon- intégré peut aider à mettre en adéquation les struction à la planification pour un avenir plus talents et les compétences avec les besoins durable, plus résiliant et meilleur, il faut avoir des entreprises. Identifier les principaux une meilleure compréhension des principaux défis relatifs à la connectivité à l’intérieur des goulots d’étranglement qui génèrent le surpeu- villes peut aider les décideurs à identifier les plement et la stagnation économique dans les priorités d’investissement en gardant à l’esprit villes en Haïti. Ce chapitre a mis en exergue les perspectives d’emplois. Dans cette optique, les principaux défis que doit relever le système une bonne compréhension de la manière dont urbain aujourd’hui dans différents domaines. les travailleurs se déplacent dans et autour Tout d’abord, ce chapitre a montré les défis que des plus grandes villes, de l’accessibilité des représentent la forte densité de population et emplois, et quels sont les segments routiers les infrastructures limitées dans les villes haïti- les plus importants pour s’assurer que les ennes. Les zones urbaines en Haïti aujourd’hui postes de travail restent accessibles en cas de sont surpeuplées et se développent sans catastrophe, peuvent fournir des informations aucune coordination et sans tenir suffisam- précieuses pour prendre des décisions fondées ment compte des risques. Deuxièmement, sur des preuves. C’est l’objet du chapitre 3. malgré la densité de population, les villes ne Mais pour aborder les principaux goulots génèrent pas d’économies d’agglomération d’étranglement en matière d’infrastruc- et ne deviennent pas non plus des centres de tures auxquels sont confrontées les villes croissance. Au contraire, ce sont l’informalité aujourd’hui, et se préparer à construire des et la pauvreté qui prévalent. Troisièmement, villes résilientes pour un avenir meilleur, il les villes s’agrandissent avec des prestations sera essentiel de renforcer les mécanismes de de services limitées, qui, combinées avec l’aug- financement des villes. Le chapitre 4 se penche mentation de la densité de population, sont sur les principaux goulots d’étranglement que consommées par les effets négatifs de la forte rencontrent les municipalités pour financer concentration de personnes en les empêchant leurs besoins. Les villes doivent être équipées d’utiliser les bénéfices économiques potentiels des outils et des moyens financiers pour être qu’une telle concentration pourrait apporter. en mesure de répondre à l’augmentation de Une meilleure planification pour des villes la demande d’infrastructures et de services. résilientes peut aider à aborder les déficits La gouvernance et les arrangements institu- actuels et à préparer la croissance urbaine à tionnels relatifs à la structure des finances venir. Le chapitre 2 explore comment la gestion locales peuvent renforcer ou affaiblir les outils des terres et une prise de décision coordonnée que les municipalités ont à leur disposition peuvent aider à aborder les besoins d’aujo- pour répondre aux pressions de l’urbanisa- urd’hui tout en cherchant des moyens de tion. Ce dernier chapitre donne un aperçu déchiffrer le potentiel des villes à l’avenir. Mais des finances municipales en Haïti et dessine pour que l’activité économique se développe un plan d’action qui peut aider à construire la dans les villes haïtiennes, il sera essentiel de durabilité financière locale. 48 RÉFÉRENCES Aisen, A., & Veiga, F. J. (2013). How does from Indian districts. The World Bank political instability affect economic Economic Review. growth? European Journal of Political Cayemittes, M., Fatuma Busangu, M., de Economy, 29, 151-167. Dieu Bizimana, J., Barrère, B., Sévère, Annez, P., & Buckley, R. M. (2009). Urban- B., Cayemittes, V., & Charles, E. 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But how urban areas are defined can impact a broad range of issues that span from our understanding of the evolution of a country and its cities to the investment decisions that a country takes. Hence, understanding “what is urban” and what is not is of great importance, as it can influence the decisions that are taken today in terms of basic service provision, education, and health, among others. Les définitions de l’urbain varient considérablement d’un pays à l’autre. Mais la manière dont les zones urbaines sont définies peut avoir un impact sur une large gamme de questions qui vont de notre compréhension de l’évolution d’un pays et de ses villes aux décisions d’investissements prises par un pays. C’est pour cette raison qu’il est très important de comprendre « ce qui est urbain » et ce qui ne l’est pas, parce que cette compréhension peut influencer les décisions qui sont prises aujourd’hui en matière de prestations de services de base, d’éducation et de santé, entre autres. Mais définir ce qui est urbain n’est pas une tâche facile dans un pays comme Haïti. Même si le recensement a traditionnellement découpé le pays en zones de dénombrement rurales et urbaines, les critères utilisés pour cette classification ne sont pas enregistrés clairement dans des documents officiels. Même si de tels critères étaient mieux documentés, ils seraient obsolètes aujourd’hui compte tenu du fait qu’ils ont été utilisés pour le dernier recensement en 2003. Des méthodes alternatives qui ne sont pas basées sur des mesures de la population mais plutôt sur une observation des zones construites, peuvent représenter une alternative pour dépasser ces défis. Enfin, la comparaison entre les taux d’urbanisation des pays pose également problème parce que chaque pays utilise ses propres critères et donc trouver une définition commune entre les pays pourrait aider à comparer le processus d’urbanisation en Haïti à celui de ses pairs en Amérique latine. Pour les besoins de ce rapport, nous appliquons trois méthodes alternatives pour obtenir une meilleure évaluation de ce qui est urbain aujourd’hui en Haïti. Les détails de l’approche utilisée dans ces trois différentes méthodologies sont explicités dans l’Encadré 1. Les résultats sont une définition des niveaux d’urbanisation qui est comparable avec les autres pays dans la région LAC, quelles que soient les différences entre les propres définitions nationales des pays de ce qui est urbain.1 1 Les défis qui résultent de l’utilisation de ces définitions conflictuelles pour comparer les pays ou pour l’agrégation globale de données ne sont pas le seul fait de Haïti et ont déjà été largement discutés dans des travaux précédents (Satterthwaite, 2007; World Bank, 2009; Dijkstra & Poelman, 2014). *L’analyse spatiale a été menée par Sarah E. Antos et repose largement sur des analyses préparées par Nancy Lozano-Gracia, Chandan Dueskar et Benjamin P. Stewart. De plus, cette partie du rapport a bénéficié du soutien précieux de Lauren Nicole Dauphin et de Katie McWilliams ainsi que des données généreusement mises à dispositions par le DLR Earth Observation Center, le Global Facility for Disaster Reduction and Recovery (GFDRR) et le Centre National de l’Information Géo-Spatiale (CNIGS) de Haiti. 53 Notre analyse indique que jusqu’à 64 % de la population vivent dans des zones urbaines, ce qui fait d’Haïti l’un des pays les plus urbanisés dans la région LAC. En utilisant le seuil limite de 5000 personnes comme le seuil minimum pour identifier un regroupement urbain, nous estimons que la population urbaine d’Haïti est d’environ 6 179 000 personnes. Ce chiffre équivaut à 64 % de la population totale et est plus élevé que l’évaluation de l’Institut Haïtien de Statistique et Informatique (IHSI) pour 2015 (52%) et légèrement plus élevé que l’estimation de l’Organisation des Nations Unies - World Urbanization Prospects (UN WUP) pour 2015 (57%). D’autre part, plus de la moitié de cette population urbaine vit dans des clusters à haute densité. Un peu plus de la moitié de la population urbaine (36 % de la population totale) est installée dans des clusters à forte densité (c’est-à-dire des groupes de cellules contiguës avec plus de 50 000 personnes Figure 1. HAÏTI – CLUSTERS URBAINS ET À FORTE DENSITÉ EN UTILISANT LA MÉTHODOLOGIE EC SUR LES DONNÉES WORLDPOP (2015) Source: Analyse Banque mondiale en utilisant les données WorldPop. 54 et plus de 1500 personnes par kilomètre carré). La Figure 2 donne un aperçu détaillé de la part de la population dans des clusters urbains, comparée à d’autres pays d’Amérique latine et des Caraïbes à partir de nos estimations. Nous avons également mentionné la part de la population urbaine déclarée par UN WUP à titre de comparaison. Lorsqu’on observe le système des villes, tout indique que même si Port-au-Prince domine le système urbain haïtien, il y a six autres villes de bonne taille dans le pays. Nous avons inclus une liste complète de la classification des villes à partir des données de population maillées dans l’Annexe 1. Les résultats montrent que 40 % de la population des villes vivent dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. La deuxième ville par ordre de taille est Cap-Haïtien dans le département du Nord. PROPORTION DE LA POPULATION DANS DES CLUSTERS URBAINS ET Figure 2. À FORTE DENSITÉ (WORLDPOP VS TAUX D’URBANISATION UN WUP) Source: Deuskar, Stewart, & Lozano-Gracia (2016) basé sur WorldPop (données 2015), seuils EC pour les zones urbaines et UN World Urbanization Prospects (2015). 55 ENCADRÉ 1 – TROIS MÉTHODES POUR ESTIMER LES ZONES URBAINES Ce travail compare les résultats obtenus par trois méthodes alternatives pour identifier « ce qui est urbain » en Haïti. Les résultats de ces trois différents types de mesures concernant les niveaux d’urbanisation dans la plupart des sections communales du pays, ce qui permet des comparaisons dans les cas où il y a des divergences entre les trois méthodologies. Les étapes suivies pour chacune de ces méthodes utilisées sont décrites ci-dessous. La première méthodologie consiste à mettre à jour la classification des sections communales de l’IHSI en cinq classes, basée sur la proportion de la population de chaque section communale qui est classifiée en tant qu’urbaine dans les projections de population de l’IHSI pour 2015. Les données sont extraites des publications de l’IHSI disponibles en ligne (Institut Haitien de Statistique et d’Informatique, 2015). Cette classification suit le modèle utilisé au préalable par l’IHSI pour les données du recensement de 2003, dans lequel le niveau d’urban- isation d’une section communale était défini soit comme étant très fort si 75 à 100 % de sa population étaient enregistrés comme ‘urbains’, fort (50 à 75 %), moyen (25 à 50 %), faible (10 à 25 %), ou très faible (zéro à 25 %). L’affectation de chaque section communale à une classe urbaine fournit la caractérisation officielle des zones urbaines en Haïti. C’est ‘ce qui est urbain’ d’après les statistiques officielles. Une seconde méthodologie utilise les données de recensement à haute résolution de WorldPop pour modéliser la population avec une résolution de cellules de grille de 100x100 mètres.2 Ces données sont basées sur les estimations démographiques de 2009 de l’IHSI, combinées avec une large gamme d’autres sources, y compris des données sur les zones construites, la topographie ainsi que l’emplacement des hôpitaux et des écoles. Nous utilisons ensuite l’approche de la commission européenne (CE) sur le degré d’urbanisation qui applique des seuils de taille et de densité de population à la grille de données de population mentionnée ci-dessus. Nous identifions d’abord les cellules avec une densité de population au-dessus de 300 personnes par kilomètre carré, nous les regroupons ensuite en clusters de cellules contiguës et nous définissons les clusters avec plus de 2000 à 5000 personnes en tant que ‘clusters urbains’ en fonction du seuil. Ceux qui comptent plus de 50 000 personnes et des cellules de plus de 1500 personnes par kilomètre carré sont appelés des ‘clusters à forte densité’. La troisième méthodologie utilise des données sur les zones construites, un élément d’urbanisation indirect qui n’est pas basé sur des données de recensement. Nous combinons la couche Global Human Settlements Layer (GHSL) et la couche Global Urban Footprints (GUF). La couche GHSL est produite par le centre européen de recherche conjointe (European Commission’s Joint Research Center) (JRC), et est basée sur une imagerie optique (LandSat); elle apporte une perspective historique sur la proportion de la zone des sections communales qui était construite.3 La couche GUF est basée sur des donnés radars provenant de satellites avec une résolution 84m et elle est donc plus précise. Compte tenu du fait que la GUF n’est disponible que pour les années 2011 – 2012 environ, une combinaison la GHSL et de la GUF donnera une estimation prudente plutôt que détaillée des zones construites en Haïti. Ces résultats sont sensibles aux méthodologies, données et hypothèses empiriques utilisées et doivent donc être abordés avec prudence. Toutefois, l’analyse confirme qu’Haïti est très urbanisé et que les estimations de ce qui est urbain en utilisant des données à haute résolution permettent d’avoir une discussion plus approfondie sur l’urbanisation en Haïti. Les résultats de ces méthodologies doivent être considérés comme un effort vers une meilleure compréhension de ce qui est urbain en Haïti et non pas comme un décompte final de la population urbaine. Au final, rien ne remplace un bon recensement. Sources: Tobin (2013), Yarrington (2015). 56 Les autres grandes villes sont Léogane dans le département de l’Ouest, Gonaïves, Saint-Marc et Dessalines, avec chacune plus 200 000 personnes. Plus de 19 % de la population vivent dans des villes de 100 000 à 300 000 habitants. Les villes de taille moyenne et de petite taille avec des popula- tions de respectivement 50 000 à 100 000 et 10 000 à 50 000, ont connu une croissance positive depuis 1990 avec, dans certaines villes, des moyennes de croissance annuelle entre 8 et 9 %. Le périmètre de terrains construits a augmenté au fur et à mesure de la croissance de la population urbaine. L’analyse montre que les zones construites en Haïti ont globalement quadruplé entre 1975 et 2015 (Figure 3). Rien qu’entre 1975 et 1990, les zones se sont élargies à un taux annuel de croissance de 5,1 % et donc en doublant par rapport aux 87 km². Le taux de croissance a ralenti, comme on pouvait s’y attendre à partir de la base importante. Les zones construites ont augmenté à un taux moyen annuel de 1,4 % entre 1990 et 2000, puis à un taux annuel moyen de 0,8 % jusqu’en 2015 lorsque la zone totale de terrains urbains a atteint 363,6 km². La plupart des zones construites est concentrée dans le département de l’Ouest. Conformément à la répartition de la population, presque 53 % (192,5 km²) des zones construites totales dans le pays étaient concentrées dans ce département en 2015. L’Artibonite et le Nord suivent avec 152,6 km² de zones construites (14,5 % de la zone construite en Haïti) et 28,7 km² (9 % de la zone construite en Haïti) respectivement. Mais la manière dont les villes se développent a également des implications importantes pour la résilience : les analyses réalisées pour ce rapport indiquent que la plupart des terrains dans les zones urbaines et autour est très exposée à des risques multiples.4 L’analyse des données satellitaires montre que 94 % des zones construites en 2011 sont extrêmement vulnérables aux tremblements de terre.5 2 Les métadonnées complètes relatives à la couche WorldPop Haiti sont disponibles en ligne sur http://www.worldpop.org.uk/ data/WorldPop_data/AllContinents/HTI-POP_metadata.html. 3 Les données complètes GHSL peuvent être extraites sur http://ghslsys.jrc.ec.europa.eu. Les données GUF sont consultables et à demander sur http://www.dlr.de/eoc/en/desktopdefault.aspx/tabid-9628/16557_read-40454/. 4 Les données spatiales d’exposition aux risques naturels (tremblements de terre, inondations, glissements de terrain et érosion des sols) ont été obtenues sur le site Web Haiti Data website (www.haitidata.org), un répertoire en ligne d’informations spatiales pour Haïti. Ces couches ne sont disponibles que d’une manière ponctuelle et nous devons donc présumer dans cette analyse que le niveau d’exposition aux risques reste statique sur la période évaluée. La couche combinée a ensuite été croisée avec les différentes couches de risques listées ci-dessus pour trouver les zones construites exposées aux risques chaque année. Lorsque la couche de risque input est une couche vecteur (inondations, érosion), la couche output en résultant a la même résolution que la couche construite combinée (84m). Lorsque la couche de risque input est une couche matricielle, la couche output en résultant aura une résolution plus basse que les deux couches utilisées comme input. 5 Cette couche matricielle montre les 2 % de probabilité de dépassement en 50 ans d’une accélération maximale du sol (PGA, codage couleur de 0 à 180 = 1.8g), en tenant compte de l’amplification du sol. La période de 50 ans correspond à la durée de vie moyenne d’un bâtiment. Une probabilité de 2 % sur 50 ans équivaut à une probabilité annuelle de 1/25 000. Les niveaux probables accélération du sol ont été convertis en Modified Mercalli Intensifies, conformément aux critères établis par le projet USGS portant le nom de Shakemap (http://earthquake.usgs.gov/eqcenter/shakemap/). Les dommages potentiels vont de zéro à moyens pour les intensités de 1 à 5 (PGA maximum de 0.092 g), d’élevés à très élevés pour les intensités de 6 à 7 (PGA maximum de 0.34), et de graves à extrêmes pour les intensités de 8 et plus. La catégorisation nous aide donc à identifier trois domaines de risque sismique pour Haïti : bas, moyen et haut. L’influence de la faille tectonique identifiée comme étant la plus importante en Haïti est claire, notamment la faille de la Presqu’île du Sud, où les intensités peuvent atteindre au moins 9 degrés. La plupart des territoires est exposée à des intensités d’au moins 6 degrés. Créé pour le projet NATHAT en mai 2010.” 57 Figure 3. CROISSANCE DES ZONES CONSTRUITES EN HAÏTI, 1975-2015 Note: Les données de 2015 viennent de la GUF 2015, alors que toutes les autres données viennent de la GHSL ajustées avec la GUF 2015.6 Source: Calculs des auteurs. Presque la totalité du territoire d’Haïti (97 %) est exposée à des risques sismiques qualifiés de ‘moyens’ à ‘élevés,’ mais les zones construites sont concentrées dans les zones à risque sismique élevé d’une manière disproportionnée.7 L’exposition aux risques sismiques est un problème particulièrement grave dans les départements du Nord-Est, du Nord et de l’Ouest,8 mais la plupart des terrains dans les villes de toutes les tailles – de Port-au-Prince et Cap-Haïtien aux plus petites villes comme Ounaminthe, Mirebalais, Fort-Liberté et Léogâne – est considérée comme étant à haut risque. La nature très répandue de ce risque souligne l’importance d’incorporer des méthodes d’atténuation dans toutes les constructions urbaines et le développement d’infrastructures. Nous poursuivrons cette discussion dans les chapitres 2 et 3. 6 Marconcini et al., 2017. “Outlining the urban side of the Earth – the GUF+2015”, données scientifiques (en préparation). 7 Alors que seuls 33 % du pays sont exposés à des risques sismiques élevés et 65 % à des risques moyens, 60 % des zones construites se trouvent aujourd’hui dans les zones à haut risque par rapport à 34 % dans les zones à risque moyen. 8 Où 87, 79, et 76 % des zones construites sont exposés à des risques sismiques élevés. Seuls 31, 13, et 60 % du territoire total sont exposés à des risques sismiques élevés, ce qui montre, une fois encore, que leurs zones construites sont concentrées d’une manière disproportionnée dans les zones les plus à risque. 58 L’exposition à l’érosion et aux glissements de terrain augmente au fur et à mesure que la croissance urbaine continue à se développer dans les zones à haut risque. Globalement, nous avons estimé que 58 % des zones construites sont exposés à un risque d’inondation,9 et que 24,2 % sont exposés à des risques élevés, graves ou très graves d’érosion.10 Le total des zones construites exposé aux inondations a augmenté pour passer de 122 km² en 2000 à 211 km² en 2015. En 2000, 51,4 km² étaient exposés à des risques élevés, graves ou très graves d’érosion et en 2015, ce chiffre était passé à 87,2 km² de zones construites exposées. La surface de zones construites exposée à une susceptibilité de glissements de terrain moyenne, élevée ou haute a augmenté pour passer de 8,8 à 22,7 km². À l’intérieur des villes, les glissements de terrain ont tendance à se produire dans des quartiers clandestins où des bâtiments ont été construits d’une manière précaire sur des pentes raides. On peut d’ailleurs noter à ce sujet qu’il y a eu à Port-au-Prince 11 principaux indices de glissements depuis 1994. Sur ces glissements, seuls trois ne se sont pas produits dans une zone considérée comme précaire par le CNIGS ou dans un quartier classifié comme « informel » grâce à l’imagerie. Au fur et à mesure que le nombre de zones construites exposées à différents risques naturels augmentait, le nombre de personnes augmentait en parallèle. En 2015, plus de 44 % des zones constru- ites dans le pays sont exposés à au moins un type de risque classifié comme une « exposition élevée ». La population totale à risque d’inondations ‘exceptionnelles’ en Haïti a augmenté d’environ 300 000 personnes en passant de 2,6millions à 2,9 millions entre 2000 et 2015 (voir l’Annexe 2). En ce qui concerne l’érosion, la population urbaine exposée à des risques d’érosion élevés, graves et très graves a augmenté pour passer d’environ 750 000 personnes à 1,12 million sur la même période de 15 ans. Pour mieux comprendre comment la croissance urbaine est croisée avec l’exposition au risque, une analyse approfondie de l’occupation des sols a été réalisée pour Port-au-Prince et Cap-Haïtien. L’imag- erie couvrant l’empreinte urbaine de Port-au-Prince et du Cap-Haïtien a été acquise pendant deux périodes de temps différents. Ces scènes à haute résolution (50 cm) ont été ensuite transformées en cartes d’occupation des sols. Des détails complémentaires sur l’approche de classification sont donnés dans le Spotlight 2. Les risques dominant la zone du Grand Port-au-Prince sont les tremblements de terre, mais les risques d’inondation et d’érosion existent également. La majorité du territoire (78 % des zones construites en 2011) est exposée à un risque sismique élevé. Compte tenu du fait que sur la zone totale à l’intérieur du périmètre urbain de Port-au-Prince , 66 % sont exposés à un risque sismique élevé, il est clair que 9 Trois couches séparées ont été utilisées, montrant les zones d’inondations ‘probables’ et ‘propices’ (potentielles) sous forme de polygones ainsi que les zones d’inondations ‘fréquentes’ (seulement pour Port-au-Prince): (i) zones d’inondation probable: “ cette couche de la carte montre la région de Haïti exposée à des inondations probables (fréquentes). Elle a été créée par le projet NATHP en utilisant Google Maps, des modèles de terrain numériques et des observations sur le terrain en mai 2010.”; (ii) Zones propices aux inondations: “ cette couche vecteur polygone montre les zones propices aux inondations en Haïti. Elle a été créée par United Nations Institute for Training and Research (UNITAR), en mai 2010.”; (iii) zone d’inondations fréquentes: “ cette couche de la carte modélise les zones d’inondations fréquentes dans la région de Port-au-Prince. Elle a été créée par United Nations Institute for Training and Research (UNITAR), en mai 2010 (non disponible pour le reste d’Haïti). Voir Haitidata.org 10 Cette couche vecteur polygone montre les zones propices à l’érosion en Haïti … L’échelle utilisée est de 1:300,000. Elle a été créée par le ‘Secrétariat d’Etat au Plan’ et le Centre National Haïtien des Informations Géo Spatiales en avril 1998.” http:// haitidata.org/layers/cnigs.spatialdata:hti_environment_erosion_polygon_042008 59 Figure 4. RISQUES D’ÉROSION ET D’INONDATION À PORT-AU-PRINCE (A) Risque d’érosion et zones bâties à Port-au-Prince (B) Risque d’inondation et zones bâties à Port-au-Prince Source: NATHAT, DLR, JRC Source: UNITAR, NATHAT, DLR, JRC l’intensité de construction est plus élevée dans les zones à haut risque. C’est ce qu’on voit dans la Figure 4 (A). Les terrains construits sont concentrés dans des zones à risques d’inondation puisqu’un tiers risque l’inondation (37 %) comparé avec seulement 13 % dans la plus grande partie de la région. Il existe également une proportion importante de risques d’érosion élevés (27 % des zones construites). Les nouvelles zones de développement au Nord et à l’Est de la ville sont confrontées à des risques d’inonda- tion (Figure 4 (B)). À Port-au-Prince, 47% et 59% de la zone bâtie à moins de 5 km et entre 10 et 20 km du centre-ville, respectivement, sont exposés à un danger au moins (exposition élevée). Au Cap-Haïtien, la situation est légèrement différente : 73 % des zones construites dans un rayon de 3 km du centre-ville sont dans des zones ou l’exposition est élevée à au moins un risque alors que seulement 14 % des terrains construits dans un rayon de 5 à 10 km du centre-ville ont le même niveau d’exposition. L’analyse montre que la croissance résidentielle au Cap-Haïtien continue même dans les zones à haut risque d’inondation. Les inondations sont un problème récurrent au Cap-Haïtien, à cause des débordements fréquents de la rivière Haut du Cap qui traverse la ville, et à cause de l’estuaire de la rivière (Bassin Rhodo). Les images satellitaires du 12 décembre 2005 et du 15 avril 2015 montrent des niveaux d’inondation élevés du côté sud et est de l’estuaire. Malgré cette inondation pendant les deux périodes de temps, la construction de maisons continue sur le site. Les chiffres ci-dessus montrent le développement des constructions dans l’estuaire du Bassin Rhodo. Notez que le terrain foncé au centre de l’image de 2015 représente de l’eau stagnante et que le terrain blanc au sud des deux images représente des zones qui ont été inondées, mais qui ont maintenant séché et qui gardent de la saleté sèche et des sédiments de l’eau évacuée. 60 RISQUES D’ÉROSION ET D’INONDATION AU CAP-HAÏTIEN Figure 5. (A) Risque d’érosion et zones bâties au (B) Risque d’inondation et zones bâties au Cap-Haïtien Cap-Haïtien Sources: UNITAR, NATHAT, DLR, JRC Sources: CNIGS, DLR, JRC Une croissance des bâtiments informels existe également dans les zones qui sont très exposées à l’érosion. Les risques d’érosion au Cap-Haïtien sont principalement concentrés au nord de la ville. La Figure 5 (A) montre la composition des bâtiments qui ont été construits sur des terrains qui sont à haut risque d’érosion. Presque 50 % des bâtiments situés dans des zones à hauts risques d’érosion sont dans des quartiers clandestins. La proportion est beaucoup plus élevée que le pourcentage total dans les villes qui est de 27 %. Ces données mettent d’autre part en lumière la manière dont les zones urbaines changent en réponse aux chocs provoqués par les catastrophes naturelles. On s’attendait bien sûr depuis longtemps à ce que les catastrophes aient façonné la démocratie urbaine en Haïti. Comme nous l’avons présenté dans le Chapitre 1, de récentes analyses qui utilisent des données de téléphones mobiles ont fourni de nouvelles informations sur le nombre de personnes qui ont été déplacées après le tremblement de terre de 2010, et le cyclone Matthew de 2016. Des mesures de données satellitaires fournissent de nouvelles informations complémentaires sur ces tendances. Par exemple, une comparaison des images de Port-au-Prince entre 2007 et 2015 montres que sur cette période, il y a eu des développements importants au nord comme par exemple dans la zone qu’on appelle ‘Canaan’ (nous y reviendrons dans le Spotlight 2). Cette zone est elle-même exposée à un risque sismique élevé. Les villes en Haïti continuent à s’étendre et se développent de plus en plus dans des zones à risques. Des informations, une coordination et des investissements sont nécessaires pour guider le développement vers la résilience. L’expansion des zones construites présente à la fois de nouvelles opportunités et des défis pour les décideurs. D’un côté, ces zones peuvent apporter des dividendes 61 positifs pour la croissance et les sociétés et les ménages peuvent profiter d’opportunités d’emplois plus importantes et d’un meilleur accès aux produits (voir chapitre 3). D’un autre côté, il est néces- saire de coordonner l’action des municipalités pour gérer ce processus d’une manière efficace et pour profiter des économies d’échelle potentielles dans la prestation des services de base dans ces zones (voir chapitre 2). Le Spotlight 2 apporte des éléments de discussion supplémentaires sur les modèles de croissance dans les villes et les agglomérations. 62 RÉFÉRENCES Deuskar, C., Stewart, B. P., & Lozano-Gracia, N. (2016). Defining Urban Areas in Haiti. Mimeo. Washington, DC: World Bank. Dijkstra, L., & Poelman, H. (2014). A Harmonised Definition of Cities and Rural Areas: The New Degree of Urbanisation, European Commission (No. 01). Regional Policy Working Papers. Institut Haitien de Statistique et d’Informatique. (2015). Population totale, population de 18 ans et plus, ménages et densités estimés en 2015. Retrieved from http://www.ihsi.ht/pdf/projection/Estimat_ PopTotal_18ans_Menag2015.pdf Marconcini et al., 2017. “Outlining the urban side of the Earth – the GUF+2015”, Scientific Data (in preparation) Satterthwaite, D. (2007). Adapting to Climate Change in Urban Areas: The Possibilities and Constraints in Low-and Middle-Income Nations (Vol. 1). Iied. World Bank. (2009). World Development Report 2009: Reshaping Economic Geography. 63 CHAPÎTRE 2 PASSER DE LA RECONSTRUCTION À UNE PLANIFICATION URBAINE RÉSILIENTE POUR UN AVENIR Alexandra Panman Nancy Lozano-Gracia et Claudia Soto* PORT-DE-PAIX, NORD-OUEST, PHOTOGRAPHIÉE PAR DAVID MCINNIS, 2010 SOURCE: FLICKR, CREATIVE COMMONS LICENSE CHAPÎTRE 2 – PASSER DE LA RECONSTRUCTION À UNE PLANIFICATION URBAINE RÉSILIENTE POUR UN AVENIR MEILLEUR POURQUOI UNE PLANIFICATION URBAINE Dans ce chapitre, nous mettons en exergue RÉSILIENTE? les dimensions économiques, environne- Planifier une urbanisation résiliente, mentales et sociales de la forme actuelle du c’est prendre des mesures coordonnées pour développement urbain en Haïti. L’analyse est façonner la croissance urbaine dans le but de basée sur des enquêtes auprès des ménages soutenir les objectifs de développement d’un ainsi que d’autres exercices de collecte de pays et des villes, et de gérer les risques de données auxquels s’ajoutent des renseigne- catastrophes naturelles. Comme nous l’avons ments provenant de l’imagerie satellitaire. présenté dans le chapitre précédent, la forme Comme nous avons montré en détail dans les que prennent les villes peut avoir des impacts Spotlights 1 et 2, nous utilisons ces nouvelles très tangibles sur la productivité et l’hab- données pour explorer comment les zones itabilité urbaines. Cette forme émerge de urbaines se sont développées dans le temps, l’interaction entre les décisions prises par les comment l’occupation des sols a changé dans entreprises, les ménages et le gouvernement. les villes et quelles sont les implications de ces Les sociétés décident où elles vont produire, modèles de croissance par rapport à l’exposi- acheter leurs matières premières et vendre tion aux risques de catastrophes naturelles. leurs produits; les ménages choisissent où Nous examinons également le cadre actuel ils vont vivre et travailler; et les gouverne- de gouvernance pour la planification urbaine ments prennent des décisions qui vont du en Haïti, en notant les avancements impor- site des investissements en infrastructures à tants réalisés ces dernières années, et les la définition des réglementations de zonage. nombreux défis qui restent à relever. L’objectif Une coordination efficace des actions de ces de ce chapitre est de déterminer l’origine des trois acteurs est donc un élément-clé pour faiblesses du développement urbain et de façonner la forme d’une ville et, par là même, tracer la route d’un avenir plus éclatant pour son avenir. des villes résilientes. *Ce chapitre s’appuie sur les notes d’information préparées par Chandan Deuskar, Benjamin P. Stewart et Nancy Lozano-Gracia, ainsi que Sarah Antos. Les auteurs remercient également Roland Bradshaw (Banque mondiale) et Harley Etienne (University of Michigan) pour leurs commentaires détaillés. 67 Il y a trois principaux constats et messages bénéfices d’agglomération de l’urbanisation, dans ce chapitre. Tout d’abord, on constate puisque c’est le mécanisme qui attribue les que les citadins vivent dans des logements terrains en fonction de leur utilisation la plus et des quartiers surpeuplés, sans services productive. Des efforts d’amélioration de la et dangereux. De nombreuses external- qualité de l’administration foncière sur le ités négatives sont associées à ces condi- long terme sont donc essentiels pour assurer tions et elles peuvent miner les bénéfices la résilience du développement urbain. économiques de la densité. Il est donc indis- Comment Haïti peut-il relever ces défis ? pensable que les investissements dans les Fondamentalement, améliorer la capacité infrastructures de services de base rattrapent de planification urbaine résiliente est une la réalité de l’expansion urbaine. question de gouvernance. Des cadres insti- Deuxièmement, les villes haïtiennes tutionnels solides sont nécessaires pour se développent sans aucune coordination guider la prise de décision des nombreux et sans tenir compte des risques liés aux acteurs dont les décisions impactent les catastrophes naturelles. De nouvelles infra- résultats urbains. La bonne nouvelle, c’est structures peuvent influencer les décisions que des projets à court terme soigneuse- des ménages et des entreprises quant au ment priorisés et séquencés peuvent aider lieu où ils s’installent. Compte tenu du fait à donner confiance dans le changement et que la plupart des terrains autour des villes à promouvoir un cercle vertueux de gouver- haïtiennes sont extrêmement dangereux, les nance (Banque mondiale 2011b). Ce chapitre décisions d’investissements en infrastruc- identifie un certain nombre d’outils qui tures ont des implications importantes pour peuvent aider à relever simultanément les le nombre de personnes et la valeur des biens défis urbains immédiats tout en accompag- qui sont exposés aux catastrophes naturelles. nant les objectifs à long terme pour donner Il est donc essentiel que des évaluations des confiance dans l’action collective, accom- risques, des stratégies d’optimisation des pagner l’engagement de l’État par rapport à la risques et une planification de l’occupa- société, et renforcer les capacités du gouver- tion des sols soient intégrées aux décisions nement. C’est ainsi que la planification d’investissements urbains. urbaine peut aider au développement des Troisièmement, les villes haïtiennes sont villes pour qu’elles soient plus dynamiques caractérisées par une administration du économiquement, durables en termes de foncier déficient. Des informations opaques protection de l’environnement et habitables. sur la propriété des terrains et une réglemen- Tout comme le proverbe haïtien mentionné tation foncière qui fonctionne mal entravent au début de ce rapport, ce chapitre propose les efforts pour fournir des services de base des options qui se penchent sur les problèmes et intégrer les risques de catastrophes dans d’aujourd’hui tout en posant des jalons pour l’aménagement du territoire et dans les un avenir meilleur. normes de construction, tout en fragilisant les ménages pauvres et vulnérables à l’expul- sion. Un marché foncier qui fonctionne bien est également capital pour exploiter les 68 LES VILLES HAÏTIENNES SONT MARQUÉES Chapitre 1, plus d’un tiers (35 %) des citadins PAR UN DÉFICIT EN SERVICES DE BASE ET n’ont pas accès à des sources d’eau potablesa- UNE EXPOSITION ÉLEVÉE AUX RISQUES lubre (WDI 2015), et les tendances montrent DE CATASTROPHES NATURELLES que ces taux sont en baisse.1 Dans l’ensemble, Les niveaux élevés de densité de population seuls 58 % de la population haïtienne avaient ne sont pas soutenus par des infrastruc- accès à l’eau potable venant d’une source de tures de services de base qualité. Ce chiffre place Haïti 25 % plus bas Dans les villes haïtiennes, la plupart des que l’avant-dernier pays de la région LAC résidents vivent dans des conditions de (la République Dominicaine) en termes de surpeuplement. Même si des données précises performances et parmi les 10 pays les plus sur le surpeuplement ne sont pas disponibles, en difficultés au sein des pays à bas revenus en moyenne, les ménages urbains de 4 à (légèrement au-dessus de l’Érythrée, du Niger 7 membres partagent un logement avec et de la Tanzanie). seulement deux chambres (DHS 2012). Deux tiers (66 %) des citadins n’ont pas 2 Comme nous l’avons montré dans le Spotlight d’assainissement amélioré (WDI 2015). Les 1, l’occupation des sols est comparativement taux généraux d’accès en Haïti sont de 50 dense, y compris dans les petites villes. Cette % plus bas que la moyenne dans la région densité n’est pourtant pas accompagnée par LAC et de 5 % plus bas que la moyenne des infrastructures de services de base. Les dans les pays à bas revenus. L’enquête DHS zones urbaines se sont développées avec des de 2012 montre que 48 % des résidents de services de base inadaptés. Comme nous Port-au-Prince et 41 % des ménages dans les l’avons évoqué dans le Chapitre 1, cette fourni- agglomérations urbaines de taille moyenne ture insuffisante de services de base est le utilisent des latrines à fosse avec une dalle.3 résultat de conditions financières, politiques Au moins 8 % des citadins pratiquent la et historiques spécifiques. Elle a des impli- défécation en plein air (WDI 2015); et des cations importantes pour les niveaux de vie recherches indiquent que ce chiffre pourrait actuels et à venir. même être plus élevé compte tenu du fait Les systèmes actuels d’approvisionne- que les citadins qui comptent sur les toilettes ment en eau et d’assainissement ne sont pas publiques pourraient revenir à la défécation adaptés pour servir la population urbaine. en plein air pour satisfaire leurs besoins la Comme nous l’avons mis en exergue dans le nuit. (Tilmans et al. 2015). 1 Les sources d’eau améliorée comprennent les raccordements à l’eau potable dans les logements, dans la cour ou chez le voisin, les points d’eau publics, les puits tubulaires ou les forages, les puits protégés, les sources protégées, les eaux de pluie, l’eau mise en bouteille ou vendue par une entreprise. 2 Les installations d’assainissement améliorées comprennent des toilettes non partagées avec chasse d’eau reliée à un réseau d’égouts, à des latrines à fosse et à des fosses septiques, à des latrines à fosse améliorée par une ventilation ou une dalle et à des latrines à compost. 3 Les latrines à fosse avec dalle sont des latrines à fosse sèche où la fosse est entièrement recouverte par une dalle ou une plate- forme qui est équipée soit d’un trou pour s’accroupir soit d’un siège. La plate-forme doit être solide et peutêtre fabriquée dans n’importe quel type de matériau (béton, bloc de bois avec de la terre ou de la boue, ciment, etc.) dumoment qu’elle couvre correctement la fosse sans exposer son contenu autrement que par le trou pour s’accroupir ou lesiège. 69 Figure 1. LES TAUX DE COLLECTE DES DÉCHETS SOLIDES SONT BAS (A) Taux de collecte des déchets (B) Taux de collecte des déchets, villes de 100 000 habitants et plus en Haïti Source: Calculs de la Banque mondiale basés sur (i) L’évolution des conditions de vie en Haïti entre 2007 et 2012. IHSI, IRD, Dial, Nopoor, AN 2014 (Haiti);(ii) Jamaica Population and Housing Census 2011 (Jamaica); (iii) Censo Población y Vivienda 2010, Volumen 2, pg 470 (Dominican Republic); (iv) UNSTAT 2013 (Dominica); (v) EVAL 2010 (Belize); (vi) INTEGRATED SOLID WASTE MANAGE- MENT PROJECT - GRENADA, Caribbean Dev Bank, Appendix 2.3. 2014 (Granada); (vii) Oficina Nacional de Estadística e Información, Chart 2.48 (p. 53). (Cuba); (viii) SIDSDOCK 2015 (St Kitts/Nevis); and (ix) IDB 2015 Capacity Building workshop on Solid Waste Management in Barbados. (Knowledge Sharing Programme KSP-IDB). 2015. Source for cities within Haiti: What a waste, 2012. Annex G. Collection Data for Cities over 100,000 people (Data date: 2001) 70 Le peu de services d’évacuation des déchets des déchets dans le pays soit 1,2 million de solides exacerbe les risques d’inondations et tonnes de déchets par an. Cette proportion de maladies. La gestion des déchets solides place le pays avant-dernier en Amérique est un élément capital pour assurer une latine en termes de déversement, proche du urbanisation productive puisqu’une évacua- Guatemala à 69,8 % et avant le Nicaragua à tion efficace des déchets est essentielle pour 59,3 %. Une bonne partie des déchets dans un environnement urbain sain. Haïti a la plus les grandes villes est éliminée dans les cours faible couverture en matière de services de d’eau, ce qui exacerbe les risques d’inondations collecte des déchets dans la région d’Amérique urbaines avec son lourd tribut de maladies 4 latine et des Caraïbes. Avec un taux global de associées.5 Il existe, d’autre part, des « effets collecte des déchets de 12,4 %, Haïti est loin de congestion », des détritus, des poubelles qui derrière le pays le moins performant dans n’ont pas été ramassées et d’autres signes du la région, le Paraguay, qui collecte 57 % des mauvais nettoyage et du peu d’entretien. Dans déchets produits et derrière d’autres pays l’avenir, ces défis ne peuvent que se renforcer. africains à bas revenus comme le Sénégal, le D’après un rapport de la Banque mondiale Bénin, le Mali et le Ghana avec des taux de ‘What a Waste’ (Quel gâchis), la production de collecte de 21, 23, 40 et 85 % respectivement déchets solides est susceptible d’exploser dans (Hoornweg & Bhada-Tata 2012). Comme des pays comme Haïti pour passer d’une évalu- nous l’avons indiqué sur la Figure 1. Les taux ation de 3233 tonnes par jour aujourd’hui à 11 de collecte des déchets solides sont bas (A), le 152 t par jour en 2025. pays est également très en retard par rapport Des investissements dans des infrastruc- à d’autres pays dans les Caraïbes. D’autre tures de services de base supplémentaires part, même si les informations sont rares, sont nécessaires et urgents pour répondre nous pensons que les taux de collecte varient aux besoins croissants. Les déficits actuels en considérablement en fonction des régions infrastructures en Haïti peuvent être attribués du pays. La Figure 1. Les taux de collecte à un certain nombre de facteurs, y compris des déchets solides sont bas (B) présente des les contraintes en ressources financières et en informations sur les taux de collecte en 2001 capital humain ainsi que des déficiences struc- ; elle montre qu’il n’y a qu’une zone de plus turelles dans la gestion des réseaux existants. de 100 000 habitants où plus de la moitié des Au niveau national, les services d’appro- déchets produits est collectée. visionnement en eau et d’assainissement D’autre part, aucun déchet collecté dans dépendent largement du financement externe les villes haïtiennes n’est éliminé dans une avec 61 % des dépenses opérationnelles du décharge sanitaire. La forme la plus répandue Directorat National de l’Eau Potable et de d’élimination est d’utiliser des dépotoirs à ciel l’Assainissement (DINEPA) et 95 % des coûts ouvert qui représentent 62 % de l’élimination d’investissement financés par des partenaires 4 Comparaison de données provenant du Regional Evaluation of Solid Waste Management in Latin America and the Caribbean (Evaluation Régionale de la Gestion des Déchets Solides en Amérique Latine et dans les Caraïbes), 2010, et de données pour Haïti en 2012 extraites de ‘L’évolution des conditions de vie en Haïti entre 2007 et 2012’ (IHSI, IRD, Dial, Nopoor, ANR. 2014). 5 Voir Hoornweg & Bhada-Tata. (2012).5 See Hoornweg and Bhada-Tata. (2012). 71 de développement.6 Dans les zones urbaines, la disponibilité d’infrastructures d’assainisse- seules 54 % des dépenses opérationnelles ment adéquates (Voir Encadré 4). Ces écarts et (sauf la dépréciation) des unités opéra- les conditions dangereuses dans lesquelles les tionnelles d’eau urbaine sont couvertes par les bayakou sont forcés de travailler, favorisent la revenus de la distribution d’eau.7 Le rythme propagation des maladies et peuvent augmenter de la croissance urbaine ajoute une pression les défis sanitaires liés aux inondations. En supplémentaire à cette situation dans laquelle effet, on note que 42,5 % des décès en Haïti l’expérience des villes de taille moyenne est un sont attribués à des maladies transmissibles et bon exemple; les villes de taille moyenne se que les maladies propagées par voie hydrique débattent pour fournir des services en réponse sont l’une des principales causes de mortalité à une augmentation subite de la population infantile en Haïti (Banque mondiale 2014). (Cadre de partenariat pays). Le modèle actuel de croissance urbaine Les coûts environnementaux, économiques exacerbe les défis de la fourniture de services de et sociaux de ces déficits en services de base base. Le modèle de développement urbain des sont très élevés dans les zones urbaines à forte grandes villes haïtiennes comme le Cap-Haïtien densité. La mauvaise qualité de l’assainisse- et Port-au-Prince crée des obstacles supplémen- ment augmente l’exposition aux maladies taires pour les services de base. Dans les quartiers transmissibles comme la diarrhée, la typhoïde, surpeuplés à Port-au-Prince, les ménages n’ont la dysenterie et le choléra. Dans les villes souvent pas suffisamment de place dans leur surpeuplées, les latrines partagées sont logement pour des solutions d’assainissement associées à une exposition plus importante aux privé,8 alors que certains quartiers au Cap-Ha- risques sanitaires (Heijnen, et al., 2014; Fuller, tien sont dans des zones où il est impossible Clasen, Heijnen, & Eisenberg, 2014). Lorsque de creuser des latrines à fosse parce que les les latrines à fosses sont proches des puits d’eau bâtiments sont construits sur des déchets solides souterraine, elles risquent de contaminer des compactés posés sur des terrains qui sont, de sources potentielles d’eau potable (Graham toute façon, instables à cause de l’empiètement & Polizzotto, 2013). D’autre part, les travail- de l’eau de mer (Tilmans et al. 2015; Pelling leurs chargés de vider les latrines à la main 2011). En ce qui concerne la gestion des déchets dans les villes haïtiennes – que l’on appelle les solides, les routes étroites empêchent les bennes bayakou – sont connus pour déverser les déchets à ordures d’arriver jusqu’aux maisons. La forme collectés sur le terrain, dans les ravines et même urbaine ajoute donc des contraintes financières dans les rivières (Katz, 2014). Les bayakou et techniques aux efforts entrepris pour combler sont une réponse aux grandes lacunes dans les déficits en matière de services. 6 Source: FY 2013/14 DINEPA Budget. L’IDB et l’AECID sont les principaux bailleurs de fonds et d’assistance technique du DINEPA, avec la Banque mondiale, l’UNICEF, le gouvernement suisse, l’U.S CDC, et d’autres organisations qui apportent également une assistance. 7 PAD: Sustainable Rural and Small Towns Water and Sanitation Project (projet d’assainissement et d’alimentation en eau durables pour les zones rurales et les petites villes) (P148970), Banque mondiale 2015. 8 Il faut noter que dans leur rapport sur un projet pilote d’assainissement basé dans un container, Russel et al (2015)remar- quent qu’un tiers des participants qui avaient été sélectionnés à l’origine ont été éliminés du projet parce qu’ils n’avaient pas suffisamment d’espace dans leur logement pour y installer un système d’assainissement au niveau du ménage. 72 ENCADRÉ 1 – UN FOCUS SUR LES INONDATIONS URBAINES Notre analyse des données satellitaires montre que plus de la moitié (51 %) des zones construites en Haïti sont exposées aux inondations. Les zones exposées augmentent : les données montrent que les zones construites exposées aux inondations ont augmenté de 87 km² entre 1990 et 2011. D’autre part, la proportion de terrains urbains exposés aux inondations est plus importante que celle des terrains non construits: un cinquième (20 %) des terrains urbains est exposé aux inondations comparé à seulement 6 % pour le territoire haïtien en général. La croissance débridée augmente l’exposition au risque d’inondation comme on peut le voir au Cap-Haï- tien. L’analyse des images satellitaires indique que des poches d’habitat informel sont apparues dans différentes INONDATIONS À CAP-HAÏTIEN – TERRAINS SUSCEPTIBLES D’ÊTRE Figure 2. INONDÉS PRÈS DU CAP DU HAUT RIVER ET DU BASSIN RHODO En 2010, il y avait 1714 toits dans un rayon de 50 m autour du Haut du Cap Bassin Rhodo alors qu’en 2015 ce chiffre est passé à 2274, une augmentation de 32 %. Parmi ces 2274 toits, une bonne partie d’entre eux fait partie d’un quartier résidentiel informel. D’une manière plus spécifique, 55 % des toits sur ces terrains très exposés aux inondations semblent être informels. Proportion des bâtiments dans un rayon de 50m autour du Bassin Rhodo, 2015. 0 0.5 1 Note: les points de toits créés en 2010 et fournis par le CNIGS ont servi de base de départ. Les nouvelles structures qui sont apparues sur l’image 2015 ont été ajoutées manuellement. 73 zones de la ville, à la fois au centre-ville et dans la périphérie (voir le Spotlight 2 pour les détails). Nous avons estimé qu’environ 72 % des bâtiments du Cap-Haïtien en 2015 ont été construits sur des terrains susceptibles d’être inondés. 9 Parmi les bâtiments situés sur des zones à hauts risques d’inondation, 22 % d’entre eux sont construits dans des quartiers qui ont été classifiés comme informels et qui sont donc structurellement vulnérables en utilisant les méthodes semi-automatiques de classification par imagerie satellitaire. 10 D’autre part, la construc- tion continue dans ces zones alors même que les images du 12 décembre 2005 et du 15 avril 2015 montrent des inondations majeures sur les côtés sud et est de l’estuaire de la rivière Haut du Cap (Bassin Rhodo), et que le nombre de maisons dans cette zone a augmenté de 32 % pendant cette période. C’est ce que l’on voit sur la figure 2. La forme urbaine est importante pour l’incidence et la gravité des inondations et les outils de planifica- tion urbaine peuvent aider à atténuer les dégâts. Le risque d’inondation est généré par l’exposition aux événe- ments météorologiques et par la vulnérabilité physique des villes qui sont très souvent impactées par une série de décisions de politiques publiques y compris la gestion des bassins versants et la déforestation. Dans les zones urbaines, les risques d’inondation sont souvent exacerbés par de mauvaises pratiques de planifica- tion. Par exemple, au fur et à mesure que les pavés et les autres surfaces imperméables augmentent, l’impor- tance d’un système de drainage efficace pour gérer le ruissellement des eaux de pluie augmente en parallèle. La vulnérabilité aux inondations urbaines peut être traitée par une combinaison de mesures structurelles et non structurelles. Les mesures structurelles sont celles qui aident à contrôler le flux de l’eau, par exemple en investissant dans le drainage et dans les barrières à eau. Les mesures non structurelles comportent la circu- lation d’informations et des plans d’évacuation qui permettent d’aider à protéger la population des inonda- tions. Le cas de Sao Bernardo do Campo, mis en exergue dans la section de recommandations de ce chapitre, est un exemple d’une approche qui intègre des mesures à la fois structurelles et non structurelles pour traiter les inondations tout en intégrant également la gestion des inondations à d’autresobjectifs de développement. measures to address flooding, while also integrating flood management with other development objectives. Le modèle actuel de croissance urbaine urbain comme des petites ruelles tortueuses, mine également le niveau de vie en créant et le bien-être social. En effet, la conception des situations qui sont propices à la violence. des constructions peut influencer la capacité Comme nous l’avons noté dans le Chapitre 1, d’autres utilisateurs à contrôler les interac- l’urbanisation et la réduction de la pauvreté tions dans les espaces publics et la manière sont étroitement liées. Pourtant, la forme que dont différents groupes comme des personnes prennent les villes a des implications impor- d’âges ou de genres différents se les appro- tantes sur les risques sociaux comme par prient et peuvent les utiliser (Banque mondiale exemple l’exposition au crime. Il existe un lien 2011). Déverser des déchets solides et des entre le manque de services publics, et même, détritus peut également contribuer à affecter les caractéristiques de l’environnement la perception de la sécurité d’une victime.11 9 Pour les besoins de ces calculs, la ville du Cap-Haïtien consiste en 4 sections: Bande du Nord, Haut du Cap, Petite Anse, et Basse Plaine. 10 Cette étiquette ‘d’informel’ peut être considérée comme un équivalent à des quartiers à revenus relativement bas ce qui veut dire qu’à partir d’une perspective de télédétection spatio-portée ou technique que la zone est caractérisée par de petits bâtiments non organisés. 11 L’impact du désordre physique comme les détritus sur le déclin d’une communauté et sur la théorie des Broken Window (fenêtres cassées) (J. Q. Wilson, G. L. Kelling, 1982) qui indique que des signes de désordre et de petite délinquance engendrent des comportements de 74 Le modèle de croissance urbaine en Haïti L’analyse des données satellitaires montre augmente également l’exposition aux que la plupart des zones construites sont risques des catastrophes naturelles vulnérables aux risques de catastrophes Haïti est considéré comme l’un des pays naturels. Comme nous l’avons présenté les plus exposés au monde aux risques en détail dans le Spotlight 1, la plupart naturels multiples, y compris les ouragans, des terrains dans toutes les villes sont les inondations, l’érosion, la sécheresse, les considérés comme très exposés aux risques tremblements de terre et les glissements de tremblements de terre. D’autre part, les de terrain. Les catastrophes naturelles zones construites sont concentrées d’une peuvent neutraliser les avancées en matière manière disproportionnée dans les zones à de niveau de vie dans les zones urbaines risque sismique élevé. Un quart du territoire et exacerber davantage les déficits en du pays (26 %) est exposé à l’érosion et plus services de base. Globalement, les données de la moitié de toutes les zones urbaines est historiques portant sur la période de 1976 considérée comme susceptible d’être inondée à 2012 montrent que les dommages et les (Voir Encadré 1). Ce n’est qu’en termes pertes moyens associés aux événements d’érosion et de glissements de terrain que les hydrométéorologiques seuls sont estimés zones construites sont moins exposées aux à un montant qui représente presque 2 % risques que d’autres parties du pays mais il 12 du PIB annuel. Parallèlement au coût reste un certain nombre de zones à l’intérieur immédiat des catastrophes humanitaires, des villes qui sont très exposées. les catastrophes naturelles provoquent L’extension urbaine continue dans des souvent des coûts dissimulés à long terme zones à risques et il y a donc de plus en dans les zones urbaines. Par exemple, après plus de personnes exposées aux risques de le tremblement de terre de 2010, l’aug- catastrophe. La proportion de zones constru- mentation de la production d’énergie hors ites exposées aux risques n’a pas changé réseau comme les générateurs au diesel ou dans le temps en Haïti, ce qui indique que le la combustion de biomasse, ainsi que les rythme de la croissance a été tout simplement efforts de démolition et de construction le même dans les zones à risques comme dans pourraient avoir contribué à augmenter les les zones moins à risque (voir le Spotlight 2 niveaux de pollution nocive de l’air dans les pour les détails). Ce modèle de croissance villes (Davis et Rappaport 2014).13 augmente le nombre de personnes exposées désordre et de délinquance plus prononcés et que ces comportements se généralisent. Cette situation peut engendrer un processus dans un quartier qui génère à moyen terme et à long terme la dégradation et la détérioration de la qualité de vie de ses habitants. 12 Diagnostic sur l’impact économique et budgétaire des désastres en Haïti, World Bank 2014 13 Même s’il n’existe pas de données publiques disponibles sur la qualité de l’air en Haïti, des renseignements provenant de recherches indépendantes montrent que la pollution de l’air pourrait être un souci majeur dans les grandes villes, notamment pour les ménages et les vendeurs informels dans les quartiers à forte densité de population. Davis et Rappaport (2014) ont pris des échantillons pour tester la qualité de l’air à Port-au-Prince et Cap-Hatien en 2012 et 2013. Les niveaux de PM2.5 enregistrés sur les sites de Port-au-Prince seraient considérés comme ‘dangereux’ (18 % des cas) ou ‘très insalubres’ (41 % des cas) par les normes de l’agence de protection environnementale américaine s’ils étaient observés sur une période de 24 heures. Les niveaux de PM2.5 enregistrés pour la circulation à Cap-Hatien étaient plus élevés que les niveaux publiés par n’importe quelle autre ville dans un pays en voie de développement à part Nanjing, en Chine. 75 UNE MAUVAISE ADMINISTRATION DU aux risques.14 Il est d’ailleurs symptomatique FONCIER, UNE LÉGISLATION INAPPRO- que sur les 113 glissements de terrain qui se PRIÉE ET DES LACUNES EN MATIÈRE sont produits depuis 1994 (et cartographiés D’INFORMATION, EMPÊCHENT LA PRISE par le CNIGS), presque la moitié d’entre DE DÉCISION EFFICACE ET EXACERBENT eux ait affecté des zones avec une popula- LES DÉFIS DE PLANIFICATION tion dense ou moyennement dense. Cette constatation souligne l’urgence d’incorporer Des législations essentielles portant sur les des informations relatives aux risques dans la constructions ne sont pas appliquées planification de l’aménagement du territoire La fréquence et l’intensité des catastro- comme nous allons le montrer plus loin. phes en Haïti rendent le zonage et les codes Les modèles actuels de croissance du bâtiment indispensables. Les codes de génèrent également une plus grande exposi- construction sont très importants dans les tion des infrastructures d’assainissement et villes haïtiennes à cause du pourcentage d’approvisionnement en eau et des établisse- élevé de zones urbaines qui sont exposées ments d’enseignement. Le gouvernement aux risques de catastrophes naturelles. Haïti d’Haïti a estimé que le tremblement de terre a développé plusieurs outils pour renforcer le de 2010 avait provoqué des dommages à secteur du logement depuis le tremblement de hauteur de $15 millions US sur les infrastruc- terre de 2010, y compris: (i) le code national tures d’approvisionnement en eau existante, de la construction, qui intègre la réhabilita- y compris les réservoirs et les canalisations. tion (2012); (ii) des directives pour la répara- Dans la capitale, l’un des cinq bâtiments tion et la construction de petits bâtiments en de l’usine métropolitaine autonome d’eau maçonnerie (2011); (iii) la politique nationale potable (CAMEP) a été détruit, et 15 % de logements (2013); et (iv) une stratégie de des 600 points de vente d’eau privés de la communication pour promouvoir de meilleur région métropolitaine ont été endommagés processus de construction en Haïti. La Banque (Banque mondiale, 2010). Globalement, c’est mondiale accompagne également le Ministère le secteur de l’habitat qui a souffert des plus de la Santé pour renforcer l’unité « hôpital à gros dommages et pertes dans les récents l’abri des catastrophes » et le Ministère de événements hydro météorologiques majeurs l’Education en matière de directives pour : 28 % de pertes et de dommages totaux pour des écoles à l’abri des catastrophes et elle a les ouragans Jeanne (2004), Faye, Gustav, soutenu le ministère dans la construction Hanna et Ike (2008) et 31 % pour l’ouragan d’écoles communautaires à l’abri des catastro- Matthew (2016). phes dans des zones mal desservies (Banque mondiale 2015a). Pourtant, de nombreux défis demeurent et plusieurs immeubles endommagés dans le centre de Port-au-Prince pendant le tremblement de terre n’ont pas 14 D’après certaines estimations, l’augmentation de la densité de population dans les zones exposées à Port-au-Prince et Gonaïves pendant la deuxième moitié du XXe siècle a entraîné un doublement voir un quadruplement des risquesassociés aux cyclones tropicaux (Klose 2011). 76 ENCADRÉ 2 – CORRUPTION EN HAÏTI : UNE MENACE POUR LE DÉVELOPPEMENT… ET POUR LES VIES D’après l’index de perception de la corruption (CPI) de 2016 de Transparency International, Haïti est placé 159ème sur 176 pays en termes de niveaux perçus de corruption dans le secteur public. Le pays a obtenu un score de 20 sur un maximum de 100, au même niveau que des pays comme le Burundi, la République Centraf- ricaine, le Tchad et la République du Congo. La corruption sape la croissance économique, décourage les investissements étrangers et réduit les ressou- rces pour les infrastructures, les services et les programmes de lutte contre la pauvreté (Robinson 1998; Ugur 2014). En 2004, le gouvernement haïtien a mis en place l’unité de lutte contre la corruption (L’Unité de Lutte Contre La CorruptionULCC), une agence autonome sous l’autorité du Ministère de l’Économie et des Finances, chargée de lutter contre la corruption sous toutes ses formes dans les institutions publiques. En dépit de quelques améliorations, Haïti reste très peu performant en matière de résultats du contrôle de la corruption et de l’efficacité du gouvernement comparé à ses pairs dans la région LAC. La corruption dans le pays prend la forme de corruption des institutions responsables de l’État de droit, d’abus de biens publics par des organi- sations politiques et privées, de paiements à des individus associés au gouvernement pour des biens qui n’ont pas été fournis et des services qui n’ont pas été rendus, d’abus de comptes discrétionnaires par des officiels du gouvernement, parmi d’autres. La corruption a également été associée avec l’impact des catastrophes naturelles en Haïti. Ambraseys et Bilham (2011) ont observé le lien entre la corruption et les décès pendant les tremblements de terre et ont calculé que 83 % des décès causés par l’effondrement des bâtiments depuis 1980 se sont produits dans des pays qui avaient des scores de CPI régulièrement bas. Ils signalent que la conformité aux normes de construc- tion antisismiques dépend d’une gouvernance responsable qui, parmi d’autres facteurs, peut être minée par la corruption. Les pratiques corrompues dans le secteur du bâtiment comme les pots-de-vin sous forme d’attribu- tion de contrats de construction et de pratiques d’inspection corrompues sont, parmi d’autres, un contributeur majeur au nombre de décès dus à une catastrophe naturelle. C’est également le cas en Haïti où on estime que 200 000 personnes ont perdu la vie pendant le tremblement de terre de 2010. Sources: Ambraseys et Bilham, 2011; Robinson, 1998; Singh et Barton-Dock, 2015; Ugur, 2014. encore été réparés. Des données de l’enquête Il existe toutefois des défis fondamen- DHS de 2012 montrent que 54 % des répon- taux dans la traduction des codes du dants dans la région métropolitaine de bâtiment en pratique courante, y compris Port-au-Prince ont déclaré que leurs maisons les contraintes financières et la difficulté avaient été endommagées pendant le tremble- d’attirer et de retenir du personnel qualifié ment de terre. 63 % de ces 54 % ont dit que les pour les surveiller et les appliquer. La mise dommages avaient été évalués par une équipe en application est particulièrement compli- d’experts mais seuls 40 % de ceux qui avaient quée (voir Encadré 2). D’autre part, pour été évalués ont confirmé que leurs bâtiments beaucoup de ménages ces travaux restent étaient terminés ou qu’ils étaient en train de difficilement abordables. Des pratiques réaliser les réparations nécessaires. de construction durables requièrent des 77 matériaux onéreux et du personnel qualifié. Parallèlement au manque de mise en appli- La plupart des haïtiens vivent dans des cation des codes de constructions essentiels, logements qu’ils ont construits eux-mêmes l’administration foncière présente de grandes - sans la supervision technique appropriée lourdeurs. L’enregistrement d’une propriété et - et qu’ils agrandissent au fur et à mesure l’obtention d’un permis de construire coûtent des besoins et des moyens financiers de cher et prennent beaucoup de temps. Haïti est ménages. Le financement de logements à la 180ème place dans la classification Doing n’existe pratiquement pas et moins de 15 Business de la Banque mondiale lorsqu’il s’agit % de la population possèdent même un d’enregistrer une propriété et à la 166ème compte dans une institution financière place pour obtenir un permis de construire. Le (WDI 2014). Beaucoup de citadins sont processus d’enregistrement d’une transaction 15 locataires (USAID 2016). Un certain foncière est régi par les dispositions d’une loi de nombre d’efforts innovants pour augmenter 1890 et il n’existe aucun mécanisme pour faire l’offre de logements sûrs en location ont été une réclamation contre une erreur qui se serait pilotés après le tremblement de terre de produite pendant le processus d’enregistrement 2010. Ils ont obtenu un succès à court terme de la transaction. Les étapes sont décrites dans et ont été répliqués dans d’autres pays – le tableau 1 ci-dessous. Même si le nombre comme les Philippines après le typhon d’étapes est, en lui-même, comparable à celui Haiyan – mais il est nécessaire d’explorer des pays de l’OCDE, le processus prend presque comment les enseignements tirés des 14 fois plus de temps.17 Les frais d’obtention du allocations en espèces d’appui à la location permis de construire sont estimés à 15 % du coût peuvent être transformés pour accom- total de la construction, ce qui est beaucoup plus pagner les améliorations à long terme dans élevé que la moyenne des 2,5 % dans la région 16 le secteur de la location. d’Amérique latine et des Caraïbes. 15 D’après le bureau haïtien des statistiques, 53 % des résidents de Port-au-Prince en 2010 étaient locataires. Ce chiffre passe à 65 % lorsqu’on compte les ménages qui louent le terrain sur lequel est construite la maison qu’ils ‘possèdent’. Pendant le tremblement de terre de 2010, Oxfam America a estimé que 75 % des PDI (personnes déplacées à l’intérieur de leur pays) dans les camps, étaient locataires (Etienne 2012). 16 Les allocations en espèces donnent plus d’autonomie aux bénéficiaires en leur permettant de prioriser leurs propres besoins et de prendre des décisions sur le lieu où ils s’installent. Le projet était conçu avec une disposition appelée « gardez la monnaie » pour atténuer les hausses potentielles sur le prix des locations. Cette disposition a encouragé les ménages à négocier leur loyer avec les propriétaires en permettant au locataire de garder la différence entre l’allocation logement et le loyer effective- ment payé. Une visite de vérification a également été incluse pour s’assurer que les logements loués respectaient des normes minimums de sécurité et cette mesure a eu un effet d’incitation pour les propriétaires à améliorer la qualité des logements qu’ils proposaient. Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour explorer la durabilité à long terme de programmes innovants comme celui-ci. Même si les impacts à court terme ont été acclamés comme très réussis, certaines estimations montrent que seul un quart des bénéficiaires a renouvelé son contrat à la fin de l’année et la raison mentionnée pour le déménagement était le manque de moyens (Phelps 2016). Il a également été indiqué que certains ménages avaient utilisé l’argent de leurs allocations pour acheter des terrains dans des zones clandestines. 17 En moyenne, le processus prend 312 jours contre 22 dans les pays de l’OCDE et 68 en moyenne dans la région d’Amérique latine et des Caraïbes. Il est également estimé que le processus coûte 7 % de la valeur de la propriété contre 6 % dans la région LAC, et 4 % dans les pays de l’OCDE. 78 LE PROCESSUS D’ENREGISTREMENT D’UNE PROPRIÉTÉ Tableau 1. EST TRÈS LOURD EN HAÏTI ETAPES POUR ENREGISTRER UN TRANSFERT FONCIER ACTEURS COÛTS ESTIMÉS DÉLAIS ESTIMÉ 1. Permission Commissaire du 2 mois d’arpentage foncier gouvernement (in commune) 2. Arpentage foncier* Géomètre HTG 15 000 1 mois. 3. Préparer le contrat Notaire 1 % du prix de vente; TVA 2-3 semaines (simultané de vente. (pourcentage varie selon le avec l’arpentage). type de propriété). 4. Obtenir l’ ‘avis de Préparé par la Différents frais fixes, taxes 1 jour cotisation’ et payer DGI, sur une ma- suplémentaires et droits de chine à écrire (3 timbres ainsi que frais d’en- pour copies, une pour le registrement et de transcrip- l’enregistrement. notaire, une pour tion (basés sur un % du prix la DGI). de ma propriété) 5. Enregistrer la vente Bureau local des Impôts 6-9 mois. (DGI), qui transcrit le doc- ument à la main dans un registre chronologique. Source: Doing Business 2017 * l’arpentage foncier est obligatoire tous les dix ans et doit dater de moins de cinq ans au moment de la transaction. Les coûts élevés du développement foncier inappropriés sont liés au développement formel influent sur l’adhésion aux régle- informel parce que les ménages sont écartés mentations essentielles telles que les codes des logements urbains formels et se rabattent du bâtiment. Des réglementations inappro- sur le secteur informel. Même s’il est difficile priées gonflent les coûts d’aménagement du de trouver des estimations fiables des besoins territoire et découragent le développement en logements, la plupart des tentatives officiel du foncier. Telles qu’elles existent indiquent que ces besoins se situent entre 300 aujourd’hui, elles ne génèrent que très peu 000 et 400 000 – alors que le système formel de revenus pour le gouvernement alors qu’au n’a jamais produit plus de 4 000 logements contraire elles minent la conformité aux par an (Hoek-Smit 2013). Des estimations normes de sécurité essentielles (GFDRR indiquent que 60 % des ménages haïtiens ne 2011). D’autre part, dans le monde entier, possèdent aucun document formel attestant des processus de réglementation officiels de leur propriété (USAID 2010). 79 ENCADRÉ 3 – L’INCERTITUDE DES LOIS FONCIÈRES ET SON IMPACT SUR LA VIE DES GENS Les investissements dans les infrastructures au sein des villes et entre les différentes villes sont sérieusement minés par l’incertitude des lois régissant le foncier en Haïti – ce qui affecte, au final, les gens ordinaires. En 2013, Reuters a rapporté le cas de la route nationale No. 7, un projet de route de 56 miles qui était supposé connecter Les Cayes – une ville portuaire au sud - avec Jérémie – une ville dans la Grand’Anse, l’un des départements les plus pauvres en Haïti. Le projet de $100 millions US avait été annoncé en 2008 et était soutenu par l’Agence Internatio- nale de Développement Canadienne et la Banque interaméricaine de Développement. Peu de temps après le début des travaux, la société qui avait gagné l’appel d’offres, a brutalement abandonné le chantier de construction. Le projet avait été bâti sur des parcelles de terrain dont la propriété n’était pas claire et pour lesquelles les résidents déplacés n’avaient pas été indemnisés. La société a laissé derrière elle des travaux d’infrastructures incomplets, des maisons en bordure de route sérieusement endommagées par ses camions et des ménages dont les maisons avaient été démolies. La route nationale No. 7 est ensuite restée une route dangereuse, à une seule voie et de mauvaise qualité, notamment dans les zones les plus éloignées. Source: Ferreira, 2013. Un système de propriété foncière opaque l’Economie et des Finances (MEF) qui inscrit représente un obstacle aux investissements les transactions foncières à la main dans un dans le logement et dans les infrastructures. registre chronologique qui remonte à 1824 La qualité de l’administration foncière en (FMI 2015). Le manque de registres fonciers Haïti est déficiente (Figure 3). Le système clairs et d’outils de planification, combiné d’enregistrement de la propriété d’aujourd’hui à la fragmentation administrative, ont de – inspiré par l’administration française - nombreuses répercussions négatives sur une repose sur le jugement d’un nombre limité planification urbaine résiliente. de notaires et d’arpenteurs publics - nommés Le manque de cadastre des propriétés à vie par le Président. En outre, le droit foncières accessible et transparent est un d’exercer la profession sont hérités et les obstacle aux programmes d’investissement procédures d’intégration de nouveaux profes- dans les infrastructures et dans les logements sionnels manquent de transparence (FMI urbains. Les projets d’infrastructures en 2015 ; Oriol et al. 2017). Cette situation crée transport, assainissement ou approvisionne- un environnement permissif de suspicion de ment en eau, sont confrontés à des retards fraude. D’autre part, le système de cadastre importants de mise en œuvre lorsque la foncier est fragmenté. Le bureau du cadastre conception est basée sur des cartes obsolètes. est installé au ministère des travaux publics, D’autre part, le manque de cadastre des l’imagerie géospatiale est conservée au Centre propriétés foncières clair peut miner des National de L’information Géospatiale projets d’investissement urbains à grande (CNIGS), installé au Ministère de la Planifi- échelle (voir Encadré 3), car le manque de cation et de la Cooperation Externe (MPCE), confiance dans l’équité des procédures peut et la responsabilité de l’enregistrement des provoquer l’enlisement des projets de parte- transactions foncières appartient à Direction nariats privés publics urbains avec des retards Générale des Impôts (DGI) du Ministère de et des controverses onéreux (UN Habitat 80 LA QUALITÉ DE L’ADMINISTRATION FONCIÈRE EST MAUVAISE PAR Figure 3. RAPPORT AUX PAIRS DANS LA RÉGION LAC Note: Cet index se compose d’informations sur la fiabilité des infrastructures, la transparence des informations, la couverture géographique, l’accès équitable aux droits de propriété et le règlement des litiges fonciers. Les notes de l’index vont de 0 à 30. Plus la note est élevée et meilleure est la qualité de l’administration foncière. La ligne en pointillés représente la moyenne de la région LAC. Source: Doing Business 2017. 2011). Les cadastres fonciers sont également ont élaboré des projets pour fournir toute essentiels pour un système d’imposition une gamme de solutions de logements, y efficace de la propriété qui a, lui aussi, des compris de nouveaux logements d’insertion, implications pour les finances municipales de nouvelles maisons terminées dans des sites locales et donc la capacité des gouvernements nouveaux et des unités multifamiliales. Les locaux (comme nous le montrons dans le maisons sont souvent subventionnées par un Chapitre 4). D’autre part, on a observé par modèle largement subventionné de crédit-bail le passé, que cette situation encourageait la immobilier (le coût des nouvelles maisons va corruption politique (voir Encadré 4). de $12 000 à $40 000 par unité et les occupants L’incertitude quant aux droits de propriété sont supposés faire des versements d’entre 1 a toujours été un obstacle au développement et 5 % de cette valeur). Toutefois, l’absence de logements abordables et sûrs. Un certain de titres fonciers sécurisés qui pourraient nombre de bailleurs de fonds et d’O.N.G. être utilisés comme garantie est un obstacle 81 ENCADRÉ 4. DROITS IMMOBILIERS, CAPACITÉS INSTITUTIONNELLES ET FRAGILITÉ DE L’ÉTAT Le Rapport Mondial sur le Développement 2011 a insisté sur le fait que des institutions légitimes étaient le ‘système immunitaire’ qui aidait à défendre les pays contre les stress internes et externes qui sont générés par le conflit et la violence. L’État, le marché et les institutions sociales qui apportent la sécurité, la justice et les opportunités économiques jouent donc un rôle central pour la paix, la stabilité et le développement. Les droits immobiliers et les institutions du marché foncier, au sens plus large, sont des exemplesde ces institutions. Elles sont particulièrement importantes lorsque l’urbanisation rapide affaiblit la cohésion sociale et les mécanismes informels de résolution des conflits. Les publications relatives au foncier dans des environnements conflictuels soulignent encore ce message. Un certain nombre d’études a insisté sur le fait que lorsque les registres de propriété foncière ne sont ni transparents ni accessibles au public, ils peuvent être exploités par des factions politiques pour acheter le soutien soit de leur gouvernement soit de la rébellion (Global Land Tool Network, online). Le manque de transparence relatif aux droits et à l’utilisation du foncier peut même être utilisé comme une forme de tractations: des changements dans les droits d’utilisation des sols motivés par le désir d’influencer l’occupation des territoires et donc les résultats électoraux (de Waal 2009). Les biens fonciers publics sont substantiels dans de nombreux pays du monde et les autorités publiques peuvent, par mesure d’intérêt propre, capturer les bénéfices privés de ces terrains en modifiant les droits d’utilisation associés au foncier ou en vendant ces biens publics en dessous du prix du marché à leurs alliés. Des allégations sont d’ailleurs de notoriété publique selon lesquelles, en Haïti, l’utilisation de foncier pour obtenir des faveurs politiques était très répandue sous les deux présidents Duvalier et Aristide (Etienne 2012). Comment renforcer les institutions du marché foncier et de la propriété? Le rapport de développement mondial met en exergue un certain nombre de messages clés pour transformer les institutions dans des situations fragiles. Les réformes institutionnelles ne sont jamais simples et sont d’autant plus compliquées dans ce cas de figures avec un héritage de violence qui peut miner la confiance dans le gouvernement et gêner la coopération. Les réformes peuvent être soit bloquées en tant que telles ou détournées par des acteurs qui ont ‘gros à perdre’ en cas de changement : n’importe quel changement important dans le statu quo risque de faire des gagnants et des perdants, et si les perdants sont bien organisés ils peuvent se constituer en lobby puissant contre les réformes. L’expérience indique donc, par exemple, que les acteurs qui bénéficient du système actuel d’enregistrement des biens fonciers – comme les notaires et les arpenteurs – pourraient résister aux réformes du système pour protéger leurs propres intérêts. D’autre part, dans un contexte de manque de confiance des citoyens envers l’État, les ménages individuels risquent d’avoir de gros soupçons sur les efforts du gouvernement de collecter des informations cadastrales. Pourtant, l’expérience mondiale indique que le renforcement institutionnel peut être réalisé grâce à une approche qui combine la restauration de la confiance, la participation et une priorisation minutieuse des réformes. Comme nous allons l’expliquer avec plus de détails ci-dessous, il s’agit de principes qui peuvent également guider le renforcement institutionnel pour une planification urbaine résiliente. Bref, il existe potentiellement des bénéfices mutuels importants entre le renforcement de capacités en matière de planification urbaine et une résilience plus large de la fragilité de l’État. Sources: Rapport de développement mondial 2011; Global Land Tool Network, online; de Waal 2009; Etienne 2012 82 majeur pour rendre ces projets abordables programmes publics : Amnesty International puisque les seuls crédits disponibles sont les a documenté que des centaines de familles prêts à court terme qui sont très chers (Hoek- avaient été expulsées du centre de Port-au- Smit 2013). Prince pour faire place à la construction de Le manque de clarté sur les droits de propriété bâtiments administratifs publics (Amnesty rend l’avenir des citoyens incertain, il peut être International 2015). D’autre part, le manque une source de tension entre les citoyens et de clarté sur la propriété a également retardé l’État, et même avec des secours d’urgence et la réponse d’urgence après le tremblement de d’autres organisations non gouvernementales terre de 2010 puisque le manque de titres de (ONG). Même si la plupart des ménages n’ont propriétés fonciers clairs a retardé la capacité pas de documents attestant de leur propriété, des O.N.G. à accompagner financièrement il existe une combinaison de processus formels les ménages pour récupérer et/ou réparer leur et informels qui – même s’ils sont complexes – propriété (International Housing Coalition, permettent aux ménages d’hériter, de gérer, de 2011). D’ailleurs, il y a eu des situations où le louer ou de transférer du foncier d’une manière manque de clarté sur la propriété foncière a sécurisée (Tarter et al. 2016). Pourtant, il n’existe miné la confiance accordée à certains efforts pas de procédure pour gérer les conflits ou les d’aide avec des cas où les O.N.G se sont trouvées réclamations. Les processus d’arbitrage foncier impliquées dans des conflits fonciers après avoir sont opaques, prennent du temps et sont obtenu la permission d’opérer dans des zones très différents d’une commune à l’autre (voir dont elles ne savaient pas qu’elles faisaient l’Annexe 3 pour les détails du cadre juridique de l’objet de litiges fonciers (Etienne 2012). gestion des litiges immobiliers). En moyenne, Des efforts sont en cours pour mettre en les actions en justice prennent cinq ans avant place un cadastre foncier.18 Les efforts de d’aboutir (OEA 2010). Même s’il n’existe pas de modernisation de ce système ont été confrontés renseignements directs pour mesurer l’étendue à de nombreux défis, ne fusse que la perte des des conflits fonciers entre les citoyens, on pense enregistrements fonciers lors de la destruction qu’ils sont en augmentation au fur et à mesure du bâtiment de la DGI pendant le tremblement que la concurrence pour les terrains s’inten- de terre de 2010. Le gouvernement haïtien, sifie avec l’urbanisation (Etienne 2012 ; USAID sous la conduite du Comité Interministériel 2010). D’autre part, comme l’a souligné USAID, d’Aménagement du Territoire (CIAT), travaille après les catastrophes, les ménages dont les aujourd’hui à la réforme du système de propriété revendications foncières sont limitées ou foncière dans sa globalité et propose de changer contestées se trouvent encore plus vulnérables le cadre légal, de moderniser les outils d’admin- face aux efforts d’acteurs qui ont la possibilité istration du foncier et d’élaborer une méthodol- de profiter des circonstances perturbées pour ogie pour la mise en place d’un « pré-cadastre », concentrer leurs propriétés foncières (USAID sur la base des données de propriétés foncières 2010). L’expulsion peut même faire partie de géo référencées, pour être en mesure de relier 18 Un cadastre foncier est un inventaire public du foncier. Les informations clés qu’il contient en général sur toutes les propriétés foncières comprennent : les limites de la propriété, la propriété ou les intérêts (droits, restrictions et responsabilités) ; les améliorations sous forme de bâtiments et d’infrastructures ainsi qu’une estimation de la valeur. Les informations contenues dans un cadastre foncier sont organisées selon une certaine méthode et représentées sur des cartes. 83 ENCADRÉ 5 – UN EFFORT POUR DOCUMENTER L’UTILISATION DES TERRES ET LES MODÈLES DE PROPRIÉTÉ DANS PORT-AU-PRINCE Dans le cadre des efforts déployés pour mettre en œuvre le Plan Foncier de Base en Haïti et recueillir des informations précises et à jour sur la propriété et l’utilisation des terres, un projet pilote a été mis en place en 2013 sur une partie du quartier de Bas Peu-deChose – un quartier qui s’est développé en dehors des limites de la ville coloniale de Port-au-Prince à la fin du 19ème siècle. Ce projet pilote prévoyait une enquête sur 997 parcelles, avec 798 parcelles couvrant 26 hectares. L’analyse, à partir des informations recueillies dans la zone pilote, suggère que 41% du parcellaire sont constitués par des parcelles ayant une superficie comprise entre 100 et 250 mètres carrés. La plupart des parcelles (82 % - soit 73 % de la superficie) sont contrôlées par de propriétaires privés. Le domaine de l’État représente 8% des parcelles et 23% de la superficie, et il est caractérisé par une forte concentration de grandes parcelles : 22% de parcelles appartenant à l’État occupent 89% de l’espace. 48% des parcelles sont en usage strictement résidentiel, 41% à usage commercial ou occupées par des services publics ou est à usage mixte, terres privées et terres du domaine confondues. Les propriétaires privés absents sont nombreux (29 %). Même si les terres appartenant à des privés sont achetées (36 %), ou bien en indivision (31 %), les titres de propriété ont été collectés pour seulement 31% d’entre eux; 77% de ces documents sont des actes notariés. En outre, moins de 1% des parcelles et de la superficie dans la zone pilote sont en conflit. En général, les résultats du projet pilote suggèrent que les principaux défis observés dans le quartier du Bas Peu-de-Chose en ce qui concerne l’utilisation abusive des terres découlent de l’absence presque complète de règles d’urbanisme et de mauvaise gestion des terres. Source: Contribution de CIAT sur la base du rapport CIAT, 2017. Les Cahiers du foncier du CIAT. Le Plan Foncier de Base à Bas Peu-de-Chose. Les leçons apprises. Secrétariat Technique du Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire. No. 2, July, 2017. les parcelles à la propriété foncière. Des étapes un outil clé pour diffuser l’information et initiales de pilotage ont déjà été réalisées. faire appliquer la réglementation dans les Même si le processus risque d’être difficile, des zones à risques; une imposition efficace de la progrès dans ce domaine pourraient avoir de propriété pourrait être un outil d’incitation à nombreux avantages importants à long terme. se conformer aux normes de construction;19 Ils pourraient même aller jusqu’à améliorer la et des documents fonciers accessibles et mis à gestion des risques de catastrophes puisque les jour pourraient également aider les autorités à cartes de propriétés foncières sont également réagir après une catastrophe.20 19 En Turquie, les maisons qui respectent la réglementation et qui payent des impôts sont éligibles pour participer à un fonds d’assur- ance en cas de tremblement de terre (the Turkey Catastrophe Insurance Pool), un mécanisme qui a permis de faire exploser la couverture d’assurance en passant de 600 00 à 3,5 millions, l’année où il a été établi (GFDRR 2011). Pour une discus- sion plus approfondie sur le niveau de collecte des impôts en Haïti, merci de se référer au chapitre 4. 20 Par exemple, l’existence de renseignements cadastraux publics documentés et à jour ainsi que de cartes des risques urbains et d’inven- taires des routes publiques et des infrastructures ont été des outils essentiels après le passage de l’ouragan Katrina à la nouvelle Orléans en 2005. Les autorités de la Nouvelle-Orléans ont récupéré ces documents juridiques et utilisé les informations pour aider à guider les réponses en matière de réimplantation, et pour fournir desdonnées aux compagnies d’assurances et aux banques tout en planifiant la reconstruction des infrastructures de services de base (Blog Banque mondiale, 2016). 84 EN DÉPIT DE RÉCENTS EFFORTS, LES Quatre ministères techniques réalisent DÉFIS EN MATIÈRE DE GOUVERNANCE des activités importantes qui façonnent la RESTENT UN OBSTACLE À UNE forme urbaine : le Ministère de l’Agricul- CROISSANCE URBAINE RÉSILIENTE SUR LE ture, des Ressources Naturelles et du Dével- LONG TERME oppement Rural (MARNDR), le Ministère Depuis 2010, les efforts du gouvernement de la Santé Publique et de la Population dans les zones urbaines, tous niveaux (MSPP), le Ministère de l’Environnement confondus, se sont largement focalisés sur (MDE), et le Ministère de l’Économie et des les activités de reconstruction. Il s’est agi Finances (MEF). Ces ministères abritent notamment d’assumer la tâche difficile des agences qui jouent des rôles essentiels de coordination du travail de nombreuses pour une planification efficace comme organisations non-gouvernementales et l’Office National du Cadastre (ONACA, organisations de développement inter- abrité par le ministère des travaux publics), nationales dont les activités façonnent le Centre National de l’information Géospa- également l’espace urbain.21 Aujourd’hui, tiale (CNIGS, sous l’égide du ministère de la le gouvernement engage une série de planification), et la Direction Générale des réformes qui font partie d’un effort plus Impôts (DGI, au ministère des finances). Le large visant à passer de la reconstruction Comité Interministériel d’Aménagement du à une planification prévisionnelle exhaus- Territoire (CIAT), qui a été créé en w2009 et tive. Cette approche a combiné une décen- dépend directement du bureau du premier tralisation institutionnelle avec des efforts ministre, est responsable de la coordination considérables pour élaborer une vision générale de toutes les initiatives ministéri- stratégique permettant de coordonner les elles relatives à la planification territoriale. activités dans des localités et des secteurs Les gouvernements locaux sont spécifiques. également des acteurs importants dans Les responsabilités en matière de le développement urbain. La constitu- planification urbaine sont officiellement tion d’Haïti définit le pays comme ayant « réparties sur un certain nombre d’entités une forme décentralisée de gouvernement différentes. La Figure 4 les met en exergue. » organisée en trois couches (Constitu- Les trois principales entités responsables tion d’Haïti, 1987). Il existe 570 « sections de la planification sont : le Ministère de la communales », qui sont la plus petite subdi- Planification et de la Coopération Externe vision politique. Elles sont réparties dans (MPCE) ; le Ministère de l’Intérieur et des 146 municipalités (communes), le niveau Collectivités Territoriales (MICT); et le intermédiaire de gouvernement local. Les Ministère des Travaux Publics, des Trans- municipalités sont ensuite organisées ports et des Communications (MTPTC). en 42 arrondissements qui, par groupes 21 Les O.N.G. construisent des maisons, fournissent des services essentiels et assistent Haïti dans la gestion du risque de catastrophe. Ces activités façonnent l’espace urbain et requièrent une surveillance importante en matière de coordination. Même si un ‘système de cluster’ a été mis en place pour coordonner la réponse humanitaire internationale après le tremble- ment de terre de 2010, on estime généralement que seule une fraction des 10 000 O.N.G. probablement présentes en Haïti est enregistrée dans ce système. http://blogs.worldbank.org/latinamerica/what-haiti-taught-us-all 85 Figure 4. DE NOMBREUSES ENTITÉS GOUVERNEMENTALES SONT RESPONSABLES DE LA PLANIFICATION URBAINE ET DU DÉVELOPPEMENT Source: Elaboration des auteurs. de trois à sept, composent finalement 10 de pouvoir entre les acteurs intéressés ont départements. En théorie, les municipal- toutes un impact important sur la manière ités sont partiellement responsables des dont les activités s’organisent dans la activités de planification urbaine comme pratique (Rapport Mondial de Dévelop- l’approvisionnement en eau et les services pement, 2017). Même s’il n’existe pas d’assainissement. Veuillez consulter le vraiment de recherche qui documente ces Chapitre4 pour des détails complémentaires dynamiques d’une manière rigoureuse en sur les rôles et responsabilités de ces munic- Haïti, il semblerait qu’on ait affaire à une ipalités, arrondissements et départements. duplication et à une ambiguïté quant aux Dans la pratique, il y a un écart entre responsabilités en matière de décisions la structure telle qu’elle est présentée sur et de mise en œuvre de la planification le papier et le fonctionnement du gouver- urbaine. C’est ce qu’on remarque, par nement au jour le jour. Partout dans le exemple, dans l’incertitude relative à l’affec- monde, le fonctionnement du gouver- tation des fonds de soutien aux activités de nement au quotidien est façonné par des planification urbaine comme la fourniture règles écrites et non écrites. Les règles non de services de base. Notamment dans le cas écrites, les négociations et les dynamiques de l’approvisionnement en eau, la respons- 86 abilité juridique est peu claire avec des les municipalités dans les grandes régions recouvrements entre les entités nationales, métropolitaines. Les contraintes couvrent départementales et communales, alors que les limites en ressources humaines par des flux financiers imprévisibles (en termes manque de personnel qualifié et les revenus de quantité et de timing), signifient que municipaux. Les efforts entrepris pour les entités locales sont incapables, dans la accorder plus de pouvoir aux autorités pratique, d’assumer leurs responsabilités. locales restent incomplets et seule environ Nous en reparlerons d’une manière plus la moitié des fonds destinés aux communes détaillée dans le Chapitre 4. leurs sont vraiment transférés dans la Ces dernières années, le gouvernement a pratique (voir le Chapitrer 4 pour les détails). lancé un certain nombre d’initiatives visant Des efforts importants ont également à promouvoir la décentralisation, ce qui peut été entrepris pour aider à guider la prise améliorer la reddition de comptes en rappro- des décisions à différents niveaux et dans chant les responsabilités de la prestation de différents secteurs du gouvernement grâce services à la population qui en bénéficie. à l’élaboration de plans stratégiques. Les Le plan stratégique de développement plans jouent un rôle essentiel pour une d’Haïti (PSDH) insiste sur l’importance des urbanisation résiliente car ils peuvent réformes territoriales pour permettre au pays fournir un cadre pour exploiter la valeur des d’atteindre ses objectifs de développement et investissements en intégrant les objectifs il y a un engagement au niveau national par de développement de tous les secteurs et rapport à la décentralisation qui se traduit niveaux de gouvernement. Le gouvernement par la mise en place de bureaux gouver- d’Haïti a fait des efforts considérables pour nementaux locaux et régionaux. D’impor- mettre en place, ces dernières années, des tants efforts d’assistance technique pour le processus de prise de décisions coordonnés renforcement de capacités et les investisse- et efficaces.L’élaboration de plans locaux, ments publics ont été réalisés dans le cadre sectoriels et nationaux a été un élément clé. de cette vision. Le plan prévoit également Comme nous le montrons dans l’Annexe 4, une vision de croissance régionale avec il s’agit d’un plan national de développe- des pôles de développement qui devraient ment et de politiques exhaustives en matière contrebalancer la dominance économique et de logement, d’approvisionnement en eau politique de Port-au-Prince. D’autres dével- et d’assainissement ainsi que de gestion oppements notables comprennent l’élection des risques de catastrophes. Comme nous de maires dans toutes les municipalités du l’avons également indiqué dans l’annexe, au pays en 2016, pour la première fois en 10 moins une douzaine de tentatives d’élaborer ans. Il reste pourtant encore de nombreux un plan directeur efficace pour Port-au- défis à relever. Les capacités municipales Prince et Cap-Haïtien ont été réalisées ces varient considérablement, y compris entre dernières années.22 22 Ceci comprend des forums accompagnés par UN Habitat en 2011 (avec des consultations de 600 représentants du secteur privé, de la société civile, des universités et des professionnels dans le domaine de l’architecture et de la planification, des leaders communautaires ainsi que des techniciens municipaux et locaux), tout comme le ‘Premier Forum Urbain National’ en 2014. 87 Ces plans contribuent à combler une parce qu’ils fixent des ambitions de planifica- lacune importante, mais la mise en tion qui sont difficiles à exécuter. Lorsqu’ils œuvre reste problématique. En effet, deux fixent des normes de développement trop contraintes principales demeurent et exigeantes, on constate même une corrélation empêchent, dans la pratique, ces plans d’être avec un renforcement de l’informalité et une efficaces pour façonner le développement réduction des investissements globaux dans des zones urbaines en Haïti. Tout d’abord, le développement urbain (Lall, Henderson, un certain nombre d’instruments de plani- et Venables, 2017). L’expérience mondiale fication existent dans la loi mais ne sont pas montre que des plans seuls ne peuvent pas mis en œuvre en pratique. Par exemple, la guider efficacement le développement urbain. loi portant sur l’organisation de la Collec- On a besoin de capacités institutionnelles tivité territoriale de Section Communale’ de pour assurer la coordination et la coopération 1996 ainsi que le ‘Décret portant sur l’organ- entre les agences sur le terrain. Dans la section isation et le fonctionnement des Sections suivante, nous allons donc nous pencher Communales’ de février 2006 spécifient sur les outils de politiques qui pourraient un certain nombre d’instruments qui ont responsabiliser les acteurs locaux et renforcer rarement été utilisés (voir l’Annexe 3 pour les la coordination entre les nombreux différents détails). Deuxièmement, là où des plans ont secteurs du gouvernement pour améliorer la été élaborés, il reste un écart problématique capacité à planifier la résilience urbaine. entre les attentes définies par les plans et les capacités techniques et financières pour LES INSTRUMENTS QUI PEUVENT AIDER À mettre en œuvre leurs recommandations dans INITIER UN CHANGEMENT AUJOURD’HUI la pratique. La répartition des responsabilités TOUT EN INVOQUANT LA MISE EN PLACE entre les différents niveaux du gouvernement DE TREMPLINS POUR DEMAIN reste peu claire, tout comme l’incertitude L’analyse précédente a montré que les relative au financement de ces activités et une villes haïtiennes devaient relever un certain certaine confusion quant au statut juridique nombre de défis. Les zones urbaines sont sur- des plans. peuplées plutôt que denses. Elles se Des plans efficaces doivent être soutenus développent sans aucune coordination et par la capacité de guider le comportement des sans tenir suffisamment compte des informa- ménages, les entreprises et les autres acteurs tions sur les risques tout en étant gênées par du gouvernement pour qu’ils respectent le manque de droits de propriété accessibles les plans eux-memes. Haïti n’est pas le seul et clairs faisant autorité. Que peut-on faire pays à se débattre avec ces défis. Dans toute pour assurer un avenir meilleur en Haïti ? Il l’Afrique subsaharienne par exemple, de existe dans le monde entier des initiatives nombreuses villes ont des plans détaillés avec spécifiques qui peuvent aider à relever des normes très exigeantes de développement. chacun de ces défis. Au final pourtant, pour Ces plans directeurs coûtent cher à élaborer obtenir des améliorations durables, il faudra puisqu’ils nécessitent des mois, si ce n’est des avoir une meilleure capacité institutionnelle années, de travail consciencieux. Pourtant, pour une planification résiliente et des beaucoup d’entre eux ont très peu d’impact prestations de services efficaces. Il s’agit d’un 88 agenda à long terme mais des mesures est celle qui pourrait aider à pousser la crois- peuvent être prises aujourd’hui pour avoir sance urbaine à distance de la surpopulation des racines solides en vue des transforma- et vers un type de densité qui permettrait à tions à venir. une ville de prospérer. On peut notamment Les décideurs ont un certain nombre envisager différentes approches pour satis- d’outils à leur disposition pour relever les faire les besoins actuels en services de base et défis urgents aujourd’hui tout en renforçant construire la résilience grâce à des mesures progressivement les capacités pour une plan- qui permettent de relever les défis actuels ification résiliente à l’avenir. Dans la section associés à l’absence de planification efficace suivante, nous présentons un certain nombre par le passé. On peut les appeler des mesures d’actions de politiques qui pourraient aider à ‘correctives’ pour pallier les déficits en service solutionner un défi urbain urgent tout en de base et la vulnérabilité aux catastrophes. aidant à stimuler un cercle vertueux de ren- Le deuxième groupe est constitué d’efforts forcement institutionnel. Les actions qui exploitent les informations comme outils présentées ci-dessous sont basées sur des pour améliorer la gestion de l’utilisation des outils qui aident à la consolidation de car- sols ; il s’agit d’exemples de cas dans lesquels actéristiques institutionnelles clés qui font de nouvelles sources d’informations sont util- une différence entre des situations fragiles et isées pour aider à la coordination de la prise violentes et des environnements de dévelop- de décision entre différents services gouver- pement stables comme: instaurer la nementaux et pour construire un appui aux confiance et le soutien ascendant de l’en- réformes de la part des citadins. Ceux-ci gagement de l’État envers la société, qui sont peuvent être considérés comme des mesures essentiels pour s’assurer que les acteurs clés ‘préventives’ pour guider les modèles de crois- vont collaborer à une action collective; mettre sance future. Nous mettons finalement en en place des initiatives pour exploiter la exergue des initiatives spécifiques de ren- transparence des informations et donc forcement institutionnel. juguler les flux financiers informel et ren- forcer la reddition de comptes, ainsi que À court terme, des investissements sont permettre le renforcement institutionnel nécessaires pour combler les déficits en dans les zones prioritaires comme la justice services de base et la sécurité.23 Des services urbains de base comme Les recommandations suivantes ont été l’approvisionnement en eau, la gestion des séquencées à la lumière de la nécessité de déchets et le maintien de l’ordre dans les relever des défis urgents à court terme et de espaces publics sont la ‘première ligne’ de créer un élan pour des améliorations vitales à l’interaction entre les citoyens et l’État. Ces long terme en termes de planification services sont les espaces dans lesquels l’État urbaine résiliente et de capacité de prestation est le plus visible (Denney et al. 2015; Jones de services. La première série de politiques et Howarth 2012). Ils peuvent représenter 23 Les initiatives discutées ci-dessous sont alignées sur les recommandations du rapport de développement mondial sur le conflit et le développement (2011) ainsi que sur le rapport mondial de développement sur la gouvernance et la loi (2017) et sur le renforcement de la gouvernance (Banque mondiale 2017a). 89 un témoignage visible de la présence et de Continuer à responsabiliser les commu- l’efficacité du gouvernement. Des études nautés et renforcer le gouvernement local réalisées dans un certain nombre de pays grâce à des initiatives de services de base après des conflits ont montré qu’il existait L’engagement et la responsabilisation de la un rapport statistique important entre la communauté sont essentiels pour améliorer participation et les perceptions du gouver- l’accès aux services dans des zones où le dével- nement. 24 La participation permet de oppement urbain a déjà eu lieu de manière non renforcer la confiance entre les citoyens et réglementée. Revaloriser ce qui a été construit l’État et entre les citoyens eux-mêmes et a sans planification pose un certain nombre ainsi des implications pour la durabilité à de défis : il s’agit de projets techniquement long terme du développement urbain. D’ail- complexes qui demandent des connaissances leurs, dans les états fragiles et en situation spécifiques à la zone ainsi que de l’ingéni- de conflit, l’amélioration des services peut osité et de la patience (Arnold 2015). Haïti envoyer un signal fort de changement, aider possède presque 10 ans d’expérience dans la à restaurer la confiance dans le gouver- mise en œuvre de projets de développement nement et élargir l’impact de l’État dans les communautaire participatif (Community zones urbaines en formant ainsi un cycle Driven Development) (CDD).25 Globalement, positif qui va dans le sens d’une meilleure les chiffres témoignent du potentiel des CDD gouvernance et d’une stabilité accrue comme outil pour traiter les besoins urgents (Banque mondiale 2011b, p131-2). en responsabilisant les communautés. Les activités de reconstruction comme le projet de reconstruction de logements dans les quartiers de Port-au-Prince PREKAD26 et les projets de développement communautaireparticipatif en milieu urbain PRODEPUR27, notamment, ont 24 Des recherches au Népal, au Pakistan, au Sri Lanka, en Ouganda et en Sierra Leone, ont montré que l’opinion et la confiance des utilisateurs par rapport au gouvernement étaient liées à leur expérience en matière de services et indiquent que de mauvaises performances à ce niveau peuvent entraîner des réclamations. D’ailleurs, des observations indiquent que le rapport entre la participation et la perception du gouvernement pourrait être plus important que la qualité de laprestation de services elle-même (Denney et al. 2015). 25 Le CDD est « un terme générique pour des projets qui incluent activement les bénéficiaires dans leur conception et dans leur gestion » (Mansuri et Rao 2004). L’objectif est de s’assurer que les populations locales ont des moyens et une voix pour traiter les problèmes locaux en travaillant en partenariat avec le gouvernement et d’autres organisations à la conception et à la mise en œuvre de projets de développement. Il fonctionne sur des principes de transparence, de participation, de responsabilisa- tion locale, de réactivité à la demande, de plus grande reddition de comptes aux administrés, ainsi que de renforcement des capacités locales (Banque mondiale, online). 26 Le PREKAD est un projet de $65 millions US soutenu par le fonds de reconstruction haïtien mis en œuvre entre 2011 et 2016. L’objectif du projet était d’aider les résidents affectés par le tremblement de terre de certains quartiers sélectionnés de Port-au- Prince à réparer et/ou reconstruire leur maison et/ou à retourner à des conditions de logement améliorées, tout en améliorant les infrastructures de services de base de la communauté. Le projet couvrait le déblayage des gravats, des composants de reconstruction et de réparation des logements, ainsi que la réparation/amélioration des infrastructures de services commu- nautaires et un soutien au renforcement de capacités.Benin, Morocco, Kyrgyz Republic, Tanzania, and Haiti), most CDD projects across the world have been implemented in rural areas and thus the literature on urban CDDs is still in its infancy. 90 démontré le potentiel des CDD pour accom- tance au temps qu’ils passent à leur travail pagner la reconstruction des logements et les payé que leurs homologues ruraux et qu’ils améliorations des infrastructures de services ont un sens moins aigu de la ‘communauté’ de base dans les communautés. D’autre part, locale (Arnold 2015). D’autre part, dans des l’expérience a montré que la fourniture de contextes de violence et d’activités criminelles, services comme l’accès à l’eau et la gestion des les défis à relever en matière de facilitation de déchets solides était essentielle pour résoudre l’implication communautaire peuvent être les conflits dans les communautés définies par très spécifiques. L’expérience globale dans des groupes territoriaux complexes ou ‘Bases’.28 le contexte urbain haïtien a montré que le On peut en faire encore plus : une concep- CDD pouvait être un point d’entrée pour des tion minutieuse pourrait permettre d’exploiter activités de prévention communautaire de encore mieux les bénéfices des CDD. Des la violence et de la criminalité, puisqu’il est bonnes pratiques mondiales émergentes possible de mobiliser les communautés autour présument que la motivation de la commu- d’un projet d’infrastructure à petite échelle. nauté dans les zones urbaines présente des L’élément clé de cette implication est une défis spécifiques et qu’il y a donc encore de facilitation différenciée (Banque mondiale la marge de manœuvre pour continuer à 2013a). Il peut s’avérer nécessaire de faire en améliorer la conception des projets de CDD sorte que la conception du projet comprenne dans les villes.29 Trois éléments clés peuvent une dimension de sensibilisation des membres être spécifiquement renforcés pour exploiter des gangs aux activités du projet pour éviter pleinement le potentiel des CDD en Haïti. qu’ils n’interfèrent avec le processus de mise Tout d’abord, faciliter l’engagement en œuvre. D’autre part, la facilitation doit communautaire. La taille de la communauté également tenir compte du fait que la présence cible est en générale plus importante dans les d’acteurs criminels pourrait créer des barrières zones urbaines que dans les zones rurales et pour d’autres groupes spécifiques de membres la population y est souvent plus hétérogène. de la communauté – comme les femmes – en les C’est aussi souvent plus compliqué d’encour- empêchant de participer aux réunions (Arnold ager l’implication dans des projets à partir du 2015). La conception du projet doit donc moment où les personnes qui vivent dans les refléter le principe de construction de coali- villes ont tendance à accorder plus d’impor- tions qui soient ‘suffisamment inclusives’.30 27 Le PRODEPU est un projet de développement urbain de proximité dont les objectifs sont d’améliorer l’accès et la satisfaction relatifs aux services et infrastructures sociales de base ainsi que de créer des opportunités de génération de revenus pour les résidents de zones urbaines défavorisées ciblées. 28 Bases combine le leadership local, l’affiliation politique, l’expression culturelle et l’activité criminelle. 29 Comme cela a été présenté dans un effort récent de compilation des enseignements tirés des projets CDD dans sept pays différents (l’Indonésie, le Vietnam, le Bénin, le Maroc, la République kirghize, la Tanzanie et Haïti), la plupart des projets de CDD dans le monde, ont été mis en œuvre dans des zones rurales, ce qui implique que les publications relatives aux CDD urbains en sont encore à leurs débuts. 30 Le WDR 2100 définit les coalitions « suffisamment inclusives » comme étant celles qui incluent les parties nécessaires à la mise en œuvre des étapes initiales pour instaurer la confiance et transformer les institutions ; mais elles n’ont pas besoin d’être « tout inclus » (p12). 31 Les programmes d’appui au développement local sont coordonnés par le ministère de l’intérieur et des collectivités territoriales (MICT). Les activités de développement municipal récentes sont basées sur deux initiatives 91 Deuxièmement, s’assurer que les projets étaient basés sur une mise en œuvre déléguée soient mieux intégrés aux processus des plutôt que sur le renforcement des capacités gouvernements locaux et contribuer au du gouvernement local à livrer. renforcement de la reddition de comptes Les CDD peuvent contribuer au renforce- des institutions pour qu’elles fournissent ment des capacités des gouvernements locaux les services dans la durée. Dans un contexte si elles sont conçues pour les aider à prendre en où les capacités des gouvernements locaux charge la fourniture de services à moyen terme. sont limitées, les projets de CDD doivent Les projets CDD sont souvent conçus pour souvent compter sur les organisations de la renforcer les capacités des équipes de mise en société civile pour mobiliser et accompagner œuvre de la communauté locale à conduire des l’implication communautaire (Arnold 2015). activités comme les achats ainsi qu’à mettre en Pourtant, les autorités locales ont un rôle place des processus dissuasifs contre la fraude essentiel à jouer pour créer un environnement et la corruption. Pour ce faire, on a besoin d’une qui permette aux projets communautaires de budgétisation transparente, du suivi d’un tiers réussir. L’expérience des O.N.G. a montré externe et de la mise en place de mécanismes que même le manque d’approbation formelle de règlement des plaintes. Des outils similaires explicite du gouvernement peut limiter peuvent être intégrés aux projets CDD pour l’implication de la communauté et sa volonté contribuer au renforcement de l’engagement et d’agir (Pelling 2011). D’autre part, comme on des performances des gouvernements locaux l’observe aujourd’hui en Haïti, la durabilité (Banque mondiale online). À l’avenir, il sera des projets à long terme peut bénéficier d’une important que les projets CDD soient conçus implication plus soutenue du gouvernement pour accompagner un éventuel renforce- local. De récentes évaluations des projets ment des responsabilités et des prestations de PREKAD et PRODEPUR montrent que services efficaces par les municipalités. les investissements auraient pu être mieux Troisièmement, la coordination est essen- coordonnés aux plans de développement tielle pour maximiser les impacts positifs des locaux et qu’il est nécessaire d’obtenir un interventions et minimiser les coûts à travers engagement sur le long terme pour l’exploita- les communes voisines. Les projets CDD qui tion et la maintenance des services au niveau visent à traiter l’exclusion sociale doivent des autorités gouvernementales et locales. souvent être conçus pour dépasser les frontières D’ailleurs, comme nous le présentons dans administratives dans les zones urbaines. Ceux le Chapitre 4, dans ces projets comme dans qui se concentrent sur des quartiers spécifiques d’autres cas où les gouvernements locaux comme l’‘amélioration des bidonvilles’ doivent travaillent en partenariat avec des O.N.G et peser scrupuleusement comment leur inter- des villes dans d’autres pays, les programmes vention pourrait impacter différents groupes, phares du MICT dans les départements du Nord et du nord-est du pays, le Programme d’Intervention Nord /Nord-Est (PINNE), qui vise à renforcer les structures administratives municipales et l’Appui à la Gouvernance et à l’Investissement Local en Haïti (AGIL) financé par l’Union Européenne dans 16 municipalités des départements du Nord et du nord-est. L’AGIL vise à responsabiliser les municipalités dans la gestion de leurs ressources pour les prestations locales de services. LOKAL + est un projet financé par USAID qui appuie la gouvernance locale et la décentralisation en Haïti, y compris avec un soutien au recouvrement des recettes. 92 comme les locataires, qui ne s’engageront pas puissent être réalisées immédiatement. Il est forcément activement dans le projet mais qui donc important de prioriser des initiatives à pourraient souffrir des effets de prix associés à court terme qui sont liées à des gains à long l’amélioration des infrastructures. La concep- terme de résilience et de qualité de service. tion des projets de CDD doit être flexible Le Gouvernement, par le biais du ministère et adaptée au contexte car les dynamiques de l’intérieur et des collectivités territori- sociales qui régulent l’engagement commu- ales (MICT) a fait de gros progrès pour faire nautaire seront probablement différentes avancer les réformes de décentralisation en dans les centres villes, les zones périurbaines responsabilisant directement les municipal- et les petites villes et pourraient même être ités et en développant différentes initiatives impactées par des événements ou des chocs de soutien locales.31 Au lieu de canaliser des spécifiques comme les catastrophes naturelles fonds par l’intermédiaire d’organisations (Arnold 2015). basées dans la communauté pour répondre aux besoins en prestations de services de base, Construire sur ‘ce qui fonctionne’ pour con- le Gouvernement responsabilise directement solider les prestations de services de base les municipalités pour financer et exécuter des Les améliorations aux services de base investissements locaux conformément aux peuvent être considérées comme une échelle où plans de développement sectoriels et locaux. chaque effort de modernisation réussie permet Toutefois, les approches participatives utilisées de renforcer les capacités, ce qui permet, à dans les projets CDD déjà mis en œuvre, son tour, de rendre viables d’autres nouvelles restent pertinentes pour assurer la participa- initiatives, plus avancées et dirigées directe- tion, la transparence et la reddition de comptes ment par les gouvernements locaux. Améliorer de la communauté. la prestation et la gestion des services de base Les programmes qui encouragent les demande un effort exhaustif de réforme des bonnes performances en matière de prestation structures organisationnelles, de renforcement de services en fournissant des subventions des capacités des gouvernements locaux et de ou des financements basés sur les résultats, sensibilisation. Les tentatives de venir greffer peuvent améliorer les prestations de services des interventions dispersées sur des services à court terme et contribuer au renforcement qui laissent à désirer risquent d’enfermer les de capacités à long terme. Les gouvernements villes haïtiennes dans un équilibre rudimen- nationaux peuvent utiliser leurs systèmes taire de mauvais services à des coûts élevés. Il de transfert pour fournir des ressources ne serait pourtant pas réaliste de s’attendre à ce financières aux municipalités sous forme de que des réformes complexes et à grande échelle subventions ou autres transferts pour remplir 31 Les programmes d’appui au développement local sont coordonnés par le ministère de l’intérieur et des collectivités territoriales (MICT). Les activités de développement municipal récentes sont basées sur deux initiatives phares du MICT dans les dépar- tements du Nord et du nord-est du pays, le Programme d’Intervention Nord /Nord-Est (PINNE), qui vise à renforcer les struc- tures administratives municipales et l’Appui à la Gouvernance et à l’Investissement Local en Haïti (AGIL) financé par l’Union Européenne dans 16 municipalités des départements du Nord et du nord-est. L’AGIL vise à responsabiliser les municipalités dans la gestion de leurs ressources pour les prestations locales de services. LOKAL + est un projet financé par USAID qui appuie la gouvernance locale et la décentralisation en Haïti, y compris avec un soutien au recouvrement des recettes. 93 leurs devoirs et fournir des services de base systèmes d’entretien. Le projet “Proyecto de à condition qu’elles respectent les critères de Desarrollo Municipal” ou PRODEM est un performance qui sont examinés tous les ans. exemple d’une telle initiative en République Lorsque ces projets sont insérés dans des Dominicaine. Ce projet concernait de petites objectifs programmatiques plus larges, ils municipalités (population entre 2000 et 50 000 sont effectivement en mesure de s’attaquer personnes) dans les trois provinces les plus aux défis immédiats tout en renforçant les pauvres du pays. Le projet apporte un renforce- capacités pour le long terme. Les services de ment de capacités exhaustif y compris la gestion des déchets solides peuvent servir réorganisation du personnel, une formation et d’exemple où des améliorations à partir d’inci- un logiciel de gestion financière, l’élaboration tations à la performance peuvent à la fois de plans de développements municipaux, la contribuer à combler les déficits en services planification des infrastructures, les processus tout en renforçant les gouvernements locaux. de budgétisation participatifs, la transparence, Par exemple, en Jamaïque, le fond d’inves- la réorganisation et l’optimisation des services tissement social jamaïcain (JSIF) fournit aux de base. Pour récompenser les municipal- groupes communautaires un appui basé sur ités lorsqu’elles atteignent chacun des trois les résultats pour assurer la propreté de la niveaux de performance définis, on leur affecte communauté. Des gardiens environnemen- un employé du service public pour les aider à taux ont été mis en place pour faire respecter renforcer leurs capacités en matière d’exécu- l’interdiction locale de jeter des détritus et tion des services.32 assurer l’entretien de la communauté. D’autre Dans les zones où certaines structures de part, des opportunités de formation sont services sont déjà en place, des initiatives offertes, visant à renforcer la participation et peuvent être lancées pour contribuer à la la fierté de la communauté ainsi que le sens de consolidation des capacités et pour mieux sécurité dans les espaces urbains. exploiter les ressources existantes comme les Pour les municipalités qui assument pour la aides basées sur le résultat. Les aides basées sur première fois les services de gestion, l’objectif le résultat utilisent des subventions basées sur initial pourrait se concentrer sur la mise en les performances pour améliorer la prestation place les bases de la prestation de services. de services dans des zones mal desservies et Elle pourrait se composer par exemple de auprès de ménages et de secteurs défavorisés. procédures de planification des prestations Les aides basées sur le résultat conditionnent de services alignées sur les plans et l’exécu- le versement de fonds publics sous forme de tion budgétaire, de gestion des processus subventions, à l’atteinte de résultats claire- de passation de marché et de communica- ment spécifiés, qui appuient directement un tion efficace avec les citoyens ainsi que de meilleur accès aux services y compris l’appro- compétences clés relatives à la planification visionnement en eau et l’assainissement et à l’exploitation des infrastructures et aux améliorés, ainsi que l’accès à des services 32 L’approche a réussi dans 28 des 31 municipalités : elles ont atteint ces trois niveaux de performances et ont été récompensées par différents travaux comme des parcs, des infrastructures de loisirs, des cimetières et des casernes de pompiers (un total de 85 unités construites). 94 comme l’énergie, la santé, l’éducation, la Diffuser les résultats de l’analyse des risques gestion des déchets solides, et le transport. pour soutenir une prise de décision éclairée Par exemple, dans le sud de la Cisjordanie, des Il existe un besoin d’informations accessi- subventions sont versées aux prestataires de bles et exactes pour soutenir les mesures non services qui collectent les déchets solides en structurelles visant à protéger les popula- réponse à une amélioration vérifiée indépen- tions des risques. Des avancées importantes damment des services de nettoyage, de collecte ont été réalisées dans la compréhension et d’élimination ainsi qu’à une meilleure des risques auxquels sont confrontées les durabilité financière. Le programme a permis zones urbaines en Haïti. Plusieurs outils d’améliorer la qualité grâce à des mécanismes de connaissances ont été développés après de récupération des coûts avec plus de 90 % le tremblement de terre pour renseigner les des prestataires de services qui ont atteint ces processus de reconstruction et renforcer les résultats et qui ont donc reçu les subventions informations sur la gestion des risques de correspondantes. Au Népal, un projet similaire catastrophes nécessaires à la planification. est en cours de mise en œuvre et il devrait Il s’agit d’informations sur (i) les aléas et les bénéficier à 800 000 personnes dans les cinq risques (évaluation des aléas et des différents municipalités qui y participent. types de risques, atlas des risques et données historiques sur les dommages et les pertes À moyen terme, exploiter les informations provenant des PDNA), (ii) la cartographie pour faciliter un processus de prise de déci- des zones sismiques par le MTPTC; (iii) sions coordonné l’emplacement des biens exposés (infra- Une manière de guider les décisions est de structures essentielles géo référencées mettre les informations pertinentes à dispo- comme les écoles, les hôpitaux et les routes); sition des ménages, des entreprises et des (iv) l’imagerie satellitaire à haute résolution différents gouvernements locaux. Comme et Lidar pour le pays; et (v) le diagnostic nous l’avons noté ci-dessus, une planification complet des impacts économiques et fiscaux résiliente est fondamentale pour guider les des catastrophes en Haïti.33 Compte tenu du décisions prises par les ménages, les entre- niveau élevé d’exposition et de vulnérabilité prises et le gouvernement, pour minimiser des villes haïtiennes à des risques naturels l’exposition aux risques et pour s’assurer que multiples, il est impératif d’exploiter ces la forme urbaine qui en résulte accompagne informations pour réduire les risques grâce bien les objectifs de développement plus larges. à des mesures correctives structurelles et à Comme le montrent les exemples ci-dessous, le des mesures préventives de planification de fait même de rendre les informations publiques l’occupation des sols ainsi que d’améliorer la peut être un outil pour catalyser l’implication préparation aux catastrophes et la capacité à des citoyens dans une action collective et pour répondre des autorités locales et nationales instaurer la confiance dans le gouvernement. ainsi que des communautés urbaines. 33 Pour plus de détails, voir l’Analysis of Multiple Natural Hazards in Haiti (NATHAT) ainsi que le Guide Méthodologique Réduction des Risque Naturels en Zone Urbain en Haïti (Gouvernement de Haïti/ PNUD. (2015). Voir également Banque mondiale 2015b. 95 Les informations sur les risques qui les véhicules aériens sans pilote (UAV ou sont accessibles au public peuvent être drones) sont de plus en plus utilisés pour utilisées pour soutenir des mesures essen- fournir des informations sur les risques de tielles non structurelles contre les risques catastrophes. Les coûts de cartographie d’inondation. Ces mesures non structurelles par drone sont beaucoup plus bas que ceux comprennent : (i) un plan d’urgence avec des photos aériennes et peuvent apporter l’élaboration de plans d’évacuation et de des bénéfices supplémentaires. Les drones systèmes d’alerte en cas d’inondation ; et volent à une altitude d’environ 100 m et (ii) des campagnes d’information conçues sont toujours en contact avec la télécom- pour encourager les comportements qui mande. Ils ne sont donc pas affectés par permettent d’atténuer les risques d’inon- la couverture nuageuse et peuvent être dation comme par exemple minimiser le déployés immédiatement après les catastro- risque d’inondation en nettoyant les égouts phes naturelles pour évaluer les dommages et en utilisant des pratiques de gestion des comme nous l’avons vu en Haïti après le déchets solides adaptées (Jha et al. 2012). passage de l’ouragan Matthew. Au-delà de la Les expériences réalisées en Haïti témoi- collecte de données, il est important de noter gnent de l’efficacité de ces initiatives. que l’introduction de cette nouvelle technol- Dans des zones comme Camp Perrin, dans ogie peut aussi présenter une opportunité l’arrondissement des Cayes, desinitiatives pour mobiliser les fonctionnaires locaux et de protection civile se sont avérées sauver les citoyens sur les risques. Il est notamment des vies pendant l’ouragan Matthew en important d’exploiter les opportunités de 2016. Deux mois avant l’ouragan, 100 partage de données à partir du moment où familles des quartiers les plus à risques ont la technologie crée de nouvelles possibil- participé à un exercice de simulation de ités pour communiquer les informations catastrophe et il est intéressant de constater collectées, ce qui peut devenir un catalyseur que ces familles ont été épargnées pendant pour des changements de comportement. la dévastation de l’ouragan qui a suivi dans En Tanzanie, des drones ont été utilisés la réalité (PNUD 2016a). D’autre part, un pour cartographier les plaines inondables groupe de volontaires de la protection civile à Dar-es-Salaam, la plus grande ville du (brigadiers) s’est lancé dans l’action avant pays. Les informations ont été utilisées la catastrophe – en faisant circuler les infor- pour planifier et prédire comment l’eau se mations sur la tempête et en préparant des déplacerait en cas d’inondation. Une équipe centres d’évacuation – ainsi qu’immédiate- locale de chercheurs, des fonctionnaires du ment après la catastrophe en dégageant gouvernement local et des arpenteurs ont l’accès aux hôpitaux (PNUD 2016b). On été formés à utiliser cette nouvelle technol- pourrait reproduire cette expérience dans ogie. Cette formation peut être réalisée les zones urbaines d’une manière plus large. sur une période d’une à deux semaines. Les innovations technologiques fournissent D’autre part, pendant le déroulement du de nouvelles opportunités pour mobiliser projet, il s’est avéré que l’intérêt généré par les citoyens et diffuser des informations sur la nouvelle technologie avait contribué à les risques. En Haïti et dans d’autres pays, établir la communication et à motiver le 96 gouvernement local et les communautés risque de catastrophe permet à la société dans les zones à risques cartographiées. Les d’économiser quatre dollars (Multihazard cartes peuvent être imprimées et discutées Mitigations Council, 2005). Planifier peut avec la communauté, les informations contribuer à économiser des ressources peuvent être mises à jour simultanément sur financières. un ordinateur et le produit final corrigé peut Pourtant, comment les gouvernements être ensuite réimprimé pour vérification peuvent-ils anticiper efficacement dans avant d’être incorporé aux registres fonciers. leur planification sans avoir les capacités Ces expériences initiales ont donné des institutionnelles ou financières pour mettre résultats positifs qui ont généré l’élaboration en œuvre pleinement leurs plans? Comme d’un projet à beaucoup plus grande échelle nous l’avons expliqué ci-dessus, les plans pour utiliser des drones de cartographie du urbains peuvent être un outil efficace pour cadastre sur l’île de Zanzibar.34 anticiper la croissance urbaine et les besoins en infrastructures. Ces dernières années, de Utiliser les informations pour harmon- nombreux efforts ont été faits en Haïti pour iser les facteurs d’incitation : viser le meil- élaborer des plans. Pourtant, il y a un décalage leur et se préparer pour le pire entre les visions des plans et la réalité sur le Les investissements dans les infrastruc- terrain. Un des principaux obstacles à une tures de base sont urgents et coûteux. Il y a utilisation efficace des plans est le fait que les des économies d’échelle à réaliser dans les acteurs locaux n’ont ni les fonds ni les incita- prestations de services urbains: on estime tions pour mettre en œuvre les décisions. que les coûts d’adduction d’eau dans les villes Toutefois, il est possible d’encourager la sont trois fois plus bas par tête que dans les conformité d’une autre manière: en mettant 35 zones peu peuplées. Mais il est beaucoup à la disposition des ménages des informa- plus compliqué et cher de fournir des services tions claires et crédibles. de base dans des zones non planifiées que Des plans simples – qui sont diffusés – lorsqu’on planifie à l’avance et qu’on met en peuvent être très efficaces pour guider un place les infrastructures principales avant le nouveau développement. L’approche utilisée développement. D’après certaines estima- à Tunis, en Tunisie, en est un exemple. Le tions, investir dans des infrastructures de gouvernement local a largement mis à la services de base avant le développement disposition des ménages des informations coûte deux à trois fois moins chères que essentielles, ce qui leur a permis de guider l’amélioration des bidonvilles (Akibo 2007), leurs choix. Cette approche vise le meilleur et chaque dollar dépensé pour atténuer le mais permet de se préparer pour le pire (en 34 Il y a des considérations importantes relatives à l’utilisation de nouvelles technologies comme les drones qui doivent être soigneusement étudiées. Tout d’abord, très peu de pays ont mis en place un cadre réglementaire opérationnel pour régir l’utilisation des drones. L’imagerie produite par les drones a une résolution d’environ 3 cm par pixel ce qui est suffisant pour créer des problèmes de protection des données personnelles et ceci doit donc être dûment pris en compte. Pour des détails complémentaires sur ce projet voir Banque mondiale (2016a; 2016b). 35 Le prix est d’environ $0,70 à $0,80 US par mètre cube pour l’adduction d’eau dans les zones urbaines contre $2 US dans les zones peu peuplées. 97 acceptant le fait que cette vision de dévelop- dans les infrastructures mais également de pement urbain sera confrontée à des obstacles contribuer à réduire l’exposition aux risques financiers à court terme). Plutôt que d’essayer en s’assurant que les informations relatives de limiter l’expansion urbaine dans des zones aux risques sont reflétées dans les décisions non planifiées, le gouvernement a décidé de d’investissement privées et publiques. fournir des informations claires et transpar- entes au public sur les plans d’expansion Intégrer les connaissances sur les risques des infrastructures à venir. Les ménages qui d’inondation au niveau des processus de s’installent aujourd’hui dans des zones non prise de décisions transparents d’inves- planifiées et sans services peuvent utiliser tissement en infrastructures urbaines ces informations pour s’assurer que les droits On pourrait arriver à une situation de passage restent dégagés pour ces futurs gagnant-gagnant en intégrant les informa- investissements. Cette situation bénéficie au tions de gestion des risques d’inondation aux gouvernement en réduisant les coûts d’inves- objectifs de développement du corridor nord tissement mais elle bénéficie également aux en Haïti. Comme l’a montré une récente ménages qui ont moins de risques d’avoir entreprise de planification, la zone nord et des répercussions négatives au moment des nord-est du pays est marquée par la crois- interventions à venir. sance de la population, un déficit de services L’exemple de Tunis montre qu’en diffusant de base et d’infrastructures de transport et des informations sur les investissements des risques d’inondation importants (Banque publics à venir, les autorités publiques mondiale 2017b). Le prix à payer si on ne ‘fait peuvent contribuer à guider l’expansion rien’ dans cette zone est très élevé : le dével- urbaine. Ce simple règlement peut réduire les oppement va continuer au même rythme, coûts d’investissements dans les infrastruc- ce qui va augmenter le nombre de personnes tures à long terme et contribuer à maintenir exposées aux risques d’inondation ainsi que les la capacité et la présence de l’État dans les pressions environnementales. Des études de zones d’expansion urbaine. D’autre part, cas dans d’autres pays montrent que l’exploita- compte tenu du fait que de nombreux terrains tion des informations sur les risques d’inon- autour des villes haïtiennes sont exposés aux dation apporte de véritables gains pour guider catastrophes naturelles, c’est peut-être aussi une action intégrée et coordonnée visant à une bonne opportunité de guider le dével- construire des villes durables et résilientes. oppement urbain pour qu’il devienne plus La municipalité de Sao Bernardo do résilient. Le gouvernement peut notamment Campo, au Brésil, en est un exemple réussi. utiliser les cartes de risques, non seulement Sao Bernardo est une des 39 municipalités qui pour renseigner les décisions relatives à composent la région métropolitaine de Sao l’emplacement des futures infrastructures Paulo. La municipalité est située tout près du mais également pour communiquer au réservoir de Billings du bassin versant d’Alto public des informations sur les risques. Il Tiete et a vécu une croissance de population s’agit donc d’une opportunité non seulement rapide et informelle avec des communautés de réaliser des économies en maintenant les pauvres et marginalisées au bord de l’eau. Ce droits de passage pour les investissements modèle de croissance a confronté la munici- 98 palité à un certain nombre de graves défis. Tout ont été combinés avec des réunions publiques d’abord, le réservoir de Billings est la princi- et la diffusion d’informations dans les écoles pale source d’eau pour presque 5 millions de pour encourager les changements de compor- personnes et fait partie d’un système de bassin tement environnementaux. De nouveaux versant plus large qui approvisionne 70 % des parcs ont été créés avec trois objectifs : d’une 20 millions d’habitants de la grande région part fournir des ‘zones vertes’ pour absorber métropolitaine. La croissance informelle de les eaux de pluie, ensuite pour servir de la population s’est accompagnée d’une baisse zone-tampon entre la croissance urbaine et le rapide de la qualité de l’eau avec des eaux réservoir et enfin en tant qu’espace public avec usées non traitées, des déchets solides et des des aménagements pour les activités de plein ruissellements d’eau de pluie qui ont pollué le air et pour promouvoir l’inclusion sociale. réservoir de plus en plus. D’autre part, le sol est Toutes les informations ont été publiées grâce devenu de plus en plus imperméable et sujet à un système de cartographie sur mesure en aux inondations. ligne,37 dont les autorités municipales pensent, Un programme détaillé de collecte de qu’il a contribué à instaurer la confiance des données et de motivation de la communauté communautés marginalisées dans le gouver- a créé une opportunité d’action coordonnée nement. D’autre part, il est probable que ce sur les inondations tout en construisant des projet spécifique aura des retombées : en coalitions pour une action collective. La contribuant à acquérir une expérience institu- municipalité de Sao Bernardo a commencé tionnelle d’intégration des flux de travail entre par identifier les quartiers informels à risque, les différentes autorités gouvernementales, il situés dans les zones de bassins versant fragiles apporte les fondements de futurs développe- (Banque mondiale 2013b).36 Armée d’éléments ments de politiques intégrées dans d’autres empiriques sur les conditions économiques, secteurs et domaines. environnementales et sociales de ces quartiers, la municipalité a été en mesure de mettre en Sur le long terme, renforcer les droits de place un système de priorisation des investisse- propriété et promouvoir des réformes ments qui satisfasse à la fois les inquiétudes institutionnelles pour une meilleure de la compagnie de distribution d’eau quant gouvernance à la qualité de l’eau dans le bassin versant et Le gouvernement d’Haïti s’est engagé sur des les besoins des résidents locaux en matière de projets à long terme qui peuvent considérable- service améliorés. Des investissements dans de ment améliorer la planification urbaine résili- nouvelles connexions au réseau d’égouts, dans ente comme une réforme des droits de propriété des infrastructures de drainage des eaux de et la décentralisation. Il s’agit d’engagements pluie et dans des services de transport public importants et difficiles. Les progrès doivent 36 La municipalité a identifié 261 quartiers informels et précaires dont 151 étaient situés dans une zone de bassin versant avec un environnement fragile et 65 étaient considérés comme étant à haut risque de catastrophe naturelle. Ils ont développé un système transparent de priorisation basé sur une combinaison de considérations financières, environnementales et sociales pour identifier 52 quartiers qui vont faire l’objet d’une intervention. 37 Ce système est connu sous le nom de ‘HABISP’ (http://sihisb.saobernardo.sp.gov.br). 99 être contextualisés dans un effort plus large de exposés, des informations sur lesimpacts des transformation institutionnelle en Haïti qui catastrophes précédentes et les consolider a inclus, inter-alia, des réformes des secteurs pour une planification efficace de l’aménage- de la justice, des élections, du recouvrement ment du territoire et de la gestion des risques des recettes et de la lutte contre la criminalité de catastrophes. (Banque mondiale 2011b). Les décisions concer- La mise en place d’un cadastre opérationnel nant le rythme, les priorités et le séquencement reste toutefois un projet à long terme: l’expéri- des efforts de réformes institutionnelles doivent ence en Haïti et des expériences comparables procéder par étapes prudentes et priorisées, car ailleurs mettent en exergue les nombreux défis – comme l’ont vécu les réformateurs haïtiens au des réformes cadastrales. Pour que le nouveau début des années 2000 – trop de réformes insti- système réussisse, les inscriptions doivent être tutionnelles, trop rapidement, peuvent surtaxer exactes, légitimes et faciles d’accès. Une saine et ébranler l’appétit de changement (Banque gestion des coûts et des attentes est également mondiale 2011b, p145). importante car les cadastres coûtent cher à mettre en place et à entretenir.38 D’autre part, Renforcer les droits de propriété avec des les défis de transformation des institutions mécanismes de règlement des différends dans les états fragiles et affectés par des conflits La mise en place d’un registre de propriété sont spécifiques.39 D’ailleurs, les réformes des unique qui soit transparent, accessible et droits de propriété et les initiatives d’enreg- exact et qui fasse autorité est essentielle pour istrement des titres de propriété peuvent le développement urbain résilient. Le manque devenir en elles-mêmes une source de conflit de documentation transparente des titres et risquent même de générer une vulnérabilité fonciers génère une inefficacité des investisse- accrue pour les pauvres en zone urbaine en ments dans les services de base, ouvre la voie à introduisant de nouvelles procédures qu’ils une corruption invalidante et rend les pauvres ne sont pas vraiment à même de saisir (DFID urbains vulnérables à l’expulsion. D’autre 2002; Payne, Durand-Lasserve, and Rakodi part, on a besoin d’un système d’inscription 2009).40 Une approche pourrait consister foncière clair pour intégrer d’une manière à donner la priorité aux améliorations de efficace les cartes de risques et autres connais- l’enregistrement des titres de propriété ainsi sances sur les informations sur la gestion des qu’à l’enregistrement des parcelles pour les risques et désastres, comme les niveaux de nouveaux chantiers de logements afin de couverture des assurances, la valeur des biens réduire leurs coûts (Hoek-Smit 2013). 38 Le coût ‘unique’ de la mise en place d’un cadastre est souvent assumé par les finances publiques. Dans de nombreux pays, les coûts opérationnels – y compris la mise à jour des inscriptions – sont couverts par les frais payés par les utilisateurs (Hawerk, online). Il est important d’envisager comment les modèles de recouvrement des frais vont affecter l’accessibilité et les percep- tions relatives à la transparence du cadastre. 39 Le WDR 2011 définit la transformation institutionnelle comme étant “l’élaboration dans le temps des « règles du jeu » qui renforcent la résilience aux risques de violence, y compris des lois, des organisations, des normes de comportement et des croyances partagées qui permettent d’assurer que les bénéfices tirés par les individus qui choisissent d’agir pacifiquement et dans le respect de la loi soient plus élevés que les coûts”. 40 Le plan national de logements de 2013 note que l’État va adopter une politique immobilière qui soutienne des droits de propriété justes et équitables y compris pour le régime foncier. À ce jour, un certain nombre de projets pilotes ont été mené 100 Le séquencement est important: des des recherches faites au Mali et au Kenya, mécanismes de règlement des différends peuvent être considérés comme mieux placés sont un élément clé de réformes plus larges. pour solutionner les différends fonciers que Aujourd’hui, les tribunaux haïtiens sont les systèmes de tribunaux officiels (Banque envahis par des différents non résolus sur les mondiale 2011b, p155). droits de propriété. Ces différents risquent de s’intensifier avec les efforts de réforme Construire des cadres de coopération du régime foncier et la création d’un registre municipale pour les grandes villes en Haïti foncier officiel. Il est donc important que les L’empreinte des activités économiques mécanismes de règlement des différends et urbaines est souvent beaucoup plus large que des conflits soient renforcés. ‘Les modes alter- les frontières administratives traditionnelles. natifs de règlement des litiges’ peuvent être Comme nous le mettons en exergue dans le utiles pour contribuer à réduire la pression sur Spotlight 2, les zones urbaines haïtiennes les tribunaux, résoudre les conflits de manière se développent pour devenir de grandes efficace et même contribuer à instaurer la agglomérations. Au fur et à mesure qu’Haïti confiance dans les processus formels de poursuit le processus de décentralisation, propriété foncière. ‘Les modes alternatifs de il sera important de réaliser que la coordi- règlement des litiges’ suivent une méthode qui nation entre ces municipalités voisines peut varier pour aller de négociations directes est souvent bénéfique. L’augmentation du facilitées entre deux parties intéressées à nombre d’emplois dans une municipalité va des efforts qui ressemblent davantage à des probablement attirer des travailleurs venant procédures devant les tribunaux, et elle a été d’un bassin d’emploi beaucoup plus large et adoptée dans des contextes très différents de compter sur le transport des intrants et des la République Démocratique du Congo au extrants sur de grandes distances. Aucune Chili (Herrera & da Passano 2006; UN Habitat municipalité n’est en mesure d’accompagner 41 2012, UN Habitat 2013, et Vlassenroot 2012). seule ces processus et de gérer les défis Dans certains cas, elle repose sur des leaders associés comme la pollution et la conges- locaux qui bénéficient d’une excellente recon- tion. Comme nous le présentons dans le naissance sociale et qui, comme l’indiquent Chapitre 4, dans un contexte de ressources dans ce sens y compris un pilote financé par USAID pour cartographier 10 000 parcelles dans les quartiers de Delmas 32 et Carrefour-Feuille à Port-au-Prince (USAID 2016). Cette initiative vise à enregistrer des informations sur le régime foncier et la propriété des logements. Habitat for Humanity a créé le groupe de travail ‘Haiti Property Law Working Group’ en 2011 focalisé sur les ‘questions de régime foncier de longue date’. 41 Au Congo, le processus de médiation pour le règlement des différends fonciers est composé de 10 étapes principales: 1) demande de médiation du médiateur foncier; 2) analyse du contexte, du périmètre, de l’objet et des causes du conflit; 3) invitation des parties, témoins et personnes ressources (cette invitation peut être adressée directement ou par le biais d’un intermédiaire); 4) échanges entre les parties ou témoins; 5) examen et analyse des faits pour identifier lesimplications du conflit; 6) analyse des documents ou des éléments du dossier/certificats fonciers ou titres de propriété; 7) audition des témoins (chefs, autorités administratives, voisins ou résidents, etc.); 8) visites sur le terrain pour évaluer la réalité et le conflit ainsi que pour comprendre les réclamations respectives des parties; 9) exploration des solutions possibles, assistance des parties à rédiger des accords et à signer l’arrangement; 10) suivi collectif et mise en œuvre de l’accord (UN Habitat 2012, UN Habitat 2013, et Vlassenroot 2012). 101 financières limitées, la création de nouvelles de la gestion des déchets (Pérou). Dans le cas entités locales peut générer une charge plus de la Colombie, le cadre exploite les incita- lourde sur les ressources. D’ailleurs, sans tions financières fournies par des installa- coordination, il est probable qu’on assiste à tions de gestion directe des déchets tout en un gaspillage avec une duplication d’activ- réglementant la nature des services de gestion ités ou de politiques qui risquent d’être des déchets pour s’assurer que les frontières sapées parce qu’elles sont en contradiction juridictionnelles ne limitent pas l’accès aux avec les choix politiques des voisins (Samad, services. Au fur et à mesure qu’Haïti avance Lozano-Gracia, et Panman, 2012). Il est donc vers la mise en œuvre des objectifs de décen- important d’envisager comment la coordi- tralisation, il sera important de tirer les ensei- nation peut être facilitée entre les frontières gnements de ces expériences et d’élaborer municipales existantes. des moyens efficaces d’inciter la coordina- Un certain nombre d’initiatives sont tion dans la fourniture de services. actuellement en cours pour encourager la coordination entre les frontières municipales et même départementales en se concentrant sur les services de gestion des déchets.42 Pourtant, sans cadre institutionnel solide pour promouvoir la coopération, ces efforts vont rencontrer de nombreux défis. L’expéri- ence internationale indique d’ailleurs que les pays qui ont réussi à mettre en place de multiples installations partagées, l’ont fait au sein d’un cadre national pour faciliter les accords de coopération. Il y a plusieurs manières d’élaborer ce type de cadres. Les incitations pour la mise en place d’installa- tions partagées au niveau national ont pris des formes multiples en Amérique latine. Dans certains pays, l’accès au finance- ment est l’incitation principale (Argentine et Brésil), alors que d’autres pays ont mis en place des mandats juridiques pour les autorités nationales ou régionales en charge 42 Dans la région métropolitaine de Cap-Haïtien, l’‘Association Intercommunale de Traitement des Ordures Ménagères Le Marien’ a été créée. Cette association couvre les municipalités de Cap-Haïtien, Quartier Morin, et Limonade, qui sont situées dans deux départements distincts (nord et nord-est). L’association est financée par AGIl et l’AFD. De la même manière, des efforts sont en cours pour établir une coopération entre les municipalités de Caracol, Trou du Nord, Terrier Rouge, et Limonade (financés par la BID).etc.; 8) visits to the area to assess the conflict, to understand the respective claims of the parties; 9) exploration of possible solutions, assisting the parties to draft agreements and signing the arrangement; 10) collec- tive monitoring and implementation of agreement (UN Habitat 2012; UN Habitat 2013; and Vlassenroot 2012). 102 RÉFÉRENCES tenure disputes. Reuters. Retrieved from http://www.reuters.com/article/us-hai- A biko, A., L.R. de Azevedo Cardoso, R. ti-land-idUSBRE90P0BM20130126 Rinaldelli, and H.C.R. Haga. 2007. Basic Fuller, J. A., T. Clasen, M. Heijnen, and J.N. costs of slum upgrading in Brazil. Global Eisenberg. 2014. “Shared sanitation Urban Development Magazine, 3(1). and the prevalence of diarrhea in young Ambraseys, N., and R. Bilham. 2011. 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Charles-Voltaire. 2014. Knowledge transfer on urban violence: from Brazil to Haiti. Environment and Urbanization, 26(2), 457-468. 106 SPOTLIGHT 2: MODÈLES D’UTILISATION DES TERRAINS AU SEIN DES VILLES Sarah E. Antos* De meilleures politiques et investissements urbains requièrent des informations de meilleure qualité, à jour, sur la manière dont les villes se développent. De récentes études indiquent que le modèle et la forme d’urbanisation pourraient être aussi importants que la vitesse de la croissance (Christiaensen, Weerdt, and Todo, 2013; Christiaensen et Todo, 2014). D’ailleurs, au fur et à mesure que les villes se développent, de gros investissements dans les infrastructures seront nécessaires pour faciliter le déplace- ment des biens et des services, accompagner les échanges de connaissances et d’idées et fournir à leurs résidents une bonne qualité de vie. Mais pour pouvoir maximiser les retours économiques et sociaux de ces investissements, la fourniture d’infrastructures doit être calquée sur la configuration spatiale des personnes et des terrains. Si ce n’est pas le cas, des ressources risquent d’être gaspillées alors qu’une grande partie de la population reste mal desservie et déconnectée des emplois et des marchés. Pour comprendre la manière dont les villes se développent, nous utilisons des images satellitaires à haute résolution pour en tirer une caractérisation des modèles d’utilisation des terres dans les villes haïtiennes. Nous utilisons l’imagerie à haute résolution pour identifier de nombreux types de couverture terrestre en utilisant un algorithme semi-automatique. Ces images à haute résolution (50cm) sont trans- formées en cartes de la couverture terrestre en utilisant une méthodologie développée par Graesser et al (2012). Ce processus permet d’utiliser à la fois des informations texturales et des informations spectrales tirées des images pour distinguer entre différentes utilisations comme les régions boisées, les bâtiments résidentiels et les entrepôts industriels.1 Cette méthode, qui avait été créée à l’origine pour détecter les bidonvilles dans les grandes villes, s’est avérée efficace dans différents types de ville (Kandahar, Kabul, Caracas, et La Paz).2 D’autre part, on a vu qu’elle était également efficace pour capturer les changements de la couverture terrestre dans cinq grandes villes en Afrique grâce à Antos, Lozano-Gracia, et Lall (2016).3 Depuis sa création, elle a été adoptée par le bureau américain du recensement, US Census Bureau, le laboratoire US Department of Energy’s Oakridge Laboratory ainsi que l’Université George Washington.4 1 Exum et al (2005). Estimating and Projecting Impervious Cover in the Southeastern United States. U.S. Environmental Protection Agency. 2 Jordan Graesser et al. 2012 Image based Characterization of formal and informal neighborhoods in an urban landscape. IEEE Journal of Selected Topics in Applied Earth Observations and Remote Sensing 5 (4) August:1164-1176. 3 Antos, Sarah Elizabeth and Lall, Somik V. and Lozano-Gracia, Nancy, The Morphology of African Cities (December 9, 2016). World Bank Policy Research Working Paper No. 7911. Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=2883394 4 High-Resolution Urban Image Classification Using Extended Features: Data Mining Workshops (ICDMW), 2011 IEEE 11th International Conference Dec. 2011. Author: Vatsavai, R.R. Published by IEEE. La classification des images et leur analyse a été menée par Sarah E. Antos, avec le support précieux de Lauren Nicole Dauphin. L’analyse a également bénéficié de l’expertise et des données auxiliaires fournies par le Centre National de l’Information Géo-Spatiale (CNIGS) de Haïti ainsi que des indications du World Bank’s Geospatial Operational Support Team (GOST). 107 La méthodologie est utilisée pour dériver des cartes de couverture terrestre sur neuf villes 5 en Haïti à deux périodes distinctes. Pour des détails complémentaires sur la méthodologie, voir l’Encadré 1. L’analyse révèle que Port-au-Prince est surpeuplée et que la densité continue à augmenter. Port-au- Prince, qui est la plus grande agglomération urbaine du pays, a une superficie construite de plus de 10 fois plus importante que n’importe quelle autre zone urbaine dans le reste du pays et a plus de zones construites que le reste du pays combiné. Port-au-Prince a également une forte densité de population avec environ 32 500 personnes au kilomètre carré dans un rayon de 1 à 2 km autour du centre-ville (considéré comme le Marché en Fer - Iron Market). Il s’agit de niveaux de densité qui sont comparables à certaines zones de Manhattan, alors qu’il n’y a que très peu de gratte-ciels. La ENCADRÉ 1 – UTILISER DES DONNÉES SATELLITAIRES POUR COMPRENDRE LA CROISSANCE URBAINE ET L’UTILISATION DES TERRES L’approche de classification semi automatisée examine la composition structurelle et la texture de différents quartiers en regroupant les terrains qui présentent desmodèles similaires dans une classe unique.6 L’algorithme a été programmé pour détecter des routes mais seules les principales voies d’accès ont pu être identifiées avec succès. Un vecteur relatif au réseau de routes du CNIGS a donc été modifié pour refléter d’une manière précise l’origine de chaque image.7 Cette ligne vectorielle a ensuite été convertie en une trame et fusionnée à la couche classifiée, de manière à ce que la carte définitive de couverture terrestre puisse montrer les routes primaires, secondaires et résidentielles. Une attention particulière a été accordée à la répartition des quartiers à allure ‘résidentielle’ entre ceux qui sont formels et ceux qui sont informel et pour CapHaïtien nous avons ajouté une classe résidentielle clairsemée. Le terme « résidentiel clairsemé » a été défini comme étant composé de petites structures à faible densité entourées par une importante végétation alors que les terrains résidentiels formel présentaient des toits plus grands et plus rapprochés les uns des autres. En règle générale, si les toits étaient espacés de plus que la largeur de deux toits d’un autre bâtiment, la zone était considérée comme une zonerésidentielle clairsemée. Ces quartiers se trouvent en général plutôt près de la périphérie des villes et des nouveaux quartiers. Notons que cette classe n’a été utilisée qu’à Cap-Haïtien, à cause de l’augmentation importante de nouvelles maisons dans les périphéries de la ville à faible densité. Par comparaison, la croissance à Port-au-Prince est beaucoup plus dense avec de nouveaux toits, serrés les uns contre les autres, qui apparaissent dans toute la ville. La classe camion/tente a été créée pour éviter les confusions entre les petits toits et d’autres objets de petite taille. La taille des toits dans la classe résidentielle illégale était tellement petite (souvent entre 10 et 20 mètres carrés) que l’algorithme a commencé à faire des erreurs de classification avec des groupes de 5 Dont: Cap-Haïtien, Port-au-Prince, Quanaminthe, Fort Liberté, Jérémie, L’Estere, Mirebalais, Jacmel et Miragoane. 6 Le code de ce processus de classification est un code open source dans un répertoire GitHub (https://github.com/jgrss/ mappy). Pour le télécharger gratuitement, enregistrez-vou et demander l’accès à github user: jgrss. 7 La couche de routes venait du Centre National de l’Information Géo-Spatiale (CNIGS), 2016, créée en tant qu’élément d’une étude d’index d’accessibilité rurale. 108 tentes, des étals de marchés, des camions sur les parkings, des containers de fret et des mausolées en tant qu’unités résidentielles illégales. C’est pour cette raison que cette classe expérimentale a été créée pour représenter les zones avec des groupes d’objets plus petits des maisons mais plus grands que des voitures personnelles. La classe commerciale/industrielle représente des zones avec des bâtiments qui sont considérablement plus grands que des maisons individuelles. Ces bâtiments présentent de longues structures linéaires ou des courbes géométriques distinctes. Il s’agit souvent d’usines, de bâtiments commerciaux ou d’unités de fabri- cation qui sont en général entourés par des parkings asphaltés ou des routes importantes. 8 Il faut noter que les grands complexes d’appartements sont difficiles à différencier des grands immeubles de bureaux et sont donc souvent classifiés en tant que commerciaux/industriels. D’autre part, les petites entreprises comme celles qui sont installées dans des maisons particulières ou dans des structures de la taille d’unmaison individuelle seront classifiées comme résidentielles. Compte tenu de tous ces défis, nous n’insisterons jamais assez sur l’importance de confirmer sur le terrain les résultats de la classification et de compléter l’analyse par des connaissances locales. Enfin, l’algorithme a été programmé pour détecter des routes mais seules les principales voies d’accès ont pu être identifiées avec succès. Un vecteur relatif au réseau de routes du CNIGS a donc été modifié pour refléter d’une manière précise l’origine de chaque image.9 Cette ligne vectorielle a ensuite été convertie en une trame et fusionnée à la couche classifiée, de manière à ce que la carte définitive de couverture terrestre puisse montrer les routes primaires, secondaires et résidentielles. Les sites de formation sont des zones qui ont été sélectionnées à partir de l’analyse men tant que stéréo- types de la couverture terrestre spécifiée à identifier. Ces sites mseront ensuite utilisés pour ‘former’ le classificateur de manière à ce qu’il puisse identifier des zones similaires sur toute l’image. Les sites de formation utilisés dans cette étude ont été extraits par des experts en télédétection qui ont une grande expérience dans la classification de nombreuses villes à partir des caractéristiques physiques visibles sur les images lorsqu’on dessine les polygones pour les sites de formation. Des exemples de sites de formation utilisés dans ce travail pour les différentes classes de couverture terrestre sont montrés ci-des- sous. Pour renforcer l’analyse de la détection des changements qui observe deux images à deux moments distincts dans le temps, les mêmes sites de formation ont été utilisés, dans la mesure du possible, pour classifier les deux images. Pour assurer la comparabilité entre les classes dans le temps, les sites de formation ont d’abord été dessinés sur chaque image précédente des villes (2005 pour CapHaïtien et 2006/7 pour Port au Prince). Ensuite, dans la mesure du possible, les sites de formation ont été utilisés pour former les images plus récentes. Dans certains cas, la couverture terrestre avait changé et les sites ont dû être modifiés mais 95 % des sites de formation sont restées les mêmes. Le modèle, construit en échantillonnant les sites de formation, n’a pas été non plus modifié entre les différentes périodes de temps. 8 ibid. 9 La couche de routes venait du Centre National de l’Information Géo-Spatiale (CNIGS), 2016, créée en tant qu’élément d’une étude d’index d’accessibilité rurale. 109 Captures d’écran des polygones de sites de formation 1.Eau. 2.Végétation. 3.Résidentiel légal. 4.Résidentiel illégal. 6.Commercial Industriel. 110 7. Camions/tentes. 8 Résidentiel clairsemé. densité décline progressivement au fur et à mesure que l’on s’éloigne du marché, mais recommence à augmenter à une distance d’entre 6 et 7 km du centre où sont situées deux des municipalités les plus denses - Pétion-Ville et Delmas. Il est intéressant de noter également que le ratio de croissance entre Port-au-Prince et Croix-des-Bouquets est resté constant sur la période entre 1975 et 2011, ce qui indique que le centre de la ville a continué à se densifier dans le temps. La structure spatiale de Port-au-Prince ressemble à celle de villes africaines comparables mais les niveaux de densité sont plus élevés. Lorsqu’on compare des villes africaines avec des niveaux similaires de revenus par tête, Port-au-Prince montre des niveaux de densité considérablement plus élevés. Comme on peut le voir dans la Figure 2 (B), le modèle de répartition de la population ressemble de très près à celui de Nairobi, la capitale et la plus grande ville du Kenya, ainsi qu’à celui d’Addis, en Ethiopie.10 Dans ces trois villes, nous observons une concentration importante de la population qui vit dans un rayon d’un kilomètre du Quartier Central des Affaires (QCA), avec une forte baisse constante de la densité de population au fur et à mesure qu’on avance vers la périphérie. Pourtant, Port-au-Prince est plus dense: 28 700 habitants au kilomètre carré vivent dans un rayon d’un kilomètre autour du marché principal alors qu’il s’agit de 21 700 habitants par kilomètre carré à Nairobi. 10 Par rapport aux données que nous avons utilisées pour classifier le système des villes en Haïti, les informations sur la répartition à l’intérieur des villes sont extraites du US Census Demobase (Landscan). Il s’agit de cartes de population maillées à haute résolution, basées sur une combinaison de données issues du recensement et de d’analyse d’images satellitaires, plus précises que WorldPop, et surtout qui permettent une comparaison entre Port-au-Prince et des villes africaines similaires à la capitale haïtienne en termes de revenus par tête. Basé sur des estimations de 2012 d’Oxford Economics, le PIB par tête à Port-au-Prince se montait à $1 547 US. A Addis Abeba il était estimé autour de $727 US, à Nairobi $2 592 US, à Kigali $1 380 US, et à Dar Es Salaam $2 915 US. 111 Ce modèle de croissance reflète probablement des obstacles topographiques: Port-au-Prince est flanquée par des montagnes au sud et des zones côtières inondables au nord. Comme nous le voyons sur les images (A) et (B) de la Figure 3, la croissance a été globalement restreinte aux zones qui comportaient déjà des implantations à l’exception des nouveaux bâtiments résidentiels au nord-ouest et d’une grande zone de quartiers informels au nord. La zone appelée ‘Canaan’ en fait partie : une implantation d’environ 200 000 personnes qui n’existait pas avant le tremblement de terre de janvier 2010. En mars de cette année-là, un décret présidentiel a déclaré la zone ‘d’utilité publique’. Des milliers de ménages se sont précipités pour occuper le terrain et construire alors même que la deuxième partie du décret interdisait toute construction, subdivision ou transaction dans la zone.11 Figure 1. SUPERFICIE ET DENSITÉ DE PORT-AU-PRINCE (A) Port-au-Prince 2016, changement de la couverture (B) Densité comparée avec les villes africaines terrestre en fonction de la distance du centre-ville Source: élaboration des auteurs en utilisant l’imagerie de 2016 50cm WorldView2. 11 Ce calcul est basé sur des estimations de population dérivées de données WorldPop de 2015 (ajustées UN) et n’inclue que la zone des Sections “Haut du Cap” et “Petite Anse”. 112 LA CROISSANCE À PORT-AU-PRINCE Figure 2. (A) Port-au-Prince – Déc. 2006/Jan 2007 (B) Port-au-Prince, 18 février 2016 Source: Authors’ elaboration using 2006 50cm QuickBird2 imagery and 2016 50cm WorldView2 imagery. Au Cap-Haïtien, les résidents sont également agglutinés dans les zones centrales de la ville. Le graphique de la Figure 4 en donne une représentation visuelle. La population de Cap-Haïtien dépasse les 200 000 personnes et son empreinte urbaine déborde des frontières municipales. La densité moyenne de population dans la ville est estimée à environ 7 800 personnes par kilomètre carré.11 Comme nous le voyons sur la Figure 6, les terrains résidentiels sont principalement concentrés dans le centre de la ville et représentent environ 20 % des terrains qui se situent dans un rayon de 2 à 4 km du centre- ville. Ce modèle est extrêmement différent des autres villes de taille similaire en Amérique centrale et en Amérique du Sud où les zones résidentielles sont restées concentrées au centre et représentent moins de 5 % des terrains totaux à une distance de 3 km du centre-ville. La ville du Cap-Haïtien est particulièrement impressionnante avec une extension des quartiers résidentiels au-delà d’un rayon de 4 km autour du centre-ville, qui reflète probablement des obstacles topographiques : l’expansion vers le nord-ouest est limitée à cause des collines escarpées (Morne du Haut du Cap). 113 Figure 3. CHANGEMENT DE LA COUVERTURE TERRESTRE À CAP-HAÏTIEN EN FONCTION DE LA DISTANCE DU CENTRE-VILLE (2015) Source: Élaboration des auteurs en utilisant les couches classifiées créées en utilisant l’imagerie 2015 50cm GeoEye1 comme input. L’imagerie satellitaire révèle toutefois des zones résidentielles clairsemées qui émergent dans d’autres zones périphériques. Les efforts de classification des images satellitaires permettent également de voir combien de terrains sont affectés aux infrastructures routières dans chaque ville. Une comparaison de cet indicateur est présentée dans la Figure 5, et montre que les villes haïtiennes sont tout en bas de la liste et même loin derrière certaines villes africaines. Alors qu’à Accra, environ 11 % des terrains de la ville sont consacrés aux routes, à Port-au-Prince il s’agit de moins de 5 %. 114 PROPORTION DE TERRAINS AFFECTÉS AUX ROUTES URBAINES, UNE COMPARAISON ENTRE LES VILLES EN HAÏTI ET D’AUTRES Figure 4. VILLES DANS LE MONDE Source: Les villes en bleu sont les calculs des auteurs à partir des couches classifiées. Tous les autres chiffres viennent d’UN Habitat 201312 12 Habitat. 2013. “The Relevance of Street Patterns and Public Space in Urban Areas.” UN HabitatWorking Paper. UN Habitat. 115 RÉFÉRENCES Christiaensen, L., J. Weerdt, and Y. Todo. 2013. Urbanization and poverty reduction: the role of rural diversification and secondary towns. Agricultural Economics, 44(4-5), 435-447. Christiaensen, L., and Y. Todo. 2014. Poverty reduction during the rural–urban transformation–the role of the missing middle. World Development, 63, 43-58. Graesser, J., A. Cheriyadat, R.R. Vatsavai, V. Chandola, J. Long, and E. Bright. 2012. Image based characterization of formal and informal neighborhoods in an urban landscape. IEEE Journal of Selected Topics in Applied Earth Observations and Remote Sensing, 5(4), 1164-1176. Antos, S.E., N. Lozano-Gracia, and S.V. Lall. 2016. “The Morphology of African Cities.” World Bank Policy Research Working Paper, no. 7911. 116 CHAPTER 3 FAÇONNER LES MARCHÉS DU TRAVAIL : CONNECTIVITÉ, EMPLOIS ET RISQUES Paolo Avner Guilherme Augusto Zagatti Nancy Lozano-Gracia Miguel Gonzalez Canudas Sarah Elizabeth Antos et Linus Bengtsson* PORT-AU-PRINCE, OUEST, CAPITALE PHOTOGRAPHIÉE PAR JAMES G. PINSKY, 2009 SOURCE: WIKIMEDIA, PUBLIC DOMAIN CHAPÎTRE 3 – FAÇONNER LES MARCHÉS DU TRAVAIL : CONNECTIVITÉ, EMPLOIS ET RISQUES CONNECTIVITÉ DANS LES ZONES d’agglomération qui ont stimulé la croissance URBAINES EN HAÏTI. dans les économies développées et émergentes. Le transport motorisé est cher par rapport Parallèlement, la vulnérabilité d’Haïti au budget des ménages dans les zones urbaines aux catastrophes naturelles ajoute des défis haïtiennes. Une bonne partie de la popula- supplémentaires aux réseaux de transports tion urbaine ne peut donc se permettre de se urbains. Toute perturbation de connexions déplacer autrement qu’à pied. Ces personnes spécifiques aura des effets en cascade sur qui font la navette1 ont donc le choix entre l’économie sous forme d’accès limité aux un long trajet épuisant jusqu’aux principaux emplois et en isolant parfois des quartiers bassins d’emploi dans les zones urbaines complets du reste de l’économie urbaine. ou accepter un emploi proche de chez elles, Il est nécessaire d’améliorer le système de qui a moins de chances de correspondre à connectivité pour renforcer la résilience, leurs talents et leurs aspirations. Pour celles promouvoir la croissance économique et la qui choisissent de se déplacer régulièrement création d’emplois. Même si de gros inves- en Tap-Tap, elles ont accès à un plus grand tissements et des politiques à grande échelle réservoir d’emplois mais avec de gros frais de pourraient permettre une meilleure coordina- déplacement qui réduisent le budget disponible tion des transports et de l’utilisation des sols, pour se nourrir, s’habiller et se loger. L’accessi- ils sont probablement hors d’atteinte en Haïti bilité est mauvaise dans les deux cas de figure, aujourd’hui. Ce sont plutôt des améliorations ce qui génère des marchés du travail fragmentés graduelles et des investissements permettant – où l’appariement entre personnes et opportu- de mieux utiliser l’espace consacré aux routes nités économiques existera au niveau local – qui et l’orientation du développement urbain ont peu de chances de permettre les économies à venir vers des zones sécurisées et bien 1 Par navette nous désignons les déplacements quotidiens ou quasi-quotidiens, ordinairement domicile-travail *L’équipe tient à remercier Digicel pour avoir fourni un accès aux données de téléphonie mobile (CDR). Nous sommes reconnaissants des supports financiers apportés par l’équipe “emploi” ainsi que par LLI (Trevor Monroe) au sein de la Banque mondiale et qui ont permis de mener à bien l’analyse des CDR. Katie L. McWilliams, Benjamin P. Stewart et Lauren Nicole Dauphin ont été une aide précieuse pour le lancement des analyses de réseau et le calcul des temps de transport à Port-au-Prince et Cap Haïtien. Pierre Xavier Bonneau a fourni des conseils avisé sur ce chapitre et, avec Malaika Becoulet et Franck Taillandier, a permis à l’équipe de naviguer les problématiques du transport urbain en Haïti. La connaissance approfondie de l’enquête ECVMAS d’Emilie Perge a permis de documenter les dépenses en transport des ménages et l’écriture des sections de ce chapitre s’y rapportant. 121 connectées qui pourraient permettre d’aug- sociétés bénéficient également de la proximité menter la vitesse sur les routes, de réduire la des marchés du travail et des produits que consommation de carburant et d’améliorer permet la densité des villes. Lorsqu’il propose la résilience du réseau. Comme nous allons un emploi, un employeur aimerait pouvoir le présenter en détails dans ce chapitre, ce choisir parmi le plus grand nombre possible type de solutions pourrait représenter une de candidats pour sélectionner celui qui corre- première étape vers un marché du travail plus spond le mieux à l’emploi. Cet appariement dynamique et mieux intégré, susceptible de entre personnes et opportunités économiques stimuler le développement économique et la est rendu possible grâce à la connectivité : création d’emplois. la capacité d’être informé des opportunités qui conviennent et de pouvoir s’y rendre tous Les villes en tant qu’intermédiaires entre les jours. Par contre, lorsque l’accessibilité les personnes et les emplois est limitée, la probabilité d’arriver à un bon Avec une bonne accessibilité, les villes appariement entre personnes et opportu- peuvent devenir des marchés du travail intégrés nités économiques est plus mince puisque les qui fournissent des opportunités aux résidents sociétés/ménages doivent choisir parmi un et leur permettent de choisir des emplois dans nombre plus limité de travailleurs/emplois. un bassin plus large et donc pour une plus En règle générale, les emplois situés en dehors grande prospérité (Bertaud 2014). Les marchés des clusters économiques à haute densité ont du travail intégrés existent lorsqu’un individu tendance à être plus rares, plus informels et a accès à une large gamme d’opportunités moins bien payés. Une accessibilité réduite d’emplois dans une ville à un coût raisonnable contraint également les familles à s’installer ou dans un délai raisonnable. Les marchés plus près des emplois, ce qui peut s’avérer être du travail intégrés de grande taille permettent un inconvénient puisque les terrains et les un meilleur appariement entre personnes logements y sont plus chers, ce qui force à son et emplois en augmentant le nombre et la tour ces familles à vivre dans des conditions diversité des employeurs et des demandeurs basiques et donc à entretenir le phénomène d’emplois, ce qui leur permet de combiner au des bidonvilles centraux que l’on trouve par mieux leurs compétences et leurs aspirations exemple dans de nombreuses villes africaines respectives (Voir Encadré 1 de l’Annexe 5 pour (Antos, Lozano-Gracia, et Lall 2016). une position universitaire surl’accessibilité et La gestion des villes peut contribuer à la productivité). Envisageons par exemple un fournir aux résidents de bons niveaux d’acces- instituteur ou un charpentier à Port-au-Prince sibilité. Des interventions visant à coordonner qui cherche un emploi. Il pourrait poser sa l’utilisation des sols et les transports, peuvent candidature pour une dizaine d’emplois, et s’il simultanément réduire la déconnexion entre peut effectivement se déplacer tous les jours les zones résidentielles et les opportunités pour se rendre à chacun de ces emplois qui d’emplois grâce à une planification efficace lui sont proposés, il pourrait choisir celui qui qui raccourcit les temps de déplacement. correspond le mieux à ses aspirations en termes Des réductions du coût des transports se de salaire, de domaine ou même en termes de sont avérées avoir des impacts positifs sur les situation géographique. Avec un accès facile, les perspectives d’emploi des jeunes en Éthiopie 122 (Franklin 2015) et en France (Le Gallo, Améliorer l’accessibilité ne va pas solutionner L’Horty, et Petit 2017) alors que les interven- tous ces problèmes mais ne pas traiter les tions sur l’aménagement du territoire ont défis d’accessibilité urbaine limite les progrès également le potentiel de renforcer l’accessi- en matière de productivité et d’habitabilité. bilité à l’emploi (Avner et Lall 2016; Peralta Lorsque les catastrophes sont répandues, Quirós et Mehndiratta 2015). Par contre, l’appariement entre personnes et oppor- des politiques urbaines inadaptées peuvent tunités économiques est plus difficile favoriser la déconnexion au sein même des L’exposition extrême d’Haïti aux catastro- zones urbaines. L’étalement tentaculaire et phes naturelles met l’économie en péril. le développement immobilier à basse densité Comme nous l’avons mentionné dans le dans les villes mexicaines étaient partielle- Chapitre 2, Haïti est un des pays les plus ment le résultat d’une réforme de la politique exposés aux catastrophes naturelles au de logement en 2000. À Mexico City, les monde. 93 % de sa surface et plus de 96 % de ménages à bas revenus qui vivent dans les sa population sont exposés à un minimum de zones périurbaines peuvent passer quatre deux risques (Banque mondiale et ONPES heures de plus par semaine à faire la navette 2014). 56 % du PIB du pays sont liés à des par rapport aux familles à bas revenus qui zones exposées à des risques d’au moins deux vivent dans des zone plus centrales (Kim et dangers et c’est la raison pour laquelle chaque Zangerling 2016). Et c’est en Afrique du Sud événement, qu’il s’agisse d’un ouragan, d’une que l’impact des politiques sur la forme des inondation, d’un tremblement de terre, d’un villes et sur l’accessibilité des résidents est le glissement de terrain ou d’une sécheresse, plus visible avec les politiques d’apartheid qui a des conséquences économiques (Banque ont créé une structure spatiale total séparée mondiale et ONPES 2014). D’après l’évalu- avec les Coloureds et les Africains vivant dans ation de la pauvreté réalisée par la Banque les zones périphériques du Cap pratiquement mondiale et le Gouvernement d’Haïti 2014, déconnectés des opportunités d’emplois. Il la vulnérabilité est très étendue dans le pays. s’ensuit que les Africains avaient en moyenne Un million de personnes vivent légèrement des durées de déplacement qui étaient de 70 au-dessus du seuil de pauvreté et pourraient % plus élevées que celles des Blancs en 1998 être poussés en dessous de ce seuil par un (Rospabe and Selod 2006). choc. Presque 75 % des ménages subissent un La connectivité et l’accessibilité sont des impact économique d’au moins un choc par conditions nécessaires – mais pas suffisantes an et ce sont les catastrophes météorologiques – pour avoir des marchés du travail urbains qui ont le plus gros potentiel perturbateur. efficaces. Créer des emplois et réussir à mettre en place des marchés du travail efficaces LE TRANSPORT URBAIN EN HAÏTI EST demandent une solution multidimension- TRÈS LENT ET INABORDABLE POUR nelle pour dépasser de nombreux obstacles BEAUCOUP qui vont du manque de système financier Les données sur les modèles de mobilité et de système bancaire pour créer des entre- des citadins haïtiens et des systèmes de trans- prises, en passant par un niveau d’éducation ports urbains sont rares. Une enquête a été limité et un cadre réglementaire onéreux. réalisée en 2004/2005 par l’IHSI (Institut 123 Haïtien de Statistique et d’Informatique) pour Une très grande partie de la population documenter la contribution des activités reliées marche en Haïti et l’utilisation des trans- au transport au PIB national (IHSI 2007) ports motorisés est marginale. La proportion ainsi que la structure de coûts des différents des ménages qui dépense de l’argent pour services de transport. Toutefois, cette étude n’importe quel type de transport en 2011/2012 est dépassée. Un effort plus récent, conduit par était basse avec 46 % au niveau national, ce la Banque interaméricaine de développement qui veut dire que 54 % des ménages n’util- (BID) a produit un rapport qui documente les isaient aucun type de transport motorisé modèles de transports urbains dans la région (Cadena et Perge 2017). Quand on ne regarde métropolitaine de Port-au-Prince en 2010/2011. que le quotidien, c’est-à-dire le transport qui Même si ce rapport se concentre uniquement est utilisé pour faire la navette et pour les sur Port-au-Prince, il comporte de nombreuses déplacements ordinaires, la proportion des informations et il est donc très utile de résumer ménages qui y consacre un budget est même ici ses principales observations en considérant plus bas à 26,6 %. Sans enquête sur les déplace- que les défis documentés s’appliquent proba- ments qui pourrait déchiffrer la proportion blement aussi aux autres zones urbaines des différents modes de déplacement, nous majeures en Haïti comme Cap-Haïtien, même interprétons ce chiffre comme étant la propor- si c’est à un moindre degré. tion de personnes qui utilisent régulièrement Le transport motorisé est dominé par les des transports motorisés dans les villes. Les Tap-Tap à Port-au-Prince. Les Tap-Tap sont des 73,4 % restants, soit ne se déplacent pas, soit pickups convertis, souvent importés des États- ils réalisent tous leurs déplacements à pied. Unis et du Canada, et qui peuvent transporter La Figure 9 montre qu’entre le premier et le jusqu’à 14 personnes; mais en embarquent troisième quintile, la proportion de ménages souvent jusqu’à une vingtaine. Parallèlement qui, soit ne fait pas la navette, soit se déplace aux Tap-Tap, il y a des minibus et des bus à pied, pourrait se situer entre 79 et 92 % au d’une capacité entre 12, 30 et 60 personnes niveau national. Dans la région métropolit- respectivement. Les mototaxis sont un moyen aine de Port-au-Prince à elle seule, les mêmes de transport de plus en plus populaire à chiffres montrent une utilisation plus impor- Port-au-Prince et leur petite taille leur permet tante des transports au quotidien ou régulière- de se faufiler et donc d’éviter partiellement les ment avec la part des ménages qui n’utilise embouteillages de la région métropolitaine jamais de transport motorisé pour faire la (Ryko, 2014). Les voitures particulières et les navette qui se situe entre 66 et 80 % pour les deux-roues représentaient, en 2011, une part premiers trois quintiles mais qui baisse à 49 % marginale de la demandeen transport avec 7 environ pour le quintile le plus riche. %, tout le reste étant public (93 %). Compar- Les catastrophes naturelles, en détruisant ativement, le transport public motorisé est les infrastructures de connexion, peuvent dominé par les Tap-Tap (56 %) et les minibus exacerber les défis d’accessibilité aux oppor- (24 %). Les bus ajoutent 8 % supplémentaires tunités dans les zones urbaines. Alors que de alors que les mototaxis avaient une part de grandes catastrophes comme des tremblem- marché de 3,7 % en 2011, qui a probablement ents de terre ont le potentiel de perturber de augmenté ces dernières années. très grandes zones urbaines, des événements 124 L’UTILISATION DU TRANSPORT MOTORISÉ QUOTIDIEN/RÉGULIER Figure 1. AUX NIVEAUX NATIONAUX ET MÉTROPOLITAINS EST BASSE Note: “L’utilisation ” est définie comme la part des ménages qui dépense de l’argent pour le transport par quintile. Source: Basé sur Cadena and Perge (2017) en utilisant ECVMAS (2012). de moindre ampleur comme des inondations, chapitre actuel va contribuer à identifier les peuvent toutefois perturber les économies principaux corridors qui doivent être robustes locales en détruisant les réseaux de transport et redondants pour assurer l’accès aux oppor- et en rendant donc les déplacements et tunités en cas de catastrophe. les échanges extrêmement difficiles. Pour Un peu moins d’un tiers des ménages dans renforcer la résilience des zones urbaines, il est la région métropolitaine utilise un transport donc essentiel de comprendre la vulnérabilité motorisé tous les jours alors que 57 % n’en du réseau de transport à des catastrophes n’utilisent jamais. La Figure 2 se concentre naturelles de faible ampleur. Une manière de sur les ménages qui déclarent dépenser mesurer la vulnérabilité du réseau de transport de l’argent pour un transport régulier et consiste à calculer les conséquences sur l’acces- examine la fréquence de cette utilisation sibilité de la destruction de certains segments des services de transport. Dans la région spécifiques du réseau. Alors que le Chapitre 2 métropolitaine de Port-au-Prince, le choix s’était penché sur les conséquences du manque d’utiliser un transport régulier est un choix de documentation de la planification ou de binaire : soit les ménages l’utilisent tous les la mise en œuvre de l’augmentation de la jours ou au moins plusieurs fois par semaine vulnérabilité aux catastrophes naturelles, le (83 % des utilisateurs et 36 % du nombre 125 Figure 2. PARMI CEUX QUI UTILISENT UN TRANSPORT MOTORISÉ RÉGULIER, LA PLUPART D’ENTRE EUX L’UTILISE TOUS LES JOURS Note : fréquence d’utilisation pour les utilisateurs de transport régulier. Source: Extrait de Cadena et Perge (2017) en utilisant ECVMAS (2012). total des ménages), soit ils ne l’utilisent pas quotidien sont plus répandus. Il semblerait du tout. L’utilisation irrégulière du transport que cette situation soit due principalement à quotidien est limitée (16 % des utilisateurs ou l’inclusion de résidents de zones rurales qui 7 % du nombre total des ménages). D’autre ont moins de besoins de transport régulier. part, à l’exception du premier quintile qui Le transport motorisé est inabordable et compte une part moins importante d’utilisa- c’est ce qui semble être la raison principale du teurs du transport régulier tous les jours, la grand nombre de personnes qui marchent. fréquence d’utilisation est plutôt constante, Le ministère des affaires sociales (MAST) quel que soit le niveau de revenus avec 72 à contrôle les prix du transport public et des 78 % des ménages qui utilisent un transport produits pétroliers. Les courses en Tap-Tap régulier tous les jours contre 61 % pour sont donc réglementées pour rendre le le premier quintile. Au niveau national, transport motorisé plus abordable. Toutefois les utilisateurs occasionnels de transport la règle appliquée pour définir le prix des 126 courses n’est pas claire pas plus que le niveau au-dessus de US$ 27 (taux de change de 2012). d’application de la réglementation dans la À partir du prix de la course en Tap-Tap qui est pratique. En dépit de cette réglementation en moyenne de $0,35 US, ce budget permettrait des tarifs, les habitants pauvres de Port-au- moins de 40 allers-retours par an. Les Prince ne peuvent pas se permettre d’utiliser ménages non pauvres dépensent en moyenne le Tap-Tap pour leurs déplacements tous sept fois plus que les ménages pauvres en les jours. Kopp et Prud’homme (2011) ont transport quotidien/régulier. Ceci indique estimé que le coût unitaire d’une course en une fois encore que l’utilisation des transports Tap-Tap – le mode de transport motorisé le motorisés dépende largement des niveaux de moins cher – se situait autour de $0,07 US par revenus. Étant donné que le transport motorisé kilomètre, ce qui représente environ $0,35 US reste inabordable pour de nombreux ménages, pour une course de 5 km. Des témoignages la part des dépenses consacrée au transport anecdotiques plus conservateurs indiquent (et notamment au transport régulier) reste que les courses en Tap-Tap sont moins basse. La partie gauche de la Figure 3 montre chères, aux alentours de 5 Gourdes, soit $0,12 qu’elle oscille entre 1,5 et 2,1 % des dépenses 2 US au taux de change de 2012. D’autre part, des ménages pour les trois quintiles les plus les dépenses par tête du quintile le plus bas bas dans la région métropolitaine et qu’elle est étaient d’environ 9700 HTG 9700 soit $230 plus basse dans d’autres zones géographiques. US. Donc, si le déplacement en Tap-Tap Le quintile le plus riche dépense 2,5 fois plus est effectuédeux fois par jour, cinq jours par que le quintile le plus bas par rapport à ses semaine, les dépenses en transport représen- dépenses totales. Ces chiffres très bas s’expli- teraient entre 25 et 73 % des dépenses par tête quent principalement par la faible utilisation du quintile le plus bas. Il resterait donc à très du transport régulier. Lorsqu’on se concentre peu d’argent disponible pour les dépenses spécifiquement sur les utilisateurs de transport fondamentales comme la nourriture, le régulier (Figure 3, partie droite), la situation logement et les vêtements. est très différente avec un pourcentage des Le transport étant inabordable, la part du dépenses qui oscille entre 6,4 et 7,8 % des budget consacrée aux transports reste basse. dépenses totales dans la région métropolit- Les ménages donnent plutôt la priorité à la aine alors que le quintile qui a les revenus les nourriture et au logement. L’enquête ECVMAS plus bas y consacre la plus grande partie de ses (IHSI 2012) réalisée en 2012 montre que les dépenses. Même si ces chiffres ne sont pas très pauvres dépensent en moyenne très peu élevés en termes absolus comparés aux autres en transport quotidien/régulier même par pays (environ 15 % en Argentine et en France), rapport à leurs dépenses totales, environ 1139 pour un pays à bas revenus comme Haïti, ils Gourdes par an et par ménage soit légèrement restent importants. Pour mettre ces résultats 2 Une étude examinantle prix des courses en Tap-Tapest actuellement en cours. Les premiers résultats indiquent un tarif moyen de 11-12 HTG, ce qui correspondrait à $0,17 à $0,19 USen utilisant le taux de change du 2 juin 2016. Ces prix sont toutefois difficilement comparables aux dépenses en 2012. Il y a également de grandes différences dans le prix des courses en Tap-Tap en fonction du circuit comme on le voit sur les tarifs officiels : http://www.haitilibre.com/article-13327-haiti-avis-nouveaux- tarifs-du-transport-en-commun-zone-metropolitaine.html. Ces tarifs officiels semblent être globalement cohérents avec les tarifs de courses en Tap-Tap constatés par l’enquête en cours 127 LA PART DES DÉPENSES CONSACRÉE AUX TRANSPORTS QUOTIDIENS/ RÉGULIERS PAR RAPPORT AUX DÉPENSES TOTALES PAR QUINTILE DE REVENUS ET ZONE GÉOGRAPHIQUE POUR TOUS LES MÉNAGES (À Figure 3. GAUCHE) ET POUR LES UTILISATEURS DE TRANSPORTS QUOTIDIENS/ RÉGULIERS (À DROITE) EST BASSE Figure 3. The shares of expen- diture on regular/daily transport out of total expenditure by income quintile and geographic area for all households (left) and for regular/daily transport users (right) are low Source: Based on Cadena and Perge (2017) using ECVMAS (2012) Source: Extrait de Cadena et Perge (2017) en utilisant ECVMAS (2012) en perspective, les dépenses en riz représen- liers a augmentée et que la Gourde haïtienne tent à elles seules jusqu’à 7 % des dépenses des s’est dépréciée, elles ont augmenté pour ménages pour les quintiles à revenus les plus représenter jusqu’à 2 % du PIB en 2014. En bas (Q1 et Q2). comparaison, les subventions sur les carbu- Historiquement, les prix des carburants rants représentent en moyenne 0,9 % du PIB sont subventionnés depuis longtemps, dans le reste des pays des Caraïbes et même mais le gouvernement d’Haïti a entamé un 0,1 % en République Dominicaine (Banque processus pour éliminer les subventions mondiale 2015). La part importante du PIB grâce un ajustement automatique des prix consacrée aux subventions sur les carburants à la pompe. Les subventions sur les carbu- se fait au détriment de dépenses publiques rants en 2014 représentaient 44 % du prix de importantes comme celles dans le domaine l’essence et 18 % du prix du diesel (Banque de la santé et de la protection sociale qui, en mondiale 2015). En moyenne, la part des 2015, ne se montaient qu’à respectivement subventions en tant que proportion des coûts 0,8 % et 0,3 % du PIB. Enfin les subventions de carburant était de 29 % lorsqu’on tient sur les carburants ont un effet extrêmement compte des volumes de diesel et d’essence. régressif en Haïti avec environ 93 % des Ces subventions avaient un impact fiscal subventions qui bénéficient aux 20 % de la limité en 2010 (0,34 % du PIB) mais au fur population les plus riches, qui ont plus de et à mesure que le prix des produits pétro- chances d’être propriétaires de voitures et de 128 motos (Banque mondiale 2015). À la lumière porteurs. D’un autre côté si les tarifs des de ces chiffres et du caractère non viable de transports publics pouvaient être augmentés ces subventions, le gouvernement d’Haïti pour compenser les opérateurs de Tap-Tap envisage de mettre en œuvre un mécanisme des augmentations des prix du carburant, d’ajustement automatique des prix des ceci ne ferait que rendre les transports carburants qui s’adapte à l’évolution des prix publics encore moins abordables et exclure des carburants à l’international et aux varia- encore davantage les pauvres de l’accès aux tions des taux de change. Ce mécanisme opportunités économiques. Ceci pourrait d’ajustement automatique a été planifié également avoir un impact négatif indirect par un décret législatif de 1995 mais n’a été sur les opérateurs de Tap-Tap en diminuant activé pour lapremière fois qu’en 2003 pour le taux d’occupation de leurs véhicules. être ensuite retiré et réactivé à plusieurs Compte tenu de cette situation, combinée à occasions entre 2008 et 2014. des transports motorisés peu abordables, il est La suppression des subventions sur indispensable de concevoir des mécanismes les carburants et la mise en œuvre d’un de compensation qui pourraient permettre mécanisme d’ajustement automatique de faire en sorte que la suppression des pourraient générer des tensions et rendre les subventions ne se traduise pas par des tarifs transports publics encore moins abordables plus élevés ou par une perte d’activité pour en l’absence de mécanismes compensa- les opérateurs de Tap-Tap. Des mécanismes toires. Étant donné que le prix des courses en compensatoires sont nécessaires pour Tap-Tap est réglementé, une augmentation maintenir ou même augmenter le nombre des coûts en carburant devra être absorbée d’utilisateurs des Tap-Tap en dépit des prix par les opérateurs de Tap-Tap en tant que des carburants plus élevés. Il existe un certain perte non-marginale. Les résultats prélimi- nombre d’options pour procéder de cette naires d’une enquête en cours sur la structure manière. Tout d’abord augmenter la vitesse des coûts des Tap-Tap, montre en effet que le sur les routes grâce à des interventions sur le carburant représente 34 % des coûts alors que réseau routier et en rationalisant les itinéraires des études précédentes mentionnaient même des Tap-Tap pour permettre aux conducteurs un chiffre aussi élevé que 49 % (Banque de Tap-Tap de faire plus d’aller-retour dans mondiale 2015). Les tentatives précédentes un temps donné et donc d’augmenter leurs de mise en œuvre du mécanisme d’ajuste- revenus ainsi que leur marge opérationnelle ment automatique ont échoué partiellement et ainsi permettre de baisser les tarifs. Cette à cause de l’opposition des étudiants, des option est la plus prometteuse et elle devrait syndicats des transporteurs et des organisa- être explorée d’abord. Une autre possi- tions communautaires populaires qui sont bilité consisterait à rendre les Tap-Tap plus descendus dans la rue. La dernière tentative économes en carburant, alors que certains de réintroduire le mécanisme d’ajustement roulent souvent depuis plus de 25 ans (Kopp et automatique en août 2016 a généré une Prud’homme 2011), pour diminuer le volume augmentation de 20 % des prix des carbu- de carburant nécessaire pour parcourir rants et a été suspendue immédiatement une distance donnée et donc les coûts en après la mobilisation des syndicats de trans- carburant. Des interventions publiques pour 129 ENCADRÉ 1 – POLITIQUES DE PRIX DES CARBURANTS ET LEURS IMPLICATIONS SUR LA CONNECTIVITÉ ET LES HABITUDES DES MÉNAGES Depuis 2003, Haïti subventionne les carburants à un coût socio-économique et environnemental très élevé. Les subventions représentent une partie importante des recettes totales (15 %), ce qui a conduit Haïti à moins dépenser dans des secteurs clés commela santé (0,8 % du PIB) et la protection sociale (0.3 % du PIB). Les subventions ont également un effet régressif puisque les ménages pauvres ne dépensent que très peu pour les carburants (0,11 % du budget moyen des ménages). En 2012, les 20 % de la population qui percevaient les revenus les plus élevés ont reçu 93 % des subventions sur les carburants alors que les pauvres ne recevaient que 1,6 % et les très pauvres seulement 0,3 %. Les prix des carburants artificiellement bas ont renforcé la demande en carburants, ce qui a augmenté les niveaux de pollution extérieure et fait baisser les incitations pour les industriels à investir dans des technologies plus efficaces. En 2014, le gouvernement haïtien a commencé à progressivement supprimer les subventions sur les carburants mais les conséquences de cette politique sur la qualité de vie des haïtiens restent toutefois ambiguës. L’élimination complète des subventions n’aura probablement pas de gros effets directs sur la consommation des ménages pour les 40 % lesplus bas en matière de distribution des revenus, étant donné qu’ils dépensent moins de 0,06 % de leur budget annuel en carbu- rants et produits annexes y compris les voitures, les motos et les générateurs d’électricité. Éliminer les subventions augmenteraitles prix des carburants de 29 % mais ne ferait baisser la consommation des 40 % les plus pauvres que de 0,02 %. Pourtant, les effets indirects par le biais des dépenses en transport et en nourriture, pourraient être plus importants –notamment pour les pauvres et les plus vulnérables dans les zones urbaines –pour trois raisons principales. Premièrement, les vulnérables et les pauvres représentent respectivement 40 et 32 % des clients des services de transport, y compris les Tap-Tap et les bus publics. Lesménages vulnérables, en particulier, dépensent environ 4 % de leur budget total pour le transport quotidien ou le transport scolaire. Une augmentation des tarifs de transport due à des prix des carburants plus élevés affecterait négativement le revenu desménages pauvres. Deuxièmement, des coûts de transport plus élevés pourraient impacter les dépenses en nourriture dans le budget des ménages (60 % en moyenne). Ce sont notamment les ménages urbains qui sont particulièrement concernés puisqu’ils achètent en général des produits frais transportés par des commerçants qui viennent des zones rurales. Au niveau national, une augmentation de 30 % des prix des carburants provoquerait une augmentation de 1 % des prix des denrées alimentaires. Troisièmement, la plupart des ménages ruraux et une partie des ménages urbains (26 %) utilise le kérosène pour la cuisine et pour l’éclairage ce qui pourrait coûter plus cher avec des prix de carburant plus élevés. Les utilisateurs vont réagir à l’augmentation des tarifs de transport en marchant plus longtemps pour réduire leurs dépenses en transport. Ils seront ainsi plus exposés aux polluants émis par les véhicules et pourraient être plus fatigués et moins performants à l’école ou au travail. Les propriétaires et opéra- teurs deTap-Tap pourraient essayer de maximiser leurs profits en limitant leurs circuits et en surpeuplant leurs véhicules, ce qui ferait baisser la qualité des services de transport et finirait par en faire une option moins intéressante pour les clients à long terme. L’augmentation des prix des denrées alimentaires pourrait causer des réductions dans la consommation alimentaire quotidienne des pauvres. Dans les zones urbaines, où il est plus facile de trouver des denrées alimentaires à bas prix, les ménages consommeraient 130 des repas de moindre qualité, ce qui aurait des conséquences pour leur santé. Enfin, une augmentation du prix du kérosène pourrait pousser les ménages à réduire le nombre d’heures d’éclairage dans leur logement et à déplacer les activités principales en plein jour. Ceci pourrait avoir des implications pour les heures d’ouverture des commerces ainsi que pour les écoles du soir et le temps consacré à étudier à la maison. La réduction de la consommation de kérosène utilisé pour la cuisine, pourrait ajouter à la pression sur l’environnement lorsque les consommateurs utilisent d’autres types de carburants plus polluants – par exemple le charbon de bois. Globalement, une réduction des subventions sur les carburants pourrait augmenter la pauvreté de 1,1 % – les ménages vulnérables étant les plus impactés. Ces résultats indiquent qu’il est essentiel de tenir compte des effets secondaires pour comprendre le plein impact des réductions des subventions sur les carburants et que des considérations spécifiques pourraient être nécessaires pour minimiser l’impact sur les plus démunis. Source: “Haiti: Steering towards effective fuel subsidy reform” (Perge et al. 2017), basé sur les données ECVMAS 2012 et Haiti Public Expenditure Review (Banque mondiale, 2015a). mettre à la casse les vieux minibus informels et de différents véhicules à Port-au-Prince en peu économes en carburant et subventionner 2010. En général, la vitesse moyenne est de l’achat de véhicules plus efficaces ont été 10,9 km/h. La vitesse des transports publics mises en œuvre au Sénégal et en République est même encore plus basse car les Tap-Tap Dominicaine et pourraient servir de modèle s’arrêtent régulièrement pour prendre des à Haïti dans ce sens (nous en discutons plus passagers et pour en laisser descendre. Les amplement plus bas). Cette option nécessit- utilisateurs de Tap-Tap déclarent que leur erait une analyse plus complète pour vérifier temps de déplacement est d’en moyenne s’il est possible d’identifier un modèle qui 44 minutes par voyage avec une vitesse convienne et qui puisse être négocié avec les moyenne de 8 km/h pour une distance de 5,9 opérateurs. Une assistance technique en cours km. Lorsqu’on inclut le temps de déplace- de la Banque mondiale explore différents ment et la distance à l’itinéraire du Tap-Tap mécanismes pour compenser les augmenta- ainsi que le temps d’attente, la durée tions des coûts de carburants et les résultats moyenne d’un voyage passe à 76 minutes seront utilisés pour voir si la mise à la casse et la distance à environ 7,2 km. Sur la base des vieux Tap-Tap est une option viable. d’un aller-retour par jour, cela veut dire une Le déplacement motorisé à Port-au- moyenne de 152 minutes, c’est-à-dire plus Prince est lent et prend beaucoup de temps, de 2h30, pour un utilisateur de Tap-Tap3. et les coûts en temps sont donc très élevés Les voitures, les taxis, les mototaxis et les y compris pour ceux qui peuvent se le motos se déplacent à des vitesses légèrement permettre. Kopp et Prud’homme (2011) supérieures, 11 km/h au moins, ce qui donne ont utilisé les carnets de déplacement des un temps de déplacement de 32 minutes au véhicules de la Banque Interaméricaine de lieu de 44 minutes pour un déplacement Développement pour évaluer les vitesses similaire à celui de l’utilisateur de Tap-Tap. 3 Il s’agit d’une estimation prudente puisque nous ne tenons pas compte des déplacements supplémentaires que les utilisateurs de Tap-Tap peuvent entreprendre pendant la journée. 131 La lenteur du transport motorisé est le LA STRUCTURE DES ZONES URBAINES DE résultat d’une combinaison du manque PORT-AU-PRINCE ET CAP-HAÏTIEN : OÙ d’infrastructures routières, du mauvais VIVENT LES PERSONNES ? OÙ SONT LES entretien des routes et d’une surtout d’une OPPORTUNITÉS ? utilisation sous optimale de la voirie. Il y a Les données traditionnelles nécessaires effectivement des rues étroites à Port-au- pour caractériser le niveau d’accessibilité aux Prince, mais beaucoup d’entre elles telles opportunités dans les villes haïtiennes ne sont que celles construites au XVIIIe siècle sont pas disponibles ou obsolètes. Pour comprendre suffisamment larges et permettent une le niveau d’inadéquation spatiale entre les circulation à deux voies. Les faibles vitesses opportunités économiques et le logement et décrites ci-dessus ne s’expliquent donc que évaluer le niveau de fragmentation du marché partiellement par le manque d’infrastructures du travail, il est important de documenter là où routières. Kopp et Prud’homme argumentent les opportunités économiques sont en relation que les principaux facteurs responsables de la avec les zones résidentielles. On s’attaque en congestion sont les utilisations concurrenti- général à ce genre de tâches en utilisant une elles des routes et de l’espace viaire ainsi que combinaison de recensements d’entreprises le mauvais entretien des routes. Les trottoirs et de population à jour. Les recensements sont notamment utilisés par les marchands de population donnent une image extrême- pour vendre leurs produits et les piétons n’ont ment désagrégée de l’emplacement des zones donc plus d’autre option que de marcher sur la résidentielles alors que les recensements chaussée. Parallèlement une part importante économiques donnent des informations de l’espace consacré aux routes est occupée par sur la localisation des emplois. De la même des véhicules en stationnement. Globalement, manière, comprendre les modèles de déplace- c’est presque la moitié de l’espace consacré ment, y compris les navettes au sein des zones aux routes qui n’est plus disponible pour les urbaines de Port-au-Prince et Cap-Haïtien, véhicules qui se déplacent, ce qui entraîne des présuppose en général l’existence d’enquêtes pertes de vitesse importantes et des risques individuelles de déplacement. Il n’existe rien pour les piétons qui sont obligés de quitter les de tout cela à Port-au-Prince et Cap-Haïtien4. trottoirs. Les arrêts fréquents des Tap-Tap et L’analyse se concentre sur Port-au-Prince et autres minibus qui n’ont pas de voies dédiées, Cap-Haïtien parce que ce sont les deux plus contribuent également à l’encombrement. grandes zones urbaines en Haïti et qu’elles Enfin, le manque d’entretien des routes oblige jouent un rôle économique et culturel majeur. les véhicules à freiner très souvent pour éviter Les innovations en matière de « big data les nids-de-poule ou pour absorber les chocs. », avec les données des téléphones mobiles, ont été utilisées pour combler ce manque de 4 Le dernier recensement de population remonte à 2003 (IHSI, 2003) et il ne capture par les impacts substantiels probables du tremblement de terre de 2010 sur la localisation des ménages. De la même manière, même si un recensement des entreprises a été réalisé en 2012 (“Répertoire des Entreprises”: http://www.haitibusiness.com/), les coordonnées des entreprises ne sont pas accessibles directement. Finalement, d’après nos informations, il n’existe aucune enquête sur les déplacements dans les princi- pales zones urbaines en Haïti. 132 POPULATION RÉSIDENTIELLE À PORT-AU-PRINCE, UNE VILLE EN Figure 4. FORME D’ÉTOILE AVEC UN CENTRE DOMINANT Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL connaissances et contribuer à une meilleure ments de population après le tremblement compréhension des défis de déplacement de terre de 2010 (Lu, Bengtsson, et Holme dans les villes haïtiennes. Pour les besoins 2012) ainsi que la propagation du choléra de ce rapport, un échantillon de relevés des après la catastrophe (Bengtsson et al. 2015), détails des appels téléphoniques anony- c’est la première fois que les données CDR misés (CDR) a été collecté sur une période sont utilisées pour identifier la localisation de trois mois entre le premier et le 30 mars des emplois dans les villes haïtiennes. La 2016, puis analysé pour ce travail.5 Ce travail base de données utilisée contient plusieurs a été possible grâce au partenariat avec milliards d’appels vocaux. Les CDR contien- Flowminder et Digicel, le plus gros opérateur nent les informations de géolocalisation de la de téléphonie mobile en Haïti qui possède tour de relais à laquelle l’abonné est connecté plus des deux tiers des parts de marché au début de l’appel vocal. Ces informations des abonnements de téléphones mobiles peuvent être utilisées pour mesurer les dans le pays (CONATEL 2016). Alors que schémas de mobilité collective des popula- Flowminder avait déjà utilisé les données tions dans le temps ainsi que les densités des opérateurs mobiles pour des applications de population locales à différents moments de développement (Tatem et al. 2009), et de la journée (voir Encadré 2 pour un notamment en Haïti pour prévoir les déplace- résumé de la méthodologie et du processus). 5 Les analyses de données réalisées par l’équipe de Flowminder avec qui nous avons coécrit ce chapitre. 133 Port-au-Prince – une ville en forme d’étoile environ 10 000 à 15 000 personnes au km2 avec un centre-ville dominant dans sa partie la plus dense. C’est l’un des Port-au-Prince a un centre dominant avec ajouts les plus récents à Port-au-Prince, formé trois centres secondaires. 3,5 millions de à partir des camps temporaires installés après personnes vivent à Port-au-Prince6 et la Figure le tremblement de terre. 4 montre leur répartition résidentielle dans la Le centre-ville de Port-au-Prince attire région métropolitaine (identifiée à partir des des travailleurs7 qui se déplacent au-delà de appels du soir, voir Encadré 2). La popula- leurs clusters de résidence (1km). La permet tion de Port-au-Prince est dispersée en forme une meilleure compréhension des principales d’étoile à trois branches avec en son centre destinations de jour comme de nuit car elle le palais national et les extrémités situées à se concentre exclusivement sur la répartition Carrefour à l’ouest, Pétion-Ville au sud-est, et relative des personnes faisant la navette à Canaan et Croix-des-Bouquets au nord-est. différentes heures de la journée. Elle montre C’est au centre de Port-au-Prince qu’on a la le pourcentage de navetteurs par rapport à la densité de population la plus élevée, jusqu’à population locale totale pendant la journée 60 000 personnes au km2. La densité autour (à gauche) et pendant la nuit (à droite). C’est du centre, qui comprend des quartiers comme sans surprise que le centre-ville de Port-au- Portail Léogane, Turgeau et Fort National Prince apparaît comme étant le principal site peut être autour de 50 000 personnes au km2, d’attraction pendant la journée et les navet- voire plus. Pétion-Ville est la deuxième zone teurs qui s’y rendent représentent jusqu’à 72 de la région de Port-au-Prince en termes de % de la population locale. Le soir, la tendance population avec des densités de population est inversée et les navetteurs vers le centre- qui vont jusqu’à 50 000 personnes au km2 ville ne représentent que 40 % de la popula- dans son centre. À l’ouest du palais national, tion locale. Dans les zones résidentielles de on a une densité de population élevée le long Carrefour et Canaan, nous observons une de la route nationale 2 qui va vers Carrefour. tendance inverse avec peu de navetteurs qui L’est de Carrefour, est la partie la plus peuplée s’y rendent durant la journée mais beaucoup du quartier avec des densités de population qui y reviennent le soir après leur travail. Une légèrement plus basses que dans le centre de autre observation intéressante sur la est le Pétion-Ville. Au nord-est du palais national, la nombre important de navetteurs représentant population est concentrée autour de Delmas. une large part de la population locale le long Après l’aéroport, on observe des densités des routes nationales 1 et 8 qui mènent respec- relativement élevées à Croix-des-Bouquets à tivement à Canaan et à Croix des Bouquets, l’est et le long de la route nationale 1 jusqu’à ce qui indique que ces quartiers abritent l’intersection avec la route nationale 3. Autour peut-être des activités commerciales pendant de cette intersection, on a Canaan avec la journée. 6 Il s’agit d’une surface rectangulaire déterminée par des coordonnées et donc lorsque nous parlons de la région métro- politaine, elle pourrait inclure une zone plus large que les frontières administratives. 7 Les navetteurs sont définis dans cette étudecomme des personnes qui sont catégorisées dans des clusters distincts pour leur habitation et leur travail, ce qui veut dire que leur travail se trouve à une distance de plus d’un kilomètre, seuil qui a été utilisé comme zone-tampon pour limiter le nombre de localisations considérées comme importantes dans l’échantillon d’appelants. 134 ENCADRÉ 2 – IDENTIFIER LA LOCALISATION DES EMPLOIS ET DES ZONES RÉSIDEN- TIELS EN UTILISANT LES TÉLÉPHONES MOBILES L’identification de la localisation des emplois et des zones résidentiels suit une approche en deux étapes: identification des « endroits importants» et catégorisation de ces endroits. Cette approche et l’analyse complète du CDR ont été développées et réalisées par Flowminder, qui est le coauteur de ce chapitre. Tout d’abord, il est nécessaire de déterminer les localisations qui structurent les jours et nuits des appelants. Les tours de relais sont catégorisées en fonction du nombre de jours pendant lequel un abonné y était connecté (appels-jours). Étant donné que la position d’un abonné n’est pas statique et que la couverture des tours de relais peut se chevaucher, les tours sont regroupées à partir de leurs appels-jours et de la proximité entre elles. Une moyenne pondérée des emplacements des tours de relais donne la meilleure estimation de «l’endroit important» pour un abonné. Les appels-jours sont agrégés par clusters et seuls ceux avec un minimum d’activité sont conservés pour analyse complémentaire. IDENTIFIER LES EMPLACEMENTS IMPORTANTS - ALGORITHME Figure 5. DE GROUPEMENT DE HARTIGAN Localisation des tours et nombre de jours pendant lesquels 1. L’algorithme sélectionne la tour avec le plus grand nombre l’utilisateur est connecté à chaque tour (rapport “appel-jours“). “d’appels-jours” en tant que premier centroïde. 2. L’algorithme identifie la tour la plus proche qui se situe à 3. L’algorithme sélectionne de nouveaux centroïdes et répète moins de 1 km de la première tour et recalculate le centroïde. les étapes ci-dessus 135 4. L’algorithme sélectionne tous les centroïdes. 5. L’algorithme sélectionne uniquement les centroïdes avec un nombre “d’appels-jours“ supérieur à neuf: ceux-ci représentent l’ensemble des “lieux importants.” Source: Élaboration de l’auteur. Deuxièmement, les « emplacements importants » sont catégorisés en tant que localisations « résidentielles » ou « emploi » selon les structures d’appels. Pour ce faire, on part de l’hypothèse selon laquelle les appelants sont susceptibles de passer la plus grande partie des petites heures du matin, de la soirée et de la nuit à la « maison » et inversement la plupart de leur journée au « travail ». Les comportements des personnes pendant les week-ends sont interprétés différemment parce qu’elles sont moins susceptibles de travailler. Pour être en mesure d’identifier les localisations «résidentielle» et d’ «emploi», Flowminder a élaboré un système de notation qui attribue différentes notes aux appels passés pendant différentes heures de la journée et différentes journées de la semaine. Sur la première rangée, une note de -1 représente un appel passé le soir alors qu’une note de 1 représente un appel passé pendant les heures de travail. Sur la deuxième rangée, une note de 1 représente un appel passé pendant une journée de la semaine de travail et une note de -1 représente un appel passé pendant le week-end. Le résultat final est une approximation à la fois de la localisation et de l’importance des zones d’emplois et des zones de résidences. Figure 6. CATÉGORISER DES EMPLACEMENTS IMPORTANTS EN TANT QUE RÉSIDENCES OU EMPLOIS EN FONCTION DES CRITÈRES DE NOTATION Source: Élaboration de l’auteur. 136 Cette méthodologie novatrice repose forcément sur un certain nombre d’hypothèses. Elles sont discutées en détails dans un rapport technique qui accompagne l’Examen d’Urbanisation en Haïti. Nous allons malgré tout nous pencher sur deux des principales restrictions de l’analyse : la résolution pour identifier les emplacements importants et la catégorisation de ces emplacements comme étant le logement ou l’emploi. L’identification de clusters dépend de la zone tampon de distance employée pour regrouper les emplacements d’appels qui sont proches les uns des autres. Si les distances entre les zones tampons sont courtes, on a de nombreux clusters avec un petit nombre d’appels-jours chacun qui présentent donc une image d’une zone urbaine peu structurée. Si par contre, les distances entre les zones tampons sont grandes, on a une perte d’informations puisqu’on ne considère pas les déplacements courts. La distance de la zone-tampon retenue pour cette étude vise à un compromis: identifier la structure principale des emplacements importants tout en limitant le nombre de clusters et en étant capable de capturer les modèles de déplacement les plus importants. Il est toutefois possible que l’étude ne réussisse pas à capturer les mouvements des personnes qui travaillent tout près de leur logement ou même chez elles. Deuxièmement, la catégorisation des emplacements en tant qu’emplois ou résidences repose sur l’hypothèse selon laquelle les personnes ont tendance à travailler pendant la journée. L’étude ne tiendra donc pas compte des personnes qui ont des schémas de travail inhabi- tuels comme celles qui travaillent la nuit ou les week-ends. Même si nous avons pris toutes les précautions méthodologiques nécessaires pour limiter ces cas, notamment en réalisant des analyses approfondies de sensibilité des résultats aux variations de ces critères, cette étude reste une approximation et elle pourrait utilement être complétée par une enquête portant sur les entreprises et sur les déplacements. L’image globale est celle d’une concentra- population vit près du centre de la ville sur le tion vers le centre-ville pendant la journée et côté ouest de la Baie et du fleuve Mapou ainsi à l’inverse une diffusion vers la périphérie, qu’au bord de la Baie sud et à l’est du fleuve le soir. La montre que la population totale Mapou comme on le voit sur la Figure 17. La dans un rayon de 5 km autour du centre- densité de population la plus élevée le soir est ville est d’environ 5 % plus élevée pendant la observée autour de La Fossette, un quartier journée que pendant la soirée. Lorsqu’on se résidentiel populaire pour les bas à moyens concentre exclusivement sur les navetteurs, revenus à l’ouest du fleuve Mapou et à côté l’image est encore plus frappante avec 46 % d’un pont qui relie les deux côtés de la ville. des navetteurs qui se trouvent dans un rayon Les densités dans ces régions peuvent aller de 5 km du centre-ville pendant la journée jusqu’à environ 40 000 personnes au km2. De par rapport à 37 % le soir. l’autre côté de la baie, on trouve les densités les plus élevées autour de Petite Anse où elles Cap-Haïtien – c’est le centre qui prime oscillent autour de 20 000 personnes au km2. La population de Cap-Haïtien est princi- Les densités de population baissent au fur et palement concentrée sur une bande le long du à mesure qu’on se déplace vers le sud le long fleuve Mapou. Cap-Haïtien héberge environ du fleuve Mapou. Cap-Haïtien n’est pas aussi 8 500 000 personnes . Une grande majorité de la grand que Port-au-Prince et la densité de 8 Comme pour Port-au-Prince, nous avons une surface rectangulaire déterminée par un jeu de coordonnées et donc que lorsque nous parlons de la région métropolitaine, elle peut inclure une zone plus importante que les frontières administratives. 137 Figure 7. NAVETTEURS PENDANT LA JOURNÉE POUR DES ACTIVITÉS RELIÉES AU TRAVAIL (À GAUCHE) ET PENDANT LA SOIRÉE (À DROITE) Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL RÉPARTITION CUMULÉE DE LA POPULATION EN TANT QUE FONCTION DE LA DISTANCE AU CENTRE-VILLE DE PORT-AU-PRINCE À DIFFÉRENTES Figure 8. HEURES DE LA JOURNÉE (DE JOUR/LE SOIR) ET POUR DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE POPULATION (NAVETTEURS/NON-NAVETTEURS) Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL. 138 RÉPARTITION DE LA POPULATION RÉSIDENTIELLE À CAP-HAÏTIEN, Figure 9. UN CENTRE DOMINANT Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL population n’est élevée que sur une bande de La densité de population dans ces zones 2 km à l’ouest de du fleuve Mapou et 6 km de fluctue entre 500 et 1000 personnes au km2 l’embouchure de fleuve jusqu’à Haut-du-Cap. et est nettement plus élevée à Vaudreuil et En dehors de cette région, la densité est Trou-du-Nord. En dehors de ces régions beaucoup plus basse et va jusqu’à 500 satellites, la densité baisse considérablement personnes au km2. À l’extérieur du Cap-Haï- pour atteindre des niveaux inférieurs à 500 tien, la densité de population est relativement personnes au km2. plus élevée le long de la Route Nationale 1, de Le quartier des affaires qui est en plein Vaudreuil à Moustique au sud-ouest, Quartier centre du Cap-Haïtien domine fortement Morin, Limonade et Trou-du-Nord au sud-est par rapport à toutes les destinations de jour. et à Milot au sud. On peut dire que la plupart Pendant la journée, les navetteurs peuvent de ces régions ne font sans doute pas partie représenter presque 70 % de la population de la région métropolitaine du Cap-Haïtien. locale dans le centre-ville du Cap-Haïtien (). 139 Figure 10. NAVETTEURS PENDANT LA JOURNÉE POUR DES ACTIVITÉS LIÉES AU TRAVAIL (À GAUCHE) ET DANS LA SOIRÉE (À DROITE) AU CAP-HAÏTIEN Source: : Élaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL. RÉPARTITION CUMULÉE DE LA POPULATION EN TANT QUE FONCTION DE LA DISTANCE AU CENTRE-VILLE DE CAP-HAÏTIEN À DIFFÉRENTES Figure 11. HEURES DE LA JOURNÉE (DE JOUR/LE SOIR) ET POUR DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE POPULATION (NAVETTEURS/NON-NAVETTEURS) Source: : Élaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL. 140 Ce chiffre baisse à un quart pendant la soirée, à Port-au-Prince et au Cap-Haïtien par ce qui veut dire que la plupart des personnes groupes d’âges. Ces informations n’étant qui se trouvent en centre-ville y sont pour pas disponibles, on peut les comparer à la travailler ou pour d’autres activités pendant moyenne au niveau du pays. Étant donné la journée et qu’elles retournent chez elles le que 64 % de la population haïtienne sont soir à l’extérieur du centre-ville. Petite Anse, en âge de travailler, (Singh et Barton-Dock l’autre zone à forte densité de population au 2015), les navetteurs dans les deux zones Cap-Haïtien, connaît une tendance opposée urbaines représentent au maximum10 deux avec des navetteurs qui arrivent le matin et tiers de la population active. qui représentent 30 % de la population locale Les distances parcourues par les navet- de jour tandis que les navetteurs qui en sortent teurs à Port-au-Prince et Cap-Haïtien sont sont à presque 40 %. courtes ce qui indique qu’on est en présence Cap-Haïtien est une zone urbaine petite et d’un appariement entre personnes et oppor- très concentrée avec le centre extrêmement tunités économiques local. À Port-au-Prince, dominant. La Figure 19 montre que presque on estime que le déplacement médian est 60 % de sa population sont concentrés sur une de 1,1km et 3,1 km si on ne tient compte que zone de 5 km autour du centre-ville. L’attrac- des navetteurs. Au Cap-Haïtien, les statis- tion exercée par le centre-ville est très bien tiques correspondantes sont légèrement plus illustrée par le fait que pendant la journée, élevées avec 1,6km et 3,3 km respectivement 40 % de tous les navetteurs se trouvent dans (Tableau 1). En conséquence, l’accès à une un rayon de 1 km autour du centre-ville et large gamme d’opportunités économiques presque 80 % dans une zone de 5km. est limité (Tableau 2, 3) Buenos Aires, en Argentine vont de 7,5 à 10 km en fonction MARCHÉS DU TRAVAIL FRAGMENTÉS – PEU du genre du navetteur (homme/femme) et DE NAVETTEURS ET ILS NE VONT PAS LOIN de l’existence d’enfants (Peralta Quirós, Seule une petite partie de la population se Mehndiratta, and Ochoa 2014) – ils ont déplace pour aller travailler. Seuls 42 et 40 d’ailleurs de nombreux avantages comme % de la population sont considérés comme une consommation de carburant réduite étant des navetteurs à Port-au-Prince et au – à condition qu’ils correspondent à des Cap-Haïtien respectivement, ce qui veut processus de choix où les personnes s’instal- dire qu’ils se déplacent plus loin que leur lent à proximité de l’emploi qu’ils veulent, cluster d’habitation (1km de rayon). Les dans ce cas, ils reflètent probablement la diffi- 58 % et 60 % restants respectivement soit culté de se déplacer et les coûts y afférents. travaillent chez eux ou tout près de chez On peut dire dans ce sens que des déplace- eux, soit ils ne travaillent pas9. Dans un ments courts généralisés sont symptoma- cas de figure idéal, on pourrait comparer tiques d’une fragmentation des marchés du ce chiffre à la répartition de la population travail dans les deux zones urbaines : des 9 Ou ont d’autres activités régulièrestrès locales comme par exemple aller à l’école. 10 Il est possible qu’une partie des personnes identifiées en tant que navetteurs aillent en fait à l’école plutôt qu’au travail ou dans un centre d’opportunités. Ceci ferait baisser encore davantage la part des navetteurs. 141 Tableau 1. COMPORTEMENTS DE DÉPLACEMENT À PORT-AU-PRINCE ET CAP-HAÏTIEN: PEU DE NAVETTEURSET ILS NE VONT PAS LOIN PORT-AU-PRINCE CAP-HAÏTIEN Population Totale. 3.5 million 0.508 million TOUS NAVETTEURS TOUS NAVETTEURS Déplacement Moyen. 2.5 km 4.5 km 2.8 km 4.7 km Déplacement Médian. 1.1 km 3.1 tkm 1.6 km 3.3 km NON-NAVETTEURS NAVETTEURS NON-NAVETTEURS NAVETTEURS En tant que pourcen- 58.14% 41.86% 60.51% 39.49% tage du total. Vivent à moins d’1 km 4.13% 2.86% 12.02% 6.13% du centre. Déplacement Moyen. — 3.37 km — 3.73 km Déplacement Médian. — 2.11 km — 2.52 km Vivent à moins d’1 km 4.13% 31.67% 46.87% 56.81% du centre. Déplacement Moyen. — 3.29 km — 3.09 km Déplacement Médian. — 2.52 km — 2.55 km Vivent à moins de 5 61.67% 65.27% 40.94% 36.98% et 25 km du centre. Déplacement Moyen. — 5.12 km — 7.24 km Déplacement Médian. — 3.66 km — 5.84 km Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL 142 marchés du travail locaux plutôt qu’intégrés. entre l’habitation et le travail alors que la Des marchés du travail fragmentés sont peu colonne de droite représente la distance susceptibles de fonctionner comme des inter- entre le travail et l’habitation. Les rangées médiaires entre personnes et opportunités montrent la répartition pour chacune des économiques, ce qui a un impact négatif trois distances de la zone tampon de la sur la probabilité de mettre en relation ville : à 1 km du centre, entre un et 5 km du d’une manière efficace les employeurs et les centre et au-delà de 5 km et jusqu’à 25 km du employés. centre. Donc par exemple, la partie gauche Les résidents au centre ont tendance à se de la première rangée montre la répartition déplacer moins proportionnellement que des distances parcourues par les navetteurs les personnes qui vivent plus loin du centre- qui vivent dans un rayon d’un kilomètre du ville. À partir du moment où il existe de centre-ville. La partie droite de la première nombreuses opportunités très locales, il y a rangée montre les distances parcourues par moins d’incitation à se déplacer loin de chez les navetteurs qui travaillent dans un rayon soi. Les navetteurs qui vivent le plus loin du d’un kilomètre du centre-ville de Port-au- centre-ville (plus de 5km) au Cap et à Port-au- Prince. Le rouge indique que le navetteur Prince ont les temps de déplacement les plus reste à l’intérieur de la zone tampon alors que longs puisqu’ils sont plus isolés des oppor- le bleu indique qu’il se déplace au-delà de la tunités économiques et doivent de toute zone tampon habitation ou de la zone-tampon façon subir des déplacements plus longs travail. Ce qui est frappant, c’est que même si pour les saisir. Toutefois, l’augmentation de une concentration importante de navetteurs la distance médiane parcourue reste limitée ne parcourt que des distances courtes, nous à 1,5 et 2,5 km comparée aux sites les plus avons également des queues de distribution centraux de Port-au-Prince et du Cap-Haï- larges qui indiquent que certains navetteurs tien respectivement. Ce modèle montre se déplacent sur de longues distances, jusqu’à une fois encore que les marchés du travail 20 km. Enfin, la Figure 12. Répartition des sont fragmentés et que même si la densité distances parcourues pour chaque distance des emplois de proximité est plus basse, les à la zone tampon du centre-ville de Port-au- distances de déplacement n’augmentent pas Prince. réaffirme également que le centre-ville d’une manière proportionnelle. est le principal centre d’attraction puisqu’on Une part non négligeable des navet- a environ 4,5 navetteurs qui se déplacent teurs se déplace sur de longues distances. vers le centre-ville pour chaque navetteur qui La Figure 12. Répartition des distances quitte le centre-ville pour son travail. Nous parcourues pour chaque distance à la observons des schémas similaires au Cap-Haï- zone tampon du centre-ville de Port-au- tien (Figure 13. Répartition des distances Prince. montre la répartition des distances parcourues pour chaque distance à la zone parcourues par les navetteurs qui vivent tampon du centre-ville de Cap-Haïtien.), avec (colonne de gauche) et travaillent (colonne une part même plus importante de personnes de droite) à chaque distance de la zone qui se déplacent sur de longues distances pour tampon du centre-ville à Port-au-Prince. La rejoindre le centre-ville, notamment en prove- colonne de gauche représente la distance nance de Trou-du-Nord. 143 Figure O.1. Figure 12. RÉPARTITION DES DISTANCES PARCOURUES POUR CHAQUE DISTANCE À LA ZONE TAMPON DU CENTRE-VILLE DE PORT-AU-PRINCE Notes: les déplacements de l’habitation au travail sont représentés sur la gauche (personnes vivant à l’intérieur de la zone tampon) alors que les déplacements du travail à l’habitation se trouvent sur la droite (personnes travaillant dans la zone tampon). La première rangée montre les résultats de localisation dans un rayon de 1 km du centre-ville alors que la deuxième rangée montre les localisations dans un rayon de 1 à 5 km centre et la dernière rangée celles dans un rayon de 5 à 25 km du centre. Les déplacements qui commencent et se terminent dans la même zone tampon sont en rouge alors que le bleu indique que le déplacement couvre au moins deux zone-tam- pons. Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL 144 RÉPARTITION DES DISTANCES PARCOURUES POUR CHAQUE DISTANCE Figure 13. À LA ZONE TAMPON DU CENTRE-VILLE DE CAP-HAÏTIEN Notes: les déplacements de l’habitation au travail sont représentés sur la gauche (personnes vivant à l’intérieur de la zone tampon) alors que les déplacements du travail à l’habitation se trouvent sur la droite (personnes travaillant dans la zone tampon). La première rangée montre les résultats de localisation dans un rayon de 1 km du centre-ville alors que la deuxième rangée montre les localisations dans un rayon de 1 à 5 km centre et la dernière rangée celles dans un rayon de 5 à 25 km du centre. Les déplacements qui commencent et se terminent dans la même zone tampon sont en rouge alors que le bleu indique que le déplacement couvre au moins deux zone-tam- pons. Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL 145 L’ACCESSIBILITÉ AUX OPPORTUNITÉS À PORT-AU-PRINCE POUR SEUILS Tableau 2. DE TEMPS DE TRANSPORT ET MODES DE DÉPLACEMENT EST BASSE PROPORTION DES OPPORTUNITÉS À PORT-AU-PRINCE QUI SONT ACCESSIBLES DANS UN DÉLAI DE TEMPS DONNÉ EN FONCTION DU MODE DE TRANSPORT UTILISÉ TAP-TAP + MARCHE À PIED VOITURES MARCHE À PIED SEULEMENT < 30 min 24% 7% 3% < 45 min 43% 16% 7% < 60 min 61% 27% 12% Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL L’accessibilité réduite limite le potentiel d’in- compte du temps d’attente 11. Ils sont au termédiation entre personnes et opportu- même niveau que les chiffres pour Nairobi nités économiques (Avner et Lall 2016) qui est connue pour être L’accessibilité, mesurée par le nombre très encombrée et qui est une des ville au d’opportunités qui peuvent être atteintes monde où le trajet pour aller travailler est le dans un espace-temps donné, est limitée plus long (IBM 2011). Par comparaison, dans à Port-au-Prince. En moyenne, les utilisa- la région métropolitaine de Buenos Aires, teurs de voitures à Port-au-Prince, peuvent une zone urbain qui compte quatre fois plus accéder à respectivement 24, 43 et 61 % des de population, les chiffres d’accessibilité en opportunités totales dans la zone urbaine utilisant les transports publics sont de 7, 18 et dans un délai de 30, 45 et 60 minutes avec 34 % pour les mêmes seuils de temps (Peralta des conditions de circulation encombrée. Quirós 2015). Et dans le Grand Dakar, une Pour les utilisateurs de Tap-Tap, la situation zone urbaine à peu près équivalente à la est complètement différente puisqu’ils ne taille de Port-au-Prince avec une population peuvent accéder en moyenne qu’à 7, 16 et de plus de 3 millions de personnes (Banque 27 % des opportunités dans un délai de 30, mondiale 2016), la proportion des emplois 45 et 60 minutes. Ces chiffres ‘d’accessi- accessibles dans un délai d’une heure est de bilité aux opportunités’ pour le transport 52 %, presque deux fois le niveau à Port-au- collectif sont bas et sont même probable- Prince (Stokenberga 2017). Les piétons à ment optimistes puisqu’ils ne tiennent pas Port-au-Prince ont des niveaux d’accessi- 11 Le temps d’attentepeut ajouter en moyenne 12,5 minutes au déplacement en Tap-Tap à partir des chiffres de Kopp etPrud’homme (2011). 146 bilité plus bas avec un maximum de 12 % ment d’une grande partie des opportunités des opportunités qui sont accessibles dans et qu’ils vivent dans une zone où le réseau un délai d’une heure. Comme nous l’avons de routes et de Tap-Tap est le plus dense. Par expliqué dans les sections précédentes, contre, l’accessibilité baisse considérablement compte tenu du fait qu’une large proportion lorsqu’on s’éloigne du centre-ville même si le de la population ne peut pas se permettre de processus est plus graduel pour les utilisa- se déplacer en Tap-Tap, les niveaux d’acces- teurs de voitures qui peuvent compenser des sibilité resteront bas et plus près des niveaux distances plus longues par des vitesses plus concernant les piétons. élevées. Les résidents centraux de la zone urbaine La proportion des opportunités acces- de Port-au-Prince ont un meilleur accès aux sibles en 30 minutes en voiture est presque opportunités. La Figure 14 montre la réparti- deux fois plus élevée au Cap-Haïtien (42 %) tion spatiale de l’accessibilité aux opportunités qu’à Port-au-Prince (24 %). Cette situation pour les personnes qui se déplacent en voiture s’explique facilement par l’empreinte urbaine et en Tap-Tap. On constate, sans surprise, plus petite à Cap-Haïtien, ce qui réduit que les résidents centraux bénéficient d’une mécaniquement les distances par rapport aux meilleure accessibilité aux opportunités emplois, aux marchés et aux autres opportu- puisqu’ils sont à la fois plus près physique- nités (Figure 15). PROPORTION DES OPPORTUNITÉS ACCESSIBLES À PORT-AU-PRINCE Figure 14. DANS UN DÉLAI D’UNE HEURE EN VOITURE ET EN TAP-TAP Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL. 147 Tableau 3. L’ACCESSIBILITÉ AUX OPPORTUNITÉS À CAP-HAÏTIEN POUR DIFFÉ- RENTES PLAGES HORAIRES ET MODES DE DÉPLACEMENT EST BASSE PROPORTION DES OPPORTUNITÉS À CAP-HAÏTIEN QUI SONT ACCESSIBLES DANS UN DÉLAI DE TEMPS DONNÉ EN FONCTION DU MODE DE TRANSPORT UTILISÉ VOITURES MARCHE À PIED SEULEMENT < 30 min 42% 8% < 45 min 52% 12% < 60 min 63% 18% Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL Figure 15. PROPORTION DES OPPORTUNITÉS ACCESSIBLES À CAP-HAÏTIEN EN UNE HEURE EN VOITURE Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL. 148 DES INTERVENTIONS SUR LE TRANSPORT Ce qui est pourtant surprenant, malgré QUI SE CONCENTRERAIENT SUR LA l’empreinte urbaine plus petite au Cap-Haï- VITESSE ET LA RÉSILIENCE POURRAIENT tien, c’est que l’accessibilité en une heure est RÉDUIRE L’INADÉ-QUATION SPATIALE très similaire à celle de Port-au-Prince (63 % Améliorer la vitesse sur le réseau contre 61 %). Ceci s’explique par la diminu- tion des espaces dédiés aux routes au-delà du Augmenter la vitesse à Port-au-Prince centre-ville de Cap-Haïtien ainsi que par la est une manière d’aboutir à une meilleure faible intensité de l’usage du sol, ce qui veut accessibilité, notamment pour les Tap-Tap. dire qu’il y a peu d’opportunités en dehors S’il était possible de doubler les vitesses du centre urbain comme nous l’avons vu au actuelles pour arriver à la vitesse réglemen- chapitre 2. taire sur le réseau, les opportunités acces- sibles en moyenne sur la zone urbaine en utilisant le réseau des Tap-Tap pourraient doubler pour atteindre 55 %. IMPACTS DE L’AUGMENTATION DE LA VITESSE SUR LES RÉSEAUX DE TRANSPORTS À PORT-AU-PRINCE, SCÉNARIOS CONTREFACTUELS. ATTEINDRE LA VITESSE RÉGLEMENTAIRE PERMETTRAIT DE DOUBLER Tableau 4. L’ACCESSIBILITÉ À PORT-AU-PRINCE ACCESSIBILITÉ À PORT-AU-PRINCE POUR DIFFÉRENTES VITESSES SUR LE RÉSEAU EN UNE HEURE VOITURES TAP-TAP Base de départ : 50% de la vitesse officielle. 61% 27% 40% de la vitesse officielle. 48% 21% 60% de la vitesse officielle. 71% 33% 70% de la vitesse officielle. 80% 40% 80% de la vitesse officielle. 85% 45% Vitesse officielle. 91% 55% Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les réseaux routiers et de Tap-Tap du CNIGS ainsi que les vitesses réglementaires. 149 Figure 16. REPRÉSENTATION VISUELLE DE L’AUGMENTATION DE LA VITESSE SUR LE RÉSEAU POUR L’ACCESSIBILITÉ DES TAP-TAP À PORT-AU-PRINCE (A) Scénario de référence: 50% de la vitesse officielle. (B) Vitesse officielle. (C) 70% de la vitesse officielle. (D) 80% de la vitesse officielle. Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les réseaux routiers et de Tap-Tap du CNIGS ainsi que les vitesses réglementaires. 150 A Cap-Haïtien, nous observons des impacts similaires importants de l’augmen- tation de la vitesse. Nous présentons les résultats pour les utilisateurs de voitures. IMPACTS DE L’AUGMENTATION DE LA VITESSE SUR LES RÉSEAUX Tableau 5. DE TRANSPORTS À CAP-HAÏTIEN, SCÉNARIOS CONTREFACTUELS ACCESSIBILITÉ À CAP-HAÏTIEN POUR DIFFÉRENTES VITESSES SUR LE RÉSEAU EN UNE HEURE VOITURES Base de départ : 50% de la 63% vitesse officielle. 40% de la vitesse officielle. 55% 60% de la vitesse officielle. 72% 70% de la vitesse officielle. 78% 80% de la vitesse officielle. 83% Vitesse officielle. 90% Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les réseaux routiers et de Tap-Tap du CNIGS ainsi que les vitesses réglementaires. Augmenter la vitesse dans les zones immédiate consisterait à commencer par urbaines de Port-au-Prince pourrait aider les améliorer le fonctionnement et l’entretien villes à jouer un rôle d’intermédiaire entre du réseau actuel. Les deux options ne sont personnes et opportunités économiques pas incompatibles mais le séquencement pour doper la croissance économique. Un le plus efficace serait de commencer par certain nombre d’options vont dans ce sens. améliorer le réseau existant. La gestion de La plus évidente serait d’entreprendre de l’espace dédié aux routes et l’entretien du gros investissements dans les routes et les réseau routier pourraient effectivement transports collectifs. Cette option demand- jouer un rôle important pour augmenter la erait des ressources financières importantes vitesse, et ils sont réalisables. La gestion de et il est peu probable qu’elle soit très efficace l’espace consacré aux routes implique de avant d’avoir réglé les défis chroniques dont s’assurer que les routes sont bien utilisées souffre le réseau actuel. Une solution plus pour la circulation plutôt que pour le 151 Figure 17. REPRÉSENTATION VISUELLE DE L’AUGMENTATION DE LA VITESSE SUR LE RÉSEAU POUR L’ACCESSIBILITÉ DES VOITURES AU CAP-HAÏTIEN (A) Scénario de référence: 50% de la vitesse officielle. (B) Vitesse officielle. (C) 70% de la vitesse officielle. (D) 80% de la vitesse officielle. Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les réseaux routiers et de Tap-Tap du CNIGS ainsi que les vitesses réglementaires. 152 stationnement ou le déplacement des vulnérable aux catastrophes. D’après la base piétons. Ceci présuppose également que de données EM-DAT (Guha-Sapir, Below, and les trottoirs soient réservés en priorité aux Hoyois 2017), sur le siècle dernier et jusqu’en piétons pour qu’ils ne soient pas obligés 2016, un minimum de 100 phénomènes de monter et de descendre constamment destructeurs se sont produits. Les événements du trottoir. L’entretien des routes pourrait météorologiques, hydrologiques et géophy- également s’avérer très positif puisque les siques, ont affecté à eux seuls un minimum conducteurs ne seraient plus obligés de de 11,7 millions de personnes directement ou ralentir presque jusqu’à l’arrêt pour éviter un indirectement. Même si le tremblement de nid de poule par exemple. Doubler la vitesse terre de 2010 a été de loin le plus mortel et le pourrait sembler difficile à atteindre, mais plus perturbateur, Haïti traverse également dans les zones centrales de Port-au-Prince des expériences de moindre envergure mais cela veut souvent dire passer seulement de récurrentes comme des épisodes d’inonda- 5 km/h (à peine plus rapide que la marche à tions qui sont souvent la conséquence du pied) à environ 10 km/h. passage d’ouragans et des crues des fleuves (Banque mondiale 2010). Ces événements Vulnérabilité du réseau routier aux endommagent à maintes reprises le réseau catastrophes naturelles : implications en routier, ce qui entraîne, au mieux, des temps termes d’accessibilité de déplacement plus longs et dans certains cas Les catastrophes naturelles ont à la fois des la déconnexion complète de certaines zones coûts directs et des coûts indirects. Elles ont du pays et notamment des zones urbaines. des conséquences humanitaires désastreuses Comprendre quelles sont les sections de évidentes comme la perte de vies, les blessures route qui sont les plus cruciales pour le réseau et le deuil. Mais en endommageant les infra- routier, est une première étape vers la mise en structures comme les logements, les routes, place d’une stratégie pour renforcer la résil- les centrales de production d’électricité, ience face à ces interruptions limitées mais elles imposent également des coûts directs qui coûtent cher. L’analyse présentée ci-des- élevés pour réparer et reconstruire. Enfin, sous se concentre sur Port-au-Prince à cause les perturbations des infrastructures de de son importance en termes de population, réseaux, typiquement les routes et les câbles de production de richesses et d’exposition aux électriques, imposent également des coûts inondations mais elle pourrait être étendue indirects élevés à la société par effet ricochet à l’avenir au Cap-Haïtien et à d’autres zones puisque les personnes ne sont plus en mesure urbaines fréquemment exposées. de se rendre sur leur lieu de travail ou en Les segments les plus critiques du perturbant les chaînes d’approvisionnement. réseau routier de Port-au-Prince sont (1) les Identifier les segments les plus cruciaux segments de la RN2 (Route Nationale #2) du réseau routier est la première étape pour qui connectent le centre-ville à Carrefour et régler ces vulnérabilités potentielles et plus loin vers l’ouest, (2) le RN1 qui va du construire la résilience en cas de perturba- centre-ville au nord de Port-au-Prince, (3) un tions. Comme nous l’avons déjà mentionné segment isolé qui relie le centre-ville à Pétion- dans le chapitre 2, Haïti est extrêmement Ville et finalement (4) quelques segments qui 153 Figure 18. RÉSEAU ROUTIER À PORT-AU-PRINCE ET IDENTIFICATION DES SEGMENTS ROUTIERS LES PLUS CRUCIAUX Source : Élaboration de l’auteur en utilisant les réseaux routiers et de Tap-Tap du CNIGS. connectent Canaan au reste du réseau. Les perturbation du réseau routier ne tiennent segments les plus cruciaux, en rouge sur la pas compte des effets secondaires comme Figure 18, sont identifiés à partir de l’impact l’augmentation de la congestion induite sur qu’aurait leur suppression sur l’accessibilité les routes alternatives. Les résultats présentés moyenne dans la zone urbaine de Port-au- ci-dessous constituent donc une estimation 12 Prince . Lorsqu’un segment spécifique est conservatrice des impacts de la perturbation interrompu, les utilisateurs sont forcés de des routes. choisir un itinéraire alternatif qui va rallonger Alors que la perte moyenne d’accessibilité le déplacement et impliquer potentiellement reste modérée lorsque des segments routiers qu’un certain nombre d’emplois ne seront spécifiques sont perturbés, certaines zones plus accessibles dans un délai spécifique. particulières ou la zone urbaine peuvent être Les impacts en termes d’accessibilité de la fortement impactées avec une perte d’accès 12 L’analyse de criticité a été réalisée sans utiliser de modèle d’affectation du trafic. Elle ne peut donc pas tenir compte de l’aug- mentation des niveaux d’encombrement et donc des réductions de vitesse sur les segments alternatifs lorsqu’un itinéraire n’est plus disponible. En conséquence, les chiffres présentés ici représentent une borne inférieure des impacts des perturba- tions routières. Il est probable que les véritables impacts soient plus importants. 154 DEUX EXEMPLES DE PERTE D’ACCESSIBILITÉ EN UNE HEURE COMPARÉE AVEC LA BASE DE DÉPART À PARTIR DE LA PERTURBATION D’UN SEGMENT DE ROUTE ALLANT VERS CARREFOUR ET VERS CANAAN. L’IMAGE MONTRE DES PERT ES LOCALISÉES CONSIDÉRABLES EN TERMES Figure 19. D’ACCESSIBILITÉ À CAUSE DE L’ENDOMMAGEMENT DE SEGMENTS ROUTIERS SPÉCIFIQUES Source: Élaboration de l’auteur en utilisant les réseaux routiers et de Tap-Tap du CNIGS. aux opportunités qui va jusqu’à 80 %13. C’est pourraient les rendre moins vulnérables en général le cas à Canaan et à Carrefour aux catastrophes. On pourrait par exemple par exemple, comme nous le montrons sur envisager de surélever une route, là où les les cartes de la Figure 19. La perte d’accessi- inondations sont le plus susceptibles de se bilité vers l’ouest de Carrefour est beaucoup produire. La deuxième option principale est plus grave comme on le voit sur l’ombre d’investir dans la redondance. En constru- marron foncé, mais elle est moins étendue isant des itinéraires alternatifs, l’impact et affecte beaucoup moins de personnes qu’à de la perturbation d’un segment spécifique Canaan. resterait limité puisque les résidents, les L’identification des segments les plus travailleurs et les entreprises auraient une cruciaux du réseau est une première étape option alternative pour contourner le goulot pour construire la résilience des infrastruc- d’étranglement. La décision relative à ces tures routières. Deux options principales options pour savoir laquelle est la mieux existent pour ce faire. La première, consiste adaptée, doit être prise au cas par cas et à mieux protéger les segments routiers des dépasse le cadre de ce document. L’analyse catastrophes naturelles, comme les inonda- présentée ici fournit pourtant une première tions, en mettant en œuvre des mesures qui étape qui permettra d’autres investigations. 13 Voir l’annexe pour plus d’informations sur l’analyse de criticité. 155 APPARIEMENT ENTRE PERSONNES ET Des vitesses plus élevées et un meilleur con- OPPORTUNITÉS ÉCONOMIQUES – DÉPAS- fort grâce à plus d’investissements et une SER LES DÉFIS meilleure efficacité Les sections précédentes ont montré que Investir dans et mieux gérer l’espace des les deux principales zones urbaines en Haïti trottoirs pour les piétons. Comme nous souffraient d’une faible accessibilité aux l’avons présenté dans ce chapitre, une emplois, ce qui limite le potentiel de crois- grande part de la population des zones sance et d’inclusion. La répartition spatiale urbaines de Port-au-Prince et du Cap-Haï- des opportunités (principalement des tien est piétonne. Il est très important de emplois) ressemble à celle des logements, ce s’assurer que leurs conditions de déplace- qui veut dire qu’il n’y a que peu de regroupe- ment soient bonnes et aussi sécurisées ment des activités économiques. Ce résultat que possible puisqu’environ un quart est à la fois la conséquence d’une faible acces- des morts sur la route au monde sont des sibilité et des contraintes à la mobilité et une piétons (OMS 2015). Investir dans les des causes des marchés du travail locaux trottoirs serait une étape importante pour et fragmentés qui sont peu susceptibles de assurer le confort et la sécurité de ceux bénéficier d’économies de concentration. Il qui se déplacent à pied. Ceci devrait être est bien entendu, qu’augmenter l’accessibilité une priorité là où les trottoirs n’existent n’est qu’une étape pour créer des emplois pas dans les zones urbaines. Lorsque des et arriver à des marchés du travail efficaces trottoirs existent, comme à Port-au-Prince, mais c’est un élément clé de la solution. En les faits indiquent qu’ils sont principale- parallèle, l’exposition importante d’Haïti ment utilisés à des fins commerciales par aux catastrophes naturelles impose le besoin les vendeurs ambulants qui exposent leurs de réfléchir aux vulnérabilités et à la résil- produits et occupent la plus grande partie ience du réseau routier. Il existe trois pistes de l’espace disponible en forçant souvent d’améliorations principales: 1/ augmenter la les piétons à descendre sur la chaussée où vitesse de déplacement et améliorer le confort ils risquent d’être heurtés par un véhicule grâce à des investissements et une meilleure (Kopp et Prud’homme 2011). En dehors efficacité à Port-au-Prince et à Cap-Haïtien, du danger associé au fait d’être obligé de 2/ rendre le transport collectif plus abordable partager la chaussée avec les véhicules, pour un appariement inclusif entre personnes l’utilisation concurrentielle des trottoirs et opportunités économiques (y compris peut également rallonger les déplacements grâce à des augmentations de la vitesse de à pied en forçant les piétons à monter et déplacement), 3/ renforcer la coordination descendre des trottoirs. Il est toutefois entre l’aménagement du territoire et les inves- important de noter qu’une simple interdic- tissements de transport pour un meilleur tion d’accès des vendeurs ambulants aux accès et une meilleure résilience. Nous allons trottoirs pourrait avoir des impacts sociaux présenter en détails ces trois larges priorités négatifs et ne pourrait être envisagée que en exposant les possibilités d’amélioration si elle était accompagnée par une stratégie et en s’inspirant, lorsqu’ils sont disponibles, bien conçue pour proposer des options alter- d’exemples réussis ailleurs dans le monde. natives et des solutions de transition pour 156 les vendeurs ambulants. Une expérience à qu’une bonne partie de l’espace routier Panama City pourrait nous intéresser ici n’est pas utilisée par la circulation. Enfin, puisque presque 300 vendeurs ambulants le manque d’arrêts réservés aux Tap-Tap où ont été réaffectés à un bien immobilier les minibus pourraient se garer sur le côté sous utilisé pour créer ce qui est devenu, pour laisser monter et descendre les clients, de fait, un marché populaire. Des progrès ralentit aussi considérablement la circu- ont également été réalisés à Delhi, en Inde, lation. Identifier des zones sur les artères pour assurer la sécurité des piétons tout principales avec suffisamment d’espace en donnant aux vendeurs ambulants une pour aménager des arrêts de Tap-Tap, partie intégrale des rues de Delhi, un espace pourrait être une option peu onéreuse séparé réservé aux activités commerciales pour fluidifier les encombrements. De la (OMS 2009). La solution était d’identifier même manière, il serait important, là où les segments routiers avec le plus de morts c’est possible, d’identifier des espaces qui et de créer une voie piétonne protégée. Les pourraient être utilisés comme parking, ce investissements dans les trottoirs et leur qui permettrait de libérer une bonne partie gestion ne vont pas seulement permettre de l’espace routier. Le respect de l’obliga- d’accélérer les déplacements des piétons tion de parking sera un élément clé de l’effi- mais également ceux des voitures et des cacité de cette solution. Tap-Tap qui doivent s’arrêter ou zigzaguer L’entretien des routes peut permettre pour éviter les piétons. d’économiser à la fois des coûts d’entre- Une utilisation plus efficace de l’espace tien des véhicules et du temps de déplace- routier pourrait permettre de considérable- ment. Les nids de poule et les surfaces ment réduire les durées de déplacement. accidentées obligent les véhicules à ralentir. Les faits à Port-au-Prince indiquent que Ils endommagent également les véhicules, le manque d’espace routier urbain n’est ce qui augmente les coûts de réparation et actuellement pas la principale cause des d’entretien. Un entretien routier régulier encombrements ni de la faible vitesse pourrait réduire ces deux effets et il existe des déplacements motorisés (Kopp et un fonds d’entretien des routes qui devrait Prud’homme 2011). Il s’agit plutôt de être correctement abondé. l’utilisation sous-optimale de l’espace À plus long terme, des voies de transport routier. Le manque d’espaces dédiés au collectif pourraient être une option stationnement fait que des véhicules en prometteuse pour réduire les durées de stationnement occupent une ou deux files déplacement dans les zones urbaines. Les alors que les routes sont à deux voies et Tap-Tap se déplacent principalement sur dans les deux sens. Étant donné que les des routes qui ont deux voies dans chaque vendeurs ambulants obligent les piétons direction. Si une partie de l’espace routier à descendre du trottoir, ils sont même pouvait être libérée comme nous l’avons forcés à s’avancer plus loin sur la chaussée proposé ci-dessus, et compte tenu des à cause des véhicules en stationnement. taux actuels de motorisation bas, il serait Cette situation comporte non seulement judicieux de réserver de l’espace aux trans- des risques mais elle implique également ports collectifs. 157 Rendre les transports collectifs plus abord- Une augmentation de la vitesse des ables pour un appariement inclusif entre transports, déjà discutée dans la section personnes et opportunités économiques précédente, permettrait aux conducteurs de Des transports collectifs trop chers sont Tap-Tap d’augmenter le nombre de voyages un des principaux obstacles pour que les qu’ils peuvent effectuer en un temps donné. zones urbaines en Haïti puissent agir en tant Ceci leur permettrait également d’avoir plus qu’intermédiaires, en assurant une meilleure de clients payants et des bénéfices supérieurs. connexion entre les personnes et les oppor- On peut donc dire que toutes les options qui tunités. Alors qu’un piéton à Port-au-Prince pourraient permettre de réduire le temps a accès à environ 12 % des opportunités en de déplacement grâce à une meilleure une heure, un utilisateur de Tap-Tap a accès gestion de l’espace routier, permettraient de à 27 %. Pourtant, l’abordabilité des trans- contribuer à réduire les coûts opérationnels. ports collectifs est encore plus menacée par Nous n’insisterons jamais assez sur le fait que le besoin d’éliminer les subventions sur les l’augmentation de la vitesse de déplacement carburants qui sont intenables d’un point améliorera à la fois l’accessibilité et l’abord- de vue fiscal et dans une perspective macro- abilité du transport motorisé. économique ainsi qu’extrêmement régres- Améliorer l’efficacité énergétique des sives puisqu’elles bénéficient largement aux Tap-Tap, même si l’investissement initial en ménages les plus riches. La suppression des capital pour l’achat du véhicule augmente, subventions sur les carburants fossiles va, permettrait de réduire les coûts en carburant toutefois, probablement générer des tarifs de et donc les coûts d’opération du véhicule. Tap-Tap plus élevés et le transport motorisé Les options qui vont dans ce sens compren- va donc devenir encore moins envisage- nent soit l’achat de véhicules de plus grande able pour une large part de la population capacité qui pourraient permettre une urbaine. Il est donc nécessaire de réfléchir à consommation de carburant par passager des mécanismes qui pourraient compenser moins élevée ou l’achat de véhicules avec l’augmentation des tarifs des Tap-Tap ou une moindre consommation de carburant même les réduire. Nous allons explorer mais de taille similaire. Ces deux options ci-dessous un certain nombre d’options pour semblent raisonnables à première vue et ce faire, en reconnaissant qu’il serait néces- méritent des investigations supplémentaires. saire de procéder à une analyse plus détaillée, Le paysage vallonné de certaines villes haïti- notamment avec une meilleure compréhen- ennes (notamment Port-au-Prince) ainsi sion de la gestion économique des Tap-Tap. que la présence de routes étroites méritent Une étude de la Banque mondiale portant toutefois une réflexion détaillée avant de sur ces questions, est actuellement en cours. conseiller l’achat de véhicules plus grands La plupart des options envisagées ont ceci et donc plus difficiles à manœuvrer. En ce en commun qu’elles s’efforcent de réduire qui concerne les incitations à l’achat et à les coûts des opérateurs de Tap-Tap, acteurs l’utilisation de véhicules avec une meilleure cruciaux de la mobilité urbaine, ce qui efficacité énergétique, des expériences pourrait permettre des tarifs de transport conduites dans d’autres pays peuvent fournir plus bas. des enseignements. Les autorités de la zone 158 urbaine de Dakar, par exemple, ont créé À plus long terme, des subventions sur les des incitations destinées aux opérateurs de transports soigneusement ciblés pourraient minibus informels pour qu’ils achètent des être dirigées vers les ménages les plus pauvres véhicules économes en carburant. Entre dans les zones urbaines en Haïti. Ces subven- 2003 et 2008, les opérateurs ont reçu un tions ciblées de la demande sont largement prêt subventionné pour l’achat de minibus reconnues comme étant les mécanismes plus économes en carburant, qui a couvert les plus efficaces pour s’assurer que les plus presque 75 % des coûts d’achat (Kumar and pauvres obtiennent ou conservent l’accès Diou 2010). En échange, les propriétaires aux opportunités sans peser excessivement 14 de “car rapides ” devaient retirer leurs sur le budget national ou local (Estupiñán et véhicules de la circulation, devenir al. 2007). Cependant, ce type de subventions membres d’une association de transports requiert des registres détaillés pour capturer (formalisant ainsi leur activité) et accepter la situation socio-économique des ménages d’emprunter des itinéraires spécifiques ou des individus. Même si ce mécanisme à prix fixes. Le succès de l’opération est semble irréaliste en Haïti aujourd’hui, à toujours en discussion. Les faits indiquent plus long terme, il pourrait représenter une que les tarifs ont été réduits mais que l’util- option intéressante. isation semble être restée limitée (Kumar et Diou 2010). L’évaluation de ce projet Renforcer la coordination entre l’aménage- conclut notamment que des mécanismes ment du territoire et dans les investisse- de leasing peuvent être efficaces pour ments de transport pour améliorer l’accès et remplacer les flottes de transport public la résilience vieillissantes mais que leur succès dépend Il existe deux principales manières « des contributions des opérateurs au d’améliorer l’accessibilité aux opportu- stade de la conception et de l’assistance nités dans les zones urbaines : augmenter technique pour professionnaliser les opéra- la vitesse et réduire la distance. Ces deux teurs et les conducteurs et restructurer le options opposées sont très bien illustrées réseau d’opérateurs de transport informels”. par Atlanta d’un côté et Barcelone de l’autre Cette option nécessiterait une analyse plus (Bertaud 2002). La première consiste à détaillée pour découvrir s’il est possible augmenter la vitesse de déplacement, princi- d’identifier un modèle adapté et de palement en investissant dans le réseau négocier avec les opérateurs de Tap-Tap de connectivité mais aussi en rendant le en Haïti. Une assistance technique en transport motorisé plus abordable de cours de la Banque mondiale explore les manière à ce qu’une plus grande part de la différents mécanismes de compensation population puisse se déplacer plus rapide- des augmentations des coûts de carburants ment. La deuxième option consiste à réduire et les résultats permettront de savoir si la les distances entre les logements et les oppor- mise à la casse des vieux Tap-Tap est une tunités. Ceci veut dire réduire la fragmenta- option viable. tion de l’empreinte urbaine en encourageant 14 Véhicules de transport adapté informels et colorés à Dakar. 159 la densité de population et d’opportunités et double focus dans les zones urbaines haïti- une meilleure intégration de l’aménagement ennes : limiter l’exposition des personnes aux du territoire et du transport. catastrophes naturelles et promouvoir l’acces- Les densités de population à Port-au-Prince sibilité aux opportunités économiques. Des et au Cap-Haïtien sont élevées (jusqu’à 90 exemples à Port-au-Prince et au Cap-Haïtien 000 personnes au km2 à Port-au-Prince), ce montrent que la croissance urbaine a permis qui indique que le potentiel d’amélioration d’atteindre un des deux objectifs mais pas les de l’accessibilité en réduisant les distances deux simultanément. À Port-au-Prince, de reste limité. Le chapitre 2 sur la planification récents développements au nord de Croix-des- indique d’ailleurs que ces zones urbaines sont Bouquets, à Canaan, ont été réalisés après le surpeuplées, dans le sens où des densités plus tremblement de terre de 2010. Ils sembleraient élevées n’ont pas été accompagnées par des être moins vulnérables auxcrues du fleuve car infrastructures adéquates. En fait, la crois- ils sont installés sur une pente. Toutefois, ils sance urbaine a continué au même rythme sont très éloignés du centre de Port-au-Prince au centre de Port-au-Prince que dans la zone et connectés par peu de routes, ce qui limite plus périphérique de Croix des Bouquets, ce l’accessibilité aux opportunités économiques qui indique une augmentation continue de la (comme on peut le voir Figure 24). Au Cap-Haï- population dans une zone qui bénéficie de la tien, comme nous l’avons documenté dans meilleure accessibilité. Ce modèle contraste le chapitre sur la planification, la croissance avec celui qui a été observé dans de nombreuses urbaine s’est produite à proximité du centre- autres grandes villes au monde où la croissance ville et donc des opportunités économiques est plus rapide dans la périphérie des noyaux mais au prix de risques élevés puisque l’urbani- urbains (Angel et al. 2011). À court terme, il sation entre 2005 et 2015 a empiété de 21 % sur n’y a donc que peu de possibilités de réduire la le lit de la rivière. Une planification prudente distance entre les personnes et les opportunités devrait permettre d’éviter ces arbitrages et économiques en continuant à augmenter les d’encourager les installations dans des zones densités. Pour être en mesure de le faire sans relativement protégées des risques multiples détériorer les conditions de vie, il serait néces- (ou qui peuvent être plus facilement protégées) saire de construire des bâtiments plus élevés et qui peuvent bénéficier de la proximité des abritant plusieurs familles. À moyen terme, opportunités économiques soit grâce à la il faudrait encourager cette solution mais elle proximité physique (urbanisation de « remplis- présuppose l’émergence d’une industrie du sage » plutôt qu’en mitage urbain) ou grâce à bâtiment qualifiée, capable de faire appliquer l’accès aux options de transport. les codes de construction pour contribuer à La planification seule ne suffit pas, c’est la résister aux risques sismiques. mise en œuvre qui est clé. Le chapitre sur la Il existe cependant des marges de planification a documenté le fait qu’une crois- manœuvre considérables pour promouvoir sance urbaine informelle et sans coordination l’accessibilité en planifiant l’expansion urbaine s’est produite malgré une profusion de plans tout en réduisant simultanément l’exposition locaux, sectoriels et nationaux à la fois pour aux catastrophes naturelles. La planifica- Port-au-Prince et pour Cap-Haïtien. Trois tion de l’expansion urbaine devrait avoir un recommandations semblent être pertinentes 160 à ce stade. D’abord, renforcer la coordination des titres de propriété mais elles devraient en et la coopération entre les agences de mise en tout cas permettre leur transférabilité. œuvre pour maximiser les chances de succès Dans un pays comme Haïti avec des ressou- de ces plans. Deuxièmement, fixer des objectifs rces limitées, il est d’autant plus important atteignables qui ont plus de chances d’être de s’assurer que les fonds alloués à l’entretien pris au sérieux et qui sont moins susceptibles et à l’amélioration des routes sont utilisés de d’entraîner des conséquences inattendues15. la manière la plus efficace possible. Compte Troisièmement, « prévoir le meilleur mais se tenu de l’exposition importante du pays aux préparer pour le pire ». Tunis, en Tunisie, a catastrophes naturelles, il est important de apporté des informations claires et transpar- prêter attention à la construction dela résil- entes sur la localisation des futures infrastruc- ience du réseau. D’ailleurs, des catastrophes tures. Ceci n’a pas empêché une urbanisation naturelles, localisées et récurrentes (comme les non planifiée mais avec malgré tout deux inondations), peuvent mener à l’isolation de avantages : 1/ ces informations ont effective- certains quartiers ce qui impact la possibilité ment guidé les nouveaux quartiers informels de se rendre au travail et perturbe les chaînes vers des zones où le gouvernement avait de valeur économique. Une méthode pour planifié une expansion et 2/ elles ont sécurisé identifier les domaines d’intervention les plus les droits de passage pour viabiliser ces zones à urgents est l’analyse de criticité. Ce chapitre a l’avenir avec des routes, des systèmes d’égouts fourni une feuille de route pour la priorisation … En procédant de cette manière, le gouver- des travaux routiers et de l’entretien des routes. nement a réduit les coûts de viabilisation de Même s’il est incomplet puisqu’il n’intègre ces zones à l’avenir car la réhabilitation est en pas les coûts inhérents aux encombrements, général plus onéreuse. il permet malgré tout d’identifier les segments Une tâche notoirement ardue est de faire routiers les plus cruciaux. fonctionner les marchés fonciers. C’est un Alors que l’analyse de criticité présentée aspect essentiel si on veut permettre au dans ce chapitre identifie les priorités, le foncier d’être utilisé à sa plus haute valeur, type d’intervention justifiera une analyse ce qui promouvra ensuite la densité puisque économique plus approfondie. Deux options du foncier plus cher entraîne en général des principales existent. La première consiste à densités plus importantes dans les villes réhabiliter/améliorer les segments routiers pour mondiales, ce qui peut ensuite promouvoir les rendre plus résilients à certains types de une meilleure accessibilité des opportunités catastrophes. Ce travail pourrait comprendre économiques en réduisant les distances. Le plusieurs options comme l’amélioration du chapitre sur la planification a proposé un système de drainage de la route ou l’élévation certain nombre d’options pour l’avenir. Elles de la route. La deuxième option consiste à ne nécessitent pas toujours la formalisation investir dans la redondance du réseau. Cette 15 Un rapport récent de la Banque mondiale décrit les conséquences de réglementations de l’aménagement du territoire mal adaptées sur l’état de développement d’un pays. Dans certains cas, des réglementations bien intentionnées comme par exemple une taille minimum de parcelles pour assurer un espace vital basique par personne, peuvent s’avérer inabordables pour les résidents et les forcer vers l’informel (Lall, Henderson, et Venables 2017). 161 option peut s’avérer plus favorable lorsque centre-ville grâce aux investissements dans la le coût du renforcement de la résilience du construction de transports en terrain surélevé. segment routier est élevé ou lorsqu’il est Les infrastructures de transport nouvelles et difficile d’évaluer les risques. améliorées visent à augmenter (i) l’accessibilité Compte tenu du fait que le risque est une et la connectivité, (ii) la valeur du foncier, et (iii) fonction de la vulnérabilité physique et du les opportunités d’investissement. Les activités niveau d’exposition au danger, améliorer du projet sont accompagnées par l’élaboration les infrastructures et promouvoir le dével- de systèmes de gestion pour améliorer la plani- oppement urbain dans les zones moins fication spatiale, la gestion des risques d’inon- exposées sont des mesures complémentaires dation et le transport, y compris une base de qui contribuent à construire la résilience données géospatiales basée sur le Web, qui et à réduire les risques de catastrophes. La sert de plate-forme unique pour les données réhabilitation ou la protection d’infrastruc- spatiales et qui est prévue pour être utilisée par tures cruciales, comme les routes, en tant que les départements ministériels pour la planifi- mesures correctives, va réduire la vulnérabilité cation spatiale et le développement des infra- des infrastructures et donc diminuer le risque structures. de catastrophes. Guider le développement urbain et de nouveaux investissements dans le transport d’une manière proactive vers les zones qui sont moins exposées aux catastro- phes naturelles grâce à l’aménagement du territoire et à l’utilisation des informations sur les risques, en tant que mesures préven- tives, permettra également de réduire le risque global. Le projet de développement urbain et de résilience urbaine Can-Tho au Vietnam combine les deux approches pour réduire le risque d’inondation et construire la résilience à long terme et ses enseignements peuvent être distillés dans le contexte haïtien. D’un côté, le projet vise à améliorer la gestion des risques d’inondation et l’assainissement environne- mental grâce à des investissements dans des infrastructures de contrôles prioritaires des inondations dans le centre-ville, y compris les berges avoisinantes, avec des clapets/vannes à marée et l’amélioration du système de drainage. D’un autre côté, il promeut le développement de nouvelles zones de croissance urbaine à bas risques en améliorant la connectivité avec le 162 RÉFÉRENCES Transport: What Do We Mean, What Can Be Done?” World Bank Policy Research Angel, S., J. Parent, D. L. Civco, and A. M. Working Paper Series, no. 4440. Blei. 2011. “Making Room for a Planet Franklin, S. 2015. “Location, Search Costs of Cities.” Policy Focus Report, Lincoln and Youth Unemployment: The Impact Institute of Land Policy. of a Randomized Transport Subsidy in Antos, S.E., N. Lozano-Gracia, and S.V. Urban Ethiopia.” CSAE Working Paper Lall. 2016. “The Morphology of African WPS/2015-11. Cities.” World Bank Policy Research Guha-Sapir, D., R. Below, and Ph. Hoyois. Working Paper, no. 7911. 2017. “EM-DAT: Emergency Events Avner, P., and S.V. Lall. 2016. “Matchmaking Database.” Brussels, Belgium: Univer- in Nairobi: The Role of Land Use.” World sité Catholique de Louvain. http://www. 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LIAISONS INTERURBAINES : POURQUOI SONT-ELLES ÉGALEMENT IMPOR- TANTES POUR LA PRODUCTIVITÉ EN HAÏTI? Marisa Garcia Lozano* GAINS ASSOCIÉS À LA CONNECTIVITÉ INTERURBAINE Le chapitre 3 s’est concentré principalement sur l’évaluation du niveau de connectivité intra-ur- baine en Haïti et son impact sur la création, l’accessibilité et la productivité des emplois. Toutefois, les liaisons interurbaines jouent également un rôle pivot pour exploiter les bénéfices de l’urbanisation et les économies d’agglomération. La manière dont les villes, les régions et les ports sont connectés, s’avère cruciale pour promouvoir la prospérité économique, réduire la pauvreté et promouvoir l’hab- itabilité (Ellis et Roberts, 2016). Dans les pays à urbanisation rapide – comme c’est le cas en Haïti – les infrastructures de connectivité sont clés pour permettre aux bénéfices tirés du renforcement de la densité économique d’être plus largement partagés (Banque mondiale, 2009). Connecter les villes est le tremplin qui permet de doper le potentiel de croissance et les niveaux et productivité sur les marchés urbains – y compris les marchés du travail, des produits et des services. Les investissements dans les infrastructures de connexion sont onéreux (ils représen- tent parfois plus de 15 % du PIB d’un pays en voie de développement) mais ils réduisent les coûts commerciaux et facilitent une affectation des ressources plus efficace (Ellis et Roberts, 2016). Les liaisons interurbaines bénéficient à la fois aux producteurs et aux consommateurs ; elles donnent aux producteurs accès aux intrants (y compris la main-d’œuvre) et aux marchés de produits dans d’autres villes et régions, tout en offrant aux consommateurs de meilleurs prix et une gamme d’options plus large (Banque mondiale, 2013). Avec de meilleures connexions, les entreprises ont la possibilité de déménager lorsque les terrains sont trop chers et donc d’augmenter leurs profits en s’installant dans d’autres zones. Lorsque l’accès aux villes n’est pas adéquat, les entreprises n’ont pas d’autre choix que d’assumer ces coûts élevés. Investir dans la connectivité spatiale non seulement renforce la productivité mais elle se traduit également par des niveaux plus élevés d’habitabilité, tels qu’ils sont mesurés par l’accès aux services de base hors réseau comme l’éducation et la santé. La qualité de vie des populations résidant dans les zones en retard s’améliore au fur et à mesure qu’elles deviennent bien intégrées avec des lieux qui fournissent ces services. Les faits montrent que la distance à parcourir pour aller à l’école a un impact sur les taux de présence. Une enquête au Sri Lanka a montré que de grandes distances à parcourir ou le manque de transport adéquat pour aller à l’école étaient mentionnés comme étant une raison de ne pas inscrire les enfants à l’école (17,8 %). D’autre part, une étude *L’auteur remercie Sarah E. Antos et Katie L. McWilliams pour leurs contributions. 167 réalisée au Ghana (Vuri, 2007) a montré que plus l’école était loin du logement des enfants, moins ils étaient susceptibles d’être scolarisés avec une baisse de 0,03 % de la probabilité pour chaque minute supplémentaire de déplacement. Un rapport de la Banque mondiale1 met en exergue trois étapes que les décideurs peuvent utiliser pour identifier les améliorations les plus efficaces des réseaux de connexion. 1. Premièrement, évaluer la valeur des connexions internes et externes de la ville. Pour les connexions externes, cela veut dire comparer les coûts de transport d’une ville – et les données sur la densité, la qualité et la capacité des routes, chemin de fer, voies navigables – avec celles de villes similaires pour identifier les principaux besoins d’améliorations. 2. Deuxièmement, coordonner entre les options de transport et avec les politiques d’aménage- ment du territoire et les plans d’infrastructures y afférents. Ceci requiert une identification partage modal requis par une ville et une incitation à la concurrence pour réduire les écarts entre les prix des transports et les coûts. 3. Troisièmement, exploiter des investissements qui produiront les meilleurs retours pour les villes – collectivement et individuellement. Les leaders des villes doivent identifier des inves- tissements de connexion dans les zones où la demande en infrastructures interurbaines et en services de transports est la plus élevée ainsi que dans des corridors qui produisent les meilleurs retours en termes d’efficacité et d’équité. LES PERFORMANCES D’HAÏTI POUR CONNECTER SES VILLES Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, la connectivité et l’accès aux villes apportent de nombreux avantages à différentes parties prenantes. Mais, les villes haïtiennes sont-elles bien connectées ? Nous voyons quelles sont les performances des villes en évaluant l’accès aux marchés ainsi que l’accès aux services qui contribuent à augmenter le niveau de vie. Une approche pour mesurer l’accessibilité physique est de regarder le réseau routier actuel. Accessibilité des marchés. L’accessibilité physique des marchés a été calculée pour 138 villes et agglomérations en Haïti en utilisant le réseau routier et en pondérant en fonction de la taille des marchés2. Une matrice de coûts qui fait partie des outils d’analyse des réseaux ArcGIS a été utilisée pour mesurer l’accessibilité aux marchés. Cette fonction utilise le réseau routier pour déterminer le coût (durée) pour aller d’un point d’origine à un point de destination. D’abord, un maillage de 27 077 points d’origine a été créé, couvrant tout le pays, en utilisant une résolution d’1 kilomètre et des destinations ont été identifiées en tant que 238 villes. Les calculs du temps de déplacement ont généré 3 millions d’itinéraires en utilisant le réseau de transport pour connecter les points d’origine avec chaque marché de destination. 1 World Bank, 2013. Planning, Connecting, and Financing Cities - Now: Priorities for City Leaders. Le rapport présente les connexions à la fois à l’intérieur et entre les villes mais ceci apporte des informations inhérentes seulement aux connexions interurbaines. 2 Les mesures d’accessibilité des marchés ont été calculées en utilisant la formule suivante: Accessibilité de n’importe quel point d’origine X = Population de la ville de marché Y *e [(-temps entre X et Y) / (2* a2)]) où Y est le point de destination, e est une constante fixée à 2,71, et a la distance maximale à travers le pays.3 Based on IHSI 2015 estimations. 168 ACCESSIBILITÉ DES MARCHÉS EN HAÏTI Figure 1. Source: Calculs de l’équipe de l’examen d’urbanisation de la Banque mondiale Comme nous le voyons dans la Figure 1, les zones qui ont les niveaux d’accessibilité les plus élevés sont représentées en rouge alors que les bas niveaux d’accessibilité au marché sont en bleu. La carte ci-dessous indique que même si l’accessibilité aux marchés à Port-au-Prince et dans ses zones périphériques est élevée (en rouge), il y a quelques vallées qui ont un accès limité dans les régions nord et sud-ouest (en bleu), ainsi que certaines zones dans le centre du pays (en jaune). Ce sont les bas niveaux d’accessibilité dans les zones sud et nord-ouest du pays qui sont les plus frappants. Accès aux services d’éducation et de santé. L’accès aux écoles, aux hôpitaux et aux centres de santé a été mesuré pour des populations rurales et urbaines à partir de la durée de déplacement par la route et à pied (voir Figure 2 (A-C) ci-dessous). Les durées de déplacement ont été mesurées à partir des vitesses réglementaires présentes dans les données routières du CNIGS haïtien et d’une vitesse de déplacement à pied de 4 km/heure. Les données du CNIGS ont été améliorées autour de Port-au-Prince et d’autres petites villes en Haïti en utilisant l’imagerie satellitaire et/ou OpenStreetMap pour identifier les routes qui devaient être ajoutées aux données. Les routes ont ensuite été numérisées individuellement pour créer un réseau complet. Les zones ont été définies 169 Figure 2. ACCÈS AUX SERVICES DE SANTÉ ET D’ÉDUCATION EN HAÏTI (A) Accès aux écoles (en millions). (B) Accès aux hôpitaux (en millions). (C) Accès aux centres de santé (en millions). Source: Equipe de l’examen d’urbanisation de la Banque mondiale, avec des données routières du CNGUS haïtien et des données de population de Haïti WorldPoP (www.worldpop.org). 170 comme étant soit urbaines soit rurales à partir de l’appellation de la commission européenne : zones à forte densité de population, zones à densité intermédiaire et zones peu peuplées. Les zones à densité intermédiaire et celles faiblement peuplées ont été consolidées dans une catégorie « rurale » alors que les zones à forte densité de population ont fait l’objet d’une catégorie « urbaine ». Les hôpitaux, les centres de santé et les écoles (fournis par le gouvernement haïtien) ont été ensuite catégorisés comme étant soit ‘urbains’ soit ‘ruraux’. Les bassins de vie situés autour des écoles, des hôpitaux et des centres de santé ont été construits à partir des paramètres suivants: · hôpitaux : urbains – à 30 minutes de route, ruraux – à 60 minutes de route · centres de santé : urbains – à 15 minutes de route, ruraux – à 30 minutes de route · Ecoles : urbaines – 30 minutes à pied, rurales – 60 minutes à pied Les zones de chalandise ont été créées en alignant les emplacements de l’école, du centre de santé et de l’hôpital sur le point le plus proche du réseau routier (avec une distance maximum d’alignement de 5 km). Tous les hôpitaux et les centres de santé se situaient dans ce rayon par rapport à la route, mais 152 écoles rurales étaient plus éloignées. Pour ces cas de figure, l’imag- erie satellitaire a confirmé qu’il n’existait pas de routes apparentes à proximité. Pour ces écoles non connectées, les zones de chalandise ont été créées en construisant une zone tampon de 4 km autour de chaque école (ce qui représente environ une heure de marche à pied). Une fois que toutes les zones de chalandise ont été créées, une zone tampon d’un kilomètre a été ajoutée autour des résultats basés sur les routes pour mieux tenir compte des personnes qui rejoignent le réseau routier à pied. Enfin des statistiques zonales ont été calculées en utilisant les données WorldPop3 pour Haïti pour déterminer le nombre de personnes dans chacune des zones de chalandise. D’après les résultats, c’est l’accès aux centres de santé qui présente l’écart le plus important avec jusqu’à 3,8 millions de personnes qui sont loin d’un centre. Les populations rurales sont plus éloignées des hôpitaux que les résidents urbains avec une durée de déplacement d’environ 30 minutes supplémentaire. L’accès aux écoles est plus également réparti dans le pays mais les populations rurales restent beaucoup plus défavorisées que les citadins. Secteur du transport.4 La clé d’une meilleure connectivité est un réseau de transport efficace et qui fonctionne bien. Le secteur du transport en Haïti joue un rôle important dans son économie : il contribue à hauteur de 12 % à son PIB. On estime que le transport terrestre déplace environ 80 % des biens et des personnes à travers le pays et nous nous concentrerons donc sur ce mode de transport dans cette section. Notamment les performances de l’industrie du camionnage sont un bon indicateur de la connectivité entre les villes. 4 Cette section se fonde largement sur le rapport de la Banque mondiale de 2014 sur l’industrie du camionnage en Haïti. Le rapport présente les résultats d’une enquête sur l’industrie du camionnage élaborée et mise en œuvre par EEC Canada entre mars et mai 2014. Son objectif était de développer une meilleure compréhension des coûts de transport interurbain et trans- frontalier en Haïti. Il est basé sur 280 combinaisons d’origines et de destinations de 100 répondants, y compris des camion- neurs individuels haïtiens, des sociétés haïtiennes de taille moyenne et de grande taille, ainsi que des opérateurs assurant le transport entre la République Dominicaine et Haïti 171 Figure 3. COMPARAISON DES PRIX INTERNATIONAUX DE LA TONNE AU KILOMÈTRE ($US) Source: Rapport sur l’industrie de camionnage en Haïti – 2014, EEC Canada/Banque mondiale En termes de prix des services de transport, déplacer des produits en Haïti coûte très cher. Le prix du transport d’une tonne par kilomètre est de US$ 0,43, le plus élevé dans la région LAC, et un des plus élevés comparés aux pays dans d’autres régions. Dans le groupe de pays présentés sur la figure ci-dessous, seule la Tunisie (US$ 0,45), le Japon (US$ 0,67) et la Corée du Sud (US$ 0,81) ont un prix de transport routier de la tonne par kilomètre plus élevé qu’Haïti. Le carburant, l’entretien et les pneus ainsi que la main-d’œuvre sont les trois principaux composants des coûts opérationnels pour tous les opérateurs haïtiens et représentent respective- ment 44, 27,9 et 22,1 %. La qualité des routes est un facteur majeur qui contribue au coût élevé en pneus encouru par les opérateurs qui y consacrent jusqu’à 15 % de leurs coûts opérationnels comparés à une moyenne visiblement plus basse en Amérique centrale. D’après l’enquête, la variable « état des routes » augmente le prix de la tonne au kilomètre de 25 % en moyenne. 172 Des progrès ont été réalisés pour améliorer et développer le réseau routier et par là-même améliorer la connectivité générale dans le pays. De plus gros investissements sont nécessaires pour renforcer la mobilité des marchés et la productivité, notamment pour les populations rurales. Environ 50 % du territoire national souffrent d’un manque de connexion affectant 3,6 millions de personnes dont 3,2 millions dans les zones rurales. Une vue d’ensemble des liaisons interurbaines en Haïti montre que l’accès physique aux marchés et aux services de base comme les écoles, les hôpitaux et les centres de santé est à la traîne. C’est partic- ulièrement vrai pour les villes et les agglomérations en dehors de la région métropolitaine de Port-au- Prince qui est visiblement mieux connectée. Pour encourager la productivité et améliorer l’habitabilité, des liens plus importants entre les villes et entre les zones urbaines et les zones rurales sont indispens- ables. Même si des travaux supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les écarts decon- nectivité, montrer les zones d’amélioration, comme les routes, est un bon point de départ. Identifier les goulots d’étranglement dans les régions nord et le sud-ouest du pays est également un élément clé pour élaborer des politiques efficaces qui contribuent à améliorer la connectivité générale. QU’ONT FAIT LES AUTRES PAYS – OU QUE FONT-ILS – POUR AMÉLIORER LA CONNECTIVITÉ INTERURBAINE ? The Republic of South Korea. La République de Corée. Le gouvernement a beaucoup investi dans un programme d’infrastructures routières majeur pour renforcer la connectivité entre les provinces et les villes. La construction du système d’autoroutes a apporté de nombreux avantages économiques : entre 1995 et 2010, les niveaux de produit intérieur régional brut (PIRB) ont considérablement augmenté, notamment dans les zones qui jouissaient d’une meilleure connec- tivité. L’évolution spatiale de l’économie dans le pays a également changé avec des infrastructures de transport mieux intégrées. Ceci a permis le développement de villes nouvelles et la déconcentra- tion des emplois manufacturiers de Séoul et Busan vers des villes secondaires. La République populaire de Chine. Depuis la fin des années 80, le pays a beaucoup investi dans les infrastructures physiques pour connecter les villes et les régions dans l’ensemble du pays. La construction d’autoroutes et l’intégration des systèmes de transport ont considérablement amélioré la connectivité et facilité la mobilité de la main-d’œuvre notamment des zones rurales vers les zones urbaines (Banque mondiale, 2014). Plus récemment, entre 2006 et 2012, la Chine a construit 780 500 km de routes, 50 860 km de voies rapides, 65 230 km d’autoroutes rurales, 20 900 km de voies de chemin de fer, 41 aéroports et 23 631 km de voies navigables intérieures de qualité (Banque mondiale, 2014). Grâce aux nouvelles voies rapides et aux trains à grande vitesse, la durée de déplacement interurbain a diminué de 50 à 70 %. Une meilleure connectivité a également amélioré l’accessibilité aller-retour des villes de deuxième et de troisième niveau et les secteurs de la finance, des technologies de l’information, du tourisme et de l’industrie manufacturière ont largement profité des meilleures connexions entre les entreprises. Sri Lanka. Le gouvernement du Sri Lanka a réalisé de gros investissements pour développer son secteur routier et améliorer la connectivité pour l’intégration sociale et le développement économique. Avec l’assistance de la Banque mondiale et d’autres partenaires de développement, le Sri Lanka a lancé le projet Road Sector Assistance Project (RSAP). Le système routier national 173 est devenu plus efficace grâce à des investissements dans la réhabilitation et l’entretien des routes. L’amélioration des routes rurales a bénéficié aux communautés en termes d’accès aux services publics, aux écoles, aux services de santé, aux centres d’affaires et aux marchés en promouvant ainsi l’équité spatiale. Un certain nombre de changements importants : les points de ventes agricoles ont augmenté 143 % ; 14% des étudiants ont quitté des écoles avec peu de ressources pour des écoles dans des villes avec de meilleures installations et des enseignants de meilleure qualité ; et les taux de présence à l’école ont augmenté de 45 % en moyenne (“10 Years of Better Roads in Sri Lanka”) (« 10 années de routes meilleures au Sri Lanka »). Inde. En 2001, l’Inde a lancé le Golden Quadrilateral (GQ) (Quadrilatère en Or), un réseau de 6000 km de routes connectant les quatre principaux centres culturels et industriels en Inde : Delhi, Mumbai, Calcutta et Chennai. Le GQ a amélioré la connectivité et l’accessibilité des marchés de districts situés tout près de ces quatre villes par rapport à ceux qui étaient plus loin. Par exemple, les districts qui se trouvent à une distance entre 0 et 10 kilomètre du réseau GQ montrent une arrivée importante de nouvelles entreprises manufacturières et des augmentations de productivité (Ghani, Goswani & Kerr, 2013). Angleterre. Le gouvernement du Royaume-Uni a mis en place un agenda politique appelé la ‘locomotive du Nord’ pour réduire les différences de productivité entre les régions du nord et du sud de l’Angleterre. Depuis 30 ans, la valeur ajoutée brute par tête dans le nord est en moyenne 25 % en-dessous de celle du reste de l’Angleterre (SQW, 2016). Initialement introduite en 2014 par le chancelier de l’échiquier de l’époque, la locomotive du Nord – où vivent 10,7 millions de personnes – s’efforce de doper les connexions physiques et économiques des six principales villes régions : Hull, Leeds, Liverpool, Manchester, Sheffield et le Nord-est. Les résultats d’un examen économique indépendant ont conclu que de meilleures connexions de transport dans le nord ainsi que de meilleures compétences, innovations et investissements étrangers pouvaient faire augmenter la valeur ajoutée brute de 15 % (environ $124 milliards US) et créer 850 000 emplois supplémentaires d’ici à 2050. Le transport du Nord (Transport for the North) (TfN), un partenariat de chefs d’entreprises et d’élus, travaille aujourd’hui à une vision ambitieuse d’un réseau de chemin de fer qui connectera les six villes régions et le plus grand aéroport de la région. 174 RÉFÉRENCES Ellis, P., and M. Roberts. 2016. Leveraging Urbanization in South Asia: Managing Spatial Transfor- mation for Prosperity and Livability. Washington, DC: World Bank. Etude Economique Conseil – EEC. 2014. “Report on the Trucking Industry in Haiti – 2014.” Ghani, E., A.G. Goswani, and W.R. 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(May 5, 2016). Feature Story: 10 Years of Better Roads in Sri Lanka. http://www. worldbank.org/en/news/feature/2016/05/05/10-years-of-better-roads-in-sri-lanka. World Bank. 2004. Sri Lanka – Reshaping Economic Geography: Connecting People to Prosperity. Colombo: World Bank. ———. 2009. World Development Report 2009: Reshaping Economic Geography. World Bank. ———. 2013. Planning, Connecting, and Financing Cities - Now: Priorities for City Leaders. Washington, DC: World Bank. World Bank. Development Research Center of the State Council, the People’s Republic of China. 2014. Urban China: Toward Efficient, Inclusive, and Sustainable Urbanization. Washington, DC: World Bank. 175 CHAPTER 4 FINANCER LES VILLES HAÏTIENNES Jonas Ingemann Parby et Joseph Denis* GONAIVES. PHOTOGRAPHIÉE PAR SPÉCIALISTE EN COMMUNICATION 2ND CLASS ERIK BARKER, 2006 SOURCE: WIKIMEDIA, US NAVY DOMAINES PUBLIC CHAPÎTRE 4 – FINANCER LES VILLES HAÏTIENNES Comme mentionné dans les chapitres Cette situation représente une contrainte précédents, les villes deviennent des endroits importante dans la capacité du pays à réaliser dynamiques et habitables pour les personnes les dépenses nécessaires pour le développe- ainsi que les entreprises seulement si elles ment des infrastructures, dans la santé, dans offrent une couverture adéquate des services l’éducation ainsi que dans autres secteurs clés. de base – comme l’eau, l’assainissement, Le déficit du financement des infrastructures l’électricité, les routes et la collecte des déchets reste très important et de gros capitaux sont solides. Comme tous les grands projets nécessaires pour réduire ce déficit. Dans le d’investissement, il faut d’abord disposer de cadre actuel de décentralisation en Haïti et capitaux initiaux pour mettre en place les dans un contexte d’urbanisation rapide, la infrastructures nécessaires pour appuyer ces capacité des gouvernements locaux ou des services. Compte tenu des déficits en infra- communes à financer les services publics structures et services aujourd’hui et de la de base et les infrastructures, est de plus en diminution progressive de l’aide publique au plus limitée. développement, le pays est confronté à de gros Pour que les villes haïtiennes soient défis pour renforcer les finances publiques, mieux planifiées, connectées et fournisseurs notamment en s’adaptant aux réductions, de services adéquats, elles nécessitent un en mobilisant des fonds supplémentaires et examen, une révision, et une intensification en utilisant d’une manière plus judicieuse de leurs arrangements financiers. La capacité les fonds existants (Banque mondiale 2016). des gouvernements municipaux à fournir Malgré les récentes améliorations de ses efficacement des services est restreinte lorsque propres recettes fiscales - qui sont passées de les recettes locales sont limitées, restent moins de 10 % du PIB en 2004 à 12,6 % du inchangées ou n’augmentent pas avec une PIB en 2014 - Haïti continue à figurer parmi population et des responsabilités accrues. En les pays les moins performants en matière de Haïti, compte tenu des obstacles techniques mobilisation de recettes en Amérique latine et financiers, les municipalités ne sont pas et dans les Caraïbes (Banque mondiale 2016). en mesure d’assumer toutes les fonctions *Les auteurs remercient Alejandro Lopez Acotto et Gabriel Jean Michael pour les notes d’information qui ont servi de base à ce chapitre. Les auteurs remercient également Norcy Jean Remy, Directeur des Finances Locales (Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales) et son équipe pour la synthèse détaillée et les contributions à ce chapitre. 179 établies par la Constitution de 1987 et d’autres le contrôle des ressources avec un examen décrets relatifs à la décentralisation (FMI détaillé des subventions existantes d’appui 2015), comme nous allons le détailler dans ce aux gouvernements locaux et de leur chapitre. Les niveaux actuels de ressources gestion. Ces efforts pourraient contribuer sont extrêmement inférieurs aux exigences et d’une manièreimportante à aider Haïti à aux demandes de services, et les problèmes de profiter de la décentralisation, à rapprocher coordination augmentent le risque d’une utili- les services des citoyens, ainsi que remédier sation sous-optimale des ressources. aux inégalités.1 Les villes ont besoin de ressources pour La gestion des finances publiques au niveau aborder les lacunes en matière de services des gouvernements locaux est la clé pour urbains principaux - y compris le drainage que la décentralisation soit mise en œuvre et l’assainissement, les déchets solides, avec succès. La gestion financière est une le transport et la planification spatiale compétence importante pour les municipal- ainsi que la gestion de l’urbanisation à ités puisqu’elle « permet au gouvernement local venir. Les plans directeurs de nombreuses de planifier, mobiliser et utiliser des ressou- villes n’ont toujours pas de financement rces financières d’une manière efficace et et souffrent de retards dans leur mise en effective ainsi que de remplir ses obligations de œuvre. Le transport intra-urbain à Port-au- reddition de comptes à ses citoyens” (Farvac- Prince nécessite des investissements pour que-Vitkovic et Kopanyi 2014). La décentralisa- moderniser, diversifier et mettre à niveau tion effective des fonctions de dépenses et de les systèmes de transport public. Des recettes stratégiques vers les gouvernements segments de route manquants doivent municipaux ne s’est pas encore produite. être construits pour relier les villes clés et Des réformes clés doivent être engagées pour pour stimuler l’intégration économique renforcer la péréquation et la transparence dans le pays. Cela nécessite d’améliorer dans les transferts fiscaux afin de développer le volume, la prévisibilité, la rapidité et la des sources plus dynamiques de recettes gestion des investissements dans les infra- locales et renforcer la gouvernance municipale. structures existantes et dans le maintien Les capacités locales en matière de gestion des de celles existantes - tout en exploitant les finances publiques sont limitées et l’exécution mécanismes supplémentaires potentiels du budget est inefficace, ce qui entraîne de pour générer des recettes. Il est également mauvaises prestations de services. D’autre part nécessaire de faire un effort systématique le rapport budgétaire est laxiste et la classifica- pour ajuster et mettre en œuvre les réformes tion des dépenses n’est pas homogène. Enfin, existantes visant à améliorer la gestion les mécanismes de transferts budgétaires ne des gouvernements locaux et national, et fournissent pas aux gouvernements locaux 1 Ce chapitre est basé sur le travail réalisé dans deux études séparées qui se sont penchées sur le financement municipal global en Haïti avec une étude de cas qui analyse la situation financière de six communes dans le département du Nord (Finances Municipales en Haïti (2017, document de travail) ainsi que le Diagnostic des communes de l’agglomérat du Cap-Haïtien (Banque mondiale 2017, document de travail)). Veuillez voir l’annexe 2 pour l’examen et les limites spécifiques relatives à la méthodologie et aux données. 180 suffisamment d’incitations à l’amélioration de le long terme. Les enseignements tirés des la gestion des finances publiques ; ils ne sont projets et des programmes de développe- pas liés à l’amélioration des performances en ment local qui ont réussi à répondre correcte- matière de prestations de services et de gestion ment aux attentes des citoyens peuvent être financière, et les principes actuels qui détermi- utilisés comme base pour éclairer la manière nent ces transferts ne sont pas correctement de construire les systèmes nécessaires pour basés sur les besoins. Le renforcement des permettre une reddition de comptes plus capacités en gestion de finances publiques du solide. Les efforts actuels visant à renforcer la personnel municipal devrait donc rester prior- capacité des gouvernements locaux à prendre itaire et devrait être correctement coordonné en charge leur développement, devraient être entre les principales parties prenantes : le accompagnés de mesures visant à renforcer la Ministère des Finances et le Ministère de gestion financière et le contrôle interne. D’autre l’Intérieur et des Collectivités Territoriales. La part, des efforts pour mettre à la disposition coordination est tout à fait indispensable pour du public des informations sur les finances que l’agenda de réformes en matière de gestion locales, peuvent contribuer à la transparence des finances publiques soit harmonisé. et à instaurer la confiance à long terme. Un Une meilleure planification et reddition de processus participatif qui implique les citoyens comptes combinées à une plus grande trans- dès les premières étapes de la planification parence peuvent contribuer à renforcer la peut garantir que les actions répondent aux confiance des citoyens dans les gouvernements besoins locaux. locaux. Même si les gouvernements locaux Dans les sections suivantes, ce chapitre urbains, en général, ont obtenu de meilleures examine l’état des finances municipales dans performances dans la collecte de leurs propres le cadre du processus actuel de décentrali- sources de recettes, la demande en services est sation et met en exergue les domaines clés également beaucoup plus importante. Dans qui doivent être renforcés en fournissant des un contexte d’urbanisation importante, le recommandations spécifiques portant sur des développement et la gestion des villes jouent actions à court, moyen et long terme. un rôle décisif dans le développement du pays. Malheureusement, les gouvernements LE PROCESSUS ET LES PROGRÈS DE LA locaux peinent à fournir des services adaptés, DÉCENTRALISATION EN HAÏTI compte tenu de leur manque chronique de L’urbanisation en Haïti a généré deux défis ressources. Au niveau local, on ne tient pas importants dans le domaine des investisse- suffisamment compte des besoins des citoyens ments publics locaux. Le premier consiste dans le processus de planification. De la même à améliorer le niveau des infrastructures manière, la reddition de comptes et la trans- urbaines dans les villes pour favoriser les parence dans l’utilisation des fonds publics activités économiques et réduire les inégal- font cruellement défaut. ités urbaines. Depuis deux décennies, l’écart Un renforcement de la reddition de comptes entre les capacités de financement du pays et dans les deux sens (du sommet à la base et de le rythme de la croissance urbaine a généré un la base au sommet) peut, à son tour, améliorer déficit constant en infrastructures urbaines la prestation de services au niveau local sur dans les villes et dans les agglomérations - 181 Tableau 1. ACCÈS AUX TAUX DE COUVERTURE EN SERVICES DE BASE (2001-2012) (EN POURCENTAGE) INDICATEUR ÉCHELLE NATIONAL URBAIN RURAL 2001 2012 2001 2012 2001 2012 Enfants en âge scolaire inscrits à l’école 78 90 84 93 74 87 Taux de mortalité des moins de 5 ans 137.7 92 111.7 88 149.4 99 (pour 1000 naissances vivantes) Enfants (12-23 mois) complètement vaccinés 33.5 45.2 33.6 2012 2001 2012 Accès à des sources améliorées d’eau potable Définition de l’OMS a — 53 — 55 — 52 Accès à l’eau du robinet (dans la maison) 7 11 13 18 3 5 Définition élargie b — 73 — 91 — 56 Eau traitée (achetée) — 20 — 36 — 4 Accès à l’énergie c 32 36 62 63 11 11 Taux d’aisance en plein air d 63 33 44 11 76 53 Accès à un assainissement amélioré e — 31 — 48 — 16 Habitat, matériaux de construction non dangereux 48 60 71 81 33 41 Sources: ECVH 2001; ECVMAS 2012; Banque mondiale et ONPES (2014). OMS = Organisation Mondiale de la Santé.2 a Selon la définition internationale (OMS), l’accès à l’eau potable améliorée se mesure au pourcentage de la population utilisant des sources améliorées d’eau potable : raccordement domestique, borne-fontaine, forage, puits protèges, sources protégées, eau de pluie. b La définition élargie comprend la définition internationale (OMS), plus l’eau traitée (achetée). c Comprend l’électricité, l’énergie solaire, et les générateurs. d Le taux d’aisance en plein air mesure la proportion de personnes privées d’accès à tous sanitaires (améliores et non améliores). Il correspond au taux de défécation en plein air utilisé par les Nations Unies et il s’agit d’un des objectifs du millénaire (OMD), au cœur des discussions de l’agenda post-2015. Il est passé de 63 à 33 % à l’échelle nationale entre 2000 et 2012, ce qui est en phase avec les progrès réalisés dans les zones urbaines et rurales. e L’assainissement amélioré est l’accès à des toilettes à chasse d’eau ou à des latrines améliorées publiques ou privées   2 Définitions internationales utilisées (OMS). 182 comme nous l’avons mis en exergue dans les d’une manière à encourager et à soutenir la chapitres précédents. L’autre défi consiste participation des communautés locales dans à financer le développement urbain pour « les affaires publiques. Ainsi, Haïti est un État suivre le rythme de la croissance urbaine » au unitaire décentralisé. L’article 61 de la consti- fur et à mesure que les villes grandissent et tution de 1987 organise les autorités régionales augmentent en taille et en population. Comme et locales en trois niveaux : le département, la le montre le Tableau 1 ci-dessous, l’accès aux commune et la section communale. Elles sont services de base est resté limité. constituées d’organes délibérants – les assem- Le processus de décentralisation est ancré blées – et de structures exécutives. Ces struc- dans la constitution de 1987 et ses amende- tures permettent aux gouvernements locaux ments ultérieurs en 2012. Le processus de d’avoir un pouvoir décisionnel et de gestion décentralisation en Haïti puise sa force insti- autonome. Étant donné que les gouverne- tutionnelle dans la Constitution de 1987 qui, ments locaux sont plus proches des commu- dans son préambule et dans ses articles 80, nautés que le gouvernement national, ils sont 83, 87 et 217, déclare explicitement l’auton- dans la meilleure position pour sélectionner omie des communes, la décentralisation des les projets à fin d’atteindre les objectifs de services publics et l’institutionnalisation des développement local et améliorer le bien-être finances locales. En tant que partie intégrante de leurs électeurs. du processus de réforme démocratique qui Depuis 2017, Haïti a 10 département qui s’est affirmé dans le pays après le départ du sont subdivisés en 42 arrondissements4, 146 régime de Duvalier, la Constitution de 1987 communes (6 communes ont été ajoutées ces pose les fondements de la bonne gouvernance deux dernières années mais doivent encore locale en insistant sur le rapprochement faire l’objet de clarification quant à leurs des services publics des citoyens. En faisant frontières administratives) et 570 sections avancer le processus de décentralisation, communales (Figure 1). Chaque niveau admin- le gouvernement national reconnaît que la istratif est équipé avec les autorités respectives, bonne gouvernance locale pourrait devenir délibérantes et exécutives. Dans le cas des une option importante pour la reprise de communes (ci-après également indiqué comme l’économie nationale et pour améliorer et « gouvernements locaux ») qui font l’objet d’une élargir la prestation de services de base. analyse dans ce travail, il est important de noter Pour assurer l’efficacité des interventions que les pouvoirs qui leur sont conférés par la loi du gouvernement, la Constitution de 1987 et sont spécifiés dans le titre III du décret5 définis- 3 les Lois suivantes ont organisé l’État haïtien sant les principes organisationnels et opéra- 3 Par exemple la loi sur l’organisation des sections communales (1996), la création du Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales (FGDCT). (1996), la publication de cinq décrets relatifs à la charte des collectivités territoriales : Organi- sation des départements, Organisation des communes, Organisation des sections communales, et le décret cadre de décentralisa- tion (2006), ainsi que la création du Fonds Local de Développement et d’Aménagement du Territoire (FLDAT) (2007). 4 Les Arondissements regroupent les communes. Ils n’ont que des fonctions administratives et souvent ne sont pas des structures bien établies. Ils n’ont pas d’autorité exécutive. 5 Le décret définissant le cadre de décentralisation, ainsi que l’organisation et les principes opérationnels des collectivités territo- riales, a été approuvé le 1er février 2006 et publié dans la gazette officielle Le Moniteur le 14 juin 2006. 183 Figure 1. DIVISION TERRITORIALE D’HAÏTI MUNICIPAL RESOURCES Source: Elaboration des auteurs. tionnels des collectivités territoriales. Chaque de décentralisation et dans le but ultime commune à un conseil municipal composé d’améliorer l’efficacité de la provision de de trois membres élus par la population de la services publics. La constitution définit commune pour un mandat de quatre ans. Le pour les gouvernements régionaux et conseil municipal est dirigé par un président locaux un large éventail de compétences – le maire. Chaque commune a une assemblée et de responsabilités (voit Encadré 1). Ils municipale qui aide le conseil dans son travail. sont créés pour contribuer à l’améliora- Les membres de l’assemblée sont également tion de la qualité de vie de la population à élus pour quatre ans. tous les niveaux. Les autorités régionales La constitution visait à renforcer les et locales sont responsables de la protec- autorités locales et régionales en tant tion de l’environnement, de l’aménage- que vecteurs principaux du programme ment du territoire, de la gestion des bassins 184 versants, de la gestion des déchets solides, que la décentralisation dans certains cas n’est de l’approvisionnement en eau potable, des pas complète, ou que le financement consacré parcs et des espaces de loisirs ainsi que de à des fonctions spécifiques n’est pas transféré la sécurité des populations. Les autorités aux gouvernements locaux. Finalement, cela régionales et locales participent également crée des inefficiences et une imprévisibilité à la prestation de services éducatifs de base dans la fourniture de services. à la formation professionnelle. En théorie, Comparée aux autres pays de la région, la elles sont habilitées à percevoir les impôts part des dépenses et des ressources dépensées pour financer leurs opérations. Le cadre au niveau décentralisé reste relativement législatif confère également une autonomie limitée en Haïti. Seul 0,6 % du PIB est dépensé administrative et de gestion aux autorités au niveau des communes et les recettes munic- locales. Elles sont également habilitées à ipales totales ne représentent que 1,7 % des engager des personnes pour des postes à recettes globales (voir la Figure 28 ci-dessus certains niveaux de l’État, notamment dans et la Figure 29 ci-dessous). La participation le système de justice local.6 des gouvernements locaux est très réduite Mais si un cadre légal de la décentralisation par rapport à la situation d’autres pays dans est bien en place, plusieurs obstacles entravent la région. Les gouvernements locaux urbains encore la dévolution efficace des compétences en Haïti sont confrontés donc à nombreux et la mise en œuvre des services publics dans contraintes qui les empêchent de faire face à la un modèle décentralisé. Le premier group demande croissante de prestations de services d’obstacles est systémique et mine la presta- dans un contexte d’urbanisation rapide. De la tion de services publics locaux : les finance- même manière, la part de recettes collectées ments limités et imprévisibles ; les retards au niveau local reste également très faible en dans les transferts du gouvernement central Haïti comparée aux autres pays de la région. et le manque de transparence sur l’application Toutefois, en dépit du cadre juridique qui des réglementations relatives aux transferts précise la répartition des compétences entre nationaux clés ; la faible capacité de mobiliser le gouvernement central et les gouvernements les recettes locales - y compris dans les grandes locaux, la délimitation des responsabilités zones urbaines. Le deuxième obstacle porte n’est pas toujours claire. Au-delà de la Consti- sur la dévolution des compétences. Même si tution et d’autres documents juridiques certains progrès ont été réalisés, le cadre légal comme la loi organique sur l’administration de la décentralisation présente encore des des taxes (DGI) et le Ministère de l’Écon- contradictions et des chevauchements dans la omie et des Finances (MEF), une série de législation existante et dans l’application des cinq décrets datant de février 2006 couvrent mandats, ce qui génère de la confusion entre des aspects importants relatifs aux ressou- les ministères et les gouvernements locaux. La rces municipales et à un certain nombre persistance de ce genre d’obstacles implique de prérogatives juridiques conférées à la 6 En tant que telles, les autorités régionales et locales ont la compétence de désigner des juges au niveau des juges de paix, des tribunaux de première instance et des cours d’appel alors que les conseils des sections communales ont légalement le droit de préparer la liste des membres du jury et de vérifier la conformité avec les lois et règlements. 185 RAPPORT SUR LES DÉPENSES DES COMMUNES COMPARÉES AU Figure 2. PIB DES PAYS SÉLECTIONNÉS EN AMÉRIQUE LATINE, DANS LES CARAÏBES ET EN AFRIQUE Source: ECLA et Banque mondiale. commune.7 Ces décrets posent le cadre (central et local). Dans certains secteurs, la général de la décentralisation ainsi que les délimitation est claire alors que dans d’autres, principes opérationnels et organisationnels elle est un encore opaque. Les gouverne- des collectivités territoriales haïtiennes.8 ments locaux ont un mandat très large qui Le manque de clarté du cadre juridique couvre la planification urbaine et les infra- actuel entraîne confusion et chevauchement structures, la protection de l’environnement, des responsabilités entre les niveaux du la promotion de la santé et l’assainissement, gouvernement. D’après les dispositions de la l’éducation, l’alphabétisation, la culture, constitution et des décrets de 2006, certains les sports, la réponse en cas de catastrophe, domaines de responsabilités sont partagés l’eau potable et la sécurité publique (Voir entre les deux niveaux des gouvernements Encadré 1). Les communes jouent un rôle 7 Les cinq décrets prévoyaient des dispositions pour l’organisation de différents niveaux des gouvernements locaux : (i) Organ- isation des départements, (ii) Organisation des communes, (iii) Organisation des sections communales, (iv) Service civil territorial, et (v) fournissaient un décret cadre pour la décentralisation. 8 Voir “Le Moniteur” No 57 du mercredi 14 juin 2006 ainsi que celui fixant l’organisation et l’opération de la commune (réf. “Le Moniteur” No 2 de 2006). 186 PARTICIPATION DES RECETTES DES GOUVERNEMENTS LOCAUX AUX RECETTES PROPRES TOTALES DU PAYS Figure 3. Source: CEPAL, MEF, DGI et MICT. central tant dans l’organisation du territoire De jure, le chevauchement des respons- que dans la gestion de la propriété foncière abilités génère de la confusion ; de facto, les : par exemple, elles gèrent les marchés, capacités locales limitées entraînent que les foires, les abattoirs, les cimetières et la les gouvernements locaux ne soient pas en collecte des ordures. Cependant, même si les mesure de remplir leur mandat dans la presta- rôles et les responsabilités des administra- tion de services publics. Les responsabilités tions municipales sont définis dans le cadre se chevauchent à la fois dans la pratique mais juridique, le manque de clarté laisse place à aussi dans les textes de lois et dans les cadres une interprétation très large de la loi : dans juridiques. De jure, les municipalités sont certains cas, il ouvre la voie à la duplication responsables de la prestation de services de des fonctions et conduit à l’absence d’un base, mais leurs faibles capacités financières acteur majeur (par exemple dans le cas des et de planification les empêchent de remplir secteurs du transport, de l’éducation, de l’eau cette fonction dans son intégralité. Dans la et de l’assainissement). Il en résulte que les plupart des cas, le gouvernement national citoyens - tout comme les autorités natio- intervient et prend en charge ces responsabil- nales et locales - n’ont pas une compréhen- ités. Il existe malgré tout certains chevauche- sion très claire des rôles et des responsabilités ments entre les agences du gouvernement des gouvernements municipaux en ce qui central concernant les responsabilités de concerne la prestation de services et le dével- jure. Ces chevauchements créent de gros oppement économique local. problèmes de coordination, non seulement 187 ENCADRÉ 1 – MANDATS DES COMMUNES DANS LA CONSTITUTION HAÏTIENNE DE 1987 Nous avons résumé ci-dessous les mandats clés des gouvernements locaux ancrés dans la constitution de 1987 selon leurs principales fonctions. Gestion territoriale: construction routière ; développement et mise en oeuvre de plans de lotissements, après approbation des autorités de supervision ; émission des permis de construire ; émission des certificats de conformité ; réglementation de la circulation urbaine ; désignation, construction et entretient des sites des gares de chemin de fer et des parkings ; numérotation des maisons, panneaux routiers, et dénomination des rues ; construction des espaces publics ; construction des aires de loisirs ; construction des infrastructures d’assainissement. Gestion foncière et enregistrement : affectation des parcelles et émission des droits opérationnels relatifs au secteur de propriété communale des parties de foncier national qui ont transféré la gestion à leur profit ; collecte d’impôts, taxes, contraventions, droits et royalties découlant de l’immobilier et de la propriété foncière. Gestion de l’environnement et des ressources nationales : assainissement et traitement des polluants liquides ; lutte contre la misère et la pollution ; évacuation des déchets solides. Santé et hygiène : construction et participation à la gestion de structures de santé primaire ; mise en oeuvre d’un service d’hygiène et d’une police sanitaire ; inspection de la qualité des denrées alimentaires ; inspection des dates de péremption des médicaments ; réglementations et actions dans le domaine de l’hygiène, de la prévention de la misère et des maladies ; contrôle de la qualité de l’eau. Éducation et formation professionnelles : promotion de la scolarisation pour tous ; localisation, construction et implication dans la gestion d’écoles publiques secondaires ou de lycées; promotion d’écoles professionnelles et techniques. Culture et sports: construction et gestion d’infrastructures culturelles, sportives et destinées aux jeunes ; valori- sation du potentiel historique, naturel, archéologique et artistique ; promotion d’activités culturelles, sportives et destinées aux jeunes; construction et gestion de musées et de bibliothèques, création d’espaces verts. Protection civile, assistance et secours: contribution à l’organisation et à la gestion des secours au profit des groupes vulnérables et des victimes ; gestion d’asiles; gestion d’orphelinats publics et de centres de réhabilita- tion des jeunes, participation à l’organisation de la protection civile et de la lutte contre les incendies. Entreprises funéraires et cimetières : développement des cimetières ; émission des permis d’exhumer; contrôle de la conformité aux réglementations dans le domaine des opérations funéraires et du transfert des dépouilles mortelles; construction, entretien et gestion des entreprises funéraires. Eau et électricité: production et distribution d’eau potable; forage et gestion de puits, forage et installation de bornes fontaines; développement et mise en oeuvre de systèmes d’approvisionnement en eau; gestion des infrastructures énergétiques ; installation et gestion du système d’éclairage public. Marchés et abattoirs: construction et réglementation des marchés, des abattoirs et des espaces d’abattage ; organisation de foires ; gestion de marchés municipaux. Sécurité publique: participation au conseil de sécurité municipal. Source: Authors’ elaboration based on the Constitution of Haiti, 1987. Source: Authors’ elaboration based on the Constitution of Haiti, 1987. 188 CHEVAUCHEMENT DES RESPONSABILITÉS DANS LA GOUVERNANCE DE Figure 4. L’EAU – NIVEAUX NATIONAL, DÉPARTEMENTAL ET COMMUNAL DEMAND AND PLANNING ENFORCE REGULATORY CREATE REGULATORY DESIGN OF POLICIES IDENTIFICATION OF QUALITY CONTROL INFRASTRUCTURE OPERATION AND COORDINATION PROVISION OF MAINTENANC NIVEAU ENTITÉ RESPONSABILITÉ NORMS NORMS ADMIN CONFÉRÉE National CIAT Gestion de la ressource en eau Ministère de Gestion de la l’Environnement ressource en eau MARNDR Irrigation DINEPA, Ministère des Eau potable et Travaux Publics assainissement [1] Regional Office Régional de l’Eau Eau potable et et de l’Assainissement assainissement (OREPA) de la DINEPA Departmental Office Régional de l’Eau Eau potable et et de l’Assainissement assainissement (OREPA) de la DINEPA Municipalité Centre Technique Eau potable et d’exploitation (CTE) assainissement pour les zones urbaines, Comités d’Approvisionnement en Eau Potable et Assainissement (CAEPA) et operateurs professionnels operators (OP) pour les petites villes et les zones rurales plus denses, Comités de Point d’Eau (CPE) for rural areas “Technicien en Eau Eau potable et Potable et Assainissement assainissement Communal” (TEPAC) Association d’irrigants Irrigation [1] La loi-cadre de 2009 sur l’approvisionnement en eau confère au DINEPA, par l’intermédiaire du Ministère des Travaux Publics, de larges pouvoirs et responsabilités dans le domaine de l’eau potable: tarification, régimes, mise en place de normes de qualité de l’eau, émission des autorisations, suivi et évaluation de la qualité de l’eau et des perfor- mances du système, approbation des projets d’infrastructures et médiation entre les entrepreneurs. Source: Élaboration des auteurs en utilisant des informations de Ryan Stoa (2015). Water Governance in Haiti: An Assessment of Laws and Institutional Capacities (Gouvernance de l’Eau en Haïti : Une Evaluation des Lois et Capacités Institutionnelles). Disponible à: http://ecollections.law.fiu.edu/faculty_publications/97 189 entre les agences nationales mais également ne peuvent être mis en place sans le consen- avec les agences internationales et les O.N.G. tement de ces Collectivités Territoriales”. qui sont également sur le terrain pour combler En l’absence d’un cadre juridique solide, le déficit en prestations de services. La Figure les municipalités ne sont pas habilitées à 30 ci-dessous illustre cette situation dans le augmenter substantiellement leur assiette cas de la gouvernance de l’eau. fiscale, imposer de nouveaux impôts locaux et procéder au recouvrement. UNE DÉCENTRALISATION INCOMPLÈTE ET Le système de décentralisation mandaté UNE FAIBLESSE DU CADRE JURIDIQUE EN par la Constitution de 1987 n’a jamais été MATIÈRE DE FINANCES MUNICIPALES totalement mis en œuvre à cause d’une ENTRAVENT LA CAPACITÉ DES GOUVER- combinaison de facteurs, y compris l’insta- NEMENTS LOCAUX À S’ACQUITTER DE bilité politique, le manque de ressources ainsi LEURS RESPONSABILITÉS que des problèmes complexes d’économie Un cadre juridique fragmenté et fragile politique. En dépit des efforts de décentrali- gouverne les finances municipales en Haïti sation qui ont commencé à la fin des années et ne facilite pas le recouvrement des recettes 80, il a été difficile de passer de l’adoption à la par les gouvernements locaux. Les finances mise en œuvre d’un cadre juridique, ce qui a municipales sont gouvernées par plusieurs généré ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui cadres législatifs, y compris (i) la Constitu- un processus incomplet de décentralisation. tion de 1987 (et les amendements de 2012), Dans de nombreux cas, les gouvernements (ii) une série de lois et de décrets présidentiels locaux sont restés inactifs, dysfonctionnels et y compris la loi organique sur l’administra- dans certains cas sans mandat officiel compte tion des impôts (DGI), (iii) la loi organique tenu des retards importants dans l’organisa- du Ministère de l’Économie et des Finances tion d’élections locales. En outre, les autorités (MEF), (iv) plusieurs législations fiscales locales manquaient de ressources financières obsolètes (v) ainsi qu’une loi portant création et humaines. Jusque-là, des efforts concrets du Fonds de Gestion et de Développement du gouvernement central pour équiper les des Collectivités Territoriales (FGDCT). gouvernements locaux avec les outils et les L’article 217 de la Constitution stipule que compétences techniques dont ils ont besoin « les finances de la République ont deux pour remplir leur mandat ont été limités et composants : les finances nationales et les sporadiques. D’autre part, le montant des finances locales. Elles sont gérées par des transferts du gouvernement central reste organes et des mécanismes mis en place à marginal par rapport aux besoins et affecte cet effet”. Toutefois, de nouveaux taux et de la capacité des autorités locales à fournir des nouvelles sources d’impôts locaux ne peuvent services au niveau local. Des estimations être créés que par le Parlement et pas par les informelles indiquent que les besoins seraient communes. L’article 218 de la Constitution de cinq à huit fois supérieurs aux transferts. ajoute que « aucun impôt au profit de l’État ne En 2015, l’allocation par habitant du FDGCT peut être mis en place autrement que par la avoisinait des chiffres de 0,3 à $2,23 US par loi. Aucun frais, aucune taxation, qu’ils soient rapport aux besoins estimés à environ $10 US départementaux, municipaux ou communaux par habitant. 190 Depuis leur mise en place dans le cadre de ministres en tant qu’assistant aux activités de la Constitution de 1987, les autorités régio- décentralisation et représentant des intérêts nales et locales n’ont jamais été totalement des départements et des communes. opérationnelles conformément à la loi. Les Après la Constitution, les changements assemblées départementales et communales les plus importants au cadre juridique sont n’ont jamais été constituées suite à des crises arrivés avec les cinq décrets de 2006. Depuis électorales et politiques successives et au la constitution, peu d’améliorations avaient manque de capacités institutionnelles, ce qui été apportées à la législation portant pour empêche la reddition de compte des gouver- la mise en œuvre du processus de décen- nements locaux. L’élection de nouveaux tralisation jusqu’à l’introduction des cinq maires dans toutes les communes en 2016 décrets en février 2006. Les cinq décrets ont marque une nouvelle opportunité pour la conçu un cadre législatif pour la décentrali- décentralisation en Haïti et doit mainte- sation, l’organisation et le fonctionnement nant être consolidée par la mise en place des communes et les dispositions relatives des assemblées communales et départemen- aux subventions aux communes. Les décrets tales pour constituer les conseils (prévu en de 2006 sont considérés comme une percée 2017). Ces autorités délibératives ont pour importante pour améliorer le cadre juridique tâche de guider les décisions des autorités de la décentralisation et, en dépit de leurs exécutives au niveau des sections commu- imperfections, ils pourraient apporter nales, des communes et des départements. une contribution positive et faire avancer Chaque niveau de gouvernement local a le processus de décentralisation.9 À titre son propre organe délibératif et exécutif et d’exemple, ces décrets posent les fondations chaque commune est administrée par un des trois niveaux de gouvernement local conseil municipal. Les membres des organes en apportant une définition claire de leurs de gouvernance des sections communales missions, fonctions et opérations. (CASEC), et l’assemblée de la section Parmi les dispositions introduites en 2006, communale (ASEC), ainsi que le conseil figure une déclinaison des principales sources municipal sont tous élus par vote populaire. de financement des gouvernements locaux. Le reste des structures du gouvernement local Les articles 133 à 140 du décret instituant sont élues indirectement. L’assemblée munic- le cadre de la décentralisation consacrent ipale est élue indirectement par les sections les différents types de recettes des collec- communales. L’assemblée municipale élit tivités territoriales : les recettes régulières les membres de l’assemblée départementale et les recettes extraordinaires. Les recettes alors que l’assemblée départementale choisit régulières incluent les recettes fiscales, les parmi ses membres trois membres qui feront redevances municipales, les redevances des partie du conseil départemental. L’assem- utilisateurs ainsi que les transferts du gouver- blée départementale nomme également un nement central aux collectivités territori- membre qui intègre le conseil interdéparte- ales. Les recettes extraordinaires couvrent mental (CID), qui participe au conseil des les produits d’emprunts, les recettes tempo- 9 Voir Paul et Charles (2014). 191 raires ou occasionnelles, les allocations et les (notamment à Port-au-Prince et au Cap-Haï- subventions privées ou publiques. L’article tien), où les autorités locales manquent de 142 du même décret, confère à la commune ressources pour combler les graves déficits des compétences en termes de mobilisa- en infrastructures (y compris les logements, tion et de recouvrement de l’impôt foncier l’eau et l’assainissement, les égouts et le (CFPB), de mobilisation et de recouvrement drainage des eaux usées) et ne sont pas en des impôts sur les sociétés, de la création mesure de fournir correctement des services de certains droits et des redevances munic- urbains de base comme la collecte des ordures ipales. En ce qui concerne le décret relatif ou les transports. Il convient donc d’explorer à l’organisation et au fonctionnement des des options alternatives pour financer les communes, le titre V sur les finances locales infrastructures de bases et mettre en œuvre (articles 157 à 202) présente en détail le cadre le cadre juridique de la décentralisation afin général ainsi que les mécanismes permettant de capitaliser sur les bénéfices de la décen- d’assurer une gestion efficace des finances tralisation et rapprocher les services des municipales. citoyens – ainsi que pour aborder les inégal- Malgré les avancées apportées par les ités sociales et spatiales. décrets de 2006, le cadre juridique actuel Dans un contexte de ressources reste incomplet et comporte des dispositions financières limitées, la création de nouvelles contradictoires en matière de décentralisa- entités gouvernementales locales exerce tion des responsabilités. La plupart des insti- de plus en plus de pression sur les maigres tutions et des mécanismes proposés dans ressources. Il apparait que la création les décrets de 2006 n’ont pas encore été mis récente de nouvelles entités gouvernemen- en place, ou leur fonctionnement n’en est tales n’a pas été soigneusement étudiée à qu’à ses débuts et il est donc encore difficile la lumière des ressources disponibles, ce d’évaluer leur efficacité. D’autre part, d’une qui pourrait compliquer encore davantage certaine manière, les décrets de 2006 contre- la mise en œuvre du cadre de décentralisa- disent certaines dispositions de la Consti- tion. Pour que les autorités locales soient tution, relatives à l’imposition comme la pleinement opérationnelles, elles doivent création d’impôts par les municipalités. avoir les ressources humaines et les moyens Une réelle décentralisation des ressources financiers pour satisfaire leurs besoins. La fiscales reste le principal obstacle pour une création récente de cinq communes supplé- mise en œuvre concrète de la décentralisa- mentaires sans les affectations nécessaires tion en Haïti. Le principe de l’autonomie en matière de financement et de ressou- financière et fiscale des gouvernements rces humaines provoque des inquiétudes locaux est énoncé dans la constitution de et la nouvelle division d’entités qui sont 1987 et dans ses amendements de 2012 mais déjà assez petites en matière de superficies les communautés locales manquent de pourrait créer d’avantages inefficacités. ressources pour être en mesure de s’acquitter des fonctions qui leur ont été confiées par la législation. Cette situation est même plus décevante au niveau des grandes villes 192 LES RESSOURCES LIMITÉES DES ADMI- restent très limités (presque négligeables). NISTRATIONS MUNICIPALES ENTRAVENT Voir le Tableau 2 ci-dessous qui présente la LEUR CAPACITÉ À FOURNIR DES SERVICES répartition des ressources entre le gouver- Les ressources financières des gouverne- nement central et les gouvernements locaux. ments locaux sont limitées dans les munic- Les impôts recouvrés par la direction ipalités hors Port-au-Prince et les villes générale des impôts représentent la deuxième environnantes (Pétion-Ville et Delmas) principale source de recettes pour les dépendent largement des transferts du communes. L’agence (DGI) est placée sous gouvernement central. Les gouvernements la supervision du Ministère de l’Économie et locaux ont quatre principales sources de des Finances (MEF), auquel a été confiée la revenus en Haïti : (i) les transferts du gouver- politique fiscale du gouvernement. Le mode nement central, principalement le fonds de opératoire de la DGI est gouverné par le décret gestion et de développement des collectiv- du 28 septembre 1987 qui stipule, entre autres, ités territoriales (FGDCT); (ii) les impôts dans son article deux, les prérogatives suivantes recouvrés pour le compte des communes par : application des lois fiscales et recouvrement la direction générale des impôts (DGI); (iii) des droits ainsi que d’autres recettes publiques. les droits et les redevances collectés par les La DGI est l’autorité qui collecte toutes les communes; et (iv) d’autres sources externes recettes fiscales du gouvernement central et de revenus comme ceux qui viennent des des collectivités territoriales et dispose des partenaires de développement. En dehors organes administratifs dans les régions qui des trois grandes villes de la région métropol- lui permettent de recouvrer des impôts locaux itaine, la plupart des communes dépendent décrétés par la loi. Ces organes sont les centres largement du FGDCT en tant que source des impôts (CDI) qui opèrent dans les grandes principale de revenus (en général entre 80 et villes des départements et les agences locales 95 pour cent) et les autres types de revenus des impôts (ALI) qui opèrent au niveau des RÉPARTITION DES RESSOURCES ENTRE LE GOUVERNEMENT Tableau 2. CENTRAL ET LES COMMUNES (2014-15) EN MILLIONS DE HTG RESSOURCES MUNICIPALES RESSOURCES TOTALES FGDCT DGI DROITS ET TOTAL GOUVERNEMENT CENTRAL. ROYALTIES 76,639 647 942 60 1,649 Source: Nos chiffres basés sur des données du MEF, de la DGI et du MICT 193 Tableau 3. PRINCIPALES RECETTES RECOUVRÉES SUR L’EXERCICE 2013 (HTG) ET RÉFÉRENCES JURIDIQUES PRINCIPAUX DES IMPÔTS RÉFÉRENCES LÉGALES MONTANTS PERÇUS CFPB 5 Avril 1979 287,450,480.00 Patente  28 Septembre 1987 214,700,154.00 Droit De Numérotage  18 Février 1971 235,257.00 Permis De Construire 5 Avril 1978  Droit D’alignement  10 Aout 1961 1,016,963.00 Droit D’épave  7 Aout 1913 497,875.00 Certificat Vente De Bétail  2 Aout 1950 438,469.42 Matériaux Et Denrées Sur  9 Septembre 1918 60,639.00 La Voie Publique Droit Echoppes Et Tonnelle  7 Aout 1913 756,792.15 Taxe Etalonnage  7 Octobre 1975 212,753.50 Permis D’inhumer  28 Septembre 1938 1,199,868 Autres 10,731,884.38 TOTAL 517,301,136.56 Source: DGI 194 gouvernements locaux dans les zones rurales Ministère de l’Intérieur et les autorités locales, de petite taille. Théoriquement, les rapports de la taxe foncière représente environ 86 % du recouvrement des impôts et les impôts locaux montant total des recettes alors que la patente sont transférés régulièrement sur les comptes ne représente que 10 %. des gouvernements locaux au nom desquels La concentration des activités économiques ce recouvrement a été réalisé. Pourtant, dans la région métropolitaine de Port-au- des procédures administratives complexes Prince explique la part importante des recettes retardent la mise à disposition des communes perçues dans la capitale. Les données recue- des fonds collectés par la DGI. Dans certains illies auprès de la Direction du Trésor confir- cas, ces retards peuvent s’étendre sur une ment le rôle dominant de Port-au-Prince et période allant de trois à six mois, ce qui exerce de sa périphérie en tant que nerf économique un effet négatif sur la prestation de services. du pays : 98 pour cent des taxes perçues par Il s’avère donc urgent d’impliquer toutes les la DGI au niveau communal provient de la parties concernées dans la recherche d’une région métropolitaine de Port-au-Prince. solution de manière que les fonds soient versés Comme suggéré par le tableau 4 ci-dessous, rapidement aux municipalités. la commune de Delmas caracole en tête du Même si le recouvrement global des impôts classement des communes en termes de reste sous le contrôle de la DGI, les munici- recettes générées par la Patente et le CFPB palités sont responsables du recouvrement avec 37%, suivie par Pétion Ville et Port-au- des taxes locales et de la négociation des Prince avec respectivement 21 et 20 %. En règles régissant les transferts locaux. Les dehors de la zone métropolitaine, en raison impôts recouvrés par la DGI sont versés sur de la croissance économique anémique et des comptes de recouvrement provisoires dans un secteur privé local limité, le montant à la Banque centrale puis transférés sur le d’impôts générés par la patente reste faible. compte de la commune à la banque nationale D’autres impôts locaux perçus par la DGI (BNC) après autorisation de la Direction du au niveau communal ne représentent que Trésor. Le manque de coordination intergou- 4 % des recettes fiscales totales. Des expéri- vernementale provoque souvent des retards ences récentes avec le Projet LOKAL + et dans le transfert de ces impôts recouvrés. Les d’autres projets visant à mobiliser les recettes municipalités reçoivent le montant total des fiscales locales ont montré que les communes taxes foncières collectées par la DGI et 80 pourraient augmenter le montant des taxes % du montant total de la patente. D’autres foncières (CFPB) perçues si elles avaient le redevances locales (par exemple ceux liés aux contrôle du processus de recouvrement et si permis de construire, les frais de marché, la elles bénéficiaient d’une assistance technique location de locaux, les paiements pour l’utilisa- pour renforcer la capacité fiscale locales. Par tion des cimetières), sont générés au niveau de exemple, la municipalité de Carrefour avait la municipalité avec très peu de transparence plus que quadruplé son recouvrement de et de reddition de comptes quant à l’utilisa- recettes en passant de $309 000 en 2011 à $1,8 tion de ces recettes (voir Tableau 3). D’après le million en 201210. 10 USAID Fact Sheet : Revenue Collection Provides Opportunity (Le Recouvrement des Recettes fournit des Opportunités). 195 Les municipalités ne recouvrent souvent département du Nord-Ouest. Dans le même qu’une fraction du potentiel de recettes temps (exercice15), le total des recettes fiscales disponibles et manquent des capacités des 140 municipalités du pays n’était que de nécessaires pour utiliser ces ressources de 1250 millions HTG – environ $20,1 millions manière efficiente pour la prestation de US. Environ 93 % de ce montant (1 milliard services locaux. En dehors des municipalités 166 millions de gourdes) sont recouvrés par de la zone métropolitaine, plus de 80 % des seulement 10 municipalités alors que les 130 recettes des municipalités viennent des trans- autres communes restantes n’ont recouvré que ferts du gouvernement central alors qu’en 7 % de ces ressources, environ 83,3 millions moyenne, seuls 5 % des recettes viennent de HTG (voir la figure 5). En d’autres termes, les leurs propres sources de revenus. Toutefois, recettes fiscales annuelles moyennes pour une pour l’exercice 2015 le niveau d’allocation municipalité au niveau des petites communes annuelle du FGDCT variait de 22 HTG ou rurales ne représentent que 641 180 HTG (soit $0.33 US par habitant dans la zone métropol- 12 environ $10 100 US) ; ramené sur une base itaine à 163 HTG (environ $2,60 US) dans le mensuelle, ce montant représente environ 53 RECETTES COLLECTÉES PAR LA DGI POUR LE COMPTE DES COMMUNES Tableau 4. DANS LA ZONE MÉTROPOLITAINE DE PORT-AU-PRINCE (EN HTG), OCTOBRE 2013-MARS 2015 COMMUNES TOTAL PART Delmas 264,280,509.89 37% Petionville 149,189,782.23 21% Tableau Port-au-Prince 4: Revenues 142,013,642.25 20% Collected by DGI on Behalf of Tabarre Communes in the Metropol- 64,411,172.31 9% itan Area of Port-au-Prince (in Carrefour 36,687,347.95 5% HTG), October 2013-March 2015 Source: MEF. Cité Soleil 27,786,339.02 4% Croix-des-Bouquets 14,732,771.62 2% Total 699,101,565.27 98% Source: MEF. 11 Le taux de change au 1/1/2015 était de 46,86 HTG : $1US 196 Source: “Haiti: Steering towards effective fuel subsidy reform” (Perge et al. 2017), based on ECVMAS 2012 data and Haiti Public Expenditure Review (World Bank, 2015a). COLLECTE TOTALE D’IMPÔTS POUR L’EXERCICE 2015, SUR PORT-AU-PRINCE, LES CAPITALES DES DÉPARTEMENTS ET Figure 5. LES AUTRES COMMUNES (EN GOURDES) Sources: MICT, PRAFIPUM. 432 HTG par mois (environ $847 US). Il est gouvernements locaux en Haïti en dehors de tout aussi important de noter que ce montant Port-au-Prince et de quelques autres grandes ne suffit même pas à couvrir le salaire de villes, nous proposons un exemple détaillé deux membres du conseil municipal (d’une dans l’Encadré 2 ci-dessous. Il montre les municipalité de cette taille). Les capacités tendances générales en matière de collecte de recouvrement limitées des municipalités de recettes, la faiblesse générale et les retards sont reflétées dans les niveaux de recouvre- accumulés dans la mise à disposition des ment puisque les propres sources propres de transferts du gouvernement central, le faible revenus sont largement concentrées dans les niveau (environ 4 % des recettes totales) et grandes villes. Ainsi donc, les cinq communes le potentiel inexploité de recettes locales de la zone métropolitaine de Port-au-Prince et le niveau insuffisant des volumes de collectent plus de 80 % de toutes les ressou- financement disponibles pour permettre aux rces propres des communes haïtiennes. communes de fournir des services. Cette figure Pour continuer à illustrer les différents présente la tendance en matière de recouvre- types de recettes accessibles à la plupart des ment de recettes pour une petite municipalité 197 dans la région Nord avec une population en France) ou bénéficient d’un soutien grâce à d’environ 55 000 personnes, principalement des projets financés par des bailleurs de fonds rurale (76 % de la population résident dans pour le développement local, la gouvernance des zones rurales d’après les estimations). locale et les infrastructures entre autres. En Les municipalités reçoivent également général, ces programmes ne transfèrent pas de d’autres appuis grâce à des transferts du gouver- ressources directement aux communes mais nement central et des subventions. Ce soutien utilisent plutôt un principe de mise en œuvre comprend des subventions et des allocations déléguée, souvent avec des O.N.G., compte diverses destinées à financer les dépenses tenu des capacités limitées des gouverne- des gouvernements locaux. Des subventions ments locaux (comme par exemple le cas des sont également transférées par le MICT (avec projets PRODEP et PRODEPUR financés les ressources du FGDCT) aux différentes par la Banque mondiale). L’appui peut être communes d’une manière discrétionnaire fourni soit sous forme d’assistance financière pour financer des dépenses courantes. Dans pour la prestation de services soit sous forme ce cas de figure, d’après le MICT le montant d’assistance technique et de renforcement de alloué représente une proportion évaluée entre capacités dans différents domaines (dont la 15 et 20 pour cent du total des transferts. Dans mobilisation de recettes, la gestion financière, le cas de financement de projets, un montant la planification du développement, etc.). En d’environ 671 millions HTG figure au budget 2016, au moins sept agences travaillaient sur du FGDCT, qui sera alloué unilatéralement l’appui au développement local, y compris par le MICT. Les transferts du gouvernement mais sans s’y limiter : le Canada, USAID, AFD, central vers les communes varient en fonction Union Européenne, MINUSTHA, National des régions et en fonction des zones rurales Democratic Institute (USA), Initiative Dével- ou des zones urbaines. Au cours de l’exercice oppement (France). 2015, l’allocation moyenne du FGDCT était Le volume de financement des parte- d’environ 59 gourdes (ou $1 US), pour une naires de développement varie d’une manière allocation de 22 HTG par habitant (ou $0,35 substantielle mais, en général, les programmes US) dans la zone métropolitaine et de 163 HTG de développement local n’atteignent pas encore ($2,6 US) dans le département du Nord-Ouest. le niveau national mais plutôt ont tendance à De la même manière, le département du se circonscrire au niveau du département ou nord-est reçoit quatre fois plus de ressources de la région ou bien couvrent des domaines que le département d’Artibonite. techniques limités. Il existe par exemple Enfin, plusieurs gouvernements locaux plusieurs programmes d’appui spécifiques bénéficient également d’un soutien externe qui ciblent le recouvrement des recettes, y pour le développement local. Les gouver- compris LOKAL + (USAID), qui couvrent nements municipaux sont éligibles pour environ neuf communes pour la collecte de recevoir des fonds provenant de différentes recettes locales. De la même manière, un sources y compris de la coopération inter- programme soutenu par le Canada cible la nationale. Certains gouvernements locaux région des Palmes. Toutefois, compte tenu de ont soit des collaborations directes avec des la fragmentation des efforts, il est très difficile O.N.G. et des villes partenaires (par exemple de disposer des estimations complètes et 198 ENCADRÉ 2 – EXEMPLE DE RECOUVREMENT DE RECETTES À ACUL DU NORD DANS LE DÉPARTEMENT DU NORD, 2013-2016 (EN HTG) ACUL DU NORD RECETTES 2013–14 2014–15 2015–16 Taxe foncière (CFPB) 97,378 180,797 139,884 Taxe sur les entreprises (Patente) 1704 1120 2952 Montant total reçu de la DGI (CFPB+ Patente) 123,822 213,167 197,736 Transfert du Gouvernement Central (FGDCT) 5,713,875 5,713,875 5,713,875 Transferts extraordinaires et ad hoc 285,000 175,000 510,000 Recettes collectées par la Commune 347,163 436,050 293,925 Recettes totales 6,568,942 6,720,009 6,858,372 D’après le tableau précédent, les transferts annuels du gouvernement central représentent environ 90 % des recettes totales de la commune sur les trois années couvertes et les recettes globales sont restées limitées en volume (tout juste environ $105 000 US). La part des transferts en tant que proportion des recettes totales de la commune a légèrement baissé pour passer de 87 % au cours de l’exercice 2014 à 85 % au cours de l’exercice 2015 et 83 % pour l’exercice 2016. Les recettes collectées directement par la commune ont augmenté pour passer de 347 163 HTG (environ $5 500 US) au cours de l’exercice 2014 à 436 050 HTG (environ $6 900 US) au cours de l’exercice 2015, mais ont baissé pour l’exercice 2016 pour se fixer à 293 925 HTG (environ $4 600 US). Nous n’avons pas suffisamment de données pour comprendre les raisons de ce déclin, mais cette fluctuation pourrait avoir mis en exergue l’existence d’un potentiel inexploité de recettes. Les recettes générées par la patente demeurent faibles et représentent moins de 1 % des recettes totales. Cette faiblesse dans la collecte de la patente pourrait découler du faible niveau d’activités économiques au niveau de la commune, mais pourrait également signaler un niveau élevé d’incivisme fiscal. La taxe foncière qui est en général une des principales sources de recettes, est également limitée dans la commune d’Acul du Nord avec une valeur allant de 1,45 à 3 % sur l’année pour laquelle des données sont disponibles. 199 exhaustives du niveau de financement apporté Ces dernières années, le recouvrement aux gouvernements locaux par le biais de a connu une augmentation importante, ces canaux. Dorénavant, et compte tenu des même si les niveaux de départ étaient bas engagements du gouvernement récemment et qu’il s’agit principalement des communes instauré, on peut s’attendre à ce que plus de dans les grandes villes. Les niveaux globaux partenaires de développement s’impliquent ou de recouvrement des recettes propres ont se réimpliquent dans la décentralisation et le presque doublé pour passer de 517 millions soutien aux gouvernements locaux en accord HTG en 2010-11 à 757 millions HTG (2012-13) avec l’appui aux efforts de reconstruction de la et 942 millions HTG pour l’année 2014-15. Grande Anse, suite aux dommages causés par Il faut dire à ce sujet que cette augmenta- l’ouragan Matthew en 2016. tion s’est produite dans les communes des grandes villes, en particulier dans la zone Impôts collectés par la DGI pour le compte métropolitaine. des communes De très grandes différences subsistent La loi haïtienne identifie les impôts qui au niveau de recouvrement des recettes tombent sous la responsabilité des communes entre les zones principalement urbaines – un total de 10 impôts avec la taxe foncière et celles principalement rurales. Dans la et les patentes comme étant les plus impor- zone métropolitaine de Port-au-Prince et tantes.12 Toutefois, les communes ne sont des Nippes, la part de recettes des patentes pas des agents de recouvrement (c’est la DGI) atteint 35 % du total mais pour le reste du et elles n’ont pas non plus l’autorité de fixer pays elle ne dépasse pas 20 % du total (voir des taux d’imposition qui sont du ressort du la Figure 7). D’un autre côté, à l’extérieur de gouvernement central. Port-au-Prince, la CFPB représente 80 % du Les taxes foncières et les patentes représen- recouvrement. Il est toutefois important de tent pratiquement la totalité des recettes propres noter que ces pourcentages sont largement recouvrées. Les seules taxes qui ont un certain influencés par la situation de la zone métro- poids en termes quantitatifs, sont les taxes politaine où 80,6 % du total de la collecte est foncières et les patentes qui représentent 98,1 recouvrée auprès de 22 % de la population. % de la collecte totale (62,5 % de taxe foncière Quatre départements : l’Ouest (y compris et 35,6 % de patente) pour l’exercice 2013. Une Port-au-Prince), le Sud, le Nord et Artibonite enquête sur les propriétés bâties (voir la figure représentent 96,9% du recouvrement total. ci-dessous) réalisée par le MICT en 2015 a L’analyse des recettes municipales par identifié 20 communes avec le potentiel d’aug- habitant (Figure 8) montre les grandes menter à court terme leurs recettes dérivant de différences de niveaux de recouvrement la CFPB. Pourtant il faut noter que dans certains entre les départements et le potentiel des départements, le Centre, le Sud-est, l’Artibonite villes émergentes à augmenter leur niveau et les Nippes, le recouvrement d’autres impôts de collecte des recettes. Le niveau de recou- représente plus de 10 % du total des recettes. vrement dans la zone métropolitaine de 12 Taxes foncières, licences commerciales, certificat de vente de bétail, droits d’alignement, étalonnage, parcelles de cimetières, taxe sur la vente d’épave, petite boutique, taxe sur les matériaux et les produits alimentaires en transit sur les routes publiques. 200 Source: “Haiti: Steering towards effective fuel subsidy reform” (Perge et al. 2017), based on ECVMAS 2012 data and Haiti Public Expenditure Review (World Bank, 2015a). COMMUNES AYANT UN FORT POTENTIEL D’AUGMENTATION DE Figure 6. LEURS RECETTES DE LA CFPB Sources: MICT, PRAFIPUM. Port-au-Prince n’est comparable à aucune Enfin, il est important de fournir des infor- autre région. Les données montrent qu’il mations complémentaires à propos du cadre existe de vraies possibilités d’augmenter juridique et l’application actuelle du système les recettes dans la plupart des départe- de taxe foncière en Haïti, compte tenu de son ments du pays. Par exemple, les différences importance dans la fiscalité locale. L’ambiguïté dans la collecte des revenus par habitant du cadre et de l’application du code ainsi que entre les Nippes et les régions du Sud sont des règles régissant la taxe foncière pourraient presque d’un facteur de 50; cependant, leur augmenter les risques de pertes et d’inefficacité niveau de développement n’explique pas dans le recouvrement des recettes. Ils néces- cette situation. Par conséquent, il existe sitent donc une attention particulière dans le de nombreuses possibilités d’améliorer la cadre du programme d’action du gouvernement capacité fiscale des « Nippes ». pour les réformes de la gestion des finances 201 Source: “Haiti: Steering towards effective fuel subsidy reform” (Perge et al. 2017), based on ECVMAS 2012 data and Haiti Public Expenditure Review (World Bank, 2015a). Figure 7. IMPÔTS RECOUVRÉS PAR LA DGI PAR DÉPARTEMENT (FY 2012-13) Sources: MICT, PRAFIPUM. publiques. Une courte présentation des Impôts collectés par les communes obstacles et des principaux problèmes associés La troisième source de revenus des communes au régime fiscal actuel est proposée ci-des- est constituée par les recettes générées par sous. Le gouvernement devrait envisager une les droits et les redevances. Les droits et les révision de la loi actuelle et de son mode d’appli- redevances sont fixés par les municipalités et cation dans un certain nombre de communes. constituent une source de recettes incertaine. Cette Revue pourrait ensuite renseigner des Dans ce cas, les informations statistiques ne sont actions complémentaires qui doivent être entre- pas agrégées sous forme de rapports financiers prises pour faire fonctionner le système de taxe ou au niveau central; elles doivent être recher- foncière d’une manière plus efficace. chées dans chaque commune. 202 Source: “Haiti: Steering towards effective fuel subsidy reform” (Perge et al. 2017), based on ECVMAS 2012 data and Haiti Public Expenditure Review (World Bank, 2015a). RECETTES COLLECTÉES PAR LA DGI PAR INDIVIDU ET PAR Figure 8. DÉPARTEMENT EN GOURDES (2012-13) Source: Nos propres chiffres basés sur le MICT, la DGI et l’IHSI. Notes: Les données des cinq communes de Port-au-Prince ne sont pas incluses. Le montant correspondant au département de Nippes est tellement faible qu’il n’est pas visible sur le graphique. Les droits et redevances représentent (iii) redevance pour la collecte des ordures, un type d’impôt qui n’a pas de base institu- (iv) publicité, et (v) certificat ou attestation. tionnelle solide, elle manque de contrôle, de L’importance relative des droits et des transparence et de reddition de comptes. Il redevances est très faible. Cependant, existe de multiples droits et redevances dans ces dernières années, il semblerait que les différentes municipalités du pays. Dans les les recettes générées par ces sources aient six communes du Cap-Haïtien analysées pour augmenté et pourraient potentiellement ce rapport, un total de 25 droits et redevances continuer à augmenter. Les estimations a été identifié. Très souvent, ces impôts ne faites par le MICT montrent que cette sont pas recouvrés ou ne le sont qu’à un source est utilisée de différentes manières niveau minimum. Les droits et les redevances en fonction des municipalités étudiées et les plus répandus d’après l’enquête réalisée qu’elle représente autour de 4 % des ressou- dans les études des cas sont les suivants : (i) rces totales des municipalités. Toutefois, permis de construire, (ii) permet d’inhumer, l’estimation de 4 % n’est représentative que 203 ENCADRÉ 3 – TAXES FONCIÈRES EN HAÏTI - LA « CONTRIBUTION FONCIÈRE DES PROPRIÉTÉS BÂTIES » (CFPB) La CFPB est la principale source de ressources propres des municipalités recouvrées par la direction générale des impôts (DGI). Il est donc important de comprendre quelles sont les principales caractéristiques et limites de cet impôt municipal. Selon l’Article 1 du décret de 1979 sur la taxe foncière13, la Contribution Foncière des Propriétés Bâties “est un véritable impôt municipal calculé sur la valeur locative d’un bâtiment. La valeur locative est le prix auquel le bien immobilier est loué ou celui auquel il peut être loué “. Dans la plupart des pays, cet impôt est calculé à partir de la valeur de marché estimée des propriétés bâties et n’est pas basé sur leur valeur locative. Le prélève- ment sur la valeur locative est similaire à un impôt sur le revenu dérivé de la location du bien plutôt qu’un impôt sur le capital. Une autre restriction de la CFPB est qu’elle est limitée aux propriétés bâties et ne couvre pas toutes les propriétés, qu’elles soient bâties ou non. Cette taxe ne porte donc pas sur les propriétés non-bâties qui sont une source importante de recettes municipales dans d’autres pays. D’autre part, l’Article n’est pas clair lorsqu’il s’agit de calculer la valeur locative, ce qui provoque de nombreuses ambiguïtés. Le décret de 1979 propose de calculer la valeur locative dans les cas où le bien n’est pas en location à 3 % de la valeur du bien (environ .25% par mois). Par rapport aux pratiques internationales où les valeurs locatives varient de 4 à 6 %, ce pourcentage demeure faible dans un pays où le stock de logements est limité. L’Article 1 stipule également que la CFPB est un impôt communal même si elle est fixée au niveau national par le gouver- nement central. Dans la pratique, ceci veut dire que les recettes recouvrées sont transférées à la municipalité. Le décret définit également une série de déductions relatives à la politique de promotion de logements urbains et autres qui ne sont pas claires. Dans tous les cas de figure, les déductions sont élevées et en général ce type de déduction crée des risques de corruption et d’accumulation d’arriérés fiscaux. Les articles 5, 6 et 9 sont des exemples pertinents: - Article 5: toute nouvelle construction de bâtiments dans des villes autres que Port-au-Prince et Pétion-Ville bénéficiera d’une déduction fiscale de la CFPB sur une période de quatre ans avant que le paiement total de l’impôt ne soit requis - Article 6: les immeubles d’appartements meublés bénéficieront d’une déduction de la CFPB proportionnel- lement à la valeur des meubles, la déduction ne dépassant pas le tiers du montant annuel total de l’impôt dû. - Article 9: exceptionnellement, tout bâtiment comportant plusieurs appartements (logements) bénéficiera d’une réduction de la CFPB d’un montant de 50 % si ces appartements sont loués meublés et de 30 % s’ils sont loués vides. Selon les termes de ce décret, le mot « appartement » s’entend comme une unité comprenant au moins une chambre à coucher, une salle à manger et une salle de bains. - Les bâtiments construits dans des parcs industriels et conçus pour servir d’emplacements à des opérations artisa- nales ou industrielles, bénéficieront d’une exemption totale de la CFPB pendant la première année d’exploitation et d’une exemption graduelle les années suivantes basée sur le site industriel avec différentes exemptions pour les industries à l’intérieur et à l’extérieur des zones métropolitaines (jusqu’à 21 ans d’exemption et de déductions) - Article 10: les immeubles appartenant à des entités qui sont exemptées du paiement de la CFPC: l’État et les communes, les institutions religieuses et les associations à but caritatif, l’église catholique et les autres groupes religieux reconnus par l’État et ne générant pas de revenus, les congrégations ne générant pas de revenus, les syndicats ou les associations culturelles. 13 Article 1 of the Decree published in the official journal Le Moniteur, No. 32-A, April 19, 1979. 204 pour les communes de type 3 (petites villes que les dépenses opérationnelles représentent 14 et communes rurales) . Dans les deux autres entre 60 et 70 pour cent du total. Dans la répar- groupes de municipalités, il semblerait que tition de la programmation des ressources ces ressources soient devenues de plus en plus provenant du FGCDT pour l’exercice 2014-15 : importantes depuis quelques années. Dans le 846 millions HTG sont affectés aux opérations cas du Cap-Haitien, par exemple, les droits et des municipalités et des sections communales les redevances représentaient presque 30 % et 670 millions de gourdes au financement de des ressources de la commune sur la période projets - c’est-à-dire environ 56 % de dépenses 2013-16. opérationnelles et 44 % de dépenses en capital. Malheureusement, il n’existe aucune informa- Dépenses et contrôles des gouvernements tion disponible au sujet de la mise en œuvre locaux effective. Toutefois, dans l’agglomération du Les dépenses des gouvernements locaux Cap-Haïtien, la répartition des dépenses entre restent à des niveaux beaucoup plus bas que les six communes couvertes par l’étude est très celles d’autres pays en Amérique latine. Les différente (voir figure 10) – en moyenne, les dépenses des collectivités territoriales ne dépenses en capital ne représentent que 20,6 représentent que 3% des dépenses publiques % des dépenses totales. Si nous faisons une totales : 2,7% au niveau communal et 0,3% au différence entre la commune du Cap-Haïtien et niveau des « sections communales ». D’un point les cinq autres communes plus petites et moins de vue quantitatif, le processus de décentralisa- urbanisées, on observe des résultats différents tion reste très faible par rapport aux autres pays comme on le voit sur la figure. Compte tenu du LAC. Cette situation coexiste avec un cadre des données disponibles (absence de données réglementaire ambitieux que le pays n’est pas sur les dépenses au niveau national), il est en mesure de mettre en place pour l’instant. probable que la répartition effective soit plus Comme on le voit dans la Figure 9, par rapport près des niveaux observés dans la région à la région, la participation des municipalités du Cap-Haïtien que dans le reste du pays. dans les dépenses du gouvernement est très faible en Haïti. LE MANQUE DE TRANSPARENCE ET LA Pour ce qui concerne la planification FIABILITÉ LIMITÉE DES SYSTÈMES DE budgétaire en Haïti, elle est réalisée à partir TRANSFERT EXACERBENT LES CON- d’une distinction entre les dépenses opéra- TRAINTES FINANCIÈRES tionnelles et les dépenses en capital. Dans le Les défis que pose la forte dépendance cas du budget du gouvernement central, la vis-à-vis des transferts sont exacerbés par le part des dépenses opérationnelles est estimée manque de transparence et la faible crédibilité à environ 76 % et les dépenses en capital à du système de transferts existant. En Haïti, environ 24 %. Les salaires représentent 40 le décret cadre de la décentralisation du 1er % des dépenses totales. Le MICT ne possède février 2006, la loi du 20 août 1996 sur le fonds pas de données agrégées sur la répartition de développement local (Contribution au des dépenses municipales même si on estime Fonds de Gestion et de Développement des 14 Les six communes couvertes par l’étude sont Cap Haïtien, Limonade, Quartier Morin, Acul du Nord, Plaine de Nord et Milot. 205 Source: “Haiti: Steering towards effective fuel subsidy reform” (Perge et al. 2017), based on ECVMAS 2012 data and Haiti Public Expenditure Review (World Bank, 2015a). Figure 9. PART DES DÉPENSES DES GOUVERNEMENTS LOCAUX DANS LES DÉPENSES TOTALES DU SECTEUR PUBLIC (2015) Source: CEPAL Collectivités Territoriales (CFGDCT)) ; et la D’autre part, la gestion du FGDCT n’est loi du 28 mai 1996 constituent la base juridique pas tout à fait conforme au cadre juridique des transferts fiscaux du gouvernement et le niveau global de mobilisation des central aux municipalités. Le FGDCT a été fonds pourrait être amélioré. D’après le créé pour faciliter l’accès des autorités régio- cadre juridique, le conseil d’administration nales et locales aux ressources financières qui du fonds est composé des trois membres leur permettent de se développer. La loi a créé du Conseil Interdépartemental, assistés le fonds, établit ses sources de financement et par un représentant du MEF, un représen- sa structure de gestion. Le décret cadre jette tant du Ministère de la Planification et un les bases pour des transferts fiscaux ordinaires représentant du MICT. L’objectif du fonds et extraordinaires mais les modalités de ces est d’assurer le fonctionnement efficace des transferts ne sont pas très bien définies, ne autorités territoriales. Conformément à la loi, sont pas non plus régulièrement publiée et ce fonds est financé par le recouvrement des les statistiques sur les transferts effectifs du impôts par la DGI sur une série de produits gouvernement central aux communes restent et d’activités : vente de cigarettes, primes limitées et plutôt opaques. d’assurance, appels téléphoniques interna- 206 Source: “Haiti: Steering towards effective fuel subsidy reform” (Perge et al. 2017), based on ECVMAS 2012 data and Haiti Public Expenditure Review (World Bank, 2015a). RÉPARTITION DES DÉPENSES DANS L’AGGLOMÉRATION DU Figure 10. CAP-HAITIEN Source: Services comptabilité des municipalités. tionaux, droits de douane, achats de billets (CASEC), (iii) municipalités/communes, d’avions internationaux, retenues fiscales sur (iv) conseil départemental, et (v) conseil les salaires, retenue sur le revenu imposable interdépartemental. Sur ces cinq organes, il net de tous les contribuables, retenue fiscale y en a un qui, à ce jour, n’a jamais été créé 15 sur les gains à la loterie et à d’autres jeux . (le conseil interdépartemental) et deux qui Ces prélèvements sont destinés à financer ne sont pas opérationnels (les assemblées les opérations de cinq organes gouvernemen- des collectivités territoriales et les conseils taux locaux spécifiquement mentionnés par départementaux). Ceci veut dire qu’au- la loi : (i) organisation de réunions des collec- jourd’hui, le conseil d’administration du tivités territoriales, (ii) sections communales FGDCT n’est pas établi conformément aux 15 Comme la loi de 1996 prescrit, les ressources du FGDCT proviennent de (a) 20 % de la taxe sur les cigarettes, (b) 5 % de la taxe sur les polices d’assurances, (c) 8 HTG par appel téléphonique international, (d) 2 % des droits de douane (avec des exceptions), (e) 25 HTG par billet d’avion international, (f ) 1 % de l’impôt sur les revenus salariaux au-dessus de 5 000 HTG, (g) 1 % du revenu net de tous les contribuables, et (h) 5 % des gains des loteries et autres jeux. 207 dispositions de la loi et que la gestion du tionnels (63 %). Les salaires représentaient FGDCT incombe, de fait à la responsabilité 76 % des coûts opérationnels. Seuls 23 % des du MICT. fonds transférés étaient destinés à des projets La répartition et le décaissement des d’investissement (voir le Tableau 6 ci-des- transferts centraux ne sont pas mis en sous). En l’absence du Conseil Interdépar- œuvre conformément aux règlements temental, les décisions d’allocations sont du existants. Seule la moitié des fonds affectés ressort unique du gouvernement central par aux communes est transférée et une part le biais du MICT sans consultation avec les importante des fonds est versée à des struc- gouvernements locaux. Théoriquement, 40 tures qui ne sont pas actives. Le montant % des fonds du FGDCT sont affectés aux de décaissements du FGDCT prévu pour investissements en capital mais il n’existe ni le budget 2014-15 était de 2.300.293.375 directives claires, ni critères pour la sélection HTG. Compte tenu du fait que les recettes de ces projets. D’après les données reçues internes totales anticipées dans le budget du Ministère de l’Intérieur, les transferts de l’exercice 2015 étaient de 60.130.90.000 totaux du gouvernement central aux gouver- HTG, il semblerait que les décaissements du nements locaux pour les 140 municipalités fonds ne représentent que 3,8 % des recettes sont estimés à moins de 600 millions HTG. internes totales gouvernement central. Ce montant est largement insuffisant pour À partir des prévisions de dépenses du couvrir les coûts opérationnels des gouverne- FGDCT, seules 1.129.501.955 HTG (49,1%) ments locaux, sans même parler des ressou- sont affectés directement aux collectivités rces financières nécessaires pour investir territoriales conformément aux dispositions dans les infrastructures locales. Il y a donc de la loi (voir Tableau 5). Il est important une fenêtre d’opportunités pour examiner les de noter que 170.130.000 HTG (environ pratiques actuelles de gestion du fonds et le $2.7m US) sont affectés à des organes qui ne transformer en un mécanisme de transfert fonctionnent pas depuis plusieurs années ou fiscal efficace pour financer la prestation de qui n’ont jamais existé (Conseil Interdéparte- services au niveau local. mental auquel sont affectés 6.000.000 HTG). L’absence d’une gestion financière efficace, Le manque de prévisibilité dans les trans- effective et prudente des maigres ressou- ferts ciblés a un impact négatif sur la plani- rces des gouvernements locaux gêne encore fication, la budgétisation et la prestation de davantage la fourniture de services. Dans la services au niveau local. plupart des communes, le budget manque La base de répartition des transferts du de crédibilité puisqu’il est plus considéré gouvernement central doit être réexaminée. comme un impératif juridique pour recevoir Le manque de prévisibilité des transferts du des fonds du gouvernement central que gouvernement central gêne la planification, comme un outil de gestion. Cette situation la budgétisation et à la prestation de services génère un manque de contrôle des dépenses, des gouvernements locaux. Les allocations un reporting inadapté et une incitation à du FGDCT aux gouvernements locaux sont dépenser le budget alloué aussi rapidement décaissées sur une base mensuelle et utilisées que possible et donc sans se concentrer principalement pour couvrir les coûts opéra- sur la prestation de services effective. Les 208 RÉPARTITION DES ALLOCATIONS DU FGDCT Tableau 5. POSTE MONTANT (HTG) MONTANT (US$) Dépenses des organes des collectivités territoriales 1,129,501,955 $18,217,773 Appui aux dépenses courantes 77,000,000 $1,241,935 Financement de projets4: Tableau Revenues 699,891,420 $11,288,571 Collected by DGI on Behalf of Subventions aux associations de collectivités territoriales 40,500,000 $653,226 Communes in the Metropol- itan Autres Area of Port-au-Prince (in dépenses 267,000,000 $4,306,452 HTG), October 2013-March 2015 Source: Autres organesMEF. 86,400,000 $1,393,548 Total 2,300,293,375 $37,101,506 Source: Budget national 2014-15. Documents supplémentaires. prévisions de recettes ne sont pas réalistes Le gouvernement a reconnu les lacunes et les dépenses dépassent souvent la et la décentralisation fiscale est une part collecte de recettes de plus de 10 % - ce qui importante du programme de réformes du amène certaines communes à accumuler gouvernement sur la gestion des finances en permanence des arriérés de paiements publiques (GFP). S’il est mis en œuvre effica- aux prestataires de services. D’autre part, cement, ce programme pourrait aider le les salaires et les autres coûts administratifs gouvernement à adresser certains défis clés. fixes dominent les schémas de dépenses des Depuis mai 2014, le gouvernement a élaboré gouvernements locaux. Alors que la prépara- une stratégie de réformes détaillée de la GFP, tion de rapport financier mensuel est exigée assortie d’un plan d’action articulé autour de par la loi, les municipalités ne produisent six principaux piliers portant sur (i) la gestion pas de rapport financier annuel et la “Cour du budget, (ii) la gestion du trésor, (iii) les Supérieure des Comptes” manque de contrôles internes et externes, la mobilisation capacités à la fois financières et en termes de de recettes, la décentralisation financière, et ressources humaines pour réaliser des audits les systèmes d’informations financières. La annuels des 146 communes. Ce manque vision de la stratégie de réformes de la GFP de contrôle externe augmente le risque de consiste à mettre en place un système de lacunes dans la reddition des comptes et de finances publiques qui fait la promotion de mauvaises utilisations potentielles des fonds. la transparence, la reddition de compte, la 209 Tableau 6. RÉPARTITION: DÉPENSES FGDCT EN 2015-16 (EXERCICE), EN HTG CATÉGORIES CATÉGORIES DE MONTANTS TOTAL TOTAL (US$) GLOBALE DÉPENSES Coûts opérationnels Salaires 891,716,950 1,161,551,950 $18,405,720 Loyers 31,800,000 Vacances des 77,425,000 communes (Patronales) Autres subventions 160,610,000 Dépenses en Projets 415,005,663 415,005,663 $6,576,097 capital Autres Frais récurrents 67,000,000 260,899,400 $4,134,160 Subventions aux 38,500,000 associations de maires Autres 155,399,400 Totaux 1,837,457,018 $29,115,976 Source: MICT. discipline fiscale et l’efficacité dans la gestion la gestion financière au niveau des gouverne- et l’utilisation des ressources publiques pour ments locaux comme la standardisation des une meilleure prestation de services et pour processus comptables des gouvernements un développement économique renforcé. locaux, la réglementation du recouvrement Le programme vise à augmenter les recettes des recettes propres communales et la modifi- provenant des impôts et des droits, ce qui cation de la loi de finances locales, la création permettrait également de renforcer l’auton- d’un fonds intercommunal, etc. La mise en omie des gouvernements locaux en matière œuvre du plan d’action pour la décentralisa- de prise de décisions. Pendant cette période, tion fiscale n’a pas avancé au rythme souhaité des mesures réglementaires importantes ont à cause d’une combinaison de difficultés également été mises en œuvre pour améliorer financières, logistiques et ayant trait aux 210 ressources humaines ainsi qu’à cause de la devra examiner la feuille de route existante période de transition en 2015-2016. C’est pour pour que les réformes abordent la gestion cette raison qu’Haïti n’a pas encore enreg- des finances publiques au niveau local, y istré que peu de progrès pour ce qui concerne compris en priorisant des domaines où il un renforcement de l’autonomie financière et y a peu de progrès et potentiellement en fiscale des gouvernements locaux. reconfigurant et en mettant à jour la feuille de route existante - tenant compte des UNE VOIE VERS LE RENFORCEMENT DES progrès déjà réalisés dans certains domaines. FINANCES MUNICIPALES D’autre part, il est impératif d’examiner le Les villes ont clairement besoin de cadre réglementaire et juridique existant renforcer leurs finances municipales si elles pour clarifier les rôles et responsabilités de veulent être en mesure de combler le déficit chaque niveau du gouvernement en matière en services et en infrastructures urbaines et de prestation de services et de fourniture de s’adapter à la croissance de la population d’infrastructures au niveau local. Le gouver- urbaine. Comme nous l’avons déjà détaillé nement devrait définir des actions pour dans les chapitres 1, 2 et 3, les villes haïti- adresser les faiblesses en termes de systèmes, ennes sont marquées par des déficits impor- de capacités, d’incitations et de reddition de tants en matière de provision de services de comptes, qui entravent aujourd’hui la presta- base, y compris l’approvisionnement en eau, tion de services. Étant donné que les trans- l’assainissement, la collecte des déchets et ferts intergouvernementaux (notamment le l’électricité. La mauvaise gestion des villes FGDCT) ne sont pas basés sur une formule est une autre caractéristique déterminante transparente et sur des objectifs et des critères qui a un impact négatif sur la manière dont clairs, le gouvernement devrait envisager les zones urbaines se développent lorsque les d’examiner le cadre réglementaire existant gouvernements locaux ne sont pas suffisam- qui régit le FGDCT, et élaborer un cadre de ment équipés pour guider la croissance, éviter financement pour la prestation de services le surpeuplement et aller vers des densités et d’infrastructures par les gouvernements productives et ‘saines’. À partir de l’examen locaux. Ce cadre devrait comporter une des finances municipales en Haïti, cette présentation des principes de renforcement section propose une série de mesures prior- de la gestion et des opérations du FGDCT, itaires pour adresser les faiblesses identifiées et devrait envisager d’autres options (y et présentées ci-dessus. compris des subventions additionnelles) qui Malgré les efforts déployés par le gouver- pourraient être mises en place pour financer nement pour aborder la décentralisation la prestation locale de services d’une manière budgétaire dans le cadre d’une action plus adéquate. Enfin, il est conseillé de renforcer vaste de réforme de la GFP, il subsiste de le PMAC16 pour fournir aux gouvernements nombreuses faiblesses dans les GFP des locaux un cadre de ressources humaines administrations locales. Le gouvernement qui jetterait les bases de la définition d’une 16 PMAC – Programme de Modernisation des Administrations Locales. Il s’agit d’un programme conçu par MICT et actuelle- ment en cours de mise en oeuvre. 211 série de principes, systèmes et pratiques, de la législation actuelle relative aux finances dont le respect assurerait que les communes locales en Haïti pourraient ouvrir la voie pour disposent d’un personnel suffisant. stimuler la mobilisation des recettes. Un système de décentralisation fiscale- ment responsable, plus efficace, transparent Consolider, harmoniser et faire appliquer et responsable aura besoin de municipalités le cadre réglementaire et juridique afférent avec des sources de recettes propres plus aux financements municipaux importantes. Il y a un manque d’autonomie Le développement urbain en Haïti se en matière de recettes au niveau communal réalise dans un contexte de décentralisation et une grande dépendance vis-à-vis des trans- incomplète et avec un cadre juridique peu ferts du gouvernement central. Toutefois, clair lorsqu’il s’agit de finances municipales. les faits indiquent que les niveaux actuels Un cadre réglementaire et juridique solide de transfert restent tout à fait inadaptés est la base de la mise en œuvre efficace de la compte tenu de la lourde responsabilité des décentralisation, en apportant une certaine municipalités. Ceci crée une situation où les clarification en ce qui concerne les rôles et autorités locales sont redevables vis-à-vis de les ressources. Trois principales mesures ont leurs administrés pour des mandats qui ne été identifiées. Tout d’abord, il est nécessaire sont pas correctement financés. La législation d’examiner le cadre normatif des collectiv- et les exigences administratives qui sous-ten- ités territoriales tel qu’il est établi dans les dent le recouvrement d’impôts municipaux cinq décrets de 2006 et identifier des mesures (taxe foncière et patente) sont obsolètes et possibles pour la mise en œuvre. Deuxième- dépassées, ce qui gêne la capacité des munic- ment, le gouvernement doit formaliser les ipalités à augmenter la collecte de recettes. fonctions de taxation et de responsabilités Un impératif clé pour une meilleure presta- confiées aux municipalités telles qu’elles tion de services locaux est que les gouverne- sont stipulées dans l’Article 142 du cadre de ments locaux reçoivent des financements la décentralisation.17 Troisièmement, il y a plus importants pour la prestation de services un besoin urgent d’entreprendre une revue de base. Ceci veut dire que tous les gouver- des principaux règlements et législations nements locaux doivent avoir en place les notamment ceux portant sur la taxe foncière fonctions de base en matière de budgétisation, et la patente. Il s’agit notamment d’aborder rapports financiers, de comptabilité, et de de les questions relatives à la fixation des taux passation des marchés pour qu’ils puissent et le fait que de nombreux taux d’imposition utiliser ces fonds d’une manière efficace sont dépassés et ne correspondent plus du pour améliorer la prestation de services. Des tout aux tendances actuelles du marché. Ces financements plus importants doivent aller de actions combinées s’efforcent de clarifier les pair avec une meilleure reddition de comptes responsabilités, les systèmes, les incitations et quant à l’utilisation de ces fonds. C’est pour les relations de responsabilités pour la presta- cette raison qu’un examen et une clarification tion de services, les financements nécessaires 17 L’Article 142 du décret voté en 2006 confère à la commune des compétences en termes de mobilisation et de recouvrement de la CFPB, de participation à la mobilisation et au suivi des patentes, de création de certains droits et royalties municipales. 212 pour ces services, et la capacité des gouver- pilote actuellement une série de programmes nements locaux à utiliser efficacement les conçus pour renforcer la décentralisation financements additionnels, ce qui permettrait administrative (ex : PMAC – Programme de d’améliorer la prestation de services. Modernisation des Administrations Locales) Le manque de réglementation détaillée et renforcer le recouvrement des recettes au sur les différents niveaux de gouvernements niveau communal. locaux a limité l’efficacité des réformes de décentralisation. Cependant, l’émergence Renforcer le système des finances munici- de nouvelles feuilles de route de réformes du pales et élargir les opportunités de cadre juridiques offre une fenêtre d’opportu- financement nité pour approfondir les efforts de décentral- Comme l’ont souligné tout au long du isation. Alors que les innovations apportées chapitre, les villes sont contraintes par des par les cinq décrets de décentralisation sources de revenus limitées et sont très adoptée en 2006 étaient tout à fait louables, dépendants des transferts du gouvernement d’autres législations importantes pour la mise central. Une autonomie financière limitée en œuvre des structures de décentralisation des gouvernements locaux nécessite l’émer- font cruellement défaut. Les réglementations gence d’un système fiscal communal plus portant sur les procédures opérationnelles solide. Pour les petites villes, les efforts peu- quant aux Délégations dans les Départe- vent se concentrer sur l’amélioration du sys- ments devraient être mises en vigueur. Une tème de transfert et l’utiliser comme une proposition de loi sur la décentralisation et opportunité de renforcer les capacités l’autonomie des communes et des sections locales pour la mise en œuvre. Pour les plus communales (pour permettre l’autonomie grandes villes, des étapes sont nécessaires financière des gouvernements locaux) est pour renforcer les capacités en matière de actuellement inscrite à l’agenda législatif mobilisation des recettes, de gestion et de ; l’adoption de cette loi sera cruciale pour dépenses. Tout d’abord, le gouvernement continuer à consolider la décentralisation. peut se concentrer sur la mise en applica- Le gouvernement envisage également une tion du cadre réglementaire du FGDCT loi pour amender le décret de mise en place pour améliorer la gestion, le contrôle et la du cadre général de la décentralisation et transparence du fonds, y compris dans la des principes d’organisation des communes mobilisation, l’allocation et le transfert de territoriales haïtiennes (sur le personnel). fonds, ainsi que dans le suivi des dépenses Il est important que les décideurs saisis- et de la comptabilité. Il doit s’assurer tout sent cette opportunité pour spécifier aussi particulièrement que les fonds soient mobil- clairement que possible les fonctions et les isés et alloués à partir de critères stipulés compétences des gouvernements locaux et dans les législations, examiner les qu’ils organisent un plaidoyer en faveur d’une paramètres d’allocation des fonds aux com- loi spéciale sur les finances locales avec des munes et aux autres autorités locales, et mesures pour augmenter les recettes fiscales développer des mécanismes de suivi pour et non fiscales qui reviennent aux gouverne- s’assurer que le FGDCT soit adéquatement ments locaux. D’autre part, le gouvernement réalimenté ou qu’il collecte bien toutes les 213 contributions obligatoires. Pour adresser les Tout en se dirigeant vers des communes problèmes de retard et de prévisibilité des capables de générer et de collecter efficace- niveaux et des volumes financiers, une ment leurs propres sources de revenus, des attention toute particulière doit être portée à efforts complémentaires sont nécessaires l’amélioration des mécanismes de coordina- pour renforcer leur capacité de planification tion entre les communes, la Direction et de budgétisation, y compris la prévision des Générale des Impôts, le Ministère des revenus. La première série d’activités pour Finances, le trésor et la Banque Centrale améliorer les fonctions de gestion financière pour le recouvrement des impôts afin de des gouvernements locaux consiste à réduire les délais de versement des fonds concevoir et à déployer un manuel de gestion aux municipalités. Enfin, il est également des finances publiques destiné aux gouverne- important de clarifier le statut et la mise en ments locaux. Le Ministère des Finances et œuvre à venir d’autres types de fonds gou- de l’Économie et le Ministère de l’Intérieur vernementaux y compris le FDLAT. doivent élaborer le manuel pour concevoir les normes et procédures de base en matière Élargir et exploiter la base de recettes de gestion financière des gouvernements locales locaux, y compris pour la budgétisation, la Il n’existe pas de véritable autonomie en comptabilité, le reporting, la passation de matière de recettes au niveau municipal mais marchés et les impératifs d’audit. Cet objectif une grande dépendance vis-à-vis du système pourrait être atteint grâce à des programmes de transfert, qui souffre de problèmes struc- de renforcement de capacités qui se concen- turels et est fiable que dans une certaine trent sur quatre domaines principaux : (i) mesure. D’autre part, les municipalités ne renforcer la capacité administrative des recouvrent souvent qu’une fraction de leurs services financiers dans les municipalités; recettes potentielles et n’ont pas vraiment (ii) renforcer la capacité des municipalités les capacités pour utiliser efficacement les en termes de gestion de projets pour des ressources pour la prestation de services au décaissements rapides des fonds du FGDCT niveau local. Un système de décentralisation qui leur sont affectés; (iii) augmenter la plus efficace, qui rend des comptes et qui capacité de mobilisation de recettes des est fiscalement responsable aura besoin de municipalités y compris en renforçant les municipalités avec des sources de recettes compétences techniques du personnel; et locales plus importantes et plus solides. (iv) offrir aux municipalités des incitations Aujourd’hui, la principale source de recettes à explorer des mécanismes de financement des municipalités (taxe foncière et patente) alternatifs – y compris des partenariats avec ne reflète pas les tendances actuelles du le secteur privé local et les associations des marché. D’autre part, le recouvrement des villes au niveau de la diaspora. redevances et autres droits collectés directe- En ce qui concerne le renforcement des ment par les municipalités manque cruel- capacités de mobilisation des recettes, lement de transparence et il n’existe pas de l’informatisation des systèmes par le gouver- mécanismes pour suivre le recouvrement et nement peut améliorer les taux de collecte. rendre compte de son utilisation. Le gouvernement pourrait envisager une 214 automatisation progressive des fonctions de les engagements de dépenses budgétaires recouvrement des impôts sur tout le territoire et adhérer aux ressources disponibles pour national (i) en déployant CIVITAX dans les assurer une bonne mise en œuvre du budget et 18 municipalités, (ii) en assurant le caractère éviter l’accumulation d’arriérés; (ii) s’assurer progressif de la CFBP (taxe foncière) - avec que les municipalités adhèrent aux délais une échelle plus élevée pour les bâtisses réglementaires pour préparer et approuver ayant une valeur de marché plus impor- le budget; (iii) renforcer les mécanismes tante, (iii) en réalisant des recensements de existants pour impliquer les citoyens et la bâtiments dans toutes les municipalités et société civile locale dans le processus de (iv) en mettant ainsi à jour le registre foncier budgétisation; et (iv) encourager et soutenir afin d’ élargir l’assiette fiscale. Des efforts les municipalités à élaborer un plan de dével- peuvent être entrepris dans ce sens tout oppement communal accompagné de plans en facilitant, en parallèle, des mécanismes d’investissements pluriannuels qui peuvent techniques et juridiques pour que les munic- être ensuite facilement intégrés au processus ipalités puissent réaliser un recensement et de budgétisation. une évaluation des propriétés bâties. Dans les communes qui ont fait l’objet d’un recense- ment, les recettes ont considérablement augmenté. Le programme MICT PRAFIPUM est une bonne étape dans la bonne direction. Toutefois, des plans d’action détaillés pour la mobilisation des recettes avec des cibles réalistes de recettes doivent être élaborés dans les 20 communes qui ont le potentiel le plus élevé d’augmenter les recettes relatives à la taxe foncière. D’autre part, pour lutter contre l’évitement fiscal, il faudrait suivre de très près le registre des contribuables et consacrer des efforts à sa mise à jour régulière. Enfin, il est également important de minimiser les exemptions et les déductions fiscales. Les municipalités ont en outre besoin de politiques pour exercer un contrôle plus important sur le budget municipal et s’assurer qu’il soit utilisé de la manière la plus efficace possible. Dans cette mesure, les étapes suivantes sont possibles: (i) mettre en place un mécanisme réglementaire pour limiter 18 CIVITAX is a comprehensive local tax management software system created by the Haitian firm Solutions S.A., in collabora- tion with the LOKAL project, the MICT, the DGI, and other local partners. 215 RÉFÉRENCES MICT. 2011. Recueil de textes normatifs annoté, entourant l’action locale, Beaudin, R. 1998. Séminaire atelier sur la Port-au-Prince, Ministère de l’Intérieur Planification Décentralisée: La fiscalité et des Collectivités territoriales/USAID locale en Haïti. Miméo. LOKAL. Chery, F.G. 2009. Le financement de la Moniteur. (2006, June 2). Le décret du 1er décentralisation et du développement février 2006 fixant l’organisation et le local en Haïti. Secrétariat Technique fonctionnement de la collectivité terri- d´élaboration du Document de Stratégie toriale municipale dite commune ou Nationale pour la Croissance et la municipalité. Réduction de la Pauvreté (DSNCRP). Moniteur. (2006, June 14). Le décret du 1er Denis, J. 2014. Haiti, Local government février 2006 fixant le cadre général de la system fiduciary assessment, Haiti: décentralisation ainsi que les principes USAID. d’organisation et de fonctionnement Denis, J. 2016. Public financial manage- des collectivités territoriales haïtiennes. ment: Constraints and opportunities for Paillant, J. 2012. Le code fiscal haïtien, CDCS. Haiti: USAID Henri Deschamps, Port-au-Prince. Deshommes, F. 2003. Décentralisation et Paul, B. and C. Charleston. 2014. Les collectivités territoriales en Haïti, un collectivités territoriales : analyses état des lieux, Port-au-Prince, Editions du processus démocratique bloqué en Cahiers Universitaires. Haïti. Farvacque-Vitkovic, C.D. and M. Kopanyi. PRIMATURE/OMRH. 2013. Programme- 2014. Municipal Finances: A Handbook cadre de la réforme de I ‘Etat: Réforme for Local Governments. Washington, administrative et décentralisa- DC: World Bank Group. tion- Octobre 2012-Septembre 2017, Grand-Pierre, C. 2015. Gouvernance de Port-au-Prince, Office de management proximité et collectivités territoriales en des ressources humaines (OMRH), Haïti, C3 Editions, Port-au-Prince. Primature, République d’Haïti. Le Nouvelliste (July 2014). Bilan de l’écon- Privert, J. 2006. Décentralisation et collec- omie haïtienne (Année 2012-2013 Le tivités territoriales (contraintes, enjeux mot de l’Association Haïtienne des et défis), Edition Le Béréen. Economistes-AHE), publié le 01-07-2014 USAID. 2015. Fact Sheet: Revenue Collec- MICT. (May 2007). La municipalité tion Provides Opportunity. Available haïtienne et les entités de l’administra- at https://www.usaid.gov/results-data/ tion publique. success-stories/revenue-collection-pro- MICT. (June 2008). Projet de réforme des vides-opportunity. Accessed on 3 July, finances municipales : Propositions 2017. pour une meilleure mobilisation des World Bank Group. 2016. Better Spending, recettes communales (version prélimi- Better Services: A Review of Public naire). Finances in Haiti. Washington, DC: World Bank Group. 216 217 218 ANNEXE 1 – CLASSIFICATION DES VILLES À PARTIR DE DON- NÉES MAILLÉES SUR LA POPULATION ET DE DONNÉES D’ÉCLAIRAGE NOCTURNE CATÉGORIES NB DE DE VILLE VILLES DESCRIPTION Zones 1 En dépassant les frontières administratives officielles, nous sommes en mesure métropolitaines d’identifier Port-au-Prince comme étant une grande zone métropolitaine qui com- prend certaines municipalités de l’arrondissement de Croix-des-Bouquets. Con- formément aux résultats précédents, le « Grand Port-au-Prince » demeure, de loin, le cluster urbain le plus grand avec 2,5 millions d’habitants – l’équivalent de 43 % de la population citadine haïtienne. Entre 1990 et 2015, la population urbaine du « Grand Port-au-Prince » a augmenté chaque année d’une moyenne de 3 %. Très grandes villes 2 Cap-Haïtien et Gonaïves sont de « très grandes villes » avec des populations ur- (200.000-300.000) baines qui dépassent les 200 000 habitants. Entre 1990 et 2010, la part des citadins a augmenté de 4 % à Gonaïves, et de 2 % à Cap-Haïtien. Grandes villes 5 Les « grandes villes » avec plus de 100 000 habitants sont Port-de-Paix et Saint- (100.000-200.000) Marc, qui ont connu une croissance annuelle moyenne de 4 % depuis 1990. Parmi ces villes de troisième catégorie, nous trouvons l’agglomération de municipalités Cayes-Torbeck-Chantal-Camp-Perrine dans le département Sud et Ouanaminthe dans le département Nord-Est. Enfin, étant donné que la municipalité de Léogâne forme avec Gressier – appartenant officiellement à Port-au-Prince – un autre con- glomérat important, nous observons que la zone métropolitaine s’étend également vers l’est.1 Villes de taille moyenne 3 Petit-Goâve, Arcahaie, et Jacmel sont des villes de ‘taille moyenne’. Dans le cas de (50.000-100.000) Petite-Goave, la croissance annuelle était en moyenne de 9 % entre 1990 et 2015. Petites villes 6 Ce sont les municipalités avec un taux de croissance positif dans leur part urbaine. (10.000-50.000) Par exemple, à Anse-à-Pitre (département Sud, à la frontière avec la République Dominicaine), la population urbaine a augmenté de 8 % en moyenne tous les ans depuis 1990. Après le tremblement de terre de 2010 et la déportation des Haïtiens de la République Dominicaine en 2015, des quartiers informels se sont installés d’une manière précaire avec des milliers de ménages sans eau ni accès aux services de base et donc exposés aux épidémies de choléra. Petites 2 Deux des plus petits clusters urbains ont perdu une part de leur population depuis agglomérations 1990 - comme Petite-Bois, à Croix-des-Bouquets, probablement à cause de la con- (1.000-10.000) currence avec d’autres quartiers plus proches de la zone métropolitaine. 1 Il est important de noter que même si les deux dernières ne sont pas officiellement classifiées en tant que « villes », elles s’avèrent clairement être des zones importantes en termes d’émission d’éclairage nocturne, de concentration de population et d’empreinte urbaine. 219 ANNEXE 2 – POPULATION (URBAINE VS RURALE) EXPOSÉE AUX ÉRO- SIONS, GLISSEMENTS DE TERRAIN ET INONDATIONS, 2000 ET 2015 Érosion 2000 Érosion 2015 Pop. Rurale Pop. Rurale Population Exposée Population Exposée Pop. Urbaine Pop. Urbaine Très Grave Élevé Moyen Aucun Très Grave Élevé Moyen Aucun grave ou faible grave ou faible Glissement de terrain 2000 Glissement de terrain 2015 Pop. Rurale Pop. Rurale Population Exposée Population Exposée Pop. Urbaine Pop. Urbaine Haute Élevée Moyen Aucun Haute Élevée Moyen Aucun ou faible ou faible Inondation 2000 Inondation 2015 Pop. Rurale Pop. Rurale Population Exposée Population Exposée Pop. Urbaine Pop. Urbaine Haute Élevée Moyen Aucun Haute Élevée Moyen Aucun ou faible ou faible 220 ANNEXE 3 – SOMMAIRE DES LÉGISLATIONS CLÉS AMÉNAGEMENT DE TERRAINS, PERMIS DE CONSTRUIRE ET PRINCIPES DIRECTEURS DU DÉVELOPPEMENT URBAIN 1923 Loi relative aux routes et aux voies publiques 1924 Loi introduisant des règles de construction dans les villes 1937 Décret mettant en place des règles spéciales pour le logement et la gestion urbaine 1963 Met en place les règles de l’aménagement du territoire ainsi que les règles pour la gestion des zones urbaines. 1971 Décret du 23 mars modifié par l’article 29 du Décret-loi du 22 juillet 1937 relatif aux permis de construire (et introduit les zones d’utilisation publique) 1977 Décret du 6 avril 1977 – ne modifie pas les procédures de lotissement décrétées par les lois de 1937 et 1963 mais ajoute des procédures pour le développement des terrains réalisé par un syndicat ou une société/un collectif de propriétaires fonciers. 1982 Décret du 21 janvier relatif au règlement environnemental y compris dans les zones urbaines INSTRUMENTS DE PLANIFICATION LOCALE 1996 L’Organisation de la Collectivité territoriale de Section Communale’, introduit ‘les plans urbains locaux’ et des plans de développement des Communes. Il n’existe aucun exemple de ces plans qui aient été mis en oeuvre dans la pratique (Garry Lherisson, 2015). 2006 Décret instituant les plans de gestion territoriale locaux et les plans de développement lo- caux. Il existe quelques cas de plan de développements locaux qui ont été élaborés lorsque le financement et l’assistance technique étaient disponibles (Garry Lherisson, 2015). CADRE JURIDIQUE POUR L’EXPROPRIATION FONCIÈRE 1842 Le principe de l’expropriation a été ancré dans chaque constitution haïtienne depuis 1843 à l’ex- ception de la constitution de 1888. 1951 Loi de septembre 1951 1979 Loi de novembre 1979, article 10 (définit les situations d’’intérêt public’) 1987 La constitution instaure le processus d’expropriation et de compensation. Stipule que les biens doivent être rendus aux propriétaires d’origine lorsque le projet est abandonné (Article 36-1) RÈGLEMENT DES LITIGES FONCIERS 1987 La constitution mandate les Conseils d’Administration des Sections Communales (CASECs) à gérer les litiges fonciers; Court de Cassation et magistrats (Justice de Paix) peuvent en appeler aux tribunaux pour ces litiges. L’Institut National de la Réforme Agraire, INARA) s’implique également dans les questions de foncier rural. Il n’existe pas de canal officiel pour régler les er- reurs dans le système d’enregistrement foncier, et aucune donnée sur le nombre de litiges actuels. 221 ANNEXE 4 – APERÇU DES PLANS SECTORIELS, URBAINS ET NATIONAUX RÉCENTS NOM DU PLAN TYPE PÉRIMÈTRE Plan stratégique de Plan national Ce plan est fondé sur le plan de reconstruction national de développement d’Haïti mars 2010 avec une vision de développement à long terme qui (PSDH, 2012) porte jusqu’en 2030. Plan national de Plan sectoriel Ce plan vise à appuyer l’accès à des logements viabilisés et sûrs. logements (2013) Identifie les principaux défis y compris le manque de : normes de construction et de mise en application, contrôler la réglemen- tation des efforts de construction individuels, main-d’oeuvre qualifiée, planification urbaine, et financement des logements. Stratégie du secteur du Plan sectoriel Vise à apporter une orientation stratégique pour les poli- transport (2006-2011) tiques de transports à court, moyen et long terme pour ac- compagner le développement économique national Stratégie du secteur de l’eau Plan sectoriel Stratégie élaborée par la direction nationale de l’eau et de l’as- et de l’assainissement 2010 sainissement (DINEPA) EFFORTS DE PLANS DIRECTEURS POUR PORT-AU-PRINCE 1976 ‘Plan de développement de Port-au-Prince’ 1987/8 ‘Plan Directeur d’Urbanisme de Port-au-Prince, phase I’ 1982-1994 Urban growth management studies for the metropolitan area (no specific plan realized). 2001-2003 ‘Schéma Directeur d’Aménagement de la Zone Métropolitaine de Port-au-Prince’ et un nouveau ‘Plan Stratégique de Développement’ (financé par la Banque Interaméricaine de Développement) 2010 À partir de 2010, un certain nombre d’études et de plans ont été élaborés avec l’appui d’O.N.G. (par exemple le ‘Plan pour la Reconstruction du Centre de Port-au-Prince’, le ‘Plan d’Aménagement et de Développement Durable’ ainsi qu’un ‘Plan Local d’Urbanisme du Nouveau Port-au-Prince’). 2011-2014 UN Habitat a accompagné deux forums de planification participative, et le dernier a débouché sur la « Déclaration du Forum Urbain National ». 222 PLANS SECTORIELS LOCAUX 2010 Plans communautaires pour l’aménagement post-séisme de quartiers de l’Aire métropolitaine de Port- au-Prince. Ce plan fournit un micro-zonage. 2011-2013 Micro-zonage pour Port-au-Prince (initiatives soutenues par le PNUD) (i) Emplacement des biens exposés (infrastructures cruciales géo-référencées comme les écoles, les hôpitaux et les routes) (ii) Cartes GIS élaborées par les Ministères de l’Education, de la Santé et des Travaux Publics en coopération avec le CNIGS EFFORTS DE PLANS DIRECTEURS POUR CAP-HAÏTIEN Etude sur la croissance urbaine 1982 1994 Etude sur la croissance urbaine 1996 -1998 Projet appuyé par le PNUD pour préparer des études de fond relatives aux plans directeurs pour Cap-Haï- tien, Fort-Liberté, Port-de-Paix, Gonaïves, Saint-Marc, Hinche, Miragoâne, Jacmel, Cayes et Jérémie 1997 Le ‘Plan d’Aménagement du Nord / Nord-Est: Couloir Cap - Ouanaminthe’, élaboré par la CIAT 2012 /3 ‘Plan Stratégique Multisectoriel d’Aménagement’ (MPCE avec le soutien du PNUD) 2012 /3 “Plan Stratégique Multisectoriel d’Aménagement” (MPCE with support from UNDP) 2012 /3 ‘Cap-Haïtien – couloir de développement d’Ouanaminthe: plan régional exhaustif (élaboré avec l’ap- pui de la BID) PLANS SECTORIELS LOCAUX 2008 Plan de tourisme pour Cap-Haïtien. Élaboré par le Ministère du Tourisme, ce plan relie le tourisme au développement urbain (par exemple en proposant des amendements à l’utilisation des terrains, un réseau de routes métropolitaines pour structurer la future urbanisation, un réaménagement du bord de l’eau en fonction des différentes zones, un réaménagement de l’estuaire du Bassin Rodo pour en faire un circuit touristique et le traitement des rives des principaux fleuves en tant que parcs linéaires). 2007-2009 Plans stratégiques pour le secteur hydrique (cofinancés par l’ACP-EU, Oxfam-UK, PROTOS et GTIH) 2011 Le Plan de Financement de Services Publics Communaux (résultat du projet USAID LOKAL+project 2011) 2011-2015 ‘La Conception et l’Aménagement d’un Centre de Gestion Intégrée des Déchets Solides (CGIDS)’ (avec l’appui de l’AFD) 2015 Plan de Mobilité Durable du Couloir Nord (BID) 2015 Le Couloir de Développement du Nord en Haïti: Etude de Changements Climatiques et Développe- ment Urbain (ERM avec la BID, février 2015) 223 ANNEXE 5 – CONNECTIVITÉ LES COÛTS DES MARCHÉS DU TRAVAIL FRAGMENTÉS ET LES AVANTAGES DE L’ACCESSIBILITÉ On parle souvent des villes comme étant des centres d’opportunités parce qu’elles réduisent la distance économique entre les travailleurs, les employeurs, les acheteurs et les vendeurs. Cette densité permet de réduire la distance économique, de diminuer le coût unitaire de la prestation d’infrastruc- tures comme les réseaux de transport, permet aux idées de circuler, de se développer et de mûrir et promeut la spécialisation économique, qui permet aux gens de se concentrer sur ce qu’ils font le mieux ou avec le plus de plaisir (Glaeser et Kahn 2004; Ciccone et Hall 1996). Ces avantages qu’apportent les villes expliquent pourquoi les citadins sont en général plus productifs que les travailleurs à l’extérieur des zones urbaines, ce que les économistes appellent en général des économies d’agglomération qui sont générées par la proximité et les échanges (Duranton et Puga 2004; Rosenthal et Strange 2004). Les villes ne sont pas toujours associées avec des niveaux élevés d’accessibilité à l’emploi. Même si les villes concentrent sur une zone limitée de terrains, un nombre important de ménages et d’opportu- nités d’emplois, cette simple proximité géographique n’implique pas forcément que tous les ménages ont un accès égal ou même un bon accès aux emplois. Au Mexique par exemple, l’expansion urbaine ENCADRÉ 1 – UNE APPROCHE UNIVERSITAIRE DE L’ACCESSIBILTÉ, LA PRODUCTIVITÉ ET LE BIEN-ÊTRE – COLLECTE D’ÉLÉMENTS PROBANTS Prud’homme et Lee (1999) démontrent que la productivité des travailleurs augmente avec la part des emplois en zone urbaine qui sont accessibles dans un rayon de 30 minutes de déplacement. Leur étude de cas s’est penchée sur ce rapport dans 23 villes françaises et a montré qu’en doublant le nombre d’emplois auxquels on peut accéder dans ce délai, on obtenait une augmentation de la productivité de 15 % (une élasticité de 0,15). Du point de vue des employeurs, Cervero (2001) montre que dans la zone de la Baie de San Francisco, même si les faits observés ne sont pas aussi probants, le nombre de travailleurs qui peuvent accéder à leurs emplois dans une période de pointe définie allant de 30 à 60 minutes (bassin d’emplois) a une influence positive sur la productivité des travailleurs. Melo et al. (2013) montrent pour un échantillon de villes américaines qu’une meilleure accessibilité aux emplois permet d’augmenter la productivité telle qu’elle est mesurée par les salaires réels. Les auteurs rapportent qu’en doublant le nombre d’emplois accessibles pour un travailleur dans un délai de 20 minutes on obtient une augmentation moyenne en salaires réels de 6,5 %. Aslund et al. (2010), en utilisant une expérience naturelle en Suède, ont également observé que la proximité des emplois avait un impact positif sur les perspectives d’emploi, y compris sur le long terme. Venables (2017) a identifié que les coûts de déplacement et donc l’accessibilité moyenne jouent un rôle important dans un environnement urbain. Pour attirer des travailleurs qualifiés, les entreprises doivent compenser leurs frais de déplacement en proposant des salaires plus élevés. Même si cette situation bénéficie aux ménages, elle peut s’avérer empêcher les entreprises de récolter des gains de productivité et de se positionner sur les marchés internationaux parce que les salaires moyens des travailleur sont plus élevés que les normes de compétitivité internationales. 224 tentaculaire, la décentralisation massive de la population vers des quartiers périphériques unique- ment résidentiels parallèlement à une croissance urbaine sans coordination a allongé la distance entre les emplois et les logements. Cette situation mine l’adéquation efficace entre les compétences et les emplois dans les villes mexicaines. Elle génère également souvent des durées de déplacement très longues pour ceux qui ont trouvé des emplois dans les principaux bassins d’emplois qui sont, pour la plupart, au centre-ville. À Mexico City les ménages à bas revenus qui vivent dans les zones périur- baines peuvent passer jusqu’à quatre heures supplémentaires par semaine dans les déplacements par rapport aux familles à bas revenus qui habitent dans des zones plus centrales (Kim et Zangerling 2016). Un faible niveau d’accessibilité s’accompagne de conséquences négatives pour la productivité et le bien-être dans les villes. En termes de productivité, un faible niveau d’accessibilité génère des marchés du travail fragmentés où l’adéquation s’organise au niveau local. Les ménages et les entreprises écono- misent en coûts de transport (temps et argent) en choisissant des emplois/employés qui vivent à proximité et lorsque le marché du travail est fragmenté de cette manière, la probabilité de trouver une bonne adéquation est plus faible puisqu’ils doivent choisir dans un pool plus réduit d’options de travail- leurs/emplois. Les emplois situés en dehors des clusters à forte densité économique ont tendance à être plus rares, plus informels et moins bien payés. Deuxièmement, un faible niveau d’accessibilité met également la pression sur les familles qui cherchent à se loger plus près des emplois, ce qui peut s’avérer être un inconvénient à partir du moment où les terrains et les logements sont plus chers. Certains ménages peuvent ne pas pouvoir se permettre de payer les coûts de logements supplémentaires dans ces endroits et être donc obligés de faire des compromis sur les conditions de vie en s’installant dans des zones informelles, ce qui ne fait que renforcer le phénomène des bidonvilles en centre-ville que l’on retrouve par exemple dans de nombreuses villes africaines (Antos, Lozano-Gracia, et Lall 2016). Cette situation est par exemple documentée pour Nairobi au Kenya où la plupart des habitants des bidonvilles ont des emplois et des niveaux d’éducation relativement élevés par rapport à ceux qui vivent dans des logements formels alors que leurs conditions de vie restent basiques (Gulyani, Talukdar, and Jack 2010). LA RÉPARTITION DES OPPORTUNITÉS ÉCONOMIQUES ET DES PERSONNES La structure générale de l’emploi à Port-au-Prince est très similaire à sa structure résidenti- elle quand on identifie les emplois dans des zones avec une activité intense pendant la journée comme on le voit dans l’Encadré 2. En dehors des densités de population nettement plus élevées dans la journée dans les sous-centres de Port-au-Prince identifiés plus haut, c’est-à-dire Carrefour, National Palace, Pétion-Ville et Croix-des-Bouquets, les deux cartes de la Figure 1 sont très similaires1. 1 Le fait que les observations ne montrent que de petites différences entre les populations de jour et les populations de nuit peut être expliqué par un certain nombre de facteurs: 1/ l’échantillon utilisé capture également des personnes âgées ou les jeunes qui, dans un cas comme dans l’autre, ne vont probablement pas se déplacer au-delà du seuil de distance d’un cluster, 2/ l’exemple capture les personnes actives au chômage qui ne sont pas très motivées à se déplacer sur de grandes distances et 3/ l’échantillon capture des personnes qui, soit travaillent chez elles, soit travaillent à proximité de chez elles (par exemple dans un rayon d’un kilomètre autour de chez eux, ce qui a été utilisé pour définir les clusters de travail et d’habitation) de telle manière que la localisation de leur habitation et de leur emploi est considérée comme étant dans le même cluster. 225 Figure 1. RÉPARTITION SPATIALE DES OPPORTUNITÉS ÉCONOMIQUES (À GAUCHE) ET DES RÉSIDENCES (À DROITE) À PORT-AU-PRINCE Source: Elaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL. La figure 2 montre que dans ce cas de figure les densités de populations les plus importantes pendant la journée ont tendance à se concentrer autour du Palais National avec jusqu’à 90 000 personnes au kilomètre carré, c’est-à-dire environ 1,5 fois la population résidentielle. Pétion-Ville voit également une augmentation très nette de sa densité de population pendant la journée, ce qui indique une attraction afférente aux emplois. La densité moyenne de population à Pétion- ville augmente de 27 % à juste au-dessus de 50 000 personnes/km2, par rapport aux 40 000 personnes/km2 le soir. De la même manière, d’autres zones au nord-est du centre-ville connais- sent également des augmentations nettes de la densité de population pendant la journée, par exemple Saint Martin. Plus au nord le centre de Croix-des-Bouquets connaît une augmentation nette de 39 % pendant la journée. D’un autre côté, certaines zones sont notoirement résidenti- elles. Carrefour et Canaan sont deux de ces zones qui connaissent des baisses nettes de densité de population pendant la journée de 8 % et 30 % respectivement. Le quartier des affaires en plein centre de Cap-Haïtien domine largement toutes les autres destinations pendant la journée, avec des densités de population pendant la journée qui arrivent à 80 000 personnes/km2. Par comparaison, l’autre zone à forte densité dans Cap-Haïtien, Petite Anse, voit beaucoup moins de navetteurs que le centre-ville avec des densités de population pendant la journée qui baissent de 24 % par rapport au soir. Quand on se déplace au sud du fleuve Mapou, les densités de jour baissent plus rapidement que pendant la nuit, ce qui indique une fois encore que les navetteurs ont tendance à quitter ces endroits pour travailler. 226 RÉPARTITION DES NAVETTEURS PENDANT LA JOURNÉE (À GAUCHE) ET Figure 2. PENDANT LA SOIRÉE (À DROITE) À PORT-AU-PRINCE Source: Elaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL. Notes: Cette figure montre que les navetteurs se déplacent vers le centre-ville de Port-au-Prince pour aller travailler et pour d’autres activités connexes (à gauche) et viennent de toute la zone urbaine. RÉPARTITION DES NAVETTEURS PENDANT LA JOURNÉE (À GAUCHE) ET Figure 3. LE SOIR (À DROITE) À CAP-HAÏTIEN Source: Elaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL. 227 FLUX DE DÉPLACEMENT Il est intéressant d’analyser le flux de personnes qui vient de chaque zone tampon pour comprendre le comportement habituel des navetteurs. Figure 4 montre le flux de navetteurs en provenance de chaque zone tampon spécifiée. La colonne de gauche montre l’endroit (travail) où se trouvent pendant la journée les individus qui vivent dans la zone tampon sélectionnée. La colonne de droite montre l’endroit où se trouvent le soir les individus qui travaillent dans la zone tampon sélectionnée. Par exemple pour la première rangée, la colonne de gauche montre où ces personnes qui vivent dans le centre de Port-au-Prince vont travailler, alors que la colonne de droite montre où ces personnes qui travaillent à Port-au-Prince vivent. La première rangée de la Figure 5 montre les navetteurs du centre-ville. On peut voir que la plupart des navetteurs qui vivent dans cette zone se déplacent dans la journée pour aller à Delmas et Petion-Ville. La proportion de navetteurs dans le centre de Port-au-Prince est plutôt réduite, ce qui est probablement dû au fait que la plupart des personnes qui vivent dans le centre de Port-au-Prince y travaillent également. Le centre de Port-au-Prince connaît un énorme afflux de personnes provenant de différentes zones pendant la journée y compris de Carrefour et Martis- sant à l’ouest, Petion-Ville au sud-est et Delmas au nord-est. La deuxième rangée de la Figure 5 réitère que la plupart des personnes à l’intérieur d’une zone tampon d’entre 1 et 5 km autour du centre-ville vont se rendre au centre-ville pour travailler et qu’une bonne partie d’entre elles va également se déplacer vers Petionville. Il y a un nombre très important de personnes qui travaillent et vivent dans la même zone tampon, comme nous le voyons sur la partie gauche de la Figure 12 du chapitre 3. La même figure montre également que la plupart des navetteurs ne se déplaceront pas sur une beaucoup plus grande distance que ceux qui vivent dans le centre. En fait, la tendance semble même aller dans l’autre sens. Cette zone tampon est un importateur net de personnes pendant la journée avec environ 5 % de plus de personnes qui arrivent pendant la journée que de personnes qui partent. Les personnes qui travaillent dans cette zone tampon vont parcourir entre deux et cinq km pour aller travailler et semblent provenir des mêmes directions que ceux qui viennent travailler au centre-ville. Les personnes qui vivent dans les zones tampons les plus éloignées connaissent des mouvements similaires avec un nombre important de personnes qui vont travailler au centre de Port-au-Prince et à Petionville. La région compte presque 20 % de navetteurs en plus le matin pour aller travailler que le soir pour revenir du travail. Pourtant, il y a davantage de variantes avec des personnes qui vivent dans cette zone tampon et qui vont travailler très loin jusqu’à Croix-des-Bouquets et Canaan. La Figure 12 du chapitre 3 montre qu’il y a un certain nombre de personnes qui se déplacent sur de relativement grandes distances pour aller travailler. La courbe montre que ceux qui ont tendance à parcourir de grandes distances pour aller travailler ont également tendance à sortir de la zone tampon pendant la journée, ce qui indiquerait que ce sont ceux qui se déplacent vers le centre-ville. Une grande proportion de ces personnes vient probablement de Carrefour. D’un autre côté, ceux qui vivent et travaillent dans cette zone tampon ont tendance à se déplacer sur des distances plus courtes et ils passent probablement leurs journées dans des régions comme Croix-des-Bouquets et Petion-Ville. La partie droite de la Figure 12 confirme cette hypothèse avec de nombreux endroits 228 FLUX DE DÉPLACEMENTS POUR CHAQUE DISTANCE PAR RAPPORT À Figure 4. LA ZONE TAMPON DU CENTRE-VILLE À PORT-AU-PRINCE Source: Elaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL. Notes : La colonne de gauche montre la destination de travail des personnes qui vivent dans chaque zone tampon. La colonne de droite montre le lieu d’habitation des personnes qui travaillent dans la zone tampon sélectionnée. La première rangée montre les résultats pour des localisations dans un rayon d’un kilomètre du centre-ville, la deuxième rangée des localisations entre 1 et 5 km du centre et la dernière rangée des localisations au-delà de 5 km et jusqu’à 25 km du centre. 229 Figure 5. FLUX DE DÉPLACEMENTS POUR CHAQUE DISTANCE PAR RAPPORT À LA ZONE TAMPON DU CENTRE-VILLE À CAP-HAÏTIEN Source: Elaboration de l’auteur en utilisant les données DIGICEL. Notes : La colonne de gauche montre la destination de travail des personnes qui vivent dans chaque zone tampon. La colonne de droite montre le lieu d’habitation des personnes qui travaillent dans la zone tampon sélectionnée. La première rangée montre les résultats pour des localisations dans un rayon d’un kilomètre du centre-ville, la deuxième rangée des localisations entre 1 et 5 km du centre et la dernière rangée des localisations au-delà de 5 km et jusqu’à 25 km du centre. 230 très bien éclairés dans toute la zone tampon qui indiquent que les personnes qui travaillent dans cette zone tampon ont également tendance à vivre dans la même région et à se déplacer sur des distances plus courtes. Le flux de navetteurs provenant de chaque zone tampon pendant la journée et le soir à Cap-Haï- tien est décrit dans la Figure 5 ci-dessous. La première rangée de la Figure 5 à gauche, montre qu’un certain nombre de navetteurs qui vivent dans le centre-ville ont tendance à aller à Petite Anse pendant la journée alors que d’autres ont tendance à aller plus loin vers le sud le long du fleuve Mapou. Dans le centre de Cap-Haïtien, on a environ six personnes que se déplacent vers cette zone pendant la journée pour chaque navetteur qui en sort. L’histogramme de la Figure 13 (chapitre 3) montre qu’environ 70 % des déplacements vers le centre font moins de 5 km. La plupart de ces déplacements sont faits par des navetteurs qui vivent dans la deuxième zone tampon, soit plus au sud le long du fleuve Mapou, soit à Petite- Anse. La deuxième rangée à gauche de la Figure 5 montre que la grande majorité des navetteurs dans la deuxième zone tampon prend cette direction. Environ 95 % des navetteurs (Figure 13 du chapitre 3, deuxième rangée, colonne de gauche) dans la deuxième zone tampon font moins de 5 km pour aller travailler. ANALYSE DE CRITICITÉ L’analyse de criticité réalisée pour cette étude mérite quelques explications. Des segments de route ont été retirés individuellement et les durées de déplacement entre chaque origine et desti- nation potentielles ont été recalculées en utilisant une boîte à outils d’analyse du réseau suivant un algorithme de l’itinéraire le plus court. Au total, la suppression de 268 segments routiers a été testée. Les segments routiers les plus critiques ont été identifiés en calculant comment l’accessi- bilité moyenne aux opportunités dans la zone urbaine de Port-au-Prince était affectée. Plus l’acces- sibilité moyenne était basse par rapport à la base de départ et plus le segment routier était critique. L’accessibilité moyenne n’est que peu impactée par la suppression des segments routiers. L’impact maximal est de réduire l’accessibilité moyenne de 5 % pour un seuil de 60 minutes. Il y a deux explications principales à cet impact limité. D’abord, lorsque des catastrophes naturelles, même localisées, frappent, elles ont tendance à neutraliser plusieurs segments routiers en rendant certaines zones beaucoup plus difficiles à contourner. Nous ne capturons pas cet impact. Deuxièmement, les calculs que nous avons utilisés dans cet exercice ne tiennent pas compte des encombrements. Dans le modèle, lorsqu’un segment routier devient inutilisable, l’ensemble du trafic va utiliser un itinéraire plus long, mais la vitesse de déplacement sur l’itinéraire alternatif restera la même et ne sera pas affectée par le trafic supplémentaire. Dans la réalité, lorsque le trafic est dévié vers un segment alternatif, la capacité de ce segment sera probablement surutilisée ce qui va générer des encombrements qui vont réduire encore davantage l’accessibilité moyenne dans les zones urbaine. En gardant ces limites à l’esprit, la Figure 6 montre comment l’accessibilité est modifiée au niveau local par la suppression des 15 segments les plus critiques dans la zone urbaine. 231 EXEMPLES DE PERTE D’ACCESSIBILITÉ PAR RAPPORT AU SCÉNARIO DE RÉFÉRENCE À PARTIR DE LA PERTURBATION DES 15 SEGMENTS Figure 6. ROUTIERS LES PLUS IMPORTANTS DANS LA ZONE URBAINE DE PORT-AU-PRINCE 232 233 Source: Elaboration de l’auteur en utilisant le reseau CNIGS et Tap-Tap. 234 RÉFÉRENCES Aslund, O., J. Osth, and Y. Zenou. 2010. “How Important Is Access to Jobs? Old Question--Im- proved Answer.” Journal of Economic Geography 10 (3): 389–422. doi:10.1093/jeg/lbp040. Ciccone, Antonio, and Robert E. Hall. 1996. “Productivity and the Density of Economic Activity.” The American Economic Review 86 (1): 54–70. Duranton, Gilles, and Diego Puga. 2004. “Micro-Foundations of Urban Agglomeration Economies.” Handbook of Regional and Urban Economics 4: 2063–2117. Glaeser, Edward L., and Matthew E. Kahn. 2004. “Sprawl and Urban Growth.” In Handbook of Regional and Urban Economics, edited by J. Vernon Henderson and Jacques-François Thisse, Volume 4:2481–2527. Cities and Geography. Elsevier. Melo, Patricia C., Daniel J. Graham, David Levinson, and Sarah Aarabi. 2013. “Agglomeration, Accessibility, and Productivity: Evidence for Urbanized Areas in the US.” In Paper Submitted for the Transportation Research Board 92nd Annual Meeting. Rosenthal, Stuart S., and William C. Strange. 2004. “Chapter 49 Evidence on the Nature and Sources of Agglomeration Economies.” In Handbook of Regional and Urban Economics, 4:2119–71. Elsevier. http://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S1574008004800063. Venables, Anthony J. 2017. “Breaking into Tradables: Urban Form and Urban Function in a Devel- oping City.” Journal of Urban Economics 98 (March): 88–97. doi:10.1016/j.jue.2017.01.002. 235 ANNEXE 6 – LIMITES DE LA MÉTHODOLOGIE ET DES DONNÉES REL- ATIVES AUX FINANCES MUNICIPALES EN HAÏTI L’objectif de cette étude consiste à analyser les principaux problèmes relatifs aux finances munici- pales au niveau national. Il s’agit plus spécifiquement d’examiner les différentes sources de finance- ment en se penchant sur le système des impôts locaux et globaux, l’aspect territorial, la répartition des ressources et des dépenses, pour enfin exposer le problème des finances municipales en Haïti. L’approche méthodologique adoptée comprenait une compréhension des tâches, un examen des publications, la collecte de données, des interviews avec des parties prenantes clés de la décen- tralisation et la réalisation d’un rapport. L’examen documentaire a servi à identifier et à analyser les différents documents juridiques afférents à l’imposition locale, aux rapports de recherches, aux livres et aux articles sur la décentralisation fiscale et les finances locales. L’objectif de la collecte de données était d’obtenir des principales sources concernées des informations sur les finances locales provenant du MICT, de la DGI, des six communes ciblées par le projet du MDUR ainsi que des textes juridiques sur la décentralisation et l’imposition publiée par le bulletin officiel du gouvernement “le Moniteur”. Les principales difficultés que nous avons rencontrées étaient les incohérences entre les données venant de différentes sources et portant sur la même période de recherche. Les données sont souvent incomplètes pour les trois dernières années. Elles ne peuvent donc être utilisées que d’une manière limitée dans l’analyse. D’ailleurs, au-delà des valeurs reflétant le poids des taxes globales dans toutes les municipalités haïtiennes (dépenses et recettes), l’univers des municipalités doit être désagrégé en fonction de leur taille. C’est pour cette raison que nous avons travaillé avec trois groupes différents, conformément à la classification utilisée pour la définition fiscale de la patente (article 28 de la Loi sur la patente).1 a) Premier groupe: Port-au-Prince, Pétion-Ville, Carrefour, Delmas, Tabarre: 2.401.032 habitants b) Deuxième groupe: Aquin, Cap-Haïtien, Cayes, Fort-Liberté, Gonaïves, Hinche, Jacmel, Jérémie, Miragoâne, Petit-Goâve, Port-de-Paix, Saint-Marc: 2.069.621 habitants c) Troisième groupe: les 123 autres communes: 6.441.166 habitants. Nous devons tenir compte de l’autonomie financière comme étant une question importante lorsqu’il s’agit de réaliser l’analyse fiscale des communes puisque c’est l’élément qui pourrait donner un rôle effectif aux gouvernements locaux dans la gestion de leur territoire, qu’il soit urbain ou rural. Dans ce cas de figures, les pourcentages de ressources propres doivent être estimés à partir des ressources totales des communes. Dans le contexte haïtien, nous considérerons les ressources propres des municipalités comme étant celles qu’elles collectent directement et les ressources fiscales comme étant celles qui sont collectées pour leur compte par la DGI. La différence entre les coûts supportés par les communes et les recettes est payée par les transferts réalisés par le MICT par l’intermédiaire du Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales (FGDCT). 1 Including Tabarre, which was also part of the former municipality of Delmas. 236 POPULATION NO. DE % DE LA MOYENNE PAR MOYENNE MODÈLE TYPE COMMUNES POPULATION POP. TOTALE COMMUNE / MOYENNE TOTALE Type 1 5 2,401,032 22% 480.206 6.2 Type 2 12 2,069,621 19% 172.468 2.2 Type 3 123 6,441,166 59% 51.945 0.7 TOTAL 140 10,911,819 100% 77.389 1.0 Source: IHSI Pour être en mesure de faire des comparaisons entre les municipalités, nous avons estimé les ressources et les dépenses par tête. Il est également important de classifier les communes à partir du département dont elles font partie pour identifier l’existence de caractéristiques spécifiques dans les différentes régions. En ce qui concerne les sources d’information, nous avons travaillé avec les données fournies par le MICT et la DGI. Nous avons également utilisé des informations spécifiques tirées des communes de l’agglomération de Cap-Haïtien. Il faut pourtant noter que les données sont incom- plètes, qu’il y a des incohérences ainsi que de sérieuses lacunes. Dans certains cas, nous avons fait des estimations basées sur d’autres données. En ce qui concerne les dépenses du Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales (FGDCT), nous avons été obligés de travailler avec les données de programmation de l’époque parce qu’aucune information relative à la mise en œuvre n’était disponible. Enfin, il est nécessaire d’insister sur le fait que la question des sections communales, définies institutionnellement comme étant « les collectivités territoriales de base» (section 2.1, article 15, Chapitre II, le Décret définissant le cadre de décentralisation) n’est pas directement pertinente dans le contexte de ce travail. Alors que le cadre institutionnel actuellement en vigueur considère les sections communales comme des entités importantes, dans la pratique, son niveau de dévelop- pement est embryonnaire et la disposition du paragraphe 1 contenue dans l’article 140 de la partie II du décret de décentralisation qui spécifie que 25 % de la taxe foncière recouvrée (CFPB) et reçue par les communes devraient être transférés aux sections communales n’est même encore jamais entrée en vigueur. 237