Transport en Afrique Note technique L'Initiative de gestion de la route (IGR) Note No 15 Août 1998 La restructuration des administrations routières Le cas FinnRa présente-t-il des options pour l'Afrique? par Lauri Ojala et Esko Sirvio Jusqu'à la fin des années 70, la Road and Waterways Administration (RWA) l'administration finlandaise des routes et des voies navigables, opérait sous la tutelle du Ministère des transports et des communications (MOTC) selon un modèle ultra centralisé et monopolistique. Ses treize directions des districts L'expérience de la Finlande aide à n'avaient pour ainsi dire aucun pouvoir de décision. Les travaux neufs à comprendre comment la mise en l'entreprise étaient limités, les contrats d'entretien très rares et la plupart des oeuvre de réformes de l'administration publique bien projets de construction des routes mis en oeuvre par la RWA exécutés en régie conçues peuvent améliorer la avec des engins et des véhicules loués. Au lendemain de la crise du pétrole de qualité et l'efficacité des services 1974, les ressources publiques étant limitées, les crédits ont servi à l'entretien routiers. Un train de réformes très plutôt qu'à de nouvelles constructions. Dans le même temps, l'intérêt de la RWA progressif a été engagé dans les années 1970 et se poursuit encore s'est porté sur le pilotage des travaux de construction et d'entretien (plutôt que aujourd'hui. leur exécution), la programmation, la conception et l'exécution des travaux étant de plus en plus confiés au privé. Des procédures de passation des marchés Lauri Ojala est professeur à plus maniables ont été introduites pour faciliter le recours aux PME. Cette l'Institut des sciences économiques et de la gestion des évolution s'est poursuivie jusque dans les années 80, quand les directions des entreprises de Turku en Finlande ; districts ont pris l'habitude de découper les marchés de travaux en petits Esko Sirvio est directeur de la contrats pour permettre aux petites entreprises régionales de se porter candi- branche de l'administration dates. routière nationale FinnRA chargée de la production. Réformes engagées depuis le milieu des années 1980 L'objectif de cette série de notes techniques est de faire partager Une seconde vague de réformes a démarré en 1985 quand la Commission des les idées transmises dans les études du programme SSATP ou entreprises publiques a proposé que ces entreprises aient toute leur autonomie celles qui y ont trait. Les opinions en matière de décision et ne soient plus financées par le budget de l'État, à exprimées dans la présente note l'exception des obligations de service public. Ces recommandations ont été n'engagent que son auteur et ne approuvées dans le cadre de la loi sur les entreprises publiques. A partir de là, la sauraient en aucune manière être attribuées au groupe de la RWA s'est progressivement transformée en une administration routière tournée Banque mondiale. vers le client (devenue en 1990 la FinnRA -- la Finnish National Road Administra- tion). Trois impératifs ont motivé ce train de réformes : la nécessité de réduire la Pour de plus amples informa- taille du secteur public, la pression concurrentielle en raison de son adhésion à tions, prière de contacter Julie Wagshal à la région Afrique de la l'Union européenne et le besoin croissant d'appliquer une politique de Banque mondiale, Washington. l'environnement tout en promouvant le développement économique. Adresse sur Internet : Un amendement à la loi sur l'administration routière voté en 1987 a mis en jwagshal@worldbank.org. train le processus de réformes en déléguant les pouvoirs de décision aux treize directions des districts. Avant cette date, tous les marchés importants étaient soumis à la décision finale de l'administration centrale. La décentralisation de la prise de décision en matière de passations des marchés a permis d'accroître le Programme de politiques de transport en Afrique subsaharienne (SSATP) CEAetBanquemondiale 2 Objectifs de performance de la FinnRa en 1998 établis par la MOTC Depuis 1998, la FinnRa opère comme une entité adminis- Les objectifs pour 1998 de la branche chargée de la produc- trative divisée en deux branches, l'une chargée de la gestion tion reflètent la nature commerciale de sa mission : routière et l'autre de la production. Pour la partie gestion, la MOTC a fixé les objectifs de performance suivants, qui font 1. Compétitivité : améliorer sa position concurrentielle au clairement apparaître son rôle d'autorité centrale : moyen de pratiques commerciales loyales. 2. Objectifs économiques : réduire les coûts fixes de 2 %. 1. Sécurité routière : réduire de 45 le nombre des accidents avec dommages corporels et améliorer la Sur la base de ces objectifs, la branche de production FinnRa conception du réseau de circulation des piétons et des s'est elle-même fixé les objectifs opérationnels et quantifiables cyclistes. suivants : 2. Fluidité du trafic : accroître la prévisibilité du trafic des marchandises sur les artères principales et le réseau * Objectifs économiques : réduire les coûts fixes de 2 % et d'informations routières grâce à des systèmes perfectionner ses systèmes de comptabilité. télématiques. * Clients : développer de nouveaux rapports avec le client 3. L'état du réseau routier : maintenir les routes et le satisfaire au mieux. principales dans l'état où elles sont actuellement. Limiter * Efficacité : promouvoir le travail en équipes et chercher à à 200 km l'augmentation des routes secondaires atteindre des prix compétitifs. revêtues en mauvais état pendant 1998. * Compétences : renforcer les compétences et améliorer 4. Environnement : poursuivre la mise en oeuvre du la satisfaction du personnel. programme d'action environnementale. 5. Budget : réduire les dépenses de personnel de 2 %. 6. Organisation : améliorer les procédures d'appel d'offres et de pré-qualification. recours aux entreprises privées dans le secteur routier. Bien changements aient été progressifs, les organisations que les travaux d'entretien soient encore largement syndicales se sont opposées à de nouvelles tentatives de exécutés en régie, cette situation va changer, la FinnRA restructuration. abandonnant sa position d'entreprise dominante. La nouvelle équipe de direction de la FinnRA a mis Les districts ont dorénavant pour responsabilité de l'accent sur la réorganisation à conduire, en combinant : préparer les programmes et plans de développement en une vision claire des objectifs à atteindre, une remise à coordination avec les conseils des collectivités locales qui niveau des capacités de management et une attention plus définissent les politiques de développement régional. Le forte aux relations publiques. Depuis 1990, un effort a été financement des routes étant en partie assuré par les fonds fait en ce sens pour améliorer son image de marque auprès de développement régional, il est essentiel que les des usagers et de ses partenaires, grâce à des campagnes autorités routières et les collectivités locales se concertent et de publicité à grande échelle. travaillent en étroite collaboration pour mettre en oeuvre L'importance croissante accordée à la protection de des projets de transport et d'aménagement du territoire. l'environnement a totalement bouleversé l'approche Jusqu'à la fin des années 90, la FinnRA s'est efforcée réglementaire et la manière de conduire les affaires dans le d'adopter une politique tournée vers le client et secteur routier. Pendant de nombreuses années, les d'appliquer des principes commerciaux en se définissant autorités routières avaient pour principal objectif d'offrir des objectifs et en évaluant son niveau de performance. Le les infrastructures nécessaires pour répondre à la progres- MOTC établit sur une base annuelle les objectifs qui se sion continue du volume de trafic en Finlande. Le MOTC rapportent à la sécurité routière, à la qualité des services, à et la FinnRA doivent à présent faire face au défi de créer l'environnement et à la rentabilité de l'exploitation (cf. des politiques de transport durables où l'aménagement du Encadré). LaFinnRAdoit,enraisondecettenouvelleorienta- territoire et la demande en transport sont appréhendés de tion, surveiller étroitement ses coûts fixes et procéder à des façon à minimiser les flux de trafic tout en préférant les so- changements structurels. C'est ainsi que le nombre de di- lutions qui protègent l'environnement -- tels les transports rections routières régionales est passé de 13 à 9 et les chefs en commun -- à celles qui privilégient la création de services territoriaux de 175 à 80. La crise des travaux d'infrastructures lourdes. Le financement des routes, dans publics au milieu des années 90 et un excédent de l'offre ce contexte, relève presque du défi dans la mesure où les ont contraint la FinnRA et les entreprises privées à fonds nécessaires sont généralement liés au volume de comprimer leurs coûts tout en augmentant leur efficacité. trafic, alors que les politiques de l'environnement ont pour De ce fait, le secteur qui, à la fin de 1980, comptait 40 000 priorité de réduire la circulation. salariés n'en compte plus que 25 000 en 1995. Bien que ces 3 Tableau 1. Évolution des indicateurs du secteur routier finlandais 1970-1997 1970 1975 1980 1985 1990 1995 1997 Parc de véhicules (million) 0,8 1,1 1,3 1,7 2,2 2,2 2,2 véhicule x km (milliards)* 12,4 16,7 18,1 21,6 27,9 27,2 28,2 Accidents avec dommages corporels* 5 697 4 768 4 128 4 252 4 333 3 492 3 112 Effectifs FinnRa 21 925 18 083 15 102 13 200 10 777 8 071 6 855 Dépenses FinnRa** 6 477 5 259 5 591 5 679 5 034 5 199 4 522 * à l'exception des routes publiques ** en milliard de Markkaa finlandais, valeur 1997 1970 1975 1980 1985 1990 1995 1997 Km x véhicule (millier)*/employé 566 924 1 199 1 636 2 589 3 370 4 114 Accidents avec dommages 459 286 228 197 155 128 110 corporels/ véhicule x km(milliard) Dépenses* / véhicule x km** 522 315 309 263 180 191 160 * à l'exception des routes privées ** en Markka finlandais, valeur 1997 Les résultats des réformes limitée.Decefait,lapartdumarchéd'entretienexécutéeparla FinnRA est très élevée puisqu'elle assure 77 % du total des Avant la mise en place des réformes, la RWA avait deux travaux. Avec le temps, les réformes entreprises devraient mandats ; elle devait d'une part, étendre et améliorer le renforcerlesecteurprivéetaccroîtresapartdumarché. réseau routier en Finlande et d'autre part, générer des emplois. Les objectifs ne sont plus aussi simples depuis la Solutions envisageables pour l'avenir restructuration de la FinnRA puisqu'il lui faut régler des problèmes de sécurité routière et d'environnement, assurer Le gouvernement a examiné plusieurs modèles de la pérennité et l'entretien du réseau et satisfaire les usagers réformes structurelles, la privatisation totale étant en dépit des contraintes budgétaires (cf. Tableau 1). La d'emblée exclue. Les autorités ont opté pour la formule création d'emploi n'est plus un objectif de l'administration entreprise publique (EP) ou semi publique qui permet à et à mesure que les fonds publics destinés à la construction l'État d'en garder la propriété et d'en assurer le contrôle. et à l'entretien routier se raréfient, on fait de plus en plus Cette solution est en parfaite harmonie avec l'adoption par appel au financement privé et aux péages virtuels. La le gouvernement d'un processus de réformes graduel. FinnRA a également obtenu le droit de facturer aux prix du Trois types de réforme routière ont été envisagés : marché les services fournis aux municipalités, aux · Service de l'État : La FinnRA garderait la forme d'un gestionnaires de routes privées et aux sociétés ferroviaires service de l'État intégré verticalement sous la tutelle et jouit d'une plus grande autonomie budgétaire, en ce du ministère des transports et des communications. sens qu'elle peut reporter les crédits non consommés en fin · Organisme parapublic : La FinnRA se transformerait d'exercice. en une entreprise publique (EP) liée à l'État par contrat Dans le même temps, il a fallu procéder à la refonte de et financée par les usagers de la route. la loi sur la concurrence, modifier le système des marchés · Séparation entre régulation et production (HAR + publics et la législation relative à la création d'entreprises EP) : Il s'agit de séparer la fonction de régulation de la publiques (EP) et la restructuration des administrations. fonction d'exploitation et d'entretien en créant d'une Ces réformes ont permis de faire d'importantes économies part, une haute autorité routière (HAR) et d'autre part, budgétaires, de simplifier les procédures bureaucratiques, un opérateur du type EP. d'accroître la décentralisation, de rendre les passations de Comme l'indique le Tableau 2, le modèle EP + HAR est, marché plus transparentes et d'adopter une véritable semble-t-il, capable de générer les meilleurs résultats. Si le politique de réformes. modèle EP est susceptible d'avoir un impact budgétaire La Finlande peut s'appuyer aujourd'hui sur un marché des plus bénéfiques, cet avantage ne permet pas de réactif très efficace pour la planification ou la construction compenser les deux autres critères, la satisfaction des de routes ; par contre, celui-ci n'a pas encore développé usagers et la concurrence, qui en pâtiront. La formule tout son potentiel lorsqu'il s'agit de l'entretien routier. La classique où les services de l'État fonctionnent toujours participation des entreprises privées locales capables selon des entités non distinctes ne fournit pas d'exécuter d'importants travaux d'entretien est encore suffisammentdegainsdeproductivitépourl'ensembledela 4 Tableau 2. Estimation de l'impact des divers modèles de restructuration Impact budgétaire Satisfaction des usagers Effet sur la concurrence Service de l'État MARGINAL ACCRUE MODÉRÉ Faibles gains de productivité Stabilisation des tarifs pour Services et travaux à l'entreprise interne mieux satisfaire l'usager plus nombreux EP SIGNIFICATIF MOINDRE NÉGATIF Situation de monopole sur Même qualité de service Obstacles à l'entrée sur le marché les prix et moindre dépendance alors que les redevances des entreprises privées budgétaire directes augmentent et des prestataires de services EP + HAR MODÉRÉ ACCRUE SENSIBLE Gains de productivité induits Amélioration de la qualité et Participation accrue des entreprises par la concurrence rapidité d'exécution des travaux privées et des prestataires de services en concurrence avec l'EP. sociétéparcomparaisonaveclemodèleEP+HAR. pression concurrentielle et les préoccupations pour La structure actuelle de FinnRA a finalement été établie l'environnement poussent à la réforme du secteur par le Conseil de l'État en mai 1997. Il s'agit toujours d'une routier. L'influence internationale des associations administration publique mais sa restructuration a donné routières régionales peut également faire prendre con- lieu à deux entités distinctes, l'une chargée de science aux responsables du secteur de la nécessité l'administration et l'autre de la production. Le ministère d'engager des réformes. Mais la mise en oeuvre des des transports et des communications ainsi que la direction réformes suppose une adhésion et un engagement to- de FinnRA souhaitaient vivement adopter le modèle EP + tal de l'encadrement ainsi qu'une large concertation HAR alors que le personnel y était fermement contre. Les pour associer l'ensemble du personnel. entreprises privées s'opposaient de leur côté à la création imminente d'une EP de production qui, par là même, · Non seulement l'autorité routière doit développer une devenait la plus grande entreprise de travaux publics en vision et une stratégie communes, mais les choix Finlande. On a donc abouti à une décision de compromis décisifs doivent se prendre en temps opportun. Une qui laisse à la direction et au personnel de FinnRA un peu large disponibilité des informations et un profond en- plus de temps pour améliorer gestion interne et efficacité, gagement de l'ensemble du personnel sont indispen- tout en offrant la possibilité aux concurrents en puissance sables au succès et à la pérennité du train des réformes. d'ajuster leurs activités. Le personnel doit, en outre, être persuadé qu'il va non seulement bénéficier de ces réformes mais qu'il en est Conclusions et enseignements responsable. · La réforme routière est un processus continu dont le · Une administration routière peut offrir à des tiers, rythme doit s'harmoniser avec les enjeux des notamment aux collectivités locales et au secteur politiciens, de l'encadrement, du personnel (de privé, des services en les facturant et ainsi dégager des l'administration) et du secteur privé. Des administra- recettes à l'instar d'une entreprise privée. Il reste tions routières performantes comme la FinnRA toutefois que ces services seront plus avantageusement peuvent s'accorder davantage de temps pour se assurés dans le cadre de contrats pluriannuels. restructurer que celles dont les performances sont insatisfaisantes. · Les contraintes budgétaires générales de même que la L'Initiative de gestion de la route L'Initiative de gestion de la route (IGR) a été lancée en 1988 par la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA) et par la Banque mondiale dans le cadre du Programme de politiques de transport en Afrique subsaharienne (SSATP). Les pays pilotes de cette initiative sont : le Cameroun, le Kenya, Madagascar, le Rwanda, la Tanzanie, l'Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe. Bénéficient également de l'IGR : le Bénin, l'Ethiopie, le Ghana, le Lesotho, le Malawi, le Mozambique et le Togo. Cette composante du SSATP est administrée par la région Afrique de la Banque mondiale et financée par le Danemark, l'Allemagne, le Japon, les Pays-Bas, la Suède, la Suisse, l'Union européenne et la France. La Norvège, le Japon et la France ont également mis à la disposition de l'IGR des cadres de haut niveau.