Plateforme de collaboration fiscale Deuxième version du Projet L'imposition des transferts indirects opérés à l'étranger – une boîte à outils Fonds monétaire international (FMI) Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) Organisation des Nations Unies (ONU) Groupe de la Banque mondiale (GBM) Ce document a été préparé dans le cadre de la Plateforme de collaboration fiscale (PCF) sous la responsabilité des Secrétariats et des services des quatre organisations. Ni ce projet, ni le rapport final ne doivent être considérés comme les opinions officiellement entérinées de ces organisations ou de leurs pays membres. La boîte à outils a bénéficié des commentaires transmis pendant la période de réexamen public, en août à octobre 2017. Les partenaires de la PCF souhaitent exprimer leur gratitude pour toutes les remarques reçues. Table des matières RÉSUMÉ ANALYTIQUE __________________________________________________________________________ 8 ACRONYMES ___________________________________________________________________________________ 5 GLOSSAIRE ___________________________________________________________________________________ 6 INTRODUCTION _______________________________________________________________________________ 10 ANALYSE DES TRANSFERTS INDIRECTS OPÉRÉS À L'ÉTRANGER____________________________ 12 Conséquences sur les recettes fiscales ___________________________________________________________ 17 TROIS EXEMPLES ILLUSTRATIFS ______________________________________________________________ 29 CONVENTIONS FISCALES ET TRANSFERTS INDIRECTS OPÉRÉS À L'ÉTRANGER ____________ 33 Les TIE dans les modèles de convention fiscale __________________________________________________ 33 L'article 13.4 en pratique _________________________________________________________________________ 38 Les TIE et la convention multilatérale ____________________________________________________________ 40 DÉFIS ET OPTIONS D'APPLICATION __________________________________________________________ 43 Aperçu des principes de conception et de rédaction juridiques: deux modèles __________________ 43 Modèle 1: Imposition de l'entité résidente locale détenant l'actif dans le cadre d'un modèle de cession présumée ________________________________________________________________________________ 46 Modèle 2: imposition du cédant non résident ___________________________________________________ 51 Définition des biens « non mobiles » ____________________________________________________________ 58 CONCLUSIONS _________________________________________________________________________________ 62 APPENDICE. CONSULTATIONS _______________________________________________________________ 65 APPENDIX B. EXEMPLES DE PRATIQUES NATIONALES ______________________________________ 67 Imposition aux États-Unis des cessions de biens non mobiles détenus par des investisseurs étrangers aux États-Unis _________________________________________________________________________ 67 Pérou ____________________________________________________________________________________________ 70 Chine ____________________________________________________________________________________________ 71 APPENDICE C. L’ARTICLE 13.4 DANS LA PRATIQUE — UNE ANALYSE EMPIRIQUE ________ 73 BIBLIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHIE __________________________________________________________________________________ 77 ENCADRÉS 1. Inde – l’exemple de Vodafone _________________________________________________________________ 29 2. Pérou – l’acquisition de Petrotech _____________________________________________________________ 30 3. Ouganda -- l'affaire Zain ______________________________________________________________________ 30 4: Changement de contrôle ______________________________________________________________________ 46 5: Règle relative à la source ______________________________________________________________________ 51 6: Règle relative aux actifs imposables -- imposition intégrale et au prorata _____________________ 52 7: Règle d'application/de recouvrement – retenue à la source ___________________________________ 56 8: Règle d'application/de recouvrement -- notification et imposition par un mandataire d'intérêts ne concernant pas des investissements passifs __________________________________________________ 57 9: Définition minimale des « biens non mobiles » ________________________________________________ 59 10: Définition élargie des « biens non mobiles » _________________________________________________ 60 GRAPHIQUES 1: Exemple stylisé d'une structure de TIE _________________________________________________________ 14 2: L'article 13.4 dans les CDI _____________________________________________________________________ 39 3: Proportion de CDI incluant l'article 13 _________________________________________________________ 40 TABLEAU 1.Attribution entre pays du droit d'imposition relatif aux transferts d'actifs dans le cadre des modèles de convention fiscale Error! 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TABLEAUX DES APPENDICES C1 Statistiques descriptives ____________________________________________________________________ 743 C2: Probabilité d’inclusion de l’Article 13.4 dans une CDI, résultats des estimations ___________ 754 ACRONYMES BEPS Érosion de la base imposable et transfert des bénéfices IPV Impôt sur les plus-values CDI Convention de double imposition DWG Groupe de travail du G20 pour le développement GAAR Règle générale de lutte contre l’évasion fiscale/anti-abus FMI Fonds monétaire international MCF Modèle de convention fiscale LOB Limitation des avantages RSE Rentes spécifiques à un emplacement LCM Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir BEPS (instrument multilatéral) OCDE Organisation de coopération et de développement économiques PCF Plateforme de collaboration fiscale TIE Transfert indirect opéré à l'étranger ES Établissement stable SAAR Règle spécifique de lutte contre l’évasion fiscale/anti-abus ONU Organisation des Nations Unies GBM Groupe de la Banque mondiale GLOSSAIRE Actif: chose ayant une valeur financière. Contrat de commissionnaire. Accord qui permet à une personne de vendre des produits dans un pays donné en son nom propre, mais pour le compte d’une entreprise étrangère qui est propriétaire des produits. Transfert direct. Cession, totale ou partielle, d'intérêts directs dans un actif. Intérêt direct. Propriété d'un actif quelconque dans lequel aucune entité n'intervient entre le propriétaire et l’actif. Entité. Une organisation ou un arrangement comme une entreprise, une société anonyme, une société de personnes, une masse successorale ou une fiducie. Actifs non mobiles. Voir les développements dans le texte. Intérêt indirect. Propriété d'un actif dans lequel au moins une entité intervient dans la chaîne de contrôle entre l’actif et le propriétaire en question. Transfert indirect. Cession, totale ou partielle, d'un intérêt indirect dans un actif. Bien incorporel. Dans ce rapport, on définit ce terme comme un bien sans présence physique, par exemple un actif financier tel qu'une action, une propriété intellectuelle ou le goodwill d'une entreprise. Intérêt. Propriété effective, totale ou partielle, d’un actif. Clause de « limitation des avantages ». Disposition d’une convention fiscale qui a pour but de réserver les avantages de cette convention aux véritables résidents de l'État contractant. Rente spécifique à un emplacement (RSE). Rendement économique dépassant le niveau « normal » exigé par un investisseur – « rente » -- qui est uniquement lié à un lieu spécifique (et peut donc être imposé sans que cela ait, en théorie, une incidence quelconque sur l'importance ou l'emplacement de l’activité ou de l'actif sous-jacent). Modèle de convention fiscale. Modèle qui peut être utilisé comme la base d’une véritable convention fiscale négociée entre deux pays. Il existe deux grands modèles de conventions fiscales: l'un établi par l’ONU, l'autre par l’OCDE. Ils sont largement similaires, mais diffèrent sur quelques points significatifs. Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir BEPS (instrument multilatéral). Il s’agit d’un instrument conçu dans le cadre de l’action 15 du projet G20-OCDE sur l’érosion de la base imposable et le transfert des bénéfices, afin de faciliter et de coordonner les modifications des dispositions des conventions. Transfert indirect opéré à l'étranger. Transfert indirect dans lequel le cédant de l'intérêt indirect réside dans un pays différent de celui dans lequel l’actif en question est situé. Transfert indirect opéré dans le pays. Tout transfert indirect autre que ceux effectués à l’étranger. Établissement stable. Concept utilisé pour déterminer quand une entité a suffisamment de liens avec un pays pour que celui-ci puisse imposer les bénéfices nets de cette entité imputables à cet établissement stable dans ce pays. Critère des objets principaux. Règle selon laquelle si l’un des objectifs principaux d’un dispositif est de bénéficier d'avantages résultant d'une convention fiscale, ils ne seraient pas accordés à moins qu'ils soient conformes à l'objet et à la finalité des dispositions de la convention fiscale concernée. Pays de résidence. Pays dans lequel la personne ou l'entité qui génère un revenu ou une plus-value est résidente fiscale. Opération circulaire. Décrit une chaîne d'opérations dont le commencement et la fin se situent dans le même pays (et qui sont normalement liées au même contribuable), mais avec des opérations intermédiaires qui s'effectuent au moyen d'autres entités situées à l'extérieur du pays. Pays « source ». Pays dans lequel le revenu ou la plus-value est censé(e) être généré(e). On l'appelle parfois dans ce rapport le pays de localisation. Base imposable. Valeur initiale d'un actif calculée à des fins fiscales. La base imposable est généralement le prix d'achat initial (majoré des dépenses directes liées à l'achat) dont on soustrait (pour les actifs d'entreprise) toute déduction au titre de l'amortissement fiscal. Traité fiscal. Aussi connu sous le nom de convention ou d'accord fiscal. Un traité fiscal, qui est en général conclu entre deux pays ou plus, stipule quel pays a le droit d'imposer le revenu d'une entité ou d'une personne physique opérant dans plus d'un pays, de façon à ce que ce revenu ne soit pas soumis à l'impôt dans les deux pays ou, si c'est le cas, à ce qu'un allégement soit accordé afin d'éliminer, dans la mesure du possible, la double imposition. Transfert d'un intérêt. Modification de la propriété, totale ou partielle, d'un actif intervenant entre des parties indépendantes ou liées. Cédant: personne ou entité transférant un intérêt détenu dans un actif. Retenue à la source. Dans ce rapport, il s'agit d'un impôt prélevé par un pays « source », à un taux forfaitaire, sur le montant brut des dividendes, participations, royalties et autres paiements effectués par des résidents à des non-résidents. RÉSUMÉ ANALYTIQUE Le traitement fiscal des « transferts indirects opérés à l'étranger » (TIE) – c’est-à-dire la vente d’une entité détenant un actif situé dans un pays par un résident d’un autre pays – est devenu un problème significatif dans de nombreux pays en développement. Il a été reconnu comme un motif de préoccupation dans les travaux d’assistance technique du FMI et les études de l’OCDE, mais n’a pas été couvert par le projet G20-OCDE sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. En relation avec les industries extractives, les TIE font aussi l'objet de travaux à l’ONU. Le pays dans lequel l’actif sous-jacent est situé peut souhaiter imposer les gains tirés de ces transferts – comme c’est actuellement le cas pour les transferts directs d’actifs non mobiles. Ce traitement pourrait raisonnablement s’appliquer à une plus large catégorie d’actifs, pour inclure davantage ceux qui génèrent des rentes spécifiques à un emplacement – c'est-à-dire des rendements dépassant le minimum exigé par les investisseurs et n'étant pas disponibles dans d’autres juridictions. Cela pourrait inclure, par exemple, les licences de télécommunications et d'autres droits octroyés par l’État. Toutefois, le rapport reconnaît aussi que les gains sur les TIE peuvent être en partie attribuables à la valeur ajoutée générée par les propriétaires ou les gestionnaires de ces actifs et que certains pays peuvent choisir de ne pas imposer les gains résultant de ces transferts. Les dispositions des modèles de convention fiscale de l’OCDE et de l’ONU laissent penser qu'il est largement accepté que l'imposition des plus-values tirées de TIE d'actifs « non mobiles » peuvent être imposés par le pays où ils se trouvent. Toutefois, on ne trouve le modèle approprié de l’article 13(4), que dans 35 % environ des conventions de double imposition (CDI) et plutôt moins souvent quand l'une des parties est un pays à faible revenu bien doté en ressources naturelles. À ce jour, la Convention multilatérale a entraîné une augmentation du nombre de conventions fiscales qui comprennent effectivement l’article 13(4) du Modèle de convention fiscale de l’OCDE. On s’attend à ce que cette incidence s’amplifie, car de nouvelles parties pourraient signer le MC et amender leurs conventions fiscales pour y insérer la nouvelle formulation de l’article 13(4). Toutefois, quelles que soient les conventions applicables, ce droit d'imposition ne peut s'exercer sans une définition appropriée en droit interne des actifs imposables et sans une base légale interne permettant de faire valoir ce droit. Il est nécessaire d’adopter une approche plus uniforme de l’imposition des TIE par les pays qui choisissent de les taxer. Les réponses unilatérales des pays sont très différentes, à la fois sur le point de savoir quels actifs sont visés et quant à l’approche juridique retenue. Une plus grande cohérence pourrait renforcer la certitude fiscale. Le rapport expose deux méthodes principales d'imposition d'un TIE dans le pays où l’actif sous-jacent est situé — les dispositions en la matière nécessitant une rédaction minutieuse. Il décrit ces deux méthodes et fournit pour les étayer un échantillon de rédactions juridiques simplifiées à insérer dans la législation interne du pays où l’actif est situé. L’une de ces méthodes (« modèle 1 ») considère un TIE comme une cession présumée de l’actif sous-jacent. L’autre (« modèle 2 ») part du principe que le transfert est effectué par le vendeur effectif, à l'étranger, mais que la plus-value tirée de ce transfert provient de sources situées dans le pays où l'actif est situé, ce qui permet à celui-ci de l’imposer. Ce rapport n’exprime aucune préférence générale pour l’une ou l’autre de ces méthodes: le choix approprié dépendra des conditions spécifiquement nationales et des préférences des pays. INTRODUCTION Le rapport et la boîte à outils constituent l’une des réponses à une demande du Groupe de travail du G20 pour le développement (DWG) au Fonds monétaire international (FMI), à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), au Groupe de la Banque mondiale (GBM) et à l’Organisation des Nations Unies (ONU) – d'établir une « boîte à outils » destinée aux pays en développement qui permettrait d'apporter des solutions appropriées aux problèmes fiscaux internationaux dans le cadre du projet G20/OCDE sur l’Érosion de la base imposable et le transfert des bénéfices (BEPS) ainsi qu'à d’autres problèmes d'un intérêt particulier pour les pays en développement que le projet ne traite pas. Le sujet abordé ici est le traitement fiscal des plus-values sur les transferts indirects d’actifs opérés à l'étranger (TIE)1, c’est-à-dire non la cession des actifs sous-jacents eux-mêmes, mais celle d’une certaine entité détenant ces actifs dans une autre juridiction. Une inquiétude largement répandue dans les pays en développement est que l’on puisse utiliser les TIE pour éviter, de façon inappropriée, l'imposition des plus-values dans le pays où se trouvent ces actifs sous-jacents. Ce problème, non couvert par le projet BEPS, a été considéré par les pays en développement comme particulièrement important pour nombre d'entre eux, notamment, mais pas seulement, dans les industries extractives. Le FMI (voir FMI 2014, qui cite plusieurs cas révélés par les travaux d'assistance technique de cette organisation), l’OCDE (voir OCDE 2014a et 2014b, qui recensent les problèmes fiscaux internationaux hautement prioritaires dans les pays à faible revenu) et l’ONU ont également souligné la portée du sujet. 2 Même s'il est reconnu depuis longtemps, ce problème est devenu bien plus important ces dernières années. L’objectif de ce rapport et de cette boîte à outils est d’analyser le traitement fiscal des TIE et les solutions en ce domaine. À cette fin, il traite plusieurs questions: (i) quelles considérations motivent la décision d’imposer ou non ces transferts dans le pays où l’actif sous-jacent est situé? (ii) Selon ces considérations, quelles catégories d’actifs devraient être soumises à cette imposition? et (iii) 1Les termes figurant en italique la première fois, autres que les noms de sociétés, sont expliqués dans le glossaire. 2Les problèmes d’imposition des plus-values dans le cadre des conventions ont également été cités comme un motif de préoccupation par les répondants à un questionnaire de l’ONU sur les priorités de BEPS pour les pays en développement (Peters, 2015). Voir également ONU, 2017, Manuel sur les questions liées à l'imposition des industries extractives dans les pays en développement, qui comprend un chapitre sur les TIE: disponible en ligne à l’adresse http://www.un.org/esa/ffd/wp-content/uploads/2018/05/Extractives-Handbook_2017.pdf. comment cette imposition, si elle est adoptée, peut-elle être conçue et appliquée au mieux d’un point de vue pratique et juridique? Ces questions sont très complexes, tant sur le plan économique que juridique. Pour les traiter, la boîte à outils se réfère aux études existantes3 ainsi qu’au travail d'assistance technique du FMI dans les pays en développement; elle reflète aussi les réactions aux commentaires publics reçus des entreprises, de la société civile et des autorités des pays sur un premier projet de rapport4. Elle n’offre pas une méthode unique, définitive et convenant à toutes les situations. L’objectif est plutôt de trouver des solutions pratiques en tenant particulièrement compte des conditions propres aux pays en développement. Le rapport est structuré comme suit. La section suivante est une introduction aux TIE; on y trouve un exemple stylisé très simplifié illustrant les questions suscitées par leur traitement fiscal ainsi qu’une analyse des considérations économiques qui guident les réponses à la question de savoir si un pays souhaite ou non imposer les TIE et, si c’est le cas, quelles catégories et comment. La section III donne certains exemples récents qui justifient ces préoccupations, notamment en raison de la diversité actuelle des règles nationales unilatérales. La section IV porte sur le traitement actuel des TIE dans le cadre des deux principaux modèles de convention fiscale — celles de l’ONU et de l’OCDE – et évoque les possibilités importantes offertes par la nouvelle Convention multilatérale de l’OCDE. La section V présente ensuite en détail les problèmes de mise en œuvre posés par les deux approches existantes de l'imposition des transferts indirects. La dernière section conclut. Les annexes donnent des précisions sur l’analyse empirique et les expériences des pays sélectionnés. Ce rapport et cette boîte à outils n’ont pour but ni de formuler des règles à caractère contraignant ou des dispositions faisant autorité, ni d’établir une quelconque norme internationale en matière de politique fiscale. Ils cherchent plutôt à exposer un problème de fiscalité internationale qui constitue un sérieux motif de préoccupation pour les pays en développement; l’objectif est aussi de leur donner des conseils pratiques sur les possibilités de traiter cette question, s’ils choisissent de le faire. Ainsi, le rapport représente l’analyse et les conclusions des spécialistes fiscaux des quatre organisations partenaires, et non les opinions officielles des pays membres ou des dirigeants de ces organisations. 3Notamment Tolenado, Bush et Mandelbaum (2017), Burns, LeLeuch et Sunley (2016), Cui (2015), Kane (2018) ainsi que Krever (2010). 4 Voir appendice 1. ANALYSE DES TRANSFERTS INDIRECTS OPÉRÉS À L'ÉTRANGER Cette section explique ce que l’on entend par « transfert indirect opéré à l'étranger » (TIE) – en utilisant un exemple stylisé simplifié qui sera repris tout au long du rapport5 – évoque les conséquences pour les recettes fiscales et expose les principales considérations conceptuelles concernant l’imposition des TIE. A. Anatomie des transferts indirects opérés à l'étranger Définitions et exemple simple On entend ici par intérêt indirect un dispositif dans lequel au moins une entité intervient entre le propriétaire exerçant le contrôle et l'actif en question. En revanche, aucune entité n'intervient dans le cas d'un intérêt direct. Le graphique 1 présente une structure de propriété stylisée à trois niveaux. Dans la terminologie qui vient d'être définie, la société A détient un intérêt « direct » dans l'« actif »; la société B et sa « maison mère », la société P1, détiennent toutes deux des intérêts « indirects » dans l'« actif ». En passant aux niveaux supérieurs, la société B a un intérêt indirect dans le capital de la société A et la société P1 y détient un intérêt indirect. Un « transfert » est une modification, totale ou partielle, de la propriété directe ou indirecte d’un actif, entre des parties indépendantes ou liées. Ces transferts peuvent donner lieu à des plus-values imposables (ou à des moins-values), le sujet principal de ce rapport. Bien sûr, à part les problèmes évoqués dans cette étude, tous les transferts de propriété n’entraînent pas des plus- values imposables (ou des pertes). Les transferts dans le cadre de fusions ou d’acquisitions, en particulier, ne constituent pas forcément des opérations imposables même si l’actif s’est apprécié (ou déprécié) à condition que l’opération soit conforme aux règles fiscales nationales relatives aux restructurations ou aux réorganisations exonérées d’impôt. Généralement, les règles d'exonération exigent une grande continuité de la propriété finale pour pouvoir bénéficier du report de la réalisation des plus-values au moment de l'opération. Le présent rapport ne porte pas sur cette catégorie de transferts. Les transferts peuvent être « directs » ou « indirects », ce qui signifie ici qu’un: 5 Généralement, dans le monde réel, les structures d’entreprise sont bien sûr beaucoup plus complexes que dans cet exemple – à n’importe quel échelon de la chaîne de propriété, il peut y avoir plusieurs propriétaires et des dispositifs complexes de propriété croisée sont habituels. Toutefois, l’exemple modèle sert à mettre en évidence le plus simplement possible les considérations essentielles relatives à cette question • Un transfert direct implique la cession6, totale ou partielle, d'un intérêt direct dans un actif. • Un transfert indirect implique la cession, totale ou partielle, d'un intérêt indirect dans un actif. C'est l'actif sous-jacent qui est transféré indirectement.7 6 Lescessions comprennent aussi les ventes avec paiement par tranches et celles sujettes à une « redevance dérogatoire »; dans les deux cas, on effectue une série de versements au vendeur (cédant) après le transfert. voir Burns, Le Leuch et Sunley (2016). 7Ainsi, un transfert direct d'actions d'une société détenant certains actifs réels constitue un transfert indirect de cet actif réel sous-jacent. • Graphique 1: exemple stylisé d'une structure de TIE Société P1 Société P2 Intérêts de Intérêts de B A P (After Sale) LTJ Société B Seulement après la Intérêts de A (avant cession Pays la cession) Société A L Actif Note: dans cette opération, la société B, résidente dans LTJ, cède ses parts de la société A à la société P2, résidente dans P. Il s'agit d'un transfert direct d'actions de A et d'un transfert indirect de l'actif détenu par la société A qui est située dans le pays L. Des modèles plus complexes sont évidemment possibles et en fait habituels. Par exemple, la société B pourrait être cédée par une société C (non représentée sur le graphique) interposée entre les sociétés B et P1; il s'agirait d'un transfert indirect à la fois des actions de B et des actifs sous- jacents détenus par A. Les conventions fiscales font en général habituellement une distinction entre deux catégories d'actifs qui est essentielle pour ce rapport. • Les biens non mobiles: la définition précise de ce terme relève de la législation nationale, qui peut ou non être modifiée par toute convention fiscale à laquelle le pays est partie. Elle comprend habituellement les terrains, les bâtiments et autres structures ainsi que les droits liés à ces biens (qui peuvent inclure des droits agricoles, forestiers et sur les minerais).8Comme on l’explique ci-dessous, la définition des biens non mobiles peut également englober les licences pour la fourniture de produits ou de services particuliers (par exemple les télécommunications) dans des lieux géographiques spécifiés, bien que cela ne soit pas habituel. • Les biens mobiles: dans le cadre de ce rapport, on entend par là tout actif qui n'est pas classé comme non mobile. Il peut s'agir non seulement d'autres biens physiques, mais aussi de biens incorporels (comme la propriété intellectuelle ou le goodwill) ainsi que d'actifs financiers (par exemple des actions ou des obligations). Dans le cadre des dispositions existantes qui figurent à la fois dans les conventions fiscales et les législations nationales, le lieu où se situe l'actif et la résidence de la partie cédante (le « transférant ») jouent un rôle pour déterminer quelle(s) juridiction(s) fiscale(s) peut(vent) revendiquer le droit d'imposer les transferts. Les dispositions des lois fiscales des divers pays sont très différentes sur ce point. Pour rendre moins complexe la présentation des transferts indirects, nous distinguons:9 • Les transferts opérés à l'étranger: ceux dans lesquels le transférant est résident fiscal d'un pays différent de celui dans lequel l'actif en question se trouve et n'a pas d'établissement stable dans le second pays. • Les transferts opérés sur le territoire national: ce sont tous les autres transferts. Les opérations de structuration Imaginons au graphique 1 que les propriétaires de P1 veuillent réaliser une plus-value résultant d'une hausse du prix de l'actif sous-jacent et que les propriétaires de P2 souhaitent obtenir le contrôle de cet actif.10Les règles fiscales de quatre pays (au moins) entrent en jeu pour déterminer le traitement fiscal de cette opération (ainsi que toute convention applicable): celui dans lequel l'actif sous-jacent est situé (L), celui dans lequel le cédant est résident (LTJ), celui dans lequel la maison mère du cédant (P1) est résidente (P) et celui dans lequel l'acquéreur (P2) est 8 La définition des « biens non mobiles » figure à l'article 6 des modèles de convention. 9 Ces termes peuvent avoir dans la législation interne de divers pays des sens différents de ceux utilisés ici. 10Nous supposons, sauf lorsque c'est indiqué, que le cédant et l'acquéreur ne sont pas liés, et laissons donc de côté les questions relatives aux prix de transfert et, comme on l’a signalé ci-dessus, au traitement des réorganisations d'entreprise qui se posent s'ils sont liés. résident. Des cas plus complexes peuvent certainement se présenter,11 mais cet exemple simple rend compte des principaux problèmes. L’un des moyen de réaliser la plus-value est que P1 organise une cession directe de l'actif par la société A . Cela crée généralement une obligation fiscale pour la société A dans le pays L, car il s'agit d'un transfert interne direct. La plupart du temps, dans le cas d’un transfert d’actif aussi simple, la base de l’actif est relevée pour correspondre au prix d’acquisition. Pour P1, la stratégie fiscale efficiente pourrait plutôt être de faire effectuer la cession indirectement par une entité résidente dans un pays (LTJ) qui applique un faible taux d'imposition des plus-values12. On le voit au graphique 1 avec la vente par la société B, résidente du pays LTJ à fiscalité réduite, à la société P2, résidente pour des raisons fiscales du pays P, de ses parts dans la société A. Tout avantage fiscal lié à la suppression de l'impôt qui, sinon, serait dû dans L pourrait être compensé plus tard par une imposition selon les règles fiscales du pays P où se situe la société mère du cédant. Toutefois, à moins d'une imposition immédiate dans P, il n’est pas possible de neutraliser de manière significative l'avantage fiscal résultant de la cession indirecte de l'actif dans LTJ plutôt que directe dans L. L'opération a également des conséquences pour l'acquéreur, P2, car la somme versée pour acheter les parts13 de la société A devient la base imposable par rapport à laquelle toute plus-value (ou moins-value)14sur une future cession de ces parts sera calculée. Si l'on prévoit que la valeur de l'actif sous-jacent diminue -- en raison d'une véritable dépréciation économique, peut-être parce que l'actif sous-jacent est un droit expirant à une date précise -- on s'attend à une moins-value; on optimisera fiscalement en localisant la perte dans une entité située dans une juridiction à fiscalité élevée (car elle générera une déduction sans charges compensatoires). Si, en revanche, on prévoit que la valeur de l'actif sous-jacent augmente, la stratégie de réduction de l'impôt consistera à localiser la société qui achète la société A dans une juridiction à fiscalité réduite. 11Il peut y avoir de nombreuses autres sociétés interposées le long de la chaîne des entités et le titre de propriété peut en fait être transféré dans un autre (un cinquième) pays. 12Les structures modernes de propriété complexes ne sont pas nécessairement, ou même principalement, conçues pour payer moins d’impôts – souvent, elles résultent plutôt de considérations commerciales. Néanmoins, un objectif n’exclut pas l’autre; lorsque des motifs de gestion exigent d’adopter des formes de propriété complexes et indirectes, ces structures sont sans doute conçues pour être aussi « efficientes » que possible d’un point de vue fiscal. 13L'acquéreur pourrait préférer acheter directement l'actif, car un bien non mobile donne généralement droit à des amortissements fiscaux; dans de nombreux cas, cela permet donc d'obtenir des déductions qui peuvent être imputées sur de futures plus-values. 14Ilest important de noter que ces moins-values peuvent être imputées sur des plus-values générées par d'autres actifs. Il est également possible que les résidents du pays où est situé l'actif sous-jacent utilisent cette structure pour des « opérations circulaires » 15 . Puisque la même logique s'applique lorsque le pays dans lequel le propriétaire final, P, réside est identique à celui où se trouve l'actif, L, les impôts sur les plus-values qui seraient payables sur une cession interne dans L peuvent — dans les conditions supposées au graphique 1 -- être évités en vendant indirectement à l'étranger. 16 Toutefois, tout avantage fiscal résultant de cette opération est annulé si le pays L impose ses résidents sur les plus-values réalisées par des entités non résidentes contrôlées -- à moins que la plus-value ne soit dissimulée illégalement à l'administration fiscale de L. Cet exemple est très stylisé : comme on l'expliquera en détail ci-dessous, le traitement fiscal des transferts dépend en pratique du contenu précis de la législation interne des pays concernés et des éventuelles conventions fiscales entre eux (qui peuvent par exemple permettre au pays L d'imposer la cession opérée par la société B). Toutefois, de nombreux transferts indirects sont en pratique structurés de façon à faire jouer les éléments supposés dans l'exemple du graphique 1. B. Conséquences sur les recettes fiscales Les problèmes de recettes publiques posés par les TIE sont complexes et peuvent dépendre en grande partie de la spécificité des situations. Comme tout au long de ce rapport, on n’a pas l’intention d’effectuer ici un compte-rendu encyclopédique de toutes les possibilités, mais de mettre en évidence les principales considérations qui entrent en jeu. À titre d’information générale dans ce but et pour la discussion qui suivra, l’encadré 1 présente la nature générale des plus-values et, en particulier, la façon dont elles apparaissent. Encadré 1: Sources des plus-values Les plus-values proviennent en grande partie des variations -- entre l'acquisition initiale et la cession -- des paiements après impôt anticipés au propriétaire de l'actif 17. Ces deux aspects sont importants: 15 Kane (2018) souligne l’importance potentielle de cette pratique pour les transferts indirects. 16Ainsi, cela a suscité des préoccupations dans le cas de la convention entre l'Inde et Maurice, dans le cadre de laquelle les plus-values réalisées à Maurice sur les transferts d'entités indiennes étaient exonérées. On considère souvent que c'est la raison pour laquelle, ces dernières années, à peu près 25 % de l'investissement direct étranger en Inde est passé par Maurice (IMF, CDIS 2010-2015) -- bien qu'il soit difficile d'évaluer la proportion des opérations circulaires. En mai 2016, un protocole amendant le traité a été signé. Le nouvel article 13 permettra l'imposition des plus-values sur la cession d'actions d'une société résidente d'un État contractant dans celui-ci; le taux applicable sera de 10 % à partir de 2019. Les actions acquises avant le 1er avril 2017 continueront d'être exonérées. 17 Plus précisément, si l'on considère que le prix d'un actif est la valeur actuelle des distributions nettes anticipées au propriétaire, la plus-value sur un actif acquis au moment 0 et cédé au moment T est le montant par lequel la valeur actuelle nette des distributions postérieures à T prévue au moment T dépasse celle prévue au moment 0, cette dernière étant réactualisée au moment 0 moins les distributions nettes qui étaient prévues au moment 0 entre ce moment et le moment T. (Il s'agit bien sûr d'une simplification de problèmes complexes d'évaluation: les éventuels investisseurs peuvent, par exemple, avoir des attentes différentes et/ou peuvent faire l'objet de traitements fiscaux différents sur les distributions.) • Bien que les plus-values puissent parfois être complètement anticipées18, elles proviennent en général, dans les exemples auxquels ce rapport s'intéresse principalement, de variations inattendues des futures distributions nettes, résultant peut-être de la découverte de ressources naturelles ou de la hausse des prix de produits de base -- qui, par suite, constituent souvent des changements de rentes spécifiques à un emplacement, concept qui sera expliqué ci-dessous. • Comme on peut s'attendre à ce que tout détenteur effectif ou potentiel d'un actif lui attribue une valeur tenant compte de tous les futurs impôts sur les bénéfices des sociétés, retenues à la source, etc. -- y compris l'imposition des plus-values résultant d'une possible cession future – l’impôt sur les plus-values porte sur des revenus qui ne sont pas imposés par ces autres outils. D'une certaine manière, il s'agit d'une double imposition. Toutefois, d'un point de vue économiquement plus pertinent, c'est une manière d'appréhender les variations de revenus qui ne seraient autrement pas imposées. Effets sur les recettes fiscales du transfert lui-même Considérons les deux grandes possibilités dont dispose le propriétaire d’un actif sous-jacent sur lequel une plus-value s’est constituée pour la réaliser: • Un transfert direct de l’actif sous-jacent lui-même qui sera imposé dans le pays L. Avec cette solution, on choisit de céder cet actif soit maintenant, soit dans le futur, la seconde possibilité ayant pour le contribuable l’avantage de reporter l’obligation fiscale au titre de la plus-value. • Un transfert indirect, en cédant l’entité qui détient l’actif sous-jacent. On suppose, aux fins de cette analyse comparative, que l’acquéreur finira par céder l’actif sous-jacent19 (ou que sa valeur deviendra nulle). Dans ces conditions, la valeur nominale totale des recettes fiscales dans le pays L, cumulée au fil du temps, ne dépend pas du mode de transfert de l’actif sous-jacent. Dans tous les cas, il est finalement cédé et les recettes correspondantes sur la plus-value constituée sont recouvrées (la valeur de l’actif sous-jacent peut bien sûr varier encore, mais ces changements impliquent simplement d’imputer sur la plus-value initiale de nouvelles charges (ou pertes). Si, par exemple, l’actif expire avec une valeur nulle, une future moins-value compense la plus-value constituée au moment de la cession) Pour le pays L, le problème des recettes fiscales est donc plus d’ordre temporel que lié au caractère direct ou autre de l’opération – mais il peut s’avérer très sérieux. Plus la cession de 18Par exemple, la valeur d'un actif calculée à partir d'un certain paiement intervenant à une date fixée dans le futur augmentera, de ce fait, au fur et à mesure que cette date approchera 19 Si ce n’est pas le cas, la comparaison avec la cession directe ne va pas de soi. l’actif sous-jacent est reportée, plus les recettes fiscales en valeur actuelle du pays L seront minorées. Ainsi, avec un taux d'intérêt de 6 %, un retard de dix ans dans l’encaissement de recettes fiscales d’un montant de 1 milliards de dollars US réduit leur valeur actuelle d’environ 450 millions de dollars US. La question est donc de savoir si le caractère indirect de la cession d’un actif sous-jacent peut rendre plus attractif, d’un point de vue fiscal, le report de celle-ci. Plus généralement, l’imposition fausse-t-elle le choix du propriétaire initial entre, d’une part, une cession directe de l’actif sous-jacent aujourd’hui et, d’autre part, une cession indirecte aujourd’hui, avec report de la cession directe de l’actif sous-jacent (par l’acquéreur)? L’appendice B examine ce problème. Dans la configuration stylisée utilisée ici, on peut conclure que la possibilité de distorsion dépend de la comparaison entre le taux d’imposition du gain réalisé sur la cession indirecte d’une entité (en faisant l’hypothèse que l’achat soit financé par l’emprunt) et le taux auquel l’acquéreur peut déduire les intérêts. Si les deux taux sont égaux, les deux modes de cession génèrent exactement le même montant pour le propriétaire initial: les avantages fiscaux du report de la cession de l’actif sous-jacent se répercutent sur le prix que l’acquéreur des parts accepte de payer et sont amplifiés par la possibilité de déduire les intérêts versés au titre de la dette contractée pour effectuer l’acquisition; mais ces hausses, induites par la fiscalité, du prix auquel l’entité peut être cédée augmentent l’obligation fiscale du propriétaire initial au titre de la plus-value sur le transfert des parts. Si ces deux taux d’imposition sont égaux, les avantages d’un report sont exactement neutralisés par l’impôt sur la plus-value résultant du transfert des parts. Toutefois, si le taux d’imposition de la cession des parts est bas par rapport au taux de déduction des intérêts – un cas plausible – le propriétaire initial préfère, d’un point de vue fiscal, la cession indirecte, avec report de la vente de l’actif sous-jacent. Bien que le problème des recettes fiscales soit donc pour le pays « source » essentiellement d’ordre temporel, on peut raisonnablement conclure que les transferts indirects opérés dans les juridictions à faible fiscalité peuvent avoir comme effet d’amplifier les distorsions fiscales dans le sens d’un report de la cession de l’actif sous-jacent. Effets sur les autres paiements d'impôts La société A restant résidente du pays L¸ le transfert n'a pas d'incidence directe sur les recettes fiscales futures de ce pays générées par l'impôt sur les sociétés20 (ou, dans le cas des industries extractives, par l'imposition éventuelle des royalties ou des rentes) payé par A. (Il pourrait y avoir des conséquences indirectes liées à l'évaluation des opérations commerciales et financières de A découlant de changements dans sa structure de propriété finale, mais nous n'en tenons pas compte dans cette analyse.) 20À moins que la cession n’entraîne un relèvement de la base et que l’actif soit amortissable (comme cela serait généralement le cas dans le cadre du modèle 1). En pratique, il en va sans doute de même pour les recettes de L au titre de toutes les retenues à la source sur les paiements de dividendes, d'intérêts ou autres versements de la société A à son nouveau propriétaire direct après la cession. Au graphique 1, P2, le nouveau propriétaire direct de A est résident d'un pays différent de celui du propriétaire direct initial B. Dans ce cas, des taux différents de retenue à la source s'appliquent peut-être, ce qui a des effets significatifs sur les recettes fiscales du pays L. Toutefois, en pratique, il semble plus fréquent que le transfert prenne la forme d'une cession de B par une société interposée entre B et la maison mère initiale P1. La société B reste donc la propriétaire directe de A et il n'y a alors aucune modification des retenues à la source dues.21 21Ilsemblerait que la réalisation d'une plus-value peu imposée soit un moyen d'éviter la retenue à la source sur les distributions de bénéfices mis antérieurement en réserve (lesquels, n'ayant pas été distribués, n'ont pas fait l'objet d'une retenue à la source). Mais ils n'ont vraisemblablement une valeur pour l'acquéreur que s'ils peuvent, à un certain moment, être versés comme dividendes: à ce moment, la retenue à la source aura lieu. Les capitaux placés dans la société A sont d'une certaine manière « piégés », car les futurs dividendes qui leur donneront au final une valeur -- même s'ils proviennent de bénéfices non distribués antérieurement -- seront soumis à une retenue à la source lors de leur versement. Sur cette notion de « capitaux piégés », voir par exemple Auerbach (2002). C. L’allocation des droits d'imposition des TIE : considérations d’équité et d’efficience Une question de base se pose: le pays dans lequel se situe l'actif devrait-il ou non disposer du droit primaire d'imposer son transfert indirect à l'étranger? — et, si oui, à quels actifs précis ce droit devrait-il s'appliquer? En la traitant, la présente analyse va au-delà de la possibilité d’imposer les transferts indirects dans le seul but d’appuyer la lutte contre l’évasion fiscale; elle expose des considérations clés pour décider d’une allocation appropriée des droits d’imposition des plus-values réalisées indirectement sur des actifs nationaux.22 Plusieurs principes économiques (liés entre eux) s'appliquent — en laissant de côté, pour le moment, les pratiques en vigueur et les concepts juridiques évoqués ci-après. Il s'agit de l'équité entre les nations, en assurant une répartition des recettes fiscales respectant un certain principe d'équité entre les pays; de l'efficacité, en veillant à ce que les actifs soient utilisés de la manière la plus productive possible; et, considération non la moindre, de l'économie politique -- qui, étant donné la résonance importante de nombreux cas de TIE, a guidé de nombreuses évolutions récentes en ce domaine. Au-delà de certaines pratiques de base, les questions d'administration -- s'assurer que l'impôt soit recouvré à un coût raisonnable pour l'administration fiscale et les contribuables eux-mêmes -- seront abordées à la section 5 ci-après. L'équité entre les nations Les avis divergent sur la signification de l'« équité » en matière d'attribution de droits d'imposition entre les pays, mais trois normes actuelles indiquent une certaine possibilité de dégager un consensus à propos du droit du pays « source » d’imposer les TIE: • Les plus-values sur les transferts directs d’actifs tangibles sont imposables par le pays où se situent les actifs (même si le cédant -- et probablement aussi l'acquéreur -- peuvent être des non-résidents); • Les dividendes perçus par une maison mère à l'étranger peuvent être assujettis à l'impôt au moyen de retenues à la source par le pays dans lequel la société qui les verse est résidente;23 22 Les pays « sources » peuvent, après avoir obtenu le droit d’imposer ces transferts, choisir de ne pas l’exercer ou de le faire seulement en partie afin de favoriser le contexte des activités d’entreprise – de même que de nombreux pays accordent des exonérations temporaires ou permanentes dans l’espoir d’attirer l’investissement étranger. La question de savoir si ces incitations sont efficaces ou nécessaires est le thème d’une précédente boîte à outils (« Options pour une utilisation efficace et efficiente des incitations fiscales à l’investissement dans les pays à faible revenu » », 2015). Quoi qu’il en soit, les pays ne peuvent pas faire ce choix s’ils ne disposent pas du droit sous-jacent. 23Sauf, par exemple, dans le cadre de la directive mères-filiales de l'Union européenne (nous n'abordons pas dans ce rapport les questions spécifiquement intra-UE), de la législation interne ou des dispositions de conventions fiscales dans d'autres pays. • Il est très largement accepté -- comme en témoignent les modèles de convention évoqués plus loin --que le pays dans lequel se trouve l'actif « non mobile » est en droit d'imposer les plus-values générées par la hausse de sa valeur. La première norme repose sur l'idée que le pays dans lequel un actif est situé devrait pouvoir imposer les gains qui y sont associés – au moins dans la mesure où ces gains ne soient pas attribuables à une augmentation de valeur d'origine étrangère (ainsi un gisement de ressources naturelles ne vaut pas grand-chose jusqu'à ce qu'il soit « découvert »). Toutefois, l'évaluation de ce type de contribution pourrait bien sûr s'avérer problématique; ce point est traité plus loin. Il ressort de la deuxième norme que, puisque le droit d'imposer les rendements dont bénéficient les investisseurs étrangers sous la forme de dividendes émanant d'une source nationale est accepté, il devrait aussi exister un droit d’ imposer ces investisseurs sur les rendements prenant la forme de plus-values liées à une source nationale. Il est possible d'opposer à cela que le prix de l'actif, et donc la plus-value, représentent les bénéfices après impôts cumulés, non distribués et futurs que le pays « source » aurait pu imposer dans le passé et pourrait aussi taxer dans le futur au moyen de l'impôt sur les sociétés et d'autres prélèvements (par exemple l'imposition de la rente dans les industries extractives). La plus-value résulte donc de bénéfices que le pays « source » a, d'une certaine manière, simplement choisi de ne pas imposer. Toutefois, ce contre-argument n'est pas totalement convaincant, en particulier dans le cas des pays disposant de faibles capacités. Les taux d'imposition des dividendes peuvent être limités par des conventions fiscales -- bien que cela puisse être interprété comme simplement une autre façon pour le pays L de ne pas imposer les bénéfices futurs. De manière peut-être plus convaincante -- et ce point sera traité plus tard -- l'exploitation des possibilités d'évasion fiscale pourrait affaiblir le pouvoir effectif du pays dans lequel se situent les actifs sous-jacents d'imposer les futurs bénéfices. À la limite, pour un pays qui ne peut imposer effectivement les bénéfices de l'entité acquise ou les dividendes versés à une maison mère étrangère, l'imposition de la plus-value sur les transferts d'actifs, directs ou indirects, pourrait être possibilité la plus sûre de lever des recettes sur les gains associés à cette entité. La troisième norme souligne l'importance du concept de « non mobilité » et de la question de savoir pourquoi le fait qu’un actif soit ou non mobile devrait avoir un intérêt sur le plan fiscal. Les économistes ne font pas naturellement cette distinction; ils considèrent simplement les actifs comme ayant une valeur parce qu'ils peuvent générer un revenu – et mettent donc sur le même plan des actifs incorporels comme les brevets ou les marques et, par exemple, les ressources naturelles. On peut donner trois raisons possibles -- liées mais distinctes -- d'accorder de l'importance à cette distinction: • D'un point de vue pragmatique, le caractère non mobile d'un actif facilite le recouvrement de l'impôt puisqu'il peut être saisi en cas de non-paiement, sans risque de fuite à l'étranger. • Le caractère non mobile d'un actif peut impliquer que sa valeur reflète, dans une certaine mesure, le lieu où il se situe. Plus précisément, cette valeur représente les rentes spécifiques à un emplacement (RSE), c'est-à-dire des revenus qui dépassent le rendement « normal » minimum qu'exige l'investisseur, ces « rentes » étant uniquement associées à un lieu particulier. Les RSE constituent en principe un objet idéal d'imposition parce qu'elles peuvent être taxées (en principe jusqu'à 100 %) sans entraîner de délocalisation, de cessation de l'activité ou d'autres distorsions -- elles constituent donc une base imposable complètement efficace (dominée seulement, sur le plan de l'efficacité, par les impôts qui servent à corriger une externalité). Bien qu'il s'agisse d'un argument d'efficacité (qui ne répond pas directement à la question de savoir quel État devrait recevoir la recette), en pratique on reconnaît aussi largement, bien qu'en général implicitement, qu'il convient que le produit de l'imposition de ce qui constitue manifestement des RSE revienne à l'État où se trouve ce lieu. On pense souvent que les exemples les plus évidents de ces actifs sont détenus collectivement par la nation -- et c'est le cas en général des ressources naturelles. Le meilleur moyen d'imposer ces rentes est un impôt explicitement conçu à cette fin; dans les faits, on a une grande expérience de divers « impôts sur la rente », notamment, mais pas seulement dans les industries extractives.24Toutefois, ils ne sont pas invulnérables à différents types de transferts de bénéfices, en particulier dans les pays à bas revenu.25 La possibilité d'imposer les plus-values résultant de la hausse de valeur de ces rentes peut donc constituer un palliatif utile quand l'application de ces impôts n'est pas parfaite -- bien que nettement inférieure à celle de les imposer au fur et à mesure qu'elles se constituent. • La troisième justification du droit d'imposer les plus-values sur les biens non mobiles locaux repose sur la théorie des avantages de la fiscalité-- selon laquelle les impôts permettent de financer les services publics fournis par l'État, ce qui contribue à maintenir la valeur des facteurs économiques locaux, dont les biens non mobiles. De même, on utilise quelquefois cet argument pour justifier l’impôt sur les sociétés, mais il n’est pas très convaincant car les gains (ou bénéfices) peuvent être peu représentatifs des avantages reçus. Du point de vue économique, le concept de « non mobilité » pourrait être le mieux représenter par la possibilité de rentes spécifiques à un emplacement -- ce qui a des conséquences sur la façon dont on doit définir ce terme. Dans cette optique, la définition de biens 24 Voir, par exemple, plusieurs des contributions de Daniel et autres (2010). 25 Voir, par exemple, Beer et Loeprick (2017) qui trouvent des preuves d'importants transferts de bénéfices dans le secteur, les pays en développement semblant particulièrement vulnérables. Plus généralement, s’agissant de signes probants de leur plus grande vulnérabilité aux transferts de bénéfices, voir par exemple Crivelli, de Mooij et Keen (2016). non mobiles serait large et permettrait d'appréhender au moins les sources les plus probables de RSE significatives. Toutefois, c'est plus facile à dire qu'à faire: le concept de RSE n'a pas été suffisamment développé pour être aisément intégré dans la législation fiscale. Mais, bien que les RSE puissent être en général difficiles à distinguer, elles sont assez évidentes dans certains cas. Elles sont souvent liées à des droits créés par l'État -- notamment dans les industries extractives et les télécommunications. De nombreux cas qui suscitent des préoccupations à propos de transferts indirects concernent des droits explicitement liés à des lieux spécifiques -- dont la valeur est rendue visible par le transfert lui-même. 26 Il arrive par exemple que les RSE résultent d'un accès aux marchés nationaux, mais cela peut être difficile à calculer et à distinguer des rentes liées à des marques ou à la propriété intellectuelle. En outre, il est évident que le fait qu'une société soit résidente fiscale d'un certain pays n'implique pas que sa valeur dépende des RSE qui apparaissent dans ce pays. Ces considérations laissent penser que toute définition de la non mobilité qui procède par énumération positive devrait anticiper, autant que possible, les sources probables de RSE significatives -- et, il y a des signes que, même si ces termes ne sont pas employés, c'est de plus en plus le cas. Les définitions incluent souvent, non seulement le droit d'extraire des ressources naturelles, mais aussi l'ensemble des licences qui peuvent servir à leur découverte et à leur développement. On peut opposer deux arguments à l’accent mis sur l'imposition dans le pays source: • Toute plus-value est le reflet d'un revenu sous-jacent que le pays source a choisi de ne pas imposer. Toutefois, il est possible que l'imposition des plus-values soit la méthode qu'il préfère pour imposer ce revenu – ou même, dans le cas de certains pays en développement, que les autorités n’aient simplement pas été conscientes de ce problème ou n’y aient pas prêté beaucoup d’attention lors de la rédaction de la loi ou de la signature des conventions. Faute de quoi, ce revenu futur risque de ne pas être imposé, que ce soit (comme on l'a expliquée ci-dessus) pour des raisons d'ordre temporel ou à cause d'imperfections des autres instruments fiscaux, en particulier dans les pays en développement. Cela fait de l'imposition des plus-values un instrument utile, bien que très imparfait. Toutefois, il faut reconnaitre que des pays peuvent choisir sciemment – comme certains l’ont fait – de ne pas imposer ces plus-values sur les transferts indirects même lorsqu’ils en 26C'est évident, dans une certaine mesure, pour les réactions nationales à des cas de transferts indirects, qui n'ont pas porté sur la réduction de l'imposition interne des transferts directs -- comme on pourrait s'y attendre si l'actif sous-jacent n'avait pas de valeur propre à un lieu -- mais sur l'extension des droits d'imposition. En l'absence de RSE, on pourrait s'attendre à ce qu'une faible imposition des transferts indirects accentue la concurrence fiscale en matière de traitement des plus-values sur les transferts plutôt que le contraire, comme cela semble être le cas. ont la possibilité. 27 On peut y avoir, par exemple, un moyen d’attirer l’investissement étranger. • La hausse de la valeur de l'entité cédée peut résulter en partie de l'expertise en matière de gestion et sur d’autres points apportée par le cédant, au-delà de ce qui a été rémunéré sous forme de commissions de gestion, de redevances et autres paiements de nature explicite. Cela laisse penser que la plus-value pourrait donc être imposée à juste titre dans le pays où réside le cédant (on s'assurerait ainsi que le choix par le cédant du pays où il va entreprendre ces activités créatrices de valeur ne soit pas influencé par le système fiscal de ce pays). Il peut en effet y avoir des rentes liées à la société aussi bien qu’à l’emplacement; on pourrait donc soutenir qu'il est naturel de les imposer là où la société est résidente.28Toutefois, les nombreux pays ayant des dispositifs d'exonération de dividendes ont choisi de ne pas le faire. De manière plus générale, le caractère convaincant de cet argument peut dépendre des circonstances et il est moins plausible lorsque l'entité vendeuse exerce peu de fonctions substantielles. En outre, du fait de la possibilité de structurer les transferts indirects, on ne peut présumer que la juridiction dans laquelle la plus-value est réalisée est celle où l'expertise ou le financement ont été en définitive apportés. On pourrait donc réfléchir à des tests de substance, bien qu'il risque de créer ses propres distorsions, les ressources étant simplement allouées de façon à satisfaire aux obligations du test et non pour des raisons de productivité. Le poids de cet argument tend à justifier, au nom de l’équité, une primauté présumée des droits d'imposition par le pays « source » des plus-values sur les biens non mobiles définis de façon à s’appliquer aux sources de rentes spécifiques à un emplacement. Efficacité Selon un principe général de bonne conception, le système fiscal doit, autant que possible, ne pas fausser les décisions des investisseurs: à moins qu'il y ait une bonne raison de le faire, la fiscalité ne devrait pas amener les entrepreneurs à changer leurs décisions commerciales.29 La 27Les États-Unis, par exemple, limitent la portée de la loi sur l’investissement étranger dans l’immobilier (FIRPTA) aux transferts ayant lieu soit directement, soit au premier niveau de propriété de l’actif. La Norvège a délibérément renoncé à imposer ces transferts dans le secteur des ressources naturelles. 28 Nous n'aborderons pas ici des questions comme la pertinence de la résidence des sociétés en tant que base de l'imposition, étant donné la déconnexion croissante entre elle et la résidence des actionnaires ultimes. 29 En laissant de côté les questions transfrontalières, plusieurs non-neutralités caractérisent plus généralement la fiscalité des plus-values (par exemple liées aux distorsions créées par leur imposition lors de leur réalisation plutôt que pendant leur constitution). On ne les traite pas ici. raison est que, du fait de ces changements, les ressources sont employées de manière socialement inefficiente, mais ne sont rentables pour le secteur privé qu'en raison de la fiscalité.30 Bien que les considérations d'efficacité aillent clairement dans le sens de l'imposition des rentes de toute nature, au-delà de ce constat les études économiques sur les critères d'efficience servant à guider les dispositifs fiscaux internationaux offrent peu de pistes concrètes. L'idée que les rentes constituent un objet d'imposition efficace est très partagée. Comme pour les autres modes d'imposition (c'est-à-dire ceux susceptibles de fausser les décisions), il existe de nombreuses études sur l'efficacité de leur conception au niveau international — centrées sur les intérêts collectifs plutôt que nationaux. Toutefois, elles ont abouti à peu de prescriptions de politique fiscale praticables et généralement agréées (voire à aucune). Le problème est, par exemple, d’éviter de fausser les choix des entreprises en ce qui concerne la répartition de leurs capacités productives dans les différents pays; la fiscalité basée sur le lieu de résidence est donc appropriée31 (car, quel qu’ait été le choix le plus avantageux avant impôt, il le sera aussi après impôt). Si, en revanche, le problème est d’assurer un traitement égal au sein du pays de toutes les sociétés potentiellement actives, quelle que soit leur résidence, l’imposition basée sur l’emplacement est nécessaire.32La théorie économique n'indique pas laquelle de ces deux possibilités est la plus appropriée d'un point de vue collectif.33 Toutefois, deux éléments mettent bien en évidence les considérations d'efficacité significatives dans ce contexte.34 Le principal argument d'efficience pour que le pays dans lequel les actifs se situent impose à la fois les transferts indirects et directs est que c'est un moyen d'imposer les RSE -- bien que de façon imparfaite. On a souligné ci-dessus le caractère en principe préférable, mais les limitations pratiques, de l'imposition explicite des rentes. Les adjudications sont un autre outil 30Ilest intéressant de noter que les considérations d'efficacité portent que sur les règles fiscales appliquées et ne disent pas quel pays devrait recevoir les recettes qui y sont associées. Toutefois, on ignore ici le partage des recettes générées par les transferts indirects entre pays concernés car cette possibilité semble très lointaine. 31 On ne prend pas en compte ici la possibilité de changer le lieu de résidence de la société. 32 Cet argument est semblable à la notion de « neutralité de la propriété des fonds propres » défendue par Desai et Hines (2013). 33 Voir par exemple l'annexe VII de FMI (2014). 34En principe, Il faudrait aussi tenir compte d'autres aspects de la neutralité. Il s'agit, par exemple, du financement de l'entité exploitant l'actif sous-jacent (la société A dans le graphique 1). Dans la mesure où les dividendes qu'elle verse sont plus lourdement imposés que les plus-values sur sa cession, il y a une motivation fiscale à financer ses opérations par les bénéfices non distribués plutôt qu'en injectant de nouveaux fonds propres -- ce qui peut, par exemple, ralentir la croissance de ses activités (Sinn, 1991). Ce problème peut être atténué en imposant au même taux les dividendes et les plus-values. Cela ne signifie pas nécessairement que les deux catégories de revenus devraient être imposés par le même pays, mais il serait plus naturel que le pays « source » impose les plus-values au même taux que les dividendes. Toutefois, il est difficile de dire s'il s'agit d'un problème important -- comparé par exemple à la préférence fiscale souvent très marquée pour le financement par endettement. possible pour « extraire » la rente, beaucoup employé par exemple pour attribuer des droits pétroliers; mais elles peuvent se heurter à des problèmes d'asymétrie de l'information et d'étroitesse de marché (elles sont par exemple rarement utilisées dans le cas des minerais « durs »).35Pour des raisons d'efficacité ainsi que d'équité entre les nations, l'imposition des plus- values peut être un utile instrument supplémentaire là où les autres modes de taxation des RSE sont imparfaits -- comme dans de nombreux pays en développement. L'une des conditions naturelles de la neutralité est que les transferts directs et indirects d'actifs aient le même traitement fiscal; c'est-à-dire que le transfert d'un actif ou celui de parts dont la valeur provient de cet actif, dans la mesure où ils représentent le même transfert de propriété, devraient -- toute choses égales par ailleurs -- avoir le même traitement fiscal. Faute de quoi, les entreprises sont incitées à fausser les opérations à cause des différences de traitement. La norme actuelle étant que le pays L, dans lequel les actifs non mobiles se situent, a le droit d'imposer les transferts directs, cette neutralité est plus facilement réalisée par l’imposition des transferts indirects dans L. En principe, cet aspect de la neutralité pourrait être réalisé autrement si le pays « source » renonçait à revendiquer l'imposition des transferts directs et indirects au profit du pays dans lequel le cédant est résident. Toutefois, cela semble improbable - - et pourrait ne pas être souhaitable, s'il s'agit d'une source de recettes pour L entraînant moins de distorsions que les autres possibilités envisageables. Le moyen le plus simple d'atteindre la neutralité est donc l'imposition des transferts indirects par le pays où se situe l'actif. Évaluation Les arguments ne vont pas tous dans le même sens, mais, au total, l’analyse ci-dessus laisse penser qu’il est approprié que le pays source dispose du droit d’imposer les plus-values liées à des transferts de biens non mobiles dans le pays où se situent ces actifs, que le cédant soit résident de ce pays ou qu'il y ait une présence imposable.36En termes d'équité, cela découle du droit généralement reconnu à l'égard des transferts directs; du point de vue de l'efficacité, cela ouvre une voie à l'imposition des rentes spécifiques à un emplacement -- très imparfaite, mais éventuellement utile quand les instruments préférés ne sont pas disponibles ou sont déficients -- et favorise la neutralité entre les transferts directs et indirects. Un accord général sur la portée d’un tel droit – ainsi que des modèles de mise en œuvre bien conçus – contribueraient à éviter les mesures non coordonnées qui compromettent le fonctionnement fluide et consensuel du système fiscal international et créent une incertitude fiscale. 35Sur l'imposition de la rente et les adjudications dans les industries extractives, voir Daniel, Keen et McPherson (2010). 36D'autres ont conclu de façon similaire. Ainsi, selon Cui (2015, p.154), « une trop grande part du débat fiscal international a été centré sur le fait de savoir si les non-résidents devraient être imposés sur les plus-values, plutôt que sur la manière de les imposer ». Du point de vue des principes économiques, la justification de la limitation de ce traitement fiscal aux actifs non mobiles est floue. De nombreuses pratiques actuelles s'en écartent déjà nettement; bien que le droit primaire d’imposition soit fréquemment donné au pays « source » où se situe l'actif non mobile, mais au pays de résidence dans le cas de participations au capital d'autres entreprises, il existe des exceptions notables comme les exemples du Pérou et de l'Inde que l'on évoquera plus tard. Au demeurant, l'article 13(5) du Modèle de convention fiscale de l'ONU, commenté à la section IV ci-dessous, étend l’imposition par le pays source à un niveau supplémentaire de propriété des plus-values réalisées sur les actions de sociétés.37 En définitive, il apparaît vraiment important que le pays source définisse clairement les « actifs non mobiles ». Les considérations d'équité entre les nations, d'efficacité et de praticabilité convergent pour laisser penser que cette définition pourrait inclure tous les actifs susceptibles de générer des rentes significatives spécifiques à un emplacement et sur lesquels l'État peut exercer un contrôle suffisant pour assurer le recouvrement des recettes. Toutefois, un pays pourrait choisir une définition plus étroite. En outre, bien que le pays source puisse choisir de ne pas exercer son droit d’imposition des TIE, l’expérience, illustrée par les exemples présentés à la section suivante, montre que cette décision peut provoquer un vif mécontentement interne. Ces actifs sont en général très visibles et ont une grande importance pour la population -- peut-être, par exemple, du fait de la découverte très médiatisée de ressources naturelles -- et il s'agit souvent de ressources épuisables propriété de la nation (dans le cas de ressources à extraire) et/ou créées par l'État (sous forme de licences ou d'autres droits). Et, comme on va le voir, les sommes en jeu peuvent être élevées. Il arrive que cette insatisfaction entraîne des actions législatives unilatérales – qui peuvent différer (et diffèrent effectivement) selon les pays – ce qui aggrave l’incertitude fiscale et a des effets préjudiciables pour les investisseurs, les contribuables et les États. 37 Plus précisément, cette disposition permet à l’État L d’imposer les cessions par des non-résidents de parts d’entreprises résidentes dans ce pays. Il n’existe pas de disposition comparable dans le Modèle de convention fiscale de l’OCDE. TROIS EXEMPLES ILLUSTRATIFS Trois TIE très médiatisés sont décrits aux encadrés 2 à 438: l’acquisition par Vodafone d'une participation substantielle dans une société de téléphonie mobile opérant en Inde, la vente indirecte de la compagnie pétrolière péruvienne Petrotech Peruana et la vente indirecte par Zain de divers actifs situés en Afrique, notamment une société de téléphonie mobile opérant en Ouganda.39 Toutes ces opérations ont (au moins jusqu’à maintenant, des procédures d’appel étant en cours) posé la question de savoir si les groupes multinationaux peuvent en définitive échapper à la fiscalité sur la plus-value tirée d’un TIE dans le pays où se trouvent les actifs sous- jacents, et s’assurer que la plus-value soit peu ou pas imposée ailleurs en s’arrangeant pour que le transfert s’effectue sous la forme d’une cession par une entité non résidente dans le pays où la filiale qui détient l’actif sous-jacent est située. Encadré 2. Inde – l’exemple de Vodafone En 2006, Vodafone a acquis pour près de 11 milliards de dollars les parts d’Hutchison dans une coentreprise (propriétaire d’une licence d’exploitation) afin de gérer une société de téléphonie mobile en Inde. Ce transfert a été effectué par Hutchison, multinationale basée à Hong Kong, qui a cédé une filiale située dans les îles Caïmans, qu'elle possédait en totalité et qui détenait ses participations dans l’entreprise indienne, à une filiale intégralement contrôlée par la société Vodafone enregistrée et résidente fiscale aux Pays-Bas. L’opération a donc eu lieu entièrement en dehors du territoire indien, entre deux sociétés non résidentes. L’administration fiscale indienne (ITA) a cherché à recouvrer 2,6 milliards de dollars d’impôts sur la plus - value réalisée par Hutchison au titre de la vente de la société de portefeuille située dans les îles Caïmans. Hutchison ne possédant plus d’actifs en Inde après cette transaction, ITA a tenté d’imposer l’acquéreur, la filiale néerlandaise de Vodafone, en soutenant qu’elle avait l’obligation de retenir à la source l'impôt sur le prix payable par le cédant. Cela a entraîné un long contentieux, la Cour suprême indienne se prononçant en 2012 en faveur du contribuable. Elle a rejeté l'interprétation large de la loi faite par ITA pour étendre sa juridiction fiscale et inclure les ventes indirectes opérées à l’étranger, même si elle a considéré que l’opération était en fait une acquisition de droits de propriété situés en Inde. Par la suite, le gouvernement indien a modifié la loi pour permettre l’imposition des cessions indirectes à l’étranger et essayé d’appliquer la nouvelle disposition rétroactivement dans une seconde tentative pour imposer la filiale néerlandaise de Vodafone. La légalité de l’effet rétroactif de la loi a été soumise à l’arbitrage dans le cadre de la convention bilatérale d’investissement entre l’Inde et les Pays-Bas. (L’Inde y a mis fin de façon unilatérale en décembre 2016, mais cela n’a pas eu d'incidence sur les litiges en cours). 38 Il est vrai qu’il s’agit de trois des exemples les plus frappants et les plus connus de ce problème, voire ceux qui le sont le plus. C’est pourquoi leurs détails ont été les plus diffusés et les plus minutieusement étudiés – ils ont sans doute eu la plus grande incidence sur les futures actions des pays hôtes et la portée la plus étendue. Mais l’expérience montre que de nombreux autres pays sont confrontés à ce problème, même si on n’y fait moins allusion publiquement. 39 On trouvera d’autres exemples dans FMI (2014) ainsi que dans Burns, Le Leuch et Sunley (2016). Plusieurs années après leur nomination, les arbitres choisis par les parties ont finalement convenu de choisir un président pour le tribunal. La compétence de ce tribunal en matière fiscale fait encore l’objet de contestations. Encadré 3. Pérou – l’acquisition de Petrotech En 2009, Ecopetrol Colombia et Korea National Oil Corp ont acquis une société basée à Houston (Offshore International Group Inc.) dont le principal actif était Petrotech Peruana (détentrice d'une licence), société enregistrée et résidente au Pérou qui était le troisième plus grand producteur de pétrole de ce pays, pour un montant d'approximativement 900 millions de dollars EU; le vendeur était Petrotech International, société enregistrée aux États-Unis dans l’État du Delaware. La loi fiscale péruvienne relative à l’impôt sur les sociétés ne prévoyant pas à l’époque de disposition particulière pour les cessions indirectes opérées à l’étranger, la transaction n’a pas été imposée dans le pays. La perte fiscale potentielle pour le Pérou a été estimée à 482 millions de dollars EU. Petrotech international, société résidente aux États-Unis, a été imposée dans ce pays sur la plus-value correspondante. L’affaire a déclenché une enquête du Congrès péruvien qui a finalement entraîné une modification de la loi. Actuellement, toutes les cessions indirectes opérées à l’étranger de sociétés résidentes sont imposées au Pérou, quelle que soit la proportion que les biens non mobiles appartenant à la filiale péruvienne représentent dans la valeur totale de la maison mère (article 10 de la loi péruvienne sur la fiscalité directe; voir encadré A.1, annexe B). Certaines limites sont prévues: pour que l’opération soit imposable au Pérou, il faut que la partie de la maison mère faisant l'objet de la cession tire au moins la moitié de sa valeur d’actifs péruviens et qu'au moins 20 % des actifs péruviens soient transférés. Encadré 4. Ouganda – l’affaire Zain En 2010, une filiale néerlandaise de la multinationale indienne Barthi Airtel International BV a acheté à Zain International BV, société néerlandaise, les parts de Zain Africa BV (également une société néerlandaise) pour un montant de 10,7 milliards de dollars; Zain Africa BV détenait l’opérateur de téléphonie mobile Celtel Uganda Ltd. enregistré à Kampala (parmi d’autres investissements en Afrique).40 L’administration fiscale ougandaise (URA) a soutenu que Zain International BV était redevable de l’impôt sur la plus-value correspondante, soit 85 millions de dollars. La Cour d’appel ougandaise a estimé – contrairement à la décision de la Cour suprême indienne au sujet de Vodafone – qu'URA avait le droit d’imposer le cédant étranger d’une participation indirecte dans des actifs locaux (infirmant un jugement antérieur de la Haute cour de Kampala).41Toutefois, selon l'interprétation que le contribuable fait de la convention fiscale entre l’Ouganda et les Pays-Bas, celle-ci protège le droit exclusif des Pays-Bas d'imposer ce type d’opérations. Il s’agit d'un point susceptible de s'avérer important, car on pourrait considérer que 40 Zain International BV appartient au final à Zain Group, dont le principal actionnaire est le Fonds d’Investissement du Koweït. 41VoirHearson (2014) et The East African « Court gives URA nod to seek taxes on sale of Zain assets in Uganda », 13 septembre 2014 à l'adresse http://www.theeastafrican.co.ke/news/URA-taxes-on-sale-of-Zain-assets-in- Uganda/-/2558/2451578/-/item/0/-/6hm2he/-/index.htmlhttp. certaines règles prévues par la législation interne relative à la lutte contre l’évasion ne dérogent pas à la convention, mais la complètent; il n’est pas encore tranché. Dans les trois cas, les montants en jeu sont très élevés: pour Zain, il s'agit d'environ 5 % des recettes publiques (et, par exemple, de près de 50 % des dépenses publiques de santé) et, pour Vodafone, de quelque 2 % des recettes des administrations centrales (et de près de 8 % du produit annuel des impôts directs).42 Il y a une autre caractéristique commune à ces trois affaires: l'actif indirectement transféré en question était une entreprise dont la valeur provenait d'une concession accordée par le gouvernement du pays dans lequel l'actif sous-jacent se situe. La valeur était donc manifestement liée à des juridictions particulières et consistait surtout en des rentes spécifiques liées à un emplacement et résultant d'une licence attribuée par l'État. Dans les trois cas,43 le pays où se trouvait l'actif sous-jacent a été débouté – ou, pour le moins, sa victoire n'a pas été évidente. Toutefois, les raisons sont différentes: en Inde et au Pérou, la législation fiscale interne ne couvrait pas ce type de transfert, tandis qu'en Ouganda il y avait l'éventualité de déroger à une convention (celle-ci ne contenait pas de dispositions analogues à celles prévues par l'article 13.4, évoquées à la section IV ci-dessous). Dans toutes ces affaires, les gouvernements et de nombreuses organisations de la société civile ont soutenu qu'on avait soustrait à des pays en développement (ou qu'ils s'en étaient privés eux-mêmes par inadvertance) une source fondamentale (et substantielle) de recettes fiscales. Cela a posé un problème politique très délicat, notamment lorsqu'on a pu démontrer que la filiale indirectement cédée n'avait antérieurement payé que peu d'impôts sur ses bénéfices (voire aucun), comme l'a indiqué au Pérou une enquête du Congrès sur Petrotech. Plusieurs de ces affaires ont suscité une indignation considérable au sein de la population. Ainsi, au Pérou, on a lié l'opération à des scandales de corruption, ce qui a entraîné la démission du Premier ministre et de son Cabinet. Ces affaires montrent que le pays « source » peut fort bien réagir à un échec devant les tribunaux en modifiant radicalement les politiques publiques. Ainsi, l'Inde n’a pas seulement changé sa législation pour pouvoir imposer les TIE 44 , mais a également cherché à l'appliquer rétroactivement à partir de 1962 (date de l'entrée en vigueur de loi actuelle sur l'imposition des sociétés). Le Pérou et le Chili ont amendé leurs lois internes afin d'imposer les transferts opérés à l'étranger concernant tous les actifs situés dans ces pays -- et pas seulement ceux dont la valeur 42 On trouvera d'autres exemples à l'annexe VI de FMI (2014). 43Dans d'autres affaires -- par exemple, Heritage en Ouganda et Las Bambas au Pérou -- l'impôt a été recouvré par le pays « source ». 44Cité par Cui (2015, p.146), l'amendement stipule que : « toute participation ou tout intérêt dans une société ou une entité enregistrée ou constituée en dehors de l'Inde est considérée comme…située en Inde si la valeur de cette participation ou de cet intérêt provient de façon substantielle, directement ou indirectement, d'actifs se trouvant dans ce pays ». provient de biens non mobiles se trouvant sur le territoire national. Ces réactions unilatérales sont compréhensibles et peuvent refléter la diversité des systèmes juridiques nationaux. Toutefois, c'est notamment en raison de cette diversité que les incohérences et les incertitudes qui existent déjà dans la fiscalité internationale risquent de s'aggraver. CONVENTIONS FISCALES ET TRANSFERTS INDIRECTS OPÉRÉS À L'ÉTRANGER Cette section examine le traitement des TIE dans les modèles de convention fiscale,45 présente une analyse empirique des pratiques actuelles en matière de conventions et décrit la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales destinée à prévenir l'érosion de la base imposable et du transfert des bénéfices. L’analyse indique clairement que, pour les transferts indirects en rapport avec des actifs définis comme « non mobiles » dans le cadre de ces modèles, les droits primaires d’imposition sont attribués par les accords au pays source. A. Les TIE dans les modèles de convention fiscale Tableau 1. Attribution entre pays des droits d’imposition des transferts d'actifs dans le cadre des modèles de convention fiscale Catégorie de Catégorie de transfert bien Direct opéré à l'étranger Indirect opéré à l'étranger Biens non Si plus de 50 % de la valeur du transfert mobiles provient (directement ou indirectement) de Pays L situés dans biens non mobiles: pays le pays L Sinon : pays R Le cédant a un ES dans le pays L Le cédant a un ES dans le pays L auquel les auquel les actifs sont attribués: actifs sont attribués: Biens pays L pays L mobiles • • situés dans Intérêt « substantiel »: le pays L MCF de l'ONU: pays L MCF de l'OCDE: pays R Autres cas: pays R Légende: L = pays où se situe l'actif sous-jacent R = pays où réside le cédant 45 Toledano et autres (2017) soulignent également à juste titre la nécessité de s’assurer que le traitement voulu des TIE par les pays ne soit pas compromis par inadvertance par les dispositions de conventions bilatérales d’investissement ou d’accords relatifs à des concessions B. Les pratiques en matière de modèles de conventions, à la fois pour les biens mobiles et non mobiles, sont résumées au tableau 1. (les pratiques propres à chaque pays peuvent bien sûr être très différentes). Lorsque deux pays revendiquent le droit d'imposer la plus-value résultant d'un transfert, ils peuvent établir au moyen d'une convention lequel a la primauté, en prévoyant un mécanisme approprié d'allégement dans l'autre pays afin d'éviter une double imposition. En l'absence d’une telle convention il peut y avoir double imposition, mais on présume que les contribuables évitent alors de structurer leurs opérations selon les modalités sujettes à ce traitement fiscal. Les deux MCF prévoient que les transferts directs de biens non mobiles puissent être imposés par le pays dans lequel se situent ces biens (Article 13(1); formulation identique). Les plus-values sur les transferts indirects sont visées par l'article 13(4) de chaque MCF.46Dans la version de l'OCDE antérieure à son actualisation en 2017,47 il est rédigé comme suit: Les gains qu’un résident d’un État contractant tire de l’aliénation d’actions qui tirent directement ou indirectement plus de 50 pour cent de leur valeur de biens (non mobiles) situés dans l’autre État contractant sont imposables dans cet autre État. L'actualisation de 2017 de la MCF de l'OCDE inclut la version amendée suivante de l'article 13(4): Les gains qu’un résident d’un État contractant tire de l’aliénation d’actions ou de droits ou participations similaires, tels que des droits ou participations dans une société de personnes ou une fiducie, sont imposables dans l’autre État contractant si, à tout moment au cours des 365 jours qui précèdent l’aliénation, ces actions, droits ou participations similaires tirent directement ou indirectement plus de 50 pour cent de leur valeur de biens (non mobiles), tels que définis à l’article 6, situés dans cet autre État contractant. Dans la version de 2011 de la convention fiscale de l'ONU, la principale disposition de l'article 13(4) stipule que: Les gains issus de l’aliénation d’actions du capital d’une société ou d’un intérêt dans une société de personnes, fiducie ou masse successorale, dont les 46Le MCF de l'ONU comprend cette disposition depuis son introduction en 1980 et celui de l'OCDE depuis 2003. 47Les dispositions remplacées dans le modèle de convention restent pertinentes dans la mesure où elles sont reprises dans les conventions encore en vigueur. biens consistent à titre principal, directement ou indirectement, en biens (non mobiles) situés dans un État contractant, peuvent être imposés dans cet État. Une sous-clause définit à « titre principal » par un test du seuil de 50 % similaire à celui de la version de l'OCDE. 48 La version 2011 de l'ONU poursuit: En particulier: (a) Aucune disposition du présent paragraphe ne s’applique à une société, société de personnes, fiducie ou masse successorale autre qu’une société, société de personnes, fiducie ou masse successorale s’occupant de la gestion de biens (non mobiles), dont les biens consistent à titre principal, directement ou indirectement, en biens (non mobiles) utilisés par les dites société, société de personnes, fiducie ou masse successorale dans leurs activités industrielles ou commerciales (b) Aux fins du présent paragraphe, le terme « principalement » appliqué à la propriété d'un bien (non mobile) se rapporte à la valeur de ce bien (non mobile) supérieure à 50 % de la valeur globale de tous les actifs que possède la société, la société de personnes, la fiducie ou la masse successorale. La version 2017 du modèle de l'ONU a la même formulation que celle du modèle OCDE de 2017, du fait d'un rapprochement des dispositions antérieures des deux modèles incluant des adaptations destinées à prévenir les abus. Dans les deux MCF, la définition des biens non mobiles se trouve initialement à l'article 6: L’expression « biens non mobiles » a le sens que lui attribue le droit de l’État contractant où les biens considérés sont situés. L’expression comprend en tous cas les accessoires, le cheptel et les équipements utilisés dans les exploitations agricoles et forestières, les droits auxquels s’appliquent les dispositions de la législation concernant la propriété foncière, l’usufruit des biens (non mobiles) et les droits à des paiements variables ou fixes pour l’exploitation, ou la concession de l’exploitation, de gisements minéraux, sources et autres ressources naturelles; Cela laisse manifestement une marge importante pour définir plus précisément ce concept dans la législation interne, laquelle est très hétérogène.49 48Letexte de l'ONU reproduit la formulation de la législation interne des États-Unis sur les cessions indirectes de biens non mobiles et les commentaires à propos du MCF de l'OCDE. 49Krever (2010) note qu'« en règle générale, les juridictions civiles semblent se satisfaire de la portée limitée de la définition des biens non mobiles qui, dans son sens le plus étroit, ne va guère au-delà des biens fonciers et non mobiles, alors que la législation des pays bien dotés en ressources naturelles donne la définition plus large » (p.223). La règle de base applicable aux transferts indirects de biens non mobiles, qui était donc très similaire dans les deux MCF, est désormais la même.50 C'est parce que les deux dispositions ont un objectif commun. Toutes deux attribuent le droit d’imposition primaire au pays « source » lorsqu'un transfert par un non résident a lieu dans l'autre État,51 mais limitent cette possibilité au cas spécifique où il y a transfert direct ou indirect d'un « bien non mobile ».52 La non-imposition des transferts indirects concernant certaines catégories d'entités qui possèdent surtout des biens non mobiles qu'elles utilisent dans leurs activités d'entreprise, prévue par l'article 13(4)(a) du MCF de l'ONU avant 2017, a peut-être eu un effet limitatif, mais est désormais modifiée.53 Comme exemple d'une approche plus extensive, il cite également (p.237) la définition des « biens australiens imposables » qui comprend « tout(e) autorité, licence, permis, droit au bail, qui, en vertu d'une loi australienne, permet d'extraire, d'exploiter ou de prospecter,…un bail sur terrain qui donne le droit au titulaire du bail d'extraire, d'exploiter ou de prospecter,….un intérêt dans un(e) autorité, licence, permis, droit ou bail…et tous droits relatifs aux bâtiments ou autres améliorations…sur le terrain concerné ou qui servent à son exploitation ». Voir également l'encadré 9 ci-dessous. 50 Jusqu'à une date récente, la version de l'ONU était plus large car elle s'appliquait à des modes de propriété autres que les actions (le texte correspondant, mentionné ci-dessus, a été introduit en 2001). Toutefois, dans le cadre de l'action 6 des travaux de BEPS, il a été convenu d'amender le MCF de l'OCDE pour supprimer cette différence. • Un point commun des deux modèles est que le test de 50 % porte sur la proportion de biens non mobiles dans la valeur totale du titre de propriété vendu et non sur la proportion du gain: les droits d'imposition peuvent donc être attribués à un pays autre que celui dans lequel la majorité du gain est générée. Certains pays considèrent cet aspect « radical » de la règle comme un avantage, car il permet de lutter contre les abus et de réduire le nombre de litiges, éventuellement complexes, relatifs à des questions d'évaluation de biens répartis au niveau mondial. En tout cas, la loi interne peut limiter l'imposition aux bénéfices calculés proportionnellement à la valeur du bien non mobile dans les pays qui imposent et peut donc ne pas chercher à appliquer intégralement les droits d’imposition résultant d'une convention. Les pays « source » pourraient chercher à trouver un équilibre entre complexité et « radicalité » en rédigeant les règles en matière de valorisation et de répartition. Sachant que les articles ne limitent pas explicitement le pouvoir d'imposition, il faut interpréter ce concept de la 51 manière suivante : le pays peut exercer son droit d'imposition même si la cession indirecte a lieu dans autre État. 52 Le MCF de l'OCDE mentionne d'autres exclusions importantes qui sont davantage liées à la complexité de l'application qu'à des questions conceptuelles. Ainsi, il pourrait exclure du champ d'imposition les cédants dont la participation dans l'entité est inférieure à un certain niveau minimum ou la cession d'actions de sociétés cotées sur un marché boursier officiel ou encore les plus-values tirées de transferts de parts lors de la réorganisation d'une société. Commentaire 28.7 du MCF de l'OCDE; OECD (2010). 53 Le commentaire sur le modèle 2011 de l'ONU n'ayant pas interprété cette exclusion, son champ d'application n'était pas clair. Au pire, exempter dans le pays « source » un transfert indirect de biens non mobiles (conformément à la règle de la valeur supérieure à 50 %) lorsque ce sont des biens principalement utilisés dans le cadre de l'activité d'entreprise de l'entité vendue -- par exemple, un hôtel ou une mine -- comme on peut soutenir que l'article 13(4)(a) du modèle de convention de l'ONU le fait -- pourrait aller trop loin dans la limitation des droits d'imposition, en particulier dans les pays en développement; l'exclusion pourrait en effet s'appliquer à des secteurs où se concentrent des rentes économiques importantes. Selon une autre interprétation souvent avancée, l'exonération des « activités d'entreprise » ne s'applique que lorsque le cédant non résident des parts utilise les biens non mobiles en question dans ses propres activités d'entreprise au lieu qu'elles soient utilisées par l'entité détenant l'actif dont les parts sont transférée. En raison de cette incertitude, le Manuel de L’article 13(5) du MCF de l'ONU (qui n'a pas d'équivalent dans le MCF de l'OCDE) étend la portée de l'imposition à l'étranger au-delà des biens non mobiles, quelle qu'en soit la définition. Avant 2017, l’article 13(5) était rédigé comme suit: « Les gains, autres que ceux visés au paragraphe 4, qu'un résident d'un État contractant tire de l'aliénation d'actions d'une société résidente d'un autre État contractant, sont imposables dans cet autre État si, à un moment quelconque de la période de 12 mois précédant cette aliénation, le cédant détenait directement ou indirectement au moins ___ pourcent (le pourcentage doit être établi par négociation bilatérale) du capital de cette société ». La version 2017 du modèle de l’ONU introduisait les modifications suivantes à l’article 13(5) (elles figurent en gras) « Les gains, autres que ceux visés au paragraphe 4, qu'un résident d'un État contractant tire de l'aliénation d'actions d'une société, ou de droits comparables comme des participations dans une société de personnes ou un fonds fiduciaire, résidentes d'un autre État contractant, sont imposables dans cet autre État si, à un moment quelconque de la période de 365 jours précédant cette aliénation, le cédant détenait directement ou indirectement au moins ___ pourcent (le pourcentage doit être établi par négociation bilatérale) du capital de cette société ». Cet article attribue au pays L le droit d'imposer le gain tiré de la cession par un non résident du pays L de participations (ou de droits comparables) d’une société, d’une société de personnes ou d’un fonds fiduciaire résident(e) de ce pays. Toutefois, cette disposition des conventions ne s'applique qu'aux participations ou aux droits comparables des entités résidentes du pays L, c'est- à-dire seulement à la propriété étrangère directe de ces entités. C’est pourquoi, même si l'article 13(5) peut permettre de contrecarrer certains modes d’évasion fiscale (par exemple certaines stratégies de « dépouillement des dividendes » ou de changement de résidence), il ne convient pas pour garantir l’imposition à la source des plus-values sur les transferts indirects. Selon le Manuel de l’ONU sur les questions liées à l'imposition des industries extractives dans les pays en développement, les pratiques des conventions diffèrent à propos de l’utilisation de l’article 13(5) : certains pays excluent explicitement les plus-values sur des actions cotées, d’autres limitent son champ d’application aux gains réalisés par des personnes qui étaient auparavant résidentes du pays « source » et de nombreux autres n’incluent pas cette disposition dans leurs conventions. l’ONU sur les questions liées à l'imposition des industries extractives dans les pays en développement note qu'«...en pratique, cette disposition ne se trouve pas fréquemment dans les conventions négociées par les pays en développement...car les gains tirés de l'aliénation de droits dans des entités qui possèdent et exploitent des mines, des exploitations agricoles, des hôtels, des restaurants et ainsi de suite ne sont pas couverts par ce paragraphe ». L'article 13.4 en pratique54 À peu près 35 % des conventions de double imposition (CDI) comprennent l'article 13.4,55 avec une référence explicite aux revenus tirés indirectement de biens non mobiles (graphique 2). Quelque 60 % des CDI contiennent une disposition relative aux plus-values sur des actions qui tirent leur valeur de biens non mobiles, en comptant aussi celles où ne figure pas le terme « indirectement ») (Wijnen and de Goede, 2014).56 L'inclusion de l'article 13.4 est un peu moins fréquente (31 % environ) dans les CDI entre des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, (graphique 1). Il s'agit d'une proportion nettement moindre que celle trouvée dans les travaux antérieurs de Hearson (2016); celui-ci constate que, dans un échantillon de 537 CDI entre pays en développement, quelque 51 % contiennent une disposition relative aux plus-values tirées de parts de biens non mobiles. La différence s'explique ici par l'utilisation d'un échantillon plus large (proche de l'univers) et par le critère de recherche imposé pour « indirectement ». La probabilité d'inclusion de l'article 13.4 dans une convention57 est sensiblement : • moindre, d'à peu près 6 points de pourcentage, si l'une des parties à cette convention est un pays à faible revenu bien doté en ressources naturelles . C'est un constat frappant et, au regard des commentaires qui précèdent, déconcertant. Les exemples de CDI auxquelles participent des pays de cette catégorie et qui omettent l'article 13.4 comprennent celles passées entre l'Ouganda et Maurice (conclue en 2003), le Malawi et la Norvège (2009) ainsi qu'entre Trinidad et Tobago et le Brésil (2008). • moindre d'à peu près 13 points de pourcentage, si l'une des parties à la convention est une juridiction à fiscalité légère.58 Cette constatation est également troublante, car ce sont probablement les cas où la possibilité d'échapper à l'impôt dans le pays « source » au moyen de transferts indirects est la plus tentante. 54On trouvera des précisions sur la base statistique de l'analyse effectuée dans cette section à l'annexe C. Les données commencent en 2015. Plus précisément, on entend ici par « inclure l’Article 13.4 » l’inclusion d’un article semblable à l’article 13.4 du 55 modèle de convention avec une référence explicite à « indirectement ». 56Wijnen et de Goede (2014) ont examiné quelque 1 800 CDI, conventions fiscales et protocoles d'amendement conclus de 1997 à 2013. 57Il s'agit bien sûr d'un exercice rétrospectif qui ne donne pas nécessairement d'indication sur le degré de probabilité de son inclusion à l'avenir. 58 C'est-à-dire qui figure dans la liste de Hines et Rice (1994). • supérieure, plus la différence est grande entre les taux d'imposition des plus-values dans les parties à une convention.59Cela laisse penser que la partie à fiscalité élevée est consciente des possibilités d'évasion au moyen des TIE. Pourtant, l'effet est très limité: une différence de 10 points de pourcentage entre les taux d'imposition des plus-values n'augmente en moyenne la probabilité d'inclusion de l'article 13(4) que de 4 points de pourcentage. • et augmente au fil du temps. Pratiquement aucun pays signataire de multiples conventions n'a inclus dans chacune d'entre elles l'article 13.4 -- d'où une vulnérabilité à des TIE structurés de façon à exploiter les dispositions des conventions, même si le pays « source » L était évidemment conscient de la possibilité d’imposer ces gains. Comme on le voit au graphique 3, plusieurs pays n'ont retenu l'article 13.4 dans aucune de leurs conventions (il n'apparaît dans aucune des sept signées par la Gambie) ou dans relativement peu (par exemple, dans moins de 20 % pour le Koweït, le Nigeria et la Papouasie Nouvelle-Guinée). À peu près 22,5 % des conventions comprennent l'article 13.5 du modèle de l'ONU. Le lien entre l'inclusion des articles 13.4 et 13.5 ne ressort pas clairement: certaines conventions n'en comprennent qu'un, d'autres les deux. Graphique 2: l'article 13.4 dans les CDI All DTTs and 'Article 13.4' DTTs of Low Income Countries and 'Article 13.4' 3000 1000 Cumulative Number of Treaties 800 2000 600 400 1000 200 0 0 1947 1957 1967 1977 1987 1997 2003 2009 2014 1947 1957 1967 1977 1987 1997 2003 2009 2014 UN, OECD, or a similar version of articel 13.4 Total UN, OECD, or a similar version of article 13.4 Total 59 Il y a une grande hétérogénéité des taux d'imposition des plus-values selon les pays. 35 n'imposent pas les plus- values des sociétés (par exemple Hong Kong, la Malaisie, Singapour et certains pays bien dotés en ressources naturelles, comme Bahreïn et les EAU). À l'autre extrémité de la distribution, 10 pays appliquent un taux de 35 % (par exemple l'Argentine et les États-Unis) et c'est au Suriname qu'il est le plus élevé, à 36 %. Note: les pays à faible revenu sont ceux à revenu intermédiaire inférieur bien dotés en ressources naturelles définis selon la classification de la Banque mondiale. L'annexe A décrit les CDI. 30 Graphique 3: Proportion de CDI incluant l'article 13.4 Nombre de pays 20 10 0 0 20 40 60 80 100 Proportion de conventions fiscales incluant un article 13.4. en % Les TIE et la Convention multilatérale La Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives à la convention fiscale visant à prévenir l'érosion de la base imposable et le transfert de bénéfices (également connue sous le nom d'Instrument multilatéral ou « IM ») résulte de l'action 15 du BEPS, qui a appelé à l'élaboration d'un instrument multilatéral afin d'appliquer efficacement les mesures relatives à la convention fiscale BEPS. La convention multilatérale modifie donc les conventions fiscales bilatérales en vigueur entre les parties à cette convention afin de se conformer aux normes minimums prévues par la convention BEPS, c'est-à-dire la prévention de l'abus des conventions dans le cadre de l'action 6 de BEPS et l'amélioration des mécanismes de résolution des litiges dans le cadre de l'action 14 de BEPS. Parallèlement, le MC facilite l'application des autres mesures relatives aux conventions fiscales conçues par le projet BEPS, par exemple celles destinées à lutter contre l'évasion artificielle du statut d'établissement stable au moyen de contrats de commissionnaire. Pour les pays parties prenantes à la Convention dont les conventions fiscales actuelles ne prévoient pas de disposition équivalente à l'article 13(4) du MCF 2017 de l'OCDE, l'article 9(4) du MC en introduit une dans leurs conventions fiscales qui sont modifiées par le MC conformément au droit international, à moins que le pays renonce à l'article 9(4). Du fait de l'adoption de cette disposition, la juridiction dans laquelle se trouve le bien non mobile est autorisée à imposer les plus-values réalisées par un résident de la juridiction partie à la convention sur la cession d'actions de sociétés qui tirent plus de 50 % de leur valeur de ce bien non mobile. Pour les pays qui prévoient déjà dans leurs conventions fiscales une disposition relative à l'imposition des plus-values réalisées à partir de la cession d'actions, le MC offre deux possibilités pour l'améliorer. D'abord, son article 9(1) permet aux parties de modifier leurs conventions fiscales visées en introduisant une période de test dans l'article 13(4). Celui-ci se référera donc à la période de 365 jours précédant la cession des actions pour déterminer si leur valeur provient principalement d'un bien non mobile. En outre, l'article 9(1) du MC offre aux parties la possibilité d'étendre le champ d'application de l'article 13(4) du MCF de l'OCDE en élargissant la catégorie de droits concernée. Dans ces conditions, les droits comparables à des actions, comme ceux détenus dans une société de personnes ou une fiducie, figureraient aussi dans l'énoncé de l'article 13(4)60. À la différence d'un protocole amendant une convention fiscale unique, le MC modifie tous les accords fiscaux en vigueur recensés par les différents pays parties à des conventions et signataires du MC. En particulier, les dispositions de l'article 9 du MC s'appliquent, lorsque c'est approprié, à la place ou en l'absence des dispositions des conventions fiscales concernées sur les plus-values tirées de la cession d'actions, de droits ou de participations similaires, à moins que le signataire ait décidé de renoncer à l’application de cet article 9. On notera que la simple signature du MC ne signifie pas que les conventions fiscales auxquelles participe le signataire incluront les dispositions de l'article 9 du MC. Ce dernier permet aux parties signant la convention de se réserver le droit ne pas appliquer les dispositions de l'article 9(1) ou de ne pas reprendre les termes de l'article 9(4).61En outre, comme on l'a expliqué à la section V de cette boîte à outils, le pays « source » doit inscrire dans sa législation interne des dispositions permettant d'imposer effectivement les plus-values tirées d'un TIE. Outre les dispositions spécifiques figurant à l'article 9, la partie III du MC introduit des mesures supplémentaires pour empêcher d'abuser des conventions qui peuvent également être pertinentes pour préserver les droits fiscaux du pays « source » en présence de TIE. L'article 7 du MC comporte en particulier les clauses dites du critère des objets principaux et de la Limitation des avantages (« LOB »). Elles permettent aux parties à une convention fiscale de priver une opération de ses avantages si leur obtention était l'un des principaux objectifs de l'opération en question ou lorsqu'un résident d'un État contractant ne satisfait pas aux conditions fixées par 60Dans la version 2014 du MCF de l'OCDE, la possibilité de couvrir les plus-values tirées de la cession de droits dans d'autres entités, comme des sociétés de personnes ou des fiducies, est prévue au paragraphe 28.5 du commentaire de l'article 13. 61 L'article 9(4) énonce qu':« En vertu d'un accord fiscal visé, les gains tirés par un résident d'une juridiction contractante de l'aliénation d'actions, de droits ou de participations similaires, comme des droits dans une société de personnes ou une fiducie, sont imposables dans l'autre juridiction contractante si, à un moment quelconque de la période de 365 jours précédant l'aliénation, la valeur de ces actions, droits ou participations similaires provient à plus de 50 %, directement ou indirectement, d'un bien non mobile situé dans cette autre juridiction contractante ». la LOB. À la section 5(A), cette boîte à outils offre une analyse de l'application des règles générales ou particulières anti-abus par rapport aux TIE. Enfin, le MC pourrait également être un moyen de faire évoluer la fiscalité des TIE. En effet, sa conception donne aux parties la possibilité d'amender ultérieurement l'instrument au moyen du mécanisme prévu par son article 33. Ce mécanisme permettrait donc d'inclure de nouvelles mesures dans les conventions fiscales, afin de préserver les droits d’imposition du pays « source » par rapport aux TIE. L’IM modifiera un nombre substantiel de conventions fiscales pour ajouter la formulation de l'article 13(4). Sur la base des positions provisoires de l’IM, on s’attend à ce que l’Article 9(4) soit effectivement ajouté à plus de 115 conventions couvertes. Ce nombre devrait augmenter à l'avenir au fur et à mesure que de nouveaux signataires opteront pour les dispositions de l'article 9(4) de l’IM. Parallèlement, l’IM modifiera quelque 70 autres conventions couvertes en les rendant conformes à la nouvelle rédaction de l’Article 13(4). DÉFIS ET OPTIONS D'APPLICATION Le principal défi juridique/structurel posé par les TIE est que, contractuellement, l'actif sous- jacent ne change pas de mains; il n'y a donc pas de plus-value directement réalisée sur cet actif dans le pays où il se situe. Ce qui change de mains, ce sont les actions ou les droits similaires dans une entité qui détient l'actif directement ou indirectement, mais ces actions ou ces droits similaires sont -- dans ce cas -- détenus et transférés dans un autre pays, soit dans celui de résidence du cédant, soit dans un pays tiers. Il peut alors y avoir diverses situations. Cette section présente les options et les défis de mise en œuvre associés à l'imposition des TIE, si un pays décide d’y procéder. Elle est centrée sur l'imposition des gains sur des biens non mobiles (dont, par exemple, les droits miniers) situés dans un pays « source » (pays de localisation). Cette section donne également des indications à propos de l'imposition des gains résultant d'une participation substantielle dans une société résidente du pays « source ». Comme on l'a vu ci-dessus, un droit d'imposition existe dans les deux modèles de convention lorsque plus de 50 % des droits transférés proviennent d'un bien non mobile situé dans le pays « source ». Afin de déterminer si la valeur des droits émane principalement (à plus de 50 %) de ce bien non mobile, il faut normalement comparer la valeur de ce bien (l'actif concerné) à celle de tous les biens détenus par l'entité (ensemble des actifs) sans tenir compte des dettes et des autres engagements. Même lorsque ce test est concluant, étant donné qu'un TIE a lieu en dehors du pays « source » (entre un vendeur non résident et un acquéreur qui peut également être non résident), le pays « source » fait face à des difficultés significatives pour collecter l'impôt.62 L'objectif de cette partie du rapport est de donner des lignes directrices pour la conception d'éventuels outils juridiques destinés à rendre le gain imposable, ce qui permettra ensuite à l'administration fiscale d'appliquer et de recouvrer l'impôt. Les instruments juridiques présentés dans cette section consistent surtout en un échantillon de dispositions législatives internes. En effet, même si une convention applicable préserve les droits d’imposition du pays « source » conformément au modèle de l'article 13(4), il est primordial que ce pays prévoie des dispositions de ce type dans sa législation interne. A. Aperçu des principes conceptuels et de rédaction juridique: deux modèles Il est important que le cadre législatif national comporte une règle portant sur l’imposition des transferts indirects ainsi que des règles d'application appropriées pour le recouvrement 62Toledano et autres (2017) citent des exemples dans lesquels les autorités du pays « source » ne savaient tout simplement pas qu’un transfert indirect avait eu lieu (dans un cas, alors même que l’État détenait 20 % du capital de l’entité transférée) de l'impôt correspondant. Une convention ne peut pas créer ces droits d’imposition où ces mécanismes d'application s'ils n'existent pas dans la législation nationale. Un certain nombre d'aspects conceptuels clés doivent être pris en considération quand on cherche à imposer un TIE. Chacun d'entre eux pose des problèmes juridiques et des finesses qui lui sont propres dans le contexte d'un pays « source » ayant un système fiscal conforme aux normes internationales en vigueur en matière de résidence et de source. On peut résumer les principaux aspects de la manière suivante : 1. Conception de la règle désignant l'objet de l'imposition: il existe deux modèles courants: (a) Modèle 1 (imposition d'une vente présumée directe par un résident): son objectif est d'imposer l'entité locale qui détient directement les actifs en question en considérant qu'elle les cède et les rachète à leur valeur de marché lors d'un changement de contrôle (par exemple du fait d'une cession à l'étranger d'actions ou de droits comparables). (b) Modèle 2 (imposition du vendeur non résident): l'objectif de ce modèle est d'imposer le vendeur non résident au titre des actions ou des droits comparables concernés au moyen d'une règle d'assujettissement fiscal des non-résidents. Le modèle 2 doit s'appuyer directement ou implicitement sur une règle de source du revenu. Celle-ci prévoit qu'un revenu a sa source dans un pays lorsque la valeur des droits cédés provient principalement, directement ou indirectement, de biens non mobiles situés dans ce pays. On pourrait aussi envisager une règle de source pour les gains tirés de la cession d'autres actifs, point évoqué ci-dessus à la section II -- notamment les participations substantielles dans des sociétés résidentes. Une règle de source du revenu peut être complétée par une règle sur les actifs imposables, qui traiterait les questions comme celles de savoir si l'imposition ne s'applique qu'aux cessions d'intérêts substantiels (par exemple une règle de 10 % de participation), afin d'exclure du champ d'application de l'impôt les modifications de la propriété d'investissements passifs. Cette règle peut aussi prescrire que la totalité des gains soit imposée, lorsque la valeur de l'intérêt indirect ne provient pas entièrement de biens non mobiles locaux, ou que le gain soit imposé au prorata. Chaque possibilité de conception juridique dans le cadre de cette règle est commentée et précisée ci-dessous. 2. Conception des règles d'application/de recouvrement. Il s'agit de règles essentielles, car elles appuient l'application et le recouvrement de l'impôt résultant de transferts indirects. Elles peuvent inclure un ou plusieurs des éléments suivants: (a) des mécanismes de notification/de communication et d'échange d'informations (par exemple des obligations de communication d'informations au niveau national complétées, lorsque c'est approprié, par des accords internationaux d'échange d'informations); (b) des mécanismes de retenue à la source (par exemple lors du paiement du prix d'achat); (c) des mécanismes imposant une obligation fiscale à une entité locale concernée (par exemple en tant que mandataire d'un vendeur non résident); et/ou (d) d'autres protections juridiques, comme la limitation de l'enregistrement, du renouvellement ou de la validité des actifs sous-jacents concernés (par exemple des permis d'extraction), à moins d'avoir satisfait aux obligations de notification applicables et/ou jusqu'à ce qu'il soit démontré qu'aucun impôt n'est exigible, que l'impôt concerné a été réglé ou que l'on a trouvé un arrangement satisfaisant pour le paiement de celui-ci. On pourrait appliquer, en dernier ressort, une règle générale de lutte contre l'évasion fiscale afin d'imposer une plus-value tirée d'un TIE lorsque ce serait approprié. Toutefois, il peut s'avérer difficile de mettre en œuvre ce type de règle dans les pays ayant des capacités administratives réduites. Certains pays ont adopté des mécanismes d'imposition similaires à une règle spécifique de lutte contre les abus en ignorant la structure de contrôle à multiple niveaux et en traitant le vendeur final non résident des intérêts comme le vendeur des actifs locaux, qui réalise une plus-value de source locale. La Chine a adopté cette méthode. Le succès de l'application dépend en définitive: (i) de la conception et de la rédaction de la règle spécifique de lutte contre les abus, dont la mise en œuvre se base souvent moins sur des règles que sur l'action discrétionnaire; (ii) de la capacité de l'administration fiscale à l'appliquer de manière équitable et prévisible.63 Ce type de règle ne permet d'imposer le gain en question que si l'intention d'évasion fiscale pour l'opération concernée peut être démontrée. Ces règles ne prévoyant donc pas que le gain soit imposable, par principe, sur base d'un droit d’imposition bien établi dans le pays « source », leur portée est beaucoup plus limitée. L'échantillon de dispositions législatives internes présenté dans cette section est de nature générale et prend la forme de dispositions juridiques simplifiées fondées sur des règles. Il est important de noter qu'elles ne tiennent pas compte des particularités des systèmes fiscaux et n'ont pas été adaptées à toutes les situations concernées (par exemple les réorganisations d'entreprise) et aux concessions qui s'appliquent généralement (par exemple dans le cadre d'un régime d'imposition des plus-values lorsque l'on juge approprié de différer la reconnaissance d'une plus-value imposable). Les dispositions législatives simplifiées ne traitent pas non plus de façon exhaustive des problèmes plus complexes comme les actionnaires minoritaires, les co- entreprises, les difficultés d’évaluation, le traitement des pertes, les titres cotés et les autres questions relatives à la double imposition qui pourraient se poser dans des circonstances données. En outre, à moins qu’il n’y ait de solides raisons d’agir autrement, l’un ou l’autre modèle ne devrait être appliqué que sur une base prospective (et non rétroactive) (par exemple aux opérations ayant lieu après l’annonce de la modification et non aux années fiscales précédant la modification annoncée) et on pourrait envisager un mécanisme transitoire approprié (par exemple l’évaluation du coût de marché des actifs concernés au moment de l’entrée en vigueur du nouveau modèle 63Voir Waerzeggers et Hillier (2016). fiscal). Il faudrait que les dispositions finales devant être adoptées dans le pays « source », afin de lui permettre d'imposer les TIE, tiennent compte de la tradition et du système juridiques, de l'organisation politique et administrative ainsi que de la politique budgétaire du pays concerné. Cet échantillon de dispositions juridiques a été conçu et rédigé de façon à prévenir la double imposition par le pays « source » -- c'est-à-dire empêcher que le pays « source » n'impose deux fois la plus-value tirée d'un transfert d'actif dans les mains du même contribuable. C'est conforme aux pratiques internationales courantes dans ce contexte. On pourrait également envisager de concevoir et de rédiger des dispositions législatives qui limitent la double imposition, les mêmes gains étant imposés plusieurs fois auprès de différents contribuables du fait de la réalisation de plus-values sur des participations intermédiaires à plusieurs niveaux de propriété indirecte. Pour y parvenir, le coût fiscal des actifs concernés (par exemple chaque participation intermédiaire) doit être relevé à sa valeur de marché chaque fois que la réalisation d'une plus-value imposable intervient; alternativement, la législation peut prévoir la non-reconnaissance d'une plus-value sur chaque actif intermédiaire.64 Des dispositions de cette nature seraient plus exhaustives, mais aussi plus compliquées à appliquer et à gérer; elles ne figurent donc pas dans l'échantillon de dispositions législatives internes présenté dans cette section. Dans cet échantillon, le pays « source » est appelé Pays L comme auparavant. B. Modèle 1: Imposition de l'entité résidente locale détenant l'actif dans le cadre d'un modèle de cession présumée Ce modèle cherche à imposer le propriétaire d'un actif local au motif que cet actif a subi un changement de contrôle du fait de la cession effectuée à l'étranger d'une entité qui détient, directement ou indirectement, l'actif local. Dans le cadre de ce modèle, l'obligation fiscale au titre du gain réalisé par le vendeur non résident est (unilatéralement) déclenchée à l'égard de l'entité résidente locale détenant l'actif par un ensemble spécifique de dispositions législatives internes, sans que l'on se réfère principalement aux règles internationales sur la source du revenu ou à des règles fiscales internationales plus larges (comme les règles d'attribution des conventions fiscales). Cette méthode a été adoptée par un certain nombre de pays « sources » comme le Népal, le Ghana et la Tanzanie. L'encadré 4.5 présente un échantillon de dispositions législatives à l'appui de ce modèle de cession présumée. Encadré 4.5 : Changement de contrôle (1) La sous-section (3) s'applique lorsque la propriété directe ou indirecte d'une entité mentionnée à la sous-section (2) change de plus de 50 % par rapport à la situation existant sur ce plan à un moment quelconque pendant les trois années précédentes. 64 Cette méthode d'application est utilisée par la Chine. (2) La sous-section (1) s'applique à une entité dont, à un moment quelconque au cours des 365 jours précédant le changement concerné de la propriété sous-jacente, plus de 50 % de la valeur des actions, droits ou participations similaires émis par cette entité proviennent, directement ou indirectement, d'un bien non mobile situé dans le pays L. (3) Lorsque cette sous-section s'applique, l'entité est considérée comme: (a) ayant réalisé la totalité de son actif et son passif immédiatement avant le changement; (b) ayant cédé la propriété de chaque actif pour un montant égal à la valeur de marché de l'actif au moment de la réalisation; (c) ayant réacquis l'actif et dépensé pour cette acquisition le montant mentionné au paragraphe (b); (d) ayant réalisé chaque élément de passif et présumée avoir dépensé le montant égal à la valeur de marché de cet élément de passif au moment de la réalisation; (e) ayant recomptabilisé l'élément de passif avec le montant mentionné au paragraphe (d). On peut résumer comme suit la mise en œuvre de ce modèle: • Le modèle a pour but d'imposer le gain non réalisé dans les mains de l'entité qui détient l'actif local. Cette entité est en général résidente du pays « source », d'où l'attribution à celui-ci du droit d'imposer à la fois sur la base de la résidence et de la source. Le modèle cherche à imposer la plus-value constituée sur la totalité de l'actif lorsqu'un changement de contrôle a lieu du fait de la cession d'intérêts dont la valeur provient principalement (par exemple à plus de 50 %) de l'actif -- le bien non mobile local. Les pertes doivent aussi être reconnues lorsqu’il n’y pas constitution de plus-values et soumises à des règles appropriées d’utilisation (si elles sont applicables). • L'obligation fiscale est déclenchée par un changement de contrôle résultant d'une cession d'actions, de droits ou de participations similaires, dans le pays ou à l'étranger. Un changement direct de contrôle à caractère technique, résultant de la réorganisation d’une société, ne doit pas déclencher une obligation fiscale. • En outre, l'obligation fiscale est déclenchée quel que soit le montant de l'intérêt cédé pour entraîner le changement de contrôle concerné. Aucun seuil de propriété de l'actif n'est donc fixé -- par exemple en prévoyant que l'obligation fiscale ne soit déclenchée que si le changement de contrôle résulte de la cession d'une participation d'au moins 10 % dans l'actif. Le but est de limiter les possibilités d'évasion fiscale qui pourraient apparaître si un seuil d'intérêt significatif était adopté dans le cadre de ce modèle. • Le changement de contrôle est déterminé en se référant à la propriété directe ou indirecte, ce qui permet d'en retrouver la trace dans les structures de portefeuille intermédiaires entre l'entité détenant l'actif local et l'émetteur final des actions qui font l'objet de la cession effective. • Lorsqu'un changement de contrôle a lieu, le modèle considère que l'entité détenant l'actif local cède ses actifs à leur valeur de marché. La valeur des actifs locaux dont on présume qu'ils sont effectivement vendus pourrait être déterminée de manière administrative, au moyen d'hypothèses et d'ajustements basés sur le prix de vente des actions réelles, leur valeur étant censée provenir de celle des actifs locaux. On pourrait adopter et appliquer une règle de répartition, de sorte que le prix acquitté pour les actions (en supposant que la cession de celles-ci ait lieu sans favoritisme) soit réparti de façon appropriée entre les actifs détenus par l'entité locale. En pratique, on convient qu’il est difficile d’effectuer ces exercices d’évaluation, en particulier lorsque les actifs concernés, qui sont associés à la propriété non mobile sous-jacente, tirent leur valeur des prix de produits de base, d’intrants apportés de façon centralisée (par exemple une expertise en matière de gestion et de technique) et d’autres participations. • Toutefois, sur le plan fiscal, la cession n'est que présumée (et non effective). L'entité détenant l'actif local en reste donc la propriétaire légale après que la cession est censée avoir eu lieu. Afin d'éviter la double imposition, le modèle considère que l'entité détenant l'actif local le réacquiert à sa valeur de marché. Cela signifie que le coût fiscal de l'actif est relevé à la valeur de marché -- ce qui est important pour s'assurer qu'il n'y ait pas double imposition dans le pays « source » si un autre changement de contrôle a lieu. • Dans le cadre de ce modèle, le passif est également modifié pour faciliter la gestion administrative. Il en résulte que l'ensemble du bilan est recalculé, et pas seulement les avoirs de l'entité détenant l'actif local, faute de quoi le passif serait considéré à sa valeur historique, ce qui compliquerait la mise en œuvre. Dans le cadre du modèle, il n'y aurait normalement ni gain, ni perte au passif, sa valeur de marché étant égale à sa valeur apparente. Pour être complet, et comme on l’a fait observer ci-dessus, le modèle constitue un ensemble simplifié de dispositions législatives qui ne traitent pas des problèmes complexes comme les réorganisations d’entreprises, comme les actionnaires minoritaires, les co-entreprises, les difficultés d’évaluation, les titres cotés et le traitement des pertes. Il sera nécessaire d’adapter l’ensemble final de dispositions à adopter dans le pays « source » de sorte qu’il tienne compte des conditions propres au pays concerné, notamment sa politique fiscale nationale et internationale. Règles d'application/de recouvrement Dans le cadre de ce modèle, l'entité détenant l'actif local reste soumise aux règles ordinaires d’administration fiscale applicables aux contribuables résidents, sans qu'il faille recourir à des règles spécifiques d'application et de recouvrement -- ou à l'assistance au recouvrement prévue par les conventions -- afin de surmonter les difficultés significatives de collecte de l'impôt éprouvées quand des opérations ont lieu entre deux non-résidents. Selon ce modèle, l'administration fiscale du pays « source » peut utiliser la totalité de ses instruments d'exécution contre l'entité détenant l'actif local (par exemple infliger une pénalité pour non déclaration et non- paiement de l'impôt au titre du gain présumé ainsi qu’employer les instruments habituels à sa disposition, comme la saisie ou le gel des actifs locaux, et éventuellement les vendre afin d’apurer une dette fiscale). Les principaux avantages de ce modèle sont: • La plus grande capacité à appliquer et à recouvrer l'impôt dû, car on estime que la plus- value imposable a été réalisée par l'entité détenant l'actif local (et non par un non résident). Cela signifie que l'administration fiscale peut utiliser toute la gamme des voies d'exécution contre cette entité. • Dans le pays « source », il ne devrait pas y avoir de double imposition lors d'un nouveau changement de contrôle, car la base imposable des actifs locaux que l'on estime avoir été cédé est relevée à sa valeur de marché dans les mains de l'entité détenant l'actif local. • Dans le cadre du modèle de cession présumée, le gain consiste en une plus-value de source locale réalisée par une entité résidente locale. Le droit d'imposition du pays « source » ne devrait donc pas être affecté par une convention fiscale. Les principaux inconvénients de ce modèle sont: Selon certains, il pourrait subsister des limites si une convention fiscale était en place, sachant que l'application de l'impôt est en substance une imposition dans le pays « source » déclenchée par une cession d'intérêts opérée à l'étranger (par exemple d'actions). Toutefois, certains estiment que l'on pourrait contrer cet argument en adoptant les clauses anti-abus des conventions, comme celles figurant dans la norme minimum BEPS pour prévenir le « chalandage » des traités. Il pourrait s’agir d’un article limitant les avantages (LOB) et/ou d’un critère des objets principaux (COP), dans une convention fiscale ou dans une législation interne s'imposant à une convention fiscale, si le cédant non résident est une société située dans un pays signataire de la convention dans le but d'obtenir les avantages liés à celle-ci (en supposant qu'il n'existe dans la législation nationale aucune limitation constitutionnelle à le faire). Le COP prend la forme d’une règle spécifique de lutte contre l’évasion fiscale (SAAR) destinée à prévenir le chalandage des traités, tandis qu’une règle LOB peut prendre de nombreuses formes, mais une formulation de plus en plus courante exige qu'au moins 50 % de la propriété du résident de l'autre État contractant soit détenue par une ou plusieurs personnes physiques, elles-mêmes résidentes de cet État contractant, pour pouvoir bénéficier des avantages de la convention fiscale. Toutefois, les pays ont des avis différents sur la possibilité d'administrer effectivement une règle LOB sur le plan interne. • Il pourrait y avoir une double imposition si le pays de résidence du cédant étranger des droits transférés imposait les gains réalisés par le cédant sur la vente. Dans ce cas, il n'y aurait pas d'allégement fiscal dans le pays du cédant, car c'est l'entité détenant l'actif local qui est redevable de l'impôt dans le pays « source » et non le cédant étranger qui, dans ce modèle, n'est pas du tout imposé par le pays « source ». Toutefois, ces problèmes de double imposition seraient moindres si le pays de résidence du cédant étranger pratiquait un système de fiscalité territoriale ou excluait pour d’autres motifs ces plus-values étrangères de sa base d’imposition interne (par exemple au moyen d’une exonération des participations ou parce que le pays de résidence serait une juridiction à fiscalité nulle ou faible). La tendance actuelle est que les pays de résidence adoptent une fiscalité à caractère plus territorial – ou s’en rapprochent. • Sachant que l'entité détenant directement l'actif ne reçoit pas les fonds générés par le transfert des actions, droits ou participations, il pourrait s'avérer difficile de recouvrer effectivement les impôts si cette entité n'avait pas les liquidités nécessaires pour payer. Toutefois, d'un point de vue pratique, on peut s'attendre à ce que les parties (en particulier l'acquéreur) prennent des mesures pour s'assurer que l'entité détenant l'actif local ait suffisamment de fonds pour s'acquitter de son obligation, afin d'éviter que l'administration fiscale exerce des voies d'exécution contre les actifs détenus localement. • Cette approche remet en cause la distinction juridique entre l'entité détenant l'actif local et les niveaux concernés des entités mères. En outre, en l’absence d’accords-cadres généraux portant sur les actionnaires, cette approche exposerait les actionnaires minoritaires qui subsisteraient à l’obligation fiscale sous-jacente si celle-ci était déclenchée par la cession par un actionnaire majoritaire de sa participation de contrôle. Toutefois, ces actionnaires minoritaires bénéficieraient aussi de la hausse à la valeur de marché des actifs locaux (y compris ceux éventuellement amortissables) détenus par l’entité propriétaire. • D'un point de vue pratique, elle nécessite que l'entité détenant l'actif local surveille les changements de sa structure de propriété. Les mérites du modèle 1 – facilité relative de l’application et simplicité du nécessaire ajustement de la base imposable – peuvent s’avérer particulièrement attrayants pour les pays disposant des plus faibles capacités. Dans le cadre de ce modèle, il convient de noter que les règles relatives au pays « source » devraient être conçues et rédigées de manière à ce que le TIE qui déclenche un changement de propriété n'ait pas sa source dans le pays L. Si on considérait que la cession effective des droits à l'étranger avait sa source dans le pays L, il en résulterait une double imposition de la même opération au même endroit, du fait à la fois de l'imposition du résident présumé être le cédant et de celle du non résident cédant effectif dans le pays L. On évoquera ci-dessous dans le cadre du modèle 2, une règle fiscale conçue et rédigée afin d'imposer l'obligation fiscale première au cédant non résident des droits concernés et non au détenteur de l'actif local (selon un modèle d'imposition des non-résidents). Modèle 2: imposition du cédant non résident Dans le cadre de ce modèle,65 le pays L cherche à imposer le cédant non résident au motif que le transfert génère une plus-value dont la source locale est dans le pays L. Les pays qui ont décidé d'imposer les TIE ont le plus souvent adopté ce modèle (ou l’une de ses variations). Avec lui, les règles relatives à la source deviennent essentielles pour déclencher l'obligation fiscale dans le pays « source ». En effet, un non résident n'est normalement66 assujetti qu'à l'impôt sur les revenus tirés de sources situées dans un pays « source » donné. Ainsi, on peut utiliser une règle de source similaire à celle présentée à l'encadré 5 ci-après quand on cherche à imposer un non résident sur le gain généré par la cession d'un intérêt indirect dans un bien non mobile situé dans le pays « source » L. Encadré 6: règle relative à la source Les montants suivants sont tirés de sources situées dans le pays L: (a) Un gain tiré de la cession: (i) d'un bien non mobile dans le pays L; (ii) d'actions, de droits ou de participations similaires si, à un moment quelconque au cours des 365 jours précédents, plus de 50 % de la valeur des actions, droits ou participations similaires provient, directement ou indirectement, par l'intermédiaire d'une ou de plusieurs entités interposées, d'un bien non mobile situé dans le pays L; Comme on l'a mentionné ci-dessus, il est possible de conjuguer la règle relative à la source à une règle sur les actifs imposables. La pratique, reprise par l'article 13(4) des modèles de convention fiscale de l'OCDE et de l'ONU, permet l'imposition de la totalité du gain lorsque la valeur de l'intérêt indirect est principalement (par exemple à plus de 50 %) générée par le bien non mobile local. Quand c'est le cas, on peut s'appuyer simplement sur la règle relative à la source (voir ci-dessus). Sinon, une règle sur les actifs imposables pourrait confirmer ce traitement en stipulant, de façon similaire, que la totalité du gain est imposable lorsque la valeur de l'intérêt indirect provient principalement (par exemple à plus de 50 %) d'un bien non mobile local. Cette règle pourrait aussi être conçue et rédigée de façon à appliquer une base proportionnelle (par exemple, en n’imposant que les plus-values attribuables à un actif non mobile local) ou une base au prorata modifiée lorsqu'un certain seuil serait atteint (par exemple 20 % de la plus-value proviennent d’un actif non mobile local plutôt que 50 % ou plus). Ainsi, le Kenya a adopté un mécanisme de ce type pour le secteur extractif. Quand on choisit un seuil inférieur, il convient généralement de n'imposer 65 Voir également Toledano et autres (2017) à propos de l’élaboration et la mise en œuvre du modèle 2. 66On suppose ici que le système fiscal du pays « source » est basé sur des normes internationales comme celles figurant dans les modèles de convention -- mais figurant dans la législation interne/les règles de source du revenu de ce pays. que sur une base proportionnelle. On trouvera à l'encadré 6 ci-dessous un échantillon de dispositions législatives nationales illustrant les deux approches. Encadré 7. Règle relative aux actifs imposables: imposition intégrale et au prorata (1) Le revenu imposable d'une personne physique comprend les plus-values provenant de la cession d'actions, de droits ou de participations similaires, si, à un moment quelconque au cours des 365 jours précédant la réalisation de ces plus-values, plus de 20 % de la valeur de ces actions, droits ou participations provient, directement ou indirectement, par l'intermédiaire d'une ou de plusieurs entités interposées, d'un bien non mobile situé dans le pays L. (2) En application de la sous-section (1), le montant de la plus-value à inclure dans le revenu imposable est, - (a) si les actions, les droits ou les participations similaires tirent ou ont tiré, à un moment quelconque au cours des 365 jours précédant la réalisation, plus de 50 % de leur valeur, directement ou indirectement, d'un bien non mobile situé dans le pays L, l'intégralité de la plus-value; (b) dans n'importe autre cas, le montant est calculé au moyen de la formule suivante: A × B/C où - A est le montant de la plus-value; B est la valeur des actions, des droits ou des participations similaires tirée, directement ou indirectement, d'un bien non mobile situé dans le pays L; et C est la valeur totale de l'intérêt. Il faudra tenir compte, lors de l'élaboration et de l'application de toutes dispositions législatives internes, des obligations résultant des conventions fiscales existantes. Toutefois, comme on l'a dit plus haut, le droit d'imposer les plus-values réalisées sur des transferts indirects à l'étranger qui proviennent principalement (par exemple à plus de 50 %) de biens non mobiles locaux est généralement préservé dans l'article 13(4) des modèles de convention fiscale de l'OCDE et de l'ONU. Tous deux permettent au pays « source » d'imposer les plus-values tirées de la cession de sociétés de portefeuille interposées à différents niveaux. Il importe que les dispositions législatives internes du pays source soient conçues et rédigées de façon à préserver ce droit d'imposer les intérêts concernés qui tirent plus de 50 % de leur valeur, directement ou indirectement, d'un bien non mobile situé dans le pays « source », comme le permettent les MCF. Une autre question se pose: la règle relative aux actifs imposables devrait-elle définir -- et éventuellement réduire -- la portée de l'intérêt devant être sujet à l'imposition? Il y a trois solutions: (i) imposer une obligation fiscale au titre de la cession de tous les intérêts (y compris ceux représentant moins qu'une proportion minimum de l'actif), tant que plus de la moitié de la valeur des intérêts cédés provient de cet actif ou (ii) n’imposer une obligation fiscale qu’au titre de la cession des intérêts les plus importants (représentant, par exemple, au moins 10 % de l'actif); et/ou (iii) mettre aussi en place un seuil minimum basé sur la valeur nominale des intérêts (par exemple en n'appliquant la règle qu'aux intérêts d'une valeur d'au moins 1 million de dollars). Si l'on adoptait un seuil calculé en pourcentage des intérêts, on pourrait envisager de le fixer à 10 % car il s'agit de la norme internationale employée pour faire la distinction entre les investissements passifs et les autres investissements. Ces seuils pourraient limiter les coûts de conformité et faciliter la gestion administrative. Toutefois, la règle établissant un seuil d'intérêts devrait être soigneusement rédigée de façon à préserver l'objectif de politique de ce seuil et à lutter contre les possibilités d'évasion fiscale au moyen de ventes échelonnées (c'est-à-dire en cédant plusieurs blocs d'actions, chacun représentant un intérêt inférieur à 10 %). Enfin, les pays pourraient prévoir, pour divers motifs, des exemptions à l'application de l'article 13(4) des MCF de l'OCDE et de l'ONU à certaines plus-values. Comme l'explique le Commentaire de l'article 13(4) du MCF de l'OCDE, ces exemptions pourraient porter sur les plus- values tirées de la cession: (i) d'actions de sociétés cotées en bourse; (ii) d'actions dans le contexte d'une réorganisation d'entreprise; (iii) d'actions dont la valeur provient de biens non mobiles dans lesquels des activités s'exercent; (iv) d'actions détenues par des fonds de pension; (v) de parts de petits investisseurs dans un fonds de placement immobilier. En outre, en cas de perte (au lieu d’un gain), elle pourrait être comptabilisée dans le pays L et soumise aux règles appropriées d’utilisation des pertes. Règles d'application/de recouvrement Dans le cadre de cette méthode, les non-résidents imposables dans le pays L seraient normalement tenus de faire une déclaration dans le pays L où le gain imposable en rapport avec le TIE est réalisé. Toutefois, on peut s'attendre à ce que cette obligation soit peu respectée. Même si l'administration fiscale du pays L dispose de certaines voies d'exécution (comme on l'a indiqué ci-dessus), il peut être difficile de les mettre en œuvre dans le cas de l'obligation fiscale d'un non résident (comparativement à celle d'un résident), notamment lorsque le produit de la vente ne se trouve plus dans le pays, ou n'y a jamais été, et s'il n'y a dans le pays « source » aucun autre actif directement détenu par l'entité étrangère effectuant le transfert pour satisfaire à l'obligation fiscale. Il faut donc concevoir, inscrire dans les textes et appliquer des mécanismes d'exécution et de recouvrement supplémentaires adaptés à ce type de situation. On peut également prévoir certaines protections juridiques pour appuyer les efforts d'exécution et de recouvrement de l'administration fiscale. Ces mesures pourraient consister à restreindre l'enregistrement, le renouvellement ou la validité des actifs concernés (par exemple les permis d'extraction) par les services administratifs d'enregistrement ou les autres entités chargées de l'enregistrement et de la délivrance de licences/de permis, à moins que les obligations de notification applicables aient été respectées et/ou que des preuves suffisantes aient été fournies pour démontrer soit qu'aucun impôt n'est dû, soit que l'impôt applicable a été payé ou encore que des dispositions satisfaisantes ont été prises pour le règlement de cet impôt. Retenue à la source Plusieurs pays recourent à un mécanisme de retenue à la source pour recouvrer l'impôt applicable au gain d'un cédant non résident. On peut concevoir et insérer un régime spécifique d'imposition à la source à appliquer aux paiements d'un cédant non résident. L'impôt retenu à la source peut représenter une partie ou la totalité de l'obligation fiscale (voire une estimation) du bénéficiaire du paiement. Il doit être retenu sur le paiement par le payeur et versé à l'administration fiscale du pays « source ». Un régime peut être conçu de façon à appliquer une retenue de l’impôt à la source par le payeur qui constitue une charge, finale ou non, pour le bénéficiaire du paiement. Une retenue à la source définitive représente l'obligation fiscale finale de la personne recevant le paiement qui fait l'objet d'une retenue. Ce régime fiscal est courant pour les paiements bruts de dividendes, d'intérêts ou de royalties à des non-résidents. En revanche, une retenue à la source non définitive est recouvrée en tant qu'une estimation de l'obligation fiscale finale du bénéficiaire. En général, celui-ci doit néanmoins faire une déclaration et régler le solde après avoir réclamé un crédit d'impôt égal à la retenue à la source (ou bénéficie d'un remboursement si celle-ci dépasse l'impôt dû). Habituellement, un régime de retenue à la source applicable aux TIE n'est pas conçu comme final. Ce système s'applique aux TIE dans de nombreuses juridictions, notamment les États- Unis, l'Inde, la Chine et l'Australie. On pourrait concevoir un régime de retenue à la source de telle sorte qu'il ne s'applique pas à certaines situations afin de limiter les coûts de conformité. Il pourrait s'agir, par exemple, des opérations inférieures à un seuil minimum prédéterminé (une possibilité mentionnée ci-dessus), de celles portant sur des titres cotés en bourse, et de celles pour lesquelles l'administration fiscale du pays L délivre un certificat confirmant qu'aucune retenue n'est nécessaire dans le cas particulier (par exemple parce que l'actif est cédé à perte, etc.). L'encadré 8 présente un échantillon de régimes de retenue à la source. L'adoption d'un régime de retenue à la source applicable aux TIE pose plusieurs problèmes. Si, par exemple, l'acquéreur est également un non résident – comme c’est en général le cas – des risques similaires de non-conformité apparaissent. Comme on l'a dit, la retenue à la source ne peut être recouvrée qu'en tant qu'estimation de l'obligation fiscale finale du vendeur (car il est peu probable que le montant effectif du gain de celui-ci soit connu de l'acquéreur); la retenue à la source accentue donc la contrainte de conformité pesant sur l'acquéreur (qui est assujetti à l'obligation de retenue à la source) et le vendeur (qui doit faire une déclaration et calculer le montant de l'éventuel solde ou remboursement après avoir réclamé un crédit d'impôt au titre de la retenue) — bien qu'elle puisse être gérable. Ainsi, on considère souvent que le risque de non- respect de l'obligation de retenue à la source dans le contexte des TIE (en particulier lorsque l'acquéreur est aussi un non résident) est limité par la probabilité qu'un tiers acquéreur prudent n'approuve pas ou ne facilite pas le non-respect de l'obligation fiscale du cédant (et soit donc plus susceptible de se conformer à son obligation de retenue à la source). En outre, l'absence de retenue à la source exposerait l'acquéreur à des pénalités et à une éventuelle saisie de l'actif local par l'administration fiscale, tout en procurant un gain providentiel au vendeur si l'acquéreur était dans l'incapacité de lui faire payer le montant de la pénalité. Ainsi, du fait du mécanisme de retenue à la source, l'acheteur a intérêt à s’assurer que le vendeur respecte son obligation fiscale liée à une opération. Encadré 8: règle d'application/de recouvrement – retenue à la source (1) Une personne doit effectuer une retenue à la source au taux prévu lorsque: (a) cette personne règle un montant à une autre personne (le bénéficiaire) au titre de l'acquisition d'actions, de droits ou de participations similaires, (b) et lorsque plus de 50 % de la valeur des actions, droits ou participations similaires mentionnés au paragraphe (a) provient, directement ou indirectement, par l'intermédiaire d'une ou de plusieurs entités interposées, d'un bien non mobile situé dans le pays L. (2) La personne chargée d'effectuer la retenue à la source doit en verser le montant à l'administration fiscale au plus tard le jour où elle devient propriétaire des actions, droits ou participations similaires, et doit faire une déclaration en bonne et due forme. (3) Si la personne chargée d'effectuer la retenue à la source conformément à cette section ne le fait pas, elle doit néanmoins payer l'impôt qui aurait dû être retenu de la même manière et au même moment. (4) Si la personne chargée d'effectuer la retenue à la source sur ce paiement, comme l'exige cette section, ne le fait pas- (a) le bénéficiaire et la personne chargée d'effectuer la retenue à la source sont conjointement et solidairement passibles du paiement de l'impôt à l'administration fiscale; (b) le bénéficiaire est redevable de l'impôt dès que la personne chargée d'effectuer la retenue à la source est devenue propriétaire des actions, droits ou participations similaires. (5) La personne qui effectue la retenue à la source conformément à cette section et paie l'impôt à l'administration fiscale est considérée comme ayant payé le montant retenu au bénéficiaire en cas de réclamation par celui-ci relative au paiement du montant retenu. (6) Si la personne chargée d'effectuer la retenue à la source conformément à cette section ne le fait pas, mais paie l'impôt qui aurait dû être retenu à l'administration fiscale conformément à la sous-section (3), elle est en droit de récupérer un montant égal auprès du bénéficiaire. (7) On considère que le bénéficiaire a payé tout impôt - (a) retenu sur le paiement conformément à cette section; ou (b) payé conformément aux sous-sections (3) ou (4). (8) Un bénéficiaire est en droit de réclamer un crédit d'impôt de montant égal à l'impôt considéré comme payé conformément à la section (7) pour l'année d'imposition pendant laquelle le paiement a eu lieu. Notification et imposition par un mandataire En l'absence d'adoption d'un régime de retenue à la source, on peut envisager deux autres mesures d'exécution et de recouvrement, afin de placer l'administration fiscale dans la meilleure position pour avoir connaissance de la cession et pouvoir ensuite calculer et recouvrer l'impôt. Il faut pour cela concevoir et imposer les deux obligations suivantes: (a) une obligation de notification/d'information; (b) une obligation de paiement par une entité située dans le pays « source » en tant que mandataire du non résident. L'obligation de notification/d'information n'est pas seulement importante pour établir l'imposition, mais aussi pour explorer d'autres possibilités de recouvrer tout impôt non réglé au titre du transfert, par exemple au moyen de l'Article sur l'assistance en matière de recouvrement de l'impôt des conventions fiscales applicables ou de la Convention multilatérale de l'OCDE sur l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale. En outre, l'imposition d'une obligation de paiement à une personne ou à une entité résidente, agissant comme mandataire du non-résident, permet à l'administration fiscale d'utiliser l'ensemble de ses instruments d'exécution contre ce résident. Des mécanismes législatifs de ce type ont été récemment adoptés au Kenya et aux Fidji pour l'industrie extractive. L'encadré 9 présente un échantillon de dispositions législatives. À titre indicatif, elles sont déclenchées par la détention d'intérêts, hors investissements de portefeuille, de 10 % ou plus. Encadré 9. Règle d'application/de recouvrement: notification et imposition par un mandataire d'intérêts ne concernant pas des investissements de portefeuille (1) La sous-section (3) s'applique lorsque le contrôle direct ou indirect d'une entité mentionnée à la sous-section (2) change de 10 % ou plus. (2) Une entité à laquelle la sous-section (1) s'applique est une entité pour laquelle, à un moment quelconque au cours des 365 jours précédant le changement concerné du contrôle direct ou indirect, plus de 50 % de la valeur des actions, droits ou participations similaires émanant de cette entité provient, directement ou indirectement, d'un bien non mobile situé dans le pays L. (3) Quand cette sous-section s'applique, l'entité: (a) doit immédiatement notifier, par écrit, le changement à l'administration fiscale; et (b) est responsable, en tant que mandataire du non résident cédant les intérêts auxquels se rapporte la notification mentionnée au paragraphe (a), du paiement de l'impôt dû par le non résident en vertu de la présente loi. (c) La sous-section (3)(b) ne s'applique pas à la cession d'actions cotées sur un compartiment officiel d'un marché boursier reconnu du pays L.* (d) L'impôt payé par l'entité agissant pour le compte d'un non résident conformément à la sous-section (3) s'impute en vertu de la présente loi à l'obligation fiscale du non résident. *Cette exclusion s'explique par le fait que les parties concernées ne sont probablement pas en mesure de conclure un accord juridique déterminant comment ils règleront au final l'impôt lorsque les actions sont cédées sur un marché boursier. Avantages et inconvénients du modèle 2 Les principaux avantages du modèle 2: • Il préserve davantage la distinction juridique entre l'entité détenant l'actif local et l'entité/la société de portefeuille mère. • Il préserve l'élimination de double imposition dans le pays de résidence du vendeur, car le vendeur est principalement passible du paiement de l'impôt dans le pays « source » au titre de la plus-value réalisée sur la vente. Les principaux désavantages: • Une moindre capacité administrative et de recouvrement de l'impôt dû, parce que la plus- value imposable est réalisée par le vendeur non résident (au lieu d'une entité locale dans le cadre du modèle de cession présumée) -- bien que cette capacité puisse être renforcée en recourant à un mécanisme de retenue à la source/de recouvrement par le mandataire. • La méthode du mandataire suppose que le propriétaire direct situé dans le pays L puisse toujours être informé d'une opération entraînant un changement de 10 % ou plus du contrôle sous-jacent de l'entité. • Il peut effectivement y avoir double imposition d'une cession postérieure d'intérêts dans les autres entités qui détiennent indirectement les actifs, car les actions, droits ou participations similaires dans ces entités ne sont pas relevés à leur valeur de marché. Toutefois, il s'agit d'une caractéristique commune à toutes les structures de contrôle à plusieurs niveaux, qu'elles soient nationales ou transfrontalières. • Dans ce modèle, même avec une législation interne appropriée, le droit d'imposition du pays « source » L pourrait (sauf dérogation à la convention) rester limité par une convention fiscale applicable si celle-ci n'incluait pas un article similaire à l'article 13(4) des MCF de l'OCDE et de l'ONU. Définition des biens « non mobiles » Dans toutes les méthodes précitées, il est essentiel de définir de façon appropriée les « biens non mobiles » pour pouvoir appliquer effectivement la règle d'imposition choisie ainsi que les règles associées de mise en exécution et de recouvrement de l'impôt. Une définition assez précise convient aux deux modèles et chacun d'entre eux peut avoir un champ d'application encore plus grand dans le cas où la définition est élargie pour couvrir une catégorie plus étendue que de coutume de « biens non mobiles ». L'encadré 9 ci-dessous présente un échantillon de définitions minimales de ces « biens non mobiles »: Encadré 10. Définition minimale des « biens non mobiles » Les « biens non mobiles » comprennent* une amélioration structurelle d'un terrain ou d'un bâtiment, un intérêt dans un terrain ou un bâtiment, un intérêt dans une amélioration structurelle d'un terrain ou d'un bâtiment, ainsi que: (a) un droit au bail sur un terrain ou un bâtiment; (b) un droit au bail sur une amélioration structurelle d'un terrain ou d'un bâtiment; (c) un droit d'exploration, de prospection, de développement ou un droit similaire portant sur un terrain ou un bâtiment, notamment le droit de prospecter des gisements de minerais, de pétrole, de gaz, ou d'autres ressources naturelles ainsi que le droit d'extraire, de développer et d'exploiter ces gisements ou ressources, sur le territoire national ou dans les eaux territoriales du pays L; ou (d) des informations relatives à un droit énoncé au paragraphe (c). * Cette définition a été établie de façon inclusive en partant de l'idée qu'elle engloberait dans le sens ordinaire de l'expression « biens non mobiles », toutes les notions traditionnelles relatives au foncier/à l'immobilier (par exemple les terrains, les bâtiments, les mines, etc.). On peut penser qu’il serait trop restrictif de limiter la définition des « biens non mobiles » aux notions traditionnelles de foncier bâti et non bâti prenant la forme de terrains et de bâtiments. Une définition aussi étroite ne suffirait pas pour que le pays L puisse déclencher son droit d'imposition sur les gains générés par les industries extractives, par exemple ceux tirés des permis de prospecter, de développer et d'exploiter des ressources naturelles situées dans le pays L. Il conviendrait donc que les pays envisagent de définir les « biens non mobiles » dans leur législation interne pour y inclure au moins: • le foncier bâti et non bâti (dans son sens le plus étroit); • les ressources minérales, pétrolières et les autres ressources naturelles; • les droits (comme ceux attachés aux licences/permis) de prospecter, de développer et d'exploiter des ressources naturelles ainsi que les informations relatives à ces droits. La définition des « biens non mobiles » donnée par la législation interne sera également importante pour l'application d'une convention fiscale. En effet, la règle de base des MCF de l'OCDE et de l'ONU est que le terme « biens non mobiles » a la signification figurant dans la loi interne (fiscale ou autre) de l'État contractant dans lequel est situé le bien. La définition minimale pourrait être encore étendue pour couvrir une catégorie élargie de « biens non mobiles » que le pays L pourrait juger approprié d’imposer. Comme on l'a dit plus haut, elle pourrait inclure, par exemple, les gains tirés de rentes spécifiques à un emplacement clairement liés à des actifs nationaux, tels que ceux tirés de licences d'exploitation de biens publics (par exemple l'électricité, le gaz ou d'autres services; les télécommunications, le spectre de radiofréquence et les réseaux).67 Encadré 10: définition élargie des « biens non mobiles » Les « biens non mobiles » comprennent … … (e) un droit octroyé par l'État ou pour le compte de l'État (qu'il figure ou non dans une licence) d'être un fournisseur ou un prestataire de: (i) biens (comme des matières radioactives); (ii) de services collectifs (comme l'électricité ou le gaz); ou (iii) d'autres services (comme les télécommunications, le spectre de radiofréquence et les réseaux), dans l'ensemble du pays L ou au sein d'une zone géographique à l’intérieur du pays L. On pourrait envisager d'élargir encore davantage la définition afin de couvrir les droits de recevoir des paiements variables ou fixes en rapport avec les droits des industries extractives ou les droits à caractère exclusif et territorial octroyés par l'État. Cela garantirait aussi que les gains postérieurs liés à ces droits sous-jacents attribués par l'État ou pour le compte de l'État du pays L resteraient également dans la base imposable du pays L. Toutefois, il est clair que le concept de rente spécifique à un emplacement est bien plus facile à concevoir d'un point de vue économique qu'à retranscrire en termes juridiques. Une réflexion plus approfondie est nécessaire à ce propos. En outre, il sera important qu’un pays se conforme à ses obligations de bonne foi quant à l’interprétation des conventions fiscales, s’il décide d’étendre sa définition des « biens non mobiles » lorsque des conventions fiscales existantes seront en vigueur. Certes, un pays peut modifier la définition d’un terme utilisé dans sa législation interne, qui est l’également dans les dispositions de conventions, mais sans être spécifiquement défini aux fins des conventions; néanmoins, les pays devraient s’assurer que toute modification ou extension soit compatible avec le contexte – et la position négociée – de leurs conventions fiscales existantes et susceptibles d’être 67Il est possible qu'une meilleure capacité à imposer les rentes générées par des restrictions de l'État ait un effet défavorable en encourageant la mise en place de ces restrictions. Il s'agit d'une préoccupation légitime et importante. Toutefois, cette incitation existe déjà: Auriol et Warlters (2005) constatent que les États à faible revenu tendent à créer des obstacles de façon à concentrer les bénéfices dans de grandes sociétés facilement imposables. Dans tous les cas, le principal problème pratique peut être d'assurer l’obtention de recettes lorsque l’attribution de ces droits sert à réguler les grands monopoles naturels. en vigueur lors d’une éventuelle modification ou extension. Il faudrait que les adhérents à ces conventions se consultent sur ce point. CONCLUSIONS Ce rapport et la boîte à outils concluent qu’il est approprié que les pays « sources » aient le droit d’imposer les TIE, au moins pour les actifs susceptibles d’incorporer, de façon principale et substantielle, des rentes spécifiques à un emplacement, notamment ceux considérés traditionnellement comme « non mobiles » (ils pourraient, par exemple, inclure, pour les ressources naturelles, à la fois les actifs physiques et les droits qui y sont associés ainsi que les droits relatifs à des licences de télécommunications ou à d’autres licences. En outre, c'est le cas, qu'un impôt équivalent au titre du transfert soit payé ailleurs ou non. Selon le raisonnement sur lequel repose cette conclusion, l’imposition pourrait s’appliquer non seulement en tant que dispositif anti-évasion pour lutter contre la « double non-imposition », mais constituer un aspect fondamental de la législation fiscale des pays. La justification de cette approche – qui, en fait, rendrait plus pertinente d’un point de vue économique celle adoptée à l’article 13(4) pour les deux modèles de convention fiscale– s’appuie sur plusieurs arguments. En termes d'équité, elle découle du droit généralement reconnu sur les transferts directs de biens non mobiles. En termes d'efficacité, c'est une solution de dernier ressort pour imposer les rentes spécifiques à un emplacement, ce que, surtout dans les pays à faible revenu, les autres instruments ne peuvent effectuer que de manière imparfaite, tout en assurant la neutralité entre les transferts directs et indirects. Finalement, cela répond aux pressions -- en cas de vente d'actifs nationaux importants – qui ont entraîné des mesures non coordonnées, préjudiciables à un fonctionnement efficace et consensuel du système fiscal international, et peuvent susciter une incertitude fiscale. Il ne s’agit pas de dire que les pays « sources » doivent toujours imposer les TIE. Ils peuvent avoir de bonnes raisons – en fonction, par exemple, de leurs capacités, de leurs besoins de recettes et de leur volonté d’attirer des investissements étrangers – de choisir ne pas le faire, comme c’est actuellement le cas de certains. Au vu des dispositions des deux MCF, le principe selon lequel on peut attribuer le droit d’imposer les plus-values générées par les TIE sur les « biens non mobiles » principalement au pays où ils se trouvent est largement accepté. En 2015, toutefois, l'article 13(4) ne figurait que dans quelque 35 % des conventions de double imposition et on le trouvait moins souvent lorsque l'une des parties était un pays à faible revenu bien doté en ressources naturelles. À ce jour, la Convention multilatérale a eu une incidence positive en faisant augmenter le nombre de conventions fiscales qui comprennent effectivement l'article 13(4) du modèle de convention fiscale de l'OCDE. On s'attend à ce que cet effet s'accentue, car de nouvelles parties pourraient décider de négocier ou de renégocier les conventions en se basant sur la formulation de cette disposition dans les MCF de 2017 de l'OCDE et de l'ONU, et/ou de signer le MC et de modifier leurs conventions fiscales visées pour intégrer la nouvelle formulation de l'article 13(4). Toutefois, le rapport souligne aussi le point suivant: que des conventions entrent ou non en jeu, ce droit d'imposition ne peut s'exercer sans une définition appropriée dans la législation interne des actifs à imposer et sans une base légale interne pour faire valoir ce droit. On a présenté dans le texte des échantillons de ce type de règle. Dans ce contexte se pose la question cruciale de la définition appropriée du concept de bien « non mobile ». D'un point de vue économique ou même administratif, il n'est pas particulièrement significatif. Selon notre analyse, une méthode conceptuelle plus utile consiste à recenser et à inclure dans la définition les actifs dont la valeur provient en grande partie de rentes spécifiques à l’emplacement. Il serait certes préférable d'imposer directement ces rentes -- comme on le conseille habituellement aux pays -- mais les imperfections de la conception et de l'application des impôts en question peuvent laisser subsister une utile fonction de dernier ressort pour taxer les revenus liés à l'augmentation de la valeur des rentes. Selon cette approche d'inspiration économique, on pourrait utiliser une définition étendue des biens non mobiles pour englober une large gamme de transferts liés à des droits accordés par l'État et susceptibles de générer des revenus substantiels. La question pratique centrale posée par les TIE est l'application de l'imposition par le pays où se situe l'actif — les dispositions sur ce point doivent être rédigées soigneusement. Le rapport présente les deux principales méthodes pour le faire -- qui sont très différentes d'un point de vue juridique. L'une de ces méthodes considère un TIE comme une cession présumée de l'actif sous-jacent. L'autre considère que le transfert est opéré par le vendeur effectif, à l'étranger, mais que le gain tiré de ce transfert a pour origine le pays « source » -- ce qui permet à celui-ci de l'imposer. Pour les deux méthodes, ce rapport a présenté des échantillons de rédaction simplifiée de la législation interne du pays « source ». Les réponses des pays aux problèmes posés par les TIE sont très différentes . Les mesures prises diffèrent à la fois quant à la nature des actifs visés (biens non mobiles, dans une définition étroite ou large; autres actifs tels que les télécommunications; actifs incorporels, comme les actions émises par une société résidente mais détenues par un non résident fiscal) et quant aux modalités juridiques de l’imposition. Une approche plus uniforme, coordonnée et cohérente de l’imposition des TIE, dans laquelle les pays choisiraient de les imposer, pourrait beaucoup contribuer à la cohérence des accords fiscaux internationaux et au renforcement de la certitude fiscale . L’objectif de ce rapport est d’aider à progresser dans cette voie. Appendice A. Consultations Le premier projet de rapport a été diffusé en version anglaise, française et espagnole afin de susciter des commentaires publics d’août à fin d’octobre 2017. Pendant cette période, un grand nombre de remarques écrites, émanant de 18 organisations du secteur privé, de groupes représentatifs de la société civile, de gouvernements et de personnes, ont été reçues et communiquées sur la plateforme en ligne: BIAC Comité consultatif économique et industriel auprès de l’OCDE BMG Groupe de suivi de l'érosion de la base d'imposition et du transfert des bénéfices (un consortium de 7 organisations de la société civile) CBI Confédération de l’industrie britannique (Londres) ICC Chambre de commerce internationale Chine Administration fiscale de la République populaire de Chine Deloitte (Londres) Inde Gouvernement ITIC International Tax and Investment Center (États-Unis et autres) Jubilee USA Alliance de 700 associations religieuses (États-Unis) KPMG KPMG International (Royaume-Uni) Philip Baker (Royaume-Uni) PwC PricewaterhouseCoopers International Limited (Londres) Repsol (Espagne) Sergio Guida CPA (Italie) SVTDG Association des fiscalistes de la Silicon Valley (États-Unis) TEI Tax Executive Institute (États-Unis) TPED Économistes du développement spécialistes des prix de transfert (Paris et Vienne) USCIB United States for International Business (États-Unis) Appendice B. Comparaison entre les transferts directs et indirects68 Supposez que l’actif sous-jacent ait un prix de marché (par souci de simplicité) lorsqu’il est acquis par le propriétaire initial, un prix pendant la période 1 et pendant la période 2. Si le propriétaire cède l’actif lui-même pendant la période 1, cela génère un revenu net d’impôt sur les plus-values dans le pays « source » taxé à un taux G, de Le propriétaire pourrait aussi céder les actions de la société qui possède l’actif sous-jacent pendant la période 1, ce qui rapporterait un revenu, en faisant l’hypothèse que les actions aient une valeur initiale nulle, de où Z est le taux d’imposition appliqué à l’opération sur les actions dans la juridiction où la société cédée est résidente. Pour déterminer le prix des actions , supposez que, pendant la période 2, l’acquéreur vende l’actif sous-jacent, ce qui entraîne une imposition dans le pays « source », cède les actions de la société acquise au prix et rembourse (en déduisant les intérêts au taux d’imposition T sur la dette contractée pour se financer). Cela donne un flux de trésorerie net pour l’acquéreur, pendant la période 2, de69 où R représente le taux d’intérêt avant impôt. En le fixant à zéro et en faisant l’hypothèse que la société n’ait pas d’autres actifs sous-jacents, de sorte que , le montant le plus élevé que l’acquéreur est prêt à payer est 68 L’analyse effectuée ici est motivée par celle de Kane (2018) et l’affine dans une certaine mesure. 69 On notera qu’il n’y pas de relèvement de la base d’imposition de l’actif sous-jacent du fait de la cession d’actions. Par souci de simplicité, on suppose que les taux d’imposition des plus-values sur les cessions initiale et ultérieure sont les mêmes. En substituant (2) à (4), les recettes nettes d’une cession indirecte au cours de la période 1 sont donc Comparativement à (1), la cession indirecte rapporte donc davantage au propriétaire initial de l’actif sous-jacent que la cession directe si et seulement si: ce qui se réduit à la condition Ce résultat appelle quelques observations: • Le taux d’imposition de la plus-value sur la cession de l’actif sous-jacent, , n’est pas pertinent dans la comparaison. C’est la contrepartie du fait, souligné dans le texte, que le problème pour le pays « source » (par rapport à la plus-value sur l’actif sous-jacent) est essentiellement d’ordre temporel, étant donné que l’impôt sera payé à un certain moment.70 • Si le prix de l’actif sous-jacent augmente au taux d’intérêt avant impôt R, le propriétaire initial ne fait pas de différence entre les possibilités de vente directe ou indirecte immédiate si et seulement si , ce qui signifie que les plus-values sur les actions sont imposées et que les intérêts sont déductibles au même taux. • Si aucun impôt n’est redevable au titre des plus-values tirées d’opérations sur des actions ( ) et si le taux d’augmentation du prix de l’actif sous-jacent est égal au taux général de l’inflation, l’investisseur préfère la cession indirecte tant que le taux d’intérêt réel après impôt est strictement positif. 70Kane (2018) fait observer l’analogie avec la théorie du piège des fonds propres pour l’imposition des dividendes présentée dans __. Appendice C. Exemples de pratiques nationales Les méthodes employées par les pays pour imposer les transferts indirects à l’étranger (TIE) sont très différentes. De nombreux pays de l’OCDE suivent naturellement leur modèle de convention fiscale (MCF) mais pas tous. La démarche du Mexique, par exemple, est plus proche du MCF des Nations Unies : le pays impose les plus-values réalisées par des résidents étrangers sur le transfert d’actions émises par des entreprises nationales, quel que soit le lieu où le droit est transmis, si plus de 50 % de la valeur de ces actions proviennent de biens non mobiles situés au Mexique71. D’autres pays s’écartent du MCF de l’OCDE et des Nations Unies. Les États-Unis, le Pérou et la Chine, pour ne citer qu’eux, illustrent cette diversité. À titre d’exemple, le transfert dans le cas de l’opérateur Zain décrit dans l’Encadré 3 (p. 23) ne serait pas imposé aux États-Unis mais le serait au Pérou et pourrait l’être ou non en Chine. A. États-Unis: Cessions de biens non mobiles détenus par des investisseurs étrangers aux États-Unis Lacunes d’un modèle d’imposition selon le principe unique de la résidence À l’origine, l’impôt sur le revenu aux États-Unis partait du principe que, en l’absence d’une activité commerciale ou industrielle aux États-Unis, les bénéfices industriels et commerciaux des résidents étrangers devaient être imposés sur leur lieu de résidence, défini dans le cas des particuliers par un critère de présence physique (au moins 183 jours pendant 12 mois consécutifs). La loi a toutefois autorisé de nombreuses possibilités pour éviter l’impôt sur les plus-values aux États-Unis en cas d’activité commerciale ou industrielle sur le territoire. À titre d’exemple, la date du paiement en cas de vente d’un actif pouvait être fixée postérieurement à la liquidation de l’entité exerçant l’activité commerciale ou industrielle aux États-Unis, si bien que la plus-value était réalisée à un moment où le résident étranger n’avait aucun lien avec une activité aux États-Unis. En outre, les résidents étrangers pouvaient échanger le bien non mobile aux États-Unis contre un autre bien du même type à l’étranger et cette opération n’était pas considérée comme la réalisation d’une plus- value 72 . À l’inverse, le résident étranger pouvait détenir les biens d’une société nationale (ou étrangère) et vendre les actions de cette société en lieu et place des biens sous-jacents. En d’autres termes, il pouvait échapper à l’impôt à travers une vente indirecte (sur le territoire ou à l’étranger)73. Les groupes de pression agricoles 71 Ley del ISR (Mexique), art. 161. 72 Brown (2004), p. 297. 73 Petkun (1982), p. 13. Un élément particulièrement préoccupant tient au fait que les investisseurs étrangers pouvaient avoir un statut fiscal de résident pendant la phase opérationnelle de l’activité, bénéficier d’un régime fiscal sur la base du résultat net durant cette période, ce qui réduit le bénéfice imposable (via des déductions de dépenses), et passer à un statut fiscal de non-résident au moment de la vente de l’actif dont la valeur a augmenté, évitant ainsi l’impôt sur les plus-values à ce stade74. En supposant que les investisseurs étrangers versaient un impôt sur les plus-values nul (ou faible) à l’étranger sur la vente du bien aux États-Unis, ils profitaient d’un avantage par rapport aux entités américaines. Les groupes de pression agricoles aux États-Unis ont présenté cet argument avec force à la fin des années 70 75 en soutenant que «… les investisseurs étrangers dans les terres agricoles des États-Unis obtenaient des allégements fiscaux si intéressants qu’ils pouvaient souvent se permettre de surenchérir sur les agriculteurs américains qui souhaitaient agrandir leurs exploitations»76. La National Farmers Union s’est montrée particulièrement préoccupée par les conventions fiscales qui offraient des possibilités supplémentaires pour échapper à l’impôt sur les plus-values. Par exemple, la convention renégociée avec le Royaume-Uni à l’époque contiendrait selon elle «… une disposition qui encouragerait une évasion massive au titre de l’impôt sur le revenu par les intérêts étrangers qui achètent et vendent du pétrole, des céréales et des produits de base ou qui investissent dans les terres agricoles aux États-Unis»77. Le problème qui se pose est que la convention empêchait les États-Unis d’imposer les investisseurs étrangers sur la plus-value tirée de la cession d’actifs en capital américains78. Imposition aux États-Unis des plus-values réalisées par les non-résidents L’actuelle loi sur l’investissement étranger dans l’immobilier (FIRPTA) a été adoptée en 1980 pour faire disparaître l’avantage concurrentiel dont bénéficieraient les investisseurs étrangers sur le marché immobilier des États-Unis79 . Conformément à cette loi, les étrangers non-résidents ne pourront plus éviter l'impôt sur les plus-values aux États-Unis prélevé en cas de vente directe d’un bien non mobile dans le pays. La loi définit ainsi les biens non mobiles : les mines, puits et autres gisements naturels, la propriété foncière (ou la mise en valeur des terres) et les options pour acquérir des terrains80. Elle taxe la vente de tous les droits de nature immobilière (DNI) détenus 74 La valeur de l’actif pouvait sans doute intégrer les bénéfices comptables non distribués. 75 Petkun (1982), p. 14. 76 Spokane Daily Chronicle, 8 mai 1978. Cf. aussi Brown (2004), p. 298. 77Invoquant un document de travail non publié par le ministère de l’Agriculture des États-Unis, l’article expliquait que, par exemple, un «… investisseur allemand a souvent l’avantage d’échapper à l’ensemble des impôts sur les plus-values et ne renonce pas au privilège d’être traité à l’égal des contribuables américains sur d’autres aspects». Cela signifie que l’investisseur allemand n’était pas imposé sur ses recettes d’exploitation brutes s’il avait été considéré en permanence comme un investisseur étranger passif. Spokane Daily Chronicle, 8 mai 1978. 78 Petkun (1982), p. 27. 79 Principale disposition de la loi FIRPTA : IRC, S 897. 80 On notera qu’aux États-Unis les propriétaires fonciers détiennent aussi ce qui se trouve sous leurs terrains. directement aux États-Unis, y compris ceux qui sont détenus par des résidents étrangers, pas seulement ceux pour lesquels le contribuable a bénéficié d’une imposition sur une base nette81. En revanche, la loi n’englobe pas les actions négociées régulièrement sur un marché des val eurs mobilières en place, quel que soit le pourcentage de leur valeur pouvant être représenté par des actifs non mobiles américains82. La loi FIRPTA taxe les plus-values tirées de la cession des DNI aux États-Unis définis ci-dessous : 1. Participations directes dans des biens non mobiles situés aux États-Unis; 2. Participations dans une société nationale qui détient de nombreux biens non mobiles aux États-Unis83; 3. Participations dans des partenariats, fiducies ou biens nationaux ou étrangers avec des biens non mobiles aux États-Unis. En outre, la loi FIRPTA a prévalu sur les conventions qui exonèrent les résidents étrangers d’un impôt sur les plus-values sur leurs DNI aux États-Unis dans l’un de ces trois cas de figure84. La loi FIRPTA ne modifie pas le principe de base qui régit l’imposition des non-résidents aux États-Unis : toutes les plus-values (et moins-values) tirées des cessions de DNI détenus directement aux États- Unis sont considérées comme un revenu en lien réel avec une activité aux États-Unis et l’investisseur étranger qui cède un DNI aux États-Unis est réputé exerçant une activité dans le pays et donc imposé en conséquence. Fait important cependant, une société étrangère peut détenir un bien non mobile aux États-Unis et la cession de ses actions par un investisseur étranger n’est pas soumise à l’impôt aux États-Unis. La loi FIRPTA ne concerne pas les ventes indirectes à l’étranger de biens non mobiles détenus par une société étrangère aux États-Unis85. Effet indirect de la loi FIRPTA sur les investisseurs étrangers D’après certains analystes, le fait que les investisseurs non-résidents ne soient pas imposés sur les plus-values tirées de la cession d’actions d’une société étrangère détenant des biens non mobiles aux États-Unis ne signifie pas que la loi FIRPTA présentait une lacune86. L’argument correspond à ce qui est dit dans le texte à propos des conséquences des OIT sur les recettes fiscales et analysé de façon plus approfondie à l’appendice B : la cession d’une société de portefeuille étrangère qui 81 Brown (2004), p. 305. 82 Petkun (1982), p. 21. 83Par définition, une «société holding immobilière» détient des biens non mobiles en majorité, qui sont évalués au prix du marché. 84 Au départ 4 ans après l’adoption de la loi FIRPTA en 1980, avant que l’article 13 (4) ne soit ajouté dans le MCF. 85 Petkun (1982), p. 23; cf. aussi Doernberg (2012), p. 112. 86 Petkun (1982), p. 23. détient des DNI dont la valeur a augmenté aux États-Unis sans payer l’impôt sur les plus-values correspondant transfère l’aléa fiscal à l’acquéreur, qui héritera de la base de coûts initiale de l’actif sous-jacent. Dans l’hypothèse où cet actif est, à terme, cédé directement sur le marché local lors d’un transfert ultérieur, l’acquéreur actualisera en conséquence le prix des actions étrangères représentant la propriété indirecte des DNI aux États-Unis. Selon l’analyse effectuée à l’appendice B, le cédant initial ne fera absolument aucune différence entre la cession directe ou indirecte de la société américaine à un non résident qu’en cas de configurations particulières de la fiscalité et d’autres paramètres. Sachant que la capacité des sociétés étrangères à transférer des DNI aux États-Unis sans comptabiliser la plus-value imposable est restreinte, l’acquéreur des actions étrangères payera un prix moins élevé pour tenir compte du futur impôt exigible; «cet ajustement du prix, s’il a lieu, se traduira par le prélèvement de l’impôt sur le revenu aux États-Unis sur le vendeur indirectement»87. Pour reprendre les mots d’un autre analyste, «… si la vente d’actions d’une société étrangère détenant des biens non mobiles aux États-Unis n’est pas imposable en vertu de la loi FIRPTA, le vendeur étranger peut devoir supporter un impôt indirect en raison d’un prix de vente réduit pour tenir compte du futur impôt à payer par la société»88. B. Pérou Après la controverse autour de Petrotech (décrite dans l’Encadré 2), le Pérou a voté une loi taxant l’ensemble des TIE, pas uniquement ceux dont la valeur provient de biens non mobiles situés au Pérou. La vente d’une participation dans une société non-résidente dont la valeur découle pour au moins 50 % des actions de sociétés résidentes au Pérou sera imposée dans le pays. Au moins 10 % des actifs de la société mère résidente doivent être cédés pour que l’impôt soit applicable89, de sorte que les ventes réalisées par des investisseurs individuels à l’étranger ne seront pas concernées. Encadré A.1 : Loi péruvienne relative à l’impôt sur le revenu sur les ventes indirectes d’actifs à l’étranger Art. 10.- «… est aussi considéré comme un revenu tiré d’une source péruvienne : e) Le revenu tiré de la vente indirecte d’actions ou de participations représentant le capital de personnes morales qui résident au Pérou. Une vente indirecte a lieu lorsque les actions ou participations représentant le capital d’une personne morale non-résidente qui, pour sa part, 87 Petkun (1982), p. 23. 88 Brown (2004), p. 299. 89 La première condition a été instaurée avec la Loi n° 29663 de février 2001; la deuxième avec la Loi n° 29757 de juillet 2011. Les conventions de double imposition peuvent prévaloir sur la législation nationale péruvienne taxant les TIE. détient – directement ou via un ou plusieurs intermédiaires – des actions ou participations représentant le capital d’une personne morale qui réside au Pérou, si … dans le même temps … 1. Au cours de l’un des douze mois précédant la vente, la valeur de marché des actions … de l’entité résidente … représente … au moins cinquante pour cent de la valeur de marché de toutes les actions … de l’entité non-résidente. …………….. 2. Au cours d’une période de douze mois, les actions vendues par le non-résident … représentent au moins dix pour cent du capital de l’entité non-résidente. Une vente indirecte intervient aussi lorsqu’une entité non-résidente émet de nouvelles actions … résultant d’une augmentation du capital souscrit, de nouvelles contributions au capital … ou d’une restructuration qui diminue leur valeur en dessous de la référence du marché. Dans tous les cas, lorsque les actions vendues ou les nouvelles actions émises … sont la propriété d’une entité qui réside dans un pays à faible fiscalité; l’opération sera assimilée à une vente indirecte.» C. Chine La méthode employée par la Chine pour imposer les plus-values sur les transferts d’intérêts diffère car elle s’apparente à un dispositif anti-évasion. La règle générale est la suivante : la plus-value tirée de transferts directs d’actifs situés en Chine est imposée à un taux de 25 % et les transferts indirects à l’étranger sont imposés au même taux lorsqu’ils concernent la vente de biens non mobiles situés en Chine. Dans d’autres cas, le droit d’imposition sur le transfert indirect de prises de participation a pour source l’implantation de l’entreprise qui investit. Cela signifie qu’une entreprise non-résidente détenant une autre société de portefeuille non-résidente, qui pour sa part investit dans une société chinoise, ne sera pas imposée en Chine sur la plus-value tirée du transfert d’actions de la société de portefeuille; la source de la plus-value correspond à la localisation de la société de portefeuille90. Cependant, si la société de portefeuille se situe dans un pays où, soit la pression fiscale réelle est inférieure à 12,5 %, soit les revenus obtenus à l’étranger ne sont pas imposés, l’administration fiscale chinoise peut faire abstraction de la société de portefeuille étrangère et requalifier le transfert indirect en transfert direct si elle établit que la transaction réalisée à l’étranger n’a pas d’autre objectif commercial raisonnable que d’échapper à l’impôt chinois91. 90 Règle définie à l’origine dans l’Avis n° 698 du 10 décembre 2009 et remplacée par l’Avis public (2015) 7. 91Article 47 de la Loi relative à l’impôt sur les bénéfices des entreprises. Des exceptions sont prévues par exemple en cas de vente d’actions sur le marché boursier. Les facteurs qui déterminent si une transaction ne remplit pas le critère d’objectif commercial raisonnable sont, par exemple, les suivants : i) si la valeur de l’actif transféré directement provient pour au moins 75 % (directement ou indirectement) de biens chinois non mobiles imposables; ii) si l’entreprise non-résidente n’exerce pas d’activités importantes et ne prend pas de risques substantiels; l’impact fiscal du transfert indirect dans le pays étranger est moindre que l’impôt chinois dû si la cession avait été opérée directement92. La stratégie de la Chine en matière de transferts indirects d’actifs est relativement défensive et discrétionnaire. Elle taxe les TIE lorsqu’elle juge qu’ils ont été organisés en vue d’échapper à l’impôt chinois tout en n’étant pas imposés de manière proportionnée par un autre pays. 92 Wei (2015). APPENDICE D. L’ARTICLE 13.4 EN PRATIQUE — UNE ANALYSE EMPIRIQUE Cet Appendice décrit et étudie la présence ou l’absence de l’Article 13.4 dans (ce qui constitue pour l’essentiel l’univers des) conventions de double imposition (CDI) en 201593. Il se penche aussi sur les caractéristiques des pays qui influent sur la probabilité d’intégrer cette disposition dans une CDI. Données et variables L’analyse porte sur 3.046 CDI, soit pratiquement l’ensemble de l’univers des CDI actives en 2015. Parmi elles, 2 979 ont été obtenues auprès du Bureau international de documentation fiscale (IBFD), le reste provenant de recherches sur Internet ou de la base de données sur les conventions fiscales d’ActionAid94. Environ 35 % de ces conventions (973) comportent une disposition qui habilite le pays d’origine à imposer les plus-values tirées de la cession du capital social d’une entité dont la propriété se compose directement ou « indirectement » et principalement de biens non mobiles. (Toutefois, nous ne sommes pas en mesure d’établir une distinction significative entre l’adoption des versions des Nations Unies et de l’OCDE). En outre, quelque 35 % des conventions qui touchent au moins un pays riche en ressources naturelles incluent l’Article 13.4 tel que défini dans cette partie (291 conventions sur 834) (Graphique A1). Par ailleurs, environ 38 % des conventions qui impliquent au moins un pays à faible fiscalité comportent l’Article 13.4 (Graphique C.1). Dans la modélisation de la probabilité de la présence de l’Article 13.4 dans une convention (à condition qu’une telle convention existe), nous utilisons les variables suivantes (la synthèse des statistiques figure dans le Tableau C.1) : • Article 13.4, la variable dépendante, est une variable muette qui prend la valeur un si une CDI comporte l’Article 13.4 et le mot «indirectement» (en utilisant la version des Nations Unies ou de l’OCDE ou des variantes similaires) et zéro dans les autres cas. • Riche en ressources naturelles à faible revenu est une variable muette qui prend la valeur un si au moins un pays signataire est un pays riche en ressources naturelles à faible revenu ou à revenu intermédiaire (tranche inférieure) (suivant la définition de la classification des 93Si une convention contient cette disposition, elle figure bien sûr dans certains cas sous un numéro différent dans la convention (par exemple 13.2, 13.5 ou 14.4). Il faut en outre souligner que, dans cette analyse, si une disposition sur le traitement des plus-values tirées de biens non mobiles figure dans une CDI mais n’emploie pas précisément le mot « indirectement », elle n’est pas dénommée Article « 13.4 ». 94 À l’adresse http://www.ictd.ac/datasets/action-aid-tax-treaties-datasets. revenus de la Banque mondiale et si les recettes tirées des ressources naturelles dépassent 10 %). • IPVi – IPVj est la différence (en valeur absolue) entre les taux de l’impôt sur les plus-values des pays. Si le code des impôts d’un pays établit une distinction entre l’IPV aux fins de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, nous utilisons l’IPV relatif aux sociétés. Les sources sont les rapports par pays publiés par Ernst and Young et Deloitte. En cas d’écart d’IPV plus important, l’utilisation d’une CDI pour l’optimisation fiscale devient plus intéressante. • Faible fiscalité est une variable muette qui prend la valeur un si le pays applique une fiscalité faible au sens où il figure dans la liste de Hines et Rice (1994). Il existe 454 CDI qui intéressent ces pays (soit près de 1/6 du total)95. • Faible fiscalité × À faible revenu Res. est un terme d’interaction entre Riche en ressources naturelles à faible revenu et Refuge. Cette variable nous permet d’évaluer si le rôle des pays à faible fiscalité dépend du niveau de revenu du pays partenaire. L’idée est que Faible fiscalité peut avoir un impact sur Article 13.4 seulement si (c’est-à-dire subordonné à l’observation que) un pays signataire est un pays à faible revenu mais pas si ce pays est une économie développée. Que cela puisse ou non être le cas est au final une question empirique. • Année est l’année de signature de la convention. Il s’agit pour l’essentiel d’une variable tendancielle couvrant la période entre 1947 et 2015. Tableau D.1 : Statistiques descriptives VARIABLES N Moyenne Écart-type Min. Max. Article 13.4 3.046 0,319 0,466 0 1 Année 3.046 1997 12,51 1947 2015 IPVi – IPVj 2.993 11,05 8,512 0 35 Faible fiscalité 3.046 0,149 0,356 0 1 Riche en ressources naturelles à 3.044 0,105 0,306 0 1 faible revenu 95 Cette liste comprend 50 pays : Andorre, Anguilla, Antigua-et-Barbuda, Antilles néerlandaises, Aruba, Bahamas, Bahreïn, Barbade, Belize, Bermudes, îles Caïmans, Chypre, îles Cook, Costa Rica, Djibouti, Dominique, Gibraltar, Grenade, Guernesey, Irlande, île de Man, Jersey, Jordanie, Liban, Libéria, Liechtenstein, Luxembourg, Macao, Maldives, Malte, îles Marshall, Maurice, Micronésie, Montserrat, Nauru, Niue, Panama, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint- Marin, Saint-Martin, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Sainte-Lucie, Samoa, Singapour, Suisse, Tonga, îles Turques et Caïques, Vanuatu et îles Vierges (britanniques). Faible fiscalité × À faible revenu 3.044 0,00591 0,0767 0 1 Res. Analyse et résultats Le Tableau A2 présente les résultats des estimations issus de deux modèles utilisant Article 13.4 comme variable dépendante : un modèle de probabilité linéaire (MPL) dans les colonnes (1) à (3) et un modèle logit dans les colonnes (4) à (6). Les résultats, qui figurent dans le Tableau C.2, sont analysés dans le texte. Tableau D.2 : Probabilité d’inclure l’Article 13.4 dans une CDI, résultats des estimations (1) (2) (3) (4) (5) (6) Variable dépendante Article 13.4 Modèle MPL Logit Riche en ressources -0,0592** -0,0593** -0,0657** -0,065** -0,064** -0,079*** naturelles à faible revenu (0,026) (0,026) (0,0276) (0,027) (0,027) (0,027) IPVi-IPVj 0,0030*** 0,0042*** 0,0021** 0,0037*** (0,000) (0,000) (0,0009) (0,001) Faible fiscalité -0,133*** -0,164*** (0,024) (0,024) Faible fiscalité × Riche en ressources naturelles à -0,162* -0,164 faible revenu (0,084) (0,146) Année 0,0136*** 0,0135*** 0,0141*** 0,017*** 0,016*** 0,017*** (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) Constante -26,88*** -26,76*** -27,80*** -180,5*** -177,4*** -195,8*** (1,063) (1,072) (1,092) (9,628) (9,609) (10,64) Observations 3.044 2.971 2.971 3.044 2.971 2.971 R2 0,134 0,135 0,146 Les erreurs types robustes sont entre parenthèses. *** p<0,01, ** p<0,05, * p<0,1 Comme les coefficients estimés dans les modèles non linéaires ne peuvent pas être interprétés comme des effets marginaux, les colonnes (4) à (6) présentent les effets marginaux (sauf pour la constante). Graphique D.1 : Article 13.4 dans les CDI avec les pays riches en ressources naturelles ou les pays à faible fiscalité Pays riches en resource naturelles Pays pauvres en ressources naturelles 800 2000 Nombre cumulé de traités Nombre cumulé de traités 600 1500 400 1000 200 500 0 0 1947 1957 1967 1977 1987 1997 2003 2009 2014 1947 1957 1967 1977 1987 1997 2003 2009 2014 ONU, OCDE ou version comparable de l'art. 13.4 Total ONU, OCDE ou version comparable de l'art. 13.4 Total Pays à faible fiscalité Hors-pays à faible fiscalité 2500 600 2000 Nombre cumulé de traités Nombre cumulé de traités 400 1500 1000 200 500 0 0 1947 1957 1967 1977 1987 1997 2003 2009 2014 1947 1957 1967 1977 1987 1997 2003 2009 2014 ONU, OCDE ou version comparable de l'art. 13.4 Total ONU, OCDE ou version comparable de l'art. 13.4 Total BIBLIOGRAPHIE Arnold Brian J. and Michael J, McIntyre, 1995, International Tax Primer (Den Haag, The Netherlands: Kluwer Law). 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