Property of TISD Library Return to Room 06-062 French UNE POLITIQUE DEMOGRAPHIQUEMONDIALE POUR PROMOUVOIR LE D~VELOPPEMENTHUMAIN AU XXle SI~CLE, EN PARTICULIEREN AFRIQUE SUBSAHARIENNE Par Robert S. McNamara Coalition mondiale pour I'Afrique T I S D Kampala, Ouganda WB Mai 1992 SPE I992 Fre UNE POLITIQUE DEMOGRAPHIQUE MONDIALE POUR PROMOUVOIR LE DEVELOPPEMENTHUMAIN AU XXle SIECLE, EN PARTICULIER EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE Par Robert S. McNarnara Coalition mondiale pour I'Afrique Kampala, Ouganda Mai 1992 Table des matieres Preface v I Introduction 1 II Les consequences d'une croissance demographique rapide 3 Ill Accroissement de la population passe et projete 4 IV Rapport entre I'accroissement de la population et u n developpement soutenable 6 Perspectives de rbduction de la dbgradation de I'environnernent 8 La terre et I'eau 9 Les for@ts 12 Energieet changements climatiques 13 Conclusions sur les seuils soutenables 15 V La croissance demographique et ses liens avec le developpement economique et le recul de la pauvrete 17 VI Impact des taux de croissance demographique actuels sur le statut des femmes et des enfants 20 VII Incidences negatives de taux de fecondite eleves pour la politique en matiere de population 23 Vlll Urgence d'une action immediate 24 IX Un programme pour ralentir la croissance demographique 28 X Besoins de financement 32 XI S'organiser pour executer le programme 33 XI1 Programme propose pour accelerer la baisse des taux de croissance demographique en ASS 34 iii Xlll Conclusion 38 Tableaux I lndicateursde base II Population et taux de croissancedkmographique : Donnks retrospectiveset actuelles Ill Projectionde la population par pays IV Taux de fkonditk et emploi de contraceptifsdans les pays en developpement V Nombre moyen idkal d'enfants chez les femmes marikes VI Evaluation des programmesde planningfamilial dans les pays en developpement VII Sources d'aide exterieureaux activites en matiere de population - 1989 Glossaire Remerciements Preface Le Cornitb consultatif de la Coalition rnondiale pour I'Afrique a inscrit a I'ordre du jour de sa rbunion des 8 et 9 rnai 1992 a Kampala (Ouganda) une discussion des tendances de la fecondite en Afrique subsaharienneetdeleursincidencessurlesfuturs progresckonorniques et sociaux. A sa dernande, j'ai preparb cet expos6 pour fournir des themes de discussion lors de la rkunion de Kampala. II s'agit d'une version rernaniee de I'allocution que j'ai prononcke a la rnkrnoire de Rafael M. Salas aux Nations Unies le 10 dkernbre 1991. A ma connaissance,aucun problerne n'influe autant sur le dbveloppernent hurnain dansla rbgion que I'actuelleexplosiondernographique. Celle- ci doit @trernaitrisbeet le prbsent document prksente un programme pour y parvenir. II va sans dire qu'au stade actuel, je suis le seul responsable de sa teneur. Robert 5. McNarnara Washington Mai 1992 Une politique demographique mondiale pour promouvoir le developpementhumain au XXle sikle, en particulier en Afrique subsaharienne I.Introduction Dansla premiereallocution quej'ai prononceeen septernbre 1968en qualit6 de President de la Banque rnondiale devant les rninistresdes finances du rnonde entier reunisa I'occasionde I'Assernbleeannuelle dela Banqueet du Fondsrnonetaireinternational, j'ai declarequecc La croissance dernographique rapide constitue I'un des plus grands obstacles au developpernent econornique et au progres social [des populations] de nos Etats rnernbresl. )) Tel etait rnon avis en 1968. 11 n'a pas change depuis lors. Au cours des 23 annees qui se sont 6coulees, la population rnondiales'est accruea un rythrne plusrapidequejarnais et est passee de 3,4 a 5,4 milliards d'habitants, soit une augmentation de plus de 60 %. La population de I'Afrique subsaharienne est passee de 264 a 548 millions d'habitants, ce qui signifie qu'elle a plusque double. Les taux de croissance dernographique, aussi bien dans le rnonde que dans la region, restent extraordinairernent eleves. Merne si la baisse actuelle des taux de fecondite se poursuit, le rnonde cornptera 3 milliards d'habitants de plus dans 30 ans. Durant la rn6rne periode, cornpte tenu du SIDAsurlequelje reviendraiplustard, I'ASScornptera environ 600 millions d'habitants supplernentaires. Faut-il s'en inquieter? Pour beaucoup, la reponse a la question n'est pas evidente. Bien que la population rnondiale ait augment6 de 2 milliards durant le dernier quart de sikcle, on a enregistre au cours de la rnerne periode des progres rernarquablesau planeconornique et socialdans les pays en developpernent, ou vivent 80 % des habitants de la planete. Les taux de mortalit6 infantile ont dirninue, Ifalphabetisme a gagne du terrain et les niveaux rnoyens de nutrition se sont arneliores dans 1. Dixours prononcedevant le Conseil des Gouverneursw. Banque mondiale.Washington. 30 M septembre 1968. 3. toutes les regions autres que I'ASS. L'esperance de vie s'est elle aussi amelioree et dans tous les pays en developpement, a I'exception de ceux de I'ASS, la consommationpar habitant aaugment6de 70 %- I'ASS, oh sa croissance a kt6 pratiquement nulle, constituant une exception notable. Pourtant,en depit de ces progres : Le nombre d'@treshumains qui souffrent de la faim est passe a plus de 1 milliard, dont 180 millions en ASS2. Le nombre d'analphabetes a atteint 900 millionset 249 millions en ASS2. La rnortalitematernelles'est aggravee: 500.000femmes-dont 140.000 en ASS - mourant chaque annee des suites d'une grossesse ou d'un accouchement. La mortalit6 infantile et juvenile reste A des niveaux tout a fait inacceptables,47.000 enfants-dont 11.000en ASS2qui, pour moitie au moins, pourraient etre sauves - mourant en effet chaquejour. J'en reviens donc a la question de fond : faut-il s'inquikter de I'accroissement de la population mondialeet de ses rkpercussionsau niveau de I'environnementet du dkveloppement? Mon propos est de montrer que la reponse est affirmative, qu'il convient dans I1int6r@tdes pays aussi bien en dkveloppement qu'industrialises-et surtout dans11int6r@tdesfemmeset desenfants du monde en dkveloppement-de prendre sans tarder des mesures pour accelerer la baissedes taux decroissancedemographiqueet que des klkments probants indiquent que I'on peut y parvenir tout en maintenant les depenses a des niveaux acceptables. Je conclurai par des propositions sur les modalitks de mise en oeuvre d'un tel programme. 2. La situation de I'ASS est beaucoup plus grave que celle des autres regions du monde en developpement si I'on se refereaux criteressuivants : 33 % de la populationde I'ensemble des pays en developpement souffre de la faim contre 47 % en ASS: il y a 45 96 d'analphabetesdans le tiers monde contre 59 YOen ASS: et la mortalit4 infantiley est de 67 pour 1.000contre 100 pour 1.000 en ASS. II. Les consequences d'une croissance demographique rapide) Lorsquela Banquemondialeacommenckaktudier systkmatiquement lesquestions dkmographiques a la fin des annkes60 avant d'accorder son premier pr@tau titre du planning familial en 1970, la plupart des spkcialistess'accordaient a considkrer que I'accroissement rapide de la populationavaitgknkralement des conskquencesprkjudiciablesau dkveloppement. Leurs arguments n'ktaient pas aussi simplistes que ceux de Malthus qui, a la fin du XVllle siecle, soutenait que la production alimentaire ne suivrait pas la croissance dkmographique. Ilsn'annoncaient pas non plusde retombkescatastrophiquescomme I'avaient fait Paul Erhlich dans The Population Bomb (1968), Jay Forrester dans World Dynamics (1971) ou Donella H. Meadows et al. dans le rapport du Club de Romeintitulk TheLimitsof Growth (1972), lequel prkdisait que le monde n'avait plus qu'une centaine d'annkes devant lui avant de voir s'effondrer ses systemes kconomiques evou biologiques. A la Banque, mes collegues et moi ktions plut6t d'avis que le manque de capital et la main-d'oeuvre exckdentairedans les rkgions rurales constituaient de graves obstacles au progres humain dans les pays en dkveloppement - et qu'une croissance dkmographique rapide accentuait ces deux handicaps. Vers la fin des annkes70, cette analyse a commenck A @tremiseen question. DesthesesqueI'on pourraitqualifier de(( rkvisionnistes))ont fait flores. L'idbe ktait que si les dkcisions relatives au nombre d'enfants ktaient prisesau niveaude lafamilleelle-m@me,en fonction dessignauxdumarchk(parexemplelavaleurd'enfantssupplkmentaires comme main-d'oeuvre agricole), on maximiserait le bien-@treau niveaunon seulementdeI'individu maisausside lacollectivitk, sauf en cas de nette dkfaillance du marchk. Vers le milieu et la fin des annkes 80 s'est produit, semble-t-il, un retour de balancier. En 1984, un important rapport de la Banque 3. Ce chapttre est inspireen partied'un document non publiede Steven W. S~ndtng,de la RockefellerFoundation, 1990; M EconomicConsequences of PopulationChange in the Third World n d'Allen C. Kelley, Journalof EconomicLiterature, vol. XXVI. d&embre 1988, p. 1685 A 1728: et d'une nouvelleetude non encore publik du meme auteur sur la question. mondiale4 a soulignk que les institutions et le march4 etaient effectivement deficients et que I'accroissement rapide de la popula- tion pouvait constituer -et constituait de fait -un grave obstacle a la croissance kconomiqueet au progreshumain dans la plupart des pays en dkveloppement. Au cours des sept annees kcoulkes depuis la publication de ce rapport, nous en avons appris beaucoup plus sur les conskquences nkfastes d'une croissancedkmographique rapide. Dans lesChapitres IV, V et VI, je montrerai, preuves A I'appui, que des taux klevks d'accroissement de la population : aggravent la pauvretk dkgradante dans laquelle vit un nombre, voire un pourcentage, sans cesse plusklevkd'habitants des pays en dkveloppement; nuisent au r61e et au statut des femmes, a leur sante et a leurs opportunites comme a ceux de leurs enfants; et augmentent le risque que les modes actuels de developpement economique -tant dans les pays en developpement que dans lespaysdkveloppks-nesoient passoutenableset menacentde destruction I'environnement mondial. C'est a la lumikrede ces faits quejedemande instamment que I'on redouble d'efforts -efforts qui, comme je I'expliquerai plus tard, doivent etre concentrks sur la prksentedkcennie-en vue de reduire les taux de croissance demographique et les niveaux auxquels la populationsestabiliseraa longterme.Avant detraiter pluslonguement des conskquences dkfavorables d'un accroissement rapide de la population,iIestutiled'examinerde prklestendancesdemographiques passees et projetkes. Ill.Accroissement de la population passe et projete Comme le montre le tableau ci-dessous, I'accroissement de la popu- lation mondialeakt4extremementlent pendantdes milliersd'annees. II a fallu plus d'un million d'annkes pour atteindre le chiffre de 1 milliard d'habitants en 1800, mais le rythme s'est ensuite accelere et 4. Rapport sur le d6wloppement dam le monde 1984, Banque rnond~ale,Washington, 1984. 4 I'on a passe la barre des 2 milliardsen I'espace de 130 ans, celle des 3 milliards en 30 ans et celle des 4 milliards en 15 ans. Taux d'accroissement de la populationmondiale Nombre d ' a n n h nbcessaires b une augmentation de 1 milliard Annbe Populationtotale d'indiwdus 1.000.000 av. J.C. quelques milliers 8.000 av. J.C. 8 millions 1 300 millions 1800 1 milliard 1 million 1930 2 milliards 130 1960 3 milliards 30 1975 4 milliards 15 1987 5 milliards 12 1998 6 milliards 11 Source :~o~ulation~eferenceBureau. sur la basedes estimations des Nations Unies et de la Banque mondiale. La croissance de la population en ASS a btb au cours des 70 dernieresannbesplusexplosiveencore,puisquelenombred'habitants est passe de 130 millions en 1930 A 170 millions en 1950 et qu'il depassera 700 millions en I'an 2000. Durantlesseulesannbes90,la population de laplankteaugmentera de prksd'un milliard d'individus, dont 200 millionsen ASS. Jusqu'oir irons-nous? Les Nations Unies btablissent des projections dbmographiques A long terme qui sont rbvisks tous les dix ans. D'apres la derniPre projection, en date de 1982, la population devrait se stabiliser a 10,2 milliards d'habitants environ d'ici 2085. Les perspectivessemblent toutefois moins encourageantesaujourd'hui. L'accroissement de la population s'arretera beaucoup plus tard et A des niveaux bien plus blevbs que prbvu auparavant5. Les chiffres seront fortement rbvisbs en hausse dans la nouvelle estimationdesNationsUniesquiesten preparation.Uncalculsimilaire vient dl@treeffectub par la Banque mondiale mais n'a pas encore etb publib. La nouvelle cc projection type de la Banque indiquera que la )) population se stabilisera A un niveau non infbrieur A 12.4 milliards d'habitants, dont 2.7 milliardsen ASS (comptetenu du SIDA), contre 5. Etat de la population rnondiak - 1991. FNUAP, p. 3 548 millions aujourd'hui. Mme Nafis Sadik, Directrice generale du FNUAP, a par ailleurs declare que (( le monde pourrait s'acheminer finalement vers une population de 14milliards d'habitants n, auquel casleschiffrespour I'ASSseraientencorepluseleves6.Quelleincidence auraient de tels chiffres sur la lutte contre la pauvrete, le statut des femmes et des enfants, et la viabilite des programmes de developpement? Dans quelle mesure ne consommons-nous pas aujourd'hui lecapital memequiest necessairepour assurerauxfutures generations un niveau de vie convenable? IV. Rapport entre I'accroissementde la population et un developpement soutenable Pourdeterminer si le monde- ou un pays particulier -est sur lavoie d'un developpement soutenable, il convient d'etablir une correlation entre les niveaux de population futurs et les futurs modes de consommation, d'une part, et leur incidence sur I'environnement, d'autre part. Tel est mon propos dans le present chapitre. Population, consommationet dbgradation de I'environnement Le rapport entre la population, la consommation et la degradation de I'environnement peut &re exprime par une equation7: Ed = P x C x D dans laquelle Ed = Degradation de I'environnement P = Population C = Consommation par habitant D = Degradation de I'environnement par unite de consommation 6. Etat de lapopubtion rnondiak - 1990. FNUAP. 1990, p. 1-2. 7. L'equation est une representation t r k simpliste du rapport entre population, consommation et environnement.Les causes de la degradationde I'environnementsont multiples : modes de consommationet utilisation de technologiesentralnant des gaspillages, mauvaise gestion et politique inadequate.Ce que je souhaite en revanchesouligner, c'est que, toutes choses etant bgales par ailleurs, I'lmpact de I'activite humainesur I'environnementn'est pas proportionnel aux seulesvarlatlons dbmographiques, mais plut6t aupruduit de la taille de la population et de la consommation par hab~tant,q u augmenteront tous deux fortement. ~ Notre tdche consiste a nous projeter dans le siecle prochain et a introduire des valeurs dans I'kquation. Celles-ci peuvent prendre la forme de multiples des chiffres actuels. Commen