FRANÇAIS OCTOBRE 2019 | VOLUME 20 UNE ANALYSE DES ENJEUX FAÇONNANT L’AVENIR ÉCONOMIQUE DE L’AFRIQUE SUJETS SPÉCIAUX : AUTONOMISER LES FEMMES AFRICAINES ACCÉLÉRER LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE Ce rapport a été préparé par le Bureau de l’économiste en chef de la région Afrique REMERCIEMENTS Ce rapport a été produit par le Bureau de l’économiste en chef pour la région Afrique sous la supervision d’Albert G. Zeufack. L’équipe principale, dirigée par Cesar Calderon, comprenait Gerard Kambou, Catalina Cantu Canales, Vijdan Korman et Megumi Kubota. Les thèmes sélectionnés sont les suivants : La section 2 « Accélérer la réduction de la pauvreté en Afrique » a été préparée par Kathleen G. Beegle et Luc Christiaensen. La section 3 « Autonomiser les femmes africaines : Une force du changement économique » a été préparée par Amy Elizabeth Copley, Alison Ardisson Decker, Fannie Delavelle et Sreelakshmi Papineni. Le rapport a bénéficié des contributions de John Baffes, Yuto Kanematsu, Patrick Alexander Kirby, Peter Steven Oliver Nagle et Jinxin Wu. Il a également été enrichi des commentaires précieux de Abebe Adugna, Cindy Audiguier, Amit Dar, Marek Hanusch, Tihomir Stucka, Raju Singh, Gloria Aitalohi Joseph-Raji, Dena Ringold, Christine M. Richaud, Emilija Timmis, Melanie Simone Trost, Erik Von Uexkull, Ede Jorge Ijaszull ainsi que des équipes de pays. L’édition a été assurée par Sandra Gain. La version électronique et imprimée a été réalisée par Bill Prag et la couverture conçue par Rajesh Sharma. Maura K. Leary a assuré la gestion de la communication avec les médias ainsi que la diffusion du rapport avec le soutien de l’équipe Communications et Partenariats de la région Afrique (AFREC). Beatrice Berman a fourni un soutien à la production et Kenneth Omondi à la logistique. OCTOBRE 2019 | VOLUME 20 Ce rapport a été préparé par le Bureau de l’économiste en chef de la région Afrique SUJETS SPÉCIAUX AUTONOMISER LES FEMMES AFRICAINES ACCÉLÉRER LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE © 2020 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/La Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington, DC 20433 Téléphone : 202–473–1000 ; Internet : www.worldbank.org Certains droits réservés 1 2 3 4 23 22 21 20 La publication originale de cet ouvrage est en anglais sous le titre de : Africa’s Pulse, No. 20. En cas de contradictions, la langue originelle prévaudra. Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mondiale avec la contribution de collaborateurs extérieurs. Les observations, interprétations et opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des pays que ceux- ci représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ouvrage. Les frontières, les couleurs, les dénominations et toute autre information figurant sur les cartes du présent ouvrage n’impliquent de la part de la Banque mondiale aucun jugement quant au statut juridique d’un territoire quelconque et ne signifient nullement que l’institution reconnaît ou accepte ces frontières. Rien de ce qui figure dans le présent ouvrage ne constitue ni ne peut être considéré comme une limitation des privilèges et immunités de la Banque mondiale, ni comme une renonciation à ces privilèges et immunités, qui sont expressément réservés. Droits et autorisations L’utilisation de cet ouvrage est soumise aux conditions de la licence Creative Commons Attribution 3.0 IGO (CC BY 3.0 IGO) http://creativecommons.org/licenses/by/3.0/igo/ Conformément aux termes de la licence Creative Commons Attribution (paternité), il est possible de copier, distribuer, transmettre et adapter le contenu de l’ouvrage, notamment à des fins commerciales, sous réserve du respect des conditions suivantes : Mention de la source — L’ouvrage doit être cité de la manière suivante : Africa’s Pulse, No. 20 (Octobre). Washington, DC : La Banque mondiale. Licence : Creative Commons Attribution CC BY 3.0 IGO Traductions — Si une traduction de cet ouvrage est produite, veuillez ajouter à la mention de la source de l’ouvrage le déni de responsabilité suivant : Cette traduction n’a pas été réalisée par la Banque mondiale et ne doit pas être considérée comme une traduction officielle de cette dernière. 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ISBN (digital): 978-1-4648-1510-2 DOI: 10.1596/978-1-4648-1510-2 Conception de la page de couverture : Rajesh Sharma Table des matières Résumé analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Section 1 : Évolutions récentes et tendances. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 L’Afrique subsaharienne fait face à un environnement externe moins favorable . . . . . . . . .5 Évolutions économiques récentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7 Perspectives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Risques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Taxonomie de la croissance : quel est le degré de la croissance dans les pays d’Afrique subsaharienne ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Politiques pour soutenir la croissance en Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Section 2 : Accélérer la réduction de la pauvreté en Afrique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 2.1 La pauvreté en Afrique aujourd’hui et demain. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 2.2 Les principes d’engagement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 2.3 Domaines d’action politique prioritaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 Section 3 : Autonomiser les femmes africaines : une force du changement économique. . . . 61 3.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 3.2 Solutions politiques aux contraintes basées sur le genre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 Voie 1 : Renforcement des compétences : aller au-delà de la formation classique . . 66 Voie 2 : Miser sur le potentiel des femmes : alléger les contraintes de capital . . . . .68 Voie 3 : Sécuriser les droits fonciers des femmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .71 Voie 4 : Accroître le recours à la main-d’œuvre salariée et domestique pour les femmes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .73 Voie 5 : Combattre les normes sociales qui contraignent les opportunités économiques des femmes en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . .75 Voie 6 : Prochaine génération : aider les filles à traverser l’adolescence . . . . . . . . .82 3.3 Créer un écosystème de politiques pour atteindre les objectifs en matière d’égalité entre les genres. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 Appendice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 A F R I C A’ S P U L S E > i Liste de cartes Carte 2.1 : Taux de pauvreté, nombre de pauvres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 Carte 2.2 : Chocs en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 Carte 3.1 : Différences entre les genres dans les lois relatives à la propriété et à l’héritage . . . . . . 81 Liste des encadrés Encadré 1.1 : Perspectives pour le marché des matières premières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Encadré 2.1 : La transition de la fécondité n’a pas commencé dans la plus grande partie de l’Afrique et, là où elle existe, les pauvres ne sont pas concernés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 Encadré 2.2 : Les déplacements forcés, un piège de la pauvreté en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 Liste des figures Figure 1.1 : PMI de la production manufacturière mondiale et commandes des exportations. . . . . . 5 Figure 1.2 : Croissance mondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Figure 1. 3 : Variation au niveau des prix des produits de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Figure 1.4 : Indices des prix des produits de base. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Figure 1.5A : Approches politiques monétaires des banques centrales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Figure 1.5B : Flux de capitaux et des dettes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Figure 1.6 : Contribution à la croissance réelle du PIB (% de points). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Figure 1.7 : Croissance des investissements sur la durée, Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . 8 Figure 1.8 : Croissance du PIB au Nigéria . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Figure 1.9 : Croissance réelle du PIB et croissance des investissements en Afrique du Sud. . . . . . . . 9 Figure 1.10 : Production pétrolière en Angola et au Nigéria . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Figure 1.11 : Croissance trimestrielle du PIB dans les pays sélectionnés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Figure 1.12 : Économies en croissance rapide en et hors Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . 10 Figure 1.13 : PMI composite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Figure 1.14 : Indice de confiance des entreprises, Afrique du Sud. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Figure 1.15 : PMI et croissance de la production manufacturière, Afrique du Sud. . . . . . . . . . . . . 11 Figure 1.16 : PMI du secteur manufacturier et non manufacturier, Nigéria. . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Figure 1.17 : Solde du compte courant, par groupe de ressources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Figure 1.18 : Émissions d’obligations internationales en Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . . . . . 13 Figure 1.19 : Écarts EMBI, par région du monde. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Figure 1.20 : Taux d’inflation en Afrique subsaharienne, par groupe de ressources . . . . . . . . . . . . 14 Figure 1.21 : Solde budgétaire (% du PIB). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Figure 1.22 : Dette publique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Figure 1.23 : Surendettement de la dette extérieure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Figure 1.24 : Paiements d’intérêts en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Figure 1.25A : Évolution des scores DeMPA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Figure 1.25B : Part des pays d’Afrique subsaharienne qui remplissent les conditions minimales de transparence de la dette. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Figure 1.26 : Prévisions de croissance du PIB en Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 ii > A F R I C A’ S P U L S E Figure 1.27 : Croissance du PIB par groupe de ressources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Figure 1.28 : Prévisions relatives à la demande pétrolière. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Figure 1.29 : Prévisions de croissance du PIB par habitant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Figure B1.1 : Évolution de la production de pétrole brut depuis 2016 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Figure B1.2 : Prix des métaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Figure 1.30 : Incertitude du commerce mondial, commerce mondial et production industrielle mondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Figure 1.31 : Part de la dette, par devise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Figure 1.32 : La violence en Afrique subsaharienne, par sous-région . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Figure 1.33 : Taxonomie de la croissance en Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Figure 1.34 : Qualité des politiques économiques et des institutions des pays d’Afrique subsaharienne regroupés selon leur niveau de performance en matière de croissance, 2012-2013 par rapport à 2017-2018. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Figure 1.35A : Gestion économique en Afrique subsaharienne pour les groupes de pays performants en termes de croissance, 2012-2013 par rapport à 2017-2018. . . . . . 27 Figure 1.35B : Politiques structurelles en Afrique subsaharienne pour les groupes de pays performants en termes de croissance, 2012-2013 par rapport à 2017-2018. . . . . . . . . 27 Figure 1.36 : Les économies africaines disposent de marges de manœuvre relativement plus importantes en matière monétaire que fiscale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Figure 1.37 : L’accumulation des déséquilibres budgétaires et extérieurs pourrait accroître les pressions sur les monnaies africaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Figure 1.38 : L’accumulation de réserves de change contribuerait à consolider la stabilité financière . 32 Figure 1.39 : Un meilleur recouvrement des impôts est essentiel pour améliorer la soutenabilité de la dette. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Figure 2.1 : Sources de revenu des ménages par quintile de revenu, enquête la plus récente. . . . . 39 Figure 2.2 : Évolution de la part des exportations de minéraux dans les exportations totales, 1996–2013 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 Figure 2.3 : Baisse de la fécondité, par région, 1960-2015 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 Figure 2.4 : Importations africaines de produits alimentaires et exportations agricoles, 1995-2016. . 49 Figure 2.5 : Aide publique au développement exprimée en pourcentage du revenu national brut des pays, par groupe de revenu, 2017. . . . . . . . . . . . . . . . 59 Figure 3.1 : Écarts clés entre les genres au travail en Afrique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 Figure 3.2 : Avantages des formations à l’initiative personnelle destinées aux femmes entrepreneurs au Togo. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 Figure 3.3 : Performance des prêts de microfinance en fonction des seuils de notation aux tests psychométriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 Figure 3.4 : Dans les pays d’Afrique, les femmes assument le plus gros des tâches domestiques et de soin non rémunérées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 Liste des tableaux Tableau A.1 : Classification des pays pour l’analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 Tableau A.2 : Classification par revenu des pays d’Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 A F R I C A’ S P U L S E > iii iv > A F R I C A’ S P U L S E Résumé analytique u La performance économique de l’Afrique subsaharienne est restée morose, entravée par l’incertitude persistante de l’économie mondiale et la lenteur des réformes visant à renforcer la résilience des pays. La croissance régionale devrait atteindre 2,6 % en 2019 (0,2 point de moins que les prévisions d’avril) contre 2,5 % en 2018. Du côté de la demande, le PIB réel s’est affaibli en raison du ralentissement de la formation brute de capital fixe et des exportations nettes, reflétant ainsi la morosité des investisseurs dans un contexte d’incertitude politique mondiale. Du côté de l’offre, les industries manufacturières et minières ont connu un développement modeste, tandis que le secteur des services a perdu de son élan et que la croissance du secteur agricole est restée atone à cause de la sécheresse. u L’environnement externe est difficile pour l’Afrique subsaharienne. La croissance mondiale a continué de ralentir dans un contexte d’incertitude politique grandissante liée à l’intensification renouvelée des tensions commerciales dans l’économie mondiale. En partie du fait de ces tensions, les prix de la plupart des exportations de produits de base d’Afrique subsaharienne se sont affaiblis depuis le deuxième trimestre de 2019. Les prix du pétrole brut et des métaux de base devraient rester inférieurs au sommet atteint en 2018. Si les conditions financières mondiales se sont assouplies, les entrées de capitaux dans la région sont néanmoins restées modestes, l’incertitude des politiques commerciales continuant de peser sur l’opinion des investisseurs. u Traduisant l’impact de l’accumulation d’incertitudes politiques sur l’activité économique mondiale, la croissance du PIB réel devrait se ralentir de façon significative dans les autres économies émergentes ou en développement. Tout laisse à penser qu’en 2019, la révision à la baisse des prévisions de croissance du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, de l’Amérique latine et des Caraïbes et de l’Asie du Sud sera plus importante que celle de l’Afrique subsaharienne. u La performance de la croissance régionale continue de masquer une hétérogénéité importante entre les pays. La reprise au Nigéria, en Afrique du Sud et en Angola — les trois plus grandes économies de la région — est restée fragile. Au Nigéria, la croissance du secteur non pétrolier a été lente, tandis qu’en Angola, le secteur pétrolier a sous-performé. En Afrique du Sud, le faible climat d’investissement pèse sur l’activité économique. u À l’exception du Nigéria, de l’Afrique du Sud et de l’Angola, la croissance en Afrique subsaharienne devrait rester robuste, même si elle s’est quelque peu ramollie dans certains pays. La croissance moyenne des pays disposant de très peu de ressources naturelles devrait diminuer légèrement, reflétant les effets persistants des cyclones tropicaux au Mozambique et au Zimbabwe, l’incertitude politique au Soudan, la faiblesse des exportations agricoles au Kenya et l’assainissement budgétaire au Sénégal. Concernant les autres pays disposant d’importantes ressources naturelles, ceux de la Communauté des États d’Afrique centrale devraient voir leur activité se développer à un rythme modéré grâce à l’augmentation de la production de pétrole. La croissance des exportateurs de métaux devrait ralentir, la production minière se tassant face à la baisse des prix des métaux. u Par la suite, la croissance régionale devrait s’accélérer en 2020 à mesure que la demande intérieure se raffermira. La plus forte croissance des pays disposant de peu de ressources naturelles devrait compenser celle, modeste, des pays riches en ressources. La croissance des trois grandes économies de la région devrait rester faible en l’absence de réformes structurelles. A F R I C A’ S P U L S E > 1 u Les vulnérabilités de la dette restent élevées. La part des pays d’Afrique subsaharienne jugés en situation de surendettement ou présentant un risque élevé de surendettement a presque doublé, malgré un ralentissement de la détérioration. La vulnérabilité croissante de la dette est le résultat du niveau élevé de la dette publique, en particulier la dette non concessionnelle, et de la hausse substantielle du coût du service de la dette. Parallèlement, en raison de l’augmentation des déficits des comptes courants, les réserves de change servant de « tampons » financiers se sont réduites dans de nombreux pays. Reflétant ces vulnérabilités, les risques pour les perspectives régionales restent orientés à la baisse, notamment les possibilités d’une croissance mondiale plus lente que prévu, de baisses plus prononcées des prix des produits de base et d’une mise en œuvre médiocre des réformes. u Dans le contexte de performances économiques dynamiques enregistrées en 1995-2008, la croissance a ralenti dans les pays de la région pour la période 2015-2019. Ce ralentissement se reflète clairement dans la taxonomie de la résilience de la croissance : premièrement, moins de pays enregistrent une forte croissance, même s’ils affichent des taux dépassant toujours les 5,5 % ; et, deuxièmement, la frontière entre les pays qui enregistrent une croissance moyenne et ceux dont la croissance est faible devient de plus en plus poreuse. Plus précisément, cinq pays de la région ont été rétrogradés dans la catégorie des pays enregistrant une croissance moyenne ou faible, tandis que la performance de plusieurs pays se rapproche de la limite des régions à faible croissance. u La performance peu satisfaisante de l’Afrique en matière de croissance au cours de ces dernières années peut également être attribuée au manque de vigueur des réformes dans les différents pays, en particulier en ce qui concerne la gestion de la dette et les institutions du secteur public, comme l’a souligné le rapport 2019 de l’évaluation des performances politiques et institutionnelles nationales (CPIA) en Afrique. Les décideurs de la région doivent créer une marge de manœuvre budgétaire, améliorer la gestion de la dette et doper les performances à l’exportation pour reconstituer les réserves internationales. u Les thématiques spécifiques de cette 20e édition d’Africa’s Pulse sont axées sur la nécessité de réduire le fossé d’opportunités, en particulier pour les plus démunis et les femmes. La pauvreté extrême en Afrique subsaharienne, définie comme le pourcentage de personnes vivant avec moins de 1,90 USD par jour, s’est réduite pour passer de 54 % en 1990 à 41,4 % en 2015, principalement grâce à la hausse du niveau de vie entre 1995 et 2015. Cependant, le nombre de personnes pauvres est passé de 278 millions en 1990 à 416,4 millions en 2015, la population de la région continuant de croître rapidement. Si les pays d’Afrique subsaharienne continuent de croître jusqu’en 2030 à un rythme aussi soutenu qu’entre 1998 et 2013, le taux de pauvreté pourrait tout juste s’établir à 23 % d’ici à 2030. Si aucune mesure drastique n’est prise pour stimuler la croissance, les populations pauvres d’Afrique pourraient compter pour 90 % de la population mondiale en 2030, contre 55 % en 2015. u La faible croissance de la région — en moyenne de 2,5 % entre 2015 et 2019 — qui a résulté de l’effondrement des prix des produits de base en 2014-2015 a rendu encore plus difficile la réduction de la pauvreté. Le défi de la pauvreté en Afrique nécessite des actions politiques créatrices d’opportunités économiques pour les pauvres dans les secteurs où ils travaillent traditionnellement et sur leurs lieux de vie. Ces actions doivent par ailleurs les aider à saisir les opportunités génératrices de revenus ailleurs, tout en réduisant leur exposition aux nombreux risques auxquels ils sont confrontés. L’objectif de ce programme est de donner les moyens aux pauvres, de contribuer à accélérer la transition de la fécondité, de tirer parti du système 2 > A F R I C A’ S P U L S E alimentaire au sein ou en dehors des exploitations agricoles, d’apporter des solutions aux risques et aux conflits et de fournir des financements publics plus importants et de meilleure qualité pour améliorer la vie des plus vulnérables. Les nouvelles technologies joueront un rôle clé pour connecter les individus aux emplois et aux marchés, renforcer leurs compétences et créer des services de santé et d’éducation plus accessibles et de meilleure qualité. u L’autonomisation économique des femmes est essentielle au progrès de tous les Africains. L’Afrique subsaharienne est la seule région au monde à pouvoir revendiquer que les femmes ont plus de chances d’être entrepreneures que les hommes. Les femmes africaines contribuent à une part importante du travail agricole dans tout le continent. Cependant, le succès de la région quant à la part croissante des femmes dans la population active est assombri par les importants écarts de revenus qui persistent entre les hommes et les femmes. Les agricultrices d’Afrique subsaharienne produisent 33 % de moins par hectare de terre que les hommes. Les femmes entrepreneures ou chefs d’entreprise réalisent 34 % de bénéfices de moins que les hommes chefs d’entreprise. Ces écarts de revenus sont très coûteux en termes de manques à produire. u Pour tirer le meilleur parti de la participation des femmes africaines à la production agricole, les décideurs politiques doivent s’attaquer aux contraintes disproportionnées subies par les femmes et mettre en œuvre des politiques pour les aider à stimuler la croissance. En Afrique subsaharienne, les femmes tendent à posséder un capital humain plus faible — comme le montrent les écarts en termes de poursuite des études secondaires et supérieures et de compétences dans la plupart des pays — et à disposer d’un accès réduit aux autres actifs de production, dont le crédit et la terre. Les opportunités économiques et les revenus des femmes sont également limités par des politiques, institutions et normes sociales qui ont une influence sur les rôles économiques et domestiques des femmes et des hommes. Les politiques qui ciblent davantage les obstacles à l’autonomisation économique des femmes pourraient contribuer non seulement à réduire l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, mais également à renforcer la croissance économique. u Les femmes sont un moteur de croissance et de création d’emplois en Afrique, en particulier dans le contexte d’une population jeune et nombreuse dont les attentes sont plus fortes en matière d’emploi de qualité. Les politiques qui améliorent les opportunités génératrices de revenus pour les femmes, augmentent leurs revenus et renforcent leurs compétences permettront de réduire les écarts entre les sexes. Six axes politiques sont identifiés : (a) renforcer les compétences des femmes au-delà de la formation traditionnelle (ex. : services de vulgarisation agricole liés au genre, formation aux compétences socioaffectives pour les femmes entrepreneurs), (b) alléger les contraintes financières des femmes grâce à des solutions innovantes qui atténuent le problème lié aux garanties (ex. : tests psychométriques) et améliorer leur accès au secteur financier (prêts numériques d’argent mobile), (c) aider les femmes à garantir leurs droits fonciers, (d) connecter les femmes au travail (ex. : financement saisonnier pour embaucher des employés agricoles), (e) s’attaquer aux normes sociales qui limitent les opportunités des femmes, et f ) former une nouvelle génération solide en aidant les filles au moment de l’adolescence. A F R I C A’ S P U L S E > 3 4 > A F R I C A’ S P U L S E Section 1 : Évolutions récentes et tendances L’AFRIQUE SUBSAHARIENNE FAIT FACE À UN ENVIRONNEMENT EXTERNE MOINS FAVORABLE La croissance mondiale continue de ralentir, reflétant une activité économique en déclin tant sur les marchés émergents que dans les économies en développement (EMDE). Le commerce et la production manufacturière au niveau mondial se sont visiblement affaiblis (Figure 1.1). Une détérioration constante de l’Indice des directeurs des achats (PMI) de la production mondiale manufacturière et de la confiance des entreprises suggère que l’activité industrielle restera faible pour le restant de 2019. La croissance a été faible ou stagnante dans d’autres grands marchés émergents, y compris la Russie, le Brésil et le Mexique. L’Inde a connu une décélération de son activité économique reflétant un ralentissement de la demande intérieure. Ces vents contraires devraient peser sur l’activité de l’Afrique subsaharienne. La croissance de l’économie américaine a commencé à décliner, les investissements, les exportations et l’activité résidentielle étant modérés. La zone euro a connu près d’une année de quasi-récession, la majorité de sa faiblesse découlant du secteur industriel allemand. L’économie britannique souffre également d’une faiblesse généralisée, le Royaume-Uni devant quitter l’Union FIGURE 1.1 : PMI de la production manufacturière mondiale et Le commerce européenne le 31 octobre et ne commandes des exportations mondial et disposant actuellement d’aucun 55 le secteur accord pour éviter un éventuel manufacturier 54 « no-deal Brexit » (un Brexit sans ont continué de Indice, 50+= développement issue) coûteux. La croissance en 53 s’affaiblir au second Chine continue de décélérer sur 52 semestre. fond de tensions commerciales 51 constantes. L’incertitude en matière 50 de politiques et l’augmentation des 49 tarifs des exportations vers les États- Unis ont ralenti l’activité, pesant 48 sur l’opinion des investisseurs et 47 Jan-16 Apr-16 Jui-16 Oct-16 Jan-17 Apr-17 Jui-17 Oct-17 Jan-18 Apr-18 Jui-18 Oct-18 Jan-19 Apr-19 Aou-19 exerçant une pression sur les prix des biens. Le rapport « Perspectives Production manufacturière Nouvelles commandes d’exportation économiques mondiales » de juin Sources : Haver Analytics ; Banque mondiale. 2019 prévoyait que la croissance Remarque : les productions manufacturières et les nouvelles commandes d’exportations sont mondiale fléchirait en 2019 pour mesurées en fonction de l’Indice des directeurs des achats (PMI). Des valeurs PMI supérieures à 50 indiquent un développement de l’activité économique ; des valeurs inférieures à 50 indiquent un atteindre 2,6 %, son taux le plus rétrécissement. La dernière observation date d’août 2019. bas depuis 2016 (Figure 1.2). FIGURE 1.2 : Croissance mondiale La croissance La matérialisation de certains 8 mondiale a risques de détérioration, y compris ralenti, avec une décélération de l’escalade renouvelée des tensions 6 l’activité dans commerciales entre les principales les économies Pourcentage économies, ont assombri la avancées et les pays 4 perspective ces derniers mois, en émergents. particulier sur le plan des échanges 2 commerciaux. Le commerce mondial des 0 commandes de biens et de 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 nouvelles exportations s’est Monde Économies avancées EMDE visiblement affaibli durant 2019 et Source : Banque mondiale. indique des signes de crispation. La Remarque : la zone grisée indique des prévisions. EMDE = économies des marchés émergents et en développement. montée des tensions commerciales A F R I C A’ S P U L S E > 5 contribue à cet affaiblissement. D’ici la fin de l’année, les tarifs couvriront quasiment l’ensemble des importations américaines depuis la Chine et plus des deux tiers des importations chinoises en provenance des États-Unis. L’incertitude des politiques commerciales aux États-Unis s’est envolée cette année, atteignant des niveaux que le pays n’avait pas connus depuis le début des années 1990. Depuis octobre 2018, le volume du commerce, impacté par les nouvelles mesures restrictives en matière d’importation mises en place par le G20, a plus que triplé par rapport à la moyenne de 2012–2018. Les tensions commerciales accrues ont fait baisser les prix des produits de base. Avant cette récente envolée, les prix du pétrole étaient en déclin depuis avril (Figure 1.3). Les inquiétudes concernant le ralentissement de la croissance mondiale, aggravé par la montée des tensions commerciales, ont provoqué une baisse des prix du pétrole début juin et début août, le cours du Brent pour le pétrole brut ayant atteint le bas niveau de 56USD le baril. Plus récemment, les prix du pétrole ont affiché une nette reprise après des années de craintes d’une rupture d’approvisionnement prolongée suite aux attaques d’une importante raffinerie pétrolière en Arabie saoudite. En juin, les prévisions pour le prix du pétrole étaient une légère baisse constante par rapport aux niveaux de 2018, pour atteindre 66 USD par baril en moyenne en 2019 et 65 USD par baril en 2020. Les goulets d’étranglement au niveau des approvisionnements pour les métaux, dont le cuivre, le nickel, Les prix de l’énergie FIGURE 1.3 : Variation au niveau des prix des produits de base le plomb et le zinc, ont soutenu et des métaux de 20 les prix durant le premier base ont diminué semestre 2019, mais ont depuis en raison des 15 chuté, reflétant en partie la craintes d’un 10 ralentissement de la nouvelle escalade des tensions croissance mondiale 5 commerciales courant 2019. Pourcentage et des tensions Globalement, les prix des métaux 0 commerciales. Les prix des métaux –5 devraient baisser en 2019 et 2020 précieux ont sur fond de perspective assombrie –10 augmenté, reflétant concernant les demandes leur rôle de valeurs –15 mondiales des métaux. En refuges. revanche, les métaux précieux –20 Énergie Métal Matières Engrais Produits Métaux ont connu une augmentation, premières alimentaires précieux Août Depuis avril reflétant leurs rôles en tant Sources : Banque mondiale. qu’actifs sûrs. Les prix des produits agricoles, en particulier des grains, Les prix des FIGURE 1.4 : Indices des prix des produits de base ont augmenté en début d’année, produits agricoles 150 les principaux producteurs ont également craignant les retombées baissé en raison 130 de l’amélioration de certains phénomènes des conditions météorologiques sur leurs récoltes. Indice, 2010 = 100 110 météorologiques Cependant, les prix agricoles et des tensions 90 devraient chuter, les conditions commerciales météorologiques s’améliorant croissantes. 70 (Figure 1.4). La chute des prix 50 des produits de base pourrait donner lieu à un déclin en termes 30 d’échanges commerciaux pour les Jan-11 Jan-12 Jan-13 Jan-14 Jan-15 Jan-16 Jan-17 Jan-18 Jan-19 Jui-11 Jui-12 Jui-13 Jui-14 Jui-15 Jui-16 Jui-17 Jui-18 Jui-19 exportateurs des produits de base Énergie Métaux Agriculture de la région. Sources : Banque mondiale. Sur fond d’affaiblissement Remarque : Dernière observation en date d’août 2019. d’inflation et de détérioration mondiales de la perspective 6 > A F R I C A’ S P U L S E de croissance internationale, les banques centrales ont adopté des FIGURE 1.5A : Approches politiques monétaires des banques centrales Face à la baisse approches de politique monétaire 10 6 de l’inflation, les banques centrales plus souples (Figure 1.5a). Les 4 de nombreux pays coûts d’emprunt ont chuté en 8 émergents ont conséquence, si bien que le stock 2 abaissé leurs taux des obligations à rendement directeurs. Taux d'intérêt (%) Nombre d’EMDE négatif a augmenté pour atteindre 6 0 17 milliards USD, se situant à environ 30 % de la dette totale et –2 4 englobant certaines dettes à court –4 terme des marchés émergents. 2 Bien que certains EMDE aient –6 tiré parti de la disponibilité de liquidité mondiale, d’autres ont 0 –8 souffert de préoccupations vers 2016 2017 2018 2019 des valeurs plus sûres en raison Assouplissement des Ra ermissement des Taux de politiques politiques des EMDE, RHS politiques des EMDE, RHS des EMDE du ralentissement de l’activité Remarque : EMDE = économies des marchés émergents et en développement. mondiale. L’émission de la dette souveraine des EMDE a visiblement FIGURE 1.5B : Flux de capitaux et des dettes Les sorties de ralenti ces derniers mois. Cela se 30 capitaux dans USD, milliards, flux cumulatif sur 12 semaines reflète dans l’affaiblissement de les EMDE se sont l’activité des émissions d’obligations 20 intensifiées au d’État dans l’Afrique subsaharienne. second semestre, 10 principalement Les émissions d’obligations en raison de la d’État dans la région ont atteint 0 chute des marchés environ 5,6 milliards USD à la fin –10 boursiers. du troisième trimestre, comparé à plus de 17 milliards USD en 2018. –20 En août, suite à un net rebond –30 au début de l’année, les capitaux en provenance des marchés –40 Mar-18 Mar-19 Aou-19 Jan-18 Sep-18 Dec-18 Jun-18 Mai-19 émergents ont atteint leur rythme le plus rapide depuis 2016 (Figure Capitaux Dette 1.5b). Ces sorties de capitaux Sources : Banque mondiale. provenaient en grande partie des marchés boursiers en déclin. ÉVOLUTIONS ÉCONOMIQUES RÉCENTES La reprise de l’Afrique subsaharienne est restée atone L’activité économique s’est développée à un rythme plus lent que prévu sur l’ensemble de l’Afrique subsaharienne au premier semestre 2019, dans un contexte d’environnement externe de plus en plus difficile. Le ralentissement de la croissance mondiale, la chute des prix des produits de base, les tensions commerciales accrues et une incertitude qui s’intensifie, couplés à un faible rythme des réformes nationales pèsent sur l’activité de la région. Le fléchissement de l’activité économique a principalement reflété des investissements fixes et des exportations nettes plus faibles. Tandis que la contribution de la formation brute en capital fixe envers l’activité économique était positive, elle a visiblement décliné, dans la mesure où les investissements ont ralenti dans de nombreux pays, tandis que les exportations nettes y contribuèrent de façon négative. Le rebond dans les exportations, suite au déclin de 2018, a été plus faible que prévu, reflétant une demande externe moindre dans un contexte d’incertitude mondiale A F R I C A’ S P U L S E > 7 en termes de politiques (Figure L’activité FIGURE 1.6 : Contribution à la croissance réelle du PIB (% de points) 1.6). Au niveau de la production, économique a 14 la croissance dans les secteurs ralenti en Afrique subsaharienne 12 miniers et manufacturiers a été en 2019. La 10 modérée en raison des tensions contribution 8 commerciales internationales de la formation et des contraintes nationales, 6 Pourcentage brute de capital notamment une performance fixe à l’activité 4 plus faible du secteur de économique a 2 sensiblement l’énergie. Le secteur des services diminué, tandis que 0 a perdu un peu de son élan, les exportations –2 reflétant probablement certaines nettes ont eu –4 retombées des affaiblissements une contribution du secteur manufacturier. La –6 négative. 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018e 2019f 2020f croissance du secteur agricole Consommation publique Consommation privée Formation brute de capital xe a diminué, en partie en raison Croissance réelle du PIB Exportations nettes des préoccupations à l’égard des La croissance de FIGURE 1.7 : Croissance des investissements sur la durée, phénomènes de sécheresse et l’investissement Afrique subsaharienne de la sécurité, qui ont affecté la fixe a ralenti, 30 production dans certains pays. notamment dans les pays riches 25 Le rythme lent de la reprise au en ressources, 20 niveau régional masque des notamment les plus écarts importants en termes de Pourcentage du PIB 15 grandes économies performance entre les pays à de la région - le 10 fort coefficient de ressources et Nigéria, l’Afrique du Sud et l’Angola. 5 à faible coefficient de ressources. 0 Parmi les pays à faible coefficient –5 de ressources, l’investissement fixe a continué à un rythme solide, –10 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018e 2019f 2020f étayé par les investissements dans Afrique subsaharienne Angola, Nigéria et Afrique du Sud les infrastructures publiques. En ASS à l’exclusion de l’Angola, ASS à l’exclusion du Nigéria revanche, la croissance était plus du Nigéria et de l’Afrique du Sud et de l’Afrique du Sud faible que prévu parmi les pays Source : Calculs du personnel de la Banque mondiale. à fort coefficient de ressources, dont le Nigéria, l’Afrique du Sud et l’Angola—les trois plus importantes économies de la région (Figure 1.7). Au Nigéria—le plus important exportateur de pétrole de la région—la croissance réelle du produit intérieur brut (PIB) a chuté, passant de 2,1 % en glissement annuel (y/y) en 2019s1 à 1,9 % en 2019s2 (Figure 1.8). Tandis que la production pétrolière s’est stabilisée, la croissance a fléchi dans les principaux secteurs non pétroliers, notamment l’agriculture et la production manufacturière. En Afrique du Sud, une combinaison de coupures électriques, d’une faible confiance des entreprises et d’une incertitude politique a prolongé le déclin des investissements et freiné la croissance de la consommation et des exportations. Le PIB réel s’est resserré d’un trimestre à l’autre (q/q), ajusté de manière saisonnière selon un taux annuel désaisonnalisé (SARR) de 3,1 % au premier trimestre (Figure 1.9). Le PIB a rebondi à 3,1% (q/q SAAR) en 2019t2, inversant le rétrécissement du premier trimestre, la distribution en électricité s’améliorant et la production minière se redressant. Une augmentation de l’investissement et des dépenses pour la consommation publique a contribué au rebond du côté de la demande. Toutefois, même si l’Afrique du Sud a évité une récession, la hausse tendancielle est demeurée faible à 0,9 % y-y (glissement annuel) en 2019t2, décollant de 0 % en 2019t1. Au cours du premier semestre de l’année, la croissance réelle du PIB se chiffrait à 0,4 %. Le taux de chômage officiel a augmenté pour atteindre 29 % (y/y) en 2019t2, alors qu’il était de 27,6 % en 2019t1. 8 > A F R I C A’ S P U L S E En Angola—le deuxième pays le plus important des exportations FIGURE 1.8 : Croissance du PIB au Nigéria Au Nigéria, premier 28 exportateur de de pétrole de la région—le PIB s’est Pourcentage, d’une année sur l’autre 24 pétrole de la région, resserré de 0,4 % (y/y) au premier 20 les performances 16 trimestre, après avoir augmenté 12 du secteur à la fin de 2018, en raison de nets 8 pétrolier se sont 4 améliorées tandis déclins de la production pétrolière. 0 que la croissance Après un léger rebond, la production –4 du secteur non –8 pétrolière a chuté à nouveau en juin, –12 pétrolier est restée suggérant que la croissance était –16 faible. –20 restée faible au second trimestre –24 (Figure 1.10). –28 2011Q1 2011Q2 2011Q3 2011Q4 2012Q1 2012Q2 2012Q3 2012Q4 2013Q1 2013Q2 2013Q3 2013Q4 2014Q1 2014Q2 2014Q3 2014Q4 2015Q1 2015Q2 2015Q3 2015Q4 2016Q1 2016Q2 2016Q3 2016Q4 2017Q1 2017Q2 2017Q3 2017Q4 2018Q1 2018Q2 2018Q3 2018Q4 2019Q1 2019Q2 Dans les autres pays à fort coefficient de ressources, une croissance PIB PIB hors pétrole PIB pétrolier modérée s’est poursuivie parmi Sources : Haver Analytics ; Banque centrale du Nigéria. les plus petits exportateurs de pétrole de la Communauté FIGURE 1.9 : Croissance réelle du PIB et croissance des investissements En Afrique du Sud, en Afrique du Sud une combinaison économique et monétaire de de coupures l’Afrique centrale (CEMAC)— 8 20 électriques, d’une Pourcentage, d’un trimestre à l’autre, SAAR Pourcentage, d’un trimestre à l’autre, SAAR 7 notamment le Tchad, le Gabon 15 faible confiance 6 et la République démocratique 5 des entreprises et 10 d’une incertitude du Congo—soutenue par une 4 politique ont freiné production pétrolière renforcée. 3 5 les investissements Au Cameroun, la plus importante 2 et la croissance du 1 0 économie de la CEMAC, le secteur PIB réel. 0 des services s’est développé, –1 –5 dynamisant la croissance du PIB. –2 –10 Parmi les exportateurs de métaux, –3 la performance était mitigée. Dans –4 –15 2010Q2 2010Q4 2011Q2 2011Q4 2012Q2 2012Q4 2013Q2 2013Q4 2014Q2 2014Q4 2015Q2 2015Q4 2016Q2 2016Q4 2017Q2 2017Q4 2018Q2 2018Q4 2019Q2 certains pays (Botswana, République démocratique du Congo, et Zambie), PIB Formation brute de capital (droite) la croissance s’est ralentie en raison Sources : Haver Analytics ; Statistics SA. Remarque pour la Figure 1.9 : Remarque : PIB = produit intérieur brut ; q/q = d’un trimestre à de la chute des prix des métaux et l’autre ; SAAR = Taux annuel désaisonnalisé. du déclin de la production minière ; dans d’autres pays (Guinée et Niger), FIGURE 1.10 : Production pétrolière en Angola et au Nigéria En Angola, deuxième la croissance est demeurée solide, 2,4 exportateur de soutenue par les investissements 2,2 pétrole de la région, dans les infrastructures. la faible production 2,0 de pétrole a pesé Dans les pays à faible coefficient de sur la croissance 1,8 ressources, la croissance a été plus Mb/j du PIB. marquée, soutenue, du côté de la 1,6 demande, par le développement 1,4 de la consommation publique et des investissements, et du côté 1,2 de l’approvisionnement, par une 1,0 activité robuste dans les secteurs Jan-15 Mar-15 Mai-15 Juil-15 Sep-15 Nov-15 Jan-16 Mar-16 Mai-16 Juil-16 Sep-16 Nov-16 Jan-17 Mar-17 Mai-17 Juil-17 Sep-17 Nov-17 Jan-18 Mar-18 Mai-18 Juil-18 Sep-18 Nov-18 Jan-19 Mar-19 Mai-19 Juil-19 industriels et de services. Toutefois, Angola Nigéria la performance a été variable selon Sources : Site internet de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP, société pétrolière du les pays (Figure 1.11). L’activité Nigéria et site Web de l’administration de l’énergie des États-Unis. Mb/d = millions de barils par jour. Note : les données proviennent de sources directes et indirectes de l’OPEP. économique dans les pays de A F R I C A’ S P U L S E > 9 l’Union économique et monétaire La croissance a FIGURE 1.11 : Croissance trimestrielle du PIB dans les pays sélectionnés ouest-africaine (UEMOA) a été robuste dans 14 continué de progresser à un les pays à faible consommation 12 (Variation en % glissement annuel) rythme rapide au premier de ressources, 10 semestre 2019, soutenue par soutenue par une 8 une forte demande au niveau demande intérieure national. Le Bénin et la Côte forte. 6 d’Ivoire ont enregistré une 4 croissance de 7 %, compensant 2 un ralentissement au Sénégal 0 en raison d’un besoin de –2 Angola recourir à une politique fiscale Côte Ghana Kenya Nigéria Sénégal Afrique Ouganda Rwanda d'Ivoire du Sud plus stricte. La croissance a été 2018Q4 2019 (T1 au T2) dernières observations disponibles solide et stable parmi les pays de la sous-région de l’Afrique de La croissance FIGURE 1.12 : Économies en croissance rapide en et hors Afrique l’Est. Cependant, la croissance a du PIB dans les subsaharienne pays de la région quelque peu ralenti en Éthiopie qui n’utilisent Rwanda et au Kenya en raison, en partie, pas beaucoup Bangladesh de la sécheresse. La croissance de ressources, s’est davantage accélérée au Côte d'Ivoire notamment la Côte Rwanda en raison des solides d’Ivoire, l’Éthiopie Vietnam et le Rwanda, s’est activités de construction. Ailleurs, Burkina Faso classée parmi les l’activité est restée sous pression plus rapides du Inde dans plusieurs pays. Au Soudan, monde. Éthiopie le PIB s’est resserré davantage, Sénégal le sentiment vis-à-vis des Chine investissements se détériorant en raison d’une incertitude politique Philippines accrue. Au Mozambique et Malaisie au Zimbabwe, la croissance Turquie est demeurée faible, les pays -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 continuant de faire face aux 2019p 2018e impacts des cyclones tropicaux Sources : Haver Analytics, Institut national des Statistiques du Rwanda ; Calculs du personnel de la Banque mondiale. ayant fragilisé leurs économies plus tôt cette année. Malgré un certain recul, la croissance du PIB dans les pays à faible coefficient de ressources de la région—notamment la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie et le Rwanda—s’est classée parmi les plus rapides au monde (Figure 1.12). Les derniers indicateurs économiques et résultats d’enquête suggèrent une continuité dans la croissance modeste de la région au second semestre 2019. Cela reflète non seulement la faiblesse constante du commerce international dans un environnement d’incertitudes prolongées au niveau mondial, mais également les contraintes actives structurelles de la région. Au niveau international, les prix des produits de base ont affiché une tendance à la baisse au troisième trimestre. Les prix du pétrole, qui avoisinaient les 63 USD par baril durant le premier semestre de l’année, ont chuté en dessous des 58 USD par baril en août. Les prix ont bondi à 69 USD par baril en septembre, après une attaque sur les installations pétrolières en Arabie saoudite, mais se sont depuis stabilisés. Pour la plupart des métaux de base, les prix ont chuté sur fond de tensions commerciales accrues. Les prix des produits de base en dessous de ce qui était anticipé pèsent sur les finances publiques des exportateurs de pétrole et de métaux de la région et entraînent un ralentissement de l’activité économique dans certains pays. 10 > A F R I C A’ S P U L S E Les données du PMI ont indiqué un ralentissement de l’activité FIGURE 1.13 : PMI composite Les données 70 de l’enquête manufacturière dans plusieurs indiquaient un pays au troisième trimestre (Figure 60 ralentissement 1.13). Les entreprises au Kenya, de l’activité manufacturière au Mozambique et au Ghana 50 dans plusieurs pays ont constaté des augmentations 40 au second semestre. moins rapides dans les extrants et les nouvelles commandes en 30 août. En Zambie, les conditions 20 commerciales se sont détériorées, les chiffres du PMI étant bien en 10 201701 201702 201703 201704 201705 201706 201707 201708 201709 201710 201711 201712 201801 201802 201803 201804 201805 201806 201807 201808 201809 201810 201811 201812 201901 201902 201903 201904 201905 201906 201907 201908 dessous de la marque neutre de 50, qui sépare l’expansion de la Ghana PMI Kenya PMI Ouganda PMI Zambie PMI Indice= 50 contraction, sur fond de conditions Source : Haver Analytics. de liquidité plus restrictives. En Afrique du Sud, la confiance des FIGURE 1.14 : Indice de confiance des entreprises, Afrique du Sud En Afrique du Sud, la confiance des entreprises a encore décliné 60 entreprises s’est (Figure 1.14). L’indice de confiance encore dégradée. 50 des entreprises de la Chambre de commerce et d’industrie 40 sud-africaine a chuté, atteignant Indice 30 son point le plus faible depuis 20 ans au troisième trimestre. 20 Le PMI a chuté, passant de 52,1 en juillet à 45,7 en août puis 10 41,6 en septembre, signalant 0 de faibles résultats dans le 2009Q3 2009Q4 2010Q1 2010Q2 2010Q3 2010Q4 2011Q1 2011Q2 2011Q3 2011Q4 2012Q1 2012Q2 2012Q3 2012Q4 2013Q1 2013Q2 2013Q3 2013Q4 2014Q1 2014Q2 2014Q3 2014Q4 2015Q1 2015Q2 2015Q3 2015Q4 2016Q1 2016Q2 2016Q3 2016Q4 2017Q1 2017Q2 2017Q3 2017Q4 2018Q1 2018Q2 2018Q3 2018Q4 2019Q1 2019Q2 2019Q3 secteur manufacturier (Figure Sources : Haver Analytics ; RMB/Bureau for Research Economics, SA. 1.15). Au Nigéria, des retards dans la constitution du nouveau FIGURE 1.15 : PMI et croissance de la production manufacturière, L’indice des gouvernement après les élections Afrique du Sud directeurs des présidentielles ont contribué achats de l’Afrique à une incertitude concernant 60 4 du Sud est tombé la direction des politiques et 3 en dessous de la Mois après mois% de changement 50 barre des 50 points, réformes publiques. Les PMI pour 2 ce qui témoigne de les secteurs manufacturiers et 40 1 résultats modestes non manufacturiers sont restés 0 dans le secteur Indice 30 supérieurs à la marque de 50 mais –1 manufacturier. ont légèrement chuté, l’activité 20 –2 commerciale et les nouvelles –3 10 commandes progressant à un –4 rythme ralenti (Figure 1.16). 0 –5 Jan-15 Mar-15 Mai-15 Juil-15 Sep-15 Nov-15 Jan-16 Mar-16 Mai-16 Juil-16 Sep-16 Nov-16 Jan-17 Mar-17 Mai-17 Juil-17 Sep-17 Nov-17 Jan-18 Mar-18 Mai-18 Juil-18 Sep-18 Nov-18 Jan-19 Mar-19 Mai-19 Juil-19 Sep-19 Toutefois, les réformes structurelles susceptibles de contribuer à PMI Volume de production manufacturière l’activité ont progressé dans Sources : Haver Analytics ; Banque mondiale ; Statistics SA. Remarque : PMI = Indice des directeurs d’achat. certains pays. En Éthiopie, le A F R I C A’ S P U L S E > 11 gouvernement a pris des mesures Au Nigéria, les PMI FIGURE 1.16 : PMI du secteur manufacturier et non manufacturier, Nigéria pour ouvrir son secteur financier manufacturier et 64 non manufacturier en émettant la toute première 62 ont légèrement 60 licence à une banque étrangère diminué à la fin du 58 (Equity Bank of Kenya). Au Ghana, second semestre, 56 le gouvernement a continué à l’activité ayant progressé à un 54 épurer son secteur financier. Des Indice 52 rythme plus lent. exigences plus strictes en termes 50 48 de capital ont donné lieu à une 46 stimulation de la consolidation, 44 réduisant ainsi le nombre de 42 prêteurs. Le principal secteur 40 bancaire est désormais plus stable. 201701 201702 201703 201704 201705 201706 201707 201708 201709 201710 201711 201712 201801 201802 201803 201804 201805 201806 201807 201808 201809 201810 201811 201812 201901 201902 201903 201904 201905 201906 201907 201908 201909 Le taux des créances douteuses a PMI non manufacturier PMI non manufacturier 50 points chuté depuis son point culminant Sources : Haver Analytics ; Banque centrale du Nigéria. en 2018 et la croissance des Remarque : PMI = Indice des directeurs d’achat. crédits du secteur privé décolle. Creusement du déficit du compte courant et pression persistante sur les réserves externes Le déficit du compte courant médian devrait augmenter de 4,8 % du PIB en 2018 à 6,1 % en 2019 sous l’effet du fléchissement de la demande extérieure et de l’augmentation des importations dans certains pays. Il s’est creusé dans les pays non riches en ressources où la croissance des importations de capitaux, tirée par les projets publics d’infrastructure, est restée soutenue (Figure 1.17). Dans les pays riches en ressources, les déficits du compte courant devraient se creuser chez les exportateurs de pétrole, en partie en raison de la baisse des prix pétroliers. L’excédent du compte courant angolais devrait se réduire, tandis que le Nigéria verra son excédent passer en déficit en raison de l’accroissement des importations. Dans les pays exportateurs de métaux, le déficit du compte courant devrait se résorber tout en restant élevé, car le ralentissement des importations est en partie compensé par un ralentissement de la croissance des exportations. En Afrique du Sud, le déficit du compte courant s’est détérioré pour atteindre 4 % du PIB au T2 2019, contre 2,9 % au T1 2019. La balance commerciale est passée d’un excédent au premier trimestre à un déficit au second, les exportations s’étant contractées Le déficit du compte FIGURE 1.17 : Solde du compte courant, par groupe de ressources alors que les importations courant médian devrait se creuser 2 augmentaient fortement. en 2019 sous l’effet 0 Du côté du financement des de la contraction investissements, les entrées de la demande –2 de capitaux des non-résidents extérieure et de % du PIB (médiane) la hausse des devraient se modérer en 2019 importations dans –4 en raison d’un ralentissement certains pays. des émissions d’obligations –6 souveraines (Figure 1.18). Les émissions des trois premiers –8 trimestres de 2019 se sont élevées à 5,6 milliards USD (en –10 Afrique subsaharienne Pays exportateurs Pays exportateurs de minerais de pétrole d’ASS et métaux d’ASS dollars américains et en euros) 2018e 2019p 2020p environ, alors qu’elles dépassaient Sources : Calculs du personnel de la Banque mondiale. 17 milliards USD en 2018. Le Bénin, le Ghana et le Kenya ont été les 12 > A F R I C A’ S P U L S E plus actifs en la matière, le Kenya mobilisant 2,1 milliards USD en mai FIGURE 1.18 : Émissions d’obligations internationales en Afrique Les entrées de tandis que le Ghana émettait pour subsaharienne capitaux des non-résidents dans 3 milliards USD d’euro-obligations 20 la région devraient en mars, soit le placement se modérer en d’obligations le plus important 15 2019 en raison du de la région en 20191. Toujours en Milliards de dollars ralentissement mars, le Bénin a émis une première 10 des émissions obligation de 500 millions EUR2. d’obligations souveraines Au troisième trimestre, la Réserve 5 dans un contexte fédérale des États-Unis a abaissé son d’incertitude taux directeur des fonds fédéraux croissante pour la deuxième fois cette année, 0 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 des politiques après que la Banque centrale commerciales. Angola Bénin Cameroun Côte d'Ivoire Éthiopie Ghana Kenya européenne a réduit l’un de ses Mozambique Nigéria Rwanda Sénégal Tanzania Zambie principaux taux directeurs et relancé Sources : Bloomberg, son programme d’assouplissement Remarque : Les données les plus récentes correspondent à septembre 2019. quantitatif. D’ordinaire, de telles baisses des taux pousseraient vers FIGURE 1.19 : Écarts EMBI, par région du monde Les spreads les MEED et les marchés frontières 230 souverains de la les flux de capitaux nécessaires au 210 région Afrique financement des déficits du compte sont restés élevés 190 par rapport à ceux Indice=100, 01/01/2015 courant. Toutefois, le sentiment 170 d’autres régions, général à l’égard du dollar américain 150 ce qui reflète les a continué à se renforcer en raison 130 préoccupations des des craintes d’une montée des 110 investisseurs quant guerres commerciales dans le 90 aux conditions monde, ce qui a ralenti les flux économiques de 70 certains pays. de portefeuille en direction de la 50 région. Bien que les écarts de taux Jan-15 Jui-15 Jan-16 Jui-16 Jan-17 Jui-17 Jan-18 Jui-18 Jan-19 Jui-19 des obligations souveraines dans Afrique Asie L'Europe Amérique latine Spread à haut rendement la région Afrique aient décliné ces Source : Bloomberg. derniers mois, ils restent élevés par Remarque : EMBI = Indice des obligations des marchés émergents. rapport à ceux des autres régions, reflétant l’inquiétude des investisseurs quant à la situation économique de certains pays (Figure 1.19). Les flux d’investissements directs étrangers (IDE) ont augmenté dans plusieurs parties de la région en 2018, encouragés par l’augmentation des prix des produits de base et l’amélioration des environnements réglementaires des affaires (CNUCED, 2019). Le Kenya, en particulier, a vu une forte augmentation des IDE à destination des services, du secteur manufacturier et du secteur pétrolier naissant. Les flux d’IDE ont cependant décru dans d’autres grandes économies, dont le Nigéria et l’Éthiopie. Une croissance soutenue dans certains pays et des progrès de la mise en œuvre de l’Accord de libre-échange continental africain devraient contribuer à gonfler les flux d’IDE à destination de la région en 2019. Les flux d’IDE et les émissions d’euro-obligations par le Bénin, le Ghana et le Kenya viendront gonfler les entrées de capitaux dans la région. Toutefois, il est à prévoir que le creusement du déficit du compte courant affaiblira les réserves de change, surtout dans les pays exportateurs de pétrole. Un assainissement budgétaire, soutenu par une politique monétaire plus rigoureuse, a contribué à améliorer la situation extérieure des pays de la CEMAC et à renforcer les réserves régionales. Cependant, comme les pays de la CEMAC restent tributaires des recettes pétrolières, des prix pétroliers inférieurs aux prévisions suggèrent 1 Le 15 mai, le Kenya a émis deux euro-obligations à 7 et 12 ans. La portion à sept ans de l’émission (900 millions USD) a été assortie d’un taux de 7 %, tandis que la tranche à échéance plus lointaine (1,2 milliard USD) servira un intérêt de 8 %. L’euro-obligation ghanéenne a été émise en trois tranches aux conditions suivantes : (i) 750 millions USD pour une obligation de 7 ans à 7,875 % ; (ii) 1,25 milliard USD pour une obligation de 12 ans à 8,125 % ; et (iii) 1,0 milliard USD pour une obligation de 31 ans à 8,950 %. 2 L’euro-obligation béninoise (500 millions EUR, soit environ 567 millions USD) a été émise à 5,75 % pour six ans. A F R I C A’ S P U L S E > 13 que l’accumulation de réserves de Le taux d’inflation FIGURE 1.20 : Taux d’inflation en Afrique subsaharienne, change ralentira probablement, ce devrait diminuer par groupe de ressources en 2019 en raison qui maintiendra une couverture 14 des réserves d’importations de la faiblesse de la demande 12 inférieure aux niveaux appropriés. intérieure, de la Pourcentage (médiane) baisse des prix du 10 pétrole et de la L’inflation a poursuivi 8 stabilité accrue de son recul dans de la monnaie. 6 nombreux pays 4 Le taux d’inflation médian devrait 2 se contracter à 3,4 % en 2019 contre 3,8 en 2018 dans un 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018e 2019f 2020f contexte de demande intérieure Afrique subsaharienne Pays exportateurs de pétrole d’ASS limitée, de baisse des prix du Pays exportateurs de minerais Pays non riches en ressources d’ASS pétrole et de stabilité accrue des devises (Figure 1.20). Ces chiffres Sources : Calculs du personnel de la Banque mondiale. agrégés dissimulent toutefois des différences substantielles entre les pays riches en ressources et les autres. Le taux d’inflation médian devrait augmenter légèrement dans les pays riches en ressources, principalement en raison de la pression accrue sur les prix dans les pays exportateurs de métaux. Des taux d’inflation à deux chiffres élevés persistent au Libéria et en Sierra Leone, en raison de la monétisation continue d’importants déficits budgétaires et d’une répercussion amplifiée de la dépréciation de la monnaie sur les prix sur le marché intérieur. Bien que l’inflation ait ralenti chez les exportateurs de pétrole, elle reste supérieure à 10 % en Angola et au Nigéria. Ainsi, en Angola, elle a progressé pour atteindre 17,5 % en chiffres annuels glissants en août, en raison du renchérissement des denrées alimentaires. Au Nigéria, elle a reculé à 11,0 % (en chiffres annuels glissants) en août, grâce au recul des prix des produits non alimentaires, mais est restée bien au-delà de la fourchette cible de 6 % et 9 % définie par la banque centrale. Dans les pays peu riches en ressources, l’inflation est généralement faible et stable. Toutefois, les pressions croissantes sur les prix des denrées alimentaires, dues en partie à la sécheresse, contribuent à la hausse de l’inflation en Éthiopie, tandis qu’elle reste très élevée au Soudan et au Zimbabwe, en raison de la faiblesse des cadres politiques et institutionnels de ces pays. Le ralentissement de l’activité économique et la faible pression inflationniste ont amené de nombreux pays à déployer une politique monétaire accommodante. Depuis mai 2019, les banques centrales de dix pays, dont l’Angola et l’Afrique du Sud, ont abaissé leurs taux directeurs dans un contexte de faiblesse de l’inflation et de la croissance du PIB réel. En Zambie au contraire, la banque centrale a relevé ses taux d’intérêt en mai afin de stabiliser le taux de change alors que l’inflation était en hausse. En août, quatre pays (le Botswana, Maurice, le Mozambique et la Namibie) ont abaissé leurs taux directeurs. À l’avenir, les décideurs politiques de la région pourraient encore assouplir leur politique monétaire dans un contexte de réduction des pressions sur les prix et de passage à des conditions plus accommodantes à l’échelle mondiale. Lors des réunions de leurs comités de politique monétaire de septembre, les banques centrales du Kenya, du Nigéria et d’Afrique du Sud ont toutefois décidé de maintenir leurs taux d’intérêt de référence inchangés, à 9,0 %, 13,5 % et 6,5 % par an, respectivement. L’assainissement budgétaire reste crucial dans la région Le déficit budgétaire médian de la région devrait baisser à 3,2 % du PIB en 2019, contre 3,9 % en 2018 (Figure 1.21). L’amélioration du déficit budgétaire médian des pays relativement peu riches en ressources compense largement la détérioration des soldes des pays riches en ressources. Près de la moitié des pays peu riches en ressources devraient voir leur déficit budgétaire baisser cette année. 14 > A F R I C A’ S P U L S E Parmi ceux-ci, les pays de l’UEMOA s’efforcent de respecter le critère FIGURE 1.21 : Solde budgétaire (% du PIB) Le déficit régional de convergence du budgétaire de la 2 région devrait se déficit budgétaire de 3 % du réduire en 2019, PIB, en redoublant d’efforts 1 principalement pour améliorer la mobilisation 0 en raison de la des ressources intérieures par réduction des % Du PIB (médiane) la diminution des exonérations –1 déficits budgétaires des pays riches en fiscales et l’application des –2 ressources. directives régionales de politique fiscale. Il est cependant à prévoir –3 que le déficit budgétaire se creusera dans certains pays, –4 en raison d’une augmentation –5 Afrique Pays exportateurs Pays exportateurs de minerais Pays non riches des dépenses dans certains subsaharienne de pétrole d’ASS et métaux d’ASS en ressources d’ASS cas (Ghana, Mozambique, 2018e 2019p 2020p Rwanda et Ouganda) et d’une Sources : Calculs du personnel de la Banque mondiale. mobilisation des recettes en baisse dans d’autres (Eswatini et Soudan). Au Ghana, les dépenses ont augmenté afin de résoudre les problèmes du secteur bancaire ; au Rwanda et en Ouganda, l’augmentation du déficit budgétaire est liée à celle des dépenses publiques d’investissement ; au Soudan et en Eswatini, le recouvrement des recettes fiscales a été considérablement plus faible que prévu. Au Mozambique, les besoins de reconstruction après le passage du cyclone devraient pousser le déficit budgétaire à la hausse. Parmi les pays riches en ressources, les exportateurs de pétrole devraient voir leur excédent budgétaire chuter en raison du poids de la baisse des prix pétroliers sur les recettes, l’évolution de la situation budgétaire étant variable d’un pays à l’autre. Des efforts d’assainissement budgétaire, soutenus par des coupes claires dans les dépenses publiques, d’investissement notamment, ont amélioré les soldes budgétaires des pays de la CEMAC. En Angola, l’assainissement budgétaire s’est poursuivi, soutenu par des ajustements visant à s’adapter à des prix pétroliers plus bas, notamment par une amélioration de la gestion des finances publiques. Au Nigéria cependant, où la mobilisation des recettes non pétrolières est restée faible en raison de la faiblesse de réformes fiscales, le déficit budgétaire devrait se creuser. Pour les exportateurs de métaux, le déficit budgétaire médian devrait rester inchangé à 4,1 % du PIB en 2019, ce qui laisse présager une lenteur dans les progrès en matière d’assainissement budgétaire tant nécessaires. En Afrique du Sud, le déficit budgétaire global devrait augmenter substantiellement. Le ralentissement de la croissance du PIB réel a entraîné une forte baisse des recettes, tandis que le soutien financier accordé à la compagnie d’électricité parapublique Eskom a entraîné des dépassements des dépenses budgétées. La vulnérabilité de la dette reste élevée Le ratio médian dette publique / PIB devrait se stabiliser autour de 55 % du PIB en 2019, après des hausses soutenues depuis 2013 (Figure 1.22). Des différences importantes persistent toutefois entre les pays riches en ressources et les autres. Chez les premiers, la baisse de la dette publique des exportateurs de pétrole a été en partie absorbée par une augmentation des emprunts auprès des exportateurs de métaux. La baisse de la dette publique des exportateurs de pétrole s’explique principalement par le vigoureux exercice d’ajustement budgétaire mené par les pays de la CEMAC. En revanche, la dette publique nigériane devrait augmenter de 3 points de pourcentage du PIB, même si elle restera modeste à environ 22 % du PIB. En Angola, la dette publique est restée élevée en raison de la dépréciation de la monnaie. L’augmentation de la dette publique des exportateurs de métaux reflète essentiellement la hausse des niveaux de la dette A F R I C A’ S P U L S E > 15 sud-africaine et zambienne, ainsi Le ratio de la dette FIGURE 1.22 : Dette publique que de certaines économies publique au PIB 58 de moindre envergure, dont la devrait se stabiliser en 2019, bien que 56 Guinée et le Libéria. En Zambie, la des différences dette publique devrait augmenter significatives 54 de 9 points de pourcentage persistent entre 52 en 2019, sous l’effet de déficits % Du PIB (médiane) les pays disposant budgétaires élevés et d’une de ressources 50 forte dépréciation monétaire. Le abondantes et les pays n’en 48 ratio de dette publique médian disposant pas. 46 devrait diminuer dans les pays pauvres en ressources, grâce aux 44 progrès accomplis en matière 42 d’assainissement budgétaire. 40 La dette publique a toutefois Afrique Pays exportateurs Pays exportateurs de minerais Pays non riches augmenté dans les pays qui ont subsaharienne de pétrole d’ASS et métaux d’ASS en ressources d’ASS connu une détérioration de leurs 2018e 2019p 2020p soldes budgétaires (le Ghana, Sources : Calculs du personnel de la Banque mondiale. le Mozambique et le Rwanda) La part de pays de FIGURE 1.23 : Surendettement de la dette extérieure ainsi que la dépréciation de leurs la région considérés devises (le Ghana, le Mozambique 100 en surendettement et le Soudan). ou à risque élevé de surendettement a La proportion de pays d’Afrique 80 encore augmenté subsaharienne évalués en 2019. comme étant en situation de En pourcentage du total 60 surendettement ou présentant un risque élevé de surendettement a augmenté de près de moitié, 40 malgré un ralentissement de la détérioration (Figure 20 1.23). La vulnérabilité accrue à l’endettement a pour origine le niveau élevé de la dette 0 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 publique, et en particulier de la Faible Modéré Élevé et surendettement dette non concessionnelle, et Source : estimations du personnel de la Banque mondiale une augmentation significative Remarque : Les données couvrent les analyses de la soutenabilité de la dette pour les pays d’Afrique subsaharienne à faible revenu effectuées conjointement par la Banque mondiale et le des coûts du service de la dette. Fonds monétaire. Le nombre de pays varie selon les années. La part de la dette publique libellée en devises étrangères a augmenté de 12 points de pourcentage par rapport à 2013, pour atteindre 36 % du PIB en 2018, ce qui reflète en partie la récente poussée d’émissions d’euro-obligations. Le recours accru aux emprunts en devises a augmenté le risque de refinancement et de taux d’intérêt dans les pays emprunteurs. En outre, la hausse de la participation des non-résidents sur les marchés de la dette intérieure a exposé certains pays au risque de retrait soudain de capitaux, qui pourrait entraîner de fortes dépréciations monétaires. Au Nigéria, les titres à court terme nationaux détenus par des non-résidents représentent une part importante des réserves de change du pays. Parallèlement, les ratios d’endettement plus élevés ont rendu les paiements d’intérêts plus onéreux, ce qui absorbe une part croissante des recettes. Pour la région dans son ensemble, le ratio moyen de paiements d’intérêts / recettes devrait atteindre 11 % en 2019, contre 6 % en 2012 (Figure 1.24). Au Nigéria, bien que la part de la dette publique reste modeste en proportion du PIB, la part des paiements d’intérêts par rapport aux recettes a fortement augmenté, surtout au niveau du gouvernement fédéral, où le ratio paiement d’intérêts/recettes dépasse les 60 %. 16 > A F R I C A’ S P U L S E Le déficit budgétaire médian de la région devrait se réduire FIGURE 1.24 : Paiements d’intérêts en Afrique subsaharienne La vulnérabilité encore en 2020, principalement croissante de Pourcentage des recettes totales, valeur médiane 20 la dette dans la à mesure que l’assainissement région provient en budgétaire progresse parmi les 15 partie de la hausse exportateurs de métaux. Les substantielle du soldes budgétaires devraient coût du service de 10 la dette. rester globalement inchangés pour les pays exportateurs de 5 pétrole et pauvres en ressources. Le ratio médian dette publique/ PIB devrait s’infléchir à la baisse 0 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 après 2019 si l’assainissement Plage inter-percentile Paiements d’intérêts budgétaire se poursuit comme Source : Perspectives économiques mondiales d’avril 2019 ; estimations du personnel de la Banque mondiale prévu, grâce à la mobilisation des ressources intérieures et à la maîtrise des dépenses. Des améliorations de la gestion de la dette et de la transparence de celle-ci seraient toutefois également nécessaires. Malgré des améliorations significatives de la communication sur la dette, il subsiste d’importantes lacunes dans la capacité des pays à comptabiliser, suivre et rendre compte de la dette publique. Des informations complètes et fiables sur la dette publique FIGURE 1.25A : Évolution des scores DeMPA On relève des sont essentielles pour permettre lacunes importantes aux gouvernements comme Cadre juridique en matière de Comptabilité de la dette 80 Structure managériale % comptabilisation, aux créanciers de prendre des 70 % Séparation des tâches, 60 Stratégie de gestion % de déclaration, décisions informées. Les résultats capacité du personnel 50 % d’évaluation et 40 de la dette % de l’Évaluation de la performance 30 % de suivi de la Administration de la Évaluation et en matière de gestion de la dette 20 % dette et sécurité des données 10 présentation % dette an Afrique (DeMPA) effectuée par la Banque 0 de rapports % subsaharienne. mondiale en 2015-2016 révèlent Prévision de ux de trésorerie Audit des lacunes importantes en Garanties de prêts sur Coordination avec matière de comptabilisation de la la politique budgétaire produits dérivés de crédit dette (44 % des pays respectent Emprunts Coordination avec les exigences minimales), de extérieurs Emprunts la politique monétaire déclaration et d’évaluation de domestiques la dette (29 %) et de suivi des 1ère DeMPA 2e DeMPA garanties (17 %) (Figures 1.25A FIGURE 1.25B: Part des pays d’Afrique subsaharienne qui remplissent les et 1.25B).3 Des problèmes plus conditions minimales de transparence de la dette généraux persistent en matière de gouvernance de la gestion de 50 la dette, de faiblesse des cadres 40 Pourcentage juridiques, d’absence d’audits, de médiocrité de l’administration des 30 données et des contrôles internes 20 et de faiblesse des capacités du personnel, les progrès dans 10 le temps s’avérant limités et 0 irréguliers. Enregistrements Évaluation Suivi et de la dette et rapport garantie Sources : Banque mondiale. 3 La DeMPA couvre 26 pays d’Afrique subsaharienne qui ont fait l’objet d’au moins deux évaluations au cours de la période 2008 – 15. A F R I C A’ S P U L S E > 17 PERSPECTIVES La croissance connaîtra une accélération progressive En Afrique subsaharienne, la croissance moyenne devrait connaître une augmentation modeste et passer de 2,5 % en 2018 à 2,6 % en 2019, avant de s’accélérer pour atteindre 3,1 % en 2020 et 3,2 % en 2021 (Figure 1.26). Ces chiffres sont inférieurs de 0,2 point de pourcentage aux prévisions données dans le numéro d’avril 2019 d’Africa’s Pulse. Du côté de la demande, la mollesse continue de la reprise dans la région en 2019 reflète le ralentissement La croissance FIGURE 1.26 : Prévisions de croissance du PIB en Afrique subsaharienne des investissements fixes dans moyenne en Afrique 6 un contexte d’incertitude subsaharienne politique accrue ; du côté de devrait rester l’offre, elle est le reflet de la modérée en 2019 et augmenter 4 croissance modeste des secteurs légèrement en manufacturier et minier due aux Pourcentage 2020, grâce à une faibles performances du secteur reprise progressive 2 de l’énergie dans certains pays. de l’investissement. Au niveau des pays, la faible 0 croissance continue enregistrée au Nigéria, en Afrique du Sud 2017 2018 2019f 2020f 2021f 2017 2018 2019f 2020f 2021f 2017 2018 2019f 2020f 2021f Afrique subsaharienne Angola, Nigéria et ASS, sauf Angola, Nigéria et en Angola a été exacerbée Afrique du Sud et Afrique du Sud par le ralentissement observé Moyenne 2000-2018 dans certains pays non riches en ressources. La reprise de la FIGURE 1.27 : Croissance du PIB par groupe de ressources croissance régionale La croissance régionale devrait 7 prévue en 2020 s’accélérer en 2020 sous repose sur une 6 l’effet du renforcement de la croissance plus demande intérieure, soutenue forte des pays non 5 riches en ressources, par le redressement progressif 4 compensant ainsi des investissements. Il est Pourcentage une croissance 3 attendu que la croissance plus modeste des pays dynamique des pays non riches 2 riches en ressources. en ressources vienne compenser 1 la croissance modeste des pays 0 riches en ressources (Figure 1.27). –1 Plusieurs facteurs expliquent la révision à la baisse des prévisions –2 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018e 2019f 2020f pour 2020 et 2021. Malgré Afrique subsaharienne Pays riches en Pays non riches certaines améliorations, il est ressources d’ASS en ressources d’ASS attendu que l’environnement Sources : Modèle macro structurel MFMod de la Banque mondiale et calculs du personnel de la externe demeure difficile et Banque mondiale. incertain pour la région. Après avoir connu un ralentissement 2019, la croissance mondiale ne devrait connaître qu’une augmentation modérée en 2020. Bien que l’assouplissement des politiques monétaires actuellement en cours de manière synchronisée à l’échelle mondiale permette éventuellement d’alléger les pressions financières dans la région, les entrées 18 > A F R I C A’ S P U L S E de capitaux sont demeurées modestes, en partie à cause FIGURE 1.28 : Prévisions relatives à la demande pétrolière La faiblesse de la demande mondiale de l’incertitude des politiques 1,8 devrait peser sur commerciales qui continue les prix du pétrole d’ébranler la confiance des 1,6 brut reflétant investisseurs. Les prix du pétrole les perspectives 1,4 mondiales moroses. Mbbl/j, a/a devraient s’élever en moyenne à 60 dollars USD le baril en 2019 et 1,2 2020, soit une baisse par rapport aux 68 dollars USD le baril de 1,0 2018, sous l’effet d’un déclin de la demande (Figure 1.28). De la 0,8 Dec-18 Jun-18 Jun-19 Aou-18 Aou-19 Oct-18 Feb-19 Apr-18 Apr-19 même manière, il est attendu que les prix des métaux déclinent IEA AIE OPEP davantage en 2020 en raison de Remarque : EIA = Agence d’information sur l’énergie des États-Unis (Energy Information la morosité des perspectives de Administration) ; AIE = Agence internationale de l’énergie ; Mbbl/j = millions de barils par jour ; OPEP = Organisation des pays exportateurs de pétrole ; a/a = d’une année sur l’autre. croissance mondiale (encadré 1.1). À l’échelon national, le rythme des réformes structurelles devrait FIGURE 1.29 : Prévisions de croissance du PIB par habitant La croissance du PIB 5 par habitant pour demeurer lent dans les grandes l’ensemble de la économies. 4 région devrait rester 3 bien inférieure La croissance du PIB par habitant 2 à la croissance Pourcentage est restée atone à l’échelle de la 1 nécessaire pour région et aucun gain n’est attendu 0 améliorer le pour 2019 (Figure 1.29). Le PIB niveau de vie de la –1 population de la par habitant devrait croître de région. –2 0,5 % en 2020 et de 0,6 % en 2021, –3 bien loin de la croissance requise –4 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 pour améliorer les conditions de 2018f 2019f 2020f 2021f vie de la population. Au Nigéria, Afrique subsaharienne ASS, sauf Nigéria et Afrique du Sud` le pays de la région comptant le Angola, Nigéria et Afrique du Sud ASS, sauf Angola, Nigéria et Afrique du Sud plus grand nombre de personnes Sources : Modèle macro structurel MFMod de la Banque mondiale et calculs du personnel pauvres, la croissance du PIB par de la Banque mondiale. habitant est demeurée négative. La transition démographique accélérée aura un rôle important à jouer dans le développement économique de la région. Toutefois, les perspectives de croissance des différents pays de la région sont considérablement hétérogènes. • Pour les pays riches en ressources, une croissance de 1,7 % est prévue en 2019 et de 2,0 % en 2020-2021, bien en deçà de la croissance de la population, ce qui reflète en grande partie la lenteur continue de la reprise dans les grandes économies. Au Nigéria, la croissance devrait s’élever à 2,0 % en 2019 (inférieure de 0,1 point de pourcentage aux prévisions d’avril) et à 2,1 % en 2020 et en 2021 (respectivement inférieure de 0,1 et 0,3 point de pourcentage aux prévisions d’avril). En l’absence de réformes structurelles, la reprise économique du Nigéria devrait se poursuivre à un rythme lent. Les perspectives de croissance à moyen terme sont toujours limitées par l’environnement peu propice des politiques économiques et la lente mise en œuvre des politiques. La présence de plusieurs taux A F R I C A’ S P U L S E > 19 de change, les restrictions imposées aux devises étrangères, l’inflation élevée et le bas niveau des recettes non pétrolières persistent, de même que d’immenses contraintes infrastructurelles et une insécurité croissante dans certaines régions du pays. • Les prévisions de croissance pour l’Afrique du Sud sont dorénavant de 0,8 % pour 2019 (inférieures de 0,5 point de pourcentage aux prévisions d’avril), soit le même niveau que 2018. La croissance devrait s’accélérer pour atteindre 1,0 % en 2020 (inférieure de 0,7 point de pourcentage aux prévisions d’avril) puis 1,3 % en 2021 (inférieure de 0,5 point de pourcentage aux prévisions d’avril). Ces fortes révisions à la baisse reflètent le ralentissement brutal de la croissance du PIB réel au premier trimestre 2019, la faible confiance des investisseurs et la persistance des incertitudes politiques, y compris s’il est possible de trouver une solution pour Eskom, si les dérapages budgétaires peuvent être évités et si des réformes structurelles sont entreprises. • En Angola, une croissance de 0,7 % est prévue pour 2019 (inférieure de 0,3 point de pourcentage aux prévisions d’avril), de 2,2 % en 2020 et de 2,7 % en 2021 (respectivement inférieure de 0,7 et 0,1 point de pourcentage aux prévisions d’avril). La croissance devrait rester atone en 2019 dans la mesure où le développement modeste du secteur non pétrolier, favorisé par des réformes visant à améliorer l’environnement des affaires, est en partie contrebalancée par la faiblesse continue du secteur pétrolier due au vieillissement des champs. La croissance devrait toutefois rebondir progressivement alors que les nouveaux investissements contribueront à amortir le recul du secteur pétrolier. • À l’exclusion du Nigéria, de l’Afrique du Sud et de l’Angola, les prévisions de croissance pour le reste de la région s’élèvent à 4,0 % en 2019 (inférieures de 0,4 point de pourcentage aux prévisions d’avril), à 4,7 % en 2020 et à 4,8 % en 2021, ces deux derniers chiffres demeurant globalement identiques aux prévisions d’avril. La révision des prévisions pour 2019 est principalement le reflet d’un ralentissement parmi les pays non riches en ressources. Parmi les autres pays riches en ressources, les perspectives pour les pays de la CEMAC sont relativement stables, avec une croissance moyenne prévue de 3,0 % 2019 et en 2020, en dépit de la volatilité de la situation sécuritaire dans certains pays. Ces prévisions supposent la poursuite des ajustements budgétaires visant à préserver la viabilité externe et la mise en œuvre des réformes prévues pour stimuler la croissance non pétrolière. En revanche, une modération de la croissance est attendue parmi les exportateurs de métaux, reflétant en partie des perspectives plus moroses en Zambie et en République démocratique du Congo alors que la production minière ralentit sous l’effet d’une baisse du prix des métaux. • Pour les pays non riches en ressources, les prévisions de croissance sont de 4,2 % en 2019 (inférieures de 0,5 point de pourcentage aux prévisions d’avril) et de 5,0 % en 2020 et en 2021, soit des taux globalement inchangés par rapport aux prévisions d’avril. La révision à la baisse des prévisions pour 2019 reflète principalement les effets défavorables des économies en difficulté, dont le Mozambique, le Soudan et le Zimbabwe, quoiqu’un ralentissement est également observé au Kenya en raison de la baisse des exportations agricoles et au Sénégal en raison de la réduction des dépenses publiques. L’accélération prévue de la croissance en 2020 suppose une stabilisation progressive des économies en difficulté et, en parallèle, une croissance toujours robuste dans les pays de l’UEMOA et dans la sous-région est-africaine. Les perspectives pour ces pays reposent sur un assainissement budgétaire qui atténuera les vulnérabilités liées à l’endettement et sur la mise en œuvre de réformes structurelles visant à améliorer la compétitivité de leur économie et à stimuler la croissance tirée par le secteur privé. 20 > A F R I C A’ S P U L S E Le prix de la plupart des matières premières a connu une baisse considérable depuis le deuxième trimestre, en grande partie ENCADRÉ 1.1 : sous l’effet de la détérioration des perspectives de croissance mondiale mais aussi, pour certaines, de la demande de biens. Perspectives pour le marché Le cours du pétrole, qui s’élevait en moyenne à 63 dollars USD le baril au cours de la première moitié de 2019 (en baisse des matières de près de 8 % par rapport au premier semestre 2018), a chuté en dessous des 58 dollars USD le baril en août, alors que premières les révisions à la baisse des perspectives de la demande se poursuivaient. Bien que l’OPEP (sous l’impulsion de l’Arabie Saoudite) ainsi que ses partenaires non membres (principalement la Russie) aient généralement respecté les réductions approuvées, la production des autres pays a permis de maintenir le marché bien approvisionné (Figure B1.1). La croissance de la production de pétrole aux États-Unis, qui n’a cessé de s’accélérer au premier trimestre 2019, a ralenti, principalement en réaction à la baisse des prix mais aussi parce que les conditions climatiques défavorables ont temporairement perturbé la production. Le prix du pétrole devrait se situer en moyenne autour de 60 dollars USD le baril en 2019 et 2020, soit un recul par rapport aux 68 dollars USD de 2018. Toutefois, de grandes incertitudes entourent ces prévisions, en particulier les incertitudes de nature géopolitique, comme l’ont rappelé les attaques du 14 septembre contre les infrastructures pétrolières d’Arabie Saoudite. Bien que ces attaques aient réduit de moitié la capacité de production pétrolière du pays, rendant par là même FIGURE B1.1 : Évolution de la production de pétrole brut depuis 2016 Bien que les 4 pays de l’OPEP et le prix du pétrole particulièrement volatile leurs partenaires (il s’est apprécié de près de 15 % en une aient respecté journée), les marchés se sont apaisés suite 2 les réductions à l’annonce du rétablissement rapide de Mbbl/j, a/a de production plus de la moitié de l’approvisionnement 0 convenues, la en pétrole. production d’autres Le prix des métaux s’est apprécié au -2 pays a permis de cours du premier semestre de l’année maintenir le marché (Figure B1.2) sous l’effet de goulets -4 bien approvisionné. d’étranglement du côté de l’offre, y Nov-16 Mai-17 Nov-17 Mai-18 Nov-18 Mai-19 compris pour le cuivre, le nickel, le plomb et le zinc, et de la forte demande chinoise OPEP Non-OPEP Total (la Chine représente actuellement 55 % Source : Agence internationale de l’énergie. de la consommation mondiale de La dernière observation date de juillet 2019. métaux, contre seulement 5 % en 1990). Cependant, le prix de la plupart des FIGURE B1.2 : Prix des métaux Après s’être métaux de base a connu un déclin à partir raffermis au 190 du second semestre, principalement sous cours du premier 170 l’effet de la recrudescence des tensions semestre, les prix Indice, 2000 = 100 150 commerciales. La seule exception était des métaux ont 130 diminué sous l’effet le nickel, dont le prix s’est envolé en 110 de la recrudescence raison de préoccupations continues du 90 des tensions côté de l’offre. Le prix des métaux devrait 70 commerciales. continuer de décliner en 2020, reflétant 50 les perspectives de croissance moroses. 30 Jan-11 Jan-12 Jan-13 Jan-14 Jan-15 Jan-16 Jan-17 Jan-18 Jan-19 Les prix des produits agricoles, en particulier des céréales, ont augmenté au cours du premier semestre 2019, de Minerai de fer Métaux de base Source : Banque mondiale. crainte que les mauvaises conditions Remarque : La dernière observation date de septembre 2019. climatiques entraînent une baisse des récoltes dans certains grands pays producteurs, mais ils sont retombés au cours du second semestre dans un contexte d’amélioration des conditions climatiques, mais aussi de préoccupations commerciales continues. À l’heure actuelle, le rapport stock-utilisation (une mesure de l’offre relativement à la demande) pour les trois principales céréales (maïs, blé et riz) se situe à un niveau élevé, et l’on peut donc en déduire que les prix des produits agricoles connaîtront probablement peu de variations en 2020. Dans le secteur agricole, une nouvelle intensification des tensions commerciales représente l’un des principaux risques à la baisse, qui pourrait entraîner une dépréciation des prix ou un creusement des différentiels de prix entre les pays. A F R I C A’ S P U L S E > 21 RISQUES Les risques demeurent orientés à la baisse. Sur le plan externe, les risques pesant sur les perspectives régionales incluent les possibilités d’une croissance mondiale plus faible que prévu sous l’effet de la détérioration continue de la confiance des investisseurs, du resserrement des conditions financières mondiales et d’une volatilité accrue des prix des matières premières. Sur le plan intérieur, les principaux risques qui continuent de peser sur les perspectives sont la sécheresse, les menaces sécuritaires, l’augmentation du coût des emprunt publics et le ralentissement du rythme des réformes visant à accroître les revenus et l’investissement privé. Risques externes Reprise mondiale plus molle que prévu. La croissance mondiale devrait rebondir en 2020, suite à un ralentissement en 2019. Les tensions commerciales dans le monde ont contribué à ce ralentissement de l’activité économique mondiale en diminuant la confiance des investisseurs et en réduisant les investissements (voir la Figure 1.30). Ces tensions ont entraîné une baisse du prix de matières premières et contribué au déclin des exportations dans la région. En dépit des récents signes d’atténuation des tensions commerciales entre ces deux pays en anticipation des négociations prévues en octobre, une grande incertitude continue d’entourer la politique commerciale. Une recrudescence des tensions commerciales dans le monde intensifiera le ralentissement mondial actuel ainsi que le sentiment de risque, et entravera la reprise en Afrique subsaharienne, notamment parce que les recettes fiscales seront plus faibles, que les déficits du compte courant se creuseront et que les investissements seront faibles. L’intensification des tensions douanières dans l’économie mondiale risque d’entraîner une baisse des exportations pouvant atteindre 3 % (674 milliards de dollars USD) et du revenu mondial pouvant atteindre 1,7 % (1,4 trillion de dollars USD), toutes les régions enregistrant des pertes (Freund et al. 2018). De plus, un ralentissement plus brusque que prévu en Chine à cause de l’accumulation des incertitudes dans le commerce mondial ferait chuter encore davantage le prix des matières premières en entraînant une baisse de la confiance des investisseurs mais aussi de la demande chinoise. D’un autre côté, si les différends commerciaux sont résolus et que la confiance des L’incertitude FIGURE 1.30 : Incertitude du commerce mondial, commerce mondial et investisseurs repart à la hausse, du commerce production industrielle mondiale mondial pèse sur le (Évolution d’une année sur l’autre, en %) une reprise de l’activité mondiale commerce mondial pourrait stimuler la croissance 6 et la production régionale au point de dépasser industrielle. les prévisions de référence 5 grâce à des exportations plus élevées et un accroissement des Variation en% d'une année à l'autre 4 flux d’investissement destinés 3 à l’exploitation minière et aux infrastructures. 2 Durcissement des conditions de financement. Bien qu’un 1 assouplissement mondial synchronisé des politiques 0 monétaires soit en cours, les conditions financières pourraient –1 se durcir de manière inattendue 2016Q1 2016Q2 2016Q3 2016Q4 2017Q1 2017Q2 2017Q3 2017Q4 2018Q1 2018Q2 2018Q3 2018Q4 2019Q1 2019Q2 sous l’effet d’un changement Incertitude sur Production industrielle Commerce soudain de l’appréciation des le commerce mondial mondiale international risques dus à d’autres facteurs Source : Ahir, Bloom et Furceri (2018) ; World Trade Monitor de CPB. que la faible croissance. Un 22 > A F R I C A’ S P U L S E durcissement soudain des conditions financières dû à une plus FIGURE 1.31 : Part de la dette, par devise Le recours accru grande aversion au risque parmi les 70 aux emprunts en devises a augmenté investisseurs pourrait exposer les 60 le risque de économies fortement endettées Pourcentage du PIB 50 refinancement et de la région aux risques de service de change dans de 40 de la dette, de refinancement et nombreux pays de de taux de change (Figure 1.31). 30 la région. L’exposition aux marchés financiers 20 mondiaux s’est accentuée dans la 10 région, en particulier sous l’effet des émissions d’euro-obligations. Enfin, 0 2013 2018 une perte de confiance vis-à-vis Monnaie nationale Devise étrangère du dollar des États-Unis à l’échelle Source : Banque mondiale. mondiale pourrait se traduire par une augmentation des primes de risque et une baisse des financements externes pour les économies périphériques de la région, ce qui pourrait sensiblement affaiblir la position de leurs réserves externes. La prépondérance de ces risques montre à quel point il est nécessaire de mettre en œuvre des politiques efficaces qui instaureront des mécanismes de protection adaptés. Volatilité du prix des matières premières. Les prix des matières premières devraient rester relativement faibles par rapport à leur pic de 2018. Sur les marchés pétroliers, une demande mondiale plus faible que prévu pourrait réduire davantage les prix, tandis que les tensions géopolitiques au Moyen-Orient ou la baisse de la production par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole représentent un risque à la hausse pour les prix. Un niveau plus bas des prix du pétrole aggraverait la position budgétaire des exportateurs de pétrole de la région en réduisant leurs recettes pétrolières, tandis que le déclin de l’activité économique aurait une incidence sur la croissance des secteurs non pétroliers. Les exportateurs de pétrole de la CEMAC sont particulièrement vulnérables à ce risque en raison de la plus grande fragilité de leurs cadres politiques. Une baisse prolongée des prix du pétrole exercerait des pressions sur les équilibres budgétaire et externe et sur le secteur financier, ce qui entraverait considérablement les efforts d’assainissement budgétaire en cours. Cependant, la baisse des prix du pétrole pourrait également améliorer la position budgétaire des importateurs de pétrole et soutenir la croissance dans ces pays. Risques intérieurs Réformes intérieures de moindre ampleur. À l’échelle de la région, les perspectives à moyen terme sont basées sur la mise en œuvre des mesures d’assainissement budgétaire et des réformes structurelles prévues pour soutenir l’investissement privé. Cependant, dans de nombreux pays, et surtout dans ceux où des élections générales auront lieu prochainement, le risque d’une mise en œuvre limitée des réformes demeure élevé. Étant donné la forte vulnérabilité liée à l’endettement dans la région, des dérapages en matière d’assainissement budgétaire pourraient accroître encore davantage la dette publique et le coût de son service. Cela aurait pour effet d’évincer le crédit destiné au secteur privé et de réduire les réserves en devises étrangères. En cas de ralentissement du remboursement de la dette intérieure et des arriérés, la stabilité du secteur financier serait menacée. Enfin, une mise en œuvre plus lente que prévu des réformes structurelles pourrait freiner les échanges commerciaux, la diversification économique et les améliorations de l’environnement réglementaire pourtant indispensables pour stimuler l’activité du secteur privé. Détérioration de la situation sécuritaire. Dans de nombreuses zones de la région, les risques sécuritaires (y compris les menaces terroristes) se sont intensifiés, aggravés par les tensions intercommunales et religieuses dans certains pays, en particulier dans la région du Sahel en Afrique de l’Ouest (Figure 1.32). Ces menaces pourraient freiner l’investissement local étranger, limiter le tourisme et entraver l’action des pouvoirs publics pour mettre en œuvre leurs programmes de réformes visant à accélérer la croissance A F R I C A’ S P U L S E > 23 et réduire la pauvreté. La Les risques de FIGURE 1.32 : La violence en Afrique subsaharienne, par sous-région détérioration continue de la sécurité sont 14000 situation sécuritaire pourrait élevés dans de même se traduire par une nombreuses 12000 régions. Une augmentation des dépenses militaires et des sorties de Nombre d’événements détérioration plus 10000 marquée que prévu capitaux. Enfin, une plus grande des conditions 8000 insécurité à l’échelle régionale de sécurité pourrait déstabiliser les frontières 6000 pourrait nuire aux et entraîner de nouveaux influx perspectives de 4000 croissance de la de réfugiés ou de nouveaux région. 2000 déplacements internes. 0 Chocs climatiques. La région demeure vulnérable aux chocs 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Afrique de l’Est Afrique centrale Afrique du Nord Afrique australe Afrique de l’Ouest climatiques, notamment la sécheresse et les inondations. En Source : Projet ACLED (Armed conflict Location and Event Data Project), 2019. 2019, le secteur de l’agriculture n’a apporté qu’une contribution négligeable à la croissance régionale, la sécheresse ayant perturbé la production de certains pays. Des conditions climatiques plus défavorables que prévu auront pour effet de contracter davantage le secteur agricole et de réduire les revenus agricoles, les recettes d’exportation et la croissance générale. La prévalence de ce risque dans la région ne fait que justifier davantage le besoin d’établir des mécanismes efficaces pour renforcer la résilience des pays face aux changements climatiques, comme nous l’avons déjà abordé dans le numéro d’avril 2019 d’Africa’s Pulse. Au vu de la sévérité des impacts des chocs climatiques sur les ménages ruraux, il sera crucial de mettre en place des systèmes d’alerte précoce et des mécanismes d’assurance efficaces qui ciblent les agriculteurs à faible revenu. TAXONOMIE DE LA CROISSANCE : QUEL EST LE DEGRÉ DE RÉSILIENCE DE LA CROISSANCE DANS LES PAYS D’AFRIQUE SUBSAHARIENNE ? La taxonomie de la résilience de la croissance, qui a été présentée dans le volume 14 d’Africa’s Pulse, décrit différents groupes de pays qui enregistrent les meilleurs résultats en matière de croissance dans la région sur la base du rythme et de la persistance du taux de croissance de leur produit intérieur brut (PIB) (Banque mondiale 2016). Cette analyse offre une vue d’ensemble des performances économiques récentes en Afrique subsaharienne. Les vents contraires extérieurs dus à la progression du commerce mondial et à l’incertitude des politiques – ainsi qu’à la mauvaise gestion économique – ont fait des ravages dans les pays d’Afrique subsaharienne au cours de la période 2015-2019, mettant ainsi à l’épreuve le degré de résilience de la croissance dans l’ensemble de la région. Cette section met à jour la taxonomie de la résilience de la croissance en Afrique subsaharienne (voir Figure 1.33). Par rapport à la taxonomie rapportée dans l’édition d’avril 2019 d’Africa’s Pulse, cinq pays ont vu leurs notes abaissées, tandis qu’un a vu sa note relevée. Il s’agit de l’Ouganda (qui a enregistré une croissance du PIB de 5,5 % au cours de la période 2015-2019). Il est passé de la position intermédiaire à la position bien établie. Deux pays ont été déclassés de la position de progression à la position intermédiaire (Guinée-Bissau et Mali), deux pays sont passés de la position intermédiaire à une situation de recul (São Tomé e Príncipe et Soudan), tandis qu’un pays est passé de la situation de recul à une décroissance (Afrique du Sud). 24 > A F R I C A’ S P U L S E FIGURE 1.33 : Taxonomie de la croissance en Afrique subsaharienne Par rapport à la taxonomie rapportée En progression Établis dans l’édition d’avril Éthiopie 2019 d’Africa’s Pulse, 8 Côte d'Ivoire cinq pays ont vu Guinée Rwanda leurs notes abaissées, Sénégal Tanzanie tandis qu’un a vu sa Kenya Burkina Faso note relevée 6 Ghana Ouganda Guinée-Bissau Niger Togo Bénin Mali Congo, Rép. Dém. Gambie Rép. Centrafricaine Cameroun Mozambique Coincés au milieu 4 Madagascar Maurice Cabo Verde Croissance du PIB, 2015-2019 Sao Tomé et Príncipe Comores Zambie Gabon Malawi Mauritanie Lesotho Botswana 2 Soudan eSwatini Namibie Nigéria Zimbabwe Afrique du Sud Congo, Rép. Libéria Burundi Tchad –5 0 5 10 15 20 25 Sierra Leone Angola –2 –4 Distancés En recul –6 Guinée Équatoriale Mis à niveau Déclassé Croissance du PIB, 1995-2008 Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. Remarque : La taxonomie de la croissance compare le taux annuel moyen de croissance du PIB entre les périodes 1995-2008 et 2015-2019 à des seuils prédéfinis. Ces seuils correspondent aux 33e et 67e percentiles du taux de croissance annuel moyen de 44 pays d’Afrique subsaharienne au cours de la période 1995-2008, soit respectivement 3,5 et 5,4 %. Une fois les seuils établis, la taxonomie classe la performance de croissance en cinq groupes : a) distancés, b) en recul, (c) coincés au milieu, d) en progression et e) établis. On trouvera de plus amples détails dans les volumes 14 et 15 d’Africa’s Pulse. PIB = produit intérieur brut. Le tercile supérieur de croissance le plus performant de la région, qui comprend les pays en amélioration et bien établis, comprend 10 pays (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Ghana, Guinée, Kenya, Ouganda, Rwanda, Sénégal et Tanzanie). Ce groupe abrite 36 % de la population de l’Afrique subsaharienne (375 millions d’habitants en 2018) et produit 25 % du PIB total de la région. Le tercile intermédiaire de croissance comprend désormais 13 pays (Bénin, Cabo Verde, Cameroun, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Gambie, Guinée-Bissau, Madagascar, Mali, Maurice, Mozambique, Niger et Togo). On y trouve environ 22 % de la population de la région (237 millions de personnes en 2018) et la part du PIB de la région est de 10 %. Le nombre de pays se situant dans le tercile inférieur des pays en termes de croissance est passé à 21 (Afrique du Sud, Angola, Botswana, Burundi, Comores, République du Congo, Eswatini, Gabon, Guinée équatoriale, Lesotho, Liberia, Malawi, Mauritanie, Namibie, Nigeria, São Tomé e Príncipe, Sierra Leone, Soudan, Tchad, Zambie et Zimbabwe). Ce groupe représente 42 % de la population de la région (437 millions d’habitants en 2018) et produit 64 % du PIB total de la région, ce qui va au-delà des économies des terciles supérieurs et intermédiaires combinés. A F R I C A’ S P U L S E > 25 Performance économique et qualité des politiques et institutions économiques Pour assurer une croissance durable et résiliente dans la région, il est impératif de maintenir la qualité des politiques et des institutions nationales et de les améliorer ; il s’agit en l’occurrence de la gestion économique, des politiques structurelles, de la gestion et des institutions du secteur public. Malheureusement, la qualité des politiques et des institutions dans la région, mesurée par les résultats de la CPIA (Évaluation des performances politiques et institutionnelles nationales), a connu une détérioration au cours des cinq dernières années (voir Figure 1.34). La qualité des politiques de gestion économique a chuté pour tous les groupes, quelle que soit leur performance de croissance, entre 2012 et 2013, et entre 2017 et 2018, avec un déclin plus marqué pour les pays du premier et du second terciles. La qualité des politiques structurelles est également en baisse, mais seulement parmi les pays les moins et les plus performants. La qualité de la gestion et des institutions du secteur public est restée ou s’est légèrement améliorée au cours des cinq dernières années pour tous les groupes qui enregistrent les meilleurs résultats en matière de croissance. Par conséquent, la détérioration de la gestion économique et des politiques structurelles a entraîné une baisse de la qualité des politiques et des institutions dans la région, même si l’ampleur de la détérioration varie selon les différents groupes de pays classés en fonction de leur performance en matière de croissance. La qualité des FIGURE 1.34 : Qualité des politiques économiques et des institutions des pays d’Afrique subsaharienne regroupés selon politiques et leur niveau de performance en matière de croissance, 2012-2013 par rapport à 2017-2018 des institutions 4,0 parmi les acteurs de croissance s’est détériorée, en particulier 3,5 dans le domaine de la gestion économique. 3,0 2,5 2,0 Peu Performances Plus Peu Performances Plus Peu Performances Plus performants moyennes performants performants moyennes performants performants moyennes performants (recul + retard) (position (établis + en (recul + retard) (position (établis + en (recul + retard) (position (établis + en intermédiaire) progression) intermédiaire) progression) intermédiaire) progression) Gestion de l’économie Politiques structurelles Gestion du secteur public 2012–13 2017–18 Source : CPIA Database, Indicateurs de développement de la Banque mondiale. Remarque : La figure représente la moyenne des évaluations CPIA de la gestion économique (groupe A), des politiques structurelles (groupe B), et de la gestion du secteur public et de ses institutions (groupe D) pour 2012 – 13 et 2015 – 17. Les notations CPIA vont de 1 à 6, les valeurs élevées indiquant une meilleure qualité des politiques économiques et des institutions. Les termes « les plus performants », « moyens » et « les moins performants » visent les terciles de performance de croissance. Les pays plus performants comprennent les pays établis et en cours d’amélioration. Les pays ayant des performances moyennes sont coincés dans les pays du milieu. Les pays peu performants comprennent les pays en recul ou distancés. Voir la note de la Figure 1.32 pour une description plus détaillée de la configuration des groupes de performances de croissance. CPIA = Évaluation des performances politiques et institutionnelles nationales. Les panneaux A et B de la Figure 1.35 examinent plus en détail les sources de la détérioration de la qualité des politiques de gestion économique et des politiques structurelles. Le groupe des politiques de gestion économique comprend les notations de : a) la politique monétaire et de change, b) la politique budgétaire et c) la politique de la dette. La qualité de la gestion économique s’est détériorée dans les trois catégories de politiques, et le recul est plus marqué dans les politiques monétaire et budgétaire. La baisse de la qualité de la politique de la dette n’atteint pas celle du tercile supérieur des pays les plus performants en matière de croissance. Le tercile intermédiaire de croissance a également enregistré une détérioration de la qualité des politiques monétaire et budgétaire, même si la baisse n’est pas aussi marquée que celle du tercile inférieur. Dans le cas des pays les plus performants en matière de 26 > A F R I C A’ S P U L S E croissance, on observe une légère amélioration de la qualité des politiques monétaires et une baisse de la qualité des politiques budgétaires et de la dette (Figure 1.3, encadré A). La plus forte baisse de la qualité des politiques monétaire et budgétaire, observée dans le tercile inférieur de croissance, peut être attribuée au fait que ce groupe compte le plus grand nombre d’exportateurs de produits de base. L’effondrement brutal des prix des produits de base (en particulier des produits énergétiques) a peut-être a) affaibli les monnaies des exportateurs de ces produits et s’est traduit par une inflation plus forte (selon l’ampleur de la répercussion), b) réduit les recettes publiques et aggravé les déséquilibres budgétaires, et c) réduit le volume des exportations et détérioré le solde des comptes des opérations courantes. FIGURE 1.35A : Gestion économique en Afrique subsaharienne pour les groupes de pays performants en termes de La qualité des croissance, 2012-2013 par rapport à 2017-2018 politiques monétaire et 4,0 budgétaire s’est détéroriée parmi les pays peu 3,5 performants de la région. 3,0 2,5 2,0 Peu Performances Plus Peu Performances Plus Peu Performances Plus performants moyennes performants performants moyennes performants performants moyennes performants (recul + retard) (position (établis + en (recul + retard) (position (établis + en (recul + retard) (position (établis + en intermédiaire) progression) intermédiaire) progression) intermédiaire) progression) Politique monétaire Politique budgétaire Politique d’endettement 2012–13 2017–18 FIGURE 1.35B : Politiques structurelles en Afrique subsaharienne pour les groupes de pays performants en termes de croissance, 2012-2013 par rapport à 2017-2018 4,0 3,5 3,0 2,5 2,0 Peu Performances Plus Peu Performances Plus Peu Performances Plus performants moyennes performants performants moyennes performants performants moyennes performants (recul + retard) (position (établis + en (recul + retard) (position (établis + en (recul + retard) (position (établis + en intermédiaire) progression) intermédiaire) progression) intermédiaire) progression) Secteur nancier Commerce Cadre réglementaire de 2012–13 2017–18 l’environnement des a aires Source : CPIA Database, Indicateurs de développement de la Banque mondiale. Remarque : La Figure représente la moyenne des différentes composantes de la gestion économique (groupe A) et des politiques structurelles (groupe B) pour les périodes 2012-2013 et 2015-2017. Les notes de l’évaluation de la politique et des institutions nationales sont comprises entre 1 et 6, et des valeurs plus élevées indiquent une meilleure qualité des politiques et des institutions économiques. Les termes « supérieur, intermédiaire et inférieur » font référence aux terciles de performance en matière de croissance. Les pays dont la situation est bien établie et en progression figurent parmi les plus performants en termes de croissance. Les pays affichant une croissance moyenne sont dans une situation intermédiaire. Les pays dont la croissance est la plus faible sont ceux qui ont subi un recul et accusent du retard par rapport aux autres. Voir la remarque accompagnant la Figure 1.33 pour une description détaillée de la configuration des groupes de performance de croissance. A F R I C A’ S P U L S E > 27 Le groupe des politiques structurelles comprend les notations a) du secteur financier, b) de la politique commerciale et c) du cadre réglementaire de l’environnement des affaires. La qualité des politiques et des réglementations affectant le secteur financier (ainsi que sa structure) s’est détériorée dans tous les groupes fondés sur les performances en matière de croissance, et la baisse a été plus marquée dans les pays les moins performants et ceux dont les performances sont moyennes. La note du secteur financier pour les pays les moins performants en 2017-2018 est cependant très faible (2,6). Le niveau de qualité du cadre politique qui favorise le commerce international des marchandises a légèrement baissé dans le groupe des pays les moins performants. Ce chiffre n’a presque pas varié dans les pays les plus performants, bien qu’il ait légèrement augmenté dans les pays qui enregistrent des performances de niveau intermédiaire. La troisième catégorie de politiques structurelles, l’environnement réglementaire des affaires, examine l’environnement juridique, réglementaire et politique qui vise à promouvoir l’investissement privé et à stimuler la productivité. L’amélioration de la réglementation des entreprises peut favoriser l’instauration d’un environnement propice au commerce extérieur de biens et de services. La qualité de l’environnement réglementaire n’a baissé que dans le groupe des pays les plus performants. Bien qu’elle demeure inchangée ou qu’elle ait légèrement augmenté pour les groupes de pays aux performances inférieures et moyennes, les niveaux dans ces groupes sont faibles, à moins de 3,2 au cours de la période 2017-2018 (Figure 1.34, panneau B). Le commerce extérieur pourrait favoriser la croissance si a) les politiques commerciales réduisaient les obstacles au commerce, y compris les obstacles non tarifaires, et plus généralement, offraient aux exportateurs un meilleur accès aux marchés ; b) les secteurs financiers offraient en temps opportun un financement aux exportateurs et aux importateurs pour effectuer leurs transactions ; et c) le cadre réglementaire favorisait la contestabilité et des marchés du travail plus souples. POLITIQUES POUR SOUTENIR LA CROISSANCE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE Les prévisions de croissance pour l’Afrique subsaharienne indiquent que la reprise se poursuivra en 2020-2021, bien que son rythme soit incertain et probablement plus faible que prévu. La croissance par habitant à moyen terme restera également inférieure à sa moyenne à long terme. Dans ce contexte, les décideurs politiques de la région doivent promouvoir des politiques susceptibles de prolonger et de redynamiser l’expansion actuelle, d’améliorer la résistance aux chocs et d’accroître la croissance potentielle à moyen terme. L’environnement mondial actuel exige des politiques qui soutiennent une croissance inclusive tout en gérant les chocs qui peuvent mettre à l’épreuve la résilience de la croissance. Il s’agit notamment : a) de renforcer les cadres de politiques monétaire et budgétaire pour remédier aux vulnérabilités macroéconomiques actuelles ; b) de stimuler le commerce intrarégional dans le cadre de la zone de libre-échange continental (ZLEC) de l’Union africaine – en particulier le commerce entre communautés économiques régionales en Afrique ; c) d’appliquer des politiques visant à accélérer la réduction de la pauvreté ; et d) de concevoir des solutions novatrices qui favorisent l’autonomisation économique des femmes. S’attaquer aux vulnérabilités macroéconomiques Les vulnérabilités macroéconomiques se sont accrues dans de nombreuses économies d’Afrique subsaharienne dans un environnement extérieur moins favorable et des fondamentaux macroéconomiques faibles. Par conséquent, il est nécessaire d’adopter des politiques macroéconomiques pour reconstruire leur espace budgétaire et monétaire afin de mieux résister aux chocs économiques extérieurs et intérieurs. La présente sous-section examine de près les conditions monétaires, budgétaires et extérieures actuelles en Afrique subsaharienne. Au cours de la dernière décennie, de nombreux pays de la région ont creusé leur déficit budgétaire ou leur déficit des comptes des opérations courantes (ou les deux) et enregistré des taux d’inflation plus élevés. Pour financer des mesures anticycliques, certains pays de la région ont eu recours à l’emprunt (intérieur ou extérieur). Bien que le niveau d’endettement 28 > A F R I C A’ S P U L S E de la région soit, en moyenne, inférieur à celui de la période précédant la mise en œuvre des initiatives d’annulation de la dette, son profil est plus risqué (en raison de la baisse des emprunts concessionnels et de l’augmentation des obligations envers les créanciers privés et les gouvernements non membres du Club de Paris). Pour faire face aux vulnérabilités macroéconomiques croissantes dans la région, il faut : a) créer des marges de manœuvre monétaires et budgétaires pour améliorer la résilience face aux chocs défavorables ; b) renforcer la politique monétaire en permettant aux banques centrales d’être indépendantes, responsables et transparentes ; c) développer les marchés de titres en monnaie locale et enrichir le menu des instruments financiers pour aider à diversifier les structures financières des pays et réduire par la même occasion les risques monétaires ; d) renforcer la mobilisation des ressources intérieures par une administration fiscale efficace et efficiente4 ; e) mettre en œuvre de saines pratiques de gestion de la dette (qui réduisent les risques liés à la structure actuelle de la dette) et favoriser la transparence de la dette (enregistrement, suivi et publication de l’information) ; f ) promouvoir et superviser la transparence des données statistiques pour aider à améliorer la prise de décisions macroéconomiques et la responsabilisation des décideurs ; et g) encourager des politiques visant à diversifier le panier des exportations nationales, permettant ainsi aux pays de mieux résister aux fluctuations des cours des matières premières. Le reste de la présente sous-section décrit l’évolution, au cours de la dernière décennie, des taux d’inflation, des soldes budgétaire et extérieur (double déficit), des réserves de change et de la viabilité de la dette. Les pays africains disposent d’une marge de manœuvre relativement plus grande en matière monétaire que budgétaire pour résister aux chocs économiques En Afrique subsaharienne, neuf des 46 pays ont un taux d’inflation moyen à deux chiffres en 2018-2019 et environ 40 % des pays de la région ont un taux d’inflation supérieur à la moyenne mondiale (3,6 % en 2018-2019). En outre, 37 pays ont enregistré un déficit primaire (en pourcentage du PIB) au cours de la même période. Cela signifie que les pays de la région devront peut-être renforcer leurs cadres de politiques monétaire et budgétaire afin de créer une marge de manœuvre pour de nouvelles mesures en cas de chocs défavorables (extérieurs ou intérieurs) dans l’avenir. La Figure 1.36 présente le taux d’inflation moyen par rapport au solde primaire en pourcentage du PIB en 2018-2019 pour mesurer le degré de marge de manœuvre monétaire et budgétaire dans 46 pays d’Afrique subsaharienne. L’étendue des marges de manœuvre monétaire et budgétaire des pays est évaluée en fonction de certains seuils fixés à l’avance : a) un déficit budgétaire de 3 % du PIB (la ligne pointillée verte à -3 sur l’axe des y), et b) des seuils d’inflation correspondant à la moyenne mondiale (3,6 %) et à la moyenne en Afrique subsaharienne (8,7 %) en 2018-2019. Ces seuils sont identifiés par les lignes pointillées verticales rouges et bleus. Si le pays a un taux d’inflation inférieur au seuil mondial ou régional et un solde primaire supérieur au seuil correspondant, il dispose d’une marge budgétaire et monétaire relativement suffisante. Dans le cas contraire, le pays pourrait être privé d’une marge de manœuvre monétaire ou budgétaire (ou des deux) pour résister à un choc économique à travers des mesures anticycliques. Les pays de la zone I (au-dessus du seuil du déficit primaire et en dessous du seuil de l’inflation mondiale) disposent d’une marge de manœuvre monétaire et budgétaire pour mettre en œuvre des politiques anticycliques : 17 pays de la région enregistrent des taux d’inflation faibles et des soldes primaires supérieurs à -3 % du PIB ; 11 de ces pays sont dans la zone franc CFA (six en Afrique de l’Ouest et cinq en Afrique centrale). La zone II (au-dessus du seuil de déficit primaire et en dessous du seuil d’inflation de l’Afrique subsaharienne) comprend sept pays, à savoir l’Afrique du Sud, le Gabon, la Gambie, le Kenya, Madagascar, le Mozambique et São Tomé e Príncipe. Leurs taux d’inflation sont supérieurs à la moyenne 4 Il est également essentiel de réduire la taille du secteur informel dans les économies africaines. Selon la Banque mondiale, l’emploi dans le secteur informel représente près de 75 % de l’emploi total en Afrique subsaharienne (Banque mondiale 2018). A F R I C A’ S P U L S E > 29 Les économies FIGURE 1.36 : Les économies africaines disposent de marges de manœuvre relativement plus importantes en matière africaines ont monétaire que fiscale relativement plus 6 d’espace monétaire I II III que budgétaire. 4 GNQ SYC GAB TCD 2 MWI CAF Solde budgétaire (% du PIB) TGO MUS GMB 0 CPV ZAF GHA SEN BEN COM TZA MOZ MDG STP –2 CMR KEN ZMB GIN ETH CIV MLI RWA BFA LSO –4 GNB NER UGA NAM NGA -6 BDI SWZ –8 IV V VI BWA ERI –10 0 2 4 6 8 10 12 Inflation (moyenne, %) SB vs. in ation Monde ASS Source : Perspectives de l’économie mondiale, Fonds monétaire international. Remarque : Les lignes pointillées rouges et bleues représentent le taux d’inflation moyen de l’IPC dans le monde et en Afrique subsaharienne en 2018-2019. La ligne pointillée verte indique un seuil de déficit primaire publique de 3 % du PIB. mondiale mais inférieurs à la moyenne de l’Afrique subsaharienne ; par ailleurs, leurs ratios solde budgétaire primaire/PIB dépassent -3 % du PIB. Par conséquent, ils disposent toujours d’une marge de manœuvre monétaire et budgétaire. Si les pays se situent en dehors des seuils, ils n’ont pas de marge de manœuvre budgétaire ou monétaire (ou les deux). Par exemple, si un pays se trouve dans la zone IV (le taux d’inflation dépasse la moyenne pour l’Afrique subsaharienne et le déficit primaire dépasse 3 % du PIB) ou dans la zone VI (aucun problème lié à l’inflation et un déficit primaire au-delà de 3 %), son économie est dès lors vulnérable aux chocs, car son espace budgétaire et monétaire est limité. Le Botswana, la Guinée-Bissau, le Niger et l’Ouganda sont les quatre pays de la zone IV qui se caractérisent par une inflation maîtrisée et des déséquilibres budgétaires qui se renforcent. La zone VI comprend le Libéria, le Nigéria et le Soudan, dont les déficits primaires se sont creusés et dont l’inflation est relativement élevée (supérieure à la moyenne de l’Afrique subsaharienne). Une inflation à deux chiffres et des déficits budgétaires accrus rendent ces pays plus vulnérables aux chocs économiques. Maîtriser le double déficit pour réduire les pressions actuelles De nombreux pays d’Afrique subsaharienne, soit environ 72 % des 46 pays, sont confrontés à d’importants déficits budgétaires ou des comptes des opérations courantes, et 13 % des pays de la région enregistrent un double déficit. Il est essentiel de réduire ces déséquilibres afin d’accroître la marge de manœuvre politique et d’éviter les pressions monétaires. La Figure 1.37 présente le solde des comptes des opérations courantes (axe horizontal) et le solde budgétaire (axe vertical) pour 46 pays d’Afrique subsaharienne, en moyenne en 2018-2019. Le solde des comptes des opérations courantes et le solde budgétaire sont exprimés en pourcentage du PIB. Ce chiffre identifie les pays présentant des déséquilibres excessifs budgétaires et des comptes des opérations courantes en fixant les seuils en la matière à -3 % et à -5 % du PIB, respectivement. La zone IV, qui comprend les pays dont le solde des comptes des opérations courantes et le solde budgétaire sont inférieurs aux seuils, regroupe les pays d’Afrique subsaharienne qui sont confrontés à un double déficit, à savoir le Burundi, le Lesotho, le Liberia, le Niger, l’Ouganda et le Soudan. Dans le cas de l’Ouganda, l’important déficit du solde 30 > A F R I C A’ S P U L S E des comptes des opérations FIGURE 1.37 : L’accumulation des déséquilibres budgétaires et L’aggravation courantes est principalement extérieurs pourrait accroître les pressions sur les monnaies africaines des déséquilibres dû aux importations de biens budgétaires et 10 II I d’équipement et de biens connexes extérieurs pourrait 8 accroître la pression nécessaires aux grands projets 6 sur les monnaies d’investissement financés par l’IDE Solde budgétaire (% du PIB) 4 africaines. et aux prêts-projets à long terme. 2 En revanche, la zone I (qui 0 comprend les pays dont les solde –2 des comptes des opérations –4 courantes et budgétaires sont –6 supérieurs aux seuils) comprend des –8 IV III pays dont les comptes budgétaires –10 et extérieurs sont relativement sous –45 –35 –25 –15 –5 5 contrôle. Treize pays, dont l’Afrique Solde des comptes des opérations courantes (% du PIB) du Sud, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Source : Perspectives de l’économie mondiale, Fonds monétaire international. Ghana et la Tanzanie, entre autres, Remarque : La ligne pointillée verticale représente le seuil de déficit du solde des comptes des opérations courantes de 5 % du PIB. La ligne horizontale pointillée correspond au seuil de déficit sont dans la zone I. Dans le cas de primaire publique de 3 % du PIB. la Côte d’Ivoire, les comptes des opérations courantes sont financés par une combinaison d’IDE, d’emprunts concessionnels et d’émissions d’euro-obligations. La zone III (le quadrant inférieur droit) est caractérisée par des pays en proie à d’importants déficits budgétaires et des soldes des comptes des opérations courantes sous contrôle relatif ; il s’agit notamment du Botswana, de l’Eswatini, de la Guinée-Bissau, de la Namibie et du Nigéria. Enfin, la zone II (quadrant supérieur gauche des seuils) comprend les pays dont le déficit du solde des comptes des opérations courantes est plus important et dont les soldes budgétaires globaux semblent être sous contrôle. Environ 46 % des pays de la région (21 sur 46) présentent d’importants déséquilibres des soldes extérieurs et budgétaires qui enregistrent des excédents ou des déficits modérés. Les pays doivent surveiller leurs déséquilibres de soldes budgétaires et extérieurs dans la mesure où les premiers contribuent aux seconds. Par exemple, une expansion budgétaire financée par l’émission d’une dette publique augmentera le revenu privé disponible et la consommation privée et réduira l’épargne nationale. Cette expansion budgétaire aura également pour effet d’évincer l’investissement privé en relevant les taux d’intérêt intérieurs ; par conséquent, une baisse de l’épargne nationale s’accompagne d’une augmentation du déficit du solde des comptes des opérations courantes, ce qui entraînera un double déficit budgétaire et du solde des comptes des opérations courantes. Selon des estimations récentes, une augmentation imprévue du déficit budgétaire de 1 % du PIB creuse le déficit du solde des comptes des opérations courantes de 0,8 point de pourcentage du PIB (Furceri et Zdzienicka 2018). L’accumulation de réserves internationales pour défendre la monnaie et garantir la stabilité financière Une banque centrale doit accumuler des réserves de change pour défendre la monnaie en cas d’attaque spéculative ou garantir la stabilité financière en menant des opérations qui stabilisent le système financier. En outre, la banque centrale pourrait mettre en œuvre des politiques macroprudentielles pour stabiliser les quantités financières (par exemple, le montant des crédits) ou les prix financiers intérieurs (par exemple, les rendements obligataires, les actions, etc.), et les politiques macroprudentielles doivent être coordonnées avec l’orientation monétaire et politique. A F R I C A’ S P U L S E > 31 La Figure 1.38 illustre la disponibilité des réserves de change de 35 pays d’Afrique subsaharienne, mesurée par le ratio des réserves totales moins l’or divisé par le volume des importations en 2018. En d’autres termes, cet indicateur saisit le nombre de mois d’importations de biens et de services pour lesquels les réserves internationales pourraient payer. Des valeurs plus élevées de ce ratio impliquent qu’un pays a accumulé plus de réserves de change pour défendre sa monnaie et ses prix financiers, et par conséquent, se donner une plus grande marge de manœuvre monétaire et financière. Par exemple, le Botswana a la plus grande couverture d’importation de réserves en Afrique subsaharienne, avec presque une année d’importations (11,9 mois), suivi de Maurice (9,1 mois) et du Nigéria (7,8 mois). Ces pays ont accumulé des réserves de change et disposent d’une marge de manœuvre plus importante pour mener des politiques visant à défendre leur monnaie et à corriger les déséquilibres financiers5. En revanche, le Zimbabwe et la Guinée équatoriale sont les pays ayant la plus faible couverture des réserves en importations (0,13 et 0,14 mois, respectivement). Environ un tiers des pays disposant de données sur les réserves internationales dans la région (12 sur 35) avaient une couverture des importations de réserves inférieure à celle qui était adéquate en 2018 (c’est-à-dire moins de trois mois). Cet indicateur signale non seulement la faible disponibilité de réserves pour défendre les prix financiers en cas de fortes fluctuations, mais aussi l’incapacité du secteur des exportations du pays à générer des recettes durables. L’accumulation de FIGURE 1.38 : L’accumulation de réserves de change contribuerait à consolider la stabilité financière réserves de change 12 contribuerait à consolider la stabilité financière. 10 8 Mois 6 4 2 0 BWA MUS NGA COM TZA AGO CAF CPV ZAF CMR UGA KEN MDG NAM SYC LSO MOZ MRT RWA SLE GMB MWI GHA GAB STP SWZ ETH GIN ZMB BDI COG COD TCD GNQ ZWE Sources : Banque mondiale ; Haver Analytics. La couverture des réserves par les importations a fortement diminué dans tous les pays de la région. Si l’on compare les ratios de 2013 à ceux de 2018, la couverture des importations a diminué pour environ la moitié des pays pour lesquels des données sont disponibles dans la région (c’est-à-dire 17 des 35 pays). Par exemple, le ratio pour la République du Congo est passé de 8,75 mois en 2013 à 0,73 mois en 2018 et de 5,96 mois en 2013 à 0,14 mois en 2018 pour la Guinée équatoriale. Par conséquent, ces pays ont une capacité limitée à défendre leur monnaie contre les attaques spéculatives. En revanche, le Botswana et Maurice ont réussi à augmenter leurs réserves de devises étrangères de 10,13 mois d’importations en 2013 à 11,93 mois en 2018, et de 5,46 mois en 2013 à 9,12 mois en 2018, respectivement6. 5 Dans le cas du Nigéria, les réserves internationales contiennent une part importante de capitaux spéculatifs. 6 En août 2019, la couverture des importations des réserves internationales à Maurice est de 12,1 mois. 32 > A F R I C A’ S P U L S E Recouvrer efficacement les impôts pour améliorer la soutenabilité et la gestion de la dette Africa’ s Pulse a abondamment documenté l’augmentation de la dette publique depuis 2013 et les évolutions intervenues dans la structure de la dette, créant un profil plus risqué. Dans 15 pays d’Afrique subsaharienne (sur 45) en 2018, la dette brute des administrations publiques a dépassé 60 % du PIB, et pour trois de ces pays, le niveau de la dette publique a dépassé 100 % du PIB, à savoir le Cabo Verde, la Mozambique et le Soudan. Pour une meilleure gestion et soutenabilité de la dette dans la région, il faudra améliorer l’administration et les recouvrements d’impôts, de manière à optimiser la structure existante. En élargissant l’assiette fiscale, la réduction du secteur informel en Afrique contribuera également à accroître les recettes publiques. Il conviendrait aussi de déployer des efforts pour améliorer la gestion et la transparence de la dette. La Figure 1.39 présente les mesures de la soutenabilité de la dette dans FIGURE 1.39 : Un meilleur recouvrement des impôts est essentiel pour Un meilleur 44 pays d’Afrique subsaharienne améliorer la soutenabilité de la dette. recouvrement des en 2013 et 2019. La soutenabilité 8 impôts est essentiel de la dette est mesurée par le pour améliorer la 7 soutenabilité de nombre d’années qu’il faut aux la dette. administrations publiques pour intégralement la dette publique, 2009 6 Nombre d'années pour rembourser rembourser intégralement la dette brute. Plus le nombre d’années 5 pour rembourser la dette est élevé, moins le niveau de la dette 4 publique est viable. Sur le plan empirique, cet indicateur est 3 calculé comme le ratio de la dette 2 publique brute des administrations publiques par rapport à la 1 composante tendancielle (filtre Hodrick-Prescott) de l’impôt de 0 0 1 2 3 4 5 6 7 ces administrations. Le calcul de Nombre d'années pour rembourser intégralement la dette publique, 2013 la composante tendancielle des recettes fiscales des administrations Source : Perspectives de l’économie mondiale, Fonds monétaire international. Remarque : La Figure illustre le de ratio la dette brute des administrations publiques par rapport à la publiques est fait de manière à composante permanente des recettes fiscales de chaque pays d’Afrique subsaharienne en 2013 et 2019. Ce ratio indique le nombre d’années qu’il faudra pour rembourser la totalité de la dette publique. éliminer la volatilité associée aux cycles conjoncturels et à fournir une meilleure mesure de l’assiette fiscale. Les dettes d’un pays sont considérées comme viables lorsque le pays a la capacité de les rembourser plus rapidement. Par conséquent, un ratio plus élevé implique que le montant de la dette est supérieur aux recettes fiscales et que les recettes fiscales mettront plus de temps à rembourser la totalité de la dette publique. Par rapport au ratio de 2013, le nombre d’années qu’il faut pour rembourser la totalité de la dette a augmenté dans 38 des 44 pays d’Afrique subsaharienne en 2019. Le nombre d’années pour rembourser la totalité de la dette publique a augmenté en moyenne de 1,5 l’an pour ces 38 pays au cours des six dernières années. En revanche, il n’a diminué que dans six pays (à savoir le Botswana, la République démocratique du Congo, la Guinée-Bissau, Madagascar, le Malawi et les Seychelles). Par exemple, le ratio de la dette par rapport aux recettes fiscales au Botswana est passé de 0,72 année en 2013 à 0,66 année en 2019. Il s’ensuit que : (a) il faut moins d’un an pour que les recettes fiscales du Botswana remboursent la dette du pays, et (b) le temps que cela prend a diminué au cours des six dernières années. Par conséquent, la soutenabilité de la dette du Botswana s’est améliorée. C’est le cas contraire pour de la Gambie : le nombre d’années nécessaires pour que les recettes fiscales remboursent A F R I C A’ S P U L S E > 33 la dette du pays est passé de 5,9 en 2013 à 7,4 en 2019. La Gambie n’a pas réussi à augmenter les recettes fiscales de 2013 à 2019 pour rembourser la dette brute de ses administrations publiques ; par conséquent, la soutenabilité de la dette du pays s’est détériorée. Accélérer la lutte contre la pauvreté La morosité de la croissance en Afrique subsaharienne (taux moyen de 2,5 % au cours de la période 2015 – 2019) a contribué au ralentissement de la réduction de la pauvreté, en particulier à cause du défi démographique dans la région. La performance médiocre de l’agriculture, partiellement attribuée à l’incidence des chocs climatiques (cyclones et sécheresses), a handicapé la réduction de la pauvreté. Environ 82 % des Africains pauvres habitent dans des zones rurales et vivent de l’agriculture. Ils sont également les plus vulnérables à la malnutrition. Une amélioration de la productivité agricole peut aider à renforcer l’efficacité des systèmes alimentaires et déboucher sur des meilleurs résultats de santé et de nutrition. Le taux de pauvreté en Afrique subsaharienne, mesuré par la part de la population vivant avec moins de 1,90 dollar USD par jour, exprimé en ce qui concerne la parité du pouvoir d’achat en 2011, est tombé de 54 % en 1990 à 41,4 % en 2015. Toutefois, le nombre de pauvres a augmenté de 278 millions en 1990 à 416,4 millions en 2015, alors que la population de la région a continué de croître rapidement. Les politiques habituelles sont largement insuffisantes pour atteindre l’objectif de développement durable, à savoir l’éradication de l’extrême pauvreté d’ici 2030. Si les pays africains continuaient de croître à un rythme aussi rapide que celui de 1998-2013, jusqu’à l’horizon 2030, le taux de pauvreté ne diminuerait que jusqu’à 23 % d’ici 2030. Selon ce scénario, et sans action radicale, la part de l’Afrique dans les pauvres du monde augmentera considérablement, passant de 55 % en 2015 à 90 % en 2030. Et la pauvreté en Afrique subsaharienne reste rurale : 82 % des pauvres habitent les zones rurales et environ 70 % de leurs revenus proviennent de l’agriculture. Accélérer la lutte contre la pauvreté en Afrique nécessite une série d’actions qui poursuivent quatre principes d’engagement. Premièrement, mettre en œuvre un programme politique qui crée des débouchées économiques pour les pauvres dans les secteurs et les lieux où ils vivent et travaillent, ou les aide à se connecter à des débouchés générateurs de revenus ailleurs, tout en réduisant en même temps leur exposition aux nombreux risques qu’ils vont affronter. Deuxièmement, les décideurs doivent concevoir des interventions politiques intégrées et complexes qui exploitent les synergies et s’attaquent simultanément à plusieurs contraintes. Troisièmement, tirer parti des technologies numériques pour que les pauvres en bénéficient grâce à un meilleur accès à des biens d’équipement améliorant la productivité, à la formation de capital humain, à un meilleur accès au marché pour l’achat/la vente de biens et services, et à l’emploi. Quatrièmement, concevoir des interventions qui traitent des écarts entre les sexes dans les activités d’éducation, de santé, d’autonomisation et génératrices de revenus. La section 2 de ce numéro de Africa’ s Pulse identifie quatre domaines d’action politique qui contribueront à accélérer l’allégement de la pauvreté à court et à moyen terme. Le premier consiste à accélérer la transition de la fécondité par des mesures visant à autonomiser les femmes en combinant un accès accru à l’éducation et à des programmes offrant aux femmes et aux filles une préparation à la vie active, en s’attaquant aux normes sociales et en réduisant les mariages précoces. Le second est de tirer parti du système alimentaire, à la ferme et en dehors, en mettant en œuvre des mesures qui accroissent la productivité du travail des petits exploitants agricoles et favorisent le développement de chaînes de valeur les liant à des marchés intérieurs et internationaux de plus grande valeur et en soutenant la formation de villes secondaires dans les zones rurales afin de fournir des centres d’activité économique locaux. La troisième consiste à mettre en œuvre des stratégies de gestion des risques afin 34 > A F R I C A’ S P U L S E de prévenir (plutôt que de gérer) les risques et les conflits non assurés. Et le quatrième est de fournir davantage de fonds publics au programme d’allégement de la pauvreté, notamment en augmentant les recettes publiques grâce à une conformité fiscale améliorée et en luttant contre l’évasion fiscale internationale et en rendant les dépenses publiques plus favorables aux pauvres et plus efficaces. Concevoir une solution politique innovante pour autonomiser les femmes africaines Libérer le potentiel non atteint des femmes entraînera une croissance économique et un allégement accru de la pauvreté. La région Afrique peut se vanter que les femmes sont plus susceptibles de devenir des entrepreneurs et que les femmes africaines représentent une part importante du travail agricole sur le continent (40 %). Les disparités entre les sexes dans l’enseignement primaire et la représentation des femmes dans la population active se sont réduites. Toutefois, il existe encore des écarts importants et persistants entre la productivité et les revenus entre hommes et femmes, ce qui entraîne des coûts économiques importants. Par exemple, les femmes produisent 33 % de moins par hectare de terres que les hommes, et les profits réalisés par les femmes entrepreneures sont inférieurs de 34 % à ceux des hommes entrepreneurs. Ces écarts de revenus sont extrêmement coûteux en perte de production. Le coût annuel des disparités entre les sexes en matière de productivité agricole et d’entrepreneuriat en Éthiopie est estimé à 2,2 milliards USD, soit 3,3 % du PIB. L’Afrique subsaharienne ne peut pas se permettre un recul du revenu potentiel de la moitié de sa population. La croissance modeste dans la région au cours de ces dernières années peut être partiellement attribuée à une très faible croissance de la productivité agrégée. Cette faible productivité peut à son tour résulter des politiques, institutions et normes sociales qui provoquent des distorsions dans la répartition du temps chez les femmes et dans leur choix professionnel (Section 3). Par exemple, les distorsions qui expliquent la mauvaise allocation des femmes dans l’activité économique comprennent leur plus faible accès aux finances, l’insécurité de leurs droits fonciers, les asymétries d’information qui affectent les producteurs non connectés aux marchés, et les normes sociales qui régissent les rôles des hommes et des femmes (par exemple, les types de travaux considérés comme appropriés, la répartition des tâches domestiques et la gestion des ressources dans le ménage). Appuyer la femme africaine pour accroître ses possibilités de revenu, augmenter ses gains, et développer ses compétences va réduire l’écart dans ces domaines et améliorer la croissance et le bien- être. La réduction des écarts de revenus entre hommes et femmes exige des politiques qui éliminent les distorsions affectant le processus de décision économique de la femme. La section 3 de ce numéro de Africa’s Pulse identifie une série de solutions politiques offrant le plus grand potentiel de promotion de l’autonomisation économique des femmes en Afrique subsaharienne. Il attire l’attention sur six axes politiques clés permettant de lutter contre les obstacles à l’autonomisation économique des femmes et, partant, d’améliorer leurs perspectives de revenus. (1) Développer des compétences pour les femmes qui vont au-delà de la formation traditionnelle et comprennent des services de vulgarisation agricole sensibles au genre, une formation aux compétences socioaffectives pour les femmes en affaires et des informations pour accompagner les mutations professionnelles dans tous les secteurs. (2) Alléger les contraintes financières pesant sur les femmes grâce à une série de solutions innovantes : tests psychométriques permettant d’obtenir des cotes de crédit et d’identifier la solvabilité, prêts d’argent mobiles et numériques améliorant l’accès des femmes aux secteurs financiers, et interventions intégrées associant des programmes favorisant l’enregistrement des entreprises et des informations sur l’accès aux services bancaires et leur utilisation. A F R I C A’ S P U L S E > 35 (3) Garantir les droits fonciers des femmes par le lancement de programmes de régularisation des terres, le titrage conjoint des droits fonciers au nom des deux époux et la formalisation des droits coutumiers existants. (4) Relier les femmes au travail par le biais d’une série d’interventions qui aident les entreprises et les fermes appartenant à des femmes à développer l’emploi tout en s’attaquant à d’autres obstacles par le biais de programmes prévoyant des injections de capitaux dans le cadre de concours de plans d’affaires et un financement saisonnier pour l’embauche d’une main-d’œuvre agricole. (5) Aborder les normes sociales qui restreignent les perspectives économiques des femmes, notamment en ce qui concerne les types de travaux appropriés pour les hommes et les femmes, la répartition du travail domestique et la gestion des ressources au sein des ménages. (6) Prévoir des programmes d’autonomisation des filles pour modifier les trajectoires de vie des jeunes femmes dans divers contextes, associant des clubs communautaires de filles, une formation aux compétences pratiques, une formation professionnelle, une culture financière et un accès au micro- crédit pour les jeunes femmes. Selon ces six trajets, la section 3 fournit, aux décideurs et aux autres parties prenantes, des recommandations fondées sur des preuves pour concevoir des solutions innovantes qui renforcent l’autonomisation économique des femmes. 36 > A F R I C A’ S P U L S E Section 2 : Accélérer la réduction de la pauvreté en Afrique 2.1 LA PAUVRETÉ EN AFRIQUE AUJOURD’HUI ET DEMAIN L’économie de l’Afrique s’est redressée au milieu des années 1990 après de nombreuses années de fléchissement1. Elle s’est développée à un taux annuel moyen robuste de 4,6 % jusqu’au début des années 2010. La santé de la population s’est améliorée, le nombre d es jeunes fréquentant l’école a augmenté, et le taux d’extrême pauvreté a diminué de 54 % en 1990 à 41,4 % en 20152. La région a connu moins de conflits (en dépit de ceux qui couvent dans certains pays et du nombre inquiétant des personnes déplacées), un élargissement des libertés politiques et sociales, et des progrès dans l’égalité hommes-femmes. La disponibilité et la qualité des données sur la pauvreté pour enregistrer ces progrès se sont également améliorées. Cependant, les progrès en Afrique sont enregistrés à des niveaux très bas. En effet, de nombreuses personnes restent sous-alimentées, analphabètes et sans réel pouvoir d’action. Les disparités entre les sexes sont prononcées, en particulier dans les domaines liés à l’autonomisation économique. L’exposition à la violence domestique reste élevée et la violence politique est en hausse depuis 2010. Alors que la population de l’Afrique continuait d’augmenter rapidement (à un taux annuel de 2,7 %), le nombre de personnes vivant avec moins de 1,9 USD par jour a augmenté, passant d’environ 278 millions en 1990 à 416,4 millions en 2015. En outre, le taux de réduction de la pauvreté a considérablement ralenti ces dernières années. Après l’effondrement des prix des produits de base en 2014-2015, la croissance annuelle du produit intérieur brut (PIB) par habitant dans la région a même été négative en 2016-2018 (Banque mondiale 2019)3. Les dernières prévisions ne laissent entrevoir qu’une modeste amélioration dans l’avenir immédiat, passant d’une croissance par habitant de -0,01 % en 2019 à 0,6 % en 2021, ce qui reste bien en deçà de la moyenne annuelle de l’Afrique qui était de 1,9 % pour la période allant de 1995 à 2013. Même sans tenir compte du récent ralentissement économique et si l’on suppose que les pays auraient poursuivi leur croissance plus favorable enregistrée de 1998 à 2013 de 2013 à 2030, le taux de pauvreté en Afrique serait tombé à seulement 23 % en 2030. Si rien n’est fait, l’Afrique ne sera pas en mesure d’atteindre l’Objectif de développement durable des Nations Unies visant à éradiquer la pauvreté à l’horizon 2030. Alors que les pays des autres régions continuent d’enregistrer des progrès dans la réduction de la pauvreté, les prévisions indiquent que la pauvreté deviendra bientôt un phénomène essentiellement africain. En effet, la part de l’Afrique dans la pauvreté mondiale passera de 55 % en 2015 (contre 15 % en 1990) à 90 % en 2030. Les pressions migratoires découlant d’une démographie, d’une inégalité et d’un changement climatique présentant une bifurcation à l’échelle mondiale ajoutent de l’intérêt à la lutte contre la pauvreté en Afrique. La manière dont l’Afrique peut accélérer sa réduction de la pauvreté et tirer parti des nouvelles possibilités (y compris celles offertes par les changements technologiques) est désormais une préoccupation mondiale. C’est également le thème du Rapport phare 2019 de la Banque mondiale pour la région Afrique, « Accélérer la réduction de la pauvreté en Afrique », dont s’inspire la présente section4. À quoi ressemble la pauvreté en Afrique aujourd’hui ? Où les pauvres vivent-ils ? Quels sont leurs moyens de subsistance ? Et comment leur état de pauvreté évolue-t-il au fil du temps ? Sont-ils principalement pauvres au plan structurel, piégés dans la pauvreté pendant de longues périodes, 1 Dans le présent rapport, « Afrique » renvoie à l’Afrique subsaharienne. 2 Le taux de pauvreté est calculé comme la part de la population vivant en dessous de 1,90 USD par jour, exprimée en parité de pouvoir d’achat (PPA) pour 2011. 3 La décelération de l’activité économique dans la région a été moins sévère si l’on exclut le Nigéria, l’Afrique du Sud et l’Angola (les trois plus grandes économies d’Afrique, chacune fortement tributaire des produits de base) : la croissance du PIB par habitant est tombée à un peu moins de 2 % de 2016 à 2018. Néanmoins, ce chiffre est inférieur à la moyenne à long terme. Selon les dernières estimations disponibles, le Nigéria, l’Afrique du Sud et l’Angola représentent également un quart des pauvres de l’Afrique. 4 « Accélérer la réduction de la pauvreté en Afrique » est la suite du Rapport phare 2016 de la Banque mondiale pour la région Afrique : « La pauvreté dans une Afrique en plein essor ». Ce rapport examine la disponibilité et la qualité des données de suivi de la pauvreté (monétaires et non monétaires) en Afrique et analyse son évolution depuis la relance de l’économie sur le continent au milieu des années 1990 (Beegle et coll. 2016). Ce nouveau rapport met l’accent sur les causes de la pauvreté en Afrique et sur les politiques et les investissements nécessaires pour accélérer sa réduction. La présente section s’appuie sur l’ensemble des données probantes qui sont citées et examinées en profondeur dans le rapport. A F R I C A’ S P U L S E > 37 ou y a-t-il beaucoup de mobilité, le gens entrant et sortant de la pauvreté, ce qui signifie une grande vulnérabilité ? En outre, quelles sont certaines des principales caractéristiques de l’environnement national dans lequel ce groupe et leurs décideurs politiques opèrent ? Les réponses à ces questions constituent un premier facteur qui permet de comprendre et de relever le défi de la lutte contre la pauvreté. Cinq faits stylisés sur la pauvreté en Afrique se distinguent. Premièrement, du point de vue des pays, la moitié des pauvres de l’Afrique vit dans cinq pays et dix pays représentent environ les trois quarts des pauvres de l’Afrique5. Pourtant, les pays ou régions qui abritent la plupart des pauvres ne sont pas nécessairement ceux où les taux de pauvreté sont les plus élevés (Carte 2.1). Il est donc difficile de cibler les efforts de réduction de la pauvreté sur le plan géographique, à l’échelle mondiale et nationale. Historiquement, le fait de négliger les pays et les régions où les taux de pauvreté sont élevés, même lorsqu’ils ne sont pas densément peuplés, a souvent engendré des conflits. Les États fragiles et touchés par des conflits connaissent une réduction plus lente de la pauvreté, même longtemps après la fin du conflit, et les conflits s’étendent souvent facilement aux régions environnantes. Le taux de pauvreté et CARTE 2.1 : Taux de pauvreté, nombre de pauvres les pauvres en Afrique a. Taux de pauvreté b. Nombre de personnes en situation d'extrême pauvreté sont concentrés dans PPA en 2011 % de la population à <1,90 USD/jour Estimation du nombre de personnes vivant en dessous du un nombre limité seuil de pauvreté de 1,90 USD par jour de pays (souvent enclavés) et de régions à l’intérieur de ces pays. Aucune donnée Aucune donnée 0–10 1–500,000 10–20 500,000–1,000,000 20–30 1,000,000–2,000,000 30–40 2,000,000–4,000,000 40–50 4,000,000–6,000,000 50–60 6,000,000–8,000,000 60–70 8,000,000–10,000,000 70–80 10,000,000 + 80 + Source : Base de données interne de la Banque mondiale sur le suivi mondial. Remarque : PPP = parité de pouvoir d’achat. Les estimations de la pauvreté sont basées sur la dernière enquête disponible menée auprès des ménages. L’accélération de la réduction de la pauvreté dans les régions où les taux de pauvreté sont élevés, en particulier lorsqu’elles sont distinctes aux plans ethnique, linguistique ou religieux, ainsi que dans les États fragiles et touchés par des conflits, doit être au cœur de tout programme de réduction de la pauvreté en Afrique. Cette vision est encore plus pertinente aujourd’hui. Le nombre d’actes de violence perpétrés contre les civils ainsi que le nombre de manifestations et d’émeutes enregistré en Afrique, de même que les luttes territoriales, ont encore connu une hausse marquée depuis 2010. En 2013, 29 % des pauvres d’Afrique vivaient dans des États fragiles et touchés par des conflits. On prévoit que cette part passera à 43,6 % à l’horizon 2030 si rien n’est fait d’ici là. Deuxièmement, la pauvreté reste essentiellement une question rurale dans les pays de la région : 82 % des pauvres d’Afrique se trouvent dans des zones rurales et, en moyenne, 70 % de leurs revenus proviennent de l’agriculture (Davis, Di Giuseppe et Zezza 2017). Ceux qui travaillent dans l’agriculture (cultures et élevage) travaillent principalement pour leur propre compte (ce sont de petits exploitants 5 Le classement des pays selon le plus grand nombre de pauvres montre que le Nigéria représente environ 20 % des pauvres d’Afrique (100,7 millions) ; les quatre pays suivants (République démocratique du Congo, Éthiopie Madagascar et la Tanzanie) en représentent 30 % ; et les cinq pays suivants (Kenya, Mozambique, Malawi, Ouganda, et Zambie) en représentent 17 % (http://iresearch.worldbank.org/PovcalNet/povDuplicateWB.aspx, consulté le 2 octobre 2019). 38 > A F R I C A’ S P U L S E plutôt que des salariés dans FIGURE 2.1 : Sources de revenu des ménages par quintile de revenu, Les microentreprises d’autres exploitations), sauf dans enquête la plus récente non salariales certains pays comme le Malawi, où sont la principale 80 le travail agricole salarié est plus source de revenus courant. Les microentreprises non 70 extra-agricoles et non % des ménages dont un des membres salariales (généralement une seule agricoles. 60 est employé dans le secteur personne et souvent dans le cadre d’activités liées à l’agriculture) sont 50 la principale source d’emplois et 40 de revenus extra-agricoles et non agricoles (Figure 2.1). 30 Ces résultats ne signifient pas que 20 la solution à la réduction de la 10 pauvreté réside automatiquement 0 dans le développement agricole 1 2 3 4 5 ou rural. Au lieu de cela, les (Les plus pauvres 20 %) (Les plus riches 20 %) résultats suggèrent un point Quintile de consommation des ménages d’entrée politique : les possibilités Emploi agricole Travail salarié non agricole de revenus des pauvres doivent Travail autonome non agricole Travail salarié agricole être élargies dans les secteurs et les lieux où ils travaillent et Sources : Base de données de la Banque mondiale sur la pauvreté et base de données internationale sur la répartition des revenus vivent, ou ils doivent bénéficier Remarque : Les chiffres représentent les données de 40 pays africains « les entreprises familiales informelles (une activité commerciale détenue et exploitée par un ou plusieurs membres du ménage sans d’une assistance pour profiter des main-d’œuvre salariée) sont la forme la plus courante de travail indépendant non agricole en Afrique. possibilités de revenus d’ailleurs. Troisièmement, la pauvreté est un mélange de pauvreté chronique et transitoire en Afrique. Environ 60 % des pauvres d’Afrique sont chroniquement pauvres, c’est-à-dire que leur pauvreté s’étend sur plusieurs années consécutives (Dang et Dabalen 2018). Cela suggère que la pauvreté en Afrique reste profondément structurelle, en raison d’un manque d’actifs (en particulier de capital humain6, mais aussi, pour certains, de terres), d’un accès limité aux biens publics (infrastructures) et aux services de transport, et de faibles possibilités génératrices de revenus. Cette situation enracinée est en partie liée à la situation géographique des pauvres (ce qui est communément appelé le piège de la pauvreté géographique). En particulier, les régions les mieux dotées sur le plan agroécologique sont plus pauvres : elles ont des taux de pauvreté plus élevés et plus de pauvres au kilomètre carré. Cependant, la pauvreté chronique peut aussi refléter les coûts qu’il faut assumer pour éviter les chocs de revenu - ce qu’on appelle le piège de la pauvreté induit par le risque. Ces coûts sont souvent plus élevés que les coûts engagés pour supporter le choc lui-même. Dans le même temps, deux pauvres africains sur cinq vivent dans une pauvreté transitoire ; ils se situent autour du seuil de pauvreté et entrent et sortent de la pauvreté. Les ménages (et les entreprises) en Afrique se déploient dans des environnements très risqués et leur capacité d’adaptation est souvent limitée. En conséquence, les sorties de la pauvreté restent fragiles et de nombreux ménages rechutent. Des stratégies de gestion des risques plus efficaces pour les pauvres ainsi que la constitution d’actifs et de meilleures possibilités de revenus sont nécessaires, chacune d’entre elles atténuant les composantes structurelles et transitoires de la pauvreté et s’avérant payante à différents moments7. 6 L’indice du capital humain de la Banque mondiale est un indice composite qui calcule la distance qui sépare le capital humain des pays jusqu’à la frontière et met en lumière les niveaux très en retard de capital humain dans de nombreux pays africains (Banque mondiale 2018). 7 Le manque de capital humain, de biens matériels et d’accès aux infrastructures de base réduit non seulement le potentiel de profit des pauvres, mais limite aussi leur « bande passante » mentale et leur capacité d’aspiration, ce qui rend encore plus difficile la sortie de la pauvreté. À ce jour, peu de mesure ont été prises pour s’attaquer directement à la « psychologie » de la pauvreté. A F R I C A’ S P U L S E > 39 Quatrièmement, les pays riches en ressources devraient en principe être mieux placés pour financer les investissements visant à réduire la pauvreté. Pourtant, ils n’ont pas été en mesure de transformer leurs richesses naturelles en investissements de développement à long terme correspondants qui se traduisent par une amélioration de la santé et de l’éducation, des emplois mieux rémunérés et de meilleures opportunités pour la population jeune croissante. La dépendance à l’égard des ressources compromet souvent la qualité institutionnelle, mettant ainsi à mal le potentiel de croissance à long terme et la réduction de la pauvreté. Les dépenses consacrées au capital humain dans ces pays et l’efficacité de ces dépenses sont systématiquement plus faibles que dans les pays non tributaires des ressources naturelles, souvent au détriment des segments les plus pauvres de la population (de la Brière et coll. 2017). Dans des cas extrêmes, l’abondance des ressources peut même engendrer des conflits (Collier et Hoffler 2004). Plusieurs pays africains dépendaient traditionnellement des ressources naturelles. Après le boom des produits de base des années 90 et 2000, davantage de pays de la région ont commencé à développer et à exploiter leur dotation en ressources naturelles (Figure 2.2). Les ressources naturelles représentent désormais une part non négligeable de leurs économies et des recettes publiques. La dépendance à l’égard des ressources naturelles est devenue une caractéristique déterminante de nombreux pays africains, et les méthodes à mettre en œuvre pour une meilleure utilisation des revenus tirés des ressources naturelles constituent un thème important du programme de réduction de la pauvreté en Afrique. Davantage de FIGURE 2.2 : Évolution de la part des exportations de minéraux dans les exportations totales, 1996–2013 pays d’Afrique 60 subsaharienne exportent leurs ressources naturelles Variation de la part des exportations 40 après la flambée des (point de pourcentage) prix des produits de base. 20 0 –20 G ine Éryuinée Za ée Lib bie a om O ero a é ug un í a Guéqua Toge iné tor o Se -Biss le ych au Tchles Gh ad Nigana Ca Ke ria Ve a G rde Eswabon Co uric i m e i s Cô Maopie Ré Ré N ’Ivo i p. p. am ire Afr . du Conge iqu Co o Sé iger m l Bo ambie Sie tsw ie Le a ba one So bwe Bu udan so i Ma B tho M ag in zamitan r Ta bique nz e Bu w ie na da Mao li e d ngo N ud Ma atin d w Le und So ga Mo aur asca Éth ore eri o T Cam ngol Gu et Pr and e ncip bo ny i rra an i s dé du ib G al n e ia d én Fa thr te la rki an é el uS m a a né fric r A Zim R tra cen m iné e qu bli Sã pu Ré Source : Calculs fondés sur les données de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Remarque : Il existe une corrélation étroite entre la part des exportations et celle des recettes publiques pour ce qui est des ressources naturelles. Bien qu’elles soient sans doute le meilleur indicateur de la dépendance à l’égard des ressources, les données relatives à ces éléments sont incomplètes. Enfin, la marge de manœuvre budgétaire de l’Afrique se resserre à nouveau rapidement (voir la section 1 du Pouls). L’Afrique a mené une politique budgétaire anticyclique pour soutenir l’activité économique dans le contexte du ralentissement économique mondial de 2008-2009. Il s’agissait d’une approche politique appropriée à l’époque, mais elle n’a pas été suivie d’un assainissement des finances publiques. En conséquence, la dette publique brute en Afrique a augmenté, passant d’environ 36 % du PIB en 2013 à 55 % du PIB en 2018. Environ 46 % des pays de la région étaient considérés à haut risque ou en situation de surendettement à la fin 2018, contre 22 % en 2013. Le fardeau croissant et plus risqué de la dette signifie que les gouvernements africains ont moins de marge de manœuvre budgétaire pour gérer leurs économies et investir dans la réduction de la pauvreté aujourd’hui et pour l’avenir. Lorsque le resserrement budgétaire se fait en grande partie au détriment des dépenses dans les secteurs sociaux, comme cela a souvent été le cas par le passé, les pauvres et leurs enfants sont ceux qui risquent le plus d’en souffrir. 40 > A F R I C A’ S P U L S E Telles sont quelques-unes des principales caractéristiques qui servent de toile de fond à l’élaboration par les pays africains de leurs stratégies de réduction de la pauvreté. Nombre de ces particularités caractérisent depuis longtemps la pauvreté en Afrique (les faibles niveaux de capital humain et physique et l’accès limité aux infrastructures et aux services publics), mais certaines ont été relativement négligées dans l’élaboration des politiques (croissance démographique, inégalité entre les sexes, gestion des risques et fragilité) ou ne sont apparues que plus récemment (dépendance croissante vis-à-vis des ressources naturelles, resserrement budgétaire et concentration croissante des pauvres du monde en Afrique). Dans l’intervalle, les développements technologiques récents offrent également de nouvelles possibilités de bond en avant, en particulier pour combler les lacunes en matière d’infrastructures. Dans ce qui suit, la section 2.2 présente quatre principes d’engagement pour s’attaquer plus efficacement à la réduction de la pauvreté en Afrique, tandis que la section 2.3 examine quatre domaines nécessitant une action politique primaire. 2.2 LES PRINCIPES D’ENGAGEMENT Permettre aux pauvres d’être les moteurs de la réduction de la pauvreté Pour accélérer la réduction de la pauvreté, certains gouvernements se sont plutôt concentrés sur des ensembles de mesures maximisant la croissance économique (favorable à la croissance) plutôt que sur ceux visant à accroître directement les revenus des pauvres (croissance favorable aux pauvres). Ceux qui favorisent la croissance affirment que les politiques de croissance sont mieux comprises et plus efficaces. Cependant, rien ne permet d’établir qu’une stratégie favorisant la croissance ait été efficace pour l’Afrique8. En outre, la distinction entre les politiques favorables à la croissance et celles axées sur la distribution est difficile à établir. De nombreuses politiques affectent la croissance économique globale et les inégalités de manière opposée9. En fin de compte, l’important est l’effet global de ces politiques sur la croissance du revenu des pauvres par le biais des circuits de croissance et de distribution. En fait, la disponibilité beaucoup plus grande des données sur les ménages aujourd’hui rend sans doute quelque peu obsolète le débat sur les effets différentiels des politiques sur les inégalités et la croissance dans la littérature et l’élaboration des politiques. Il est maintenant possible d’examiner plus directement la manière dont les politiques affectent différentes parties de la répartition des revenus. La réduction de la pauvreté plus lente en Afrique que dans d’autres régions du monde, malgré la forte croissance du PIB africain au cours des 25 dernières années, a été attribuée, entre autres, à la plus lente conversion de la croissance de son PIB en croissance des revenus des pauvres. Elle découle en partie de la croissance continue de la fécondité et de la croissance démographique de l’Afrique. Il en résulte que l’expansion apparemment robuste de son PIB est beaucoup plus modeste par habitant (4,6 contre 1,9 % par an de 1995 à 2013, respectivement). Elle résulte également des mauvaises conditions initiales de l’Afrique, qui baissent l’élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance10. Mais surtout, la conversion plus lente reflète également la composition de la croissance de l’Afrique, en particulier la dépendance 8 Les preuves globales que les revenus des pauvres augmentent au même rythme que le revenu moyen du pays (Dollar, Kleineberg et Kraay 2016) ne sont pas non plus sans équivoque. Elles supposent que les épisodes de croissance positifs et négatifs ont les mêmes effets sur la croissance (ou la baisse) des revenus des pauvres. Cependant, les pauvres peuvent faire face aux chocs de manière qui pourrait rendre difficile leur rétablissement ultérieur. Ils peuvent également être moins capables de profiter des poussées de croissance. Ceci est confirmé dans les données : une augmentation de 1 % dans l’ensemble de la croissance du revenu par habitant augmente la croissance du revenu des pauvres de 0,75 % ; une baisse de 1 % de l’ensemble de la croissance du revenu par habitant réduit la croissance du revenu des pauvres d’environ 1,6 % (sondage 2017). Bien que les estimations puissent indiquer que la croissance des pauvres est proportionnelle à la croissance du revenu moyen en l’absence de distinction entre les épisodes de croissance de revenu positifs et négatifs, ceci semble très différent de l’expérience vécue par les pauvres (des avantages inférieurs à la moyenne de croissance du revenu au cours des poussées de croissance ; et des dommages supérieurs à la moyenne au cours du ralentissement de celle-ci). 9 Les politiques macroéconomiques, monétaires, commerciales, financières, de concurrence et d’investissement sont considérées comme étant généralement axées sur la croissance (distribution neutre). Les politiques favorisant la formation du capital humain, l’égalité d’accès aux biens et services publics et aux marchés des facteurs, l’état de droit, ainsi que les politiques fiscales, du marché du travail et de protection sociale sont généralement considérées comme davantage axées sur la croissance des pauvres (ce qui implique qu’elles sont axées sur la distribution et sur la réduction des inégalités). Dans la pratique, la distinction est plus floue, ce qui rend l’accent mis sur la croissance et l’inégalité, en tant que points d’entrée clés dans le débat sur la réduction de la pauvreté, moins utile qu’on le prétend généralement. Nombre de politiques favorisant la croissance ne sont pas neutres quant à la distribution et, inversement, les politiques liées à la distribution affectent souvent aussi la croissance globale. Par exemple, une plus grande scolarisation dans le primaire peut favoriser la croissance et réduire les inégalités, alors que la mondialisation financière pourrait accélérer la croissance, au détriment d’une augmentation des inégalités (Jaumotte, Lall et Papageorgiou 2013). Du point de vue de la réduction de la pauvreté, les politiques de « juste équilibre » sont celles qui augmentent la croissance tout en faisant bénéficier les pauvres d’une manière disproportionnée. Les politiques qui contiennent l’inflation peuvent être l’une d’elles ainsi que celles qui favorisent la scolarisation dans le primaire et la qualité de l’éducation (Dollar, Kleineberg et Kraay 2016 ; Dollar et Kraay 2002). 10 Comparés à d’autres pays tout aussi pauvres, les pays africains n’ont pas moins bien converti la croissance du revenu des ménages par habitant en réduction de la pauvreté (l’élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance est similaire). Le manque d’actifs et d’accès aux biens et aux services publics, ainsi que la disponibilité limitée des bonnes possibilités d’activités rémunératrices pour une grande partie de la population limitent la capacité d’un grand nombre de personnes dans les pays pauvres à contribuer et à participer à la croissance économique, et de réduire de manière substantielle l’élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance dans n’importe quel pays pauvre, comparée à cette élasticité dans les pays développés. A F R I C A’ S P U L S E > 41 croissante à l’égard des ressources naturelles et les performances modestes des secteurs agricole et manufacturier dans la région. Lorsque la croissance d’un pays ou d’une région est liée à des activités qui utilisent moins intensément les actifs des pauvres (main-d’œuvre et terre), les pauvres en bénéficieront moins. Sinon, ils pourraient bénéficier indirectement des retombées et de la redistribution, mais avec un décalage dans le temps. Il existe de nombreuses possibilités et un besoin urgent d’adopter des politiques de croissance en faveur des pauvres pour accélérer la réduction de la pauvreté en Afrique. De simples simulations comptables suggèrent que 50 millions de personnes supplémentaires pourraient sortir de la pauvreté d’ici 2030 si les revenus des pauvres augmentaient de 2 points de pourcentage plus rapidement chaque année, tout en maintenant constant le taux de croissance annuel par habitant de chaque pays au cours des 15 dernières années (Cattaneo 2017). Compte tenu des possibilités limitées de redistribution et de transferts visant à accroître les revenus des pauvres dans la plupart des pays africains, il faudrait mettre l’accent sur l’amélioration de leur productivité de travail ; c’est-à-dire ce qu’il faudra pour augmenter leurs revenus en tant que travailleurs indépendants ou salariés. En plus de bien définir les fondements de la croissance (stabilité macroéconomique, intégration régionale et environnements commerciaux favorables), un programme politique favorable aux pauvres implique souvent un accroissement de l’activité économique et une croissance dans laquelle les pauvres vivent et travaillent (afin qu’ils puissent contribuer et en bénéficier directement), tout en faisant face, simultanément, aux nombreux risques auxquels ils sont exposés. Une stratégie de réduction de la pauvreté axée sur l’emploi est recommandée. Le problème n’est pas tant le chômage au sens traditionnel du terme que le sous-emploi (dans les zones rurales) ou des rendements faibles et incertains (Fields 2015). Cette perspective focalise naturellement l’attention des politiques sur les transformations structurelles, spatiales et institutionnelles nécessaires pour créer de « bons emplois » et augmenter directement les revenus des pauvres et des vulnérables. L’accent est mis en particulier sur les politiques sectorielles et sous-sectorielles ainsi que sur les investissements (dans l’agriculture, les emplois non agricoles et la gestion des risques et des conflits) pour faciliter ces transformations. Cependant, la nature de ces politiques est loin d’être évidente. De même que toutes les politiques de croissance ne réduisent pas la pauvreté de la même manière, tous les modèles de croissance agricole ou d’urbanisation ne sont pas non plus également bons pour les pauvres. De plus, il faut trouver un équilibre entre investir dans les dotations des pauvres (comme le capital humain et la terre, par exemple) et investir dans leur environnement économique pour accroître le rendement de leurs dotations. La première politique leur donne accès à de meilleurs emplois, mais ne rapporte souvent qu’à moyen terme ou à la génération suivante ; alors que la seconde augmente la demande des biens et services qu’ils peuvent produire aujourd’hui (en tant qu’agriculteurs, propriétaires de microentreprises ou travailleurs), et donc augmente le rendement de leurs dotations actuelles. Le principe fondamental de l’engagement pour accélérer la réduction de la pauvreté est que les interventions doivent être conçues de manière à ce que les pauvres en bénéficient le plus directement possible, leur permettant ainsi d’être les moteurs de l’amélioration de leur bien-être. Cela affectera le choix des interventions sectorielles et sous-sectorielles, comme l’indique plus en détail la sous-section suivante. Viser l’intégration des interventions pour surmonter les contraintes et exploiter les synergies Le deuxième principe d’engagement exige une plus grande intégration des interventions pour tirer parti des synergies et de surmonter les complémentarités des contraintes. Les interventions ciblées sont trop souvent mises en œuvre, telles que la formation des compétences pour l’emploi des jeunes sans tenir compte de la demande pour les biens et services qu’ils produisent, la subvention des machines agricoles sans accorder suffisamment d’attention à la formation des opérateurs et aux services de maintenance et de réparation, ou l’infrastructure d’irrigation sans institutions responsables de la bonne gestion de 42 > A F R I C A’ S P U L S E l’eau. Par conséquent, ces interventions ne donnent souvent pas les résultats escomptés. Les différentes contraintes des facteurs et des marchés de produits qui empêchent les agriculteurs et les propriétaires de microentreprises d’accroître leurs revenus et la productivité de la main-d’œuvre agissent trop souvent comme des quasi-compléments plutôt que des quasi-substituts11. L’atténuation de l’une de ces contraintes est donc inefficace, une autre s’y attachant rapidement, interrompant ainsi l’intervention. Le programme de subvention « intelligent » aux engrais en Afrique est un bon exemple de la complémentarité des contraintes. Le programme a eu un impact limité sur la productivité et la pauvreté en raison de l’absence d’investissements complémentaires dans la vulgarisation agricole, la recherche et le développement et la gestion de la fertilité des sols (Goyal et Nash 2017). L’expérience agricole de l’Éthiopie en est une illustration positive. Le gouvernement s’est simultanément et durablement concentré sur ces points : a) accroître la productivité des cultures de base des petits exploitants en déployant 45 000 agents de vulgarisation (trois par district), en facilitant l’accès au crédit et en améliorant la gestion de l’eau et des terres, b) améliorer la connectivité des marchés grâce aux investissements dans les routes rurales et c) fournir une forme d’assurance par l’intermédiaire du Productive Safety Net Program, l’un des plus importants programmes de protection sociale en Afrique. Depuis le milieu des années 90, les rendements céréaliers des petits exploitants en Éthiopie ont plus que doublé et la pauvreté a diminué plus que de moitié. Un nombre croissant de microétudes détaillées et rigoureuses, certaines menées en dehors du domaine agricole, confirment les effets bénéfiques d’approches plus intégrées qui s’attaquent à plusieurs contraintes à la fois. Lorsque des interventions visant à remédier aux contraintes du capital et des compétences sont combinées, par exemple, on constate souvent des impacts significatifs sur la création d’entreprises et des bénéfices. Cependant, les avantages tirés des synergies d’intégration doivent être mis en balance avec les défis de la complexité croissante de la mise en œuvre et avec le défi politique de concentrer les interventions dans l’espace et de les échelonner dans le temps. Une meilleure intégration des interventions est avancée en tant que deuxième principe directeur d’engagement pour accélérer la réduction de la pauvreté en Afrique, sans perdre de vue l’expérimentation et l’apprentissage des leçons pour parvenir à un juste équilibre dans la pratique. Tirer parti de la technologie et la dépasser, si possible La diffusion rapide des technologies numériques et de l’énergie solaire offre de nouvelles perspectives importantes pour surmonter les contraintes du marché et s’attaquer au défi de la pauvreté en Afrique. Elles devraient être exploitées de manière optimale à travers les secteurs et l’espace. La plupart des pauvres dans les zones rurales (et dans une moindre mesure dans les zones urbaines) sont toujours privés d’accès à une infrastructure fiable et abordable d’information, de communication, d’énergie et de transport (ainsi qu’aux services de transport). Sans elle, il est difficile d’accéder aux marchés et aux services publics, d’augmenter la productivité et les revenus des activités agricoles et non agricoles. La technologie aide l’Afrique à combler le fossé existant dans la fourniture d’infrastructures en réduisant les coûts fixes. Les modèles commerciaux de prépaiement et de paiement à l’unité, facilités par la technologie mobile, permettent aux pauvres d’accéder aux services d’infrastructure. Cela est très prometteur pour la réduction de la pauvreté. Le plus spectaculaire de ces changements technologiques est peut-être celui des services de télécommunication : 73 % de la population africaine dispose désormais d’un abonnement à un téléphone portable. Mais la tendance ne concerne pas uniquement les appels téléphoniques. Le développement de l’application d’argent mobile M-Pesa au Kenya (« M » pour mobile, « pesa » pour « argent » en swahili) a mis un « compte bancaire » rudimentaire dans la poche de chacun. Et au Nigéria, l’application de location de tracteurs, Hello Tractor, réduit les coûts de recherche et de mise en correspondance, en mettant les économies d’échelle des biens d’équipement forfaitaires à haute productivité à la portée des petits exploitants. La prochaine frontière est la pénétration généralisée de l’Internet à haut débit. 11 Le faible rendement des marchés des engrais et des semences est souvent un obstacle important à l’augmentation de la productivité agricole. Ils sont généralement considérés séparément des facteurs de production traditionnels (travail, terres et capital). A F R I C A’ S P U L S E > 43 Les villes et les ménages ruraux d’Afrique pourraient également passer à l’électricité renouvelable bon marché fournie par des panneaux solaires et des miniréseaux reposant sur des systèmes photovoltaïques solaires partagés et des lignes de distribution à courant continu. La Tanzanie a été un pionnier dans le déploiement des programmes d’électrification de microréseaux, et d’autres pays ont commencé à faire de même (notamment le Kenya, le Nigéria, le Rwanda et l’Ouganda). Combler le fossé de la connectivité physique est plus difficile. Les drones pourraient représenter une des solutions. Avec la technologie actuelle, les drones peuvent aider à acheminer de petits objets de valeur tels que du sang et des fournitures médicales dans des régions isolées, comme au Rwanda. Cependant, ce n’est pas la seule possibilité de réduire les coûts de transport. D’autres applications sont en cours de développement, telles que Moovr au Kenya, basé sur le service de messages courts, qui est un Uber pour les vaches. Il relie les camionneurs kényans aux petits exploitants agricoles des régions isolées qui souhaitent acheminer leur bétail vers le marché. Les pauvres peuvent bénéficier directement de ces technologies avancées, comme adoptants, grâce à un meilleur accès à des biens d’équipement améliorant la productivité (comme l’énergie solaire) ou à la formation de capital humain (apprentissage à distance), ainsi qu’à un meilleur accès au marché pour acheter et vendre leurs biens et services (commerce électronique, comme dans les villages Taobao en Chine) et emploi (emplois numériques). Par ailleurs, les pauvres bénéficient souvent indirectement, du fait de la disponibilité plus large et moins chère, des biens et des services après leur adoption par d’autres. Il est toutefois important de noter que ces technologies ne permettront d’accélérer la réduction de la pauvreté que si des politiques publiques volontaristes et complémentaires sont mises en œuvre dans trois domaines : (a) la suppression des obstacles réglementaires à l’adaptation et à la diffusion des technologies dans les zones rurales où vivent et travaillent les pauvres, (b) l’investissement dans la formation des compétences (de base ainsi que numérique) et (c) la création d’un écosystème approprié pour exécuter et maintenir les technologies. Sans ces mesures complémentaires, les inégalités pourraient alors augmenter. Ainsi, tirer le meilleur parti de la technologie, pour faire face aux contraintes du marché dans tous les secteurs en adoptant une perspective favorable aux pauvres et dans l’espace, est devenu le troisième principe fondamental de l’engagement visant à accélérer la réduction de la pauvreté. Aborder les inégalités de genre Les femmes africaines continuent d’être désavantagées dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’autonomisation et des activités génératrices de revenus. Leur dotation en capital humain est plus faible que celui des hommes (bien que cet écart se soit réduit chez les plus jeunes, les filles ayant rattrapé les garçons dans certains pays), leur accès au marché du travail est plus difficile, leurs salaires plus bas, leur accès aux actifs productifs plus limité (tel que les terres, les crédits et les autres intrants), elles ont moins de droits politiques et légaux et subissent des contraintes plus strictes en matière de mobilité et d’activités socialement acceptées. Et la pauvreté exacerbe ces inconvénients. En conséquence, les inégalités entre les sexes peuvent maintenir les femmes dans la pauvreté et générer un cercle vicieux pour leurs enfants. Au-delà de la valeur intrinsèque de l’égalité des chances, l’égalité des sexes est un facteur de croissance économique et de réduction de la pauvreté pour les pays. Des recherches récentes montrent que l’inégalité des sexes dans les établissements est non seulement un facteur important des écarts entre les sexes en matière d’éducation, d’emploi et de gouvernance, mais qu’elle est également directement liée aux résultats de croissance plus faibles, en particulier dans les pays à faible revenu. S’attaquer systématiquement aux disparités entre les sexes dans la conception des interventions entre les secteurs et l’espace apparaît comme un principe clé pour accélérer la réduction de la pauvreté (voir également la section 3 de ce numéro du Pouls de l’Afrique). 44 > A F R I C A’ S P U L S E 2.3 DOMAINES D’ACTION POLITIQUE PRIORITAIRES Quatre domaines d’action prioritaires se dégagent lorsqu’il s’agit d’accélérer la réduction de la pauvreté en Afrique à court et à moyen terme. Dans chacun de ces domaines, les progrès les plus rapides sont attendus dans les pays qui appliquent les quatre principes d’engagement exposés à la sous-section 2.2 : améliorer directement la situation et les revenus des pauvres, le faire de manière intégrée pour surmonter la complémentarité des contraintes et exploiter les synergies, tirer parti des nouvelles technologies et concrétiser le « saut technologique » dans la mesure du possible, et réduire les inégalités entre les sexes. Accélérer la transition de la fécondité L’indice synthétique de fécondité (ISF) de 4,8 naissances par femme reste élevé (et même supérieur pour les femmes pauvres), tandis que des progrès substantiels ont été réalisés dans la réduction de la mortalité des enfants de moins de cinq ans (un taux qui est passé de 172,3 pour 1 000 naissances vivantes en 1995 à 78,3 en 2016, même si ce chiffre reste encore assez élevé). En conséquence, la région se caractérise par une transition démographique lente et une forte croissance démographique (2,7 % par an). L’accélération de la réduction de la fécondité en Afrique peut jouer un rôle important dans la réduction de la pauvreté. Une réduction de la fécondité en partant de niveaux élevés peut entraîner une progression de la croissance économique et une réduction de la pauvreté de plusieurs manières : • Augmentation de la proportion de la population en âge de travailler par rapport aux personnes plus jeunes et plus âgées. À mesure que le taux de dépendance diminue, la croissance par personne s’accélère même en l’absence d’une augmentation de la productivité, c’est-à-dire lorsque la production par personne en âge de travailler (âgée de 15 à 65 ans) reste constante. En termes simples, une plus grande proportion de la population peut être en emploi. • Augmentation de la participation des femmes au marché du travail. Lorsqu’elles ont moins d’enfants, les femmes peuvent accroître leurs possibilités de revenus. Non seulement une baisse de la fécondité entraînera un accroissement de la proportion de la population en âge de travailler, mais une part plus importante de la population en âge de travailler sera active, ce qui aura pour effet d’accroître encore la production par personne en âge de travailler. Ces nouvelles perspectives économiques sont également essentielles pour l’autonomisation des femmes. • Augmentation de la productivité de la main-d’œuvre. Avec moins d’enfants, les familles et les pouvoirs publics auront la possibilité d’investir davantage dans le capital humain de chaque enfant. À mesure que ces enfants, dont l’état de santé et le niveau d’instruction seront améliorés, seront en âge de travailler et entreront sur le marché du travail, la productivité de la main-d’œuvre augmentera. Les expériences du Botswana et de l’Éthiopie sont révélatrices, bien qu’elles n’établissent pas de lien de causalité. Au Botswana, l’ISF a diminué de 2,5 enfants par femme sur une période de 24 ans (1985- 2009), tandis que le taux de pauvreté est tombé de 43 à 18 %. Plus récemment, l’Éthiopie a connu une diminution rapide de son ISF (de 7,0 à 4,3 entre 1995 et 2015) ainsi qu’une nette réduction de son taux de pauvreté (de 67 à 26 %) grâce à une approche combinant éducation, santé, planification familiale et perspectives économiques. Les gains économiques résultant d’une baisse de la fécondité en partant de niveaux élevés ne sont toutefois pas automatiques. La réduction de la fécondité n’entraînera une accélération de la croissance économique que lorsque le nombre croissant de personnes en âge de travailler pourra trouver des possibilités génératrices de revenus. Le prétendu dividende démographique « n’est pas un acquis, il faut le gagner » (Groth et May 2017). La stabilité macroéconomique et les fondamentaux du secteur privé joueront un rôle essentiel (notamment la mise en place d’infrastructures et d’un environnement A F R I C A’ S P U L S E > 45 commercial favorable), de même que l’éducation de la main-d’œuvre future et les politiques stratégiques des différents secteurs et de la gestion des risques. Les données mondiales confirment la relation entre la baisse de la fécondité et le rythme de la croissance économique. Des estimations comparatives entre pays indiquent qu’une augmentation d’un point de pourcentage de la population en âge de travailler ferait progresser la croissance économique de 1,1 à 2 points de pourcentage (Cruz et Ahmed 2018 ; Banque mondiale 2016). En utilisant une spécification empirique plus complète et des données plus récentes et fiables (en particulier des données sur l’éducation), de nouvelles études montrent que le dividende n’est peut-être pas tant un dividende démographique (dû à une augmentation de la proportion de la population en âge de travailler) qu’un « dividende d’éducation » (en raison du niveau d’instruction supérieur des nouvelles cohortes entrant sur le marché du travail) (Cuaresma, Lutz et Sanderson 2014). Une population mieux éduquée permet d’avoir une main-d’œuvre plus productive et est plus susceptible d’innover (améliorant ainsi la productivité totale des facteurs). Cela souligne l’importance cruciale d’éduquer les nouvelles cohortes pour tirer parti du dividende démographique. Quels sont donc les effets de la transition démographique sur la pauvreté ? Les pauvres pourraient ne pas bénéficier (ou moins bénéficier) d’une transition plus marquée de la fécondité dans le cas où la fécondité des ménages les plus pauvres resterait élevée. La pauvreté influe sur le comportement en matière de fécondité, et les ménages pauvres ont beaucoup plus d’enfants que les ménages non pauvres. Les données des enquêtes démographiques et de santé dans la région (2000-2016) montrent que les taux de fécondité sont restés élevés dans les quintiles de richesse les plus pauvres et continuent d’enregistrer environ trois naissances de plus que celles des quintiles les plus riches. En outre, si le niveau d’instruction des ménages les plus pauvres s’améliore, mais que leur accès aux possibilités génératrices de revenus est plus faible, l’impact de la baisse de la fécondité sur la réduction de la pauvreté sera atténué. Cela est valable même si la fécondité diminue dans tous les ménages. De même, si l’amélioration du solde budgétaire du gouvernement à la suite d’une baisse de la fécondité et d’une croissance plus forte n’entraîne pas de meilleurs services sociaux pour les pauvres ni un meilleur accès aux infrastructures, les pauvres ne bénéficieront peut-être pas de meilleurs résultats en matière de développement humain ni d’emplois plus intéressants. Et si les femmes pauvres ont un accès limité aux activités génératrices de revenus, la réduction de leurs charges en matière de soins et de travail domestique, permise par une baisse de la fécondité, peut ne pas se traduire par une autonomisation du même ordre. Les données comparatives entre pays montrent qu’une baisse de 1 % du taux de dépendance est associée à une baisse de 0,75 point de pourcentage du taux de pauvreté (Cruz et Ahmed 2018). Bien que ces résultats ne tiennent pas compte de la croissance, et donc de l’effet de la réduction de la fécondité par le biais de la croissance, ils confirment que les effets d’une transition de la fécondité ont des impacts notables sur la réduction de la pauvreté. Certains pays africains (Côte d’Ivoire, Ghana, Malawi, Mozambique et Namibie) ont eu la perspective d’un dividende démographique (Bloom et coll. 2007). Dans d’autres, le cadre institutionnel n’a pas été favorable. Les cas de stagnation de la baisse de la fécondité indiquent en outre que la perspective d’une réduction de la fécondité est toujours sujette à changement (Bongaarts, 2008 ; Guengant, 2017). Globalement, la fécondité en Afrique a également diminué, passant de 6,5 enfants par femme en 1950-1955 à 5,4 en 2005-2010. Mais il s’agit d’une baisse beaucoup plus lente que dans les autres régions à revenu faible et intermédiaire (Figure 2.3). En Asie de l’Est, par exemple, l’ISF est passé de 5,6 à 1,8 au cours de la même période. Plus de 50 % de la population africaine vivent dans des pays où les femmes ont encore en moyenne cinq enfants ou plus (voir l’encadré 2.1). Et parmi les trois pays les plus peuplés d’Afrique 46 > A F R I C A’ S P U L S E subsaharienne (Nigéria, Éthiopie FIGURE 2.3 : Baisse de la fécondité, par région, 1960-2015 La fécondité a et République démocratique du diminué en Afrique, Congo) – qui, avec Madagascar 7 Indice synthétique de fécondité (naissances par femme) mais à un rythme et la Tanzanie, accueillent 50 % beaucoup plus 6 des pauvres de l’Afrique – lent que dans les seule l’Éthiopie semble s’être autres régions à 5 revenu faible ou engagée dans une transition intermédiaire. démographique. En raison 4 de la réduction tardive de la 3 fécondité, le taux de dépendance de l’Afrique ne devrait pas 2 atteindre son maximum avant 1 2080 (Canning, Raja et Yazbeck 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2015). La persistance d’une forte Asie de l'Est et Pacifique Moyen-Orient et Afrique du Nord Afrique subsaharienne fécondité parmi les ménages les Europe et Asie centrale Amérique du Nord Amérique latine et Caraïbes Asie du Sud plus pauvres, même une fois que Source : Base de données des indicateurs du développement dans le monde. la transition démographique est Remarque : L’indice synthétique de fécondité est le nombre moyen d’enfants d’une en cours, est un autre sujet de femme au cours de sa vie. préoccupation. En se basant sur la situation des pays africains en matière de transition de la fécondité, Guengant ENCADRÉ 2.1 : La transition de (2017) identifie cinq groupes. Ceux pour lesquels : la fécondité n’a pas commencé • La transition de la fécondité est terminée (ou presque). Dans ces pays, l’indice synthétique de dans la plus fécondité (ISF) était inférieur à trois enfants par femme en 2010-2015. Cinq pays sont classés dans grande partie ce groupe : Botswana, Cabo Verde, Maurice, Seychelles et Afrique du Sud. En 2015, ces pays ne de l’Afrique et, représentaient que 6 % de la population africaine. là où elle existe, les pauvres • La transition de la fécondité est en cours. Dans ces pays, l’ISF varie de trois à quatre enfants par ne sont pas femme. Quatre pays sont classés dans ce groupe : Djibouti, Eswatini, Lesotho et Namibie concernés (représentant 0,7 % de la population africaine). • La transition de la fécondité a commencé. Dans ces pays, l’ISF varie de quatre à cinq enfants par femme. Ce groupe comprend 20 pays : Bénin, Cameroun, République centrafricaine, Comores, République du Congo, Guinée équatoriale, Érythrée, Éthiopie, Gabon, Ghana, Guinée-Bissau, Kenya, Libéria, Madagascar, Mauritanie, Rwanda, Sierra Leone, Sao Tomé-et-Principe, Togo et Zimbabwe (représentant 31 % de la population africaine). • Transition lente et irrégulière. Dans ces pays, l’ISF varie de cinq à six enfants par femme. Les 12 pays de ce groupe comprennent le Burkina Faso, la Côte d’ Ivoire, la Gambie, la Guinée, le Malawi, le Mozambique, le Nigéria, l’Ouganda, le Sénégal, le Soudan du Sud, la Tanzanie et la Zambie (représentant 44 % de la population africaine). • Transition de la fécondité très lente ou seulement amorcée. Les sept pays de ce groupe (l’Angola, le Burundi, le Tchad, la République démocratique du Congo, le Mali, le Niger et la Somalie) ont des ISF supérieurs à six. Ils représentent 18,3 % de la population africaine. Cependant, ces ISF sont calculés pour l’ensemble de la population de chaque pays. Les taux de fécondité ont toujours été élevés dans les quintiles de richesse les plus pauvres. La transition de la fécondité semble jusqu’ici n’avoir pas concerné les plus pauvres. Remarque : Des données plus récentes font apparaître de nouvelles baisses de la fécondité. Par exemple, la fécondité totale du Burundi est maintenant inférieure à 6. A F R I C A’ S P U L S E > 47 S’attaquer au taux de fécondité élevé est un point d’entrée essentiel pour permettre la croissance économique et réduire la pauvreté. Cependant, la fécondité est restée obstinément élevée en Afrique. Historiquement, les niveaux de fécondité ont diminué en réponse au développement socioéconomique. La baisse de la mortalité infantile et juvénile associée au développement amène généralement les ménages à revoir à la baisse leurs préférences en matière de fécondité. Les coûts et les avantages d’avoir des enfants changent également radicalement. À mesure que les pays s’urbanisent, le coût des enfants augmente et leurs avantages diminuent. De même, l’augmentation du « rendement de l’éducation » au cours du développement encourage les ménages à avoir moins d’enfants, mais des enfants plus instruits. L’éducation des femmes est peut-être l’élément le plus déterminant pour les taux de fécondité : leur éducation retarde le mariage et accroît les possibilités de revenus des jeunes femmes. Les femmes plus instruites sont plus susceptibles d’utiliser une méthode de contraception moderne, et le taux de mortalité infantile et juvénile de leurs enfants est inférieur. Ces facteurs, à leur tour, entraînent une baisse de la fécondité et, combinés au développement socioéconomique, améliorent la condition des femmes et la santé de ces dernières. Tous ces facteurs fondamentaux sont observés en Afrique. Cependant, après avoir pris en compte ces facteurs démographiques et socioéconomiques conventionnels de la fécondité, l’ISF des pays africains reste en moyenne d’environ une naissance supérieure à celui des autres pays les moins avancés. Cette situation a été qualifiée d’« effet Afrique » et il a été suggéré que les sociétés africaines sont « exceptionnellement » natalistes par rapport à d’autres pays à revenu faible ou intermédiaire (Bongaarts 2017 ; Bongaarts et Casterline 2013). Ce constat peut en partie refléter le faible niveau d’autonomisation des femmes dans la région par rapport à des pays similaires dans d’autres contextes. La culture nataliste peut aussi expliquer pourquoi les interventions de planification familiale n’ont pas reçu une priorité politique suffisante malgré le nombre toujours élevé de naissances non désirées. En dehors de l’Afrique, le nombre moyen de naissances non désirées est passé d’un à zéro au cours des vingt dernières années. En Afrique, il est resté de deux. Cette différence suggère qu’il existe une forte demande latente de contraception. La fécondité est sensible à la mise en œuvre de la planification familiale dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. En Afrique, les retards de la mise en œuvre des programmes de planification familiale expliquent la lenteur de la baisse de la fécondité dans la région (de Silva et Tenreyro 2017). Les simulations d’équilibre général fondées sur des paramètres estimés de manière empirique du comportement de la fécondité et du coût réel des programmes de planification familiale montrent également qu’un développement des services de planification familiale pourrait réduire la pauvreté, et ce, de manière rentable (Christiaensen et May 2007). Outre le développement des services de santé reproductive, l’augmentation du rendement de l’éducation conduirait à des arbitrages entre quantité et qualité dans la prise de décision en matière de fécondité. La baisse de la mortalité infantile renforce cet arbitrage, car l’investissement dans les enfants (axé sur la qualité) a plus de chances d’avoir des retombées économiques positives que dans les situations où le taux de mortalité des enfants est supérieur. L’essentiel est de savoir si la reprise récente de la croissance dans les pays africains entraînera une augmentation du rendement de l’éducation, notamment dans les zones rurales. Il est aussi crucial de savoir si les pays africains peuvent améliorer le niveau d’enseignement post-primaire et la qualité de l’enseignement, qui sont essentiels pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté. 48 > A F R I C A’ S P U L S E Enfin, ces efforts doivent être complétés par d’autres actions pour autonomiser les femmes et augmenter leurs opportunités de revenus. On peut citer comme exemple les programmes axés sur l’acquisition de compétences de base par les femmes et les filles, l’évolution des normes sociales liées au genre et la lutte contre les mariages d’enfants. S’appuyer sur le système alimentaire, au sein et en dehors des exploitations agricoles L’amélioration de la production et de la productivité dans l’agriculture a toujours eu des effets sur la réduction de la pauvreté, en particulier à de faibles niveaux de revenu (Christiaensen et Martin, 2018), et les conditions permettant de s’appuyer sur le système alimentaire pour réduire la pauvreté en Afrique sont aujourd’hui particulièrement favorables. La demande alimentaire est robuste ; les prix mondiaux des produits alimentaires restent environ 70 % plus élevés qu’avant la crise alimentaire mondiale de 2008 (40 % en termes réels) ; l’urbanisation et la croissance des revenus offrent des possibilités de différenciation des produits et de création de valeur, et donc d’emplois non agricoles dans l’agroalimentaire. La politique agricole et l’environnement commercial se sont améliorés au niveau national (ainsi qu’intrarégional), et le leadership politique reste largement favorable. Dans ce contexte, l’offre a également réagi, mais insuffisamment, et la facture africaine des importations alimentaires a fortement augmenté, de 30 milliards d’USD au cours des 20 dernières années (Figure 2.4). Bon nombre de ces importations pourraient être produites de manière compétitive au sein des pays, même si le changement climatique et la résurgence de conflits posent également des problèmes. Les changements climatiques prévus ne sont toutefois pas nécessairement néfastes. Les rendements de maïs, par exemple, devraient augmenter au Sahel et dans de nombreuses parties de l’Afrique centrale et orientale (Jalloh et coll., 2013 ; Waithaka et coll., 2013). L’agriculture joue un rôle important dans la prévention des conflits – qui trouvent souvent leur origine dans les crises agricoles liées au climat – ainsi que dans le rétablissement des États fragiles (Martin-Shields et Stojetz, 2019). FIGURE 2.4 : Importations africaines de produits alimentaires et exportations agricoles, 1995-2016 La facture africaine des importations 50 alimentaires a 45 fortement augmenté 40 au cours des 20 dernières années. 35 En (milliards) USD 30 25 20 15 10 5 0 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 19 19 19 19 19 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 Importations alimentaires (hors poisson) Exportations agricoles Source : Base de données FAOSTAT, 2018, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), http://www.fao.org/faostat/. A F R I C A’ S P U L S E > 49 La coordination de la réaction de l’offre nécessitera une attention politique soutenue. Malgré l’engagement politique affiché, la baisse récente de la part de l’agriculture dans les dépenses totales par rapport aux niveaux d’avant 2008 devra être inversée. En outre, tous les modèles de croissance agricole n’entraînent pas une réduction équivalente de la pauvreté. L’accroissement de la productivité des cultures de base des petits exploitants agricoles (la « révolution verte ») requiert une attention particulière. La faible productivité du travail dans les cultures de base enferme encore de nombreuses personnes dans ce type d’agriculture. Pour cette raison, mais aussi grâce à une meilleure répartition des revenus (y compris à travers le canal des prix) et à des effets d’entraînement, les multiplicateurs de la croissance et les élasticités de la pauvreté par rapport à la croissance sont plus importants pour l’augmentation de la productivité des cultures de base que des cultures de rente (Diao et coll., 2012). Malheureusement, les cultures de base attirent moins l’attention des secteurs public et privé que les cultures de rente, de même que l’élevage des petits exploitants, qui constitue la deuxième source de revenus de beaucoup d’entre eux (Otte et coll., 2012). Le développement des exportations agricoles africaines (anciennes et nouvelles) complète l’agenda des cultures de base. Ce développement n’entre pas non plus en concurrence avec les investissements publics dans les denrées de base, parce qu’il peut s’appuyer sur les intérêts du secteur privé. Le défi consiste à équilibrer l’attention des politiques. Les effets les plus notables sur la réduction de la pauvreté résultent du soutien apporté aux petits exploitants agricoles un peu plus importants orientés vers le commerce, tandis que les agriculteurs les plus pauvres et les moins productifs du village (disposant souvent de moins de terres) en bénéficient principalement à travers la baisse des prix alimentaires et les marchés locaux du travail (agricole ou autre). Les agriculteurs plus pauvres pourraient en outre profiter d’un meilleur accès à la technologie, aux intrants et aux marchés. Ces retombées positives sont toutefois moins probables lorsque les exploitations deviennent plus vastes (plus de 100 ha) ou même de taille moyenne (plus de 10 ha). Ces entités ont tendance à avoir moins recours au travail salarié agricole et à produire de plus faibles liaisons de consommation locale pour les pauvres (c’est-à-dire que davantage de revenus sont dépensés en biens et services urbains, le plus souvent importés). Cependant, de plus grandes exploitations agricoles (« domaines ») peuvent être nécessaires dans certains cas pour assurer des volumes réguliers de cultures de grande qualité, qui sont également conformes aux normes plus exigeantes imposées par bon nombre des marchés d’exportation. Il s’agit par exemple des exportations à forte intensité de main-d’œuvre de fruits et légumes, de fleurs et de poissons de grande qualité. La nécessité d’une telle structure agraire pour approvisionner les marchés urbains nationaux est cependant moins évidente. Quels sont les points d’entrée pour un accroissement de la productivité du travail agricole en Afrique ? Un grand nombre de contraintes liées aux facteurs et aux marchés des produits freine l’intensification de l’agriculture, fait apparaître des poches de pénurie des terres et ignore trop souvent la saisonnalité du travail agricole. Ce dernier point conduit souvent à une sous-utilisation de la main-d’œuvre agricole et à la perception de l’agriculture comme une activité intrinsèquement moins productive. Cette observation ne vaut que lorsque la productivité du travail agricole est exprimée en production par travailleur et non par heure de travail (McCullough, 2017). La mécanisation et une meilleure gestion de l’eau peuvent aider. Dans six pays africains (représentant ensemble 40 % de la population africaine), moins de 2 % de la superficie cultivée et moins de 5 % des ménages utilisent une forme ou une autre de gestion de l’eau (Sheahan et Barrett, 2014)12. De petits systèmes d’irrigation simples, abordables et autogérés, déployés à grande échelle peuvent offrir de belles perspectives, si l’accès à des intrants et à des marchés complémentaires est développé en parallèle. Des interventions axées sur un seul objectif, ou mal coordonnées sont trop souvent menées. Les efforts de la révolution verte, de la mécanisation et de l’irrigation en Afrique nécessitent chacun une approche intégrée abordant simultanément les contraintes du côté de l’offre et du côté de la 12 Les six pays étudiés sont l’Éthiopie, le Malawi, le Nigéria, le Niger, l’Ouganda et la Tanzanie. 50 > A F R I C A’ S P U L S E demande pour lutter contre la pauvreté. Les données tirées d’études microéconomiques détaillées confirment l’existence d’importantes synergies résultant d’interventions agricoles intégrées. Cependant, l’intégration s’accompagne d’une complexité qui complique la mise en œuvre, en particulier dans les environnements marqués par une faible capacité et une gouvernance médiocre. Le développement de filières, souvent facilité par des agents externes tels que les pouvoirs publics ou des organisations non gouvernementales et internationales, apparaît de plus en plus comme une solution institutionnelle basée sur le marché pour aborder simultanément les multiples contraintes de celui-ci. Les petits exploitants agricoles peuvent tirer parti du développement des filières et des liens qu’elles créent avec des marchés domestiques et à l’exportation de plus grande valeur : a) directement, en tant que producteur, en fournissant des produits agricoles bruts, souvent dans le cadre d’arrangements contractuels avec d’autres acteurs de la filière (gains découlant d’une réduction du risque lié à la production et aux prix, d’une majoration des prix, et d’un accès à des marchés d’intrants et extrants et à des connaissances agronomiques autrefois inaccessibles) ou b) indirectement, à travers des possibilités d’emploi. Les acheteurs y gagnent en obtenant un volume régulier de produits de grande qualité et un respect des normes qui permettent d’accéder à ces marchés. Les plus pauvres bénéficient souvent de retombées locales. La coordination horizontale des petits exploitants est importante pour augmenter l’inclusivité des filières, en réduisant les coûts de transaction liés à la participation des petits agriculteurs et en augmentant leur pouvoir de négociation et, par conséquent, leur part de la valeur ajoutée. Bien que ce développement des filières prometteur pour les cultures de rente traditionnelles et nouvelles, ainsi que pour le bétail et les produits du bétail, le respect des contrats est plus difficile pour la commercialisation des produits de base en raison du risque de vente parallèle (opportuniste) par les petits exploitants ou de violation de contrat stratégique par les acheteurs. L’expérimentation du développement des filières pour des produits de base a toutefois commencé, parallèlement à une demande croissante en volumes et en qualité constants, ainsi qu’à des possibilités d’ajout de valeur sur les marchés de produits de base africains (riz et teff pour les marchés urbains, maïs pour le bétail, orge pour la bière) – un espace à surveiller. Néanmoins, la nécessité de fournir des biens publics n’a pas diminué, en particulier pour accroître la productivité des cultures de base des petits exploitants. Cela nécessite une augmentation des dépenses publiques dans l’agriculture, qui ont commencé à s’essouffler, ainsi qu’un changement dans leur composition, en passant de dépenses privées (subventions aux intrants) à des biens publics. Ces biens sont notamment (a) la recherche-développement agricole et la vulgarisation pour les denrées de base et l’élevage et (b) les investissements dans l’irrigation et les infrastructures rurales. Ces derniers profitent également à l’ensemble de l’économie rurale et les nouvelles technologies sont prometteuses. Cela nécessite également des investissements dans les données publiques, dans des institutions pour la promotion de l’entreprenariat et la création d’entreprises, ainsi que dans des alliances et plates-formes de production entre le secteur privé et les organisations d’agriculteurs tout au long des chaînes de valeur. En plus d’accroître les revenus des exploitations agricoles, les possibilités d’embauche dans des emplois non agricoles s’accroîtront à mesure qu’augmenteront la productivité et les revenus agricoles, que les pays s’urbaniseront, et que la demande de biens et services non alimentaires progressera. À court et moyen termes, s’engager dans une activité professionnelle non agricole impliquera largement de se diriger vers des entreprises familiales informelles (généralement sans travailleur salarié). Il est peu probable que cela se traduise par un passage à un emploi salarié (formel, ou même informel). Même dans les pays où l’emploi salarié croît rapidement (par exemple, grâce à des exportations de plus en plus compliquées, à haute intensité de main-d’œuvre), la faible base d’emploi salarié formel et le rythme auquel les jeunes entrent sur le marché du travail impliquent que ce type d’emploi n’arrivera à absorber qu’une petite partie des demandeurs d’emploi au cours des 10 à 15 prochaines années. A F R I C A’ S P U L S E > 51 Peu d’entreprises familiales appartiennent aux catégories de l’entrepreneuriat « d’opportunité », des « gazelles contraintes » ou des entrepreneurs « transformationnels ». Les entreprises familiales n’en constituent pas moins un élément notable de la transition économique dans son ensemble, et elles sont particulièrement importantes pour la réduction de la pauvreté. Elles affichent généralement une faible productivité, ont tendance à rester petites et informelles tout au long de leur cycle de vie, sont gérées et exploitées par des membres du ménage, et seules quelques-unes d’entre elles créent des emplois rémunérés pour des travailleurs n’appartenant pas au ménage. Ces entreprises sont souvent engendrées par la nécessité. L’absence d’emplois rémunérés et d’une assurance-chômage officielle pousse les individus à se lancer dans un travail indépendant, en tant que stratégie de survie. Ce qui fait la force de celui-ci pour les pauvres. Ces entreprises sont facilement accessibles et nécessitent peu de compétences et de capitaux. Il est facile d’y entrer et d’en sortir, et elles apportent souvent un complément de revenu essentiel pour aider les ménages à faire face à leurs problèmes de consommation. Dans la mesure où la plupart des entreprises familiales se développent peu, elles créent des emplois en se constituant (souvent en complément du calendrier agricole) et permettent une utilisation productive d’une main-d’œuvre agricole sous-employée. En tant que telles, elles constituent souvent aussi une importante source de liquidités permettant de financer l’achat d’intrants modernes et de développer d’autres activités. Cependant, le choix de se focaliser sur le secteur formel ou informel, ou bien sur les petites et moyennes entreprises (PME) et les grandes entreprises ou sur les entreprises familiales n’est pas un simple choix binaire. Les investissements dans le capital humain, les infrastructures et un cadre réglementaire transparent profiteront à l’ensemble des entreprises. Tous les investissements ne sont toutefois pas transversaux, et certains peuvent également être réalisés pour bénéficier plus directement aux entreprises non agricoles gérées par des ménages pauvres. Environ un tiers de ces emplois hors exploitation restera lié à l’agriculture, en amont et en aval de la filière, pour la production et la fourniture d’intrants agricoles et la transformation des aliments, leur commercialisation et les services associés (Allen, Heinrigs et Heo, 2018 ; Tschirley et coll., 2015). Parce que la plupart des entreprises familiales ne se développent pas, elles créent essentiellement des emplois en se constituant. Les données disponibles indiquent que la création d’emploi au moyen de la constitution d’entreprises peut être réalisée avec un financement relativement modeste, éventuellement associé à une formation professionnelle, même si l’ajout d’une formation a tendance à rendre les interventions moins rentables. Comme dans le secteur agricole, les interventions indépendantes qui visent une contrainte unique (telle que les compétences ou le financement) ont tendance à être moins réussies que celles ayant plusieurs cibles en même temps, ce qui souligne l’importance de regrouper plusieurs interventions différentes. Pour atteindre les plus pauvres et les plus vulnérables, une approche émergente prometteuse consiste à combiner des interventions de filet de sécurité avec un train de mesures d’appui (compétences, financement, services de conseil, espace de travail, etc.) afin de faciliter la constitution d’une activité indépendante et d’augmenter les revenus du travail des bénéficiaires de la protection sociale). Ces interventions combinées de « protection et promotion » sont actuellement mises en œuvre à grande échelle dans plusieurs pays africains, et des évaluations d’impact sont en cours pour examiner leurs effets. Il reste beaucoup à apprendre, notamment en matière de filières agricoles reliant les PME aux microentreprises, et dans un milieu rural. De plus, la plupart des interventions visant la constitution ou la croissance des entreprises familiales se focalisent sur l’allégement des contraintes liées à l’offre (telles que le financement ou les compétences). Toutefois, la survie et la croissance de ces petites entreprises sont finalement déterminées par la demande des biens et services qu’elles fournissent, un autre aspect essentiel dans une approche intégrée. Dans les zones rurales, l’amélioration de la connectivité avec les marchés et les petites agglomérations proches peut améliorer les gains et encourager une diversification améliorant le 52 > A F R I C A’ S P U L S E bien-être. Une telle amélioration implique non seulement des investissements dans les infrastructures rurales, mais également des politiques en faveur de meilleurs services de transport. La manière dont les gouvernements gèrent leurs espaces urbains est au cœur de ces priorités. Des recherches transnationales et des données nationales provenant d’Inde, du Mexique et de Tanzanie suggèrent que, pour réduire la pauvreté, le développement des petites agglomérations compte plus que celui des villes. Les petites agglomérations secondaires des zones rurales constituent des centres locaux d’activité et de demande économiques et sont plus accessibles aux pauvres en raison de leur proximité et de leur seuil plus bas de migration. Cette accessibilité facilite en particulier le premier déplacement, qui est souvent le plus difficile, et leur proximité rend plus aisé le retour au foyer en cas d’échec, ce qui est particulièrement important en absence d’un filet de sécurité officiel. Les types d’emploi disponibles dans les petites agglomérations (non qualifié et semi-qualifié) ont également tendance à être plus compatibles avec les compétences des pauvres. Les investissements publics destinés à aider les agglomérations rurales à se développer peuvent accroître la demande de produits agricoles produits dans les zones rurales environnantes et, ainsi, augmenter les revenus ruraux, ce qui, à son tour, augmentera la demande de biens et services non agricoles produits par des entreprises familiales. Toutes les stratégies de développement urbain n’ont pas le même potentiel de réduction de la pauvreté. La demande des biens et services fournis par les pauvres se situe souvent à proximité des frontières. Le phénomène est illustré par la concentration des entreprises (de transformation agroalimentaire) le long des frontières orientale et septentrionale de la Zambie, donnant respectivement accès à Lilongwe au Malawi et à Lubumbashi en République démocratique du Congo. Le commerce transfrontalier est souvent un moteur important de développement des petites agglomérations (« frontalières ») (Eberhard-Ruiz et Moradi, 2018). Enfin, la technologie numérique ouvre la possibilité de connecter les entreprises détenues par les pauvres à la demande urbaine et étrangère croissante de biens et services. Des données récentes issues de la Chine mettent en évidence le potentiel des plateformes numériques : la pénétration du commerce électronique (généralement regroupé dans les villages Taobao) est associée à une croissance plus forte de la consommation, avec des effets plus élevés pour l’échantillon rural, les régions intérieures et les ménages plus pauvres (Luo, Wang et Zhang, 2019). Exploiter cette tendance nécessitera de fournir aux jeunes issus des ménages pauvres au minimum un enseignement de base et des compétences numériques, tout en rendant la connectivité à Internet abordable, fiable et accessible au plus grand nombre. Lutter contre les risques et résoudre les conflits L’Afrique est plus exposée aux risques et aux conflits que d’autres régions. La guerre civile y est répandue, et le principal moyen de subsistance, l’agriculture pluviale, est risqué. Les marchés sont mal intégrés, ce qui rend les prix volatils, et les systèmes de santé, d’eau et d’assainissement sont médiocres. Les chocs liés aux prix, aux conditions météorologiques et à la santé ont d’importantes répercussions sur le bien-être, notamment en raison de l’insuffisance des marchés financiers, de la protection sociale et des systèmes humanitaires par rapport aux besoins, ainsi que de la dépendance continue des marchés à l’égard de mécanismes d’adaptation coûteux. Les conflits ont des conséquences dont la portée est considérable, notamment le déplacement forcé de personnes et la migration des personnes qui sont en mesure de le faire. Les chocs les plus fréquents en Afrique sont liés aux prix, aux conditions météorologiques, à la santé et aux conflits. Ils se manifestent d’abord lentement. Ces chocs affectent les revenus plus que les actifs, et ont tendance à être covariables, touchant de nombreux ménages à la fois dans une même zone. Le risque est plus élevé dans les zones les plus pauvres et les zones rurales. La prévalence des différents types de chocs varie au sein du continent (carte 2.2). Les déplacements forcés, qui ont concerné 24 millions d’Africains en 2018, sont un autre type de choc qui mène au piège de la pauvreté (Encadré 2.2). A F R I C A’ S P U L S E > 53 La prévalence des CARTE 2.2 : Chocs en Afrique différents types de chocs varie à travers le a. Prévalence des con its, 2010–14 b. Risques de crue c. Prévalence de la sécheresse, 2000–14 continent. Nombre d’années de sécheresse Nombre 12 d’événements/ 11 10 100 years 9 8 0 7 1 6 2 5 3 4 3 4–38 2 1 0 d. Prévalence du paludisme, 2015 e. Taux de mortalité maternelle, 2016 CABO VERDE MAURITANIA MALI NIGER ERITREA SUDAN SENEGAL CHAD THE GAMBIA BURKINA FASO GUINEA GUINEA-BISSAU BENIN NIGERIA CÔTE GHANA SOUTH ETHIOPIA SIERRA LEONE D’IVOIRE CENTRAL SUDAN LIBERIA CAMEROON AFRICAN REP. SOMALIA TOGO UGANDA EQUATORIAL GUINEA REP. OF KENYA SÃO TOMÉ AND PRÍNCIPE CONGO RWANDA GABON DEM. REP. SEYCHELLES Mortalité maternelle OF CONGO BURUNDI pour 100 000 naissances TANZANIA Pf PR2-10 en 2015 vivantes COMOROS ANGOLA 100% <100 ZAMBIA MALAWI 100–249 ZIMBABWEMOZAMBIQUE 0% 250–349 NAMIBIA BOTSWANA MADAGASCAR Transmission 350–449 MAURITIUS instable Pf 450–549 SOUTH ESWATINI Sans Pf 550–649 AFRICA LESOTHO >649 Eau IBRD 44415 | MAI 2019 Sources : Tableaux a-c : Fisker and hill 2018 ; Tableau d : Malaria atlas project (https//map.ox.ac.uk/) ; Tableau e : Base de données des indicateurs de développement dans le monde, taux de mortalité maternelle. Remarque : Tableau c : Une année de sécheresse est définie comme une année dans laquelle au moins la moitié des mois de la période de culture affichent une valeur d’anomalie par rapport au couvert végétal prévu inférieure au 10e centile du couvert végétal prévu. Panneau d : Chaque pixel de 5 km2 sur la carte indique le taux de prévalence prévu de Plasmodium Falciparum (PF) en tant que proportion de tous les enfants âgés de 2 à 10 ans. Ces événements ont un impact sur la pauvreté. Les sécheresses, quant à elles, réduisent la consommation. La baisse des prix réels à la production contribue à l’augmentation de la pauvreté. La variabilité des prix des denrées alimentaires rend les ménages urbains vulnérables. Le paludisme à lui seul réduit les revenus de 10 % lorsqu’il n’est ni détecté ni traité (Dillon, Friedman et Serneels 2014). Dans les pays africains, la pauvreté a augmenté de 2,5 % en moyenne en raison des frais de santé à la charge des patients (Eozenou et Mehta 2016). Les chocs peuvent avoir un impact sur un individu même avant sa naissance : par exemple, les enfants exposés à la sécheresse in utero restent moins longtemps à l’école. Les chocs ont des répercussions à long terme sur le bien-être. Les chocs de revenus augmentent la probabilité d’être infecté par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) (Burke, Gong et Jones 2015). Lorsque le ménage où vit un enfant subit un choc, les investissements effectués par ce ménage dans l’éducation et une alimentation nutritive sont réduits, ce qui augmente le risque de pauvreté de l’enfant une fois qu’il a atteint l’âge adulte. L’impact direct d’une catastrophe sur le bien-être se manifeste par la façon frappante, faisant les gros titres, dont les conflits ou catastrophes mal gérés freinent le développement. Cependant, l’impact persistant des risques non assurés sur le comportement des ménages chaque année (que l’événement redouté se produise ou non) demeure sans doute le principal obstacle à l’accélération de la réduction de la pauvreté en Afrique. Les ménages pauvres choisissent des activités plus sûres et moins rémunératrices, qui limitent la croissance du revenu et la réduction de la pauvreté. 54 > A F R I C A’ S P U L S E La crise des déplacements de personnes en Afrique est d’une ampleur considérable. À la mi-2018, la région ENCADRÉ 2.2 : comptait 35 % de la population mondiale de personnes déplacées, soit environ 24 millions de personnes, Les déplacements soit un chiffre supérieur à la population de 36 des 48 pays africains. Parmi les 20 pays accueillant le plus de forcés, un piège personnes déplacées dans le monde, sept se trouvent en Afrique. de la pauvreté Dans le continent noir, les déplacements de personnes sont principalement causés par les conflits, en Afrique concentrés autour des zones de conflit et dans quelques pays. Les principales sources de déplacements liés à un conflit dans la région sont générées autour de trois régions : 1. Lac Tchad : la guerre contre Boko Haram, les conflits avec d’autres groupes militants organisés et le conflit en République centrafricaine 2. Grands Lacs : conflits au Burundi, affrontements dans l’est du Kivu (République démocratique du Congo) et guerre civile au Sud-Soudan 3. Corne de l’Afrique : conflits au Soudan du Sud, instabilité en Somalie et restrictions en Érythrée. La République démocratique du Congo, le Nigéria, le Soudan du Sud et le Soudan sont de loin les pays comptant le plus grand nombre de personnes déplacées. Le déplacement contraint en Afrique présente des caractéristiques uniques. Premièrement, il est concentré dans une vaste zone géographique, mais la majorité des personnes déplacées vit dans un nombre limité de pays. Deuxièmement, les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) et les réfugiés restent généralement proches de leur région d’origine. Les Sud-Soudanais s’installent de l’autre côté de la frontière, dans la région la plus pauvre, au nord de l’Ouganda ; les Somaliens s’installent de l’autre côté de la frontière dans les régions les plus pauvres, dans le nord du Kenya. Et enfin les PDIP du nord du Nigéria s’installent dans des municipalités pauvres du Nord, non loin de leur région. Troisièmement, ces zones sont aussi pauvres, voire plus pauvres, que les lieux de provenance des personnes déplacées ; ce sont des endroits marginalisés à de nombreux égards. Les régions qui accueillent ces personnes déplacées sont par ailleurs des zones fragiles sur le plan environnemental, et sont exposées aux grandes catastrophes naturelles, telles que les sécheresses prolongées. Quatrièmement, il s’agit souvent de zones politiquement instables, caractérisées par des conflits civils où des groupes terroristes de toutes natures traversent librement les frontières et gèrent un lucratif commerce illicite. En résumé, ce sont des régions qui sont souvent négligées par les gouvernements, où les infrastructures sont rares, les services médiocres ou inexistants, et l’aide au développement historiquement faible. Ce sont les régions périphériques pauvres des pays pauvres. Enfin, contrairement aux réfugiés des pays à revenu intermédiaire d’autres régions du monde, plus de la moitié des réfugiés africains vit dans des camps. Les gouvernements des pays d’accueil considèrent la densité de ces colonies comme une source d’instabilité, et ces dernières années, ils ont adopté des politiques toujours plus favorables à la fermeture de ces camps. Il s’agit de larges généralisations sur la situation des personnes déplacées dans la région. Cependant, il existe des récits plus nuancés dans les pays et en fonction des différentes circonstances de déplacement (réfugiés / PDI, conflits / catastrophes), de l’impact des camps sur les communautés et les villes locales et des détails sur le lieu de résidence de ceux qui ne sont pas dans les camps. La Convention relative au statut des réfugiés (également connue sous le nom de Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et ratifiée par 44 des 48 pays d’Afrique) prévoit explicitement le droit de travailler des réfugiés qui séjournent légalement dans un pays d’accueil. En dépit de ces droits, des obstacles de facto subsistent, tels que le cantonnement dans des camps, des frais de permis élevés, des procédures administratives complexes, ainsi que d’autres obstacles, tels que la méconnaissance de la langue locale et les différences culturelles. En outre, les lois de certains pays peuvent ne pas être conformes à la Convention ratifiée par ces pays, ce qui peut donc exclure les réfugiés des marchés du travail nationaux. A F R I C A’ S P U L S E > 55 Dans de nombreux cas, le coût de la prévention est inférieur à celui de la gestion de l’événement. Le développement des marchés est le meilleur moyen de réduire le risque lié aux prix en Afrique, ce qui nécessite de s’attaquer aux politiques douanières ainsi que d’investir dans les infrastructures et les services de transport. Pour réduire les risques pour la santé et améliorer la santé des enfants, il est essentiel d’améliorer les services d’eau, d’assainissement et d’hygiène (WASH), de lutter contre le paludisme et de mener des campagnes de vaccination de masse. En outre, les investissements ciblés dans l’irrigation, la gestion des ressources naturelles et l’amélioration des semences peuvent réduire l’exposition aux risques météorologiques. En général, les investissements sont insuffisants pour ce qui est de ces interventions, qui sont pourtant rentables et qui réduisent les risques. Les débats sur les meilleurs moyens de remédier aux sources de fragilité sous-jacentes à certains conflits en Afrique ne rentrent pas dans le cadre de ce numéro d’Africa’s Pulse. De nouvelles données révèlent un lien entre la création d’emplois et l’emploi et le risque réduit de terrorisme (Abdel et coll. 2018) ainsi que d’autres formes de violence et de criminalité13. Des preuves supplémentaires sont toutefois nécessaires. Atténuer les effets néfastes de la fragilité sur le capital humain, même lorsqu’il est impossible de s’attaquer à la fragilité elle-même, reste un autre point important pour l’avenir. Lorsqu’il n’est pas possible de prévenir, une combinaison de filets de sécurité et d’instruments financiers peut aider les ménages à faire face à la suite d’un choc. Ces deux éléments sont nécessaires pour gérer tous les types de chocs. L’épargne et les transferts réguliers au titre du « filet de sécurité » aident les ménages à gérer les chocs mineurs. Les chocs plus importants, quant à eux, sont mieux gérés par l’assurance ou le renforcement du soutien au moyen de filets de sécurité. Les ménages aisés sont plus susceptibles que les ménages les plus pauvres de compter sur les marchés financiers pour gérer les risques. Cependant, les ménages pauvres devraient tout de même avoir accès eux aussi aux marchés financiers pour les aider à gérer des chocs moins importants et leur permettre de bénéficier de davantage d’« assurances » que n’en fournissent les filets de sécurité publics à eux seuls. Les dépenses publiques consacrées aux subventions, aux assurances et aux filets de sécurité réactifs aux crises peuvent cibler différents ménages ou différents risques et se substituer les uns aux autres en fonction de la force relative des services publics et des marchés privés dans le contexte local. En période de conflit, le développement d’un marché financier qui réduit les coûts d’envoi et de réception des transferts de fonds peut également être utile. En effet, les transferts privés et la migration sont les principales stratégies d’adaptation. Cependant, les marchés financiers sont souvent faibles et les investissements en filets de sécurité sont trop souvent effectués après coup. De plus, pour aider les ménages, les pays continuent de compter sur une aide humanitaire a posteriori. Or, par sa nature, celle-ci n’intervient pas en temps opportun ni n’est prévisible. Il est essentiel de réformer le financement humanitaire : il convient de réduire le recours aux demandes d’aide a posteriori pour passer à l’utilisation d’instruments de financement ex ante, dotés de mécanismes de paiement prévisibles et rapides (tels que le Mécanisme de financement d’urgence en cas de pandémie de la Banque mondiale). Mais cela n’améliorera pas le soutien aux ménages sur le terrain, à moins que ce ne soit associé à des investissements dans la planification de mesures d’urgence pour fournir des services de soutien. Pour remédier aux risques et conflits, par la réduction ou la gestion des risques, il convient d’agir avant que les chocs ne se produisent. À l’heure actuelle, seulement 1,2 % du PIB est consacré aux sociaux en Afrique, en moyenne, les organisations de développement en finançant plus de la moitié. Il y a également de la marge pour plus d’innovations technologiques et de meilleurs systèmes d’information, mais pour encourager fondamentalement les pays à agir avant un choc, il est nécessaire de s’attaquer à ce qui les incite à reporter les mesures à la période après les chocs. 13 Voir Davis et Heller (2017) et Andresen (2012) pour les jeunes urbains. Blattman et Miguel (2010) pour les ex-combattants au Libéria ; et Fetzer (2014) et Dasgupta, Gawande et Kapur (2017) pour la violence liée à la rébellion maoïste dans les villages indiens. 56 > A F R I C A’ S P U L S E Pour les gouvernements, cela nécessite de s’attaquer aux incitations politiques à l’effet pervers, consistant à les récompenser pour les mesures de grande envergure suivant une catastrophe, plutôt que pour avoir prévu les difficultés. Pour faire face aux catastrophes, il est beaucoup moins coûteux de se reposer sur l’aide humanitaire (à savoir, gratuite) que d’investir en amont, dans la prévention et la préparation aux catastrophes. Il est en outre nécessaire de renforcer la capacité des gouvernements à investir dans la réduction et la gestion des risques. En ce qui concerne les particuliers, il faudra inciter les ménages à dépasser les comportements qui limitent leurs investissements dans la réduction et la gestion des risques. Ces comportements se caractérisent par la primauté de l’instant présent, induite par les pénuries, ainsi que par la résignation et l’aversion à l’ambiguïté. Pour que les ménages changent de comportement, il faut qu’il soit moins coûteux pour eux d’investir dans la réduction et la gestion des risques, et ils doivent en même temps découvrir de nouvelles stratégies pour réduire ou gérer les risques. De plus, il est nécessaire d’élargir les mandats et les réglementations pour lutter contre la sélection négative sur les marchés de l’assurance maladie, pour renforcer la confiance dans les institutions financières et pour réduire les marchés de l’assurance à coûts fixes. Enfin, il est nécessaire d’accorder plus d’importance aux données, en plus des nombreux aspects de l’amélioration des politiques et des programmes. Le fait de disposer de meilleures données sur les catastrophes lorsqu’elles se produisent, ainsi que sur l’exposition ex ante aux risques, contribuera à améliorer le développement des marchés financiers et l’élaboration de filets de sécurité réactifs aux crises. Fournir davantage de fonds publics au programme de lutte contre la pauvreté L’ambition de lutter contre la pauvreté en Afrique va au-delà des politiques et programmes changeants. Elle nécessite en outre de revoir attentivement toute une série de modèles en matière de recettes et dépenses intérieures. Dans la région, certains pays ont les moyens de combler le fossé de la pauvreté (c’est-à-dire le revenu nécessaire pour qu’un ménage pauvre cesse simplement d’être pauvre). Cela peut se faire soit en appliquant des taux d’imposition (théoriques) sur les non-pauvres, soit en transférant des revenus tirés des ressources naturelles directement aux citoyens (par exemple les « paiements directs de dividendes »). Toutefois, pour la plupart des pays africains, combler ainsi le fossé de la pauvreté exigerait des taux d’imposition des riches invraisemblablement élevés ou de faramineux (et improbables) revenus tirés des ressources naturelles. Les recettes intérieures actuelles ne suffisent pas pour lutter contre la pauvreté à court terme, et encore moins pour améliorer l’état du capital humain initial médiocre de l’Afrique. En effet, ces investissements ne porteront leurs fruits qu’une génération plus tard. Pour la plupart des pays africains, il est impératif d’accroître les recettes intérieures : les recettes fiscales, rapportées au PIB, sont inférieures à 13 % (c’est-à-dire les recettes nettes de dons). Or, ce taux est généralement considéré comme le « point d’équilibre » nécessaire pour remplir les fonctions de base de l’État et maintenir les progrès de développement (Gaspar, Jaramillo et Wingender 2016). À titre de comparaison, la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2015 était de 34,3 % (OCDE 2017). L’Afrique subsaharienne a connu la plus forte augmentation des recettes fiscales au monde depuis 2000, même si elle reste faible en moyenne (FMI 2015). En outre, selon les projections du Fonds monétaire international, les pays dont les niveaux de mobilisation des ressources intérieures sont les plus faibles devraient également connaître une croissance moins rapide, ce qui creusera encore l’écart de la pauvreté. Pour remédier à cette situation, les pays doivent continuer à améliorer le respect des obligations fiscales, se concentrer davantage sur les grands contribuables locaux et les taxes sur les sociétés, et élargir la perception des taxes d’accise et impôts fonciers. Compte tenu de l’établissement abusif des prix de transfert parmi certaines multinationales, plusieurs mesures sont nécessaires au A F R I C A’ S P U L S E > 57 niveau mondial pour favoriser la transparence des multinationales et réformer la fiscalité qui s’applique actuellement à ces sociétés. Certains pays d’Afrique tirent également des revenus substantiels des ressources naturelles. Sur les 37 pays pour lesquels des données sont disponibles, 22 sont considérés comme riches en ressources. Il s’agit des pays riches en pétrole, comme le Tchad et la République du Congo, ainsi que de ceux aux activités minières lucratives, comme le Botswana (diamants), ou la Mauritanie et le Niger (minéraux). Dans ces pays, les revenus tirés des ressources naturelles représentent 10 à 20 % du PIB. Les pays à revenus faible et intermédiaire disposant de ressources naturelles importantes ont également tendance à engranger des recettes fiscales plus élevées que les pays au même niveau de revenu qui ne disposent pas de telles ressources. En principe, les recettes générées par les ressources permettent d’accroître les dépenses consacrées à l’agriculture, aux infrastructures rurales et aux secteurs sociaux (par exemple, la santé et l’éducation, ainsi que les programmes de protection sociale, y compris les systèmes de transferts monétaires) et contribuer ainsi à éliminer la pauvreté. Malgré ces revenus, la réduction de la pauvreté est plus lente et de nombreux indicateurs de développement humain sont pires dans les pays d’Afrique riches en ressources que dans d’autres pays africains ayant le même niveau de revenu. Les revenus des ressources ne se traduisent donc pas par une augmentation des dépenses en faveur des pauvres (Beegle et coll. 2016 ; de la Brière et coll. 2017). Au lieu de collecter plus d’argent, il conviendrait de dépenser plus efficacement et en se concentrant sur les pauvres – il reste donc un vaste chantier à terminer. Pour rendre les dépenses publiques plus favorables aux pauvres il importe de s’attaquer aux dépenses élevées en subventions (notamment les subventions pour les carburants, l’énergie et les engrais), qui sont souvent régressives et ont peu d’impact sur la pauvreté. L’absence d’impact des subventions aux intrants agricoles est encore aggravée quand ces dépenses empêchent de faire d’autres investissements, susceptibles, eux, d’accroître la productivité. Les transferts monétaires semblent être plus efficaces et efficients que les subventions, pour les cas où nous disposons de données. Cependant, d’autres études sont nécessaires pour comparer leurs performances par rapport à d’autres besoins concurrents, tels que les dépenses d’éducation, de santé, de WASH, les biens publics agricoles (tels que la recherche et l’irrigation), les infrastructures rurales et la sécurité. Les schémas de dépenses favorables aux pauvres ont eu des résultats mitigés : certains secteurs ont globalement atteint les objectifs de dépenses internationaux (tels que l’éducation), mais pour de nombreux pays, d’autres secteurs sont restés en deçà (santé, WASH et agriculture). Bien que de nombreux pays soient proches des objectifs mondiaux en matière de dépenses (exprimés en pourcentage du PIB ou des dépenses publiques), voire les dépassent, les niveaux de dépenses en termes absolus restent très bas. De plus, les dépenses intrasectorielles sont souvent inefficaces et régressives. Par exemple, davantage de ressources sont consacrées aux services utilisés de manière disproportionnée par les non-pauvres plutôt que par les pauvres. En outre, les enfants des ménages les plus riches bénéficient davantage des ressources publiques consacrées à l’éducation. Ceci est dû à deux facteurs. Premièrement, les enfants des ménages pauvres sont moins susceptibles de fréquenter des écoles d’enseignement post-primaire, or les dépenses par élève sont plus élevées pour ces dernières. Deuxièmement, parmi les écoles, davantage de ressources publiques vont aux écoles des zones les plus riches, qui sont souvent urbaines. Dans le secteur de la santé, les dépenses publiques sont biaisées en faveur des services tertiaires. En République démocratique du Congo, 87 % des dépenses publiques de santé ont été consacrées aux hôpitaux, lesquels sont utilisés de manière disproportionnée par les riches (Barroy et coll. 2014). L’inefficacité des dépenses dans les services revêt plusieurs formes ; par exemple, les taux élevés d’absentéisme parmi les enseignants et le fait que les fournitures ne parviennent pas aux prestataires 58 > A F R I C A’ S P U L S E de première ligne. En raison des dépenses limitées dans les secteurs favorables aux pauvres et de leur inefficacité, de nombreux pauvres continuent de payer pour avoir accès aux services de base qui sont essentiels au développement humain. Les dépenses qui restent à leur charge sont élevées. Les pays africains riches en ressources dépensent notamment moins en éducation et en santé que les autres pays d’Afrique au niveau de revenu comparable. Enfin, en combinant les connaissances sur la fiscalité et les pratiques de dépense, il apparaît que de nombreuses personnes parmi les 40 % inférieurs de l’échelle de répartition du revenu sont souvent des contribuables nets plutôt que de bénéficiaires nets. Autrement dit, le montant total des avantages en espèces transférés aux 40 % les plus pauvres de la population par le biais de subventions et de transferts directs est, en termes absolus, inférieur au fardeau des instruments d’imposition directe et indirecte (de la Fuente, Jellema et Lustig 2018). Bien que ces calculs ne se rapportent qu’à la situation financière des particuliers en termes de pouvoir d’achat, excluant la valeur des avantages en nature tels que l’éducation, la santé ou les services d’infrastructure, ils laissent songeur. Pris ensemble, la faible assiette d’imposition, la faible capacité à imposer davantage et l’incapacité politique (ou le manque de volonté politique) à canaliser les recettes provenant des ressources naturelles vers des dépenses sociales en faveur des pauvres entraînent un important déficit de financement pour les postes de dépenses critiques. Bien qu’il soit important d’améliorer les performances de perception des recettes et de dépenses, même en cas d’améliorations, l’aide publique au développement (APD) restera essentielle pour les pays les plus pauvres. L’APD représente plus de 8 % du PIB pour la moitié des pays africains à faible revenu (Figure 2.5). L’APD soutient les secteurs clés pour réduire la pauvreté, notamment la santé, l’agriculture et l’éducation. Toutefois, bien que l’APD, au niveau mondial, ait augmenté et ait atteint un pic sans précédent de FIGURE 2.5 : Aide publique au développement exprimée en pourcentage du revenu national brut des pays, L’aide publique au par groupe de revenu, 2017 développement 20 représente plus de 8% du PIB pour la moitié 18 des pays à faible 16 revenu d’Afrique subsaharienne. 14 12 % RNB 10 8 6 4 2 0 ato e b ée n e R.D Ét zanie u C ie Tch go Bu dagaogo na ar so Gu Ou Bénin e-B nda au mo i Bu res Sie Rwa ndi Mo rra L nda biq e N e e c oma r en Ma lie fric wi Ga aine Lib bie o ria Cô bliqu éria d’I u G ire Eswhana Ca Ken i me ya Za n Ma Leso bie rita tho Gu é-e bo v gal e é rin e Ma riale iqu ng e Bo du S la tsw ud ych on Na elles bie pu ig n Ma T ad om Ca Séné ie Se Gab a Co Mal n S ige qu cip Ta abw zam eon u iné t-P erd Afr A uric te e d rou Ré N uda an . d hiop e o ati rki sc Fa n ZimGuin tra la iss on e vo m m mi ru iné ga S u o, qu oT ng bli Sa Co pu Ré Pays à faible revenu Pays à revenu intermédiaire, Pays à revenu tranche inférieure intermédiaire, tranche supérieure Source : Données 2017 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), https://data.oecd.org/. Note : RNB = Revenu national brut, APD = Aide publique au développement. Les données sur l’APD n’incluent pas les apports d’aide d’organismes de bienfaisance internationaux, d’organisations non gouvernementales internationales ni les dons privés. A F R I C A’ S P U L S E > 59 140 milliards d’USD en 2016 (aux prix courants), l’APD destinée aux pays africains a diminué de 2013 à 2016 (passant de 43,3 milliards d’USD à 38,8 milliards d’USD). Cela représente en outre une baisse encore plus importante du montant par habitant, compte tenu de la croissance démographique. La part de l’aide internationale destinée aux États africains fragiles et touchés par un conflit a également continué à diminuer. Entre 2014 et 2015, treize donateurs du Comité d’aide au développement de l’OCDE, y compris les institutions de l’Union européenne, ont réduit leurs dons aux États africains fragiles et touchés par un conflit (ONE 2017). Ce déclin général est dû au moins en partie au fait que les pays donateurs dépensaient davantage pour les réfugiés et demandeurs d’asile dans leurs propres pays. L’émission d’obligations internationales face au ralentissement macroéconomique de ces dernières années, conjuguée à un revenu insuffisant et à des délais dans le versement de l’APD promise, fait ressurgir les préoccupations liées à la dette des pays. Bien que le niveau de la dette reste inférieur à celui de la fin des années 1990 (lorsque plusieurs initiatives internationales d’allégement de la dette ont été mises en œuvre), il a augmenté plus rapidement en Afrique que dans d’autres régions depuis 2013. Dans le même temps, le profil de la dette publique est devenu plus risqué, dans un contexte où la part des emprunts concessionnels diminue et où les pays de la région recourent aux prêts bilatéraux et aux créanciers privés hors club de Paris. Les gouvernements pourraient emprunter aux niveaux national et international pour financer des dépenses accrues dans les secteurs sociaux et le secteur WASH, mais ils seraient nombreux à se heurter à des difficultés. 60 > A F R I C A’ S P U L S E Section 3 : Autonomiser les femmes africaines : une force du changement économique 3.1 INTRODUCTION Dans la quête de l’éradication de la pauvreté et de la réalisation de la croissance économique durable en Afrique, les contributions à parts égales entre les femmes et les hommes sont cruciales1. Au-delà de la valeur intrinsèque de l’égalité des chances, l’autonomisation des femmes sur le plan économique apportera la croissance économique et accélérera la réduction de la pauvreté. Cette sous-section fournit des recommandations basées sur des faits probants destinées aux décideurs politiques et autres parties prenantes afin qu’ils puissent élaborer des solutions innovantes qui permettent de libérer le potentiel non exploité des femmes. De récents progrès ont été constatés au niveau de la réduction de l’écart entre les genres dans la scolarisation au primaire et de l’augmentation de la participation féminine à la main d’œuvre sur le continent africain. Toutefois, des écarts importants et persistants en termes de productivité et de revenu subsistent entre les hommes et les femmes, et ils ont un coût économique important.2 L’Afrique ne peut tout simplement pas se permettre de se priver du potentiel de revenus générés par la moitié de sa population. L’Afrique est la seule région du monde qui peut s’enorgueillir du fait que les femmes sont plus susceptibles de devenir entrepreneurs que les hommes (Campos et coll. 2019), et les femmes africaines contribuent pour une grande part (40 %) au travail agricole sur l’ensemble du continent (O’Sullivan et coll. 2014). Toutefois, l’exemple de réussite de l’Afrique en termes de représentation féminine dans la main d’œuvre est étouffé par d’importantes disparités entre les genres en termes de revenus. Les femmes ne luttent pas encore à armes égales dans ce domaine. Pour saisir quels sont les meilleurs avantages à tirer de la participation des femmes africaines au travail, les décideurs politiques doivent confronter les contraintes auxquelles font face, de manière disproportionnée, les femmes et adopter des politiques qui les aident à dynamiser la croissance. L’autonomisation des femmes fait référence à la capacité des femmes à prendre des décisions et à influer sur des résultats qui les affectent directement ainsi que leur famille. Elles peuvent alors avoir de plus grandes aspirations, faire en sorte que leur voix soit entendue et avoir plus de choix. S’il est vrai que l’émancipation des femmes préconise une approche multidimensionnelle, exigeant une amélioration de la situation politique, sociale, économique et de la santé des femmes, cette section se concentrera sur l’autonomisation économique des femmes. L’émancipation économique des femmes est fondamentale pour le renforcement des droits des femmes, mais aussi pour leur permettre d’avoir le contrôle de leur vie et d’exercer une influence sur la société. Il s’agit d’un moteur puissant pour l’accélération du développement. Bien que l’accent soit placé sur les domaines de l’emploi et des revenus, il existe d’autres dimensions politiques importantes de l’autonomisation des femmes africaines qui ne sont pas couvertes ici, telles que la lutte contre la fécondité élevée, le mariage des enfants et la violence sexiste. Le renforcement du capital humain est l’un des axes de la stratégie régionale de la Banque mondiale pour l’Afrique qui vise à accélérer la réduction de la pauvreté et à promouvoir une prospérité partagée. Un des points d’entrée dans l’agenda du capital humain de la Banque mondiale est l’autonomisation des femmes (Banque mondiale 2019c). La section 2 de ce numéro d’Africa’s Pulse aborde le programme 1 Dans la présente section, « Afrique » renvoie à l’Afrique subsaharienne (c’est-à-dire le continent africain à l’exclusion de l’Afrique du Nord). 2 Le taux de participation moyen des femmes de l’Afrique subsaharienne à la main d’œuvre a augmenté au fil du temps. Toutefois, cette tendance globale masque l’importante variation entre les pays et l’hétérogénéité entre les types d’emploi occupés par les hommes et les femmes, ce que résume l’indicateur de participation au marché du travail. A F R I C A’ S P U L S E > 61 de réduction de la pauvreté, y compris les interventions politiques capables d’accélérer la transition de la fécondité afin de contrer la croissance démographique et les mesures visant à réduire les disparités entre les genres en matière de santé, d’éducation, d’autonomisation et d’emploi. Cette section souligne la nécessité de mener, en plus des interventions fondamentales telles que la scolarisation continue des filles et l’accès à des services de santé reproductive de qualité, des politiques visant à responsabiliser économiquement les femmes. Elles garantiront aux femmes des avantages aussi directs que possible, leur permettant ainsi d’être les acteurs principaux de l’amélioration de leur bien-être. Dans la mesure où les possibilités d’accéder à l’emploi salarié du secteur formel sont limitées dans la plupart des économies de l’Afrique subsaharienne, cette section porte plus particulièrement sur les politiques qui vont à la rencontre des femmes là où elles se trouvent actuellement, dans les entreprises et dans les fermes. La question centrale qui se pose est la suivante : comment la productivité et les revenus des agricultrices et entrepreneurs femmes en Afrique peuvent-ils augmenter ? Il est prouvé que les femmes gagnent moins que les hommes dans les activités agricoles et non agricoles : (a) dans un pays moyen, on estime que les femmes produisent 33 % de moins que les hommes par hectare de terre (O’Sullivan et coll. 2014), et (b) les profits réalisés par les entrepreneurs/propriétaires d’entreprise femmes sont, en moyenne, inférieurs de 34 % par rapport à ceux des chefs d’entreprise hommes (Campos et coll. 2019).3 Ces écarts de revenus sont extrêmement coûteux en produit intérieur brut (PIB) perdu.4 Le soutien apporté aux femmes africaines pour augmenter leurs opportunités de revenus, rehausser leurs gains et renforcer leurs compétences permettra de réduire ces écarts tout en améliorant la croissance et le bien-être. L’écart de revenu entre les hommes et les femmes est dû à un ensemble de freins qui sont plus contraignants pour les femmes. Généralement, les femmes ont des niveaux inférieurs d’intrants clés concernant les revenus issus des fermes ou des entreprises : les compétences, le temps et le capital. De surcroît, les femmes sont désavantagées en raison des normes et institutions qui gouvernent les rôles économiques et ménagers des femmes et des hommes (Chakravarty, Das, et Vaillant 2017). En Afrique subsaharienne, les femmes ont tendance à avoir des dotations en ressources humaines bien inférieures à celles des hommes : la parité entre les genres n’est pas encore réalisée dans l’enseignement secondaire et tertiaire dans la plupart des pays. Parallèlement, les femmes sont moins bien pourvues concernant les autres actifs de production, notamment la terre et le crédit. Les politiques qui ciblent mieux les causes de la position désavantageuse des femmes dans le monde économique ont la possibilité de contribuer de manière importante à l’égalité d’une part mais également à la croissance économique d’autre part. Que peuvent faire les décideurs politiques et les autres parties prenantes pour accélérer les retombées économiques des femmes africaines ? Cette section s’appuie sur les écrits sur l’économie du développement afin d’identifier les interventions qui sont le plus à même d’avancer l’autonomisation économique des femmes en Afrique. Six approches politiques clés susceptibles d’aider à augmenter les possibilités de revenus pour les femmes ont été identifiées : (a) le renforcement des compétences appropriées, (b) l’allégement des contraintes de capital, (c) la sécurisation des droits fonciers, (d) l’accès des femmes au marché du travail, (e) la prise en compte des normes sociales qui limitent les opportunités économiques pour les femmes, et (f ) la stimulation des capacités de la prochaine génération. Les faits concrets examinés dans cette section ne sont pas exhaustifs ; toutefois, ils sont 3 Les écarts entre les genres dans la productivité agricole sont estimés en utilisant l’analyse de décomposition Oaxaca-Blinder. Ils montrent une variation importante sur l’ensemble des six pays étudiés, ce qui représente jusqu’à 40 % de la population africaine. Par exemple, les femmes en Tanzanie produisent 23 % de moins par hectare que les hommes, tandis que l’écart au Niger est de 66 %. L’écart entre les sexes en termes de bénéfices est estimé sur l’ensemble de 10 pays en Afrique, en se basant sur 14 évaluations d’impact sur les micro, petites, et moyennes entreprises de la région. 4 Les résultats des filles se révèlent aussi bons, voire légèrement supérieurs à ceux des garçons dans l’indice de capital humain et ses composants, hormis les années de scolarité ajustées en fonction des connaissances (Banque mondiale, 2019c). 62 > A F R I C A’ S P U L S E étayés par des résultats d’évaluations d’impact sérieuses de ce qui a fonctionné pour les femmes sur le continent tout entier. L’allégement, par la même occasion, des multiples contraintes auxquelles les femmes sont confrontées semble livrer les résultats les plus prometteurs pour stimuler leur emploi et leurs revenus. La section débute par une infographie qui illustre certains des écarts clés entre les genres en milieu professionnel en Afrique (figure 3.1). L’infographie indique que, bien que la participation au marché du travail soit souvent présentée comme étant proche de la parité à 0,85 pour la région, une analyse plus précise fait état de grandes variations d’un pays à l’autre. Les pays du Sahel en particulier continuent d’avoir des écarts importants entre les genres en termes de taux de participation. Parmi les écarts économiques entre les genres, l’écart de profits moyens entre les micro, petites, et moyennes entreprises détenues par des hommes et celles détenues par des femmes est estimé à 34 % sur l’ensemble des 10 pays étudiés dans la figure 3.1. Une part importante de cet écart peut s’expliquer par les différences dans les secteurs dans lesquels les femmes et les hommes travaillent : les secteurs privilégiés pour les femmes en Afrique sont les salons de beauté, les commerces de vente au détail, les textiles, les cafés et les restaurants, qui comparativement, génèrent des bénéfices inférieurs à ceux des secteurs privilégiés dans lesquels les hommes travaillent, à savoir, la construction, le transport terrestre, et les secteurs de la technologie de l’information et des communications (TIC) (figure 3.1). Les écarts entre les genres dans la productivité agricole varient de 23 % en Tanzanie à 66 % au Niger. Comme dans les autres régions, les femmes en Afrique consacrent un nombre d’heures disproportionné à des services domestiques et de soins non rémunérés : les femmes consacrent environ quatre heures par jour à du travail non rémunéré comparé à une heure pour les hommes. Il existe également un écart entre les genres en termes d’inclusion financière : 38 % des hommes en Afrique disposent d’un compte bancaire comparé à seulement 27 % des femmes. En matière de compétences, la parité entre les genres pour les inscriptions à l’école primaire a été atteinte dans la plupart des pays (la moyenne pour l’Afrique subsaharienne était de 0,96 en 2017) ; toutefois, les disparités aux niveaux secondaires et tertiaires subsistent. La sous-section 3.2 examine les solutions de politiques permettant de répondre aux écarts entre les genres sur le plan économique, en mettant l’accent sur les programmes et les politiques qui ont fait leurs preuves pour les femmes. Cette section peut être utilisée comme un ensemble d’instruments appuyés par des faits probants destinés aux décideurs politiques et aux bailleurs de fonds. Elle met en avant six approches politiques clés pour s’atteler aux contraintes qui freinent l’autonomisation économique des femmes. Ces contraintes incluent les écarts en termes de compétences, les contraintes de capital, l’absence de sécurisation des droits fonciers, les contraintes du marché du travail, les normes sociales restrictives ainsi que les limites en matière d’opportunités économiques. Les programmes pour les adolescentes sont également abordés, mais la majorité des politiques qui sont englobées ciblent les femmes adultes. Enfin, la sous-section 3.3 conclut par des orientations pratiques destinées aux décideurs politiques, une liste de contrôle des facteurs à prendre en compte lors de la conception des actions politiques, et un résumé des options de politiques visant à soutenir l’autonomisation économique des femmes. A F R I C A’ S P U L S E > 63 FIGURE 3.1 : Écarts clés entre les genres au travail en Afrique 3.2 SOLUTIONS POLITIQUES AUX CONTRAINTES BASÉES SUR LE GENRE Cette sous-section souligne les six approches de politiques clés en faveur de l’autonomisation économique des femmes qui sont considérées comme étant des domaines de politique à haut rendement. Les écarts entre les genres qui sont significatifs pour chaque contrainte sont d’abord décrits plus en détail, avec référence aux entreprises et à l’agriculture. Ensuite, des solutions politiques spécifiques qui ont démontré un certain succès dans l’allégement des contraintes sont présentées à travers des exemples sur le continent africain. Connaître ce qui fonctionne devrait permettre de faire naître de nouvelles idées pour les angles d’attaques en matière de politiques afin de soutenir les femmes à réaliser pleinement leur potentiel en matière de revenus et de productivité agricole. Voie 1 : Renforcement des compétences : aller au-delà de la formation classique La plupart des pays de l’Afrique subsaharienne ont atteint la parité homme-femme pour ce qui est de l’accès à l’enseignement primaire (l’indice moyen de parité entre les genres pour la scolarisation au primaire en Afrique subsaharienne était de 0,96 en 2017). Toutefois, il subsiste des écarts entre les hommes et les femmes en termes de réalisation des études et des compétences. Lorsque les femmes n’ont pas de possibilité d’obtenir les compétences essentielles (par exemple, en étant moins exposées aux études secondaires ou tertiaires ou aux réseaux sociaux), cela limite alors leur capacité à tirer parti des activités génératrices de revenus et leur potentiel à contribuer à la croissance économique.5 Dans l’agriculture, les femmes agricultrices sont susceptibles d’être exclues des formations en raison de leurs responsabilités dans le foyer. Des normes culturelles peuvent également empêcher les femmes d’être libres de rencontrer des agents masculins de manière efficace. Par exemple, les femmes en Éthiopie et en Ouganda semblent moins tirer parti que les hommes de (certaines sources de) conseils agricoles reçus par leurs foyers. Ce constat semble indiquer que les services actuels de vulgarisation de conseils agricoles sont mieux adaptés aux besoins des agriculteurs hommes (O’Sullivan et coll. 2014). Pour ce qui est des entreprises, trois écarts critiques entre les hommes et les femmes ont été mis en évidence pour ce qui est des compétences : l’éducation formelle, les compétences de gestion et les compétences socio-émotionnelles (Campos et coll. 2019). Les femmes semblent avoir moins accès à des possibilités de développer leurs compétences entrepreneuriales et de gestion, et être moins enclines à participer à des séances de formation pour des secteurs où les revenus moyens sont plus élevés (Arias, Evans, et Santos 2017). Par exemple, les femmes se répartissent souvent d’elles-mêmes dans des secteurs comme la vente au détail et le textile, qui génèrent des bénéfices comparativement inférieurs à ceux des secteurs dominés par les hommes tels que la construction et les TIC (Étude Facebook Future of Business 2019). Globalement, l’impact des programmes de formation en compétences pour l’entrepreneuriat apparaît résolument mitigé, ce qui soulève la question suivante : nous concentrons-nous sur les bonnes compétences ? L’Afrique subsaharienne démontre que la formation des femmes au développement d’une vision entrepreneuriale peut produire des résultats prometteurs. Les interventions visant à renforcer les compétences qui vont au-delà de la formation classique comprennent des services de vulgarisation de conseils agricoles sensibles à la dimension de genre, des formations en compétences socio-émotionnelles pour les femmes en entreprise, et la communication d’informations auprès des femmes pour soutenir les changements professionnels entre les secteurs. Des services de vulgarisation de conseils agricoles sensibles à la dimension de genre La conception de programmes de vulgarisation de conseils agricoles qui répondent mieux aux besoins des femmes peut permettre de réduire l’écart en matière de productivité. L’augmentation du nombre d’agents de vulgarisation femmes ou bien la formation des agents et responsables de mise en œuvre aux besoins spécifiques des femmes pourraient être envisagées pour atteindre un plus grand nombre de femmes de 5 Les scores pour l’indice de parité entre les sexes concernant les chiffres bruts des inscriptions dans les écoles du secondaire et du tertiaire étaient de 0,88 et 0,74, respectivement, pour l’Afrique subsaharienne en 2017. Un score de 1 sur l’indice indique une égalité entre les sexes. 66 > A F R I C A’ S P U L S E manière efficace et améliorer les résultats. Par exemple, au Mozambique, le choix de conseillers agricoles volontaires femmes directement dans les communautés a amélioré l’utilisation de techniques agricoles par les agricultrices et agriculteurs au sein de ces communautés (Kondylis, Mueller et Zhu 2017). En Éthiopie, le projet du gouvernement de renforcement des capacités en zones rurales (Rural Capacity Building Project-RCBP) comportait des éléments sensibles à la dimension de genre dans le cadre d’une conception globale de ses services de vulgarisation en conseils agricoles. Le programme du PRCZR a accru le nombre d’agents de vulgarisation femmes et formé le personnel aux questions de genre afin de faire prendre conscience des éventuelles différences sur la manière dont les agricultrices et les agriculteurs répondent aux services. Le programme de vulgarisation a augmenté de 10 % la superficie totale de terres cultivées et l’adoption de cultures commercialisables. Dans les zones couvertes par le PRCZR, le nombre de personnes dans le foyer ayant contribué à des activités génératrices de revenus a augmenté, soutenant l’activité économique et une somme de travail plus importante a été effectuée à la ferme. En particulier, les principales retombées du programme ont été profitables pour les ménages dirigés par un homme et ceux dirigés par une femme à parts égales sans toutefois combler l’écart entre les genres pour ce qui est de l’agriculture (Buehren et coll. 2019). Formation en compétences socio-émotionnelles pour les femmes en entreprise Les formations traditionnelles aux affaires se concentrent souvent sur les compétences techniques telles que la comptabilité ou le marketing. Cependant, l’évaluation des programmes de formation traditionnels n’a pas faire la preuve d’impacts durables sur les bénéfices d’entreprises, notamment pour les femmes (McKenzie et Woodruff 2014). Il pourrait s’avérer essentiel de sortir des sentiers battus en matière de programmes de formation traditionnels pour combler l’écart entre les genres. Par exemple, les formations axées sur le développement d’une approche entrepreneuriale se sont révélées efficaces pour les entrepreneurs femmes. Au Togo, la formation dispensée aux entrepreneurs pour améliorer leurs pratiques en entreprise ainsi que leurs compétences socio-émotionnelles, qui visait à les aider à devenir plus proactifs et résilients face aux obstacles, a abouti à une augmentation des ventes et des profits. La formation à l’initiative personnelle axée sur la psychologie encourageait les propriétaires de petites entreprises à être autonomes dans le lancement de l’activité et tournés vers l’avenir tout en anticipant les problèmes et en planifiant des moyens pour les surmonter. En moyenne, les micro-entrepreneurs femmes ont augmenté leurs bénéfices commerciaux de 40 % comparé à une augmentation de 5 % statistiquement insignifiante chez un groupe comparatif ayant bénéficié d’une formation professionnelle traditionnelle (voir figure 3.2). Les femmes ayant reçu la formation à l’initiative personnelle étaient également plus innovantes, ont augmenté leur investissement, et ont introduit de nouveaux produits dans leur activité (Campos, Frese et coll. 2017). FIGURE 3.2 : Avantages des formations à l’initiative personnelle destinées aux femmes entrepreneurs au Togo La formation à l’initiative personnelle Les femmes ayant reçu une Les femmes ayant reçu une formation axée sur la formation à l’initiative personnelle traditionnelle à l’initiative ont vu leurs psychologie se sont ont vu leurs béné ces augmenter de béné ces augmenter de seulement révélées plus efficaces pour les femmes entrepreneures au Togo. 40 % 5% $ Source : Campos, Frese et coll. 2017. A F R I C A’ S P U L S E > 67 Informations visant à soutenir les changements de secteurs chez les femmes Certains préjugés personnels peuvent affecter les aspirations et les choix professionnels des femmes. Par exemple, les femmes peuvent se montrer réticentes à intégrer des secteurs dominés par les hommes, où les revenus sont généralement plus élevés. Le fait de fournir des informations par le biais de formations ciblées peut préparer les femmes pour des secteurs spécifiques à revenus plus élevés. Cela peut s’avérer par ailleurs être un outil utile pour atténuer ces préjugés tout en dotant les femmes des compétences nécessaires pour travailler dans ces secteurs. Au Nigéria, le gouvernement souhaitait renforcer les effectifs dans le secteur des TIC. Il a donc mis en place un programme de deux mois pour former les diplômés universitaires à la communication orale et écrite, à des compétences cognitives, ainsi qu’à des compétences générales comme le travail d’équipe, la gestion du stress et la gestion du temps. Ce programme de formation a encouragé les femmes à se diriger vers le secteur émergent des TIC et la propension au changement a été plus marquée chez les femmes qui avaient indiqué avoir un préjugé bien ancré à l’encontre des femmes ayant un rôle professionnel. À l’issue de la formation, les femmes ayant ce type de préjugés étaient trois fois plus enclines à occuper un emploi dans les services de TIC que les femmes n’ayant pas de préjugés. Le programme ne contenait en particulier aucun accent spécifique sur la dimension de genre mais le fait de fournir des informations et de dispenser une formation a permis d’élargir les possibilités parmi les femmes et d’augmenter la probabilité de trouver des emplois dans le secteur des TIC (Croke, Goldstein, et Holla 2018). Voie 2 : Miser sur le potentiel des femmes : alléger les contraintes de capital À travers l’Afrique, les écarts entre les genres persistent en matière de propriété, d’utilisation et de contrôle des biens et du patrimoine (Gaddis, Lahoti et Li 2018). À titre d’exemple, les données des enquêtes démographiques et de santé suggèrent que seulement 13 % des femmes africaines (de 20 à 49 ans) déclarent être propriétaires uniques de leur logement, comparé à 39 % pour les hommes africains.6 Dans les entreprises et les fermes, les femmes sont confrontées à des obstacles plus élevés que les hommes pour accéder au financement, en particulier lorsqu’il est question de fournir une garantie pour les prêts, dans la mesure où la plupart des biens que les prêteurs acceptent en garantie sont habituellement enregistrés par les hommes. Les écarts entre les genres peuvent également s’étendre au-delà de la propriété à d’autres formes d’actifs, notamment les actifs financiers comme les comptes bancaires et l’épargne.7 Dans les entreprises, l’absence de capital contribue grandement à la disparité homme-femme en termes de performance pour les femmes entrepreneurs. Les femmes ont systématiquement des niveaux inférieurs de stocks, d’équipement, de biens et d’autres actifs d’entreprise (Banque mondiale 2019b). Par exemple, une entreprise détenue par un homme en Afrique dispose généralement de six fois plus d‘investissement en capital qu’une entreprise détenue par une femme. Une recherche multi-pays a révélé qu’environ 23 % des femmes (contre seulement 2 % des hommes) comptent sur le capital de leur conjoint pour démarrer leur entreprise (Campos, Goldstein et McKenzie 2018). Les niveaux plus faibles de capital freinent également les opportunités de financement pour les femmes, ce qui affecte un peu plus leur capacité à réaliser des investissements productifs dans leurs entreprises. Dans les micro-entreprises, où les femmes africaines se concentrent le plus, les prêts obtenus par les femmes entrepreneures sont moindres : les prêts accordés aux femmes représentent de 38 % à 74 % de la valeur obtenue par les propriétaires d’entreprise hommes au Malawi, au Togo et en Ouganda (Banque mondiale 2019). Les institutions de microfinance (IMF) s’adressent généralement aux femmes au moyen de systèmes de prêts groupés qui proposent de très petits prêts assortis de conditions restrictives (Field et coll. 2013). Très souvent ces micro-prêts s’avèrent insuffisants pour nourrir les investissements commerciaux et la croissance (Banerjee, Karlan et Zinman, 2015). En outre, un phénomène de « chaînon manquant » dans les marchés de 6 Les statistiques sur la propriété du logement sont issues des Enquêtes démographiques et de santé pour 28 pays, dont les données ont été recueillies entre 2010 et 2016 pour une population âgée de 20 à 49 ans. 7 Les données pour l’Afrique, recueillies dans le cadre du Global Findex 2017 indiquent que 38 % des hommes sont titulaires d’un compte bancaire dans une institution financière contre seulement 27 % pour les femmes (Demirgüç-Kunt et coll. 2018). 68 > A F R I C A’ S P U L S E crédits à travers l’Afrique est bien connu : les entreprises axées sur la croissance sont fortement contraintes par le capital dans la mesure où leurs besoins en crédit sont trop importants pour la microfinance mais pas suffisamment pour les banques commerciales (Alibhai, Bell et Conner 2017). Les subventions en capital accordées aux propriétaires de petites entreprises ont un bilan similaire ; en d’autres termes, les études ne perçoivent souvent pas d’effet positif sur les entreprises détenues par les femmes (De Mel, McKenzie et Woodruff 2008, 2009 ; Fafchamps et coll. 2014). Les retours découlant d’une subvention de capital adaptée en faveur des femmes pourraient encourager l’investissement, améliorer l’efficacité, et avoir des effets positifs sur les revenus et la croissance. Par conséquent, il est utile de s’interroger sur les interventions qui seraient utiles au niveau des politiques et qui permettraient d’alléger les contraintes qui pèsent sur les femmes en termes de capital et de financement. L’allégement des contraintes financières en faveur des femmes nécessite des technologies et des interventions innovantes. Des tests psychométriques sont utilisés pour créer des notations de crédit et identifier la capacité à rembourser les crédits. Des demandes en ligne pour le financement (à savoir, l’argent mobile, les prêts en ligne) permettent d’inclure les personnes ne disposant pas de compte bancaire dans le secteur financier officiel, en particulier les femmes. Les interventions intégrées sont des programmes combinés qui consistent à encourager l’immatriculation des entreprises au moyen d’informations sur l’accès aux services bancaires et leur utilisation. D’autres interventions ciblent et conçoivent des produits de prêt qui sont plus adaptés aux propriétaires d’entreprise femmes dont l’activité est orientée vers la croissance. Enfin, des programmes de graduation incluent des subventions d’actifs, de l’épargne et des formations pour consolider les revenus durables des foyers qui sont dans une situation de pauvreté extrême. Des tests psychométriques comme alternative à la garantie classique Les tests psychométriques reposent sur une technologie de crédit innovante qui permet de prévoir la capacité d’un emprunteur à rembourser un prêt. Grâce à cette forme alternative d’évaluation, les prêteurs peuvent identifier quels sont les emprunteurs qui peuvent rembourser, si bien que le test crée un moyen qui permet de s’écarter du prêt traditionnel assorti d’une garantie. La possibilité de contourner les exigences de garantie ouvre une voie prometteuse pour élargir l’accès des FIGURE 3.3: Performance des prêts de microfinance en fonction Des tests femmes au crédit. des seuils de notation aux tests psychométriques psychométriques En Éthiopie, le Projet de en Éthiopie ont 1200 8% développement d’entreprenariat 7% permis de prédire en faveur des femmes (Women 7% la probabilité 1000 qu’un emprunteur Entrepreneurship Development 6% Taux des 30 Mauvais rembourse un prêt. Nombre de prêts Project - WEDP) a piloté un test 800 5% psychométrique pour l’évaluation 4% 600 4% des prêts auprès de deux IMF.8 Les résultats du test ont montré, 3% 400 à travers leurs prévisions, qu’une 2% 200 1% large propension d’emprunteurs 1% rembourserait les prêts parmi les 0% micro-entreprises détenues par des 310-378 378-412 412-475 femmes, offrant un niveau élevé Catégories de score EFL de précision en estimant à 99 % le taux de remboursement. Les « Mauvais » emprunteurs « Bons » emprunteurs Taux des 30 Mauvais résultats de remboursement du test Source : Alibhai, Buehren, Coleman et coll. 2018. pilote sont présentés dans la figure Remarque : les scores des tests psychométriques EFL sont divisés en trois catégories, dans lesquelles les scores les plus élevés sont moins prédictifs en termes de remboursement de prêt. 3.3. Ils indiquent que les clients Le taux des 30 Mauvais donne le pourcentage de clients ayant des arriérés de paiements depuis ayant atteint un seuil élevé dans le plus de 30 jours sur une période de 17 mois. Les mauvais emprunteurs sont des clients qui ont des arriérés ; cependant, il n’y a quasiment jamais eu de défaillance. EFL = Entrepreneurial Finance Lab. test étaient sept fois plus enclins 8 WEDP est un projet de l’Association de développement international de la Banque mondiale qui propose une ligne de crédit dédiée et une formation aux femmes entrepreneurs dans six villes d’Éthiopie (Addis-Abeba, Adama, Bahir Dar, Dire Dawa, Hawassa et Mekelle). A F R I C A’ S P U L S E > 69 à rembourser leurs prêts, comparé aux clients dont les scores étaient moins élevés (Alibhai et coll. 2017). Les IMF fournissent actuellement des prêts sans garantie aux femmes en se basant sur les scores des tests psychométriques. Par ailleurs, une évaluation de l’impact des prêts sur la croissance des entreprises est actuellement réalisée. Tirer parti des technologies numériques Les innovations dans le domaine des technologies numériques permettent de donner aux femmes l’accès à une plateforme d’épargne sûre et privée, ce qui peut atténuer certaines des pressions et des obstacles auxquels elles sont confrontées lorsqu’elles accumulent leurs économies pour financer potentiellement leur entreprise. Les innovations financières telles que l’argent mobile ont renforcé l’inclusion financière en Afrique : elles donnent la possibilité aux personnes sans compte bancaire d’intégrer le système financier classique. Le service d’argent mobile du Kenya, M-Pesa, a été l’un des déploiements les plus réussis en matière d’argent mobile : il a été adopté par près de 70 % de la population adulte du pays, quatre ans seulement après son lancement.9 L’expansion de M-Pesa s’est avérée particulièrement bénéfique pour les femmes, en augmentant l’épargne financière des ménages dirigés par des femmes et en leur permettant de quitter l’agriculture de subsistance pour l’entreprise, en réduisant leur dépendance aux emplois à temps partiel multiples ainsi que la taille moyenne de leurs ménages (Suri et Jack 2016). Le déploiement des services monétaires mobiles au Kenya a aidé environ 194 000 ménages à sortir de l’extrême pauvreté et a incité 185 000 femmes à changer d’activité principale et à se tourner vers l’entreprise ou le commerce de détail (Suri et Jack 2016). En Tanzanie, des sessions de formation sur M-Pawa pour les microentreprises dirigées par des femmes, un compte d’épargne mobile relié à M-Pesa qui permet également aux clients d’accéder au crédit, ont eu des répercussions importantes sur l’investissement et les résultats des entreprises. Les femmes qui ont bénéficié du programme ont amélioré leurs pratiques commerciales, ont vu leur accès et leur utilisation du crédit augmenter ainsi que leur capital social — les femmes ont économisé près de quatre fois plus sur M-Pawa et étaient 16 % plus susceptibles d’obtenir un prêt qu’un groupe témoin (Bastian et coll. 2018). Relier les entreprises enregistrées aux comptes bancaires Dans de nombreux pays en développement, l’enregistrement d’une entreprise peut s’avérer décourageant. L’enregistrement impose des coûts supplémentaires à une entreprise, aussi, de nombreux propriétaires d’entreprises choisissent de ne pas les déclarer. Toutefois, l’enregistrement d’une entreprise peut donner à son propriétaire plus de sécurité et de capacité à effectuer des investissements plus importants à long terme. Au Malawi, les femmes ont bénéficié d’un programme qui subventionnait l’enregistrement des entreprises. Cependant, les avantages ne sont apparus qu’après une séance d’information bancaire sur les avantages de séparer l’argent du ménage de celui de l’entreprise et sur la possibilité d’ouvrir des comptes bancaires professionnels. Pour les décideurs, il pourrait être essentiel de se rappeler que l’enregistrement seul n’est pas suffisant pour aider les entreprises à croître. Il est important d’aider les entreprises à profiter des avantages (comme un compte bancaire professionnel) que l’inscription au registre des entreprises peut apporter. L’enregistrement d’une entreprise à lui seul n’a pas eu d’impact sur les hommes ou les femmes en matière d’utilisation des comptes bancaires, d’épargne ou de crédit au Malawi. Toutefois, le fait de combiner l’enregistrement d’une entreprise avec une séance d’information bancaire et de l’aide à l’ouverture d’un compte bancaire professionnel a eu un impact de 28 % sur les ventes de l’entreprise et de 20 % sur ses bénéfices. Associer les comptes bancaires à l’information sur la manière de les utiliser au mieux a contribué à encourager l’utilisation des comptes, ce qui a permis de libérer leur potentiel (Campos, Goldstein et McKenzie 2015). 9 M-Pesa est une plateforme qui utilise la technologie du téléphone portable afin que les particuliers puissent effectuer des transactions financières. Les utilisateurs peuvent déposer, transférer ou retirer des fonds à partir d’un compte stocké sur leur téléphone portable. L’adoption rapide de M-Pesa au Kenya est attribuée à : (a) l’expansion rapide des réseaux de téléphonie mobile et (b) le déploiement et la croissance rapides d’un vaste réseau d’agents (les distributeurs finaux du service) qui sont de petites entreprises convertissant pour leurs clients les espèces en monnaie électronique et vice versa (Jack et Suri 2014). L’essor rapide de la finance mobile au Kenya est également attribué à la position dominante de Safaricom sur le marché de la téléphonie mobile, un régulateur financier progressiste, et à de multiples zones à forte densité de population (Babcock 2015). 70 > A F R I C A’ S P U L S E Accéder aux prêts pour accélérer la croissance Alléger les contraintes financières qui pèsent sur les entrepreneurs peut avoir un impact significatif sur la croissance. Toutefois, cela nécessite d’offrir les produits de prêt adaptés à ceux dont les marchés sont mal desservis et qui ont le désir et le potentiel de faire croître leur entreprise (Cull et Morduch 2017). Pour ce faire, il faudrait cibler et concevoir des produits de prêt qui répondent mieux aux besoins des entrepreneurs existants dans des contextes spécifiques. Alléger les contraintes financières qui pèsent sur les entrepreneurs peut avoir un impact significatif sur la croissance. Toutefois, cela nécessite d’offrir les produits de prêt adaptés à ceux dont les marchés sont mal desservis et qui ont le désir et le potentiel de faire croître leur entreprise (Cull et Morduch 2017). Pour ce faire, il faudrait cibler et concevoir des produits de prêt qui répondent mieux aux besoins des entrepreneurs existants dans des contextes spécifiques. En Éthiopie, le WEDP (Women Entrepreneurship Development Project) a augmenté le montant des prêts offerts aux femmes chefs d’entreprise axées sur la croissance. Les méso-prêts à responsabilité individuelle plus importants10 (870 % de plus que l’emprunt moyen précédent) ont eu un impact significatif sur l’accélération de la croissance des entreprises et sur la dynamisation des niveaux d’emploi : augmentation de 25 % des bénéfices et de 17 % de l’emploi net pour les femmes entrepreneures, trois ans après l’obtention du prêt. Les IMF du WEDP développent aussi fréquemment de nouveaux produits de prêts et acceptent de nouvelles formes de garanties, telles que des véhicules, des garanties personnelles et même des stocks commerciaux, pour garantir les prêts (Alibhai, Buehren et Papineni 2018). Des programmes très poussés d’accès progressif au microfinancement Les programmes multidimensionnels d’accès progressif au microfinancement ou ceux visant à trouver des moyens d’existence, qui comprennent l’attribution d’actifs productifs, la formation, l’encadrement et l’épargne, font partie de la boîte à outils de la politique de protection sociale de nombreux pays et ont permis de créer un revenu durable pour les personnes vivant dans une pauvreté extrême (Banerjee et coll. 2015, Bandiera, Burgess et coll. 2017). Ces programmes ciblent généralement les femmes des ménages ultra-pauvres, et il a été établi qu’ils stimulent l’activité entrepreneuriale de base, donnant ainsi aux femmes la possibilité d’avoir plus temps pour travailler chaque jour. Au Ghana, un programme destiné aux femmes combinait une subvention en capital sous la forme d’un actif commercial (bétail), d’une formation à l’entreprise et d’un coaching, d’un soutien à la consommation à court terme et d’une aide à l’épargne grâce à des services de collecte d’épargne. Les ménages ont vu leurs revenus non agricoles augmenter de 91 % ainsi que les revenus du bétail qui ont progressé de manière significative, gagnant 50 % de plus qu’un groupe témoin, un an après la fin du programme (Banerjee et coll. 2015). Voie 3 : Sécuriser les droits fonciers des femmes La terre constitue le principal actif productif des ménages ruraux en Afrique, mais les inégalités entre les genres sont très marquées en matière de propriété foncière et immobilière.11 Ces dernières sont des atouts importants pour sécuriser le capital financier, notamment pour les personnes défavorisées12. Les normes et les institutions coutumières limitent souvent la capacité des femmes à contrôler et à utiliser la terre, même dans des contextes où les lois formelles reconnaissent aux femmes des droits fonciers forts (O’Sullivan 2017). De plus, comme les femmes ont souvent un statut social inférieur au sein de 10 Le montant moyen des prêts accordés dans le cadre du WEDP était de 12 000 USD au taux de change du dollar américain par rapport à celui du birr du marché éthiopien en 2017. 11 Les données des enquêtes démographiques et sanitaires sur la propriété foncière indiquent que 51 % des hommes africains déclarent posséder des terres (seuls ou conjointement), contre seulement 38 % des femmes africaines. 12 Outre les lois formelles et coutumières qui désavantagent les femmes en matière de propriété foncière, les faibles niveaux d’actifs productifs et d’épargne des femmes peuvent résulter des pressions sociales relatives au partage de leurs revenus avec leur famille et leurs amis (Dupas et Robinson 2013, Jakiela et Ozier 2016, Schaner 2017). A F R I C A’ S P U L S E > 71 leur communauté, leurs terres risquent davantage d’être expropriées (Goldstein et Udry 2008). Pour ces raisons, les femmes sont moins incitées à investir dans leurs terres. Leur accès au crédit est limité par des facteurs collatéraux qui limitent leur productivité agricole et les revenus des entreprises. Des droits fonciers plus faibles ont des effets tangibles : les femmes africaines sont moins susceptibles de déclarer être propriétaires des terres ou d’en posséder les titres de propriété et leurs parcelles sont généralement plus petites que celles des hommes (Doss et coll. 2015). La faible sécurité du régime foncier des femmes signifie qu’elles doivent consacrer plus de temps à garder leur propriété, ce qui se traduit par une utilisation inefficace de leur temps et de leur travail. Au Bénin, on a constaté que les femmes réaffectaient leur travail de garde et leur production vers leurs terres les moins sûres, ce qui a eu un impact négatif sur leurs rendements (Goldstein et coll. 2015). Les effets négatifs de l’insécurité des droits fonciers sur l’investissement nuisent à la croissance économique. Au Ghana, par exemple, Goldstein et Udry (2008) ont étudié comment le sous- investissement dans le champ d’un agriculteur (découlant de droits fonciers incertains) affectait le rendement des cultures. Ils estiment que la perte de ces cultures potentielles a coûté 15,9 milliards USD, ou environ 1 % du PIB national du Ghana en 1997 (Goldstein et Udry 2008). Par conséquent, l’amélioration de la sécurité des droits fonciers pour les femmes relève d’un domaine de politique à haut rendement. Afin de sécuriser les droits fonciers des femmes, les gouvernements ont mis en place des programmes de formalisation des terres, la copropriété des droits fonciers au nom des deux conjoints et la formalisation des droits coutumiers existants. Formalisation des terres Les programmes de formalisation des terres, qui précisent les droits de propriété et d’usage, peuvent résoudre certains des problèmes liés à l’insécurité des droits fonciers. Toutefois, ils devront être conçus avec soin pour éviter toutes conséquences involontaires. Généralement, les programmes de formalisation des terres impliquent un processus systématique de délimitation des terres et apportent des preuves formelles des droits fonciers. Le programme pilote de régularisation du régime foncier du Rwanda, qui a permis d’enregistrer maris et femmes en tant que copropriétaires des terres, s’est traduit par une augmentation de 19 % des investissements fonciers ruraux pour les ménages dirigés par des femmes. Ce programme a également pris en compte la nécessité de l’inclusion des femmes non mariées, comme celles qui vivent en union libre, dans la conception d’un programme officiel visant à s’assurer qu’aucun groupe n’est laissé pour compte (Ali, Deininger et Goldstein 2014). Copropriété De petits encouragements peuvent être efficaces pour inciter les hommes à inclure leurs femmes dans l’enregistrement et la rédaction du titre de propriété au nom des deux conjoints. Il s’agit là d’un autre moyen de sécuriser les droits fonciers des femmes. Par exemple, ces programmes pourraient inclure l’attribution d’un titre de propriété subventionné, sous réserve de l’inclusion des femmes dans son enregistrement. Le fait d’informer sur les avantages de la copropriété, grâce à des solutions évolutives comme une courte vidéo éducative, peut également être rentable. En Ouganda, des données probantes indiquent qu’une subvention conditionnelle et une vidéo éducative peuvent être des outils efficaces pour accroître le nombre de droits de propriété officiels des femmes. Dans 253 villages, les résultats d’impact du programme en Ouganda indiquent que l’octroi d’un titre foncier subventionné conditionnel à l’inclusion du nom de l’épouse a augmenté la demande de copropriété de 50 % sans impact négatif sur la demande globale de titres de propriété. La diffusion 72 > A F R I C A’ S P U L S E de la vidéo éducative a fait augmenter la demande de copropriété de 25 %. Ces deux instruments peuvent donc être des moyens utiles de consolider le régime foncier des femmes et de contribuer à l’enregistrement officiel d’un plus grand nombre de titres au nom des femmes. Notamment, le simple fait d’offrir à un homme la possibilité de partager son titre de propriété avec sa femme a entraîné un taux élevé de titres de copropriété, 62 % des hommes ayant choisi cette option sans aucune incitation (Cherchi et coll. 2019). Délimitation et homologation des terres selon le droit coutumier Les approches qui permettent de formaliser les droits coutumiers existants peuvent également consolider les droits fonciers des femmes. Un exemple d’une telle approche consiste à délimiter des parcelles de terre au sein d’une communauté, en utilisant des pierres angulaires pour fixer leurs limites (sur la base d’enquêtes communautaires), et à délivrer des titres fonciers pour ces parcelles. Les programmes de formalisation selon le droit coutumier peuvent avoir des effets positifs sur l’investissement aux niveaux individuel et communautaire, en particulier pour les femmes. Au Bénin, les ménages qui ont bénéficié de ce programme ont stimulé les investissements à long terme dans les cultures commerciales. Les ménages participants ont augmenté leurs investissements de 39 % dans les cultures commerciales, comme le palmier à huile et le teck, et de 43 % dans la plantation d’arbres. Les ménages dirigés par des femmes sont également plus susceptibles de mettre leurs terres en jachère, ce qui est essentiel pour la fertilité des sols. Toutefois, les femmes ont déplacé leur production agricole de terres qui avaient été délimitées vers des terres moins sûres et non délimitées à l’extérieur du village — vraisemblablement pour garder les terres devenues moins sûres. Ainsi, lors de la conception de ce type de programmes, il est essentiel de conduire des enquêtes approfondies sur l’utilisation des terres (Goldstein et coll. 2016). Voie 4 : Accroître le recours à la main-d’œuvre salariée et domestique pour les femmes Étant donné les faibles niveaux de mécanisation en Afrique subsaharienne et le rôle critique de la main-d’œuvre dans l’accroissement de la productivité, le recours relativement faible à la main-d’œuvre salariée par les femmes a des répercussions considérables sur les écarts entre les genres dans la productivité des exploitations agricoles et des entreprises (O’Sullivan et coll. 2014, Campos et coll. 2019).13 Par exemple, en Éthiopie, les femmes chefs d’exploitation agricole vivent dans des ménages qui comptent en moyenne 1,7 membre de moins que les ménages ayant des hommes pour chefs d’exploitation. Par conséquent, les femmes chefs d’exploitation agricole ont des niveaux inférieurs de main-d’œuvre agricole domestique sur laquelle s’appuyer, ce qui représente près du quart (23 %) de l’écart global de productivité agricole (O’Sullivan et coll. 2014). La réussite de l’agriculture dépend fortement de la main-d’œuvre. Le fait d’avoir plus de main- d’œuvre pour s’occuper des cultures peut avoir d’énormes répercussions sur la productivité. Plusieurs facteurs peuvent contribuer à un recours moins important des femmes à la main-d’œuvre salariée, notamment l’insuffisance des ressources financières pour payer les travailleurs ainsi que les normes sociales restrictives qui empêchent les femmes de conclure un contrat de travail salarié avec un homme (O’Sullivan et coll. 2014). Dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, les agricultrices peuvent compter sur moins de membres de leurs ménages pour les aider aux champs (Udry 1996, Aguilar et coll. 2013, Oseni et coll. 2013). En outre, la part plus grande des responsabilités ménagères limite vraisemblablement le temps dont disposent les femmes pour gérer leurs parcelles ou superviser leurs ouvriers. En outre, la main-d’œuvre salariée utilisée par les femmes est dans certains cas moins efficace que celle utilisée par les hommes et génère des rendements inférieurs, peut-être en raison de contraintes de trésorerie qui poussent les femmes à embaucher une main-d’œuvre moins chère ou moins productive (O’Sullivan et coll. 2014). 13 Les six pays présentés dans Leveling the Field (O’Sullivan et coll. 2014) et six des dix pays analysés dans Profiting from Parity (Campos et coll. 2019) indiquent que les faibles niveaux de main-d’œuvre utilisée par les femmes chefs d’entreprise et d’exploitation agricole contribuent aux écarts de productivité entre les sexes dans l’agriculture et l’entreprenariat. A F R I C A’ S P U L S E > 73 Les entreprises appartenant à des femmes emploient moins d’ouvriers et embauchent de la main- d’œuvre sur une durée moindre que les entreprises appartenant à des hommes. En Afrique, une entreprise dirigée par un homme utilise généralement 25 % d’heures de travail en plus qu’une entreprise dirigée par une femme (Campos et coll. 2019). L’analyse multi-pays démontre que la pénurie de main-d’œuvre est particulièrement importante pour les microentreprises. Par exemple, le nombre total moyen mensuel d’heures de travail pour les entreprises appartenant à des hommes (827 heures) est bien plus important que celui des entreprises appartenant à des femmes (361 heures) en Ouganda (Campos et coll. 2019). Actuellement, les preuves de ce qui fonctionne pour les femmes pour surmonter la contrainte de l’accès à la main-d’œuvre sont limitées. Cependant, les programmes mis en évidence dans les sous- sections suivantes ont aidé avec succès les entreprises ou les exploitations agricoles appartenant à des femmes à augmenter le nombre de travailleurs qu’elles emploient tout en s’attaquant en parallèle aux autres obstacles auxquels les femmes sont confrontées. Ces programmes comprennent des apports de capitaux par le biais de subventions concurrentielles aux entreprises et de financement saisonnier pour embaucher de la main-d’œuvre agricole. Apports de capitaux par le biais de subventions concurrentielles aux entreprises L’octroi de subventions en espèces dans le cadre d’un concours de plans de développement peut aider à résoudre les problèmes de trésorerie et de capitaux des entreprises les plus susceptibles de réussir en affaires et qui favorisent aussi l’embauche, y compris celles appartenant à des femmes. Un concours de plans de développement (YouWin !) organisé par le gouvernement nigérian a fourni d’importantes subventions en espèces d’une valeur moyenne de 50 000 USD aux plans de développement gagnants. En plus d’accroître la probabilité que les femmes dirigent une entreprise, la concurrence pour les plans de développement a relancé l’embauche et entraîné une augmentation des ventes et des profits. Parmi les jeunes entreprises, l’obtention de la subvention a entraîné une augmentation de 23 points de pourcentage de la probabilité d’avoir une entreprise employant 10 travailleurs ou plus, trois ans après la demande de subvention. On estime que 7 027 emplois ont été créés grâce au concours (McKenzie 2017). Des concours de plans de développement plus modestes en Éthiopie, en Tanzanie et en Zambie (d’environ 1 000 USD) ont également eu un impact positif sur les niveaux d’emploi des jeunes hommes et femmes chefs d’entreprise. En moyenne, les gagnants des concours comptaient deux employés permanents de plus que les finalistes du concours (Fafchamps et Quinn 2017). Financement saisonnier pour l’embauche de main-d’œuvre agricole Les tâches agricoles sont généralement exécutées à des moments précis et des pénuries de main- d’œuvre surviennent souvent pendant ces périodes. Pour les agricultrices, le fait de ne pas avoir les moyens de financer de la main-d’œuvre pendant ces périodes clés peut se traduire par une baisse de leur productivité de leur exploitation agricole. Fournir aux agricultrices le financement requis pour recruter de la main-d’œuvre extérieure — que ce soit par le biais de bons, de transferts monétaires ou de crédits — pourrait aider les femmes à embaucher de la main d’œuvre à des moments critiques. Un tel financement les aiderait à consacrer plus de temps à leur propre ferme. Par exemple, en Zambie, les ménages qui avaient accès à un petit prêt, pendant la période de l’année où les agriculteurs étaient le plus en difficulté (entre janvier et mars, période fréquemment nommée la « saison de la faim », précédant la récolte agricole), étaient 10 % moins susceptibles d’effectuer des travaux occasionnels et avaient réalisé 24 % de travail occasionnel hebdomadaire en moins au cours de cette saison. Ils ont aussi passé plus de temps à travailler dans leurs propres champs. Ces effets étaient plus importants pour les membres de sexe féminin du ménage, dont le taux initial de travail hors exploitation agricole était 74 > A F R I C A’ S P U L S E plus faible. En raison de la réduction de l’offre de main-d’œuvre occasionnelle et de l’augmentation de l’embauche, les gains quotidiens (salaires) ont augmenté de 9 à 16 % dans les villages où les ménages ont reçu des prêts. Les ménages agricoles ont généré environ 8 % de plus de production agricole en moyenne par rapport aux ménages des villages témoins (Fink, Jack et Masiye, 2014). Voie 5 : Combattre les normes sociales qui contraignent les opportunités économiques des femmes en Afrique Les normes sociales sont des règles non écrites qui prescrivent les comportements au sein d’un groupe social ou d’une culture donnés. Les opportunités économiques et les revenus des femmes peuvent être limités par un éventail de normes sociales qui influencent les types de rôles et de responsabilités considérés acceptables pour les hommes et pour les femmes et qui soutiennent des conceptions largement partagées de la masculinité et de la féminité (Marcus et Harper 2014). Les normes peuvent exercer une forte influence sur les comportements (Platteau 2000 ; Bicchieri 2006). Par exemple, elles peuvent se traduire par des différences systématiques entre hommes et femmes en ce qui concerne leur auto-perception et leurs aspirations. Les normes (souvent de manière inconsciente) encouragent les comportements qui sont valorisés socialement et découragent les comportements qui induisent des sanctions sociales (Campos et coll. 2019). Les normes diffèrent d’un pays à l’autre et même d’une communauté à l’autre (Beegle et Christiaensen 2019). Il sera donc important de comprendre le contexte des normes sociales dans chaque environnement pour anticiper les réactions aux changements de politiques visant à encourager l’égalité des genres. La présente sous-section examine trois aspects des normes sociales qui sont importants pour l’avancement économique des femmes en Afrique : le type d’emploi adapté aux hommes et aux femmes, la répartition des tâches domestiques et la gestion des ressources au sein du ménage. En outre, cette sous-section aborde la façon dont les lois peuvent influencer les normes dominantes dans la société. Types d’emplois adaptés aux hommes et aux femmes Les valeurs culturelles et les normes de genre sont susceptibles de contraindre les choix des femmes lorsqu’il s’agit de chercher du travail ou non et quels types d’emplois chercher. Choix professionnel : travailler ou ne pas travailler ? Bien que l’Afrique subsaharienne se caractérise par une plus grande parité entre hommes et femmes que toute autre région en ce qui concerne la participation au marché du travail, il existe de grandes variations entre les pays et au sein des pays. En particulier, dans les pays de la région du Sahel, il existe toujours par un écart entre les genres important pour ce qui est du taux de participation au marché du travail. Les perceptions du travail des femmes dans cette région sont façonnées par des normes patriarcales qui définissent les hommes comme pourvoyeurs pour la famille et les femmes comme étant dépendantes. Par exemple, dans les communautés du nord-ouest du Nigeria, 36 % des femmes et 40 % des hommes estiment encore aujourd’hui que les femmes ne devraient pas travailler.14 En outre, les hommes et les femmes affirment qu’environ 45 % de la communauté parleraient en mal d’une femme qui travaille et estimerait qu’un homme est un mauvais pourvoyeur si sa femme travaillait pour de l’argent. Cela signifie qu’il existe des sanctions sociales perçues à l’encontre des femmes qui décident de travailler dans ces communautés. Les programmes qui cherchent à encourager la participation des femmes au marché du travail dans le contexte de normes restrictives devraient envisager de recourir à des structures de soutien supplémentaires qui pourraient contribuer à atténuer les réactions négatives à l’encontre des hommes et des femmes qui violent ces normes. 14 Les statistiques sur les normes sociétales sur le travail féminin ont été effectuées dans l’état de Kebbi par l’enquête finale d’évaluation d’impact du projet Feed the Future Nigeria Livelihoods de l’Agence américaine pour le développement international. A F R I C A’ S P U L S E > 75 Dans le nord-ouest du Nigéria, une région où les normes limitant le travail des femmes sont bien ancrées, un programme sur les moyens d’existence communautaires (le projet Feed the Future Nigeria Livelihoods de l’Agence américaine pour le développement international ) de même qu’un important transfert de fonds destiné aux femmes (600 USD en termes de parité de pouvoir d’achat) ont fortement influencé la probabilité que les femmes commencent à s’engager dans des activités d’entreprises non agricoles. Les femmes ayant bénéficié de ces services exerçaient le plus souvent des activités à domicile telles que le petit commerce, la transformation du riz et la préparation de gâteaux destinés à la vente. L’aspect communautaire du programme a contribué à atténuer certaines des réactions négatives face à la distribution d’espèces directement aux femmes (Bastian, Goldstein et Papineni 2017). Types d’emplois recherchés Les normes sociales peuvent régir les types de travail productif que les femmes exercent. Par exemple, dans le monde des affaires, cela se traduit par une concentration plus élevée des femmes dans certains secteurs, tandis que dans l’agriculture, la probabilité que les femmes participent aux marchés des cultures de rente est plus faible. Ségrégation sectorielle dans les affaires. L’argument de la ségrégation sectorielle est souvent utilisé pour expliquer une grande partie des écarts entre les genres bien documentés en ce qui concerne les bénéfices d’entreprises. Les femmes ont tendance à choisir des secteurs différents de ceux des hommes, et les secteurs dominés par les femmes tendent à être moins rentables. Par exemple, dans de nombreux pays, les entreprises dirigées par des femmes sont concentrées dans les secteurs du commerce au détail et des services (principalement la santé, l’éducation et les services sociaux), qui se caractérisent par des investissements et une croissance moindres par rapport au secteur de l’industrie, du bâtiment et de l’exploitation minière (Rosa et Sylla 2016). La capacité et le désir d’une femme de travailler dans un secteur dominé par les hommes seront largement motivés par un ensemble de normes sociales qui décident s’il est acceptable ou non de travailler dans un secteur majoritairement masculin. À partir des données de l’étude Future of Business collectées par Facebook, ce schéma de ségrégation sectorielle a été examiné au niveau mondial. Les conclusions indiquaient en effet que les femmes qui s’insèrent dans un secteur majoritairement masculin engrangent des bénéfices 66 % supérieurs à ceux des femmes qui demeurent dans les secteurs à concentration traditionnellement féminine (Goldstein, Martinez et Papineni 2019).15 Des données sur une hiérarchie des revenus (la profitarchie) ont été récoltées, montrant que les hommes des secteurs majoritairement masculins étaient ceux qui gagnaient le plus, les femmes des secteurs majoritairement masculins et les hommes des secteurs à concentration féminine se trouvaient dans le segment intermédiaire et les femmes des secteurs à concentration féminine se trouvaient en bas du classement. À l’échelle mondiale, l’entreprise moyenne dirigée par un homme dans un secteur majoritairement masculin engrangeait des bénéfices un peu plus de deux fois supérieurs à ceux d’une entreprise dirigée par une femme dans un secteur à concentration féminine (c’est-à-dire environ 116 % supérieurs). Ce schéma était principalement façonné par les 54 économies en développement de l’échantillon, qui incluaient 15 pays d’Afrique subsaharienne. Ce résultat mondial est conforme à l’analyse conduite au niveau micro par Campos et coll. (2017) en Ouganda et par Alibhai et coll. (2017) en Éthiopie. Ces études concluent que les entreprises dirigées par des femmes dans des secteurs majoritairement masculins sont en moyenne beaucoup plus rentables que les entreprises des secteurs traditionnellement féminins. Ces deux études concluent également qu’une grande partie de l’écart de salaire peut en effet s’expliquer par le choix du secteur. En Ouganda, il a été observé que les femmes chefs d’entreprise en milieu urbain engrangeaient des bénéfices mensuels 140 % supérieurs lorsqu’elles exerçaient dans des secteurs majoritairement masculins par rapport à des secteurs traditionnellement féminins (Campos, Goldstein, McGorman et coll. 2017). Des constatations semblables ont été faites en Éthiopie, où les bénéfices mensuels étaient 120 % plus élevés 15 L’enquête Future of Business est une enquête bisannuelle menée par Facebook, en partenariat avec la Banque mondiale et l’Organisation de coopération et de développement économiques. L’enquête mondiale auprès des petites et moyennes entreprises qui utilisent actuellement Facebook inclut 97 pays dans toutes les régions géographiques. 76 > A F R I C A’ S P U L S E pour les femmes chefs d’entreprise établies en milieu urbain qui exerçaient dans des secteurs à domination masculine (Alibhai, Buehren et coll. 2017). Les femmes travaillant dans des secteurs à domination masculine peuvent créer des entreprises dotées d’un plus grand nombre d’employés et d’un capital plus important. Une analyse de corrélation indique que les femmes qui s’intègrent dans des secteurs majoritairement masculins et aux rendements plus élevés ne possèdent pas nécessairement de meilleures capacités d’entrepreneuriat ou un meilleur niveau d’études, mais elles disposent de meilleurs réseaux de soutien et sont plus susceptibles de bénéficier de l’aide d’un mari ou d’un modèle. Ces modèles peuvent exposer les femmes à de nouveaux secteurs ou les informer sur les possibilités de carrière dans des secteurs non traditionnels plus performants. En outre, ces modèles peuvent relayer des informations importantes à propos de la rentabilité de certains secteurs. Ils peuvent également aider les femmes à évoluer dans des cultures professionnelles qu’elles méconnaissent. Ainsi, l’information et le soutien pourraient s’avérer particulièrement importants pour tenter de corriger les préjudices liés au genre dans la sélection des champs d’études et des domaines professionnels (Arias, Evans et Santos 2017). Choix des cultures et rôle des hommes pour associer les femmes aux marchés des cultures de rente. Dans le secteur agricole, les femmes fournissent la main-d’œuvre pour les cultures de rente. Cependant, dans de nombreux cas, ce sont les hommes qui exercent l’ensemble des activités en lien avec les marchés, si bien qu’ils contrôlent les revenus tirés de la production de ces cultures (Maertens et Swinnen 2010). Bien que les hommes soient beaucoup plus susceptibles que les femmes de contrôler les parcelles où ces cultures de rente sont produites, les données empiriques montrent que lorsque les femmes gèrent les parcelles et qu’elles ont accès aux mêmes intrants et aux mêmes outils de commercialisation que les hommes, elles peuvent être tout aussi productives (Hill et Vigneri 2009). En Ouganda, une intervention destinée à encourager les maris à transférer ou à enregistrer les contrats au nom de leur femme est parvenue à accroître l’intégration des femmes dans les chaînes de valeur plus lucratives (Ambler, Jones et O’Sullivan 2018). Toujours en Ouganda, une étude en cours montre que de petites incitations ainsi que l’engagement des hommes peuvent favoriser une plus grande participation des femmes à la production des cultures de rente. Cette intervention conjugue une formation des couples qui met l’accent sur la coopération dans la prise de décision et la gestion du budget à des contrats de production indépendante de canne à sucre attribués à l’homme ou à la femme du ménage. Les premiers résultats semblent indiquer que la formation des couples a incité certains ménages à accepter la proposition de transférer ou d’enregistrer un contrat de production de canne à sucre au nom de l’épouse. Ce résultat suggère qu’il est possible de surmonter les entraves à la participation économique des femmes en stimulant le dialogue entre les époux (Ambler, Jones et O’Sullivan 2018). Division du travail domestique Les différences entre les genres en matière d’utilisation du temps tout au long du cycle de vie comptent parmi les facteurs de différenciation les plus importants entre la vie des hommes et celle des femmes en Afrique (Beegle et Christiaensen 2019). Les activités telles que la garde des enfants, le ménage et la cuisine sont nécessaires au bien-être d’un ménage et, par conséquent, au bien-être des sociétés dans leur ensemble. Cependant, ce sont les femmes qui assument encore aujourd’hui le fardeau de cette charge de travail souvent invisible et sous-évaluée (OIT 2018). Ce partage inégal des responsabilités domestiques entre hommes et femmes limite le temps de loisir de ces dernières de même que le temps qu’elles peuvent consacrer à une activité génératrice de revenus. Comme dans les autres régions, les femmes en Afrique consacrent un temps disproportionné aux services domestiques et de soin non rémunérés (voir figure 3.4). Bien que les données sur l’utilisation du temps dans les pays africains soient peu nombreuses et peu comparables, de récentes estimations pour un petit nombre de pays indiquent que les femmes consacrent en moyenne 15 % à 22 % de leur temps à des tâches non rémunérées (3 heures et 58 minutes par jour en moyenne), contre seulement 2 % à 9 % pour les hommes (1 heure et 16 minutes). Les données empiriques montrent que les contraintes de temps et de A F R I C A’ S P U L S E > 77 travail imposées aux agricultrices Les femmes FIGURE 3.4 : Dans les pays d’Afrique, les femmes assument le plus gros et aux femmes entrepreneures africaines des tâches domestiques et de soin non rémunérées pourraient être l’un des facteurs consacrent un temps les plus saillants qui sous-tendent disproportionné aux 20 les écarts de productivité entre Pourcentage du temps consacré aux tâches domestiques et de soin non rémunérées tâches domestiques et aux services de les genres (Carranza et coll. soins non rémunérés. 15 2017 ; Nordman et Vaillant 2014 ; O’Sullivan et coll. 2014 ; Palacios- López et López 2015). 10 La fourniture d’infrastructures publiques (eau, assainissement, 5 électricité et routes) et les technologies économes en main-d’œuvre ont le potentiel 0 Cameroun Éthiopie Ghana Afrique du Sud Tanzanie d’atténuer les contraintes temporelles des femmes, mais Femmes Hommes il faudrait conduire de plus amples recherches empiriques Source : World Bank Data Portal : https://datatopics.worldbank.org/gender/ Remarque : Cette figure illustre le pourcentage moyen du temps consacré par les hommes et les pour comprendre comment femmes aux services ménagers selon des enquêtes menées entre 2008 et 2014. cela affecterait la répartition des tâches au sein du ménage. Des données d’Afrique du Sud montrent que l’électrification des ménages augmente le taux d’activité en libérant les femmes de la production domestique et en permettant une activité de micro-entreprises (Dinkelman 2011). Qui plus est, l’accès limité à des services abordables de garde de la petite enfance entrave la participation des femmes à un travail rémunéré. Ainsi, des changements dans la répartition du temps des femmes au sein des ménages pourraient s’opérer grâce à des interventions qui favorisent a) une plus grande participation des hommes aux tâches ménagères et de soin et b) la fourniture de services de garde d’enfants. Accomplissement des tâches ménagères et de soin par les hommes Pour alléger une partie du fardeau des tâches ménagères et de soin qui incombe aux femmes, une approche consiste à redistribuer les responsabilités au sein des ménages de manière à partager le travail plus équitablement. Toutefois, pour redistribuer ce travail, il faudra d’abord s’attaquer aux normes sociales qui définissent les tâches ménagères et de soin comme relevant de la responsabilité des femmes. Pour un grand nombre d’hommes, l’accomplissement des tâches ménagères est incompatible avec les rôles attribués au sexe masculin et représente un indicateur de faiblesse. Lorsque les hommes se sentent menacés dans leur rôle de pourvoyeur principal, ils pourraient même se montrer encore moins enclins à assumer des comportements associés au sexe féminin (Munoz Boudet, Petesch et Turk 2013). Au Ghana, par exemple, les femmes accomplissent plus de 80 % des tâches ménagères même lorsqu’elles apportent la majeure partie des revenus du ménage (Banque mondiale 2012). Les programmes encourageant les individus ou les couples à s’affranchir des normes relatives au partage des responsabilités domestiques pourraient aider les femmes à participer au travail productif. Au Rwanda, une intervention basée sur une formation destinée aux couples (Bandebereho- Kinyarwanda, qui signifie « modèle de rôle ») fait participer les futurs pères et leur partenaire à des séances participatives en petits groupes de réflexion et de dialogue critique sur le genre et le pouvoir, la paternité, la communication et les décisions au sein du couple, la violence, le soin, le développement des enfants et l’implication des hommes dans la santé reproductive et maternelle. Les participants ont signalé s’impliquer davantage dans la garde des enfants et les tâches ménagères que les participants à un groupe témoin qui n’avaient pas reçu cette formation (Doyle et coll. 2018). 78 > A F R I C A’ S P U L S E En République démocratique du Congo, un groupe de discussion réservé aux hommes intitulé Engaging Men through Accountable Practice (EMAP) (« Impliquer les hommes par des pratiques responsables »), d’une durée de 16 semaines, vise à réduire les violences basées sur le genre et à transformer les attitudes et les comportements vis-à-vis du genre et du pouvoir dans les couples. Neuf mois après la fin de cette intervention, les participants à la formation en groupe ont signalé s’impliquer davantage dans la garde des enfants (83 minutes contre 61 minutes par jour) et les tâches ménagères (60 minutes contre 28 minutes par jour) par rapport aux participants à un groupe témoin (Pierotti, Lake et Lewis 2018 ; Vaillant et coll. 2019). Garde d’enfants En plus de la redistribution des tâches domestiques au sein du ménage, l’amélioration de l’accès à des services de garde d’enfants permettrait d’augmenter le temps disponible que les femmes peuvent consacrer à des activités génératrices de revenus. Il est possible de développer des services publics et privés de garde d’enfants (en particulier pour les enfants d’âge préscolaire) grâce à un éventail de politiques et de réglementations. Au Kenya, la garde d’enfants subventionnée en centre d’accueil a permis d’améliorer la capacité des femmes à travailler. En effet, à Nairobi, des femmes qui avaient reçu des bons pour des services subventionnés de garde d’enfants d’âge préscolaire étaient en moyenne de 8,5 points de pourcentage plus susceptibles d’avoir un emploi que celles qui n’avaient pas reçu de tels bons. La plupart de ces gains d’emploi concernait des mères mariées. En revanche, les mères célibataires bénéficiaient considérablement de la réduction de leurs heures de travail, sans perte de salaire, et de l’exercice d’un emploi aux horaires plus réguliers. Dans les zones urbaines pauvres d’Afrique, comme ailleurs, l’absence de mesures pour répondre aux besoins des femmes en matière de garde d’enfants sape les efforts visant à promouvoir l’autonomisation économique des femmes (Clark et coll. 2019). Dans l’ouest de la République démocratique du Congo, une évaluation d’impact est en cours pour mesurer les effets des centres communautaires de garde d’enfants sur la productivité des femmes dans les activités agricoles et non agricoles. Les données préparatoires au programme indiquent que les femmes qui gèrent une parcelle accomplissent 1 heure et 52 minutes de travail domestique en plus par jour que les hommes qui gèrent une parcelle. Ces femmes étaient également de 12 % plus susceptibles que leurs homologues masculins d’indiquer qu’elles s’occupaient de leurs enfants pendant leurs activités agricoles. Plus de 60 % des personnes ont indiqué qu’elles confieraient très probablement leurs enfants aux services de garde, si de tels services étaient disponibles (Donald et coll. 2018). Gestion des ressources au sein du ménage Les normes sociales qui insistent sur le rôle des hommes en tant que pourvoyeurs et celui des femmes comme aidantes peuvent contribuer à ce que la priorité soit accordée au sein du ménage aux investissements dans les activités génératrices de revenus des hommes, sans tenir compte du rendement potentiel des activités économiques des femmes. Cette position défavorisée des femmes due au plus grand contrôle que les hommes exercent sur les ressources, conjuguée aux normes sociales qui renforcent le pouvoir des hommes en tant que chefs du ménage, peut influencer les choix d’investissement des femmes (Blumberg 1988 ; Agarwal 1997 ; Doss 2013). En pratique, cela peut se traduire par de plus grands investissements d’intrants de main-d’œuvre et autres dans les parcelles agricoles dirigées par des hommes (Udry 1996 ; Duflo et Udry 2004) et de plus grands investissements de capitaux dans les entreprises des hommes (Bernhardt et coll. 2017). Divers facteurs influencent la gestion des ressources au sein des ménages. Les investissements dans les activités économiques des femmes sont découragés lorsque ces activités sont perçues comme secondaires pour répondre aux besoins du ménage. Qui plus est, une étude qualitative approfondie menée auprès des microentrepreneurs dans les zones urbaines du Ghana a révélé que les femmes peuvent choisir de limiter leurs investissements dans leur entreprise si elles craignent que la croissance de leurs revenus se traduise A F R I C A’ S P U L S E > 79 par une diminution du soutien que leur mari apporte au ménage (Friedson-Ridenour et Pierotti 2019). De surcroît, lorsque les hommes contrôlent la plupart des ressources du ménage, ils peuvent limiter les investissements qui pourraient réduire leur domination au sein du ménage. Les interventions qui donnent aux femmes un plus grand contrôle sur les ressources du ménage (par exemple, les subventions en nature) ou qui encouragent la coopération au sein du ménage pour favoriser la croissance des revenus de tous ses membres peuvent renforcer les capacités des femmes à investir dans des opportunités économiques. Subventions en nature Au contraire des espèces, qui sont fongibles et peuvent être facilement investies dans n’importe quelle entreprise du ménage, les subventions en nature tendent à rester dans l’entreprise à laquelle elles ont été affectées (Bernhardt et coll. 2017). Une étude auprès de microentrepreneurs au Ghana a examiné la possibilité d’un mécanisme permettant d’accroître le contrôle des femmes sur les ressources du ménage. Des subventions en nature et en espèces ont été attribuées de manière aléatoire à des hommes et des femmes chefs de micro-entreprise. Il s’est avéré que les subventions en nature se sont traduites par une croissance de 30 % à 60 % des bénéfices des femmes chefs d’entreprise, ce qui n’a pas été le cas pour les subventions en espèces. Chez les hommes, la différence entre les subventions en nature et en espèces était moins prononcée. Ces résultats semblent indiquer qu’il pourrait être nécessaire d’intégrer aux politiques encourageant la croissance des entreprises des éléments qui aident les femmes à conserver le contrôle sur les ressources potentielles de leur entreprise (Fafchamps et coll. 2014). Bernhardt et coll. (2017) utilisent les données sur le Ghana rapportées par Fafchamps et coll. (2014) pour démontrer que le rendement des subventions en nature et en espèces accordées aux femmes entrepreneurs appartenant à un ménage propriétaire d’une seule entreprise est statistiquement semblable au rendement des hommes entrepreneurs appartenant à un ménage propriétaire de plusieurs entreprises. Cependant, lorsqu’il existe plusieurs possibilités d’investissement au sein du ménage, cela a un impact défavorable sur le rendement du capital pour les femmes entrepreneures au Ghana. Coopération au sein du ménage Une étude en cours en Côte d’Ivoire évalue une intervention qui encourage la coopération au sein du ménage afin d’en tirer des gains économiques partagés. Dans le cadre du Projet d’appui au secteur agricole (PASC) les maris et les femmes comptant parmi les bénéficiaires d’une formation de vulgarisation agricole destinée aux couples ont été encouragés à rédiger ensemble un plan d’action conjoint. Cet exercice s’est traduit par une planification agricole de meilleure qualité, par une gestion plus fréquente des tâches liées aux cultures de rente par les femmes, par un recours plus élevé aux intrants (main d’œuvre et autres), par une augmentation des connaissances agricoles des femmes et par le partage des décisions agricoles. Mais surtout, les ménages ont observé une augmentation importante de la valeur de leur production agricole (Carranza et coll. 2017). Discrimination juridique et obstacles institutionnels Les lois sont des signaux envoyés par des institutions puissantes qui définissent les types de comportements qui sont valorisés et acceptables ; en tant que telles, elles peuvent donc influencer les normes dominantes (Benabou et Tirole 2011). Bien que de nombreux pays africains aient réalisé des progrès en ce qui concerne la promulgation de réformes juridiques visant à améliorer les droits des femmes, les préjugés sexistes influencent toujours fortement les systèmes juridiques et les structures institutionnelles (Campos et coll. 2019). Dans certains pays, les lois relatives au mariage, au divorce, à l’héritage, à la propriété foncière, aux droits fonciers et de propriété et au travail sont ouvertement discriminatoires à l’encontre des femmes (voir la carte 3.1). Par exemple, selon la base de données Women, Business and the Law, dans 11 des 47 pays d’Afrique subsaharienne, les hommes et les femmes n’ont pas des droits de propriété égaux sur les biens immobiliers, et dans 13 de ces 47 pays, les conjoints survivants n’ont pas les mêmes droits qu’ils soient hommes ou femmes pour ce qui est de l’héritage du patrimoine (Campos et coll. 2019). Parallèlement, même dans les pays où les droits de propriété des femmes sont officiellement protégés, les lois coutumières tendent à dominer et celles-ci privilégient souvent la propriété des hommes sur la terre 80 > A F R I C A’ S P U L S E et le patrimoine, étant donné leur rôle de chef de famille (Jacobs et Kes 2015). Dans un tel contexte, la dissolution d’un mariage ou le veuvage peuvent avoir des conséquences dévastatrices pour les femmes et entraîner la perte de leurs terres, de leur logement et de leurs biens (Cooper 2008 ; HRW 2017 ; Izumi 2007). Toutefois, de nouvelles données semblent indiquer que les efforts visant à réformer les lois relatives à la famille et à l’héritage ont des impacts positifs pour les femmes, tant dans le contexte africain que dans le monde entier. Ces données suggèrent que de telles réformes sont corrélées avec une augmentation de la participation des femmes au marché du travail, de leur accès à la terre et de leur niveau d’études (Hallward- Driemeier, Hasan et Rusu 2013 ; Hallward-Driemeier et Gajigo 2015 ; Harari 2018 ; Deininger, Goyal et Nagarajan 2013). Les obstacles administratifs peuvent également présenter des difficultés aux femmes. Par exemple, lorsque les processus d’enregistrement des entreprises sont complexes et coûteux, ils peuvent entraver la croissance des entreprises formelles dirigées par des femmes en limitant leur accès au crédit, aux réseaux et aux contrats publics et en les exposant au harcèlement de la part des percepteurs d’impôts (Campos et al 2019). Quelques études montrent qu’il n’est pas suffisant de simplement alléger les contraintes à la formalisation des entreprises pour favoriser la croissance des petites entreprises informelles dirigées par des femmes. Toutefois, des résultats récents mettent en lumière des impacts positifs lorsque la formalisation des entreprises va de pair avec des interventions complémentaires (Benhassine et coll. 2018 ; Campos, Goldstein et McKenzie 2018). La carte 3.1 illustre les notes des pays selon l’indice de gestion des actifs (Managing Assets Index, Banque mondiale 2019b) Elle montre que de nombreux pays africains sont toujours en retard par rapport au reste du monde à cause de lois qui limitent les droits de propriété des femmes. Un score inférieur à 100 indique l’existence d’au moins une contrainte juridique sur les droits de propriété des femmes. En 2019, le Mali a réformé sa loi sur l’héritage pour accorder des droits égaux aux fils et aux filles ainsi qu’aux conjoints survivants hommes ou femmes, tandis que le Togo a accordé aux femmes les mêmes droits de propriété que les hommes et aux filles les mêmes droits de succession qu’aux garçons (Banque mondiale 2019b). CARTE 3.1 : Différences entre les genres dans les lois relatives à la propriété et à l’héritage L’Afrique reste à la traîne par rapport au IBRD 44691 | OCTOBER 2019 reste du monde en ce qui concerne les lois qui limitent les droits de propriété des femmes Ethiopia gets a score of La Mauritanie Mauritania gets a score of 20 L’Éthiopie obtient 100 as no legal constraints because women do not get the obtient un score same rights as men in 4 out of un score de 100 car on women having equal rights to men. the 5 laws. de 20 car 4 lois aucune contrainte sur 5 n’accordent juridique pas aux femmes n’empêche les les mêmes droits femmes d’avoir les 0-40 4 41-60 que les hommes. mêmes droits que 3 61-80 les hommes. 2 81-100 1 Source : Banque mondiale 2019 Remarque : L’indice de gestion des actifs se compose de cinq indicateurs : a) Les hommes et les femmes ont-ils les mêmes droits de propriété sur les biens immobiliers ? (b) Les filles et les garçons ont-ils les mêmes droits d’hériter le patrimoine de leurs parents ? (c) Les conjoints survivants ont-ils les mêmes droits d’hériter du patrimoine qu’ils soient hommes ou femmes ? (d) La loi accorde-t-elle aux conjoints une autorité administrative égale sur les actifs pendant le mariage ? (e) La loi prévoit-elle la valorisation des contributions non monétaires ? A F R I C A’ S P U L S E > 81 Voie 6 : Prochaine génération : aider les filles à traverser l’adolescence Les adolescentes sont confrontées à de multiples défis qui restreignent leur horizon, et les filles doivent souvent prendre des décisions relatives à l’emploi et à la fécondité à un âge précoce et avec des possibilités d’éducation formelle limitées. Du fait de niveaux d’études inférieurs à ceux des garçons, les filles sont souvent moins bien armées pour travailler. En outre, la pléthore de responsabilités domestiques qu’elles sont censées assumer limite leur temps disponible pour des activités génératrices de revenus. Ces obstacles peuvent apparaître encore plus importants en cas de crise, lorsque l’activité économique peut être perturbée et que les choix des femmes sont encore réduits. Et bien que la plupart des pays africains aient connu une baisse de la fécondité au cours de la dernière décennie, le rythme de cette baisse a été modéré, et il s’avère que les transitions de la fécondité ont stagné dans certains pays, selon une tendance que l’on n’observe généralement pas dans d’autres parties du monde (Bongaarts 2017). Diverses études menées en Afrique subsaharienne ont démontré la capacité des programmes d’autonomisation des filles à changer les trajectoires de vie des jeunes femmes dans divers contextes. Ces programmes combinent généralement clubs communautaires de filles, formation aux compétences de la vie courante, formation professionnelle et, parfois, connaissances financières et accès au microcrédit pour les jeunes femmes. En plus de leur mise en œuvre dans des pays comme l’Ouganda et la Tanzanie, ces programmes ont également contribué à créer pour les jeunes femmes un tampon de sécurité contre les conflits au Sud-Soudan et pendant la crise d’Ebola en Sierra Leone, démontrant ainsi leur caractère bénéfique même dans des contextes profondément fragiles. Créer des espaces sûrs La création d’espaces sûrs où les filles peuvent recevoir une formation professionnelle ou aux compétences de vie courante adaptée à l’environnement et aux expériences des adolescentes s’est avérée efficace dans une diversité de contextes. En Ouganda, l’organisation non gouvernementale BRAC a mis en œuvre un programme multiforme : Empowerment and Livelihoods for Adolescent Girls (ELA) a créé des clubs réservés aux filles, qui sont devenus des centres de formation professionnelle et d’acquisition des compétences nécessaires à la vie courante. Les séances de formation, animées par des jeunes femmes à peine plus âgées que les participantes, étaient organisées à des moments opportuns, en dehors des heures de classe normales, pour permettre aussi bien aux filles déscolarisées qu’à celles qui sont scolarisées d’y assister. Le programme a eu des impacts positifs sur le revenu et le pouvoir décisionnel des filles en matière de procréation, de mariage et d’activité sexuelle. Dans l’ensemble, les filles participant au programme ELA étaient 26 % moins susceptibles d’avoir un enfant, 58 % moins susceptibles d’être mariées ou en concubinage, 25 % plus susceptibles de déclarer toujours utiliser un préservatif pendant les rapports sexuels, 44 % moins susceptibles d’avoir eu des rapports sexuels non désirés au cours des 12 mois précédents, 72 % plus susceptibles de participer à des activités génératrices de revenus et ont déclaré des revenus issus d’activités indépendantes qui étaient trois fois supérieurs à la moyenne initiale (Bandiera, Buehren et coll. 2017). Après les succès enregistrés en Ouganda, un programme similaire a été conçu pour la Sierra Leone. Cependant, la Sierra Leone a été frappée en 2014 par l’épidémie d’Ebola pendant la mise en œuvre du programme. Des quarantaines ont été imposées, ce qui a eu pour conséquences la limitation des déplacements, l’arrêt de l’activité des marchés et la fermeture des écoles. Les services de santé ont été rapidement réaffectés à la lutte contre l’épidémie et les services médicaux de santé sexuelle et reproductive ont ainsi été fortement réduits. Compte tenu de l’évolution de la situation, le programme a été repensé pour déterminer si et comment les clubs ELA pourraient aider à protéger les adolescentes dans un contexte de crise. En collaboration avec les chefs de village, une équipe de la Banque mondiale a classé les communautés en zones très perturbées et zones peu perturbées afin de déterminer comment la crise et le programme ont pu affecter la résilience des filles dans les deux types de communautés. Certes, les mesures prises ont été essentielles pour contenir Ebola, mais elles ont eu d’importants effets négatifs sur les adolescentes 82 > A F R I C A’ S P U L S E (Bandiera et coll. 2018). Dans les communautés très perturbées sans programme ELA, les filles plus jeunes étaient 16 % moins susceptibles de retourner à l’école après leur réouverture, elles passaient plus d’heures avec les hommes et étaient plus susceptibles de tomber enceintes. En revanche, pour les filles exposées aux clubs ELA, la forte baisse de la scolarisation dans les communautés très perturbées a été réduite de moitié. Dans tous les types de communautés, les filles plus jeunes et plus âgées ayant participé aux clubs ont passé moins de temps avec les hommes. Dans les communautés très perturbées, les grossesses hors mariage ont diminué de 7,5 %. Toutefois, dans les zones très perturbées par la crise d’Ebola, les filles plus âgées ont fait état d’une augmentation des rapports sexuels non désirés et transactionnels. Étant donné que les filles plus jeunes inscrites au programme ELA passaient moins de temps avec les hommes, il est probable que les hommes ont porté leur attention vers les filles plus âgées. Toutefois, le programme ELA a accru la capacité des filles plus âgées à atténuer certains des risques associés aux rapports sexuels transactionnels. Les filles plus âgées étaient plus susceptibles d’utiliser des contraceptifs et les taux de grossesse n’ont pas augmenté (Bandiera et coll. 2018).16 L’intervention ELA est en cours de déploiement dans six pays d’Afrique de l’Ouest au Sahel. Le projet pour l’autonomisation des femmes et le dividende démographique au Sahel (SWEDD) est un programme couvrant six pays (Mali, Mauritanie, Côte d’Ivoire, Niger, Burkina Faso, Tchad) qui vise à accélérer la transition démographique en répondant aux contraintes de l’offre et de la demande en matière de planification familiale et de santé sexuelle et reproductive. Le programme comprend des clubs pour filles et des clubs pour garçons, qui offriront des espaces sûrs de réflexion aux normes relatives aux genres en matière d’éducation, de mariage et de procréation. Tenir compte des obstacles à la participation des femmes Une bonne conception de programme adaptée aux besoins particuliers des adolescentes est capitale pour les programmes destinés aux jeunes femmes. En effet, il a été démontré que les programmes de formation de jeunes femmes qui tiennent compte des obstacles qui peuvent empêcher les filles d’assister aux séances de formation sont efficaces. Par exemple, de telles formations pourraient inclure des services de garde d’enfants ou de transport gratuits pour permettre aux femmes ayant des enfants ou des moyens limités d’y assister. Au Libéria, le projet d’Autonomisation économique des adolescentes et des jeunes femmes a offert un programme d’emploi d’un an, comprenant six mois de formation, notamment en compétences socio- émotionnelles et en compétences techniques ou commerciales, et six mois d’appui complémentaire. Le programme offrait des services de garde d’enfants gratuits pendant la formation en classe, ainsi que des comptes d’épargne, une allocation pour le transport et une prime de fin de programme. Il s’adressait aux jeunes femmes âgées de 16 à 27 ans qui avaient quitté l’école depuis au moins un an. Par rapport aux non- participantes, les jeunes femmes ayant participé au programme ont obtenu des résultats très positifs en matière d’emploi et de revenus : l’emploi a augmenté de 47 % et les revenus ont progressé de 80 % (Banque mondiale 2012). En plus des résultats économiques, les jeunes femmes ont acquis d’autres éléments d’autonomisation : accès à l’argent, confiance en soi et réduction de l’anxiété face aux circonstances et à l’avenir (Banque mondiale 2012). Offrir des programmes de mentorat Les mentors peuvent jouer un rôle positif dans la vie des filles, en les aidant à réussir le passage vers l’adolescence et l’âge adulte, à adopter des comportements sains, à développer la confiance et l’estime de soi et à prendre des décisions concernant la scolarité, l’emploi et la fécondité. Les mentors peuvent aider à orienter les filles dans la bonne direction aux étapes cruciales de leur développement. Le programme Sisters of Success au Libéria a exploité le pouvoir du mentorat : il a créé un programme 16 Cette approche a également été étudiée en Tanzanie où, en plus des éléments de base du programme ELA, les chercheurs ont testé l’impact de la fourniture de services de microcrédit. Il n’y a eu aucun impact sur les résultats sociaux et économiques des jeunes femmes. Cependant, le programme a entraîné une augmentation de l’épargne chez les adolescentes des communautés ayant bénéficié du programme ELA avec des microcrédits. Selon la recherche qualitative, les contraintes de ressources ont été l’un des principaux facteurs de ces résultats, d’où cette leçon pratique : pour qu’un programme produise les effets escomptés, il faut lui assurer une conception minutieuse et approfondie. Au Sud-Soudan, des études ont montré que le conflit est un médiateur ; les filles n’ayant pas été affectées par le conflit étaient plus susceptibles d’avoir des économies et un certain contrôle sur l’argent. Dans les régions touchées par les conflits et ayant bénéficié du programme ELA, il n’y a eu aucun effet frappant sur les activités génératrices de revenus, la scolarisation, l’âge du mariage ou l’âge de procréation. Ces résultats contrastent nettement avec ceux des régions touchées par les conflits qui n’avaient pas bénéficié du programme ELA, et qui ont connu une nette baisse de la scolarisation. Le programme ELA a compensé certaines des perturbations que le conflit a causées dans la vie des filles et les a aidées à maintenir leur pouvoir de décision. A F R I C A’ S P U L S E > 83 dans le cadre duquel des mentors et des groupes de filles ont offert une formation aux compétences de la vie courante (compétences sociales et émotionnelles) aux jeunes adolescentes entre 12 et 15 ans. Par rapport aux filles qui n’en ont pas bénéficié, les filles ayant participé au programme de mentorat étaient 4 % plus susceptibles d’avoir terminé leurs études primaires et 3 % plus susceptibles d’être scolarisées dans un établissement secondaire (Banque mondiale et IRC 2016). En plus de l’augmentation de la scolarisation, les filles des clubs ont amélioré la qualité de leurs relations avec leurs pairs et leurs parents. Pour les filles plus jeunes âgées entre 12 et 13 ans, les impacts ont été plus concentrés, ce qui indique que les politiques en faveur des filles dans des environnements fragiles peuvent effectivement être efficaces à un plus jeune âge. 3.3 CRÉER UN ÉCOSYSTÈME DE POLITIQUES POUR ATTEINDRE LES OBJECTIFS EN MATIÈRE D’ÉGALITÉ ENTRE LES GENRES Les décideurs sur le continent africain reconnaissent de plus en plus que les femmes sont une force de croissance et de création d’emplois, en particulier dans le contexte d’une grande population de jeunes nourrissant des attentes élevées en matière d’emploi de qualité. Cette sous-section formule des recommandations à l’intention des décideurs et autres parties prenantes sur la conception de programmes et de politiques visant à dynamiser l’autonomisation économique des femmes (Figure 3.6). Tout d’abord, il décrit les principales considérations que les décideurs devraient prendre en compte lors de la conception des programmes. Ensuite, elle présente un aperçu des solutions stratégiques fondées sur des données probantes dans six domaines essentiels, à savoir : (a) soutenir le renforcement des compétences en allant au-delà de la formation traditionnelle, (b) exploiter le potentiel des femmes en atténuant les contraintes en capital, (c) aider les femmes à sécuriser leurs droits fonciers, (d) permettre l’accès des femmes au marché du travail, (e) atténuer les effets des normes sociales qui limitent les opportunités des femmes, et (f ) bâtir une nouvelle génération forte en aidant les filles à traverser leur adolescence. En encourageant l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes et en concevant de nouvelles solutions pour aider les femmes, les pays d’Afrique ont une occasion rare et unique de servir de modèle pour la libération du potentiel non exploité des femmes. FIGURE 3.6 : Guide à l’intention des décideurs sur la croissance par l’autonomisation économique des femmes Déterminez la population que vous voulez soutenir Assurer un ciblage approprié des politiques peut contribuer à garantir leur e cacité. Les solutions stratégiques dépendront de qui le programme cherche à soutenir. Voici quelques points à prendre en compte. Âge de la population Statut social : Zone géographique : Statut économique : Normes culturelles et cible : adolescents, célibataire, marié, urbaine, rurale, zone personnes très sociales : restrictions jeunes, adultes, concubinage, veuf ou de con it pauvres, pauvres, à à la mobilité et personnes âgées veuve revenu moyen, à restrictions revenu élevé temporelles Pour les entrepreneurs : Pour les agriculteurs : – Situation de l’entreprise : formelle, informelle – Type de cultures – Années d'expérience en a aires – Accès aux marchés – Taille de l'entreprise : petite, moyenne, forte croissance d'exportation Éléments à prendre en compte lors de l'élaboration de votre programme Une fois la population cible identi ée, l'étape suivante consiste à diagnostiquer les contraintes et les problèmes liés aux di érences entre les genres a n de trouver la solution. Par exemple, pourquoi les 84 > A F R I C A’ Sagricultrices P U L S E ont-elles moins de main-d'œuvre ? Cela est-il dû au capital, aux réseaux sociaux, à l'information, à la dynamique au sein des ménages, ou encore à un autre facteur ? Tous ces facteurs pourraient avoir des réponses stratégiques personnes âgées veuve revenu moyen, à restrictions revenu élevé temporelles Pour les entrepreneurs : Pour les agriculteurs : – Situation de l’entreprise : formelle, informelle – Type de cultures – Années d'expérience en a aires – Accès aux marchés – Taille de l'entreprise : petite, moyenne, forte croissance FIGURE 3.6 suite d'exportation Éléments à prendre en compte lors de l'élaboration de votre programme Une fois la population cible identi ée, l'étape suivante consiste à diagnostiquer les contraintes et les problèmes liés aux di érences entre les genres a n de trouver la solution. Par exemple, pourquoi les agricultrices ont-elles moins de main-d'œuvre ? Cela est-il dû au capital, aux réseaux sociaux, à l'information, à la dynamique au sein des ménages, ou encore à un autre facteur ? Tous ces facteurs pourraient avoir des réponses stratégiques di érentes. Voici les domaines politiques à prendre en compte lors de la conception de programmes d'appui aux femmes. Soutenir le renforcement des Donner aux femmes accès au marché du travail compétences en allant au-delà de la nécessaire à la croissance formation traditionnelle Concevoir des programmes de vulgarisation agricole qui O rir des injections de capitaux par le biais de subventions répondent mieux aux besoins des femmes concurrentielles aux entreprises pour aider les femmes d'a aires à embaucher de la main-d'œuvre O rir une formation aux compétences socio-émotionnelles pour développer l'esprit entrepreneurial des femmes Fournir du nancement aux agriculteurs pour qu'ils d'a aires embauchent de la main-d'œuvre agricole, au moyen de bons, de transferts monétaires ou de crédits Fournir des informations pour soutenir les changements de secteur pour les femmes qui souhaitent rejoindre des secteurs plus rentables dominés par les hommes Atténuer les normes sociales qui contraignent les possibilités économiques des femmes à travers l'Afrique Aider les femmes à entrer dans la vie active en changeant Tirer parti du potentiel des femmes en les normes grâce à des programmes communautaires de atténuant les contraintes de capital moyens de subsistance et à des transferts monétaires Encourager les femmes à passer à des secteurs mieux Introduire des innovations nancières telles que les tests rémunérés et dominés par les hommes, en leur fournissant psychométriques comme alternative à la garantie des informations sur les revenus dans ces secteurs et en leur donnant accès à des modèles Tirer parti des technologies numériques pour permettre aux femmes d'accéder à des plateformes d'épargne Favoriser une répartition plus équilibrée du travail sécurisées et privées domestique en o rant des services de garde d'enfants ainsi que des interventions auprès des couples Faciliter l'accès aux prêts qui peuvent accélérer la croissance Associer les hommes à travers de petites incitations et la formation en vulgarisation agricole en couple pour O rir des programmes très poussés sur les moyens de promouvoir une gestion plus équitable des ressources au subsistance pour stimuler l'activité entrepreneuriale des sein des ménages plus démunis O rir des subventions en nature pour faciliter Relier l’enregistrement d'une entreprise à un compte l'investissement dans les entreprises appartenant à des bancaire a n d'améliorer l'accès aux services nanciers femmes Aider les femmes à sécuriser Bâtir une nouvelle génération forte en aidant les lles à traverser leur adolescence leurs droits fonciers Créer des espaces sûrs où les lles peuvent recevoir une Formaliser les droits fonciers pour accroître la sécurité de formation professionnelle ou aux compétences de la la propriété foncière des femmes vie courante Prendre en compte le temps, l'argent et le transport comme Encourager les hommes à inclure leurs épouses dans des obstacles liés aux contraintes auxquelles sont l'enregistrement et à obtenir des titres de copropriété au confrontées les adolescentes, en leur o rant des services de nom des deux conjoints. garde d'enfants gratuits et une allocation pour le transport Soutenir la délimitation et l’homologation coutumières Continues O rir des programmes de mentorat grâce auxquels ... les lles des terres et délivrer des titres fonciers peuvent acquérir des compétences nécessaires à la vie courante A F R I C A’ S P U L S E > 85 Bien que ce guide associe des résultats spécifiques à des options stratégiques spécifiques, il est important de se rappeler que certaines des politiques décrites aident à lever de multiples contraintes auxquelles les femmes sont confrontées. Par exemple, des espaces sûrs pour adolescentes permettent non seulement d’assurer le renforcement de compétences, mais aussi de s’attaquer aux normes sociales qui limitent le rôle des femmes. En revanche, il est plus efficace de lever certaines contraintes non pas par une seule politique, mais par une combinaison de plusieurs. Par exemple, l’octroi de subventions en nature ou l’injection de capitaux au profit de femmes entrepreneurs peut produire les meilleurs résultats lorsque cette solution est associée à une formation visant à développer l’esprit entrepreneurial chez les femmes. Enfin, certaines difficultés auxquelles les femmes sont confrontées peuvent d’emblée les empêcher d’accéder à la politique et à ses avantages. Ainsi, lorsqu’il est question de la mise en œuvre et de la conception, il est utile de tenir compte des obstacles à la disponibilité et à la mobilité des femmes, par exemple, en offrant des services de garde d’enfants pendant la formation, en offrant des allocations pour le transport ou en ajustant l’heure et le jour des visites en fonction de l’emploi du temps des femmes. Pour libérer leur potentiel non atteint et accélérer la croissance économique et la réduction de la pauvreté en Afrique, il sera nécessaire de s’attaquer aux principales contraintes à l’autonomisation économique des femmes. Pour cela, il faudra non seulement cibler les problèmes appropriés avec la méthode la plus efficace, mais également mobiliser les capacités analytiques, programmatiques et opérationnelles requises pour faire de la réforme des politiques une réalité. Alors que les gouvernements africains s’efforcent de réduire les disparités entre les genres dans leurs pays par la conception et la mise en œuvre de mesures politiques, la Banque mondiale et d’autres partenaires au développement jouent un rôle de soutien déterminant en menant des opérations conçues pour favoriser l’autonomisation économique des femmes. Ces engagements multipartites seront essentiels à la réalisation du potentiel économique des femmes et à l’accélération de la réduction de la pauvreté à travers tout le continent. 86 > A F R I C A’ S P U L S E Appendice TABLEAU A.1 : Classification des pays pour l’analyse Pays riches en ressources Pays non riches en ressources Pétrole Métaux et minerais Angola Afrique du Sud Bénin Gambie São Tomé et Príncipe Congo, République Botswana Burkina Faso Ghana Sénégal Guinée équatoriale Congo, République Burundi Guinée-Bissau Seychelles Gabon démocratique Cabo Verde Kenya Somalie Nigéria Guinée Cameroun Lesotho Soudan Soudan du Sud LIbéria République centrafricaine Madagascar Tanzanie Tchad Mauritanie Comores Malawi Togo Namibie Côte d’Ivoire Mali Ouganda Niger Érythrée Maurice Zimbabwe Sierra Leone Eswatini Mozambique Zambie Éthiopie Rwanda Remarque : Les pays riches en ressources sont ceux qui ont des rentes issues de l’exploitation de ressources naturelles (à l’exclusion des forêts) dépassant 10 % du PIB. TABLEAU A.2 : Classification par revenu des pays d’Afrique subsaharienne Pays à revenu Pays à revenu intermédiaire, Pays à faible revenu (PFR) intermédiaire, Pays à revenu élevé tranche inférieure (PRII) tranche supérieure (PRIS) Bénin Niger Angola Afrique du Sud Seychelles Burkina Faso Ouganda Cabo Verde Botswana Burundi République centrafricaine Cameroun Guinée équatoriale Comores République démocratique Côte d’Ivoire Gabon Érythrée du Congo Eswatini Maurice Éthiopie Rwanda Ghana Namibie Gambie Sénégal Kenya Guinée Sierra Leone Lesotho Guinée-Bissau Somalie Mauritanie LIbéria Soudan du Sud Nigéria   Madagascar Tanzanie République du Congo Malawi Tchad São Tomé et Principe Mali Togo Soudan Mozambique Zimbabwe Zambie Remarque : liste des économies de la Banque mondiale, juin 2019. 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A F R I C A’ S P U L S E > 97 Ce rapport a été produit par le Bureau de l’économiste en chef de la région Afrique sous la supervision d’Albert G. Zeufack. L’équipe principale a été dirigée par Cesar Calderon comprend Gerard Kambou, Catalina Cantu Canales, Vijdan Korman et Megumi Kubota. www.worldbank.org/africaspulse