64981 ÉTUDE SPÉCIALE Quels sont les arguments commerciaux en faveur du service aux petits épargnants ? C ette étude entend répondre à la question suivante : d’un point de vue quantitatif, les petits épargnants – définis ici comme la moitié inférieure, en Cette même étude (tableau 27) montre que 75 % des titulaires de comptes d’épargne dans quatre IMF péruviennes détiennent des soldes inférieurs termes de solde de dépôt, de la base d’épargnants à 100 dollars, et que ces petits épargnants d’une institution de microfinance – contribuent-ils représentent 3 % seulement des fonds mobilisés positivement ou au contraire nuisent-ils à la pérennité de l’IMF ? La pérennité des IMF fait depuis longtemps par l’IMF par le biais des comptes d’épargne3. partie des priorités en microfinance, pour des raisons Dans les faits, donc, la collecte de petits dépôts bien connues des lecteurs. Peut-être du fait de la d’épargne attire de nombreux épargnants dans nécessaire concentration des IMF sur les activités de les agences de l’IMF, coûte très cher et fournit crédit pendant de longues années, la pérennisation peu de financements à l’IMF. Certaines grandes a souvent été pensée en termes de réduction des IMF, déplorant apparemment cette situation, coûts d’octroi et de recouvrement des prêts, et prétendent que la concurrence accrue sur leurs d’application de taux d’intérêt suffisants pour couvrir marchés les amène à reconsidérer leur capacité ces coûts. L’impact des autres produits, tels que les à maintenir le niveau de financement croisé comptes d’épargne, et plus particulièrement les qu’elles estiment nécessaire pour servir les petits petits comptes d’épargne, sur la pérennité des IMF, épargnants. est sans doute resté longtemps au second plan. Alors que la concurrence s’intensifie rapidement La problématique des petits dans le secteur en pleine expansion de la épargnants microfinance, de plus en plus d’IMF seront probablement amenées à se poser cette question, Une étude récente a publié des données assez qu’il s’agisse d’IMF acceptant déjà de petits alarmantes sur cinq IMF péruviennes (Portocarrero, dépôts ou de nouvelles venues (IMF qui démarrent Tarazona et Westley, 2006, tableau 29)1. D’après leurs activités en tant qu’entités réglementées et cette étude, les charges d’exploitation associées peuvent à la fois accepter des dépôts et octroyer aux petits comptes d’épargne (définis en des prêts dès le départ), ou encore d’IMF non l’occurrence comme des comptes présentant un réglementées qui envisagent de se formaliser solde inférieur à 100 dollars) sont généralement de pour financer leurs crédits par la mobilisation de l’ordre de 200 à 300 % du montant de l’épargne l’épargne. Pour toutes ces raisons, et parce qu’il mobilisée. Cela signifie que, pour un compte est important d’évaluer l’impact des produits de d’épargne présentant un solde de 50 dollars, l’IMF dépôt sur la pérennité des IMF, comme nous le supporte généralement des charges d’exploitation faisons depuis des années pour les produits de No. 18 de 100 à 150 dollars par an2. crédit, il est grand temps d’examiner de plus Septembre 2010 Glenn D. Westley et 1 Il s’agit d’une caisse rurale d’épargne et de crédit/CRAC (Señor de Luren) et de quatre caisses communales d’épargne et de crédit/CMAC (Arequipa, Xavier Martín Palomas Piura, Chincha et Pisco). 2 Après une revue complète de la littérature sur le sujet, nous n’avons trouvé qu’une seule autre étude comprenant une estimation des charges d’exploitation afférentes aux comptes d’épargne définis comme « petits » : il s’agit d’une étude de Deshpande et Glisovic-Mezieres (2007), qui actualise l’estimation pour la CMAC Arequipa fournie dans l’étude de Portocarrero, Tarazona et Westley (2006). 3 Nous avons choisi dans la présente étude de définir les petits épargnants comme la moitié inférieure (plutôt que les trois quarts) de la base d’épargnants, mais les mêmes caractéristiques générales s’appliqueraient à notre ensemble réduit de clients, avec toutefois des coûts encore plus élevés par dollar mobilisé que les 200 à 300 % cités au paragraphe précédent et un pourcentage de l’épargne mobilisée encore plus faible que les 3 % précités. 2 près les coûts réels et la rentabilité globale des coûts marginaux (parfois également appelés coûts petits épargnants. Il s’agit ici d’une investigation évitables) les coûts qui seraient effectivement sur la justification commerciale du service aux économisés en supprimant les petits comptes petits épargnants, qu’il convient de différencier d’épargne. de sa justification sociale, selon laquelle les IMF fournissent des services aux petits épargnants Ventes croisées. Les petits épargnants même à des coûts très élevés car ces petits consomment non seulement des produits épargnants sont considérés comme un segment d’épargne, mais aussi bien souvent des produits de clientèle pauvre et non desservi, présentant un de crédit, de transfert d’argent, d’assurance, besoin pour ce service. de paiement de factures et d’autres produits financiers proposés par les IMF. Si l’IMF dégage La méthodologie utilisée pour étudier le coût et la un profit de la vente de ces produits, le surplus rentabilité des petits épargnants est principalement de charges d’exploitation généré par les petits quantitative. Plus spécifiquement, nous avons comptes d’épargne peut être partiellement, cherché à quantifier les charges et les produits entièrement ou plus qu’entièrement compensé associés aux petits épargnants en vue d’estimer par ce profit. Cependant, les ventes croisées aux la rentabilité de ce segment de clientèle. Nous petits épargnants peuvent également se traduire n’avons évalué la rentabilité des petits épargnants par des pertes pour l’IMF. Il est donc impossible que dans deux IMF, mais ces deux institutions ont de prédire si les ventes croisées vont avoir un été soigneusement sélectionnées et offrent une effet positif ou négatif sur la pérennité de l’IMF. surprenante variété de pistes de réflexion pour Par exemple, si les produits achetés par les petits rendre le service aux petits épargnants rentable, épargnants sont principalement des petits prêts, voire très rentable. et si ces petits prêts ne sont pas rentables, alors l’argument des ventes croisées parle en défaveur Plusieurs arguments étayent l’hypothèse selon du service aux petits épargnants. laquelle le service aux petits épargnants pourrait être en fait plus rentable que ne le suggèrent Technologie. Les guichets automatiques, les les charges d’exploitation décrites dans les cinq terminaux de paiement électroniques (TPE) et les études péruviennes. Ces arguments concernent le services de banque mobile présentent un important coût marginal, les ventes croisées, la technologie, potentiel de réduction des charges d’exploitation le niveau des taux d’intérêt sur les crédits de petit du service aux épargnants, y compris aux petits montant ou plus coûteux à gérer, le niveau des frais épargnants, à condition que l’IMF soit assez solide et des taux d’intérêt sur les comptes d’épargne, et pour supporter les coûts fixes induits par la mise enfin l’évolution des petits épargnants vers une en place de ces systèmes. Autre point important : rentabilité future. ces technologies peuvent aider l’IMF à acquérir et à fidéliser des clients, et ainsi à augmenter le Coût marginal. Les charges d’exploitation citées nombre de comptes d’épargne et de prêts, le pour les cinq IMF péruviennes ont été évaluées en volume d’épargne mobilisée et le volume prêté, imputant tous les coûts, y compris les coûts fixes de même que les ventes d’autres produits. Enfin, et quasi-fixes, à la gamme de crédits, comptes elles peuvent accroître le montant moyen que les d’épargne et autres produits proposés par les clients sont disposés à déposer auprès de l’IMF IMF4. En réalité, si ces cinq IMF se débarrassaient dès lors que les fonds déposés peuvent être retirés de leurs petits épargnants, les économies réalisées plus facilement en cas de besoin. Aucune des cinq seraient en fait inférieures aux chiffres précités, car IMF péruviennes citées plus haut n’utilisait ces les coûts fixes et la plupart des coûts quasi-fixes technologies au moment de l’analyse. La présente devraient continuer à être payés. Nous appelons étude fournit des estimations précisément 4 Par définition, à mesure que le nombre de clients et leur utilisation des produits s’accroissent, les coûts fixes ne varient absolument pas et les coûts quasi-fixes n’augmentent que très peu (bien moins à proportion que l’utilisation des produits). 3 calculées de l’impact des nouvelles technologies pauvres détenant des soldes très faibles soient sur le coût et la rentabilité des petits épargnants. disposées à payer des frais mensuels significatifs aux IMF et aux banques (notamment Centenary Taux d’intérêt majorés sur les prêts de petite Bank, l’une des deux IMF que nous avons étudiées) taille ou coûteux à gérer. Si les prêts contractés et à percevoir des intérêts faibles ou nuls sur leurs par ces petits épargnants sont sensiblement plus dépôts en contrepartie prouve que l’application de petits que la moyenne ou plus coûteux par dollar taux d’intérêt négatifs sur l’épargne constitue une prêté pour d’autres raisons, l’IMF peut couvrir stratégie viable même dans le secteur bancaire l’ensemble des coûts du crédit, et même rendre formel, à condition toutefois qu’il s’agisse de cette activité de crédit et les petits épargnants services d’épargne de qualité5. rentables, en facturant des taux d’intérêt et/ou des frais plus élevés sur ces prêts. Rentabilité future des petits épargnants. Même si les prêts et les comptes d’épargne des petits Frais plus élevés et/ou taux d’intérêt plus faibles épargnants sont trop petits aujourd’hui pour être sur les comptes d’épargne. Si le coût du service rentables, ils peuvent se développer avec le temps aux petits épargnants reste excessif malgré et atteindre le seuil de rentabilité dans les années toutes les pistes évoquées dans les paragraphes à venir. Ainsi, même d’un point de vue strictement précédents, il reste toujours à l’IMF la possibilité commercial, il peut être judicieux de servir ces de facturer le service fourni – tout comme certaines petits épargnants aujourd’hui car ils pourront IMF augmentent leurs taux de crédit, globalement rapporter demain à l’IMF. Comme nous le verrons ou pour certains sous-ensembles d’emprunteurs dans la dernière section de ce document, plusieurs particulièrement coûteux, pour atteindre la raisons solides et assez généralisables permettent pérennité. Dans le cas des petits comptes de penser que la taille moyenne des comptes d’épargne, la démarche consisterait à réduire le d’épargne et des prêts des petits épargnants peut taux d’intérêt payé sur les petits soldes d’épargne s’accroître rapidement, transformant ce segment (éventuellement jusqu’à zéro) et/ou à accroître non rentable en un segment lucratif. les frais mensuels ou de transaction sur les petits comptes, voire sur tous les comptes. Toutes ces Les deux sections suivantes résument les résultats mesures seraient préférables à la suppression pure de notre étude, puis décrivent les méthodes que et simple de l’accès aux petits comptes d’épargne nous avons utilisées pour les obtenir. Les trois par l’augmentation de la taille minimale de dépôt dernières sections développent les thèmes du à un niveau hors de portée de la plupart des petits coût, de la rentabilité actuelle et de la rentabilité épargnants. Là encore, l’analogie avec les activités future des petits épargnants. de crédit est instructive : l’un des grands acquis de la microfinance a été de démontrer que les personnes pauvres ont la volonté et la capacité Résumés des résultats : les de payer des taux d’intérêt élevés pour de bons vecteurs de rentabilité services de prêt, et préfèrent de loin payer ces taux d’intérêt élevés plutôt que de se passer d’un Les études de cas de deux IMF, ADOPEM en tel service. Ce qu’on sait peut-être moins, c’est que République dominicaine et Centenary Bank les épargnants pauvres sont disposés à accepter en Ouganda, confirment que les comptes de des taux d’intérêt négatifs élevés sur les dépôts dépôt des petits épargnants sont des produits (-30 % et au-delà) pour des services d’épargne extrêmement coûteux pour les IMF, avec des pratiques et sûrs, tels que ceux offerts par le charges d’exploitation annuelles, calculées en coût collecteur de dépôts indien décrit par Rutherford marginal, de 59 à 241 % des soldes de dépôt des (2002, pp. 30-34). Le fait que les personnes petits épargnants pour l’année 2008. 5 Par exemple, environ la moitié des épargnants de Centenary Bank détenaient des soldes inférieurs ou égaux à 16,67 dollars en 2008. Avec un dépôt de 16,67 dollars, les frais forfaitaires mensuels de 0,56 dollar appliqués par la banque représentent un taux d’intérêt effectif mensuel de –3,4 % (50,56/16,67), soit –34 % par an, un coût très nettement supérieur aux 5 % d’intérêts annuels perçus par les épargnants. 4 Cependant, ces charges d’exploitation élevées ces comptes, ou réduisait de tout autre manière sont plus que compensées par les bénéfices les pertes associées à ces comptes). Le calcul de générés par les ventes croisées de crédits et cette perte de clients et de bénéfices de ventes d’autres produits aux petits épargnants, ainsi que croisées serait complexe, et dépasse le cadre par les frais générés par leurs comptes d’épargne. de cette étude. Cependant, dans le cas des IMF Ainsi, tout bien considéré, les petits épargnants analysées, en particulier ADOPEM, les bénéfices génèrent des profits considérables, équivalents générés par les achats d’autres produits par les à un peu plus de 400 % de leurs soldes de dépôt petits épargnants sont importants comparés aux pour Centenary Bank, et à un peu plus de 1000 % coûts de leurs comptes d’épargne, ce qui suggère pour ADOPEM. Pour exprimer ces résultats d’une que ces IMF ont intérêt à conserver ces petits autre façon : sans les petits épargnants, ces deux comptes si leur suppression est susceptible de IMF très rentables perdraient environ 30 % de leur provoquer le départ d’un nombre important bénéfice total. Sur la base de notre analyse de de clients, notamment de clients de crédits. Le rentabilité des petits épargnants, nous concluons reste de ce document traite de la mesure et de donc que le service à ce segment de clientèle est l’analyse de la rentabilité totale par client, et de entièrement justifié du point de vue commercial la justification commerciale du service aux petits pour Centenary comme pour ADOPEM. Ce épargnants (et non des petits comptes d’épargne), calcul des bénéfices associés à ent de clientèle en se fondant sur la taille minimale de dépôt et sur donné (en l’occurrence les petits épargnants) est les frais facturés sur les comptes d’épargne à leurs parfois appelé calcul de la rentabilité totale par niveaux de l’année 2008. Comme nous l’avons client : nous examinons la totalité des produits noté au paragraphe précédent, le service aux consommés par ce segment de clientèle et le petits épargnants est fortement justifié d’un point bénéfice global qui en résulte pour l’IMF. de vue commercial pour les deux IMF étudiées. Une clarification importante doit ici être apportée. Pour pouvoir généraliser les résultats à d’autres Ce document démontre que le service aux petits IMF, il convient d’examiner ce qui rend les petits épargnants est commercialement justifié : les épargnants rentables dans ces deux études de coûts élevés associés aux comptes d’épargne cas. À cette fin, nous avons identifié cinq sources sont plus que compensés par les autres produits de bénéfices générés par les petits épargnants que ces clients utilisent (et par les éventuels chez ADOPEM et Centenary, que nous appelons frais qu’ils paient sur les comptes d’épargne). vecteurs de rentabilité : (1) les crédits ; (2) les Cependant, cela ne signifie pas automatiquement autres produits que les crédits et les comptes que les petits comptes d’épargne sont rentables. d’épargne, tels que les assurances-vie (ADOPEM) Supposons que nous éliminions tous les petits et les transferts d’argent (Centenary) ; (3) les frais comptes d’épargne, avec leurs coûts afférents, sur les comptes d’épargne ; (4) la technologie ; et en augmentant le solde minimum d’épargne, tout (5) la majoration des taux d’intérêt appliqués aux en étant en mesure de retenir tous ces clients en petits prêts et aux autres prêts coûteux à gérer. tant que clients de crédits et d’autres produits, qui Les bénéfices générés par les petits épargnants eux sont rentables. Dans une telle configuration chez ADOPEM proviennent entièrement des deux (et dans l’hypothèse, admise ici uniquement à des premiers vecteurs, en particulier du premier, alors fins de simplification, où les comptes d’épargne que les cinq vecteurs sont mis à profit dans le cas supprimés généraient des recettes faibles à de Centenary. nulles), on constate que l’offre de petits comptes d’épargne a un effet non pas positif, mais négatif 1. Crédits. Les crédits représentent une part sur la rentabilité de l’IMF. La rentabilité de l’offre importante des bénéfices générés par les petits de petits comptes d’épargne dépend donc du épargnants dans les deux IMF. Chez ADOPEM, nombre de clients et de ventes croisées que l’IMF ils génèrent des bénéfices de 1,22 million de perdrait si elle supprimait les petits comptes dollars, soit 91 % du bénéfice total de 1,34 million d’épargne (ou facturait des frais plus élevés sur généré par les petits épargnants. Chez Centenary, 5 ils rapportent 2 millions de dollars, soit 51 % du opérations de crédit, et si les petits épargnants bénéfice total de 3,94 millions généré par les petits présentent une taille de prêt moyen qui n’est épargnants. Au vu de l’importance des crédits pas sensiblement inférieure à la moyenne de dans le total des profits générés par les petits tous les emprunteurs, alors il est probable que épargnants, il est utile d’examiner les éléments qui le crédit aux petits épargnants est également font la rentabilité des prêts aux petits épargnants rentable7. dans ces deux IMF : (3) Le fait que notre analyse exclue toutes les charges d’exploitation fixes et quasi-fixes du (1) Les crédits (à tous les emprunteurs, et pas calcul des bénéfices générés par les petits seulement aux petits épargnants) apparaissent épargnants (comme il se doit, voir plus haut globalement rentables dans les deux IMF. l’explication sur le coût marginal) a pour effet Nous le déduisons de ce qui suit : d’augmenter ces bénéfices chez ADOPEM et a. D’une manière générale, ces deux IMF Centenary en comparaison avec les études sont rentables, avec un rendement des qui incluent tous les coûts fixes et quasi- actifs après impôts (ROA) de 5,53 % pour fixes8. Centenary et 7,20 % pour ADOPEM en (4) Dans le cas d’ADOPEM seulement, on observe 2008. un taux élevé de ventes croisées de crédits aux b. Les crédits représentent la principale source petits épargnants : les trois quarts environ des de produits dans les deux IMF : 70 % des petits épargnants d’ADOPEM ont emprunté au produits chez Centenary et 86 % chez moins une fois en 2008. ADOPEM en 2008 (le reste des produits provient des frais facturés sur les comptes En conséquence de ces quatre facteurs, le crédit d’épargne, des ventes d’autres produits aux petits épargnants chez ADOPEM génère des tels que les assurances et les transferts profits importants. Étant donné que les crédits d’argent, des placements liquides des IMF génèrent 91 % du total des bénéfices provenant tels que les certificats de dépôts (CD) de des petits épargnants d’ADOPEM, le vecteur banques locales et les bons du Trésor, et utilisé par cette institution pour rentabiliser les des gains de change et autres produits petits épargnants est principalement le crédit. d’exploitation). Comme ces deux IMF sont rentables et que Centenary partage les trois premiers éléments leur activité principale est le crédit, on peut de la rentabilité des crédits avec ADOPEM, supposer que le crédit est rentable dans ces mais diffère sur le quatrième : seulement 15 % deux institutions. environ des petits épargnants de Centenary (2) Dans les deux IMF, les petits épargnants ne sont également des emprunteurs. Néanmoins, sont pas des petits emprunteurs. Par exemple, comme les activités de crédit de Centenary sont à la fin de l’année 2008, le solde moyen de prêt globalement rentables pour l’ensemble des des petits épargnants qui empruntaient était clients, et que les petits épargnants contractent de 61 % (Centenary) et de 74 % (ADOPEM) des prêts de taille substantielle (lorsqu’ils du solde moyen de prêt tous emprunteurs empruntent), les crédits accordés aux petits confondus6. Cet aspect est important car, si épargnants rapportent quand même à Centenary l’IMF génère globalement des profits sur ses des profits significatifs. 6 Par opposition, le solde moyen d’épargne des petits épargnants était de 1,3 % (Centenary) et de 17 % (ADOPEM) du solde moyen d’épargne pour tous les épargnants. Ces données montrent clairement que les petits épargnants empruntent beaucoup plus qu’ils n’épargnent. Cela n’est pas tellement surprenant puisque les petits épargnants ont été sélectionnés sur la base du solde de leur compte d’épargne. 7 Pourquoi est-ce important que la taille des prêts aux petits épargnants ne soit pas sensiblement inférieure à la taille moyenne de prêt ? Comme le coût de l’octroi et du recouvrement des crédits est globalement constant sur une large fourchette de taille de prêts (par exemple de 100 à 3000 dollars), la rentabilité décroît rapidement avec la taille des prêts. Les produits des crédits diminuent proportionnellement à la taille de prêt, alors que les coûts restent globalement constants. 8 L’exclusion de ces coûts permet également d’observer une rentabilité du crédit aux petits épargnants même chez les IMF présentant des performances de rentabilité des crédits globalement plus faibles et des tailles de prêts aux petits épargnants plus modestes que celles d’ADOPEM et de Centenary. 6 2. Ventes croisées d’autres produits. Les 9 % représente pour Centenary une hausse de 37 % restants des bénéfices totaux générés par les des bénéfices générés par les petits épargnants, petits épargnants chez ADOPEM (soit 0,13 million pour atteindre le chiffre de 3,94 millions de dollars de dollars) sont générés par les ventes de trois cité plus haut. produits d’assurance-vie. Chez Centenary, 16 % des bénéfices provenant des petits épargnants 5. Majoration des taux d’intérêt sur les prêts sont générés par les ventes de quatre produits de de petite taille ou coûteux à gérer. Comme les transfert d’argent. petits épargnants demandent des prêts à la fois plus petits et plus coûteux à octroyer pour d’autres 3. Frais facturés sur les comptes d’épargne. raisons, le taux d’intérêt facturé par Centenary Les frais perçus par Centenary sur les comptes aux petits épargnants est supérieur de 5,8 points d’épargne génèrent les 33 % restant du total des de pourcentage à son taux de crédit moyen tous bénéfices provenant des petits épargnants (soit emprunteurs confondus (34,2 % contre 28,4 %). Si 1,32 million de dollars). Ces frais comprennent Centenary abandonnait cette pratique et réduisait principalement un forfait mensuel de 0,56 dollar les taux de crédit appliqués aux petits épargnants par compte. ADOPEM ne facture pas de frais sur de 5,8 points de pourcentage, elle perdrait la les comptes d’épargne. totalité des profits générés par les prêts aux petits épargnants, et ainsi la moitié du bénéfice total La somme des bénéfices provenant des vecteurs provenant des petits épargnants (3,94 millions de 1 à 3 est égale à 100 % des bénéfices générés par dollars). On voit bien que la majoration des taux les petits épargnants chez ADOPEM comme chez d’intérêt appliqués aux petits prêts et aux autres Centenary. En d’autres termes, ces trois vecteurs prêts coûteux peut s’avérer un outil efficace pour représentent une ventilation par produit du total couvrir les coûts et faire des petits épargnants des bénéfices provenant des petits épargnants. un segment de clientèle rentable dès lors qu’ils Les deux vecteurs restants, soit la technologie utilisent ce type de prêts de façon assez intensive. et la majoration des taux d’intérêt sur les crédits de gestion coûteuse, ne sont utilisés que par À ces cinq vecteurs de rentabilité des petits Centenary. Ils peuvent être considérés comme des épargnants observés chez ADOPEM et Centenary, catalyseurs qui augmentent les profits générés par nous ajoutons un sixième vecteur possible : les crédits, les ventes croisées d’autres produits et les comptes d’épargne pour atteindre les niveaux 6. Évolution future des bénéfices générés par évoqués aux points 1 à 3. les petits épargnants. En analysant les données d’ADOPEM à trois points récents dans le temps 4. Technologie. Centenary utilise largement les (fin 2006, fin 2007 et fin 2008), nous avons constaté guichets automatiques : 51 % des transactions que la taille moyenne des comptes d’épargne et de dépôt et de retrait des petits épargnants (et des prêts des petits épargnants avait augmenté 47 % pour l’ensemble des clients) ont été opérées très rapidement, respectivement de 105 % et de par ce biais en 2008, et le reste aux guichets 83 % au total pour ces deux produits entre fin classiques. Les guichets automatiques ont agi 2006 et fin 2008 (les données disponibles ne nous en premier lieu comme un aimant qui a permis permettaient pas d’effectuer une analyse sur une à Centenary d’attirer et de retenir des clients, et plus longue période, ni de procéder à la même d’accroître les prêts et les ventes d’autres produits analyse pour Centenary). Bien que les résultats (transferts d’argent) aux petits épargnants, ainsi dans ce domaine soient fondés sur des indicateurs que le nombre de comptes d’épargne détenus de rentabilité plutôt que sur les calculs complets par ces petits épargnants. Par conséquent, les de bénéfices utilisés pour les vecteurs 1 à 5, les guichets automatiques ont contribué à accroître tendances sont très marquées : on peut affirmer les profits dans ces trois gammes de produits – avec une quasi-certitude que les petits épargnants crédits, autres produits et comptes d’épargne – d’ADOPEM sont effectivement devenus beaucoup de respectivement 43 %, 30 % et 34 %, ce qui plus rentables au cours de la période étudiée de 7 deux ans. Comme nous le verrons dans la section impacts potentiels importants des nouvelles finale de ce document, nous avons de fortes raisons technologies sur l’acquisition et la fidélisation de croire que cette hausse de la taille moyenne des clients ainsi que sur l’augmentation du des comptes d’épargne et des prêts constitue une nombre de comptes d’épargne et du nombre tendance assez générale, ce qui renforce encore de prêts, des montants épargnés et empruntés, la justification commerciale du service aux petits et du nombre de transactions effectuées par les épargnants dans de nombreuses IMF. clients. Une publication ultérieure présentera en détail ces points méthodologiques et d’autres, Au vu de tous ces vecteurs possibles de rentabilité, mais l’encadré 1 (à la section suivante) aborde et en partant du principe que les revenus des brièvement certains points clés. Le présent prêts, des ventes croisées d’autres produits et document se concentre en premier lieu sur des comptes d’épargne ne doivent couvrir que le résumé et l’interprétation des principaux les coûts marginaux pour que ces produits soient résultats empiriques obtenus sur le coût et la considérés comme rentables, nous pouvons rentabilité des petits épargnants dans les deux supposer que de nombreuses IMF rentabilisent IMF étudiées. déjà leur service aux petits épargnants, et que bien d’autres pourraient le faire. Critères de sélection pour l’étude de cas Méthodes Pour illustrer les différents vecteurs de rentabilité L’objectif premier de cette étude est d’analyser des petits épargnants, nous avons très le coût et la rentabilité des petits épargnants, soigneusement sélectionné les deux IMF de notre en quantifiant les bénéfices associés aux cinq étude de cas. ADOPEM et Centenary avaient premiers vecteurs décrits à la section précédente, toutes deux à leur actif plusieurs années de bons tout en prenant soin de mesurer les coûts sur une résultats (avec des données disponibles jusqu’à base marginale. Les informations ainsi obtenues l’année d’étude, à savoir 2008) dans les domaines sont entièrement nouvelles, car nous n’avons de l’épargne volontaire et du microcrédit pour les pas trouvé, lors de notre revue des publications, clients pauvres, comme l’attestent les faibles taux d’autres études de cas d’IMF proposant tout ou d’impayés et d’abandon de créances, la croissance partie de cet ensemble de mesures. Pour estimer rapide du nombre d’épargnants et d’emprunteurs le coût et la rentabilité des petits épargnants, ainsi que des volumes d’épargne et de crédit, nous avons dû développer un certain nombre de la prédominance de l’épargne volontaire sur méthodologies innovantes. Ces méthodologies l’épargne obligatoire, et le niveau raisonnablement peuvent être généralisées pour mesurer le coût bas des soldes moyens de prêt et d’épargne. De et la rentabilité de tout segment de clientèle, plus, ADOPEM a été choisie parce que (i) elle au-delà de celui des petits épargnants. La plus présentait un taux élevé de ventes croisées, en novatrice et peut-être la plus importante de particulier de prêts, comme l’indique la proportion ces nouvelles méthodologies nous permet de de 76 % de petits épargnants également détenteurs mesurer l’impact de technologies telles que les d’un crédit et (ii) elle n’utilisait pratiquement pas guichets automatiques, les TPE et les services de nouvelles technologies pour servir sa clientèle. de banque mobile sur le coût et la rentabilité Par opposition, le taux de ventes croisées de des petits épargnants (ou d’autres segments prêts aux petits épargnants de Centenary était de de clientèle). De façon assez surprenante, seulement 15 %, mais elle constituait un très bon mesurer l’impact de ces nouvelles technologies exemple d’utilisation des nouvelles technologies avec un degré de précision raisonnable s’avère pour réduire les coûts, attirer et fidéliser des une tâche colossale. Nous avons constaté que clients, et augmenter les volumes d’épargne et les calculs antérieurs présentaient des erreurs d’emprunt des clients. Une autre différence entre importantes car ils ne tenaient pas compte les deux IMF est que Centenary, contrairement de certains éléments clés, en particulier des à ADOPEM, facturait des frais mensuels sur tous 8 les comptes d’épargne et appliquait des taux d’intérêt majorés aux petits prêts contractés par Définition des petits épargnants les petits épargnants. Pour décider où placer la limite entre les petits Caractéristiques générales et les grands épargnants, nous avons d’abord d’ADOPEM et de Centenary envisagé d’utiliser la limite de 100 dollars retenue par Portocarrero, Tarazona et Westley (2006) dans Pour interpréter et généraliser les résultats leurs études de cas sur les cinq IMF péruviennes obtenus dans les deux études de cas, il est utile citées plus haut. Nos résultats auraient ainsi été de comparer certaines des caractéristiques clés plus comparables aux leurs. Cependant, nous d’ADOPEM et de Centenary avec celles de leurs avons vite réalisé que cette ligne de démarcation pairs (tableau 1). La valeur de chaque indicateur n’était pas pertinente, en particulier dans le cas pour les IMF en général (colonne (3) du tableau d’ADOPEM. ADOPEM sert des segments de 1) est calculée en tant que valeur médiane pour clientèle beaucoup plus pauvres que les cinq IMF l’ensemble des 1160 IMF figurant dans la base péruviennes, si bien que 97 % des épargnants de données internationale du MIX Market pour d’ADOPEM présentaient des soldes d’épargne 20089. inférieurs à 100 dollars en 2008. Ainsi, en termes de charges d’exploitation, analyser les petits Comme nous le voyons dans le tableau 1, épargnants d’ADOPEM serait revenu au même ADOPEM et Centenary se situent au-dessus de que d’analyser l’ensemble de ses épargnants10. la moyenne des IMF pour un certain nombre d’indicateurs, mais pas pour tous. Ces deux IMF Ajuster cette ligne de démarcation en fonction sont nettement au-dessus de la moyenne pour du revenu national brut (RNB) par habitant la taille générale (lignes 1, 4, 6 et 7 du tableau ne résolvait pas non plus le problème, car il 1) et la rentabilité (ligne 11). En revanche, elles s’agissait notamment de comparer la République sont beaucoup plus proches de la moyenne dans dominicaine et le Pérou. Selon les indicateurs les domaines clés des impayés et des abandons de développement de la Banque mondiale, le de créances (lignes 12 et 13). Dans le domaine RNB par habitant, calculé en dollars US pour de la productivité des agents de crédit (ligne 2008, était de 4 390 dollars pour la République 14), ADOPEM est nettement au-dessus de la dominicaine et de 3 990 dollars pour le Pérou11. moyenne, mais Centenary se situe seulement Ainsi, le rapport entre le RNB par habitant de la légèrement au-dessus de la moyenne. ADOPEM République dominicaine et du Pérou est de 1,10 applique des taux d’intérêt nettement plus élevés (= 4 990/3 999). La limite de 100 dollars utilisée que la moyenne sur ses crédits (ligne 15), tandis pour définir les petits épargnants au Pérou devrait que les taux d’intérêt de Centenary sont dans la donc être augmentée à 110 dollars pour les IMF moyenne. Enfin, les tailles moyennes de dépôt de la République dominicaine, ce qui aurait pour et de prêt (lignes 9 et 10) indiquent que les conséquence qu’un pourcentage encore plus deux institutions ciblent des clients d’épargne important des épargnants d’ADOPEM seraient et de crédit typiques en microfinance, bien que considérés comme petits. Centenary présente un sous-ensemble important d’épargnants et d’emprunteurs commerciaux qui Nous avons finalement opté pour une définition relèvent ses moyennes. relative des petits épargnants, à savoir, comme 9 Ces données ont été relevées sur le site web du MIX Market le 18 février 2008. La valeur médiane pour un indicateur donné correspond à la valeur au 50e centile : 50 % des IMF présentent des valeurs inférieures à cette médiane, et 50 % présentent des valeurs supérieures. Pour simplifier, nous utilisons parfois l’expression de valeur « moyenne » pour désigner la valeur médiane. 10 Plus généralement, même si la limite de 100 dollars était pertinente pour définir les petits épargnants dans bien d’autres IMF sud-américaines qu’ADOPEM, elle ne le serait probablement pas pour de nombreuses IMF opérant dans des pays sensiblement plus pauvres en Afrique et en Asie. 11 Ces données sont librement accessibles à l’adresse http://ddp-ext.worldbank.org/ext/DDPQQ/member.do?method=getMembers. Le RNB est étroitement lié à la mesure plus courante qu’est le produit intérieur brut (PIB). 9 Tableau 1 – Caractéristiques d’ADOPEM et de Centenary Bank, fin 2008 Indicateur (1) (2) (3) ADOPEM Centenary Valeur médiane du MIX Market 1. Nombre total d’épargnants actifs 88 250 491 757 3 793 a. Nombre de petits épargnants actifs 44 125 245 879 b. Nombre de grands épargnants actifs 44 125 245 878 2. Nombre total d’emprunteurs qui ne sont pas des 22 316 0 épargnants actifs (« purs emprunteurs ») 3. Nombre total de clients d’épargne et de crédit (= 1+2) 110 566 491 757 4. Nombre total de prêts en cours 87 060 90 251 8 593 5. Total des dépôts sans les CD (USD) a 2 105 689 167 409 939 6. Total des dépôts avec les CD (USD) a 10 996 960 191 413 460 487 209 7. Encours brut de crédits (USD) 39 151 586 151 295 500 4 005 603 8. Solde moyen de dépôt par épargnant sans les CD 24 340 (= 5/1, USD) a 9. Solde moyen de dépôt par épargnant avec les CD 125 389 155 (= 6/1, USD) a 10. Solde moyen de prêt par emprunteur (USD) 440 1 633 581 11. Rendement des actifs après impôts (%) 7,20 5,53 2,12 12. Portefeuille à risque > 30 jours (%) 3,28 4,60 3,56 13. Ratio d’abandon de créances (« taux de radiation de 0,83 0,73 0,36 prêts » dans la base de données du MIX) (%) 14. Nombre d’emprunteurs par agent de crédit 437 282 245 15. Rendement du portefeuille brut (nominal) (%) 42,26 31,04 30,72 Sources : toutes les données de ce tableau proviennent du MIX Market à l’exception de celles des lignes 1 à 6 et 8-9 des colonnes (1) et (2) qui proviennent des systèmes d’information de gestion d’ADOPEM et de Centenary (lignes 1 à 4) et des états financiers audités pour 2008 d’ADOPEM et de Centenary (lignes 5 et 6). La ligne 8 est calculée en tant que ratio de la ligne 5 sur la ligne 1, et la ligne 9 est calculée en tant que ratio de la ligne 6 sur la ligne 1. Voir www.MIXmarket.org pour la définition des indicateurs provenant du MIX Market. Les données du MIX Market pour ADOPEM et Centenary peuvent différer légèrement des données apparemment comparables présentées ci-dessus aux lignes 1 à 6 et 8-9 des colonnes (1) et (2) du fait, notamment, de l’utilisation de taux de change différents et parce que le MIX obtient souvent ses données par échange d’e-mail avec la personne de contact désignée dans chaque IMF. Remarques : les cellules vides indiquent qu’aucune donnée n’est disponible. Les données ponctuelles, telles que le nombre d’épargnants actifs et l’encours brut de crédits, sont celles relevées au 31 décembre 2008, tandis que les données de flux, telles que les chiffres de produits et de charges (qui sont utilisées dans les variables 11 et 15), correspondent à des données cumulées sur l’ensemble de l’année 2008. a Du fait du nombre important de certificats de dépôt (CD), en particulier chez ADOPEM, et comme aucun de ces CD n’est détenu par de petits épargnants, nous calculons le montant de l’épargne de deux façons, sans (lignes 5 et 8) et avec (lignes 6 et 9) les CD. nous le notions plus haut, la moitié des épargnants une IMF avec les 80 % inférieurs dans une autre. Si, présentant les soldes de dépôt les plus bas. Cette dans les faits, la taille des comptes d’épargne est définition signifie que la ligne de démarcation effectivement corrélée à la rentabilité par client, exprimée en dollars US varie d’une IMF à une autre, alors les 10 % inférieurs des épargnants pourraient mais elle garantit aussi une grande uniformité : contenir de nombreux clients non rentables et pour toutes les IMF, nous mesurons les charges être globalement très peu rentables, tandis que la d’exploitation et les bénéfices du segment le plus rentabilité des 80 % inférieurs des épargnants est bas (moitié inférieure) des épargnants. Utiliser une beaucoup plus susceptible de refléter le niveau limite exprimée en dollars reviendrait à comparer, de rentabilité global de l’IMF. En examinant les par exemple, les charges d’exploitation et les 50 % inférieurs des clients dans les deux IMF, nous bénéfices des 10 % inférieurs des épargnants dans supprimons cette source de non-comparabilité. 10 Comme les soldes de dépôt peuvent fluctuer au cours, respectivement, des deux et trois considérablement au cours d’une année, il paraît dernières années12. préférable, si possible, de définir les petits • Comme nous voulons examiner si le service épargnants en fonction d’un solde moyen calculé à un certain groupe de clients (les petits sur une période de plusieurs jours plutôt qu’en épargnants) est rentable ou non, cette fonction du solde à une date donnée (par exemple étude se concentre sur les épargnants le dernier jour de l’année 2008). Chez ADOPEM, le et non sur les comptes d’épargne. Ainsi, système d’information nous permettait de calculer pour chaque petit épargnant, nous devons le solde journalier moyen pour chaque épargnant considérer le coût de tous les comptes de sur les 366 jours de l’année 2008. En revanche, dépôt qu’il détient ainsi que les bénéfices chez Centenary, nous avons dû définir les petits générés par les prêts, les transferts épargnants en nous fondant sur leur solde à une d’argent et les autres produits vendus à cet date donnée. Au vu de la croissance constante épargnant. Pour déterminer si un épargnant du nombre d’épargnants chez Centenary, nous détenant plusieurs comptes de dépôt doit avons choisi la date du dernier jour de 2008 afin être considéré comme petit, on additionne d’inclure le plus grand nombre d’emprunteurs les soldes de tous ses comptes. De même, possible dans notre analyse. Les points suivants les soldes des comptes joints sont répartis résument d’autres aspects clés de la définition des équitablement entre tous les titulaires. Nous petits épargnants : avons constaté que les comptes multiples et les comptes joints étaient assez rares dans • Centenary offre trois types de comptes de les deux IMF, et la façon dont ils sont traités dépôt : des certificats de dépôt (CD), des ici n’aura donc que peu d’influence sur les comptes d’épargne et des compte-chèques. résultats. ADOPEM ne propose que des CD et des • Le solde journalier moyen utilisé pour comptes d’épargne. En raison du solde ADOPEM est calculé uniquement pour les minimum élevé imposé pour les CD et les jours où le client avait au moins un compte compte-chèques, la moitié inférieure des de dépôt ouvert. Par exemple, si un client épargnants, classés par ordre croissant de ouvre un compte en juillet 2008 et maintient montant total de dépôt, ne comprend aucun un solde de 100 dollars pendant toute la détenteur de CD et très peu de titulaires durée du second semestre, le solde journalier de compte-chèques. Comme cela simplifiait sur l’année est de 100 dollars, et non de grandement l’analyse, nous avons classé 50 dollars. Pour illustrer la raison pour tous les détenteurs de compte-chèques laquelle nous ne comptons pas les jours de Centenary dans le groupe des grands manquants comme des jours avec un solde épargnants. En conséquence, les petits à zéro, prenons un exemple extrême : un épargnants ne détiennent que des comptes nouvel épargnant dépose 1 000 dollars sur d’épargne dans les deux IMF. un compte d’épargne ouvert deux jours • Seuls les épargnants actifs sont considérés. avant la fin de l’année 2008. Ce client nous Les épargnants actifs sont ceux qui disposent semble appartenir au groupe des grands d’un compte de dépôt non dormant. Les épargnants (qui ouvre un compte tard dans normes diffèrent d’une IMF à l’autre, mais l’année) et est comptabilisé comme tel (avec les dépôts non dormants chez ADOPEM et un solde moyen de 1 000 dollars), et non chez Centenary sont définis comme ceux sur comme un petit épargnant avec un solde de lesquels il y a eu au moins une transaction 1 000 dollars x (2/366) = 5,46 dollars. 12 En général, les comptes des épargnants inactifs génèrent peu ou pas de coûts pour les IMF, y compris pour Centenary et ADOPEM. Cela s’explique par le fait que les épargnants inactifs n’effectuent généralement pas de transactions au guichet, et donc ne participent pas aux coûts associés au personnel de guichet et aux autres coûts relatifs aux opérations de guichet (loyer pour l’espace occupé par les guichets, papiers pour les transactions, dépréciation de l’équipement et du mobilier, etc.). Ainsi, il semble beaucoup plus pertinent d’examiner les charges d’exploitation associées à la moitié inférieure des épargnants actifs, plutôt qu’à la moitié inférieure de tous les épargnants. Notre analyse porte donc sur les petits épargnants actifs. 11 par une discussion sur les charges d’exploitation Les petits épargnants d’ADOPEM annuelles associées aux comptes d’épargne de et de Centenary ce segment de clientèle. Sur cette base, nous passerons dans la section suivante au thème de En appliquant les règles définies ci-dessus, la la rentabilité des petits épargnants (une mesure ligne de démarcation entre les petits et les grands également appelée rentabilité totale par client, épargnants se situe à 7,24 dollars pour ADOPEM et comme nous l’avons noté plus haut). La rentabilité à 16,67 dollars pour Centenary, ce qui signifie que des petits épargnants au cours de la dernière 50 % des épargnants d’ADOPEM et de Centenary année pour laquelle nous disposons de données présentent des soldes d’épargne inférieurs et 50 % (2008) est la principale mesure que nous utiliserons des soldes supérieurs à ces limites respectives13. pour déterminer si le service à ce segment est commercialement justifié ; cependant la dernière Revenons au tableau 1 : nous constatons que le section de ce document se penchera sur les nombre total d’épargnant actifs chez ADOPEM projections de la rentabilité future de ces petits et Centenary était de respectivement 88 250 et épargnants. 491 757 à la fin 2008 (ligne 1). Le nombre de petits épargnants actifs correspond à la moitié de ce total : Quelle que soit la mesure utilisée, les comptes 44 125 et 245 879 respectivement (ligne 1a). De d’épargne des petits épargnants sont coûteux plus, ADOPEM comptait 22 316 purs emprunteurs (tableau 2, lignes 1 et 2). La ligne 1 de la première (emprunteurs qui ne sont pas des épargnants actifs) : colonne du tableau 2 montre les estimations on obtient donc un total de 110 566 clients d’épargne de coût moyen calculées par Portocarrero, et de crédit (lignes 2 et 3). Comme Centenary exige Tarazona et Westley (2006, tableau 29) pour les de tous ses emprunteurs qu’ils maintiennent un cinq IMF évoquées au début de ce document. compte d’épargne ou un compte-chèques (où les Ces estimations portent sur le coût des comptes montants des prêts sont automatiquement crédités des petits épargnants en termes de charges et où les remboursements sont automatiquement d’exploitation annuelles par dollar mobilisé et prélevés), elle n’a aucun pur emprunteur parmi vont de 235 à 597 %. Elles ont été calculées en ses clients. Enfin, si Centenary a beaucoup plus utilisant l’approche classique du coût moyen d’épargnants actifs qu’ADOPEM, le nombre total (ou méthode du coût complet), selon laquelle de crédits en cours à la fin de l’année 2008 était la totalité des charges d’exploitation des IMF, y approximativement équivalent pour les deux IMF : compris les coûts fixes et quasi-fixes, sont imputés 87 060 pour ADOPEM et 90 251 pour Centenary aux comptes des petits épargnants et aux autres (ligne 4)14. combinaisons segment de clientèle/produit. Par comparaison, les charges d’exploitation annuelles Premier élément de la rentabilité moyennes par dollar mobilisé pour les comptes du service aux petits épargnants : d’épargne de tous les clients (et pas uniquement le coût des petits comptes des petits épargnants) dans ces mêmes cinq IMF d’épargne sont de 10 à 21 % (voir Portocarrero, Tarazona et Westley 2006, tableau 29), soit d’un niveau bien Nous débutons notre analyse de la justification plus modeste que les 235-597 % calculés pour les commerciale du service aux petits épargnants petits épargnants. 13 Ces valeurs en dollars US ont été calculées à partir des valeurs en monnaies locales, soit le peso dominicain (DR$) et le shilling ougandais (Ugx) converties aux taux suivants : US$1 = DR$35 = Ugx 1800. Ces taux de change sont utilisés tout au long de l’étude, que les valeurs à convertir en dollars US concernent la fin de l’année 2008, l’ensemble de l’année 2008 ou la moyenne des valeurs en fin d’année 2007 ou 2008. Comme on applique un taux de change unique, les ratios tels que le rendement des actifs, qui utilisent une combinaison de ces concepts, seront les mêmes en monnaie locale et en dollar US. Au vu des fluctuations assez limitées des taux de change au cours de l’année 2008 dans les deux pays, nos résultats ne différeront pas grandement de ceux obtenus en utilisant le taux de change de fin 2008 pour convertir les indicateurs de la fin 2008, le taux de change de fin 2007 pour convertir les indicateurs de fin 2007, et le taux de change journalier moyen de 2008 pour convertir les données de flux de 2008 telles que les bénéfices et les charges. 14 Notons que nous présentons les données sur le nombre d’épargnants (et non de comptes de dépôts) et le nombre de crédits (et non le nombre d’emprunteurs). Nous nous intéressons ici aux petits épargnants par rapport aux grands épargnants (en tant que clients) et aux ventes croisées d’autres produits, en particulier de crédits, à ces deux groupes. 12 Les trois dernières colonnes du tableau 2 font marginal chez ADOPEM à 848 % pour le coût apparaître les charges d’exploitation estimées moyen chez Centenary. pour les comptes des petits épargnants dans le cadre de la présente étude pour Centenary, avec Le coût marginal des petits comptes d’épargne et sans guichets automatiques, et pour ADOPEM comprend uniquement les coûts que l’IMF (qui n’utilisait pas de guichets automatiques). économiserait (ou éviterait) si ces petits comptes Ces trois colonnes présentent les charges d’épargne étaient supprimés, ce qui exclut la d’exploitation annuelles par dollar mobilisé totalité de ses coûts fixes et une grande partie de (soit les charges d’exploitation de 2008 divisées ses coûts quasi-fixes. Comme nous l’avons souligné, par le montant moyen d’épargne mobilisé le coût marginal est la mesure la plus pertinente en 2008) en utilisant à la fois l’approche du pour répondre à la question suivante : combien coût moyen et l’approche du coût marginal l’IMF économiserait-elle si un segment de clientèle (excepté dans la colonne « Centenary sans donné, en l’occurrence les petits épargnants, ou une guichets automatiques », où nous avons calculé combinaison segment/produit, tels que les comptes uniquement le coût marginal). Ces valeurs sont d’épargne des petits épargnants, était supprimé ? également élevées, allant de 59 % pour le coût Comme nous le verrons dans le document Tableau 2 – Charges d’exploitation annuelles des comptes d’épargne des petits épargnants (en USD et en pourcentage de l’épargne moyenne mobilisée provenant des petits épargnants en 2008) « Référence » : Centenary Centenary Compte d’épargne des petits épargnants : 5 études de avec guichets sans guichets charges d’exploitation par dollar mobilisé cas fondées sur automatiques automatiques (%) le coût moyen ADOPEM (scénario A) (scénario B) 1. Coût moyen par dollar mobilisé (méthode 235 %, 238 %, 220 % 848 % nc classique du coût complet) (= ligne 4 / 255 %, 298 %, ligne 6) 597 % 2. Coût marginal par dollar mobilisé 59 % 181 % 241 % (méthodologie utilisée dans cette étude) (= ligne 5 / ligne 6) 3. Coût marginal / coût moyen (= ligne 2 / 27 % 21 % nc ligne 1 OU ligne 5 / ligne 4) Charges d’exploitation et soldes des comptes d’épargne des petits épargnants en 2008 (USD) 4. Comptes d’épargne des petits 290 374 8 123 480 nc épargnants : total des charges d’exploitation en 2008 – calculé selon l’approche du coût moyen (méthode classique du coût complet) (USD) 5. Comptes d’épargne des petits 77 846 1 737 396a 1 653 567a épargnants : total des charges d’exploitation en 2008 – calculé selon l’approche du coût marginal (USD) 6. Comptes d’épargne des petits 131 910 958 061 684 995 épargnants : solde 2008 – moyenne des totaux journaliers des petits épargnants pour l’année 2008 pour ADOPEM ; moyenne des totaux des petits épargnants fin 2008 et fin 2007 pour Centenary (USD)b Sources : tous les calculs des trois dernières colonnes reposent sur les données fournies par ADOPEM et Centenary. Les pourcentages de « référence » dans la première colonne proviennent de Portocarrero, Tarazona et Westley (2006), tableau 29. Remarques : les taux de change utilisés pour toutes les conversions en dollars US depuis le peso dominicain (DR$) et le shilling ougandais (Ugx) sont les suivants : 1 USD = 35 DR$ = 1800 Ugx. « nc » signifie « non calculé ». a Certains lecteurs s’étonneront du fait que les charges d’exploitation des petits comptes d’épargne soient plus élevées avec guichets automatiques que sans. Cela s’explique par le fait, exposé à l’encadré 1, que les guichets automatiques attirent des clients supplémentaires et incitent les clients à effectuer davantage de transactions. b Certaines limitations relatives aux données chez Centenary nous ont empêché d’utiliser la moyenne des 366 totaux journaliers des soldes des petits épargnants en 2008, comme nous l’avons fait pour ADOPEM. 13 méthodologique à paraître en complément de la équipements et des véhicules qu’ils utilisent, ainsi présente publication, le coût marginal est la bonne qu’électricité pour l’éclairage et la climatisation mesure à utiliser lorsque l’on cherche à évaluer la des locaux et l’utilisation des équipements). viabilité, qu’il s’agisse de la viabilité d’un segment de clientèle, d’un produit, d’une agence, ou d’une Cependant, même avec le coût marginal par combinaison de ces éléments, telle que les comptes dollar mobilisé de 59 % calculé pour ADOPEM, d’épargne des petits épargnants. Ce point est les charges d’exploitation des petits comptes important car de nombreuses études antérieures d’épargne restent très élevées, et elles sont même (sinon toutes) portant sur les coûts, y compris encore plus élevées pour Centenary (181 % et plusieurs études appliquant la méthode du calcul 241 % respectivement avec et sans guichets des coûts par activités (également connue sous le automatiques)15. Si le service aux petits épargnants nom de méthode ABC), utilisent le coût moyen pour apparaît un peu moins coûteux considéré en évaluer la viabilité alors qu’une telle approche peut termes de coût marginal, il s’agit malgré tout facilement conduire à des conclusions erronées. d’une proposition très onéreuse16. Par exemple, une étude utilisant la méthode du coût complet au lieu de celle du coût marginal Rentabilité totale par client et les peut arriver à la conclusion qu’un produit donné cinq vecteurs proposé par une IMF génère des résultats négatifs et est donc non viable. Si, sur cette base, l’IMF Dans la section précédente, nous avons confirmé abandonne ce produit pour accroître sa rentabilité, le coût élevé des petits comptes d’épargne pour elle s’apercevra peut-être que ses bénéfices ADOPEM comme pour Centenary, avec des déclinent au lieu d’augmenter, car elle continuera charges d’exploitation, calculées sur une base de à supporter la totalité des coûts fixes et une grande coût marginal, de 59 à 241 % des soldes de dépôt partie des coûts quasi-fixes qui auront été imputés des petits épargnants. au produit. Dans cette section, nous allons démontrer que Dans le cas d’ADOPEM comme de Centenary, ces charges d’exploitation élevées sont plus que nous avons constaté que les coûts marginaux compensées par les bénéfices générés par les ventes étaient bien inférieurs aux coûts moyens. Cela croisées de crédits et d’autres produits aux petits reflète la somme importante de charges fixes épargnants, ainsi que par les frais générés par leurs et quasi-fixes généralement supportées dans la comptes d’épargne. Ainsi, tout bien considéré, les gestion d’une institution financière, comprenant petits épargnants génèrent des profits considérables, tout ou partie des éléments suivants : équivalents à un peu plus de 400 % de leurs soldes de dépôt pour Centenary Bank, et à un peu plus de • conseil d’administration et de direction ; 1000 % pour ADOPEM17. Pour exprimer ces résultats • personnel de services centraux tels que la d’une autre façon : sans les petits épargnants, ces comptabilité, l’administration, le service deux IMF très rentables perdraient environ 30 % de des audits, le service financier, le service leur bénéfice total. Sur la base de notre analyse de informatique, le service juridique, le marketing, la rentabilité (également appelée rentabilité totale le service du personnel et la gestion du risque ; par client) des petits épargnants pour 2008, nous • les coûts hors charges salariales associés à concluons donc que le service à ce segment de tous ces salariés (par exemple loyer des locaux clientèle est entièrement justifié du point de vue qu’ils occupent, amortissement du mobilier, des commercial pour les deux IMF. 15 Les méthodes que nous avons utilisées pour calculer le coût et la rentabilité des petits épargnants dans le cas de Centenary sans guichets automatiques seront expliquées dans un document complémentaire à paraître. L’encadré 1 en donne un bref aperçu. 16 Le ratio coût marginal/coût moyen pour les petits comptes d’épargne est de 27 % pour ADOPEM et de 21 % pour Centenary, comme le montre la ligne 3 du tableau 2. Les lignes 4 à 6 présentent les données utilisées pour construire le ratio de coût par dollar mobilisé présenté aux lignes 1 et 2. 17 Pour obtenir ces valeurs, nous divisons la ligne 9 du tableau 3 (bénéfices générés par les petits épargnants en 2008) par la ligne 6 du tableau 2 (soldes d’épargne des petits épargnants en 2008.) 14 Comme nous l’avons expliqué dans la section de étaient supprimés correspondent en grande résumé des résultats, les bénéfices générés par majorité au personnel d’agence, principalement aux les petits épargnants peuvent être ventilés en cinq agents de crédit qui octroient les prêts aux petits sources différentes, que nous appelons les cinq épargnants et au personnel de guichet qui gèrent vecteurs de rentabilité : (1) les crédits ; (2) les autres les transactions sur leurs comptes d’épargne et leurs produits que les crédits et les comptes d’épargne, prêts. Le reste des charges de personnel provient tels que les assurances-vie (ADOPEM) et les pour la plupart (i) du personnel de back office des transferts d’argent (Centenary) ; (3) les frais facturés agences et du siège travaillant sur les crédits et les sur les comptes d’épargne ; (4) la technologie ; et comptes d’épargne des petits épargnants et (ii) du (5) les taux d’intérêt majorés sur les petits prêts et personnel d’encadrement des agents de crédit et du autres prêts coûteux à gérer. En nous appuyant sur personnel de guichet, également dans les agences la section précédente, cette section explique en et au siège. Les charges hors personnel associées détail comment nous calculons les profits générés aux petits épargnants (générées principalement par l’IMF à partir de chacun de ces vecteurs. par les crédits et les comptes d’épargne des petits épargnants) se répartissent en six postes principaux Notre calcul des bénéfices générés par les petits pour ADOPEM comme pour Centenary : transport épargnants chez Centenary (avec et sans guichets (en particulier pour les agents de crédit), loyer, automatiques) et chez ADOPEM est présenté dans dépréciation, papier et impression, électricité le tableau 3. Les lignes 1, 2 et 3 présentent ce (achetée et autoproduite) et télécommunications. qu’on considère généralement comme les trois principales composantes des coûts du crédit : Les provisions pour créances douteuses sur les crédits les charges d’exploitation, les provisions pour des petits épargnants (ligne 2) sont limitées par rapport créances douteuses et le coût des ressources. Ces aux charges d’exploitation et au coût des ressources composantes sont également calculées selon la (lignes 1 et 3). Ce n’est pas vraiment surprenant au vu méthode du coût marginal, soit en calculant la des faibles taux d’impayés et d’abandon de créances proportion du total des charges d’exploitation, évoqués plus haut (tableau 1, lignes 12 et 13). des pertes sur crédits et du coût des ressources qui disparaîtrait en l’absence des petits épargnants. Dans les trois cas (Centenary avec et sans guichets automatiques et ADOPEM), par l’intermédiaire de La ligne 1 mesure les charges d’exploitation leurs comptes d’épargne, les petits épargnants associées à la fois aux comptes d’épargne et aux  fournissent une petite proportion (approximativement crédits des petits épargnants, par opposition aux 2 %) du financement de leurs propres crédits. Ainsi, le charges d’exploitation présentées dans le tableau coût des ressources présenté à la ligne 3 comprend 2 (ligne 5), qui concernent uniquement les comptes  deux composantes : le montant relativement limité d’épargne des petits épargnants. Pour calculer d’intérêts payés sur les comptes d’épargne des petits les bénéfices générés par les crédits aux petits épargnants plus la part beaucoup plus importante épargnants, nous devons compter les charges d’intérêts payés sur les autres sources de financement d’exploitation correspondant aux crédits, mais aussi des crédits, auxquelles l’IMF doit recourir car les petits celles correspondant aux comptes d’épargne, car épargnants empruntent bien plus qu’ils n’épargnent18. l’épargne des petits épargnants fournit une part En additionnant les lignes 1 à 3, nous obtenons le coût du financement des crédits octroyés à ces mêmes total des comptes d’épargne et des crédits des petits petits épargnants. Comme vous pouvez le voir dans épargnants, à la ligne 4. les sous-catégories de la ligne 1, les charges de personnel qui seraient économisées si les crédits Le total des bénéfices générés par les petits et les comptes d’épargne des petits épargnants épargnants (tableau 3, ligne 9) est obtenu en 18 Comme nous l’avons vu plus haut, le coût des ressources de la ligne 3 mesure le coût marginal des ressources (à distinguer du concept plus fréquemment utilisé de coût moyen des ressources). De la même façon que nous mesurons les charges d’exploitation du service aux petits épargnants en tant que montant venant en déduction des charges d’exploitation totales en l’absence des petits épargnants, nous mesurons le coût des ressources afférent aux petits épargnants comme le montant dont serait réduit le coût total des ressources en l’absence des petits épargnants. Le document complémentaire à paraître sur la méthodologie détaillera davantage le calcul du coût marginal des ressources. 15 Encadré 1 – Simulation : Centenary sans guichets automatiques (scénario B) Sur les 491 757 clients d’épargne et de crédit de n’auraient pas été effectuées à un guichet classique) Centenary à la fin de l’année 2008, 256 221 (soit 52 %) en l’absence de guichets automatiques : 2/3 étaient des utilisateurs de guichet automatique. Nous définissons un utilisateur de guichet automatique La signification du premier paramètre est qu’un tiers comme un client détenant une carte à puce et ayant de tous les utilisateurs de guichet automatique auraient effectué au moins un retrait au guichet automatique en purement et simplement quitté Centenary, emportant 2008. Nous aurions aimé définir l’utilisateur de guichet avec eux tous leurs dépôts, crédits et autres produits automatique comme un client détenant une carte à et opérations, si Centenary n’avait pas été équipée de puce et ayant effectué au moins un retrait ou un dépôt  guichets automatiques. La première explication qui au guichet automatique au cours de l’année 2008, mais ressort de l’enquête auprès des utilisateurs est l’aspect nous avons été contraints de limiter notre définition car très pratique des guichets automatiques, qui recouvre au nous pouvons seulement imputer les retraits, et non les moins deux dimensions : (i) la disponibilité des guichets dépôts, aux différents clients (pour savoir s’il s’agit de automatiques 24 heures sur 24, sept jours sur sept et petits ou de grands épargnants). Heureusement, deux (ii) le fait que les transactions sont généralement plus éléments nous indiquent qu’il y sans doute très peu de rapides au guichet automatique car les files d’attente sont différences entre ces deux définitions. moins longues qu’au guichet classique, et les guichets automatiques sont plus nombreux (présents dans Le premier est une enquête menée auprès d’un chacune des 32 agences et en dix lieux supplémentaires). échantillon nationalement représentatif de 252 clients de Centenary (151 petits épargnants et 101 grands Les deux tiers des utilisateurs de guichet automatique qui épargnants), interrogés après avoir effectué un dépôt resteraient chez Centenary même en l’absence de cette ou un retrait au guichet automatique. Cette enquête a technologie réduiraient leur solde d’épargne de 25 % révélé que l’ensemble des 252 personnes interrogées en moyenne en raison de la moins grande commodité ayant procédé à un dépôt au guichet automatique le d’accès aux fonds déposés. Cela signifie que, en l’absence mois précédent avaient également effectué un retrait. de guichets automatiques, les soldes d’épargne globaux Le deuxième élément est qu’en 2008, l’ensemble des des utilisateurs seraient réduits de 50 %, comme l’indique clients de Centenary ont effectué 5 101 810 retraits le paramètre 4 (la valeur 1/2 est calculée comme suit : au guichet automatique contre seulement 524 460 comme 2/3 des utilisateurs de guichet automatique dépôts, ce qui prouve que les retraits sont de loin les resteraient des clients si les appareils étaient supprimés, opérations les plus courantes au guichet automatique. chacun détenant un solde de dépôt d’en moyenne 3/4 de ce qu’il est avec les guichets automatiques, les soldes Pour calculer l’étendue de l’impact des guichets de dépôt seraient égaux à la moitié de ce qu’ils sont automatiques sur les charges d’exploitation, les actuellement car (2/3) x (3/4) = 1/2). soldes d’épargne moyens et la rentabilité des petits épargnants, nous avons évalué les six paramètres Concernant les valeurs des autres paramètres, le clés suivants pour tous les utilisateurs de guichet nombre et la valeur des prêts octroyés aux utilisateurs automatique, sur la base des données de l’enquête de guichet automatique diminueraient tous deux susmentionnée et d’une méthode analytique (cas- d’1/3 si les guichets automatiques étaient supprimés. témoins / série chronologique). Sur l’ensemble des Enfin, les paramètres 5 et 6 nous apprennent que la utilisateurs, nous avons trouvé approximativement les moitié des transactions de dépôt et les deux tiers mêmes valeurs de paramètres pour les sous-groupes des transactions de retrait effectuées au guichet « petits épargnants » et « grands épargnants » : automatique ne seraient pas remplacées par des transactions au guichet classique si les guichets 1. Proportion d’utilisateurs de guichet automatique automatiques étaient supprimés, là encore du fait de qui auraient quitté Centenary en l’absence de cette la commodité du guichet automatique. technologie : 1/3 2. Proportion de crédits qui n’auraient pas été Un document complémentaire à paraître sur la octroyés en l’absence de guichets automatiques : méthodologie expliquera comment ces évaluations de 1/3 paramètres ont été effectuées puis utilisées pour calculer 3. Réduction du portefeuille de prêts en l’absence de les coûts et la rentabilité qui auraient été ceux des petits guichets automatiques : 1/3 épargnants si Centenary n’était pas équipée de guichets 4. Réduction des soldes d’épargne en l’absence de automatiques. Ces valeurs de coûts et de rentabilité guichets automatiques : 1/2 (dernière colonnes des tableaux 2 et 3, respectivement) 5. Proportion de transactions de dépôt au guichet nous permettent de calculer l’impact  des guichets automatique qui n’auraient pas eu lieu (qui automatiques sur le coût et la rentabilité des petits n’auraient pas été effectuées à un guichet classique) épargnants. Le document complémentaire proposera en l’absence de guichets automatiques : 1/2 également des méthodes d’évaluation de l’impact pour 6. Proportion de transactions de retrait au guichet les IMF utilisant des technologies de banque à distance, automatique qui n’auraient pas eu lieu (qui telles que les téléphones mobiles et les TPE. 16 Tableau 3 – Rentabilité des petits épargnants chez ADOPEM et Centenary, 2008 (USD) (2) Centenary (3) Centenary avec guichets sans guichets automatiques automatiques Petits épargnants uniquement (1) ADOPEM (scénario A) (scénario B) 1. Charges d’exploitation des comptes d’épargne et  1 045 879 4 755 262 4 174 098 des crédits (=a+b) a. Charges de personnel (=a1+a2) 598 601 3 363 061 3 088 691 a1. Agences 543 292 3 191 986 2 996 281 a2. Siège 55 309 171 075 92 411 b. Charges hors personnel 447 278 1 392 201 1 085 407 2. Provisions pour créances douteuses (dotations aux  173 393 1 029 203 840 842 provisions pour créances douteuses nettes des  recouvrements de crédits passés en pertes) 3. Coût des ressources (=a+b) 1 110 986 4 279 120 3 505 724 a. Intérêts sur les comptes d’épargne des petits 6 398 194 193 129 881 épargnants b. Intérêts sur les autres sources de financement 1 104 588 4 084 927 3 375 843 des crédits 4. Coût total des crédits, y compris les coûts des  2 330 258 10 063 584 8 520 665 propres comptes d’épargne des petits épargnants,  constituant une source de financement (=1+2+3) 5. Produits des crédits : intérêts et commissiona 3 547 056 12 064 666 9 915 274 6. Bénéfices des crédits (=5-4) 1 216 798 2 001 081 1 394 609 7. Frais perçus sur les comptes d’épargne (=a+b+c)b 0 1 322 599 1 015 914 a. Frais mensuels sur les comptes d’épargne (frais 0 1 249 177 1 015 914 de gestion) b. Frais de retrait au guichet automatique 0 205 431 0 c. Vente de cartes à puce (nette des coûts de 0 −132 008 0 production et de distribution)c 8. Bénéfices provenant d’autres produitsd 127 439 613 315 459 405 9. Total des bénéfices générés par les petits  1 344 237 3 936 996 2 869 928 épargnants, avant impôt (=6+7+8) Sources : toutes les entrées du tableau correspondent aux données fournies par ADOPEM et Centenary, et ne concernent que les petits épargnants. a Pour Centenary, en plus des intérêts sur les crédits, cette ligne comprend des frais d’entrée de 2 % du montant du prêt et le prix de vente des formulaires de demande de crédit de 2,78 USD par prêt. ADOPEM facture également des frais d’entrée légaux et des frais de traitement totalisant environ 2 à 4 % du montant du prêt. b Les frais facturés par Centenary sur les comptes d’épargne sont les suivants : a. Frais mensuels = 0,56 USD par mois b. Frais de retrait au guichet automatique = 0,11 USD par retrait c. Vente de cartes à puce = 1,11 USD pour une première carte et 5,56 USD pour une carte de remplacement c L’entrée pour Centenary est calculée comme suit : 92 899 USD de produits des ventes – 224 908 USD de charges, composées pour l’essentiel des coûts des cartes à puce vierges, de l’embossage et de l’impression des cartes, et de la distribution aux clients en agence. d Les totaux de la ligne 8 se décomposent comme suit. Bénéfices des trois produits d’assurance-vie d’ADOPEM : Fonds de transition = 314 USD Assurance obsèques = 1 460 USD Assurance crédit = 125 665 USD Les bénéfices des quatre autres produits de Centenary se décomposent comme suit, pour le scénario A (avec guichets automatiques) et pour le scénario B (sans guichets automatiques) : Versement de salaires (virement électronique des paiements de salaires) 335 602 USD 238 507 USD Paiement des frais de scolarité (aux écoles désignées par les clients) 183 248 USD 154 235 USD Transferts d’argent RBTR/TEF 86 001 USD 60 031 USD Transferts d’argent Western Union 8 464 USD 6 632 USD 17 additionnant les composantes suivantes : bénéfices RBTR/TEF et Western Union). En additionnant les des crédits, frais sur les comptes d’épargne et lignes 6 à 8, on obtient à la ligne 9 le total des bénéfices des autres produits. Les bénéfices bénéfices générés par les petits épargnants, toutes générés par les crédits aux petits épargnants (ligne sources confondues, avant impôts. 6) sont obtenus en soustrayant les coûts de la ligne 4 des produits des crédits (intérêts + commissions) Considérons à présent la ventilation du total des figurant à la ligne 5. Comme on le voit à la ligne bénéfices entre les cinq vecteurs décrits plus hauts. 7, Centenary, contrairement à ADOPEM, perçoit des produits conséquents provenant des frais sur Vecteurs 1 à 3 : crédits, autres produits et les comptes d’épargne des petits épargnants, en comptes d’épargne (respectivement). Comme particulier des frais mensuels (qu’elle appelle frais nous le voyons dans le tableau 4, la répartition des de gestion). De plus, Centenary facture des frais bénéfices générés par les petits épargnants entre les d’environ 0,11 dollar US par retrait au guichet trois vecteurs n’est pas la même pour ADOPEM que automatique. Centenary facture également pour Centenary. Les colonnes (1), (2) et (3) du tableau à ses clients les cartes à puce, premières ou de 4 reprennent les données des bénéfices d’ADOPEM, remplacement, mais perd de l’argent sur ces ventes de Centenary avec guichets automatiques et de car les coûts de production et de distribution des Centenary sans guichets automatiques des lignes cartes sont supérieurs aux frais facturés (tableau 6 à 9 du tableau 3. Les colonnes (1a), (2a) et (3a) 3, notes b et c). Enfin, la ligne 8 fait apparaître les du tableau 4 montrent le pourcentage du total des bénéfices générés par d’autres produits que les bénéfices issus des crédits (ligne 6), des frais générés crédits et les comptes d’épargne : trois produits par les comptes d’épargne (ligne 7) et des autres d’assurance-vie pour ADOPEM et quatre produits produits (ligne 8). Comme on le voit dans ces trois de transfert d’argent pour Centenary (virement colonnes, les bénéfices d’ADOPEM proviennent électronique des salaires sur les comptes de majoritairement des crédits (91 %) ; 9 % proviennent dépôt des clients, paiement électronique des frais des trois produits d’assurance, et aucun bénéfice de scolarité pour les enfants des clients et deux n’est généré par les frais de comptes d’épargne services de transfert d’argent non spécifiques, (puisqu’ADOPEM n’en facture pas). Les bénéfices Tableau 4 – Petits épargnants : sources de rentabilité Centenary Centenary (4) avec guichets sans guichets Supplément (%) ADOPEM automatiques automatiques de bénéfices générés par les petits épargnants chez (1a) (2a) (3a) Centenary grâce (1) % du (2) % du (3) % du aux guichets Bénéfices total des Bénéfices total des Bénéfices total des automatiques (USD) bénéfices (USD) bénéfices (USD) bénéfices = [(2) – (3)] / (3) 6. Bénéfices des crédits 1 216 798 91 2 001 081 51 1 394 609 49 43 7. Frais sur les comptes d’épargne 0 0 1 322 599 33 1 015 914 35 30 8. Bénéfices provenant d’autres produits 127 439 9 613 315 16 459 405 16 34 9. Total des bénéfices générés par les petits épargnants 1 344 237 100 3 936 996 100 2 869 928 100 37 Remarque : les numéros et intitulés de lignes sont les mêmes que ceux du tableau 3. Les données des colonnes (1), (2) et (3) sont également les mêmes que celles des colonnes (1), (2) et (3) du tableau 3. 18 de Centenary (avec et sans guichets automatiques) autres prêts coûteux peut s’avérer un outil efficace sont plus diversifiés : environ la moitié proviennent pour faire des petits épargnants un segment de des crédits, un tiers des frais facturés sur les comptes clientèle rentable dès lors qu’ils utilisent ce type de d’épargne et le reste (un sixième) des quatre produits prêts de façon assez intensive. de transfert d’argent. Examen approfondi de l’écart de taux Vecteur 4 : guichets automatiques. Les guichets de crédit automatiques contribuent de façon substantielle aux bénéfices de Centenary, comme on le voit dans la Pour examiner de plus près les 5,8 points de colonne (4) du tableau 4. Cette colonne indique le pourcentage d’écart entre le taux de crédit moyen pourcentage de bénéfices supplémentaires réalisés et celui appliqué aux petits épargnants, il est par Centenary sur les petits épargnants grâce utile d’examiner les effets du type et de la taille aux guichets automatiques, et fait apparaître un des prêts sur les coûts et les taux de crédit de supplément considérable pour les trois composantes, Centenary. Voyons d’abord l’effet du type de prêt, augmentant le total des bénéfices de 37 %. Les puis celui de la taille de prêt. guichets automatiques permettent à Centenary d’attirer et de fidéliser des clients, ce qui accroît le Centenary propose cinq principaux types de prêts, volume des prêts, le nombre de comptes d’épargne qui se répartissent en deux catégories : et les ventes d’autres produits, et ainsi les bénéfices générés dans ces trois domaines (l’encadré 1 traite • Les prêts plus coûteux par dollar prêté et plus en détail des effets des guichets automatiques). faisant l’objet de taux d’intérêt plus élevés, à savoir les prêts aux micro-entreprises, les Vecteur 5 : taux d’intérêt majorés sur les crédits. crédits habitat et les crédits agricoles. En Enfin, parce que les petits épargnants demandent 2008, Centenary appliquait à ces crédits des des prêts disproportionnellement plus coûteux et taux d’intérêt de, respectivement, 34 %, 33 % plus petits que les autres clients, le taux d’intérêt et 31 %, en rendement du portefeuille pour facturé par Centenary aux petits épargnants est tous les emprunteurs (et de respectivement supérieur de 5,8 points de pourcentage à son taux 37 %, 35 % et 34 % pour les petits épargnants). de crédit moyen tous emprunteurs confondus19. • Les prêts moins coûteux par dollar prêté Si Centenary abandonnait cette pratique de et faisant l’objet de taux d’intérêt plus majoration des taux sur les crédits plus coûteux à bas, à savoir les crédits commerciaux et gérer (notamment les crédits aux micro-entreprises, à la consommation. En 2008, Centenary les crédits habitat et les crédits agricoles) et sur les appliquait à ces deux types de prêts un plus petits prêts, et réduisait donc les taux appliqués taux d’intérêt de 24 % en rendement du aux petits épargnants de 5,8 points de pourcentage, portefeuille pour tous les emprunteurs (et de elle perdrait la totalité des bénéfices issus des crédits 26-27 % pour les petits épargnants). Le coût aux petits épargnants, et ainsi la moitié du total des moins élevé par dollar prêté pour les crédits bénéfices générés par les petits épargnants, toutes commerciaux et à la consommation reflète : sources confondues20. On voit bien que la majoration a. la taille beaucoup plus importante des taux d’intérêt appliqués aux petits prêts et aux des crédits commerciaux en 19 En 2008, le rendement du portefeuille de Centenary, une mesure du taux d’intérêt effectif facturé aux emprunteurs, était de 28,4 % pour l’ensemble des emprunteurs et de 34,2 % pour les emprunteurs qui étaient aussi de petits épargnants, ce qui correspond à un écart de 5,8 points de pourcentage. Le rendement du portefeuille correspond au ratio suivant (exemple pour 2008 en USD) : (produits d’intérêts sur les crédits + produits des commissions) / (encours de crédits moyen sur l’année) 20 La réduction globale de 5,8 points de pourcentage du taux d’intérêt facturé aux petits épargnants, en partant du taux actuel de 34,2 %, implique une réduction de 16,8 % des taux d’intérêt appliqués aux petits épargnants (= 5,8/34,2). Pour les besoins de l’illustration, nous admettons que la demande en crédits ne serait pas stimulée par cette baisse de taux, et qu’ainsi le montant des produits d’intérêts et de commissions payés par les petits épargnants serait réduit de 16,8 %. En appliquant ces 16,8 % aux 12,06 millions de dollars perçus par Centenary des petits épargnants en intérêts et en commissions (tableau 3, ligne 5), nous obtenons une réduction du produit des crédits, et donc des bénéfices, de 2,02 millions (=16,8 % x 12,06 millions d’USD). Cela représente un peu plus de la totalité des bénéfices générés par les crédits aux petits épargnants (soit 2 millions, tableau 3, ligne 6), et 51 % du total des bénéfices provenant des petits épargnants, toutes sources confondues, de 3,94 millions (tableau 3, ligne 9). Tous les calculs présentés ici et dans le reste de cette section s’appliquent uniquement au scénario de Centenary avec guichets automatiques (scénario A), et non à Centenary sans guichets automatiques (scénario B). 19 comparaison des quatre autres types Nous en concluons que la structure tarifaire de de crédits. L’encours moyen des Centenary reflète globalement les différences crédits commerciaux tous emprunteurs de coûts et amène les petits épargnants à payer confondus était de 15 000 dollars, plus cher pour leurs crédits que la moyenne contre 1000 à 2000 pour les quatre des emprunteurs car leurs crédits sont plus autres types de prêts ; coûteux à administrer. Ce coût plus élevé est b. la somme de travail beaucoup plus dû à (i) une demande disproportionnellement limitée requise pour l’analyse et la plus élevée en prêts plus coûteux chez les petits collecte des crédits à la consommation, épargnants (davantage de crédits aux micro- en particulier parce que tous les clients entreprises, habitat et agricoles, et moins de concernés sont des salariés. Leur salaire crédits commerciaux et à la consommation)22, est versé directement sur leur compte et également à (ii) une taille moyenne de prêt chez Centenary, où les remboursements inférieure à la moyenne pour ce segment de sont automatiquement prélevés par le clientèle dans chacun des cinq types de crédits. système informatique de l’institution. Le nombre de prêts décaissés par agent de Évolution des petits épargnants : crédit en 2008 reflète cette situation : 834 un dernier vecteur de rentabilité pour les crédits à la consommation, contre 331 tous types de prêts confondus21. Aux cinq vecteurs de la rentabilité des petits épargnants, nous en ajoutons un : les bénéfices Passons à présent à l’effet de la taille de prêt : futurs. L’idée est que, même si les petits épargnants les petits épargnants payaient des taux de crédit apparaissent non rentables pour l’année étudiée de 2 à 3 points de pourcentage supérieurs aux (2008 dans le cas d’ADOPEM et de Centenary), taux appliqués à l’ensemble des emprunteurs il peut être pertinent de continuer à les servir pour chacun de ces cinq types de prêts (comme en vue de réaliser des profits dans les années le montrent les données aux paragraphes a et à venir. Comme nous allons le voir, plusieurs b ci-dessus ; par exemple, le taux moyen pour raisons solides et assez généralisables permettent l’ensemble des emprunteurs était de 34 % pour de penser que la taille moyenne des comptes les prêts aux micro-entreprises, et de 37 % pour d’épargne et des prêts des petits épargnants les petits épargnants). En pratique, cet écart est peut s’accroître rapidement, comme ça a été le dû au fait que les petits épargnants contractent cas ces dernières années chez ADOPEM23. Cette globalement des prêts de plus petits montants, croissance de la taille des comptes d’épargne et ce qui réduit leur pouvoir de négociation des taux des prêts pourrait faire des petits épargnants un d’intérêt. Du point de vue de Centenary, il s’agit segment de clientèle rentable24. d’un compromis satisfaisant car, pour chaque type de crédit, les petits prêts sont plus coûteux que les La figure 1 illustre de façon plus complète et prêts plus importants. rigoureuse pourquoi la prise en compte des 21 Le nombre de prêts décaissés par agent de crédit est une meilleure mesure de la productivité des agents de crédit de Centenary que le nombre de prêts suivis par agent de crédit, car les agents de crédit consacrent beaucoup plus de temps à l’analyse de crédit qu’au suivi et au recouvrement. 22 À la fin de l’année 2008, par exemple, les petits épargnants représentaient 25 % de l’encours de crédits total de Centenary, contre respectivement 36 %, 32 % et 48 % des portefeuille de crédits aux micro-entreprises, crédits habitat et crédits agricoles, et seulement 6 % et 25 % respectivement de l’encours de crédits commerciaux et à la consommation. On obtient les mêmes résultats en considérant le portefeuille de crédits au début de l’année 2008 (plutôt qu’à la fin) ou le montant des crédits décaissés pendant toute l’année 2008. 23 Les données nécessaires pour cette analyse ne sont pas disponibles pour Centenary. 24 Dans la section de résumé des résultats, nous avons expliqué pourquoi une hausse de la taille moyenne de prêt entraîne généralement une hausse des bénéfices générés par les crédits, sous réserve que tous les autres facteurs (taux de crédit, charges d’exploitation afférentes aux crédits, taux d’impayés et coût des ressources) restent constants. Le même principe s’applique à la taille moyenne de compte d’épargne, là encore à condition que toutes les autres variables restent constantes. Cela implique, par exemple, que le nombre moyen de transactions par compte n’augmente pas en même temps que la taille moyenne des comptes, de façon à ce que les charges d’exploitation restent constantes. Si les charges d’exploitation par compte restent constantes, le seul coût additionnel supporté par l’IMF du fait de l’augmentation de la taille des comptes est le supplément d’intérêts qu’elle doit verser sur ces comptes. Comme les taux d’intérêt appliqués aux comptes d’épargne sont généralement très faibles (souvent 5 % par an ou moins), la hausse des soldes d’épargne fournit à l’IMF l’une des sources les moins coûteuses pour financer ses crédits, presque toujours moins coûteuse en tout cas que l’émission de certificats de dépôt ou que l’emprunt auprès d’autres sources – à part les plus subventionnées. En conséquence, les bénéfices générés par les crédits doivent nécessairement augmenter du fait de la disponibilité de ces fonds supplémentaires sous forme de dépôts d’épargne. 20 Figure 1 – Devons-nous servir les petits épargnants aujourd’hui (sur la base des informations dont nous disposons actuellement et d’un point de vue strictement commercial) ? Les petits épargnants seront-ils rentables demain ? Oui Non 2. Oui, nous devons les servir 1. Oui, nous devons les servir Oui → aujourd’hui (mais peut-être y aujourd’hui. Les petits épargnants renoncer demain). sont-ils rentables 3. Oui, nous devons les servir aujourd’hui ? aujourd’hui si les bénéfices 4. Non, nous ne devons pas les Non → futurs sont suffisants pour servir aujourd’hui. compenser les pertes actuelles. bénéfices futurs constitue un vecteur supplémentaire la réponse est facile : un oui inconditionnel, car les de rentabilisation des petits épargnants. Dans cette petits épargnants sont déjà rentables aujourd’hui, le hypothèse simplifiée, « aujourd’hui » correspond resteront demain, donc nous devons bien entendu à l’année de l’étude de rentabilité des petits les servir aujourd’hui. Il est intéressant de noter épargnants (2008 dans notre exemple) et « demain » que, dans le cas 2 (dans lequel les petits épargnants aux années à venir (2009 et années suivantes dans sont rentables aujourd’hui mais, sur la base des notre exemple). La figure 1 montre quatre cas informations disponibles à ce jour, ne le seront possibles de rentabilité présente et future sous forme probablement pas à l’avenir), nous continuons à les de grille de deux lignes sur deux colonnes. Les deux servir aujourd’hui pour peut-être y renoncer dans les lignes concernent la rentabilité actuelle des petits années à venir si nos prévisions de non-rentabilité épargnants (dans la première, on considère qu’ils sont confirmées par l’évolution future. Ainsi, dans ce sont rentables, et dans la seconde, qu’ils ne le sont cas de figure, nous continuons quand même à servir pas). Les deux colonnes concernent la rentabilité ce segment de façon inconditionnelle aujourd’hui. future des petits épargnants (dans la première, on considère qu’ils seront rentables, et dans la Concernant la seconde ligne, dans laquelle les seconde, qu’ils ne le seront pas). Les quatre cas sont petits épargnants ne sont pas rentables aujourd’hui, numérotés de 1 à 4. Nous ne nous attardons pas le cas 4 constitue une décision facile car les petits pour le moment sur la façon dont nous estimons la épargnants ne sont rentables ni maintenant, ni à rentabilité future : nous présenterons une approche l’avenir ; ainsi, le service aux petits épargnants n’est d’estimation possible plus loin dans cette section. pas commercialement justifié aujourd’hui. Le cas 3 est celui qui offre le vecteur de rentabilité supplémentaire Les quatre cases numérotées de la figure 1 justifiant le service aux petits épargnants aujourd’hui, répondent à la question suivante : devons-nous à condition que les bénéfices futurs soient suffisants servir les petits épargnants aujourd’hui, sur la pour compenser les pertes actuelles25. base des informations dont nous disposons actuellement et d’un point de vue strictement Nous concluons qu’une analyse pluriannuelle commercial (de rentabilité) ? Dans trois des quatre fournit une réelle justification supplémentaire au cas, la réponse est soit un oui inconditionnel (cas service aux petits épargnants à l’heure actuelle 1 et 2) soit un oui conditionnel (cas 3) ; dans le car (i) nous continuons à les servir s’il s’avère qu’ils dernier cas (cas 4), la réponse est clairement non. sont rentables aujourd’hui (quelle que soit leur rentabilité future), tout comme nous continuons à Pour expliquer la logique qui sous-tend ces réponses, le faire dans le cas d’une analyse annuelle portant commençons par examiner la première ligne (cas 1 uniquement sur les bénéfices actuels, mais (ii) et 2). Une étude de rentabilité de l’année en cours nous pouvons également continuer à les servir s’ils (comme celle présentée dans le tableau 3) conclut s’avèrent non rentables actuellement, à condition à la rentabilité des petits épargnants. Dans le cas 1, que les projections de bénéfices futurs le justifient. 25 Le document complémentaire à paraître sur la méthodologie exposera les critères servant à déterminer si les probables bénéfices futurs sont « suffisants » pour compenser les pertes actuelles. 21 Dans le reste de cette section, nous allons expliquer laissant chaque client dans le groupe auquel comment analyser la rentabilité future des petits il appartenait initialement, quel qu’ait été son épargnants à partir de données pluriannuelles. comportement après le 31 décembre 2006 (qu’il Nous discuterons ensuite de la possibilité de ait commencé à emprunter, arrêté d’emprunter, généraliser nos résultats à d’autres IMF. ouvert un compte d’épargne ou fermé un compte d’épargne). Ce type d’étude est appelé « analyse L’analyse de cohorte d’ADOPEM de cohorte », une cohorte étant un groupe fixe et son interprétation d’individus dont on suit l’évolution dans le temps. À l’époque ou nous avons mené cette étude, les Les données des cohortes d’ADOPEM sont données nécessaires pour calculer la rentabilité présentées dans le tableau 5. La principale des petits épargnants étaient disponibles pour conclusion que nous avons tirée de l’analyse toute l’année 2008, mais pas pour 2009 et plus des cohortes est que, étant donné que la taille tard. Pour tenter de comprendre comment la moyenne des comptes d’épargne et des prêts rentabilité des petits épargnants pourrait évoluer des petits épargnants d’ADOPEM s’est accrue dans ces années à venir, nous avons analysé les rapidement au cours de la période d’étude, données du passé récent et avons recherché leur rentabilité a considérablement progressé les tendances de certains indicateurs clés de la sur cette période. De plus, comme nous le rentabilité des petits épargnants jusqu’à l’année verrons à la fin de cette section, nous avons de 2008 incluse. Comme les données disponibles bonnes raisons de croire que des tendances pour Centenary ne nous permettaient pas de similaires (quoique peut-être plus modérées) procéder à une analyse pluriannuelle satisfaisante, d’augmentation des volumes et de la rentabilité nous présentons uniquement le cas d’ADOPEM. pourraient se vérifier pour les petits épargnants de nombreuses IMF. Ainsi, le dernier vecteur de L’historique de mobilisation de l’épargne à rentabilité pourrait avoir une réelle signification grande échelle d’ADOPEM est relativement dans la pratique. D’un autre côté, notre analyse récent. Par conséquent, nous avons fait débuter de cohorte couvre seulement trois points annuels notre analyse pluriannuelle à la fin de l’année de données (intervalle de deux ans), soit une 2006, en divisant la base de clientèle existante série chronologique malheureusement assez à cette date en trois groupes26. Le 31 décembre brève. De même, notre analyse est fondée sur 2006, 31 192 clients avaient un crédit mais des indicateurs de rentabilité, et non sur un pas de compte d’épargne : se sont les « purs calcul complet des bénéfices, encore que les emprunteurs ». Les 23 980 clients restants avaient tendances de ces indicateurs soient si fortes qu’il tous un compte d’épargne au 31 décembre semble assez probable que la cohorte des petits 2006 (avec ou sans crédit). Nous avons divisé épargnants d’ADOPEM ait connu une réelle les épargnants en deux groupes égaux de hausse de rentabilité sur cette période. 11 990 clients, les petits épargnants présentant les soldes quotidiens moyens d’épargne les Pour expliquer comment nous sommes arrivés à plus faibles au cours de l’année 2006, et les ces conclusions, nous renvoyons aux données du grands épargnants, les soldes les plus élevés. tableau 5, concernant les comptes d’épargne des Ainsi, pour distinguer entre les petits et les petits épargnants puis leurs crédits. grands épargnants, nous avons utilisé la même procédure que dans notre analyse de rentabilité De la même façon que, nous l’avons vu plus haut, principale pour l’année 2008. Nous avons ensuite les petits épargnants ne sont pas toujours des suivi ces trois groupes de clients sur deux ans petits emprunteurs, nous constatons ici que les (de fin 2006 à fin 2007, puis à fin 2008), en petits épargnants d’aujourd’hui ne resteront pas 26 Si nous avions commencé l’analyse à la fin de l’année 2005, nous aurions pu analyser le comportement de seulement 8800 épargnants au total, contre près de 24 000 à la fin de l’année 2006. ADOPEM a commencé à mobiliser les dépôts d’épargne à la fin de l’année 2004. 22 Tableau 5 – Analyse des cohortes d’ADOPEM, de fin 2006 à fin 2008 11 990 CLIENTS QUI ÉTAIENT DE PETITS ÉPARGNANTS LE 31 DÉCEMBRE 2006 Variation procentuelle totale entre le 31/12/06 et 31/12/06 31/12/07 31/12/08 le 31/12/08 Comptes d’épargne Nombre de comptes d’épargne 11 752 11 246 9 511 –19,1 % Solde moyen (USD) 5,81 8,88 11,91 105,0 % Solde total (USD) 68 294 100 825 114 535 67,7 % Crédits Nombre de crédits 9 606 7 087 5 468 –43,1 % Encours moyen (USD) 444 631 814 83,4 % Encours total (millions d’USD) 4,26 4,47 4,45 4,4 % 11 990 CLIENTS QUI ÉTAIENT DE GRANDS ÉPARGNANTS LE 31 DÉCEMBRE 2006 Variation procentuelle totale entre le 31/12/06 et 31/12/06 31/12/07 31/12/08 le 31/12/08 Comptes d’épargne Nombre de comptes d’épargne 12 064 11 942 11 401 –5,5 % Solde moyen (USD) 45,09 42,47 44,74 –0,8 % Solde total (USD) 543 992 507 218 510 092 –6,2 % Crédits Nombre de crédits 9 597 7 597 6 193 –35,5 % Encours moyen (USD) 655 890 1 102 68,2 % Encours total (millions d’USD) 6,29 6,76 6,82 8,5 % 31 192 CLIENTS QUI ÉTAIENT DE PURS EMPRUNTEURS LE 31 DÉCEMBRE 2006 Variation procentuelle totale entre le 31/12/06 et 31/12/06 31/12/07 31/12/08 le 31/12/08 Comptes d’épargne Nombre de comptes d’épargne 0 10 022 13 250 - Solde moyen (USD) 0 20,90 20,86 - Solde total (USD) 0 209 434 276 334 - Crédits Nombre de crédits 31 200 19 617 13 698 –56,1 % Encours moyen (USD) 521 743 937 79,8 % Encours total (millions d’USD) 16,25 14,58 12,83 –21,1 % Source : ADOPEM. nécessairement des petits épargnants demain. En combinaison de cette baisse de 19 % du nombre regardant les trois lignes de données du tableau de comptes et de l’augmentation de 68 % du 5, on constate que, si le nombre de comptes solde total entraîne presque certainement une d’épargne des petits épargnants a baissé de hausse des bénéfices générés par la cohorte 19 % au cours des deux années analysées, la taille des petits épargnants27. En fait, même si le moyenne des comptes restants a augmenté de solde d’épargne total des petits épargnants 105 %. Cela représente un accroissement de 68 % était resté inchangé, les bénéfices générés par du solde d’épargne total des petits épargnants. La ces clients auraient quand même probablement 27 Cette hypothèse est valable à condition que toutes les variables autres que celles présentées dans le tableau 5 restent constantes. Cette condition ne serait pas remplie, par exemple, si une croissance rapide du nombre de transactions par compte entraînait une hausse des charges d’exploitation en dépit de la baisse du nombre de comptes. 23 augmenté, car la baisse de 19 % du nombre de augmentent suffisamment pour compenser les comptes d’épargne aurait très certainement effets de la baisse du nombre de comptes et de réduit le nombre de transactions par compte, prêts, empêchant ainsi le solde d’épargne total et et ainsi les charges d’exploitation afférentes l’encours total de crédits de baisser, les bénéfices aux comptes d’épargne. Dans le même temps, générés par les petits épargnants ont tendance à les comptes d’épargne des petits épargnants augmenter28. Dans le cas d’ADOPEM, les soldes auraient continué à produire le même volume de moyens d’épargne et de crédit ont augmenté fonds mobilisables pour les activités de crédit, plus que suffisamment, en particulier les soldes permettant à ADOPEM de générer les mêmes d’épargne, augmentant encore davantage les bénéfices en octroyant des crédits avec ces fonds. bénéfices pour ce segment de clientèle. Si l’on ajoute cela à la réduction des charges d’exploitation sur les comptes d’épargne (due à Pour mieux comprendre cette hausse rapide des la baisse de 19 % du nombre de comptes), nous volumes moyens d’épargne et de crédit chez pouvons être sûrs que les bénéfices provenant ADOPEM, et donc être en mesure de généraliser des petits épargnants auraient augmenté. Les ces résultats à d’autres IMF, examinons deux bénéfices seraient très probablement encore plus caractéristiques des deux autres groupes de clients élevés avec une hausse de 68 % du solde total dans le tableau 5, à savoir les grands épargnants et d’épargne des petits épargnants (qu’avec une les purs emprunteurs. Tout d’abord, par contraste stagnation). En dehors des charges d’exploitation avec la croissance notable des soldes d’épargne (dont nous avons déjà tenu compte), le seul autre des petits épargnants, ceux des grands épargnants coût payé par ADOPEM pour ces fonds est celui sont plus ou moins stagnants (baisse de 1 % sur la des intérêts versés sur les dépôts. Comme nous période de deux ans). Ensuite, l’encours moyen de l’avons vu plus haut, les taux d’intérêt appliqués crédits des trois cohortes a augmenté rapidement aux comptes d’épargne sont généralement très entre 2006 et 2008. faibles, ce qui permet à ADOPEM de financer ses fonds de crédits à très bas coût. Les bénéfices Que signifie cette hausse rapide de l’encours générés par les activités de crédit d’ADOPEM moyen de crédits dans les trois groupes ? Cela doivent donc nécessairement augmenter du fait s’explique au moins partiellement par le système de la disponibilité de ces fonds supplémentaires de crédit progressif d’ADOPEM. Selon ce sous formes de dépôts d’épargne. système très répandu dans les IMF, les nouveaux emprunteurs commencent avec des petits prêts Les trois lignes suivantes du tableau 5 montrent et passent progressivement à des montants plus que les crédits aux petits épargnants deviennent élevés à condition que les prêts précédents aient eux aussi sensiblement plus rentables avec le été correctement remboursés. temps. En effet, le volume global augmente légèrement (4 %), ce qui suggère une légère Sur le versant de l’épargne, nous pensons qu’au hausse des produits d’intérêts, tandis que le moins deux facteurs expliquent la hausse des soldes nombre de prêts décroît nettement (43 %), ce qui moyens des petits épargnants et la stagnation réduit considérablement les charges d’exploitation des soldes moyens des grands épargnants : la afférentes aux prêts des petits épargnants. Là proportion importante de nouveaux épargnants et encore, la croissance rapide de la taille moyenne le phénomène dit de retour à la moyenne. (des prêts cette fois-ci) surpasse la tendance favorable de rentabilité. Pour comprendre l’importance des nouveaux épargnants, rappelons qu’il est généralement Nous en concluons que, tant que les soldes moyens admis que les facteurs influant le plus sur le choix d’épargne et de crédit des petits épargnants d’une institution d’épargne sont, en premier lieu, 28 En fait, même si la hausse des soldes moyens n’était pas suffisante, les bénéfices provenant des petits épargnants seraient quand même susceptibles d’augmenter. Par exemple, la baisse de 43 % du nombre de crédits à ces clients chez ADOPEM a très probablement permis des économies substantielles de charges d’exploitation. Même si l’encours total de crédits aux petits épargnants avait légèrement baissé, réduisant quelque peu les produits d’intérêts, les bénéfices auraient quand même augmenté car la réduction des charges aurait surcompensé la perte de produits. 24 la sécurité des dépôts, suivi par la commodité d’épargne des grands épargnants aura tendance à (facilité de dépôt et de retrait)29. Comme ADOPEM baisser avec le temps. ne mobilise des dépôts que depuis la fin de l’année 2004, et que le nombre d’épargnants s’est accru Observons à présent l’effet combiné de ces deux rapidement à partir de cette date, les nouveaux facteurs. Dans la cohorte des petits épargnants, épargnants étaient très certainement nombreux les deux facteurs agissent dans la même direction, dans les deux groupes d’épargnants (petits tirant vers le haut le solde d’épargne moyen. Cela et grands) à la fin de l’année 2006, lorsque ces peut expliquer, du moins en partie, la hausse rapide cohortes ont été établies (de façon certes assez du solde moyen d’épargne des petits épargnants arbitraire, les nouveaux épargnants sont définis chez ADOPEM. Dans le cas de la cohorte des grands comme les épargnants ayant ouvert un compte épargnants, les deux facteurs agissent dans des au cours des six ou 12 derniers mois). Comme les directions opposées et s’annulent mutuellement. nouveaux clients maintiennent généralement leurs Cela peut expliquer en partie la stabilité du solde dépôts tant que le service est de qualité, ce qui d’épargne moyen de cette cohorte. est le cas chez ADOPEM, ils sont de plus en plus rassurés concernant la sécurité de leurs dépôts et Ces trois arguments (un pour le crédit et deux pour la commodité d’accès, et ont tendance à déposer l’épargne) peuvent probablement s’appliquer à de de plus en plus. Par conséquent, dans une analyse nombreuses autres IMF car : de cohorte, le solde moyen de dépôt a tendance à augmenter dans le temps tant pour les petits que • le système de crédit progressif est très pour les grands épargnants30. répandu dans les IMF ; • la microfinance est un secteur de croissance Quant au retour à la moyenne, il s’agit d’un rapide. De plus, les activités d’épargne étant phénomène observé pour de nombreuses variables plus récentes que les activités de crédit en économiques, y compris l’épargne des ménages. microfinance, ce secteur a tendance à croître L’idée est qu’une variable qui est extrême lors encore plus rapidement avec la pénétration de d’une première mesure tend à se rapprocher de nouveaux marchés et l’acquisition rapide de la moyenne lors des mesures ultérieures. Ceci nouveaux clients. Par conséquent, à tout point s’explique par le fait que les valeurs extrêmes dans le temps, la proportion de nouveaux sont souvent dues, au moins en partie, à des clients d’épargne dans la base de clientèle effets de transition. Par exemple, un niveau très d’une IMF est souvent particulièrement élevée ; bas d’épargne dans un ménage peut traduire • le phénomène de retour à la moyenne des revenus inhabituellement bas de l’entreprise est un phénomène reconnu et généralisé, familiale, une perte d’emploi, un poste de dépenses et l’épargne des ménages en constitue inhabituellement élevé (par exemple des frais l’illustration classique. Nous en concluons que médicaux) ou d’autres chocs négatifs. Un niveau des forces générales conséquentes tendent très élevé d’épargne peut être dû à un succès à faire augmenter les soldes d’épargne et exceptionnel dans les affaires ou dans le contrôle les encours de crédit des cohortes de petits des dépenses du ménage. Revenons à ADOPEM : épargnants dans le temps. Cela signifie que, du fait de ce phénomène, on peut s’attendre à une même si les petits épargnants ne sont pas tendance à la hausse du solde d’épargne moyen rentables à l’heure actuelle, ils pourraient le dans le temps dans la cohorte des petits épargnants devenir à l’avenir. Cela constitue un dernier car il est probable que les faibles soldes initiaux dans argument pour affirmer que le service aux ce groupe soient dû à des phénomènes inhabituels petits épargnants est justifié, même d’un et transitoires. De la même façon, le solde moyen point de vue purement commercial. 29 Voir par exemple Branch (2002) et Deshpande (2006). 30 Cela peut être considéré comme une inversion du phénomène de crédit progressif : les clients déposent davantage à mesure que leur confiance dans l’IMF se renforce. 25 Deshpande R. et Glisovic-Mezieres J., The  True  Bibliographie Cost  of  Deposit  Mobilization, Washington, D.C.: CGAP, 2007, http://www.cgap.org/gm/ ADOPEM, Memoria Anual (Rapport annuel), Saint- document-1.9.2117/45789_file_THE_TRUE_ Domingue : ADOPEM, 2008, www.BancoAdopem. 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Deshpande R., Offrir  aux  pauvres  des  services  d’épargne  sûrs  et  accessibles  dans  le  système  financier  formel, Note Focus 37, Washington, D.C. : CGAP, 2006. N° 18 Septembre 2010 N’hésitez pas à partager cette Étude spéciale avec vos collègues ou à nous demander des exemplaires supplémentaires du présent numéro ou d’autres numéros de la série. Les lecteurs sont invités à faire part de leurs commentaires sur cette étude au CGAP. Toutes les Cette étude spéciale a été rédigée par Glenn D. Westley James Matovu, Deo Ilungole, Charles Onen, Betty Matovu, publications du CGAP et Xavier Martín Palomas du CGAP. Les auteurs tiennent Nelson Ogua, Bob Mayeku et Kellen Ssali de Centenary. sont disponibles à remercier tous ceux qui, chez ADOPEM et Centenary Ils souhaitent également remercier Henry Sempangi sur son site web à l’adresse : www.cgap. Bank, les ont accueillis dans leurs institutions et leurs et Samson Odele de Microsave Ouganda pour leur org. ont généreusement fourni les données et informations excellent travail de sélection aléatoire de sites dans tout nécessaires à la préparation de cette étude. Sans pouvoir le pays aux fins de l’enquête sur les utilisateurs de guichets CGAP les citer tous, ils remercient en particulier Mercedes automatiques en Ouganda. Bien d’autres personnes ont 1818 H Street, NW Canalda de Beras-Goico, Mercedes Pimental de Canalda, contribué à cette étude par leurs idées et leur assistance, MSN P3-300 Eva Carvajal, Sonia Reyes, Fernando Pérez, Juan Francisco notamment Julie Abrams, Anita Campion, David Cracknell, Terrero, Gloria Román, Eddy Santana, María Estela Jennifer Isern, Gautam Ivatury, Ignacio Mas, Kate McKee, Washington, DC Terrero, Ivan Moquete, Hector Almanzar, Olga Araujo, Mark Pickens, Beth Rhyne, Marguerite Robinson, Evelyn 20433 EE. UU. Cecilia Ramón, Quisqueya Domínguez, Blanca Español, Stark, Blaine Stephens et Victoria White. Enfin, les auteurs Tél: 202-473-9594 Wilson Peña et Rosa de León d’ADOPEM ainsi que Simon remercient Alexia Latortue, Kate McKee, Rich Rosenberg, Fax: 202-522-3744 Kagugube, Joseph Kimbowa, Joseph Lutwama, George Mark Schreiner et Jeanette Thomas pour leurs précieux E-mail : Thogo, Philip Irama, Jennifer Kaggwa, Katimbo Mugwanya, commentaires sur une version préliminaire du document, cgap@worldbank.org Peninah Kasule, Andrew Ssemaganda, Francis Ogwang, ainsi qu’Anna Nunan pour l’édition compétente de la © CGAP, 2010 Fred Mukwanga, Catherine Jamwa, Charles Kabanda, version finale. Merci enfin à la Fondation Bill & Melinda Patrick Woyaga, Expedito Kalyango, Dennis Echeru, Gates, qui a en partie financé cette étude. Dominic Lagom, Noel Rutebemberwa, Robinah Isakwa, Recommandation pour la citation du présent document : Westley G. D. et Palomas X. M., Quels sont les arguments commerciaux en faveur du service aux petits épargnants ?, Étude spéciale n° 18, Washington, D.C. : CGAP, septembre 2010.